Passer au contenu
Début du contenu

INAN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires autochtones et du Nord


NUMÉRO 115 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 17 juin 2024

[Enregistrement électronique]

  (1105)  

[Traduction]

    Bienvenue à la 115 e réunion du Comité permanent des affaires autochtones et du Nord de la Chambre des communes. Je tiens d'abord à souligner que nous nous réunissons sur les territoires ancestraux et non cédés des peuples algonquins anishinabes et, comme toujours, à exprimer notre gratitude de pouvoir faire le travail important de notre comité sur les terres dont ils s'occupent depuis des temps immémoriaux.
    Conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 5 juin 2024, le Comité reprend l'étude du projet de loi C‑61, Loi concernant l'eau, les sources d'eau, l'eau potable, les eaux usées et les infrastructures connexes sur les terres des Premières Nations.
    Avant de commencer, j'aimerais demander à tous les députés et aux autres participants dans la salle de consulter les cartes sur la table pour connaître les lignes directrices visant à prévenir les incidents de retours de son. Veuillez prendre note des mesures préventives suivantes qui sont en place pour protéger la santé et la sécurité de tous les participants, y compris les interprètes. Utilisez seulement une oreillette noire approuvée. Les oreillettes grises ne doivent plus être utilisées. Gardez votre oreillette loin de tous les microphones en tout temps, et lorsque vous ne l'utilisez pas, veuillez la placer face vers le bas sur l'autocollant placé sur la table à cette fin. Je vous remercie tous de votre collaboration.
    La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride. Conformément à la motion de régie interne du Comité concernant les tests de connexion pour les témoins, j'informe le Comité que tous les témoins ont effectué les tests de connexion requis avant la réunion.
    Sur ce, j'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins. Nous accueillons, par vidéoconférence, Mme Merrell-Ann Phare. Nous recevons dans la salle le chef Lance Haymond, de l'Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador, et le chef Sheldon Sunshine, de la Nation des Cris du lac Sturgeon.
    Merci à tous d'être ici aujourd'hui. Vous disposerez d'un maximum de cinq minutes pour faire votre déclaration préliminaire, après quoi nous passerons aux séries de questions. Je me laisse peut-être envahir par la fièvre de la Coupe Euro, mais je vais utiliser ce carton jaune lorsqu'il vous restera 30 secondes. J'utiliserai ensuite un carton rouge lorsque le temps sera écoulé.
    Sur ce, je vous souhaite la bienvenue. Nous allons commencer par Mme Merrell-Ann Phare.
    Je vous invite à faire une déclaration préliminaire d'un maximum de cinq minutes.
    Je m'appelle Merrell-Ann Phare et je suis conseillère juridique de l'Assemblée des Premières Nations, ou APN, en matière d'eau potable. Je travaille sur ces questions depuis le groupe d'experts sur la salubrité de l'eau potable en 2006, et je suis actuellement membre de son équipe de codéveloppement. Le groupe d'experts comparaîtra séparément, et je suis donc ici à titre personnel.
    Je veux que vous sachiez que, à mon avis, le projet de loi est une grande amélioration par rapport au texte de loi précédent qui a été abrogé et, bien sûr, par rapport à la situation qui existait auparavant, soit une absence de réglementation sans aucune loi.
    D'autres témoins vous ont parlé de certains de ses principaux aspects positifs, comme l'affirmation du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale par rapport à l'eau et aux sources d'eau. Le projet de loi pourrait changer complètement la donne quant à la prise de décisions sur le financement au moyen d'un cadre de financement. Il prévoit des améliorations aux normes de qualité et de quantité d'eau potable et sur le plan des eaux usées. Le projet de loi prévoit un début de processus d'appui à la création d'organisations de Premières Nations régissant l'eau. De plus, de façon générale, il est beaucoup question de collaboration tout au long du projet de loi — l'expression est « en consultation et en collaboration » —, et c'est un aspect positif pour établir des relations.
    Il faut savoir que tous ces changements — et il y en a bien d'autres dans le projet de loi que vous connaissez — sont absolument nécessaires, et qu'ils ont été négociés par l'APN et d'autres. Il y a eu beaucoup de commentaires, comme vous l'avez entendu, dans le cadre d'un processus d'élaboration conjointe. Le processus n'était pas parfait, et il pourrait être amélioré de nombreuses façons. J'espère qu'il sera amélioré au fil du temps, mais c'est ainsi qu'il a été élaboré jusqu'à présent, et je suis donc tout à fait d'accord pour dire que le projet de loi ne doit pas être affaibli par des changements aux dispositions actuelles.
    Je voulais toutefois souligner une chose. Vers la fin du processus d'élaboration conjointe, alors que le projet de loi était sur le point d'être présenté à la Chambre, certaines dispositions ont été ajoutées sans que l'APN ait un rôle à jouer. Je voulais donc parler de ces dispositions, car elles pourraient être améliorées à certains égards, et elles sont importantes. Encore une fois, je ne pense pas qu'il y ait de circonstances qui justifieraient d'affaiblir ce projet de loi ou d'affaiblir ou de supprimer ses articles, mais il y a certainement des façons d'améliorer le texte.
    En voici trois.
    Premièrement, il est absolument formidable que le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale sur l'eau et les sources d'eau soit reconnu; cette affirmation se faisait attendre depuis longtemps. Cependant, le droit est actuellement reconnu, à l'extérieur des réserves, seulement dans une zone de protection rattachée ou adjacente à la réserve. Aucune raison juridique ne le justifie. Une source d'eau est une source d'eau; l'eau, c'est de l'eau. S'il s'agit d'eau, des droits ancestraux la visent. Ces droits ont clairement été reconnus, et il n'est pas nécessaire que l'eau soit adjacente. Sur le plan juridique, il n'y a aucune raison qui le justifie.
    L'idée est qu'une entente fédérale-provinciale-territoriale est nécessaire pour que les Premières Nations puissent exercer leur droit à l'extérieur des réserves, et encore une fois, cela est conforme à la politique fédérale sur les droits inhérents. Je comprends cette réalité, mais ce n'est pas vraiment logique en ce qui concerne l'eau. En matière d'eau, tous les gouvernements doivent être à la table et négocier la façon dont leurs administrations collaboreront. Aucun autre gouvernement ne devrait intervenir pour que les Premières Nations puissent prendre des décisions. Il devrait revenir aux Premières Nations de décider quand elles estiment devoir travailler avec d'autres gouvernements, tout comme le font les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. C'est exactement la nature de la relation à l'heure actuelle, et les Premières Nations ne devraient pas être traitées différemment des autres administrations.
    La deuxième amélioration possible concerne l'obligation du ministre. À l'heure actuelle, la loi n'énonce pas explicitement que le ministre doit fournir de l'eau qui respecte les normes relatives à la qualité, à la quantité et aux effluents d'eaux usées. La norme actuelle se trouve dans une disposition énonçant le devoir de faire de son mieux, et elle ne porte que sur la qualité de l'eau. Ce libellé a été ajouté après coup, et je pense que vous pouvez voir le problème que cela pose. Il y a longtemps que cette obligation ne devrait plus être optionnelle, ou qu'il ne suffit plus de faire de notre mieux. Un ministre pourrait ne pas s'acquitter de ces trois responsabilités seulement si la Première Nation a choisi d'exercer sa compétence en la matière. Si ce n'est pas le cas, le ministre devrait depuis longtemps — depuis la colonisation — être tenu de fournir de l'eau potable, des quantités d'eau adéquates et un traitement des effluents des eaux usées.
    La dernière amélioration a trait au cadre de financement. Vous verrez que le projet de loi contient un article prévoyant que les Premières Nations travailleront avec le gouvernement du Canada à l'élaboration d'un cadre de financement. Il permettra d'évaluer les besoins, mais il établira aussi le mécanisme de prise de décisions et de leur mise en œuvre, ce qui changera la donne. Les Premières Nations collaboreront avec le Canada pour établir la portée des besoins et le mécanisme de prise de décisions. N'oubliez pas que le Canada participe à cette conversation...

