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Je déclare la séance ouverte.
Bienvenue à la 67e réunion du Comité permanent de la santé de la Chambre des communes. Nous poursuivons notre étude de la surveillance des instruments médicaux et du registre des implants mammaires. Notre groupe de témoins, avec qui nous passerons deux heures, est composé de chercheurs et de représentants d'organisations professionnelles. Cette réunion se déroulera en mode hybride, conformément à l’ordre de la Chambre du 23 juin 2022.
Je vais adresser quelques brèves observations à nos témoins. Ceux qui participent à distance verront au bas de leur écran une icône où ils pourront choisir entre l’anglais et le français. Ceux qui sont dans la salle ont un écouteur à leur disposition et ils peuvent sélectionner le canal de la langue désirée sur le microphone qu'ils ont devant eux. J'invite les participants à distance à ne pas prendre de capture ou de photo de leur écran. Les délibérations d’aujourd’hui seront affichées sur le site Web de la Chambre des communes.
Conformément à notre motion de régie interne, j’informe le Comité que tous les participants à distance ont effectué les tests de connexion requis avant la réunion.
Je vais maintenant souhaiter la bienvenue aux témoins qui se sont joints à nous par vidéoconférence, soit le Dr Jan Willem Cohen Tervaert, professeur de médecine à l’Université de l’Alberta, le Dr Steven Morris, président de la Société Canadienne des Chirurgiens Plasticiens, et Mme Lorraine Greaves, présidente du Comité consultatif scientifique sur les produits de santé destinés aux femmes.
Merci à vous trois d’avoir pris le temps de témoigner aujourd’hui.
Nous allons commencer par le Dr Cohen Tervaert, qui dispose de cinq minutes pour sa déclaration liminaire.
Bienvenue au Comité, docteur, vous avez la parole.
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Merci, monsieur le président.
Je m’appelle Jan Willem Cohen Tervaert. Je suis professeur de médecine à l’Université de l’Alberta et également professeur émérite en médecine et en immunologie à l’Université de Maastricht, aux Pays-Bas. Je siège également au groupe d’experts sur les dispositifs médicaux de la communauté européenne.
J’ai fait ma formation et mes études aux Pays-Bas, mais après avoir terminé ma maîtrise et mon doctorat, j’ai été invité à travailler à l’Université Harvard à Boston, aux États-Unis. En 1993, je suis retourné aux Pays-Bas avec une bourse de l’Académie néerlandaise des sciences.
C'est alors que j'ai ouvert des cliniques pour les patientes présentant des problèmes auto-immuns associés aux implants mammaires. Fort de cette expérience, j’ai le plaisir de partager avec les membres du Comité permanent de la santé quelques renseignements généraux sur l’innocuité ou la nocivité des implants mammaires.
Tout d’abord, il y a eu plusieurs scandales concernant les implants mammaires, ceux‑ci n'étant pas toujours conformes aux normes internationales. Par exemple, il y a eu trois scandales: en 2010 avec la Poly Implant Prothèse, PIP, de France; en 2015 avec Silimed, une entreprise brésilienne, et en 2021 avec la coréenne BellaGel.
De plus, l’Institut national néerlandais de la santé publique et de l’environnement a publié en 2015 une étude de surveillance du marché qui a démontré que les résultats techniques pour les 10 fabricants commercialisant des implants mammaires aux Pays-Bas n’étaient pas conformes et que, dans un cas, les implants contenaient un niveau très élevé de contaminants.
Enfin, en 2018, comme on le sait, l’International Consortium of Investigative Journalists a publié le document intitulé Implant Files, qui fait état de nombreuses lacunes dans les essais cliniques sur les implants mammaires.
Quelles maladies associe‑t‑on aujourd'hui aux implants mammaires? Il y en a trois. Il y a d’abord les maladies malignes. En 1997, une maladie maligne spécifique associée aux implants a été signalée pour la première fois: le lymphome anaplasique à grandes cellules, ou LAGC‑AIM. En 2008, s'appuyant sur le registre néerlandais obligatoire des spécimens de pathologie, Daphne de Jong et al. ont clairement démontré qu'aux Pays-Bas les implants mammaires avaient causé le LAGC‑AIM.
En 2011, la FDA a émis un avertissement, mais a déclaré qu’il n’était pas possible de confirmer un lien éventuel entre les implants mammaires et le LAGC‑AIM. Puisque la plupart des patientes atteintes de LAGC avaient des implants texturés, en 2019, la FDA et Santé Canada ont demandé à Allergan de rappeler ses implants texturés.
Plus récemment, en 2023, la FDA a publié une communication sur l’innocuité selon laquelle d’autres lymphomes et carcinomes squameux associés aux implants mammaires pourraient également se produire chez les patientes porteuses d'implants mammaires en silicone, ou IMS. Bien qu’il n’existe pas d’estimation exacte de la fréquence à laquelle ces tumeurs malignes surviennent chez les patientes ayant reçu un IMS, les chercheurs sur le LAGC ont établi que le risque correspondait à une femme sur 2 832.
Outre les tumeurs malignes, diverses maladies auto-immunes se manifestent plus fréquemment chez les patientes ayant reçu un IMS. De plus, dans ce cas, le risque estimé est très difficile à quantifier et on a longuement débattu du rôle réel des IMS en tant que facteur de risque dans le développement de ces maladies auto-immunes.
Toutefois, en 2018, une vaste étude menée en Israël a démontré de façon convaincante que les maladies auto-immunes survenaient plus souvent chez les patientes ayant reçu un IMS que chez les femmes sans implant mammaire. Les patientes ayant reçu un IMS semblaient présenter un risque 45 % plus élevé de développer une maladie auto-immune, comme la sarcoïdose, la sclérose systémique, la sclérose en plaques ou d’autres maladies auto-immunes. Tout comme pour les tumeurs malignes, la plupart des maladies surviennent plus de 10 ans après l’implantation.