  (1110)  

    Je suis désolé, madame Phare. Je vais devoir vous demander de conclure rapidement.
    D'accord.
    Mon argument est qu'une disposition énonçant que le gouvernement doit faire de son mieux ne suffit pas pour que le gouvernement fédéral fournisse du financement. De plus, le Canada doit s'engager pleinement après avoir participé à l'élaboration du cadre de financement.
    Merci.
    Merci beaucoup, madame Phare. Je suis certain que les membres du Comité auront des questions à vous poser sur les points que vous avez soulevés.
    Sur ce, je cède la parole au chef Lance Haymond, de l'Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador, qui dispose d'un maximum de cinq minutes pour sa déclaration préliminaire.
    Je m'appelle Lance Haymond. Je suis actuellement le chef de la communauté algonquine de Kebaowek, mais je suis ici aujourd'hui à titre de représentant de l'Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador, où je suis responsable du portefeuille du logement, de l'infrastructure et de l'eau.
    Comme cela a été mentionné, j'aimerais reconnaître que nous sommes sur notre territoire ancestral et souhaiter la bienvenue à tous. Comme je l'ai mentionné à plusieurs reprises, il est toujours bon de vous voir mener vos travaux, et nous vous sommes reconnaissants de votre présence afin d'avoir cette occasion.
    Je vous remercie de me donner l'occasion de présenter le point de vue de l'APNQL au sujet du projet de loi C‑61.
    Je participe à ce processus depuis 2009, lorsque la région du Québec a tenu sa première séance de consultation sur l'eau avant la présentation du projet de loi S‑11, qui est finalement mort au Feuilleton en raison du déclenchement d'une élection. J'étais également là lorsque le projet de loi S‑8 a reçu la sanction royale, en 2013, pour ensuite être abrogé en 2022. Le Canada s'est alors engagé à l'élaboration conjointe d'une nouvelle mesure législative, et nous discutons actuellement du projet de loi C‑61.
    J'ai entendu beaucoup de critiques sur ce projet de loi, sur ce qu'il ne contient pas et ce qui manque, mais critiquer le projet de loi porte ombrage aux importants progrès que nous avons réalisés depuis sa première ébauche, et encore plus au travail acharné, aux sacrifices et à l'importante contribution de l'équipe du Secteur de l'eau de l'Assemblée des Premières Nations pour ce projet de loi. Je pense à l'ancien directeur Irving Leblanc, à Kerry Black, à Mme Phare, qui vient de faire une déclaration, à l'avocat général Stuart Wuttke, à Ogimaa Kwe Linda Debassige, à l'ancien chef Phil Fontaine, et à nos techniciens et coordonnateurs régionaux de l'eau, qui ont joué un rôle déterminant dans l'obtention d'importants changements et ajouts au projet de loi avant son dépôt.
    Nous sommes prompts à critiquer, parce que c'est facile, mais je crois qu'il faut rendre à César ce qui appartient à César. Je tiens à remercier la ministre Hajdu d'avoir déposé cet important projet de loi, et je remercie son équipe d'avoir travaillé avec l'Assemblée des Premières Nations et tous les intervenants pour en arriver là.
    Il n'y aura jamais de projet de loi parfait, mais la version actuelle est très loin de la version initiale. Je crois maintenant que nous avons l'occasion de remédier aux lacunes, dont certaines ont été mentionnées par Mme Phare. Nos chefs du Québec ne s'opposent pas à l'adoption du projet de loi C‑61 et au cadre réglementaire éventuel.
    Nous avions et nous avons toujours des préoccupations quant au sujet du processus. Je suis là depuis longtemps. Je peux donc dire que les tentatives précédentes — qu'il s'agisse du projet de loi S‑11 ou du projet de loi S‑8 — ont souvent été caractérisées par un manque de consultation auprès des Premières Nations. L'absence d'une véritable élaboration conjointe a certainement été une importante préoccupation pour les chefs de partout au pays concernant l'élaboration du projet de loi C‑61.
    En outre, au Québec, nous avons été désavantagés, il y a un an — en février 2023. En effet, nous avions organisé une séance de consultation le 15 février, mais nous n'avons pas pu parler du projet de loi, qui a seulement été déposé officiellement le 17. Imaginez la situation: le technicien et le coordonnateur de l'eau et moi avions signé une entente de confidentialité, mais lors de la séance que nous avons tenue avec plus d'une centaine de participants, nous ne pouvions pas parler du contenu du projet de loi, puisqu'il n'avait pas encore été déposé officiellement.
    Nous avons parcouru un long chemin depuis ces premières embûches. Comme je l'ai mentionné, nous sommes maintenant favorables au projet de loi C‑61.
    Quant au projet de loi lui-même, même s'il n'a pas été élaboré conjointement comme prévu, le libellé a quand même évolué par rapport aux versions antérieures. C'est la première fois que je vois notre contribution être prise en compte dans son intégralité sur certains points, et le gouvernement va plus loin que prévu pour d'autres. Malgré un processus inadéquat, nous avons tout de même progressé par rapport aux principales lacunes, à savoir les droits inhérents, le financement, la gouvernance, les normes, les sources d'eau transfrontalières et l'immunité.
    Par exemple, on y mentionne maintenant l'existence du droit inhérent des Premières Nations à l'autonomie gouvernementale. Le concept de consentement préalable, libre et éclairé a été ajouté à la section sur les principes. Il y a d'importants ajouts relativement aux obligations du gouvernement, comme l'obligation de faire de son mieux pour fournir du financement « adéquat, prévisible, stable, durable et fondé sur les besoins ».
    Concernant les eaux transfrontalières, il existe un mécanisme de collaboration hors réserve pour les questions de compétence provinciale, fédérale et des Premières Nations. Il y a aussi des dispositions supplémentaires sur l'immunité des employés des Premières Nations.

  (1115)  

    Ce sont quelques exemples des progrès réalisés, mais d'importants enjeux demeurent. Des étapes importantes nous attendent, et nous sommes très préoccupés par les erreurs du passé. La question d'une véritable élaboration conjointe demeure une importante préoccupation alors que nous franchissons d'importantes étapes vers la mise en œuvre du projet de loi C‑61...
    Chef Haymond, je dois malheureusement vous demander de terminer cette réflexion, s'il vous plaît.
    Je parle notamment de l'élaboration du cadre de financement et du cadre réglementaire.
    Merci.
    Merci beaucoup, chef Haymond.
    Nous donnons maintenant la parole au chef Sheldon Sunshine, de la Nation crie de Sturgeon Lake.
    Vous avez cinq minutes pour votre déclaration préliminaire.
    Merci, monsieur le président.
     Tansi. Honorables députés, je m'appelle Sheldon Sunshine. Je suis le chef de la Nation crie de Sturgeon Lake sur le territoire visé par le Traité no 8.
    Je vous remercie de m'avoir invité à parler du projet de loi C‑61.
    Avant de commencer, je tiens à souligner que je prends la parole sur les terres non cédées du peuple algonquin.
    La Nation crie de Sturgeon Lake compte plus de 3 800 membres. Nous sommes l'une des plus grandes Premières Nations du territoire visé par le Traité no 8. Nos ancêtres ont conclu le Traité no 8 en 1899 avec la Couronne impériale. À l'époque, jusqu'en 1905, l'Alberta n'était pas une province, et notre peuple ne croyait pas que nous devrions un jour traiter avec une province. Notre traité est un pacte sacré, international et de nation à nation qui établit les fondements juridiques de ce pays.
    Depuis des temps immémoriaux, notre territoire est entouré d'eau. Nous dépendons des rivières Smoky et Iosegun, et des lacs Goose et Sturgeon. La rivière Smoky prend sa source dans les Rocheuses, près de Jasper, puis alimente la rivière de la Paix, une rivière navigable sous le régime des lois fédérales. Notre peuple dépend de ces eaux pour sa subsistance; nous y pêchons le poisson et y chassons le gros gibier. Nos terres abritent des espèces en voie de disparition comme l'omble à tête plate et le caribou des bois.
    Notre territoire est situé dans la partie nord-ouest de ce qui s'appelle maintenant l'Alberta. De nombreux secteurs de notre territoire sont maintenant industrialisés et entourés d'exploitations minières, à Grande Cache, d'exploitations forestières, près de Fox Creek, et de projets pétroliers et gaziers conventionnels, y compris des puits abandonnés et orphelins. Tout ce développement se fait à proximité, sur ou dans les eaux dont nous dépendons pour maintenir notre mode de vie et notre subsistance et pour l'exercice de nos droits inhérents et issus de traités. Nous subissons des effets non atténués et cumulatifs sur notre territoire et dans nos eaux, ce qui constitue une violation du Traité n o 8.
    Avant de parler du projet de loi C‑61, j'aimerais vous parler de l'eau dans le contexte de notre traité. À l'époque du traité, nous étions une société matriarcale, et nos femmes étaient les gardiennes de l'eau. Elles n'ont pas participé aux négociations du traité, de sorte que la question de l'eau n'a pas été abordée. Notre eau n'a pas fait l'objet d'un traité. Pour nos ancêtres, comme pour nous aujourd'hui, l'eau n'était pas négociable.
    Depuis 1899, soit depuis la signature du traité, le gouvernement empiète sur notre compétence issue des traités relative à l'eau. Par exemple, dans son interprétation de la Constitution de 1867, la Couronne estime que la province a compétence sur l'eau, en se fondant sur des termes comme « ouvrages locaux » et « propriété », par exemple. Comme notre traité, ce n'est pas explicite. Contrairement à notre traité, cela n'a aucun sens. Par exemple, aucune loi ne comprend un régime de propriété de l'eau.
    Le projet de loi C‑61 est la dernière tentative d'empiéter sur notre compétence inhérente sur l'eau. Le gouvernement se sert d'une mesure législative pour déroger aux promesses — ses promesses — énoncées dans nos traités. Voilà le problème fondamental du projet de loi C‑61, et voilà pourquoi nous ne l'accepterons pas, même avec des amendements.
     Je tiens à dire haut et fort aujourd'hui que nous n'avons pas besoin d'une mesure législative pour reconnaître et confirmer notre traité. Nous avons besoin d'une instance et des pouvoirs nécessaires pour faire nos propres lois, ce qui exige, étant donné les répercussions de décennies de négligence, des gestes positifs de la part du gouvernement fédéral.
    Cependant, le projet de loi C‑61 ne fait pas qu'empiéter sur notre sphère de compétence. Il crée également un régime relatif à l'eau à deux vitesses dans lequel les Premières Nations continueront de se voir refuser le droit fondamental à l'eau, et transfère la responsabilité fédérale aux nations.
    Voici certains des problèmes les plus graves que nous avons constatés dans le projet de loi C‑61.
    Premièrement, le projet de loi ne reconnaît pas le droit fondamental à l'eau. Il ne comprend aucune garantie d'accès à de l'eau potable sûre, mais crée plutôt un ensemble distinct de règles pour les terres des Premières Nations. Lors du bris de la conduite principale d'alimentation en eau, la population de Calgary a récemment fait l'expérience de ce que nous vivons au quotidien. Nous avons encore des avis d'ébullition de l'eau et il nous faut une nouvelle usine de traitement de l'eau, mais le coût est estimé à environ 50 millions de dollars.
    Deuxièmement, ce projet de loi ne règle en rien le problème des milliards de litres d'eau qui sont prélevés de nos eaux en raison des permis d'allocation de l'eau accordés par la province, ce qui enfreint le Traité n o 8.
    Troisièmement, ce projet de loi ne contient rien qui protégera notre eau et nos droits issus de traités contre les menaces constantes de contamination. Par exemple, l'an dernier, la mine de charbon CST, près de Grand Cache, a déversé plus d'un million de litres d'eau toxique directement dans la rivière Smoky. Nous n'avons jamais été avisés. Cela se trouve à 200 kilomètres en amont de nous; c'est une situation semblable à celle des collectivités situées en aval du déversement et de l'infiltration de l'usine d'Imperial Oil, à Kearl. C'est un exemple. Le projet de loi C‑61 ne fera rien pour mettre fin à l'empoisonnement de notre eau et des poissons dont nous dépendons afin d'exercer nos droits inhérents et issus de traités.
    Quatrièmement, le projet de loi impose un cadre fédéral qui nous permet de créer nos propres lois, mais nous n'avons pas besoin d'une mesure législative pour le faire. En outre, aux termes du projet de loi, si nous n'adoptons pas nos propres lois, nous reviendrons par défaut sous le régime réglementaire fédéral, qui dépend du ministre en place. Ce n'est pas un modèle d'adhésion volontaire. Ce n'est pas de l'autonomie gouvernementale.

  (1120)  

    Cinquièmement, le projet de loi nous transférera des responsabilités fédérales, sans garantie de soutien financier. Le gouvernement fédéral a des responsabilités fiduciaires envers nous, et nous aurons besoin qu'ils s'acquittent de ces responsabilités. Nous n'avons pas besoin des tentatives du fédéral de nous accorder l'autonomie gouvernementale sans garantie de financement à cette fin. Nous serons tenus responsables de questions qui relèvent actuellement de la responsabilité fiduciaire du gouvernement fédéral à notre égard.
    En conclusion, monsieur le président, la Nation crie de Sturgeon Lake et le territoire visé par le Traité no 8 s'opposent fermement à ce projet de loi, car nous estimons qu'il porte grandement atteinte à nos compétences et à nos droits. Nous vous demandons de rejeter le projet de loi C‑61 dans son intégralité.
    Je vous remercie de votre temps.
    Merci beaucoup, chef Sunshine.
    Voilà qui conclut les déclarations préliminaires. Nous allons commencer notre première série de questions.
    C'est un tour de six minutes, en commençant par M. Melillo.
    La parole est à vous.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins de leur présence pour participer à cette importante discussion.
    Chef Sunshine, je vous remercie de vos commentaires. Je pense que vous vous êtes exprimé avec grande éloquence et fermeté dans votre déclaration préliminaire. J'aimerais vous poser quelques questions à ce sujet.
    Avant d'aborder certains points précis de votre déclaration, je dirais d'entrée de jeu que c'est une mesure législative que le gouvernement affirme avoir élaborée conjointement, mais un certain nombre de Premières Nations que nous avons entendues estiment ne pas avoir été consultées adéquatement. J'aimerais avoir votre point de vue à ce sujet et savoir ce que le gouvernement aurait pu faire différemment pour assurer un processus de consultation approprié.
    Merci.
    Je partage cet avis. La ministre Hajdu est allée à Edmonton, dans le territoire visé par le Traité no 6. J'ai exprimé les mêmes points de vue et préoccupations, à savoir que la Nation crie de Sturgeon Lake n'a pas été consultée adéquatement lors de l'élaboration du projet de loi. Je n'occupais pas les fonctions que j'occupe aujourd'hui.
    Étant donné tous les enjeux auxquels nos collectivités des Premières Nations sont confrontées, nous n'avons pas eu l'occasion d'approfondir vraiment la question jusqu'à maintenant. Voilà pourquoi je suis ici.
    Je comprends.
    Dans votre déclaration préliminaire, vous avez mentionné que divers règlements éventuels dépendront du bon vouloir du ministre. Vous avez dit que c'était une préoccupation, et cela me préoccupe aussi.
    C'est notamment le cas pour la définition des zones de protection prévue dans cette mesure législative. Un représentant du ministère de la Justice a comparu ici il n'y a pas si longtemps. Cela lui a pris quelques minutes, mais j'ai réussi à l'amener à admettre ce fait. Même si le projet de loi dit que le ministre est tenu de coopérer, il n'existe aucune caractéristique déterminante selon laquelle le ministre est tenu d'obtenir le consentement de la Première Nation — ni de la province ou du territoire qui a compétence, d'ailleurs — pour définir une zone de protection. Cela dépendra de la réglementation à venir.
    Pensez-vous, d'après ce que vous avez dit, que le ministre devrait avoir ce pouvoir, ou qu'il devrait plutôt avoir le consentement de la Première Nation avant de définir une zone de protection?
    J'ai la ferme conviction que le consentement des Premières Nations est nécessaire, comme je l'ai mentionné, avant de signer un traité. C'est une chose que le Canada a oubliée. On nous a mis dans une boîte, puis oubliés. Sans aborder ce concept trop en détail, je suis tout à fait d'accord pour dire que les Premières Nations devraient participer à ces décisions.

  (1125)  