Enfin, il y a un troisième groupe de maladies. Les patientes qui ont des implants mammaires présentent souvent des symptômes qui suggèrent un fonctionnement anormal du système nerveux autonome. Les symptômes de ces femmes comprennent une grande fatigue, une douleur généralisée dans les muscles et les articulations, une sécheresse oculaire grave, une sécheresse buccale grave, des sensations fiévreuses et une déficience cognitive.
De nos jours, cette maladie est appelée maladie des implants mammaires ou syndrome auto-inflammatoire/auto-immun induit par les adjuvants en raison de l’incompatibilité avec le silicone. Les symptômes se manifestent généralement de sept à dix ans après l’implantation de l’IMS. Chez environ 80 % des patientes, ces symptômes s’améliorent ou disparaissent après le retrait de l’implant. Bien qu’il n’existe pas d’estimation précise de la fréquence à laquelle cette maladie se manifeste chez les patientes ayant reçu un IMS, nos études indiquent qu’une femme sur quatre peut développer au moins trois symptômes évoquant cette maladie 10 ans après la pose d’implants mammaires.
Pourquoi un registre national des implants mammaires est‑il nécessaire? On estime que, dans les pays occidentaux, de 3 à 4 % des femmes ont des implants mammaires. Quelque 70 % de ces implants sont insérés pour des raisons esthétiques, tandis que 30 % le sont à des fins de reconstruction après une mastectomie. Quand les implants mammaires de la société PIP ont été rappelés aux Pays-Bas, il existait uniquement un enregistrement volontaire des patientes ayant des implants mammaires remplis de gel de silicone. Cela signifiait que seulement de 10 à 20 % des femmes ayant reçu des implants PIP pouvaient être retracées.
De plus, avec un registre, il est possible de calculer la fréquence à laquelle des complications locales et/ou systémiques surviennent après la pose d’implants mammaires.
Comme il n’y a jamais eu d’essais cliniques randomisés effectués pour démontrer l’innocuité potentielle des implants IMS avant qu'ils ne fussent enregistrés, nous ne disposons actuellement que d’une surveillance post-commercialisation pour évaluer l’innocuité. Les fabricants doivent mener ces études et les chirurgiens plasticiens doivent signaler les événements aux fabricants. Malheureusement, il n’y a pas de critères pour ces rapports, ils ne sont que rarement produits, ils ne sont pas examinés par les pairs et ils ne sont pas accessibles au public.
Comme il existe plusieurs indications de la possibilité que les implants mammaires ne soient pas toujours sécuritaires, il est prudent de commencer par un registre dès que possible. Comme nous l’avons vu, il ne devrait pas s’agir d’un registre optionnel, mais d’un registre obligatoire auquel seule la patiente et non le chirurgien a le choix de s’enregistrer ou non.
Quelles sont les exigences relatives à un registre?
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Il me reste juste quelques points.
Le registre optionnel pourrait être semblable à celui utilisé en Australie et aux Pays-Bas, mais il devrait reposer sur une banque de données constituée des mesures des résultats déclarés par les patientes, ou MEDP.
L'obligation de passer par un registre pourrait poser problème. Aux Pays-Bas, il est prévu que tous les hôpitaux et toutes les cliniques privées aient la responsabilité d’enregistrer les poses d'implants. De plus, la conformité au registre est une exigence pour renouveler les permis des chirurgiens plasticiens.
Pour faciliter l’utilisation du registre, les fabricants devraient être invités à imprimer des codes à barres sur leurs emballages afin d’assurer une inscription au registre sans erreur.
Le financement du registre est un autre facteur important. Aux Pays-Bas, il est établi que les patientes paient un montant additionnel de 40 dollars canadiens pour leur chirurgie. Dans le cas d’une reconstruction mammaire, ce montant est remboursé aux patientes par leur assurance-maladie.
Les implants mammaires sont donc des dispositifs médicaux à haut risque. Aucune donnée épidémiologique solide à long terme n’est disponible, même si les implants mammaires sont sur le marché depuis plus de 60 ans.
Des rappels ont été effectués par le passé et pourraient être nécessaires à l’avenir. Les rappels ne sont pas efficaces s’il n’existe pas de registre approprié. Je suis d’avis qu’il est urgent de commencer par un registre national des chirurgies mammaires. Celui‑ci devrait être utilisé par tous les chirurgiens qui procèdent à la pose d’implants. Le registre nous fournira de meilleurs renseignements sur les maladies qui sont associées à ces implants et/ou causées par ces derniers.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie le Comité de m’avoir invité à témoigner et à lui fournir des informations sur la question des implants mammaires. Je suis d'accord avec mon confrère pour dire qu'il faut réglementer les implants mammaires afin d'assurer la sécurité des clientes.
Je m’appelle Steve Morris. Je suis chirurgien plasticien et reconstructeur. Je travaille à Halifax depuis 30 ans. Je dirige un laboratoire de recherche et je fais de la recherche en laboratoire depuis environ 25 ans. Je suis actuellement président de la Société Canadienne des Chirurgiens Plasticiens.
J’ai commencé ma résidence dans les année 1980. À l’époque, les implants mammaires étaient défectueux. Les résultats étaient médiocres et imprévisibles. Peu à peu, les fabricants d’implants ont amélioré les dispositifs et les résultats. Pour des raisons de sécurité, en 1992, un moratoire a été imposé sur les implants au gel de silicone. Pour toute reconstruction, nous avons dû utiliser des implants remplis de solution saline pendant un certain temps. Le problème avec les implants remplis de solution saline, c’est que le taux de défaillance par implant est de 1 % par année. La rupture spontanée est un problème récurrent. Graduellement, les implants de silicone ont été remis sur le marché, et Santé Canada a essentiellement imposé aux fabricants d’implants la responsabilité de recueillir des données.
Pour revenir un peu en arrière, à quoi servent les implants mammaires? Je fais beaucoup de chirurgies reconstructives mammaires avec des implants. Il existe des causes congénitales de difformités mammaires, comme l’hypoplasie, l’asymétrie ou d’autres difformités plus inhabituelles. Les patientes transgenres ont besoin d’implants mammaires. Enfin, il y a l’augmentation cosmétique des seins. Le nombre de ces interventions varie d’un chirurgien à l’autre dans différentes pratiques.