    Je vous remercie de cette réponse.
    Vous avez dit que vous n'appuieriez pas ce projet de loi, même avec des amendements. Pourriez-vous en dire un peu plus à ce sujet?
    Divers problèmes ont été soulevés par rapport au projet de loi C‑61. Nous espérons pouvoir apporter des modifications et des correctifs. Vous maintenez que le projet de loi ne serait pas assez bon, même s'il était modifié. Ai‑je bien compris?
    Oui. C'est exact.
    Pourriez-vous expliquer pourquoi vous êtes de cet avis?
    Vous n'avez pas mâché vos mots. Je crois savoir que vous avez dit que ce projet de loi aurait préséance sur les promesses énoncées dans les traités. Pourriez-vous expliquer davantage ce que vous entendiez par là?
    Il y a quelques exemples.
    Nous n'avons pas besoin d'une loi pour mettre en oeuvre un traité. Nous avons besoin de la reconnaissance de la compétence issue de traités. Cela a déjà été fait dans la Loi constitutionnelle de 1982. Ce dont nous avons besoin, c'est ce que les tribunaux de la Colombie-Britannique et de l'Ontario, et même la Cour suprême, ont demandé. Nous avons besoin que le tribunal mette en œuvre les promesses de manière honorable et diligente. La mise en oeuvre de traités, cela ne signifie pas la création de mesures législatives néocoloniales comme le projet de loi C‑61, qui vise à nous dicter ce que nous devons faire.
    Merci.
    Vous avez mentionné certaines de ces préoccupations d'emblée.
    Je reviens à une autre citation de Rupert Meneen, de la Première Nation de Tallcree, qui vit également sur un territoire visé par le Traité n o 8. Il a déjà déclaré publiquement que le gouvernement s'était déchargé de la responsabilité des infrastructures d'approvisionnement en eau et de traitement des eaux usées avant d'entamer toute discussion sur le transfert de compétences.
    Partagez-vous l'avis du chef Meneen?
    Oui.
    Pouvez-vous nous en dire plus sur cette caractérisation et sur ce qu'il faudrait faire pour que le transfert se fasse adéquatement?
    Nous partageons cet avis pour nombre de défis auxquels notre Première Nation fait face — je parle uniquement au nom de ma Première Nation, car je suis chef de la Nation crie de Sturgeon Lake —, qu'il s'agisse de la colégislation, du développement des mesures en santé ou de l'eau. Cela concerne tous ces enjeux.
    J'estime que nous sommes désavantagés à tous points de vue. Vous savez, la capacité... J'ai mentionné dans mes remarques liminaires que nous avions besoin d'aide pour élaborer nos lois. Or, nous avons des lois depuis toujours. Avant le contact et que les Européens s'installent sur ce territoire et que nous acceptions qu'ils le fassent, nous avions nos propres lois et notre propre législation. Cet enjeu me semble important. Nous devrions avoir voix au chapitre, et, comme je l'ai dit, élaborer ces lois conjointement.
    Merci beaucoup. Je crois que mon temps est écoulé.
    Je vous remercie de tous vos commentaires. Merci beaucoup d'être des nôtres.
    Merci beaucoup, monsieur Melillo.
    Nous allons maintenant passer à la prochaine députée sur la liste du premier tour.
    Vous disposez de six minutes, madame Atwin.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci aux témoins d'être des nôtres.
    Je me joins à vous aujourd'hui du territoire non cédé et non abandonné des Wolastoqey.
    J'aimerais m'adresser au chef Haymond, si possible.
    J'aimerais vraiment en savoir plus sur le processus de consultation et sur votre expérience personnelle du contexte d'élaboration de ce projet de loi de remplacement de la Loi sur la salubrité de l'eau potable des Premières Nations. Pourriez-vous nous expliquer quels types de soutien le gouvernement a apporté aux Premières Nations afin qu'elles participent au processus?
    Comme je l'ai dit, nous avons eu quelques difficultés initialement avec le moment choisi pour le dépôt des premières ébauches de projet de loi. Cela nous a quelque peu désavantagés. Cela dit, nous disposons d'une bonne structure au Québec. Nos conseils tribaux sont solides, et nous avons obtenu du financement pour engager des coordinateurs régionaux de l'eau. Cela a été déterminant dans le processus de consultation. Cela a permis à la jeune femme qui a été embauchée de faire de la sensibilisation au‑delà de notre session initiale de mobilisation régionale et de rencontrer les Premières Nations qui voulaient se renseigner davantage ou qui avaient des questions sur le projet de loi.
    Comme je l'ai dit, bien que le processus ait assez mal commencé et que nous ayons été très déçus de la première ébauche de projet de loi que nous avons consultée, nous reconnaissons que le gouvernement a pris le temps de retourner à la planche à dessin, d'élargir le mandat et de travailler avec diligence avec le comité de l'eau de l'Assemblée des Premières Nations. Cela nous a permis d'être à l'aise avec le projet de loi que le ministre a déposé en décembre dernier.
    Je pense qu'une partie du défi réside dans le fait que l'APN était la principale responsable du processus de consultation, et je sais que des régions comme celles du Traité n o 8 en Alberta n'en sont pas des partenaires à part entière. Il est donc compliqué pour l'Assemblée de veiller à ce que toutes les régions au pays soient mobilisées au même niveau et à ce que des régions comme l'Alberta soient consultées.
    Cela dit, je pense que Mme Phare et d'autres qui ont travaillé sur le terrain vous diront que l'on a consacré une quantité considérable de temps, d'énergie et d'efforts à l'ébauche de projet de loi qui a été déposée en décembre.
    Je vais m'arrêter là.

  (1130)  

    Merci beaucoup.
    Pourriez-vous être un peu plus précis? Qu'a‑t‑on modifié ou renforcé de façon significative dans le projet de loi au cours du processus de consultation? Quelles sont les différences entre ce projet de loi et les premières ébauches?
    On y a ajouté plusieurs dispositions clés. Là encore, j'aurais préféré que ces commentaires et ces améliorations proviennent de l'Assemblée des Premières Nations. Elle a fait le travail nécessaire à cet égard. La définition a assurément été améliorée.
    Nous savons que les implications et l'application de la DNUDPA devront faire partie de ce processus à l'avenir, alors cela nous ramène au consentement libre, préalable et éclairé. Il est nécessaire de mener des consultations de façon adéquate. Cela dit, on a apporté des améliorations au projet de loi pour garantir un financement adéquat, prévisible et stable et aussi concernant les eaux transfrontalières. À nouveau, tout n'est pas réglé en matière de compétence, comme l'a indiqué le chef à mes côtés.
    Du point de vue des Premières Nations, ce projet de loi comprend une amélioration particulièrement importante. La première ébauche de projet de loi protégeait le gouvernement du Canada de toute responsabilité juridique. Cela a été amélioré de façon substantielle lors de la phase suivante, et nous nous sommes battus pour cela avec acharnement. Ainsi, nos employés qui travailleront dans le secteur de l'eau et des eaux usées bénéficieront de la même protection. Ils ne seront pas tenus responsables en cas de problème. S'il y a des problèmes avec nos installations de traitement des eaux, ils sont probablement dus à un financement inadéquat et au fait qu'elles ne sont pas conformes aux normes.
    Fondamentalement, je pense que le principal élément devant encore être réglé est le cadre de financement. Il est certes important d'avoir un bon projet de loi, mais si nous ne disposons pas des ressources financières nécessaires pour mettre et maintenir nos systèmes à niveau et former nos opérateurs et leur offrir de bons salaires, nous continuerons à faire face aux mêmes problèmes qu'aujourd'hui.
    Merci beaucoup.
    J'aimerais parler des compétences pendant les quelques secondes qu'il me reste. Comment entrevoyez-vous l'interaction entre les provinces, le gouvernement fédéral et les gouvernements autonomes des Premières Nations? À quoi cela ressemblera‑t‑il selon vous?
    Il faudrait que les gouvernements reconnaissent notre capacité et notre droit à élaborer nos propres compétences. Avec le projet de loi actuel, cela ne semble pas être le cas. Il semble que nous devrons négocier avec le provincial. Si notre province n'est pas disposée à le faire, cela va être difficile.
    Il serait préférable que nous puissions élaborer notre propre législation et nos propres compétences, mais il semble que nous devrons trouver les moyens de négocier avec le gouvernement fédéral et les provinces pour appliquer nos propres lois.

  (1135)  

    Merci beaucoup, madame Atwin.

[Français]

     Monsieur Lemire, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Chef Haymond, permettez-moi d'abord de m'adresser au chef de Kebaowek et non au représentant de l'Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador. J'aimerais vous poser une question sur votre longue expérience dans le dossier du site d'enfouissement de déchets nucléaires près de la surface de Chalk River.
    Quelles sont vos préoccupations spécifiques concernant la décision de localisation prise par la Commission canadienne de sûreté nucléaire, notamment à la lumière de la tendance des ministres à se décharger de leurs responsabilités sur les commissions indépendantes?
    Comme la Commission canadienne de sûreté nucléaire n'a pas la capacité de suggérer un autre site, devrions-nous incorporer une telle suggestion au projet de loi sur l'eau lorsque des sources d'eau sont à risque?
    Dans ce cas-ci, il s'agit d'une importante source d'eau pour plus de 144 communautés qui est exposée à des risques élevés. Pensez-vous que le projet de loi va vous donner plus de pouvoirs pour protéger cette source d'eau?

[Traduction]

    Vous avez posé beaucoup de questions en une seule question.
    Tout d'abord, je pense qu'il est important de discuter de la question des déchets nucléaires et de Chalk River, principalement parce que l'élaboration de lois dans notre intérêt concerne la protection de l'eau à long terme. Le projet actuel qui a été approuvé par la CCSN nous préoccupe énormément et nous donne des brûlures d'estomac, parce que le monticule se dégradera dans quelques centaines d'années, et le passé nous laisse croire qu'il empoisonnera l'eau ce faisant selon toute vraisemblance.
    Nous ne sommes pas certains que le projet de loi C‑61 aura des implications majeures, car d'autres ministères sont impliqués. Il pourrait être utile, mais il exigera également que le ministère des Ressources naturelles et le ministère de l'Environnement tiennent compte de nos préoccupations à propos de la situation à Chalk River.
    Je suis désolé, mais c'est une question de bon sens. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire d'être un scientifique spécialisé dans l'énergie nucléaire pour reconnaître que la construction d'un site d'enfouissement de déchets nucléaires au bord d'une source d'eau importante comme la rivière des Outaouais n'est probablement pas l'idée du siècle, pour la simple raison qu'une lixiviation potentielle pourrait affecter l'approvisionnement en eau potable de millions de personnes à l'avenir.
    À nouveau, je ne suis pas certain que le projet de loi C‑61 aura des implications majeures sur la situation à Chalk River, mais il aidera assurément des communautés comme la mienne à utiliser et à faire valoir certains éléments de la DNUDPA pour que le gouvernement en tienne compte avant de prendre des décisions.
    Lorsque des projets tels que l’installation de gestion des déchets près de la surface — le site d'enfouissement de déchets nucléaires de Chalk River — se présentent, je crois que nous devrions toujours opter pour la prudence au lieu d'aller de l'avant avec des projets susceptibles d'affecter notre approvisionnement en eau.

[Français]

    Meegwetch.
    Comment percevez-vous le fait que l'article 29 de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones n'est mentionné que dans le préambule du projet de loi, alors que le gouvernement est tenu de respecter ce principe, notamment dans le cas d'activités comportant des risques pour les sources d'eau des communautés autochtones?
    Selon vous, quelles mesures spécifiques faudrait-il mettre en place pour garantir le maintien de la salubrité et de la qualité de ces sources d'eau, conformément aux droits des peuples autochtones?

[Traduction]

    Je suis toujours nerveux lorsque j'entends dire qu'une partie de la législation doit être définie dans le préambule. Le projet de loi C‑15 nous a démontré que le fait d'inclure dans le préambule des éléments que nous souhaitons voir figurer dans le corps du projet de loi ne leur donne pas le poids nécessaire.
    Nous avons tiré des leçons du projet de loi C‑15. Il nous apparaît donc clair que si nous voulons que le gouvernement se mobilise et soit contraint d'agir, nous nous devons d'inclure ces dispositions dans le corps du projet de loi, et non dans le préambule, qui sert davantage à l'interprétation et ne constitue pas nécessairement une partie de la loi.

  (1140)  

[Français]

    Seriez-vous favorable à ce que l'article 3, notamment, soit amendé pour qu'on y inscrive le droit à de l'eau potable et salubre?

[Traduction]

    Oui, je crois qu'il est clair que nous devons avoir accès à l'eau.
    Je reviens aux améliorations qui ont été apportées. Le projet de loi comprend le libellé « le ministre peut ». Je pense que nous devrions renforcer ce libellé, et écrire plutôt « doit » ou « devrait ». Nous aurions besoin d'un libellé plus strict qui forcerait le gouvernement et le ministre à faire quelque chose. Nous ne devrions pas leur permettre de se retirer si les choses ne fonctionnent pas. Nous avons besoin d'un libellé plus strict stipulant qu'ils « feront » et « doivent » plutôt que « peuvent » ou « pourraient ». C'est très important.

[Français]

    Pour conclure, je vais vous poser une question à laquelle il vous faudra répondre par un oui ou par un non, étant donné le temps de parole qu'il me reste.
    Seriez-vous favorable à l'idée qu'on applique le principe de précaution à tous les projets à haut risque, particulièrement à ceux qui affectent des ressources essentielles comme l'eau, et ce, afin de mieux protéger les communautés autochtones?

[Traduction]

    Ma réponse est oui, tout simplement. Je pense que nous devons toujours veiller à nous armer de prudence, surtout lorsqu'il y a des variables que nous ne comprenons pas et lorsque nous prenons des décisions qui auront des répercussions sur les 500 prochaines années ou les millénaires à venir, comme c'est le cas pour le projet de Chalk River. C'est pourquoi j'estime qu'il faut absolument être prudent pour aller de l'avant.

[Français]

    Meegwetch.
    Merci beaucoup, monsieur Lemire.

[Traduction]

    Sur ce, je souhaite la bienvenue à M. Desjarlais parmi nous aujourd'hui.
    Vous disposez de six minutes.
    Merci beaucoup de votre accueil, monsieur le président. Je suis heureux de vous voir dans ce contexte.
    Merci aux témoins d'être des nôtres, en particulier à Okimaw Sunshine, qui vient de mon coin de pays. Je suis heureux de vous voir ici. Nous nous sommes parlé tout à l'heure avant le début de la réunion. Vous avez dit que vous n'étiez pas certain d'être un bon politicien, mais vous vous en êtes très bien sorti aujourd'hui, selon moi. Vous avez bien expliqué les préoccupations des nations visées par le Traité n o 8, en particulier celles de la Nation crie de Sturgeon Lake.
    Nous avons beaucoup entendu dire, en particulier en Alberta, que les consultations auprès des nations visées par les Traités n os 6, 7 et 8 ont été insuffisantes. Cela dit, je crois que vous avez élevé la discussion dans vos remarques liminaires pour nous mener à un endroit où le Canada n'a jamais voulu aller. Le fait est que le gouvernement a conclu un traité avec de nombreux peuples des Prairies — le mien, le vôtre, divers peuples à travers la province — et a pris des engagements qui y sont énoncés. Il s'agit d'un partenariat, et le gouvernement doit le reconnaître. Il s'est engagé à établir une relation de nation à nation et à respecter la double souveraineté, cette idée voulant que nous puissions exister séparément tout en vivant ensemble.
    Je pense que le principe dont vous parlez aujourd'hui — et j'implore mes collègues d'écouter attentivement — concerne l'importance de ce projet de loi. Il s'agit du type de projet de loi le plus critique, puisqu'il concerne l'eau, la vie, nos femmes et notre avenir. Les chefs de l'Alberta ont clairement dit que nous devons bien faire les choses, faute de quoi nous devrons retourner à la planche à dessin.
    Vous avez mentionné dans votre exposé que nous devons trouver un moyen de recommencer à nous traiter mutuellement de façon plus honorable. Vous avez dit que le Canada — la Couronne —, en particulier, doit considérer ses obligations envers ses partenaires de traité avant tout. Vous avez même dit que l'Alberta nuisait à la pleine émancipation ou à la pleine reconnaissance des droits issus des traités, ainsi qu'à la souveraineté, l'avenir et la capacité de votre nation à faire reconnaître ses pouvoirs existants, ce qui comprend le droit à l'autonomie, le droit à l'eau, le droit à la terre, bref, le droit d'être qui nous sommes, tout simplement. Ces droits fondamentaux existent, que le Canada les reconnaisse ou non. Vos déclarations d'aujourd'hui m'ont permis de voir plus clair et d'ancrer encore plus profondément dans mon cœur le grand rappel que ce pays a encore beaucoup de chemin à faire pour enfin essayer de reconnaître sa compétence, qui n'est pas entière, mais partagée. Le gouvernement du Canada n'a toujours pas pleinement reconnu ce partage de compétence avec les peuples autochtones.
    Je voudrais vous poser une question, chef Sunshine. Vous avez dit que le Canada vous a « mis dans une boîte et vous a oubliés ». Cela me fait mal au cœur de savoir qu'un peuple aussi fier, en particulier les Cris des Prairies — dont font partie mes parents et nos proches — vit dans une telle pauvreté, à un endroit où l'eau... Vous avez évoqué la situation à Calgary. Les habitants de la région considèrent cet enjeu comme un enjeu tellement critique et désespéré, si bien qu'il fait maintenant la une de tous les journaux en Alberta. Vous y avez réfléchi en tant que chef, votre peuple y a réfléchi et les peuples autochtones des Prairies y ont réfléchi pendant des générations. À quoi ressemblerait notre avenir sans eau? À quoi ressemblerait‑il sans eau propre?
    Vous avez également parlé de l'importance de limiter les dégâts causés à l'eau existante. Les poissons que nous mangeons proviennent de l'eau qui a toujours été là, que le Créateur nous a donnée, et pourtant on continue d'y déverser des polluants toxiques sans vous avertir.
    Nombre de ces enjeux découlent d'un manque de respect envers ceux qui ont signé ces traités il y a tant d'années, et qui se sont vus imposer tous ces obstacles, ce qui vous oblige à venir à cette table aujourd'hui pour répéter ce que l'on dit depuis plus de 100 ans, à savoir que l'on devrait nous permettre d'être qui nous sommes et de continuer à faire le travail que nous faisons depuis des générations, depuis des temps immémoriaux. Reconnaissons la compétence fondamentale qui existe déjà. La compétence ne vient pas de la Couronne d'une meilleure façon. Elle vient de notre Créateur, comme vous l'avez très clairement expliqué aujourd'hui.
    Souhaiteriez-vous expliquer plus en détail pourquoi les choses que vous avez dites aujourd'hui sont si importantes et pourquoi elles vous amènent à vous opposer à ce projet de loi?