On s’est toujours inquiété de la sécurité des implants mammaires. Dans les années 1980, le taux de rupture d’implants était beaucoup trop élevé. À mesure que les fabricants essayaient d’obtenir un meilleur implant, ils ont aminci la capsule et rendu le silicone plus visqueux. Cela a fini par causer beaucoup de ruptures.
Le silicone est une source de préoccupation en raison de ce qu’il peut faire dans le corps. En général, le silicone a d’abord été choisi parce qu’il est relativement inerte biologiquement, mais il y a toujours une capsule autour de tout dispositif implanté. Quel que soit le type d’implant dans le corps, il y a toujours une capsule autour. Cela semble causer beaucoup de problèmes dans un certain sous-groupe de patientes.
Quand le moratoire a été annoncé en 1992, des centaines de projets de recherche ont alors porté sur la sécurité, en particulier sur l’aspect auto-immun. À ce moment‑là, il n’y avait pas de preuves convaincantes. C’est pourquoi Santé Canada a autorisé le retour des implants sur le marché, sachant que les fabricants d’implants allaient étudier les données. C’est pourquoi nous sommes ici aujourd’hui.
On dit que le meilleur moment pour planter un arbre, c’était il y a 30 ans, et le deuxième meilleur moment pour le faire, c’est aujourd’hui. C’est la même chose pour ce registre. Aujourd’hui est le meilleur moment pour commencer à progresser dans ce dossier. Nous aurions déjà d’excellentes données.
Le LAGC‑AIM, pour lymphome anaplasique à grandes cellules associé aux implants mammaires, est une tumeur très grave causée par des implants mammaires. Encore une fois, les implants texturés ont été associés en plus grand nombre au LAGC, mais il ne fait aucun doute qu’il existe un lien entre le lymphome anaplasique à grandes cellules, qui est une forme de lymphome non hodgkinien, et les implants. C’est la raison pour laquelle les IMS ont été retirés du marché en 2019. Il y a 10 ans, si nous avions disposé de ces données quand nous avons subodoré l'existence du LAGC, nous aurions pu alerter toutes ces patientes et leurs chirurgiens, retirer ces implants et en arrêter la production. Nous sommes passés à côté de cette occasion, pour ne pas dire plus.
Malheureusement, il n’existe pas actuellement de bon moyen de suivre le nombre de patients ayant reçu ce genre d’implants. Un registre aurait permis de le faire facilement. Dans toute intervention chirurgicale, le chirurgien est tenu de divulguer au patient l’analyse coûts-avantages de l’opération. Quels sont les risques? Quel est le coût financier? Quelles douleurs et quelles souffrances seront éventuellement associées à ce choix? Quel est le but de l’opération? Si nous n’avons pas de données adéquates sur les implants mammaires, nous ne pouvons pas conseiller correctement nos patientes. En tant que chirurgiens, nous voulons obtenir d’excellents résultats tous les jours, mais nous voulons le faire en toute sécurité.
Croyez‑le ou non, après ce que vous venez d’entendre, nous obtenons constamment d’excellents résultats dans cette population de patientes. Je pratique depuis 30 ans. Si j’avais eu des résultats terribles et des patientes gravement touchées, j’aurais cessé de faire ce genre de chirurgie depuis longtemps. Il est certain que nous obtenons d’excellents résultats la plupart du temps.
Il y a aussi les cas dont nous ne sommes pas au courant. Nous les avons perdus dans le suivi ou je ne sais quoi d'autre.
Pour offrir aux patientes des soins optimaux et sécuritaires, je crois que nous devons créer un registre national des implants mammaires. J'ai cité un article que j'ai lu en préparation de ma présentation, dans lequel on dit que l'obligation d'assurer la sécurité des patientes ne revient pas au médecin qui utilise le matériel médical, mais au gouvernement qui le réglemente.
En plus de présider le Comité consultatif scientifique sur les produits de santé destinés aux femmes, je suis chercheuse principale au Centre of Excellence for Women's Health, dont le siège social est à Vancouver, et professeure clinicienne à la Faculté de médecine de l'Université de la Colombie-Britannique. Je suis également sociologue médicale, alors je suis formée pour analyser les liens entre la santé et divers systèmes.
Il ne fait aucun doute qu'un registre des implants mammaires serait avantageux pour les Canadiennes, et que tout devrait être fait pour en créer un. Toutefois, un tel registre n'est qu'un exemple de la nécessité d'un système complet de suivi et de surveillance des instruments médicaux au Canada. J'aimerais aborder brièvement ces deux aspects.
La santé des femmes est négligée depuis longtemps. Cela comprend leur exclusion des essais cliniques, les recherches insuffisantes sur les principaux problèmes de santé qui leur sont propres, ainsi que sur la façon dont les problèmes de santé communs aux deux sexes se présentent chez les femmes, comme les maladies cardiovasculaires, par exemple. C'est le résultat d'un biais systémique à long terme dans la recherche en santé et dans le traitement.
Le gouvernement du Canada a pris des mesures correctives à la suite de cette négligence, y compris le financement du Programme des centres d'excellence entre 1996 et 2012. Il y avait cinq centres et un groupe de travail sur la protection de la santé. Ce dernier, qui inclut le centre que j'ai établi à Vancouver, a produit deux rapports sur la question des implants mammaires. J'ai fourni un lien pour y donner accès dans le mémoire que j'ai envoyé au greffier.
La deuxième initiative visant à remédier à ce problème a pris la forme d'un programme de recherche conjoint. Santé Canada et les Instituts de recherche en santé du Canada ont lancé cette initiative entre 2019 et 2020 pour s'attaquer à des enjeux stratégiques clés. Il s'agit de l'ACSG+, ou analyse comparative sur le sexe et le genre plus, issue de partenariats de recherche sur les politiques en santé.