  (1145)  

    Je vous remercie pour votre question.
    J'ai parlé de notre traité et de cette boîte dans laquelle on nous place. J'occupe mon poste depuis deux ans; c'est relativement nouveau. Je dis que je ne suis pas politicien, mais l'un de nos aînés m'a déjà répondu: « Tu es un politicien, en raison de ta position. » Lorsque je pense aux atrocités que notre peuple subit depuis plus de 125 ans... Nous célébrons cette année la signature du Traité no 8. Je manque la grande ouverture. Cela nous rappelle où nous sommes aujourd'hui et tout le chemin que nous avons parcouru avec le gouvernement du Canada, et avec la province de l'Alberta également.
    C'est difficile de regarder en arrière. Je me promène ici sur cette terre et je vois des immeubles grandioses. Chez nous, nous faisons face à la pauvreté tous les jours. On parle de l'élaboration conjointe des lois. C'est difficile pour moi de mettre des mots, d'exprimer comment je me sens aujourd'hui. J'ai l'impression d'être responsable devant mon peuple et de devoir exprimer ce qui se passe. Le traité était une obligation. Nous avons accepté de partager la terre, mais ce n'est pas ce qui s'est passé.
    Notre peuple a été un excellent partenaire dans ce traité, mais on ne peut en dire autant de la Couronne; du gouvernement du Canada. Nous l'avons vu et nous le voyons tous les jours. Je suis certain que vous voyez les statistiques, sur l'épidémie d'opioïdes que nous connaissons. Il n'y a pas de solution rapide ou de solution unique. On ne peut pas tout simplement débarquer chez nous et régler les problèmes d'eau ou les problèmes de drogues et d'opioïdes. C'est un problème global dans ma communauté.
    Chef, je vais malheureusement devoir vous demander de terminer votre réponse.
    Pour régler les problèmes, il faut des logements; il faut des emplois; il faut tout cela. Il faut régler les problèmes un à la fois, mais avoir une vision d'ensemble. Ma communauté prend certaines mesures en ce sens, mais nous avons besoin d'aide; d'un partenariat. Il faut que l'autre partie honore ses obligations.
    Merci beaucoup, monsieur Desjarlais.
    Sur ce, nous passons à notre deuxième série de questions de cinq minutes. M. Schmale est notre premier intervenant. Allez‑y.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les témoins pour cette discussion très importante.
    Chef Sunshine, pour reprendre là où vous vous êtes arrêté, au sujet des défis auxquels votre communauté fait face, la plupart d'entre eux, sinon la totalité ont été créés par l'approche paternaliste du gouvernement. Dans le cadre des témoignages d'aujourd'hui et d'autres, nous avons entendu parler du projet de loi C‑61 et des défis qu'il vous impose, dans de nombreux cas, en tant que chef de votre nation. On a évoqué les consultations à quelques reprises, mais aussi ce qui peut être décrit par de nombreuses personnes comme étant le pouvoir qu'aurait le ministre en vertu de cette loi. Voulez-vous nous en dire plus à ce sujet?

  (1150)  

    Je vous remercie pour votre question.
    En ce qui a trait aux consultations, mon ami a fait valoir que l'Assemblée des Premières Nations y avait participé, tout comme d'autres organisations. Je sais que la Nation crie de Sturgeon Lake n'y a pas participé. Lorsqu'il est question de consultations, l'Assemblée des Premières Nations de façon particulière, en Alberta... Nous n'y participons pas. Je sais que l'Assemblée a eu beaucoup à dire sur ces sujets, mais pas la Nation crie de Sturgeon Lake.
    Excusez-moi. Quelle était la deuxième partie de votre question?
    Dans le projet de loi, on dit souvent que le ministre « fait de son mieux », ce qui peut être interprété comme étant un grand pouvoir de désigner certaines zones comme étant des sources d'eau. Cela pourrait se faire avec ou sans consultations, selon les témoignages que nous avons entendus.
    Oui, cela fait partie du problème, parce que c'est toujours une approche descendante.
    La Nation crie de Sturgeon Lake est toujours comme un petit frère qui demande de l'aide. J'aimerais que la situation change, et que nous soyons à la table lorsqu'il est question des sources d'eau. Le projet de loi nous confère la compétence sur nos terres, sur notre lac Sturgeon. Le lac en soi ne se trouve pas sur la réserve, mais bien à sa limite. Ce sont des gens de l'extérieur qui décide de ce qui est le mieux pour notre peuple. Je n'accepte pas cela, du tout. Notre territoire est très vaste. Nous avons compétence sur les terres de réserve de Sturgeon Lake. L'écart est énorme pour notre peuple.
    Est‑ce que l'Assemblée des Premières Nations avait le même problème avec les mots « meilleures pratiques », chef Haymond?
    Je ne comprends pas vraiment la question. Je suis désolé.
    Il n'y a pas de problème. J'y reviendrai peut-être dans un instant.
    Je dois d'abord parler d'une motion — et je suis désolé pour nos témoins — dont le préavis a été donné la semaine dernière.
    Nous étudions le projet de loi C‑61, mais nous avons aussi entendu de nombreux leaders autochtones nous parler de la crise permanente du logement dans les communautés des Premières Nations et les communautés inuites au cours des dernières semaines. Nous en sommes maintenant à un quatrième rapport du Bureau du vérificateur général qui parle de la défaillance du logement dans les communautés autochtones, des Premières Nations et des Inuits, et je crois qu'il est important de poursuivre le travail tout au long de l'été, au besoin. Je crois que c'est ce que demandent les leaders, et je crois que le Comité devrait se pencher sérieusement sur la question.
    Je vais lire la motion à nouveau. Je propose:
Que, compte tenu de la charge de travail importante et du mandat étendu du Comité, que le Comité tienne cinq réunions d'une durée de deux heures chacune entre le 8 juillet et le 13 septembre, afin d'aborder le sujet du logement chez les Premières Nations et de produire un rapport contenant des propositions de politiques visant à construire davantage de logements et à résoudre les problèmes chroniques de logement dans les communautés des Premières Nations.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Schmale.
    Nous allons en débattre. Je vois que M. Battiste a la main levée.
    Vous avez la parole.
    J'aimerais que nous nous concentrions sur l'eau propre des Premières Nations aujourd'hui.
    J'aimerais que nous ajournions le débat. Je propose une motion d'ajournement du débat.
    Comme il s'agit d'une motion dilatoire, nous allons passer au vote.

[Français]

     Monsieur le président, par souci de compréhension, j'aimerais ajouter que la motion mérite d'être débattue, selon moi. Peut-on terminer l'heure consacrée aux témoins et profiter du fait que les ressources sont sûrement disponibles pour la deuxième heure de la réunion? Je sais que ce n'est pas prévu à l'horaire, mais cela nous permettrait d'aller au fond des choses.

  (1155)  

    Monsieur Lemire, nous avons accès aux ressources jusqu'à 13 heures. Nous allons donc poursuivre.
     En répondant favorablement à la demande de M. Battiste, annule-t-on complètement la demande de M. Schmale? Peut-on suspendre le débat au lieu de l'ajourner?

[Traduction]

    Si elle est adoptée, la motion ajournera le débat pour aujourd'hui. Nous pourrons le reprendre à un autre moment, mais c'est la motion qui a été présentée par M. Battiste.

[Français]

     Conséquemment, j'aimerais faire appel à la bonne foi du Comité pour proposer qu'on termine le deuxième tour de questions et qu'on reprenne par la suite le débat sur la motion.
    Si le vote porte sur l'ajournement du débat, je ne pourrai pas y donner mon appui. Si nous votons de bonne foi pour revenir à la motion de M. Schmale à la fin du deuxième tour de questions et qu'on lui donne la parole, je serai d'accord. C'est ce que je propose.