Deux des sept projets réalisés dans le cadre de ce programme sont pertinents aujourd'hui. Le premier, mené par Anna Gagliardi, du Women's College Hospital, et son équipe, a permis d'analyser la gestion des instruments médicaux au Canada du point de vue de l'ACSG+. Mme Gagliardi a recommandé une révision complète de la documentation et des procédures, ainsi qu'une formation sur l'ACSG+ pour l'industrie. J'ai dirigé une équipe qui faisait un travail en parallèle sur l'ACSG+ et la gestion des médicaments d'ordonnance. Nous avons formulé des recommandations semblables, y compris l'inclusion obligatoire de données liées au sexe et de données liées au genre — à partir de 2023 dans le premier cas — dans les présentations concernant des médicaments et des instruments. Ces deux éléments témoignent de certaines des lacunes de notre système actuel.
La création du comité consultatif scientifique est le troisième exemple. Nous avons pour mandat de donner des conseils sur une meilleure gestion des médicaments et des instruments qui touchent les femmes. Nous avons cerné de nombreux problèmes concernant les deux, et nous avons formulé ces recommandations dans le contexte de divers efforts de planification de Santé Canada.
En ce qui concerne le registre, comme vous l'avez entendu jusqu'à maintenant, il s'agit d'un outil extrêmement important pour les femmes qui ont eu un implant, et en particulier pour celles qui ont eu des problèmes par la suite. Vous avez entendu parler des problèmes qui se sont posés. Au comité, nous avons entendu le témoignage de certaines des femmes qui ont eu des problèmes, ce qui a été très émouvant et a souvent fait ressortir des situations catastrophiques qui ont changé la vie de ces personnes.
Le registre revêt également une grande importance pour les cliniciens et les chercheurs, car il fournira des données plus solides.
La demande d'un registre des implants mammaires au Canada remonte à plus de 33 ans. Comme l'a dit le dernier intervenant, c'est à ce moment‑là qu'il aurait fallu agir. Parmi les efforts qui ont été déployés figurent des rapports, des comités consultatifs spéciaux, des comités d'experts, au moins deux projets de loi, des témoignages et des recommandations émanant de défenseurs des consommateurs. Plus récemment, soit en mars de cette année, nous avons eu le Programme d'échanges Meilleurs Cerveaux, en plus de l'étude que vous entreprenez maintenant. J'ai soumis une présentation PowerPoint découlant du programme d'échanges pour vous permettre de vous situer, de même qu'un échéancier.
Cependant, nous n'avons toujours pas de registre, même si beaucoup d'autres pays en ont un. Il est plus que temps d'en établir un. Il est évident qu'il faut des discussions sur la logistique, les avantages et les inconvénients, ainsi que des arguments sur les objectifs et la complexité, mais 33 ans, c'est long pour élaborer un système.
Le temps est venu d'agir. Le registre devrait inclure tous les implants vendus au Canada — insérés, remplacés et retirés dans les établissements de santé privés et publics, y compris des renseignements sur les rappels.
Les membres du comité consultatif scientifique sont un groupe estimé et expérimenté de cliniciens, de scientifiques, de défenseurs des consommateurs et de chercheurs. Nous avons recommandé des mesures. Nous avons participé aux échanges des Meilleurs Cerveaux.
Enfin, un registre fournirait un dénominateur pour le calcul du risque, ce que nous n'avons pas pour le moment. Il nous est par conséquent impossible de calculer le risque, qui sous-tend le consentement éclairé. Cela a des répercussions sur les cliniciens et aussi sur les femmes. Comme nous ne connaissons pas le nombre total d'implants qui ont été insérés, retirés, remplacés, qui ont échoué ou qui ont réussi, nous ne pouvons pas calculer les risques. À mon avis, cette absence de données probantes supplante les formulaires de consentement les plus rigoureux.
Il faudrait également disposer de données pour la recherche, afin de comprendre la dynamique de l'utilisation des implants mammaires, dont on parle très peu. Les IRSC devraient être encouragés à utiliser les données du registre, si nous en obtenons un, pour produire des recherches destinées au domaine public.
Même pour les implants qui sont insérés dans des cliniques privées, le suivi au chapitre des soins de santé relève du domaine public. C'est donc un problème pour tous les Canadiens.
Nous avons également recommandé d'améliorer la communication avec les cliniciens et les receveuses potentielles d'implants, y compris des renseignements fiables sur l'expérience des consommateurs, les raisons et les motivations des personnes qui souhaitent recevoir des implants, les solutions de rechange aux implants, la durée de vie des appareils et la recherche qualitative pertinente. Même les implants qui ne posent pas de problème au départ viennent à expiration et doivent être remplacés. Les femmes doivent prévoir cela et se renseigner sur les solutions de rechange qui existent.
Nous ne le faisons généralement pas pour le moment, mais à la base, dans l'ensemble...
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D'accord, je vais conclure.
Dans l'ensemble, il s'agit d'une intervention qui n'est pas nécessaire sur le plan médical.
Je vais conclure en disant quelques mots sur la vigilance suivant la commercialisation de tout appareil. La est entrée en vigueur en 2019 et oblige les hôpitaux à signaler les effets indésirables. On a promis d'étendre cela aux soins de longue durée et aux cliniques privées, ce qui est nécessaire. Nous avons besoin de cela pour appuyer un registre solide.
Deuxièmement, le Canada n'a pas encore de déclaration obligatoire des données relatives au sexe et au genre dans les présentations de l'industrie concernant les instruments ou les médicaments, malgré une politique fédérale d'ACSG+. Par conséquent, nous n'avons pas d'étiquettes de mise en garde et de monographies adéquates pour les consommateurs et les cliniciens.
Des promesses ont été faites pour améliorer la situation. Certaines d'entre elles ont été tenues, mais il reste encore beaucoup à faire. Il est extrêmement important que, même si le rythme de ces engagements a été plus lent que nous le pensions, ces objectifs ne soient pas éliminés ou réduits par les compressions budgétaires des ministères.
Je terminerai en disant qu'il est plus que temps d'avoir un registre. Il est plus que temps d'obliger les parties à prendre ces mesures importantes à l'égard des instruments médicaux.
Merci beaucoup.
Ce que j'entends dans la salle — de vous trois —, c'est qu'il y a manifestement un intérêt pour la création de ce registre. Je tenais à le souligner. Ce qui ressort au bout du compte, c'est que cela est important.