[Traduction]

    Monsieur Lemire, la motion dont nous sommes saisis vise l'ajournement du débat. Je crois que nous devons voter à son sujet, à moins que l'on décide d'aller de l'avant, mais je crois que c'est ce que nous devons faire. Je crois que nous allons passer au vote, puis nous pourrons en discuter, si la motion n'est pas adoptée.
    M. Blake Desjarlais: Monsieur le président, j'invoque le Règlement.
    Le président: Allez‑y avec votre rappel au Règlement, monsieur Desjarlais.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je crois que nous sommes grandement redevables envers les témoins qui sont présents aujourd'hui.
    Nous vous remercions d'être ici.
    À titre de précision au sujet de la question de mon collègue du Bloc sur les procédures qui nous permettraient de revenir à nos témoins — qui ont fait un long voyage pour être avec nous — et de terminer notre série de questions, est‑ce qu'il serait possible, pour nos collègues conservateurs, d'avoir la générosité de nous permettre de poursuivre la discussion sur l'eau propre et de revenir à cette motion à un autre moment? Je comprends qu'ils ont présenté la motion, mais je crois aussi qu'il est important de terminer la série de questions. Je demande le consentement unanime des membres du Comité pour finir cette série de questions ou à tout le moins pour que les conservateurs retirent la motion pour le moment, afin que nous puissions faire preuve de respect envers les témoins présents.
    Selon ce que je comprends, nous devons aborder la motion de M. Battiste pour commencer.
    Pouvez-vous tous deux retirer votre motion?
    Je suis prêt à retirer ma motion si nous pouvons retourner aux témoins et finir la série de questions.
    Y a‑t‑il consentement unanime des membres du Comité pour que nous retirions la motion?
    Parlez-vous des deux motions?
    [Inaudible] voter au sujet de cette motion directement; sinon, nous débattons présentement de la motion. C'est ce qui se passe.
    Passons au vote.
    Nous allons voter. Nous votons au sujet de l'ajournement du débat.
    (La motion est adoptée par 6 voix contre 4.)
    Le président: Merci.
    Le débat est ajourné.
    Nous allons revenir à M. Schmale.
    Il vous reste une minute et demie.
    Je vais prendre ce qu'il me reste avec plaisir.
    À titre de précision, monsieur le président, la motion qui vient d'être adoptée visait l'ajournement du débat sur la motion. Est‑ce que cela signifie que nous reprenons l'ordre habituel des travaux?
    Oui.
    J'ai droit à une autre intervention. C'est excellent.
    Je remercie tous les membres du Comité pour leur collaboration. J'espère que les conservateurs pourront bien se comporter pendant que nous interrogeons nos témoins.
    Je n'ai pas utilisé mon temps de parole. Est‑ce que je peux le prendre?

  (1200)  

    Monsieur Schmale, il vous reste 1 minute et 20 secondes.
    Merci beaucoup.
    Je vais m'adresser au chef Haymond, si possible.
    Dans le cadre des témoignages au sujet du projet de loi, on a reconnu que les gouvernements successifs avaient réalisé certains progrès en vue de régler — ou de tenter de régler, à tout le moins — la question de l'accès à l'eau potable pour tous. Je reconnais que les choses ne se passent pas aussi vite qu'elles le devraient dans la grande majorité des cas, et qu'il y a encore de graves problèmes.
    Puisque le projet de loi aborde la question des sources d'eau et d'autres, croyez-vous que son adoption...? Les consultations ont été évoquées par de nombreuses personnes comme étant problématiques. L'approche paternaliste du gouvernement a aussi été soulevée par de nombreux intervenants. Croyez-vous que les voix des personnes sur le terrain seront entendues si le projet de loi reçoit la sanction royale?
    Je ne vais pas parler au nom des autres régions du pays. Je suis ici pour représenter les intérêts de l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador.
    En somme, malgré les lacunes relatives au processus, comme je l'ai fait valoir, nos chefs sont favorables au projet de loi C‑61, surtout parce que nous n'avons pas les mêmes problèmes en matière d'eau potable et d'accès à l'eau que bon nombre d'autres Premières Nations du pays. C'est surtout parce que nous avons établi de solides mécanismes de soutien comme les conseils tribaux et les programmes de formation itinérante, qui nous permettent de travailler en collaboration avec nos partenaires fédéraux de Services aux Autochtones et avec les représentants de la Société canadienne d’hypothèques et de logement pour aborder les questions soulevées par et pour les Premières Nations du Québec.
    Merci beaucoup, monsieur Schmale.
    Sur ce, nous allons passer à notre deuxième intervenant pour cette deuxième série de questions.

[Français]

     Monsieur Scarpaleggia, vous avez la parole pour cinq minutes.

[Traduction]

    Chef Haymond, j'aimerais poursuivre dans la même veine.
    Je me souviens avoir assisté à une conférence sur l'eau des Premières Nations à Montréal il y a quelques années et avoir été surpris d'entendre qu'il n'y avait pas d'avis d'ébullition à long terme au Québec. Je suppose que c'est exact.
    Ma question porte sur un sujet que vous avez évoqué. J'aimerais que vous nous en parliez plus longuement. Pourquoi la situation semble‑t‑elle tellement mieux au Québec que dans d'autres régions du pays? Est‑ce qu'il y a un lien avec la philosophie du gouvernement du Québec, surtout en ce qui a trait à l'élaboration de la Convention de la Baie-James?
    J'aimerais vous entendre à ce sujet, parce qu'il semble que l'approche du Québec fonctionne et que nous pourrions nous en inspirer.
    Je vais revenir à ce que j'ai dit: nous avons consacré beaucoup de temps, d'efforts et d'énergie à développer nos propres capacités en vue de répondre aux besoins de nos communautés.
    Comme plusieurs communautés des Premières Nations, les nôtres sont petites et indépendantes, et nous n'avons pas les ressources financières requises pour avoir toute l'expertise dont nous aurions besoin. Nous n'avons pas tous des ingénieurs; nous n'avons pas tous des gens qui nous aident à gérer nos systèmes d'approvisionnement en eau. Nous n'avons pas la capacité de surveiller et d'analyser l'eau de façon individuelle.
    Au fil du temps, nous avons appris que le nombre faisait la force, et qu'il était possible de renforcer nos capacités de plusieurs façons. Au Québec, nous avons choisi d'avoir de solides opérateurs et programmes de formation, pour avoir des personnes qualifiées dans nos communautés.
    L'un des éléments les plus importants de notre réussite, c'est que malgré nos différences, nous nous assoyons avec nos collègues régionaux de Services aux Autochtones, nous examinons les problèmes et nous tentons de trouver des solutions. Nous examinons ensemble le budget annuel, notamment.
    Nous avons renforcé les capacités des conseils tribaux, et nous avons les ingénieurs et l'expertise dont nous avons besoin pour bâtir des usines et des infrastructures de qualité. De façon plus importante, nous avons un programme de formation itinérante qui se déplace dans toutes les communautés du Québec pour évaluer les systèmes et faire des suggestions en vue de les améliorer. Nous travaillons aussi en collaboration avec nos partenaires fédéraux pour obtenir le financement requis et mettre en œuvre les solutions.
    Nous n'avons pas d'avis d'ébullition de l'eau au Québec, mais certaines communautés n'ont pas accès à l'eau potable. Ce n'est pas en raison de la mauvaise qualité des installations, mais parce qu'elles sont bâties sur des gisements d'uranium, ce qui a une incidence sur leur capacité d'accès à une eau potable de qualité. J'ai parlé de ma communauté sœur, Kitigan Zibi, qui est probablement la seule de la province à ne pas être approvisionnée en eau potable, mais les installations ne sont pas en cause.

  (1205)  

    Cela m'amène à ma prochaine question.
    Vous avez dit que vous aviez renforcé vos capacités. Croyez-vous que le projet de loi C‑61 permettrait aux collectivités en dehors du Québec d'accroître leurs capacités, surtout parce qu'il fait référence à la création d'une commission sur l'eau des Premières Nations? Cela ne permettrait‑il pas de reproduire ce que vous avez réalisé au Québec?
    Cela ne permettrait pas de le reproduire. Je pense qu'il faudrait plutôt s'inspirer de cette expérience. Le projet de loi permettrait de créer quelque chose de représentatif et de nécessaire pour toutes les Premières Nations, et pas seulement celles du Québec.
    D'autres Premières Nations obtiendront des résultats positifs, mais nous avons un énorme obstacle à surmonter, et nous devons travailler en collaboration avec Services aux Autochtones à cet égard. J'ai mentionné plus tôt dans mon témoignage qu'il reste deux points à régler. Il s'agit du cadre réglementaire et, surtout, du cadre de financement. Sans un financement adéquat pour les investissements dont nous avons besoin pour mettre à niveau nos systèmes, former nos opérateurs et assurer le remplacement de ces actifs à la fin de leur cycle de vie, une grande partie de ce travail risque de ne servir à rien.
    Le cadre de financement et les négociations pour répondre aux énormes besoins des Premières Nations seront essentiels à notre réussite à l'avenir.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur Scarpaleggia.
    Je cède maintenant la parole à M. Lemire, pour deux minutes et demie.
     Merci, monsieur le président.
    Madame Phare, vous avez signalé trois éléments du projet de loi C‑61 qui pourraient faire l'objet d'améliorations. Comme le temps nous manque, je pense qu'il serait tout à fait pertinent de nous les envoyer par écrit afin que nous puissions les analyser. Merci.
     Monsieur Haymond, le ministère de la Justice a dit que les fonctions de la Commission des eaux des Premières Nations étaient limitées.
    Comment ces limitations pourraient-elles empêcher la Commission de remplir efficacement son mandat de soutien et de régulation des affaires relatives à l'eau des Premières Nations?
    Évidemment, je lui avais posé cette question dans le contexte des limites qui empêchaient aussi la Commission canadienne de sûreté nucléaire d'effectuer adéquatement son travail de protection et de consultation auprès des Premières Nations, dont la vôtre.
    Faut-il y voir une limite ou un drapeau rouge? Merci.