Madame Greaves, vous avez fait une présentation PowerPoint. Il y est question des éléments que vous avez examinés et qui seraient nécessaires à la réussite du registre des implants mammaires, y compris des objectifs clairs; du financement stable à long terme; de l'indépendance — financière et technique, mais une écoute des intervenants; une interface simple et le téléchargement de données; une option de retrait; des exigences de données concises; des données épurées qui peuvent être utilisées ou déclarées facilement.
C'est essentiellement ce que disait l'une de ces diapositives.
J'aimerais me concentrer sur l'option de retrait. Bon nombre d'entre vous se sont demandé s'il faudrait choisir un registre obligatoire ou optionnel, et vous avez parlé des préoccupations concernant, d'abord, le consentement éclairé de la patiente et, deuxièmement, la protection de la vie privée.
Je vais commencer par le Dr Morris. Aimeriez-vous dire quelque chose à ce sujet?
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Oui. C'est une excellente question.
Les données sont extrêmement claires à ce sujet. Le registre facultatif a un taux de participation d'environ 20 % chez les patientes. Le registre obligatoire permet d'obtenir les données dans une proportion de 80 ou 90 %. Si vous voulez faire l'étude... Je ne suggérerais même pas de faire l'étude pour un registre facultatif, qui est voué à l'échec.
L'un des avantages lié au fait d'avoir attendu 30 ans pour lancer ce projet, c'est qu'il y a beaucoup de données publiées par d'autres pays qui ont fait tous les essais et erreurs. Il existe d'excellentes études sur les autres registres dans le monde, dont nous pouvons nous inspirer. L'Allemagne et l'Italie ont décidé de rendre le registre obligatoire. Il n'y a même pas d'option de retrait. Il est obligatoire pour les chirurgiens et les patientes, ce dont il faudrait discuter.
Je pense que la confidentialité des données sur les patientes est toujours importante dans toute base de données. Dans le cas d'un registre national, ce serait essentiel au succès du registre. Évidemment, les données cliniques, particulièrement sur ce genre de sujet, qui est très délicat... Beaucoup de gens ne veulent pas que ces données soient publiques. Il faudrait imposer des paramètres de confidentialité très stricts, en plus d'offrir l'option de retrait.
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Je ne pense pas avoir dit cela.
Dans les années 1990, lorsque le moratoire a été imposé, les implants en gel de silicone ont été retirés du marché. Lorsque les patientes avaient besoin d'une autre intervention chirurgicale, nous ne pouvions offrir que des implants remplis de solution saline. Par conséquent, nous avons tous connu beaucoup de patientes qui se sont fait poser des implants sans problème, mais dont les implants se sont dégonflés soudainement après un à vingt ans. Le fait que cela arrive soudainement est un problème. Il s'agit d'un échec total et très évident.
Pour revenir à la question des complications, lorsque vous entendez qu'un tel nombre... Je pratique une intervention — appelée lambeau perforant de l'artère épigastrique inférieure profonde, qui consiste à prélever de la peau de l'abdomen pour reconstruire le sein — qui représente une option de rechange. Donc, quelles sont les solutions de rechange à l'utilisation d'un implant?
Dans le cas d'une femme qui a subi une mastectomie, mes options sont un implant ou l'utilisation de tissus humains. L'intervention pour un implant dure une heure et les résultats sont assez bons la plupart du temps. L'autre option est une intervention de transfert de tissus hautement invasive, qui dure entre quatre, six ou huit heures. Ce sont les options que j'offre. Il y a des avantages et des inconvénients dans les deux cas. Les patientes ont le choix de ne pas subir une reconstruction mammaire après une mastectomie — ce que certaines choisissent de faire, et c'est tout à fait raisonnable — ou elles décideront de se faire poser un implant, avec une discussion complète sur les risques de cette intervention, ou elles choisiront l'intervention plus invasive.
En ce qui concerne cette dernière, que je pratique à partir de tissus de l'abdomen, les études montrent un taux de complications de 50 %, ce qui... Quel est le chirurgien qui fera une intervention comportant 50 % de complications? C'est fou. Le fait est que, dans ces études, ces 50 % de complications comprennent de petites choses, comme un abcès à un petit point de suture ou des cicatrices qui sont un peu épaisses ou d'autres choses. Quand on entend des chiffres comme 25 %, cela ne veut pas dire un taux de complications graves de 25 %. Nous croyons que le taux de LAGC est plus élevé que ce que nous pensions au départ. Peut-être qu'une personne sur 300 est l'estimation la plus élevée que j'ai entendue, c'est‑à‑dire 0,3 %, ce qui est encore très alarmant pour cette complication, mais les autres complications graves sont difficiles à déterminer, comme, par exemple, les maladies auto-immunes. Nous avons parmi nous l'un des grands experts mondiaux, qui pourra vous dire toutes les formes que cela prend.
En ce qui concerne les maladies des implants mammaires, un directeur scientifique a assisté à notre réunion nationale cette année, et nous avons eu une séance complète sur celles‑ci. Essentiellement, cela existe‑t‑il? Quels sont les critères de diagnostic? Quels sont les tests effectués? Il n'y a pas de consensus du tout. La première question était la suivante: cela existe‑t‑il? La plupart des gens n'étaient pas certains que cela existe vraiment. Il n'y a certainement pas de critères de diagnostic ni de test pour le confirmer.
Quand on parle d'un taux de complication de 20 %, ce n'est pas un taux de complications graves de 25 %. Il n'y a jamais eu d'étude de ce genre dans les ouvrages publiés.
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais également, à la suite de mon amie, Mme Sidhu, souhaiter à tous une bonne Semaine nationale des soins infirmiers.
J'ai une petite histoire, monsieur le président. La semaine dernière, nous avons célébré la Journée nationale des médecins. Je pense que beaucoup d'entre vous savent que ma femme est médecin. Je lui ai envoyé une note disant « Bonne Journée nationale des médecins ». Elle m'a répondu en m'envoyant une note disant: « Merci, et j'espère pouvoir te rendre la pareille lors de la Journée nationale des politiciens. »
Des voix: Oh, oh!
M. Matt Jeneroux: Je ne sais pas si vous avez déjà célébré cela, monsieur le président, mais moi, pas encore.
Un député: Le jour du poisson d'avril.
Le président: Cela semble être une excellente idée pour un projet de loi d'initiative parlementaire.
M. Matt Jeneroux: Oui, bien sûr. Allez de l'avant avec cela, monsieur le président, et nous verrons comment les choses se passent.
Pour revenir à la question à l'étude, nous avons reçu la semaine dernière le Dr Lennox. Il a laissé entendre qu'il y avait déjà un registre informel qui existe chez ses collègues — il travaille à l'Université de la Colombie-Britannique — et que, de toute évidence, il n'est pas financé par l'État. Je pense aussi à d'autres pays: la Suède, les États-Unis et les Pays-Bas, où les registres sont tous financés soit par des associations, soit par quelque chose de semblable.
Je ne pense pas que le problème soit tellement... Le Comité a entendu des témoins de tous les partis qui veulent s'assurer que nous faisons tout en notre pouvoir pour protéger les personnes qui connaissent ces problèmes de santé. Pour revenir à votre analogie de l'arbre, docteur Morris, j'ai trouvé qu'elle était plutôt pertinente. Comment pouvons-nous y arriver? Je suppose que c'est la question à laquelle le Comité est confronté, du moins à mon avis.
Pour ce qui est du financement privé par rapport au financement public, j'ai entendu Mme Greaves mentionner le financement public. Je vais peut-être commencer par vous, madame Greaves, puis je passerai aux deux autres personnes présentes dans la salle pour qu'elles me parlent des avantages et des inconvénients de cela, afin que nous puissions évaluer cette question.
Je crois que vos témoins de la semaine dernière ont parlé des avantages et des inconvénients des modèles de registre. Comme l'un des témoins précédents l'a dit aujourd'hui, ce n'est pas mon domaine d'expertise, mais je crois que les aspects de la surveillance publique sont extrêmement importants pour rendre ces registres obligatoires et veiller à ce que les cliniciens fassent rapport rapidement, surtout au sujet des événements indésirables, mais aussi pour s'assurer que les rappels nécessaires ont lieu.
Je pense que le registre australien est financé par l'État, et cela ne veut pas dire que le gouvernement le gère, bien sûr. Cela signifie que le financement est versé aux gestionnaires du registre, comme les universités dans le cas de l'Australie, et que dans d'autres cas, il est envoyé aux associations professionnelles.
Je pense que la question de savoir qui le gère est différente de qui le finance, mais je pense aussi que cela inspire une certaine confiance à la population canadienne. Je crois qu'il faut que le gouvernement du Canada ajoute son poids à un tel registre, et j'ai l'impression, heureusement, que l'avantage d'avoir attendu 33 ans pour le faire, c'est qu'il y a de très bons dossiers et qu'il y a maintenant des enquêtes et des examens...
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Il y a eu des mises à jour récentes.
Il y a un article qui a été publié concernant le premier registre. Il s'agit d'un document issu des expériences australienne, néerlandaise et suédoise, en combinaison avec le petit registre des États-Unis. Aux États-Unis, seulement 3 % du registre est fait.
Ce document montre clairement que les complications sont beaucoup plus élevées chez les patientes en reconstruction que chez les patientes en esthétique. Il y a environ 15 % de nouvelles interventions dans un délai de deux ans pour les patientes en reconstruction, comparativement à seulement 3 % pour les patientes en soins cosmétiques.
Ce qui est important, cependant, c'est que nous constatons toujours que 30 % des interventions sont reconstructives et que 70 % sont cosmétiques, alors que les registres disent autre chose. Il n'y a que 8 % de chirurgies reconstructives et 92 % sont en fait cosmétiques. Nous sous-estimons donc peut-être beaucoup le nombre d'implants mammaires utilisés à des fins esthétiques.
Ces registres montrent maintenant que la proportion est probablement beaucoup plus élevée pour les interventions cosmétiques que reconstructives.
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Merci, monsieur le président. Je vais tâcher d'intervenir rapidement.
Je vais m'adresser au Dr Cohen Tervaert.
Lorsqu'il a comparu devant notre comité, M. Boudreau, de Santé Canada, nous a dit qu'il n'y avait pas assez de données probantes pour reconnaître la maladie des implants mammaires comme le fait la Food and Drug Administration.
Vous avez publié, dans la revue d'experts en immunologie clinique, un article qui s'intitule « Breast implant illness: scientific evidence of its existence ». Je vous demanderais de le soumettre au Comité. Vous pourrez nous parler de la conclusion de votre article.
Je disais à M. Boudreau que, lorsqu'on n'a pas de données probantes, mais qu'on doit assurer la sécurité des femmes eu égard à un instrument à haut risque, on applique le principe de précaution.
Qu'en pensez-vous?
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Je suis parfaitement d'accord.
L'un des problèmes que l'on observe avec la maladie des implants mammaires, c'est qu'il est clair que les patientes s'en sortent mieux après l'exérèse. La plupart des symptômes disparaissent. Nous avons récemment publié, il y a à peine quelques mois, qu'une réintroduction d'implants, c'est‑à‑dire d'autres implants, avait échoué dans 70 % des cas. Les problèmes observés à l'introduction, au retrait et à la réintroduction constituent un très solide argument scientifique.
Je pense que Santé Canada a tort. La maladie des implants mammaires constitue un problème évident. Dans le domaine des maladies auto-immunes, il n'y a pas de débat. Il est clair que cette maladie est réelle. Nous nous penchons de plus en plus sur la pathologie de cette maladie. Lors de la dernière conférence à Athènes, il y a eu des affiches, des discussions sur les modèles animaux, où l'on a pu constater que des animaux auxquels on avait injecté le sérum de patientes malades pouvaient développer une maladie semblable à celle des implants mammaires.
Ce n'est qu'une question de temps, je crois, pour convaincre le monde qu'il s'agit d'une maladie bien réelle qui peut être traitée par l'exérèse.
Merci aux témoins de ce matin. J'ai quelques brèves questions à poser pour obtenir quelques réponses brèves, si cela vous convient. Pardonnez-moi, car j'ai beaucoup de questions à poser par la suite.
La première question que je vous pose à tous est la suivante: un registre est‑il obligatoire, oui ou non?
Dr Jan Willem Cohen Tervaert: Oui.
Dr Steven Morris: Oui.
Mme Lorraine Greaves: Oui.
M. Ziad Aboultaif: Le registre devrait‑il couvrir les implants fabriqués à l'extérieur du Canada?
Dr Jan Willem Cohen Tervaert: Oui.
Mme Lorraine Greaves: Oui.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci à nos témoins. C'est extrêmement intéressant.
J'aimerais d'abord me joindre à mes collègues pour signaler que c'est la Semaine nationale des soins infirmiers. Merci de le souligner.
J'aimerais également dire ceci au Dr Tervaert, puisque la semaine dernière a eu lieu la Journée du patrimoine néerlandais au Canada et la Journée de la libération en Hollande: en tant que Canadien d'origine néerlandaise, je suis heureux de vous souhaiter une bonne Journée du patrimoine néerlandais.
Je pense que maintenant que nous avons eu quelques réunions sur cette question, nous ne devons plus parler du « si » mais bien du « comment ». Nous n'en sommes plus à l'étape où nous nous demandions s'il fallait envisager ou mettre en œuvre un registre. Nous devons maintenant commencer à discuter des détails et des prochaines étapes.
Je pense qu'il est important de reconnaître que le Canada a des défis assez particuliers à relever en ce qui concerne les données sur la santé. Le fédéralisme peut parfois nuire à beaucoup d'excellentes idées. Au Canada, nous avons un ensemble disparate de lois sur la protection des renseignements personnels. Nous sommes très en retard — d'une décennie, sinon plus — pour ce qui est de rendre ces données interopérables et de pouvoir les communiquer.
J'ai récemment rencontré des spécialistes de l'intelligence artificielle pour discuter du fait qu'il pourrait y avoir une solution plus rapide que d'attendre 10 ans pour que tous les systèmes soient modifiés. Il vaut la peine de reconnaître que notre gouvernement a reconnu les défis liés aux données en février et a fait des données un pilier de notre investissement de 198,6 milliards de dollars, dans la prochaine décennie, dans notre système de soins de santé grâce à la normalisation des données sur la santé et des outils numériques.
En même temps, la collecte, l'utilisation et la divulgation de toutes ces données relèvent toujours des provinces et des territoires, qui ne se parlent pas nécessairement dans la bonne langue ou dans la même langue. De plus, ces règlements sont régis par les lois provinciales et territoriales sur la protection des renseignements personnels en matière de santé.
Ce sont des défis propres au Canada. On dit souvent que le Canada est composé de 13 pays qui prétendent et essaient d'en être un. Voilà les défis que nous devons relever en tant que législateurs. Le fait que les lois sur la protection des renseignements personnels et les données varient grandement d'une région à l'autre du pays pourrait poser de nouveaux défis, mais nous devons nous y attaquer. Par exemple, certaines provinces pourraient aussi devoir adopter des lois pour se conformer à la loi, car il existe assurément des problèmes en ce qui concerne la protection de la vie privée. Il faudra plus d'une loi pour obtenir un registre dans chaque province et territoire.
Avez-vous des suggestions ou des solutions pour régler certains de ces problèmes de compétence dans le contexte d'un registre au Canada?
C'est une question qui s'adresse à tout le monde, de façon assez générale. Par exemple, avez-vous déjà assisté à une réunion d'un comité provincial comme celui‑ci pour discuter de ces problèmes dans le domaine de la santé?
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C'est un excellent point. Merci.
J'ai une autre question, monsieur le président.
Docteur Morris, vous avez beaucoup parlé des solutions de rechange à la reconstruction. Évidemment, il y a les nouvelles chirurgies, le TRAM libre, et ainsi de suite, qui créent des problèmes importants en ce qui concerne le temps passé sous anesthésie, la récupération, et ainsi de suite. Si nous considérons que les nouvelles techniques prennent plus de temps et que les implants mammaires constituent une solution beaucoup plus rapide... Il y a peut-être là une explication.
Cela dit, puisque nous ne verrons pas la chirurgie des implants mammaires disparaître de sitôt, nous devons évidemment régler certains de ces problèmes, comme le syndrome ASIA, la maladie des implants mammaires et le LAGC. Est‑il logique que nous examinions la question de plus près?
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Merci beaucoup, monsieur le président.
C'est une discussion intéressante. Je suppose que je n'arrive toujours pas à comprendre que les chirurgiens veulent un registre et que les patientes en veulent probablement un, même s'ils ne sont pas vraiment certains d'en avoir besoin. Je suppose que je ne peux pas comprendre pourquoi nous ne passons pas à l'action. Je sais que cela coûte cher, et ainsi de suite, mais c'est tout à fait logique.
L'autre chose que j'aimerais souligner, c'est qu'à mon avis, les fabricants sont complices de cette situation et doivent raisonnablement faire partie du système en ce sens que, si vous êtes propriétaire d'une voiture et qu'il arrive quelque chose, vous recevez un avis de rappel. Votre constructeur vous envoie un avis vous disant que vous feriez mieux d'aller faire réparer le véhicule. Je me rends compte qu'il y a une personne intermédiaire ici — un chirurgien — et cela peut compliquer les choses.
Cela dit, docteur Morris, vous avez parlé un peu des implants texturés. Vous pourriez peut-être nous parler un peu de ce processus... Évidemment, comme il n'est pas texturé pour vous, vous n'aurez pas affaire aux fabricants. Cependant, si vous deviez choisir un implant particulier pour une patiente, parlez-nous un peu de la façon dont le processus est suivi ou de ce qui se passe à l'heure actuelle pour que nous puissions comprendre le processus.
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C'est une question complexe. Vous savez, si vous avez grandi dans une famille qui possédait un véhicule Ford, vous aurez tendance à conduire une Ford. C'est le même genre d'analogie.
Je ne suis pas... Je ne veux pas faire de la publicité pour Ford.
Des voix: Oh, oh!
Dr Steven Morris: Vous avez tendance à adopter beaucoup de choses qui ont fonctionné pour le chirurgien qui vous a formé. J'ai travaillé avec des chirurgiens qui aimaient les implants ronds de la compagnie A. C'est ce que j'ai utilisé. Je n'ai rien vu à toutes les réunions auxquelles j'ai assisté qui puisse m'en dissuader. C'était un bon choix, parce que ceux‑là n'avaient pas vraiment causé de problèmes à notre connaissance.
Les implants texturés ont été introduits par la compagnie. Il ne semble pas qu'ils aient fait l'objet d'une évaluation aussi rigoureuse que celle des médicaments par la FDA, mais ils ont été introduits parce que l'interface entre la texture et la capsule du corps — la réaction — était censée réduire la contracture capsulaire. Il s'agissait d'essayer d'innover pour réduire une complication, mais ils ont créé une complication différente. C'est comme introduire un animal différent en Australie pour se débarrasser d'un problème: vous créez ainsi un autre problème.
Le choix des implants a toujours été biaisé pour les chirurgiens. Pour répondre à la question de tout à l'heure à savoir s'il y a un parti pris dans la littérature, il y a des études bien documentées selon lesquelles il y a un parti pris dans tous les aspects de la littérature scientifique, qu'on le reconnaisse ou non. L'industrie est un exemple classique de résultats de recherche biaisés.
Lorsqu'une patiente demande le service et que vous avez un nombre limité d'options, vous choisissez celle qui vous semble bonne. Vous vérifiez auprès de vos collègues, vous allez à des réunions et vous essayez de bien connaître les besoins de vos patientes.
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Merci, monsieur le président.
Je vais partager mon temps de parole avec le député Thériault.
Docteur Morris, je vais vous adresser mes questions. Vous avez parlé de tourisme médical. Nous voyons beaucoup plus fréquemment des gens se rendre dans d'autres destinations pour combiner augmentation mammaire et escapade récréative. Vous avez parlé du Mexique. Nous savons que la Turquie est en train de devenir une plaque tournante pour beaucoup de chirurgies esthétiques, tout comme la Colombie.
Quelles procédures devons-nous mettre en place pour les patientes qui cherchent à obtenir ces augmentations ou ces interventions pour nous assurer d'avoir accès à ces dossiers? Avons-nous des procédures en place pour savoir quel type d'implant a été inséré, s'il a été approuvé par le Canada, quand l'intervention a été faite et qui était le médecin? Pouvons-nous retracer cette information?
Ce sont là quelques-uns des défis, et je pense que vous en avez parlé.
Vous avez environ une minute pour répondre avant que je cède la parole à mon collègue. Je pense que c'est un aspect sur lequel nous devons vraiment nous pencher.
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Merci. Je vous en suis reconnaissante.
J'ai dit à quelques reprises qu'à mon avis, nous avons omis de prêter attention aux motifs qui incitent les patientes à demander des implants, que ce soit à des fins esthétiques ou de reconstruction. Je pense que c'est une grande omission qui pourrait contribuer à améliorer la santé générale des femmes au Canada et de celles qui ont besoin d'implants ou qui en demandent. Prêtez attention à ces motivations, puis faites de la sensibilisation à leur sujet. Ce n'est pas clair, mais certaines de ces motivations sont liées à l'image corporelle — principalement les pressions sur l'image corporelle auxquelles les filles et les femmes font face et qui mènent à des demandes d'interventions à des fins cosmétiques.
En ce qui concerne la reconstruction, nous savons, d'après ce que nous ont dit certaines survivantes du cancer, qu'elles se demandent si elles devraient ou non en subir une. Les avantages et les inconvénients sont souvent liés aux problèmes d'image corporelle. Il y a tout un domaine de recherche dont je n'ai pas beaucoup entendu parler — et dont on n'a même pas parlé aujourd'hui — qui pourrait contribuer grandement à réduire le recours aux implants.
Vous avez entendu un autre témoin dire qu'il ne recommanderait pas cela à sa fille. Je ne recommanderais certainement pas cet instrument à quiconque. Le meilleur implant mammaire est probablement celui qui est évité. Je pense que nous avons l'obligation de commencer à y réfléchir également et à recueillir des données sur les motivations des patientes. Ensuite, au sujet des personnes inscrites dans un registre qui ont reçu des implants, recueillir des données pour déterminer si les symptômes mentaux et physiques qui en découlent s'améliorent ou non.
Ce sont là mes derniers commentaires. Merci.
J'aimerais remercier nos témoins d'avoir participé à notre réunion aujourd'hui. La profondeur de leur expérience et de leur expertise est très claire, et les renseignements qu'ils nous ont fournis nous seront sans aucun doute précieux lorsque nous commencerons à formuler des recommandations pour l'avenir.
Merci d'avoir pris le temps de répondre à nos questions avec autant de patience et de rigueur.
J'ai deux points à aborder avant de lever la séance.
Chers collègues, plus tard aujourd'hui, nous recevrons les documents des témoins qui ont comparu dans le cadre de l'étude du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés. Puisque ces documents devront être traduits, il y aura un retard. Nous demanderons au Bureau de la traduction d'établir l'ordre de priorité de cette demande afin que nous puissions la recevoir le plus tôt possible.
Dans un autre ordre d'idées, c'est avec un certain regret que je dois vous informer que notre illustre analyste, Sarah Dodsworth, va nous quitter. Elle n'ira pas loin, mais elle n'assistera plus aux réunions du Comité et ne nous rendra plus l'excellent service que nous avons eu pendant son mandat. Je suis certain que vous vous joindrez à moi pour lui souhaiter la meilleure des chances dans ses nouvelles fonctions à la Bibliothèque du Parlement.
Des voix: Bravo!
Le président: Voulez-vous faire un discours, madame Dodsworth?
Des voix: Oh, oh!
Le président:Plaît‑il au Comité de lever la séance?
Des députés:D'accord.
Le président:La séance est levée.