[Traduction]

    Je pense que nous voulons éviter à tout prix le double emploi, mais nous croyons que le fait d'avoir notre propre commission des eaux est essentiel à notre capacité d'aller de l'avant, de régler nos propres problèmes et d'apporter des solutions possibles.

  (1210)  

[Français]

    Êtes-vous surpris ou préoccupé par la réponse qui a été donnée, lors d'une réunion de notre comité la semaine dernière, par les fonctionnaires du ministère de la Justice concernant la Commission canadienne de sûreté nucléaire et le peu de connaissances qu'elle possède sur les dangers et les risques que posent les déchets nucléaires à proximité de la rivière Kitchesippi, c'est-à-dire la rivière des Outaouais?

[Traduction]

    Oui, je suis toujours préoccupé par la réponse du gouvernement lorsqu'il affirme et réaffirme qu'il fait pleinement confiance aux entités qu'il a créées simplement dans le but d'approuver l'octroi de permis, comme la Commission canadienne de sûreté nucléaire, ou CCSN.
    Cela m'inquiète absolument parce que nous savons que la CCSN n'a jamais rejeté un projet nucléaire en dépit de toutes les préoccupations soulevées non seulement par les Premières Nations, mais aussi par les citoyens non autochtones qui seront directement touchés.

[Français]

    Meegwetch.
     Merci beaucoup, monsieur Lemire.

[Traduction]

    Sur ce, nous allons passer à notre dernier intervenant de la journée, M. Desjarlais.
    Vous avez deux minutes et demie.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vais essayer quelque chose pour notre interprète inuite. Je veux qu'elle soit prévenue, car je vais pratiquer mon inuktitut. Je tiens à dire qujannamiik au Comité de m'accueillir aujourd'hui. Le fait de participer à ce travail très important et d'entendre nos merveilleux témoins — en particulier le chef Sunshine, de l'Alberta — compte beaucoup pour moi. Je suis habituellement le seul Albertain dans la salle, mais ce n'est pas le cas aujourd'hui. Nous sommes peut-être majoritaires; je ne sais pas.
    J'aimerais poursuivre notre discussion et donner un aperçu de la situation des Premières Nations en ce qui concerne l'accès à l'eau potable pour leurs communautés. Stephen Harper avait déjà promis de l'eau potable dans une loi adoptée en 2013. Un énorme recours collectif avait été déposé. Un des avocats qui est parmi nous aujourd'hui, un des témoins, l'a mentionné.
    Je suis pris avec une sorte de paradoxe, une dichotomie, une décision difficile à laquelle, je crois, les Premières Nations font également face, c'est‑à‑dire la décision d'adopter une très mauvaise loi sous les conservateurs et une mauvaise loi sous les libéraux. La réponse relève des communautés des Premières Nations, et pas vraiment d'Ottawa. Je pense que vous l'avez souligné, chef Sunshine.
    Pouvez-vous parler de l'importance de veiller à ce que cet endroit reconnaisse la compétence des Premières Nations, vu les nombreuses erreurs de parcours?
    Nous vous écoutons.
    Je vous remercie.
    Lorsque je repense à la loi précédente des conservateurs et au fait qu'elle a été contestée par les Premières Nations, je crains que nous nous retrouvions dans le même genre de situation. Le projet de loi entrera en vigueur, et des nations comme la mienne ne seront pas heureuses d'être continuellement placées dans cette petite boîte.
    J'ai dit à la ministre Hajdu qu'il fallait vraiment s'asseoir avec les titulaires de droits et déterminer la meilleure voie à suivre. Je sais que les chefs du Traité no 8 ont toujours dit que nous étions prêts à nous asseoir et à avoir ces discussions, mais pour ma part, au nom de la Nation des Cris du lac Sturgeon, je garde l'esprit ouvert. Nous sommes des gens progressistes. Nous devons faire face quotidiennement à ces défis, comme je l'ai mentionné plus tôt, et nous voulons travailler avec le gouvernement pour créer quelque chose d'avantageux pour toutes les parties.
    Lorsqu'il est question de sources d'eau, nous voulons avoir notre mot à dire sur ce qui entre dans notre territoire et dans nos maisons. Songeons au déversement à Grande Cache; nous en subissons les effets. Cela touche les poissons, et nous avons des espèces en voie de disparition à cause de cet incident.
    Je pense qu'il est important de comprendre notre point de vue et le vôtre afin que nous puissions trouver une solution pour aller de l'avant.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Desjarlais.
    Voilà qui met fin à cette partie de la réunion.
    Je tiens à remercier les trois témoins de leur présence aujourd'hui et de leurs témoignages très importants. Cela nous sera certainement très utile pour la suite de notre étude, et il en résultera peut-être des amendements au projet de loi, si cela s'avère nécessaire.
    Monsieur le président, puis‑je répondre à la question que m'a posée le député sur la possibilité de faire parvenir mes commentaires par écrit?
    Madame Phare, si vous êtes en mesure d'envoyer ces réponses par écrit afin que nous puissions les examiner dans le cadre de notre étude, le Comité vous en sera très reconnaissant.

  (1215)  

    Si vous me le permettez, j'aimerais prendre un moment pour mettre les choses en contexte.
    Madame Phare, je crains de devoir vous demander d'envoyer cette information au greffier.
    D'accord. Je ne sais pas si je peux le faire, mais je vais voir... Je voulais préciser le contexte, mais si c'est... Si ce n'est pas possible aujourd'hui, ce n'est pas grave. Je vais expliquer...
    Je vois. En fait, il serait peut-être utile que vous nous expliquiez le contexte.
    Si je comprends bien, l'Assemblée des Premières Nations comparaîtra devant vous plus tard cette semaine, et elle vous donnera le contexte général de son appui ou des renseignements au sujet du projet de loi et, en fonction de cela, elle proposera d'éventuels amendements. Je ne faisais que suggérer des façons d'améliorer le projet de loi, étant donné que le contenu intégral du projet de loi a été négocié dans le cadre d'un mandat fourni par des chefs de partout au Canada au moyen de résolutions adoptées par l'assemblée des chefs. C'est ce qui compose le contenu du projet de loi. Il est donc préférable, à mon avis, que ce soit l'Assemblée des Premières Nations qui présente les amendements, s'il y a lieu.
    J'en prends bonne note, et sachez que je ne communiquerais que ce que vous jugez bon de transmettre au Comité. À cet égard, bien sûr, nous entendrons d'autres représentants de l'Assemblée des Premières Nations dans le cadre de l'étude.
    Je tiens à vous remercier, vous et les autres témoins, d'avoir été des nôtres aujourd'hui.
    Sur ce, êtes-vous d'accord pour lever la séance?
    Monsieur Schmale, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Je voulais simplement reprendre là où nous en étions dans la discussion sur la motion. Je sais que nous avons adopté une motion pour suspendre le débat, mais il semblait y avoir une volonté parmi les députés de discuter de ma motion. Je voulais simplement vérifier si l'intérêt est toujours là.
    La parole est d'abord à M. Battiste.
    L'intérêt n'est toujours pas au rendez-vous. Je n'entends pas beaucoup de Premières Nations réclamer d'autres études à leur sujet. J'entends plutôt parler de financement, de mise en œuvre des recommandations et de droits issus de traités. Personne ne parle de mener d'autres études dans les communautés des Premières Nations que je connais.
    Je ne pense pas que le député puisse revenir à la motion.
    Je crains que nous nous lancions dans un débat, mais à ce qu'il paraît, nous n'avons pas le consentement unanime pour reprendre le débat sur la motion.
    Sur ce, sommes-nous d'accord pour lever la séance?
     Des députés: Oui.
     Le président: La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU