:
Merci de cette précision, monsieur Chisholm.
D'après ce que le greffier m'a dit, les remplacements ont été faits en bonne et due forme. Le comité est ici au complet. Je ne vois aucune raison de continuer à parler de cela, surtout qu'il y a des témoins qui sont venus de l'autre bout du pays pour témoigner devant le comité.
La façon dont j'ai procédé jusqu'à maintenant, pour ceux d'entre vous qui sont ici pour témoigner... vous allez voir qu'il y a des membres du comité. Tous les débats se font dans les deux langues officielles. Vous avez une oreillette. Est-ce qu'il y a des gens qui ne savent pas comment cela se passe? Je pense que tout le monde connaît la procédure. C'est ainsi que nous allons procéder.
On m'a signalé que M. Simard sera ici vers 19 h 30. Nous allons devoir nous arrêter lorsqu'il va arriver, même si nous sommes en train de poser des questions, pour lui permettre de présenter son exposé, et nous allons ensuite reprendre les questions. C'est le meilleur moyen de prévoir le déroulement de la séance, compte tenu de l'horaire de M. Simard.
Sans plus tarder, monsieur Irving, je vous cède la parole. Vous avez 10 minutes.
Pendant votre exposé, veuillez jeter un coup d'oeil vers moi de temps en temps. Je vais vous faire signe lorsqu'il restera deux minutes, puis une minute. Nous essayons de respecter l'horaire de très près.
Vous avez la parole, monsieur.
:
Merci, monsieur le président.
Je m'appelle Jacob Irving et je suis le président de l'Association canadienne de l'hydroélectricité. Je suis accompagné par Ed Wojczynski, de Manitoba Hydro, le président du conseil d'administration de notre association.
[Traduction]
L'ACH est le porte-parole de l'industrie de l'hydroélectricité au Canada. L'Association représente les producteurs, les fabricants, les sociétés de génie, les consultants et les entreprises de construction.
Soixante pour cent de toute la production électrique du pays est d'origine hydraulique. Le Canada vient au troisième rang des producteurs d'hydroélectricité au monde. C'est pourquoi notre réseau électrique compte parmi les plus propres et les plus axés sur les énergies renouvelables au monde. Le Canada dispose en outre de ressources hydroélectriques potentielles qui permettraient à l'industrie de plus que doubler sa puissance installée actuelle. Ce potentiel est réparti dans toutes les régions du Canada. Il s'agit d'une ressource véritablement nationale.
Cette ressource offre aux Canadiens une occasion extraordinaire de combattre la pollution atmosphérique et les changements climatiques et peut leur assurer un avenir énergétique durable. Aujourd'hui, nous nous concentrons sur la façon dont le projet de loi peut contribuer à cet avenir.
Il y a des installations hydroélectriques de toutes tailles: petites ou grandes. Plusieurs d'entre elles sont de très grande envergure. Ainsi, l'édition de janvier du ReNew Magazine signalait que quatre des cinq plus grands projets d'infrastructure du Canada étaient des projets hydroélectriques.
Selon une étude récente que nous avons menée avec l'Université de Montréal, les promoteurs de projets hydroélectriques envisagent d'investir plus de 125 milliards de dollars au Canada au cours des 20 prochaines années. La puissance supplémentaire qui serait installée contribuerait à combler la demande intérieure et la demande des marchés d'exportation. L'étude estime également qu'il en résulterait la création d'emplois représentant un million d'années-personnes.
Pour procéder en toute confiance à ces investissements, l'industrie de l'hydroélectricité doit pouvoir compter sur une réglementation efficiente et prévisible. Malheureusement, le régime d'évaluation environnementale et d'autorisation fédéral actuel ne peut répondre adéquatement à cette exigence. Je pense que vous allez constater que notre message aujourd'hui s'inscrit dans la même ligne que ce que nous disons depuis des années au sujet de la réforme réglementaire.
Nos projets sont soumis à des ÉE fédérales et doivent être autorisés en vertu d'autres lois fédérales tout en devant faire l'objet, en parallèle, d'ÉE provinciales. Il en résulte des dédoublements, des retards et de l'incertitude, ce qui peut décourager les investisseurs et compromettre notre avenir sur le plan des énergies renouvelables.
L'un des avantages commerciaux importants de l'hydroélectricité, c'est le niveau très bas de ses coûts d'exploitation. Ses coûts en capital, toutefois, sont relativement élevés. Les entreprises qui investissent dans l'hydroélectricité sont particulièrement sensibles aux retards et à l'incertitude, étant donné qu'elles doivent engager des capitaux importants bien avant que les projets ne puissent produire des revenus.
Ne vous y méprenez pas, cependant: pour moi et les membres de l'ACH, la bonne gouvernance environnementale revêt une importance prioritaire. Nous sommes favorables à un processus d'ÉE rigoureux. Nous favorisons également la protection des poissons et le rétablissement des espèces en péril. Nous ne demandons pas que la protection de l'environnement soit affaiblie; l'hydroélectricité a évolué de concert avec la réglementation environnementale. Notre vaste expérience et notre capacité d'envisager les choses à long terme font en sorte que nous souhaitons qu'il y ait un processus réglementaire efficace. C'est bon pour l'environnement, pour notre industrie et pour le pays.
Nous sommes convaincus que nous devons continuer de favoriser l'acceptabilité sociale dans la réalisation de nos activités. Nos membres s'efforcent d'acquérir cette légitimité en travaillant de concert avec les Premières nations, les collectivités locales et un large éventail de parties prenantes, y compris la communauté environnementale. Nous entamons d'ailleurs nos consultations bien avant le début de tout le processus d'ÉE officiel.
Nous croyons qu'un régime fédéral d'ÉE et d'autorisation efficient, rapide, prévisible et cohérent qui fonctionnerait en harmonie avec les processus et la réglementation environnementale des provinces serait de nature à profiter à toutes les parties prenantes.
Le projet de loi contribuera à répondre à beaucoup de ces enjeux.
Je vais maintenant demander au président du conseil de l'ACH, Ed Wojczynski, de poursuivre l'exposé.
:
L'Association canadienne de l'hydroélectricité accueille favorablement la nouvelle Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Celle-ci réduira les chevauchements fédéraux-provinciaux. Les dédoublements sont coûteux pour les contribuables, les clients des entreprises d'électricité et les promoteurs de projet. Les modifications apportées dans le cadre du projet de loi C-38 auront pour effet de concentrer le processus fédéral sur les domaines de compétence fédérale. Elles font en sorte que l'accent sera mis sur les projets susceptibles d'avoir des impacts importants. Les améliorations qu'elles visent devraient permettre au processus de respecter aisément les échéances proposées dans la LCEE 2012 et assurer des évaluations environnementales de qualité. Les promoteurs perdront moins de temps à régler des difficultés de procédure et seront en mesure de consacrer plus de ressources à la résolution des enjeux environnementaux prioritaires.
Je désire souligner que la rapidité et le caractère prévisible de l'examen et de l'autorisation des projets ont une importance critique pour notre industrie. Actuellement, au Canada, l'autorisation des grands projets exige environ quatre ans. Les promoteurs entreprennent de surcroît leurs études environnementales plusieurs années avant le déclenchement de l'ÉE officielle. Un tel délai est trop long pour des investissements dont le produit doit arriver sur le marché au bon moment, d'autant plus que ces investissements sont en concurrence avec des projets de production thermique utilisant des combustibles fossiles dont les délais de réalisation sont plus courts. Des retards peuvent avoir des incidences importantes sur les aspects financiers d'un projet. Ainsi, un retard de seulement un an dans la construction de la centrale de Conawapa, dont le coût est évalué à 8 milliards de dollars et qui est proposée par Manitoba Hydro, se traduirait par une perte de revenu d'un demi-milliard de dollars. Cette perte serait lourde pour les citoyens du Manitoba et représenterait une perte de revenu d'exportation pour le Canada.
Mais les impacts d'un système de réglementation défaillant peuvent être encore plus importants. Ils peuvent mener à des choix qui ne sont pas optimaux en matière d'environnement et d'économie. Permettez-moi de vous donner un exemple qui concerne encore une fois ma société. Récemment, Manitoba Hydro a signé des accords de vente d'électricité avec le Minnesota et le Wisconsin. L'entreprise devra investir plus de 15 milliards de dollars dans la mise en place de nouvelles installations hydroélectriques qui serviront aussi à satisfaire à la demande au Manitoba.
Nous sommes un fournisseur privilégié pour les États-Unis, entre autres. Notre électricité est propre, renouvelable et fiable. Nos projets faciliteront le développement de l'énergie éolienne dans la région au Canada et dans le Midwest des États-Unis en agissant comme une batterie. Elle remplacerait de l'électricité d'origine thermique et permettrait une réduction des émissions de gaz à effet de serre et de la pollution atmosphérique en Amérique du Nord. Si l'ÉE progresse plus lentement que prévu et si nous ne respectons pas nos délais de livraison contractuels, les contrats peuvent être annulés. Les Manitobains et les autres Canadiens pourraient alors subir d'importantes pertes financières.
Autre conséquence possible et tout aussi importante: nos clients devraient probablement se tourner vers la production fondée sur le charbon ou le gaz pour combler leurs besoins en électricité. Les avantages résultant de la réduction des émissions de gaz à effet de serre et de la pollution atmosphérique qu'aurait comportés le recours à l'hydroélectricité seraient alors perdus. La réponse ne consiste pas à imposer de nouvelles échéances au système actuel. Le régime actuel accuse des problèmes systémiques liés aux dédoublements, à de l'inefficience, à l'absence d'orientation claire et à un manque de coordination. Nous croyons que le projet de loi C-38 répond à ces défis fondamentaux.
Le projet de loi C-38 porte également sur d'autres lois importantes pour notre industrie. L'industrie canadienne de l'hydroélectricité est favorable à la protection des poissons et de leur habitat. Cependant, la Loi sur les pêches demeure une source de frustration, en particulier en ce qui concerne ses processus d'autorisation non définis et sa tendance à recouper les lois et règlements provinciaux en matière de protection des poissons.
Le ministère des Pêches et Océans a imposé aux promoteurs de l'hydroélectricité des mesures d'atténuation variables et parfois disproportionnées par rapport aux améliorations environnementales potentielles recherchées. Les changements qu'il est proposé d'apporter à la Loi sur les pêches en amélioreront la clarté et permettront de réduire les dédoublements avec les provinces. Leurs répercussions à terme sur l'hydroélectricité dépendront toutefois fortement de la réglementation, qui n'a pas encore été élaborée. Nous croyons que, si une réglementation claire est adoptée, ces changements bénéficieront tant aux pêches qu'à l'hydroélectricité.
Nous espérons participer à ce travail important d'élaboration réglementaire. Nous sommes encouragés de voir que le projet de loi C-38 apportera également des améliorations à une troisième loi dont nous allons parler, la Loi sur les espèces en péril. Actuellement, la LEP impose une limite de cinq ans pour un accord de conservation et une limite de trois ans pour un permis concernant des activités ayant des incidences sur les espèces figurant dans la liste ou sur leur habitat essentiel. Ces limites sont déphasées eu égard aux besoins de l'industrie de l'hydroélectricité, dont les installations peuvent avoir une durée de vie utile de plusieurs décennies. D'ailleurs, derrière l'édifice dans lequel nous sommes présentement se trouve la plus ancienne installation hydroélectrique au Canada, sur la rivière des Outaouais. La centrale des chutes de la Chaudière a plus de 130 ans.
Il ne fait pas de doute que les autorisations de trois à cinq ans prévues par la LEP ne conviennent pas à des installations dont la construction peut exiger plus de cinq ans et qui peuvent ensuite être exploitées pendant plus d'un siècle. Tout promoteur serait inquiet à l'idée d'investir des millions ou des milliards de dollars dans un projet si le permis expire avant même la fin de la construction.
Le projet de loi C-38 prévoit des permis à plus long terme en vertu de la LEP, ce qui représente un progrès important. Mais la LEP a besoin d'autres améliorations. Ainsi, il serait possible pour le gouvernement de donner la possibilité à l'industrie de faire porter davantage ses efforts sur la protection et le rétablissement des populations concernées au lieu de concentrer l'essentiel de ses efforts sur la protection d'un petit nombre d'individus comme elle est obligée de le faire actuellement. Pour cela, il faudrait établir un lien entre l'intendance, les accords de conservation et la conformité.
En résumé, depuis des années, l'Association canadienne de l'hydroélectricité demande des améliorations de l'efficience et de la prévisibilité du cadre réglementaire fédéral de protection de l'environnement. Il ne fait pas de doute que des améliorations sont nécessaires. Nous considérons que le projet de loi apporte des solutions à beaucoup de problèmes de nature réglementaire. Les changements proposés n'auront d'ailleurs pas d'incidences négatives sur la performance environnementale de notre industrie. Au contraire, elles favoriseront des investissements accrus dans cette énergie propre et renouvelable qu'est l'hydroélectricité, ce qui aidera le Canada à réduire les émissions de gaz à effet de serre et la pollution atmosphérique sur le continent nord-américain.
Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité.
:
Merci, monsieur le président.
C'est un grand privilège pour moi de comparaître devant votre comité ce soir. J'ai étudié le texte du projet de loi et j'ai plusieurs commentaires à faire.
[Traduction]
Je vais commencer par faire une petite mise en contexte. Quand j'étais petit, je vivais un peu plus au sud, par rapport à vous, monsieur le président, près de la rivière Red Deer, et j'allais pêcher dans cette rivière aux environs de Drumheller, comme mon grand-père le faisait. Les gens qui connaissent cette rivière savent que maintenant qu'on y a construit des barrages et que les glaciers se sont mis à fondre rapidement au nord de Sundre, la qualité de l'eau est beaucoup moins bonne qu'avant, et il n'y a plus de poisson depuis longtemps dans cette section de la rivière Red Deer.
Je me suis toujours demandé pourquoi les usines de traitement des eaux usées étaient construites en aval des villes jusqu'à la fin des années 1970, et sans qu'il y ait de traitement adéquat des eaux usées. J'ai travaillé dans une usine de produits chimiques lorsque j'étais étudiant en génie, et, un soir, on m'a demandé de regarder ailleurs pendant que le chef de l'exploitation ouvrait des valves pour rejeter le fond des cuves de rétention dans la rivière Saskatchewan Nord.
C'est la raison pour laquelle je ressens une profonde inquiétude face à l'objectif du projet de loi en ce qui a trait à la Loi sur les pêches, laquelle remonte à 1868. C'est le plus vieux texte législatif fédéral. Il est en vigueur depuis 144 ans, et il n'a aucunement besoin d'être modernisé après toutes ces années. L'application des dispositions législatives pourrait peut-être être améliorée, mais le problème ne vient pas de la loi, comme je vais tenter de vous l'expliquer.
Je suis ingénieur, et je suis en faveur de l'exploitation minière. J'ai déjà été porte-parole du Parti progressiste conservateur pour les questions liées aux mines. J'ai souvent parlé des vertus de l'hydroélectricité et de l'accumulation par pompage, dont l'heure de gloire est à venir. En même temps, nous avons perdu plus de 85 p. 100 de l'habitat naturel où vivent nos stocks de poisson, dans les lacs, rivières et ruisseaux ainsi que dans les eaux côtières du Canada. Au cours du dernier siècle, nous avons vu ces stocks atteindre leur plus bas niveau de l'histoire. Cette situation est attribuable au fait que nous avons toujours voulu favoriser l'activité commerciale, sans trop nous soucier des conséquences. Je pense que le projet de loi contient beaucoup d'éléments dangereux à ce point de vue, et je vais préciser mon idée dans quelques instants.
J'ai appris, pour avoir siégé au Okanagan Basin Water Board et pour avoir présidé le conseil d'intendance pendant sept ans, que c'est partout la même eau qu'on trouve dans un bassin hydrographique. Aussi, lorsque j'entends des agriculteurs, des propriétaires de chalet ou d'autres gens dire qu'ils peuvent faire ce qu'ils veulent dans les fossés d'assèchement ou sur les plages situés sur leur propriété, je leur réponds que non, ce n'est pas le cas. Les rives appartiennent à tous les citoyens de la Colombie-Britannique et du Canada, et elles doivent être protégées et préservées.
En 1976, des dispositions concernant l'habitat ont été ajoutées à la Loi sur les pêches, aux articles 31 et 33, mais ce n'est qu'en 1986 que nous avons adopté une politique qui a mené à l'établissement d'un régime réglementaire dans le cadre duquel ces dispositions relatives à l'habitat sont appliquées. J'ai ici la politique, le document que j'ai présenté au Parlement du Canada le 7 octobre 1986, après de vastes consultations auprès de tous les groupes d'intérêt du Canada — en Ontario, à Ottawa, en Colombie-Britannique et dans les Maritimes —, c'est-à-dire tant les promoteurs de grands projets que les écologistes et les autorités responsables de la faune, entre autres.
Cette politique contient trois grands principes. Si vous pensez au déclin de nos stocks de poisson, le premier principe devrait vous sembler important: faire en sorte que l'habitat du poisson connaisse un gain net au Canada.
Le deuxième principe, c'est qu'il ne devrait pas y avoir de perte nette d'habitat découlant des projets liés directement aux poissons qui peuvent en fait avoir pour conséquence par ailleurs de tuer les poissons — ce qui, soit dit en passant, est permis par certaines nouvelles dispositions du projet de loi , dans le cas de certaines espèces.
Le troisième principe, qui est le plus important, c'était que les gens collaborent dans le cadre d'un processus de cogestion intégré. Je vous rappelle qu'en 1986 — il y a 25 ans —, c'était très peu courant. Les gouvernements faisaient ce qu'ils voulaient, et ils étaient bien sûr souvent soumis à l'influence et au pouvoir de l'argent et des emplois.
En 1986, nous avons adopté cette politique, la première de ce genre dans le monde, et celle-ci demeure importante et est toujours en vigueur aujourd'hui. Toutefois, l'adoption du projet de loi va réduire de beaucoup son incidence et son importance.
J'ai appris certaines leçons à la dure à titre de ministre des Pêches du Canada de 1985 à 1990. J'ai dû présider au déclin de la pêche du poisson de fond dans l'Atlantique, parce que la Commission royale Kirby a recommandé que les pêches soient dirigées par de grandes entreprises, lesquelles n'appliquaient pas de dispositions visant à empêcher la destruction du fond marin où vivaient les poissons au large de Terre-Neuve et parce que les scientifiques ont eu tort de dire qu'il y avait encore du poisson, alors que les stocks étaient en déclin. Les petites morues qu'on prenait étaient rejetées par-dessus bord, sans égard au fait qu'il leur fallait sept ans pour arriver à maturité et pour se reproduire.
À l'Île-du-Prince-Édouard, il y a eu un grave problème de contamination des mollusques qui a fait des morts parce que nous n'avons pas administré l'aquaculture des mollusques de façon efficace dans les lagons saumâtres le long de la côte. Nous avons créé ce qu'on appelle les populations de dinoflagellés, lesquelles étaient mortelles.
À un moment donné, les usines de pâte de partout au Canada rejetaient les produits du blanchiment de la pâte kraft, c'est-à-dire des dioxines et des furanes, dans les eaux intérieures et dans les eaux côtières, ce qui a fait en sorte que des concentrations cancérigènes de dioxine et de furanes ont été retrouvées dans des poissons de fond faisant partie de la chaîne alimentaire. Ce n'est que lorsque Greenpeace a envoyé des échantillons d'eau en Suède qu'on l'a su, parce que le Canada n'avait pas la capacité de découvrir ce genre de choses.
J'ai dû composer avec le fait que la population de bélugas du Saint-Laurent, qui étaient autrefois 20 000 lorsqu'ils se réunissaient à l'embouchure du Saguenay, en aval de la fonderie Alcan, a été réduite à quelques centaines de baleines parce que les ovaires des femelles, qui devaient avoir environ 14 ans pour pouvoir se reproduire, avaient été détruits par des produits chimiques présents dans le fleuve.
Les conséquences de l'aquaculture intensive des poissons...? Après 25 ans, c'est une question qui n'a toujours pas été tranchée.
Et le déclin des stocks de saumon du Pacifique et de truite arc-en-ciel est toujours l'une des préoccupations les plus importantes des citoyens de la Colombie-Britannique. Il faut prendre en considération les glissements de terrain causés par des pratiques d'exploitation forestière irréfléchies et aussi parfois par l'exploitation minière. Je vais vous expliquer dans un instant pourquoi je pense que le projet de loi ne va pas offrir une protection adéquate à ce chapitre.
On ne peut pas toujours faire entrer les principes qui régissent les pêcheries dans de petites cases bien définies ni dans une période bien circonscrite, comme c'est le cas dans une partie du projet de loi — les articles 52 à 131 ou 129, je crois. Dans le cadre de la nouvelle disposition de la LCEE, tout va se faire plus vite et être placé dans une petite case bien définie et bien circonscrite dans le temps, mais on ne tient pas compte ainsi de certains éléments complexes avec lesquels j'ai dû composer en tant que ministre des Pêches. J'ai eu affaire à des centaines de pêcheurs furieux dont la zone de pêche avait été fermée. L'effondrement des stocks de morue de l'Atlantique ont engendré l'arrêt de toute activité dans le secteur pendant plus d'un quart de siècle, parce que nous n'avons pas eu la présence d'esprit à l'époque de faire les choses comme il le fallait ou parce que nous n'avions pas les connaissances nécessaires.
Lorsque nous formions un gouvernement conservateur, nous avons adopté le premier plan de protection de l'environnement au Canada et le seul à avoir été adopté à ce jour. Nous avons adopté la stratégie de protection de l'environnement — la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, qui est maintenant remplacée intégralement, la Loi canadienne sur la protection de l'environnement et la Stratégie de protection de l'environnement arctique.
Saviez-vous que le lait maternel des Inuites de l'Arctique contient toutes sortes de produits chimiques qui viennent des industries du Sud parce que nous n'avons pas appris que ces produits chimiques sont transportés dans l'atmosphère et aboutissent dans la chaîne alimentaire de l'Arctique, dans les tissus adipeux des animaux marins, que les femmes inuites en boivent et que leur santé est menacée à cause de cela?
C'est la raison pour laquelle nous avons une Loi sur les pêches qui a du mordant. Je suis très inquiet de ce que les dispositions du projet de loi vont atténuer l'effet de dispositions qui ont 144 ans d'histoire.
Pendant la période de questions, je vous dirai précisément — article par article, si vous me posez la question — ce qui me semble être les lacunes de ce projet de loi. Je suis cependant ici pour vous dire que je suis préoccupé par le fait que le projet de loi va faire de la Loi fédérale sur les pêches un gruyère.
Mes préoccupations sont aussi celles de bon nombre d'autres anciens ministres des Pêches, y compris les trois qui avec moi ont signé une lettre que nous avons envoyée au il y a deux jours. Ces préoccupations sont aussi celles de centaines de chercheurs et de biologistes spécialistes de l'habitat du poisson et de milliers de Canadiens qui ont à cœur la conservation de la nature.
Je pense que les députés et les membres du comité devraient examiner attentivement cette question, et j'aborderai les détails tout à l'heure si nous avons le temps, monsieur le président.
Merci beaucoup.
:
Bonjour. Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité et les gens du public, bonjour.
Je suis ici pour témoigner au nom de la Saskatchewan Mining Association.
D'abord, merci beaucoup de m'avoir invitée à témoigner devant le comité au sujet de la partie 3 du projet de loi , intitulée « Développement responsable des ressources ».
D'après ce qu'on m'a dit, la séance de ce soir va porter sur la réduction des chevauchements entre les administrations et sur les échéances.
J'aimerais commencer par insister sur le fait que ce que nous allons dire ce soir est fondé sur une analyse préliminaire du texte législatif. En outre, nous savons par expérience que l'effet des changements proposés dépendra non seulement des détails qui figureront dans le règlement et les politiques, que nous n'avons pas encore vus, mais également de la mise en œuvre de ces changements dans l'ensemble du Canada. Nous sommes heureux d'avoir l'occasion de participer pleinement à l'élaboration de cette réglementation et de tenir un dialogue ouvert et constant de façon à garantir que les changements profonds qui sont nécessaires pour permettre au gouvernement d'atteindre son objectif d'« un projet, une évaluation » au cours d'une période clairement définie sont apportés pendant les phases de mise en œuvre.
Les ÉE sont des outils de planification pour des projets qui, s'ils sont approuvés, vont faire l'objet d'une autre surveillance provinciale et fédérale pendant leur déroulement, comme cela a été mentionné déjà. En ce qui concerne la nouvelle Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, nous avons témoigné devant le comité de la Chambre des communes à la fin de l'année dernière dans le cadre de l'examen de la loi en vigueur, et nous avons défendu l'idée d'apporter certains changements pleins de bon sens.
Plus précisément, nous avons proposé un certain nombre d'idées différentes qu'incarne le projet de loi. Il s'agit entre autres de la rationalisation des éléments déclencheurs dans le cadre d'un projet, de façon à ce que les décisions de nature administrative ou courante n'exigent pas une ÉE, le respect du principe d'« un projet, un processus », dans le but de mieux utiliser les équivalences entre les processus fédéraux et provinciaux d'ÉE, pour ainsi éviter la tenue de plusieurs ÉE, et l'établissement d'échéances pour les ÉE. À ces trois égards, nous sommes d'avis que la nouvelle LCEE promet d'apporter d'autres améliorations et plus de clarté et de prévisibilité, ainsi que de réduire le dédoublement des processus sans affaiblir la protection globale de l'environnement qui est assurée dans le paradigme actuel.
Plus précisément, nous voyons la démarche des projets désignés comme un moyen de garantir que les ÉE sont exigées lorsque c'est approprié. Le rôle des équivalences est accru, et il recèle le potentiel pour les processus d'ÉE des provinces d'être à l'avant-plan et de réduire les dédoublements avec les évaluations réalisées par le gouvernement fédéral.
Pour faciliter l'application des dispositions relatives aux équivalences, il est essentiel que le déroulement du processus soit bien établi et clair. Le régime réglementaire de la Saskatchewan en matière d'environnement est assurément rigoureux et mature, et, pour ce qui est des résultats, il pourrait entièrement remplacer le processus d'ÉE fédéral, surtout dans les secteurs où le gouvernement provincial dispose d'une expertise reconnue.
Enfin, pour ce qui est de l'établissement de la durée des cycles d'ÉE dans le but d'améliorer la prévisibilité et d'accélérer les évaluations, la SMA est convaincue que les modifications proposées peuvent accroître l'efficacité du régime réglementaire canadien. Nous avons très hâte de collaborer avec le gouvernement fédéral afin de permettre la concrétisation des avantages qui découleront de la mise en œuvre par celui-ci des nombreux changements qui toucheront tous les secteurs. Encore une fois, comme nous l'avons déjà mentionné, ce qui fera foi de tout, ce sont les détails de la réglementation que nous n'avons pas encore vus et la façon dont la loi sera interprétée et appliquée concrètement.
La mise au point d'une liste de projets désignés, par exemple, sera essentielle à l'efficacité et à la prévisibilité de la nouvelle LCEE. Nous avons déjà proposé que seules les activités ou les initiatives qui exigent un permis délivré par le gouvernement fédéral et qui ne sont pas liées à un permis en vigueur fassent l'objet d'une ÉE. Nous voulons nous assurer que la portée du nouveau processus relatif à la LCEE ne soit pas élargie et n'ait pas ainsi des conséquences imprévues, comme le fait que des nouveaux projets ou des modifications apportées à des projets existants qui n'auraient pas auparavant été soumis à une ÉE fédérale finissent par être inscrits sur la liste des projets désignés.
J'aimerais dire quelque chose au sujet d'une observation que nous avions formulée dans un mémoire antérieur, mais dont on n'a pas tenu compte dans le cadre des changements positifs que nous avons vus jusqu'à maintenant: l'extension de ces changements positifs à des projets régis principalement par la CCSN.
Nous avons été déçus d'apprendre par exemple que l'équivalence fédérale-provinciale et la pleine substitution ne seront pas possibles dans le cas des projets de mine d'uranium dans le cadre de la nouvelle Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. En outre, d'après le texte législatif actuel, les échéances ne s'appliqueront pas aux projets qui font l'objet d'une ÉE fédérale menée par la CCSN, mais nous avons été très heureux de lire les observations formulées par les représentants de la CCSN hier devant le comité concernant l'adoption de nouveaux règlements comportant des échéances définies relativement à la prise de décisions d'octroi d'un permis de préparation d'un site et de construction d'une mine d'uranium.
L'an dernier, le gouvernement australien a approuvé, après avoir examiné la question, la tenue en moins de un an d'une ÉE coordonnée par le gouvernement fédéral et l'État concernant ce qui sera la plus grande mine de production d'uranium du monde, le projet d'expansion du gisement d'Olympic Dam.
Lorsqu'on compare cela au fait qu'il a fallu plus de sept ans pour procéder à la dernière ÉE avant l'ouverture d'une mine d'uranium en Saskatchewan, il est évidemment beaucoup plus intéressant pour les sociétés d'investir dans des projets d'exploitation d'une mine d'uranium à l'extérieur du Canada qui ont des normes similaires en matière de protection de l'environnement et en matière de sécurité, mais où le rendement du capital investi est obtenu beaucoup plus rapidement. Par souci de justice, nous espérons que les membres de notre association qui exploitent des mines d'uranium vont avoir droit aux mêmes avantages que ceux qu'ont obtenus d'autres secteurs miniers.
Pour l'instant, nous n'avons pas de commentaires très précis à faire sur les changements apportés sur la Loi sur les pêches. L'intégration de moyens de permettre une meilleure collaboration entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux est une chose importante, tout comme l'est la création d'une gamme d'outils élargis pour composer avec les interdictions absolues qui figurent dans la loi, comme la possibilité de réglementation liée à l'article 35 qui est proposé. Toutefois, pour l'instant, nous ne savons pas bien comment certaines dispositions de la loi vont interagir concrètement. Nous sommes préoccupés en particulier par les différences de libellés entre les articles 35 et 36 et par les problèmes que cela va poser. Nous sommes en faveur de la définition de pêcherie appliquée aux pêcheries commerciales, de subsistance pour les Autochtones et sportives. Cependant, celle-ci ne s'applique pas à l'article 36. Nous espérons collaborer avec les fonctionnaires dans le but d'accroître la clarté par le moyen de la réglementation et de directives. Nous espérons que la mise en réserve d'habitat puisse faire partie de la démarche de conservation des pêcheries du Canada et que le développement durable puisse se poursuivre.
En ce qui concerne la LEP, les changements proposés sont positifs, mais il est clair qu'il reste du travail à faire pour que la loi soit efficace et réaliste. Nous félicitons le gouvernement d'avoir reconnu qu'il est nécessaire de modifier cette loi.
Bref, je souhaite remercier le gouvernement fédéral d'avoir reconnu que le régime d'évaluation environnementale fédéral avait besoin de changements en profondeur, ainsi que d'avoir présenté un projet de loi visant à apporter des améliorations dans tout le système en vue d'atteindre l'objectif d'« un projet, une évaluation », à l'intérieur d'une période clairement définie, tout en maintenant le volet de la protection de l'environnement.
Pour terminer, nous sommes en faveur d'un régime réglementaire qui réduit les chevauchements et les dédoublements, qui met en place des échéances claires et qui est axé sur les répercussions les plus importantes sur l'environnement, tout en garantissant la protection de celui-ci. Mes collègues et moi serons heureux de répondre à toutes vos questions.
Merci.
:
Monsieur le président, distingués membres du sous-comité,
[Traduction]
J'aimerais remercier le comité de m'avoir permis de lui présenter mes observations préliminaires concernant les consultations auprès des Autochtones et les mesures d'accommodement prises à leur endroit.
[Français]
Le gouvernement du Canada consulte les Canadiens et Canadiennes sur des questions qui les intéressent et les préoccupent. La consultation est un aspect important de la bonne gouvernance, de l'élaboration de politiques pertinentes et de la prise de décisions éclairées.
Outre ses objectifs de bonne gouvernance, le gouvernement est aussi tenu de consulter les groupes autochtones en vue de ses obligations de common law.
[Traduction]
Comme la Cour suprême du Canada l'a affirmé dans les décisions Haïda et Taku River en 2004, la Couronne a un devoir de consulter découlant de la loi, et, lorsque c'est indiqué, de trouver des accommodements, avant de prendre une décision susceptible d'avoir un effet préjudiciable sur des droits découlant de l'article 35 de la Constitution ou de traités ou des revendications de droits non encore prouvées. Il est aussi important de prendre en considération le fait que ce devoir de consulter s'applique à la Couronne, ce qui signifie dans le cas présent qu'il s'applique aux gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux.
Dans ce contexte, les ministères doivent évaluer l'effet préjudiciable que sont susceptibles d'avoir les activités envisagées sur des droits ancestraux ou découlant de traités ou encore sur des revendications de droits non encore prouvées, et ils doivent aussi déterminer qui devrait participer aux consultations. Les ministères peuvent, lorsque c'est indiqué, recourir aux mécanismes existants comme les évaluations environnementales ou les processus d'approbation réglementaires pour recueillir l'information pertinente et aborder les enjeux liés aux Autochtones.
À Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, notre rôle est d'offrir du soutien et des outils aux ministères et organismes du gouvernement pour les aider à s'acquitter de leur obligation de consultation. À cette fin, le Ministère a mis sur pied une unité de consultation et d'accommodement et a entrepris les activités qui suivent.
Nous avons discuté avec des groupes autochtones — plus de 65 groupes autochtones des provinces, des industries et des entreprises. Nous avons lancé le Système d'information sur les droits ancestraux et issus de traités, qui permet aux fonctionnaires fédéraux de mieux circonscrire les droits ancestraux et issus de traités. Nous avons publié des lignes directrices, des lignes directrices provisoires en 2008, et de nouvelles lignes directrices provisoires en 2011. Nous avons offert une formation à plus de 2 000 fonctionnaires fédéraux. Nous avons pris des mesures pour intégrer davantage la consultation aux activités quotidiennes du gouvernement.
Le volet du Développement responsable des ressources s'appuie sur ces réalisations et vient améliorer encore les activités de consultation auprès des groupes autochtones par l'intermédiaire de divers éléments. Premièrement, nous intégrons les consultations auprès des Autochtones dans le nouveau processus réglementaire et d'évaluation environnementale. Chaque fois qu'un grand projet va faire l'objet d'une évaluation, cela va se faire par la désignation d'un ministère ou d'un organisme responsable et d'un seul coordonnateur de la Couronne chargé de faciliter les consultations auprès des Premières nations.
Deuxièmement, nous offrons du financement dans le but précis de soutenir les consultations auprès des groupes autochtones afin de garantir que leurs droits et leurs intérêts sont respectés, tel qu'indiqué dans le budget de 2012.
Troisièmement, nous sommes en train de négocier des protocoles et des accords de consultation avec les groupes autochtones dans le but d'établir plus clairement les attentes et l'ampleur des consultations qui devraient avoir lieu. Nous cherchons à dissiper les préoccupations des groupes autochtones concernant la multiplication des processus qui engendrent une perte d'efficacité dans les consultations.
Quatrièmement, nous sommes en train de négocier un protocole d'entente auprès des provinces et territoires dans le but d'harmoniser les processus fédéraux, provinciaux et territoriaux et ainsi de permettre une meilleure participation des Autochtones.
[Français]
En terminant, je crois que ces mesures feront en sorte que les groupes autochtones participeront du début à la fin aux processus d'évaluation environnementale et de délivrance des permis réglementaires, et que leurs droits ancestraux issus de traités, potentiels ou établis, seront mieux pris en considération dans la prise de décision.
Je vous remercie.
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Au nom de Nature Québec, je tiens à remercier les membres du Sous-comité sur le projet de loi de me recevoir ce soir. Je vais faire ma présentation en français.
Nature Québec est un organisme à but non lucratif qui regroupe des individus et 120 organismes de conservation d'un bout à l'autre du Québec, donc plusieurs milliers de membres et sympathisants qui oeuvrent à la protection de l'environnement et à la promotion du développement durable.
Nature Québec travaille au maintien de la diversité des espèces et des écosystèmes. Depuis 1981, il souscrit aux objectifs de la Stratégie mondiale de la conservation de l'Union internationale pour la conservation de la nature, ou UICN. Ses objectifs sont de maintenir les processus écologiques essentiels à la vie, de préserver la diversité biologique et de favoriser le développement et l'utilisation durables des ressources et des écosystèmes.
Nature Québec est un membre actif de plusieurs coalitions, dont la Coalition Saint-Laurent, une coalition interprovinciale qui a été créée afin de convaincre les instances gouvernementales d'adopter sans délai un moratoire sur l'exploration et l'exploitation gazières et pétrolières dans le golfe du Saint-Laurent, le temps de faire une évaluation environnementale complète des impacts de cette industrie.
Nous tenons à rappeler, comme d'autres avant nous, que l'utilisation d'un projet de loi de mise en oeuvre budgétaire qui modifie 69 lois et qui transforme l'économie de la protection de l'environnement au Canada, dont 19 lois ou secteurs d'activité qui sont touchés à ce seul niveau, est une perversion de la démocratie, à tout le moins un non-respect des institutions parlementaires.
Il est totalement inacceptable que le Comité permanent sur l'environnement et le développement durable, dont j'ai été moi-même membre entre 2004 et 2006 à titre de député de Beauport—Limoilou, n'ait pas été appelé à débattre en profondeur et à tenir de larges consultations sur les dispositions législatives qui le concernent directement et qui vont affecter directement la protection de l'environnement au Canada. J'avoue qu'on était tout à fait d'accord sur la recommandation d'Ecojustice, qui a comparu hier ou avant-hier, demandant de scinder ce projet de loi pour qu'au moins la partie 3 fasse l'objet d'une loi spécifique qui puisse être débattue en profondeur. Cela a été écrit rapidement, avec des dispositions à la fois rétroactives et qui s'appliquent immédiatement, et certaines dispositions qu'on ne connaît pas et qui s'appliqueront par décision du Cabinet plus tard. Cette partie 3 du projet de loi mérite un traitement particulier et un débat approfondi.
Quand j'étais député, je me souviens d'avoir déjà eu des ententes avec le Parti conservateur, notamment au sujet du projet de loi . On avait obtenu un amendement assez unique qui permettait de protéger les oiseaux migrateurs contre les déversements pétroliers. J'aimerais retrouver ce Parti conservateur qui, par l'adoption de ce projet de loi, avait quand même fait avancer l'environnement au Canada.
Par diverses mesures, le projet de loi contrevient directement au principe de non-régression en droit de l'environnement, un principe qui sera débattu et peut-être adopté à Rio. Ce principe a été adopté à la troisième réunion mondiale des juristes et des associations de droit de l'environnement à Limoges, en 2011. Il s'énonce comme suit:
Pour empêcher tout recul dans la protection de l'environnement, les États doivent, dans l'intérêt commun de l'humanité, reconnaître et consacrer le principe de non-régression. Pour ce faire les États doivent prendre les dispositions nécessaires pour garantir qu'aucune mesure ne puisse diminuer le niveau de protection de l'environnement atteint jusqu'alors.
Je vais parler de l'exploitation des hydrocarbures et des effets concrets que produira le projet de loi sur le terrain. En vertu des dispositions rétroactives au 1er juillet 2010, le projet de loi C-38 vient jeter la confusion dans les processus d'évaluation en cours dans le golfe du Saint-Laurent et ouvre la porte à des travaux d'exploration pétrolière sans évaluation environnementale digne de ce nom. Ainsi, l'Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers s'est fait retirer son rôle d'autorité responsable de l'évaluation environnementale, et ce, rétroactivement au 1er juillet 2010, selon ce que nous en comprenons.
Qu'arrive-t-il du processus d'examen préalable, mieux connu sous le terme de screening, qui est en cours? Qui prendra le relais? L'Office national de l'énergie, une des trois autorités reconnues, avec l'Agence canadienne d'évaluation environnementale et la Commission canadienne de sûreté nucléaire? Cet office aura, lui, 45 jours pour juger s'il est nécessaire ou non de procéder à une évaluation environnementale plus poussée.
Rappelons que seulement trois autorités responsables seraient maintenant reconnues, soit l'Agence canadienne d'évaluation environnementale, l'Office national de l'énergie et la Commission canadienne de sûreté nucléaire. Pourtant, deux des plus grandes catastrophes environnementales récentes, celle du golfe du Mexique et la catastrophe nucléaire de Fukushima, nous apprennent qu'il doit y avoir des contrepoids indépendants aux agences de régulation du type ONE et Commission canadienne de sûreté nucléaire, qui sont souvent trop près des intérêts de l'industrie pour faire un travail crédible en termes de protection de l'environnement.
Rappelons que la valeur des débarquements de poisson dans le golfe du Saint-Laurent atteint 500 millions de dollars par année, et la valeur totale atteint 1,5 milliard de dollars par an si l'on tient compte de la transformation. C'est un trésor réel, qui est là, tandis que l'espoir dans les hydrocarbures est encore seulement potentiel.
Permettre l'exploration pétrolière sans garantie d'une évaluation environnementale complète serait totalement irresponsable. On se rappellera que c'est à l'étape de l'exploration qu'ont eu lieu les catastrophes récentes du golfe du Mexique et de la mer du Nord.
Combien me reste-t-il de temps, monsieur le président?
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Selon les nouvelles dispositions en évaluation environnementale, les impacts sur l'environnement se limiteront aux impacts sur les poissons, les espèces aquatiques protégées par la loi et les oiseaux migrateurs, sauf pour les terres fédérales. C'est donc extrêmement limitatif et cela va permettre du laisser-aller et une absence d'évaluation, qui pourront avoir des conséquences énormes sur les projets qui seront réalisés et la protection de l'environnement.
On a beaucoup parlé de la Loi sur les pêches. Les dispositions portant sur l'habitat des poissons seront modifiées de manière à protéger uniquement les poissons importants pour le commerce, les Autochtones ou la pêche récréative. La notion de protection de l'habitat est réduite de façon radicale par les dispositions du projet de loi .
Nature Québec est pleinement solidaire de la lettre envoyée par 650 scientifiques canadiens au premier ministre Harper pour se plaindre des modifications à la Loi sur les pêches au Canada. Ils définissent l'habitat comme étant « l’environnement aquatique et/ou terrestre nécessaire à la survie de toute espèce, incluant le poisson. Toutes les espèces, incluant aussi l’espèce humaine, dépendent d’habitats sains ».
On ne peut donc pas restreindre la protection à certains habitats ou à certains poissons. On travestit ainsi tout ce que l'on appelle l'écosystème, la protection de l'environnement. Les habitats fauniques, déjà mal protégés, ne le seront à peu près plus. On se concentrera sur certaines espèces pourtant tributaires d'un habitat de qualité.
J'aimerais simplement conclure en disant qu'on a déjà atteint une empreinte écologique très forte sur la planète. Le développement ne peut plus se faire comme autrefois. On doit absolument s'assurer de la pérennité des écosystèmes et on ne peut pas opposer le développement économique à la protection de l'environnement, comme ce projet de loi semble le faire. Il prévoit beaucoup de régimes d'exception, des exceptions géographiques. On pourra retirer de la Loi sur les pêches certaines zones, certaines activités, par exemple la construction de routes, de mines.
Comme vous le savez, il y a déjà une exception dans le Règlement sur les effluents liquides des mines de métaux qui permet de ne pas respecter la Loi sur les pêches, ce qui a permis de transformer des lacs naturels en bassins de résidus miniers. Et c'est une petite exception dont le sens a été perverti dans la réalité. Avec ce qui nous est présenté, combien de lacs ou de rivières naturels seront utilisés pour le passage de routes, sans évaluation, sans examen, sans protection, pour éventuellement en faire d'autres parcs à résidus miniers?
Si on a des tourbières dans le Nord du Québec et du Canada, il y a des wetlands qui ne sont pas nécessairement propices à la pêche, mais qui sont essentielles pour les écosystèmes. Il est donc absolument important de ne pas créer ce genre de régime discrétionnaire d'exceptions. C'est pourquoi Nature Québec se prononce pour un changement majeur et un retrait de ces dispositions de la loi sur l'application du budget.
Merci.
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Oui, mais ce que je dis, monsieur Siddon, c'est que l'orientation stratégique que nous adoptons en apportant des modifications à la Loi sur les pêches dans le cadre du projet de loi , c'est de mettre davantage l'accent sur les ressources halieutiques, et pas nécessairement sur le poisson. Bon, je ne sais pas si vous êtes d'accord avec cela, mais permettez-moi de continuer le retour en arrière que j'avais commencé.
C'était en 1986. C'était votre politique, dont le contenu était très similaire à ce qui figure dans le projet de loi . Je ne vois pas comment on pourrait tirer une conclusion autre que celle-là. C'était l'interprétation de l'article 35, la disposition DDPH, comme on l'appelait au sein de votre ministère à l'époque.
Au fil des ans — après votre mandat, monsieur Siddon —, on a mis au point un cadre décisionnel afin de déterminer comment donner les autorisations, quels projets devaient obtenir une autorisation, et ainsi de suite. Ce document de 1998, intitulé « Cadre décisionnel de détermination et d’autorisation de la détérioration, de la destruction et de la perturbation de l’habitat du poisson », comporte une section importante, la section 2, selon laquelle la première question que le gestionnaire doit se poser est celle de savoir s'il y a un habitat du poisson à l'endroit où le projet va être réalisé, dans le cas où celui-ci pourrait avoir des répercussions sur l'environnement.
Voici le texte:
L’article 35 ne porte pas sur la protection de l’habitat du poisson pour le bénéfice du poisson mais sur celui des pêches. En conséquence, il importe de décider si l’habitat du poisson susceptible d’être touché soutient directement ou indirectement, ou peut soutenir, une pêche commerciale, récréative ou de subsistance.
Je vous dirais, monsieur Siddon, que c'est précisément l'orientation que nous adoptons, l'orientation que vous envisagiez dans la politique sur l'habitat, laquelle est toujours en vigueur aujourd'hui. Nous inscrivons dans la loi ce qui figure dans la politique sur l'habitat, de façon à ce qu'il y ait des dispositions claires et des outils nous permettant d'appliquer la politique que vous avez adoptée.
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La lettre que vous avez citée, monsieur le député, est accessible. Elle n'est pas dans les deux langues officielles pour l'instant, mais si les députés veulent la voir, je pense qu'ils peuvent en demander une copie au président.
Cette lettre exprime bel et bien nos craintes et nos préoccupations par rapport au fait que le vaste groupe d'intérêts dont vous parlez est tout à fait exclu. J'ai même entendu le terme « terroristes environnementaux » dans le contexte de grands projets comme celui de l'oléoduc d'Enbridge, auquel je m'oppose, mais pour d'autres raisons que nous pourrons aborder une autre fois. Je suis tout à fait pour la croissance économique, mais au bénéfice des Canadiens et pour que les emplois soient créés au Canada, pas pour envoyer le pétrole en Chine à moitié prix de façon à créer de l'emploi là-bas pour que les Chinois puissent nous renvoyer des produits que nous n'avons pas les moyens d'acheter.
Je digresse, mais le fait est qu'il y a de nombreux exemples de cas où la participation de la population, sa mobilisation...
Pour en revenir à votre principale question, comme j'ai entendu des membres du caucus que je connais le dire, il y a deux ou trois exemples qui sont utilisés par le caucus conservateur pour expliquer en quoi les changements en question sont si importants. L'un de ces exemples, c'est celui d'un agriculteur de la Saskatchewan qui voulait assécher ses champs pour permettre aux gens de stationner à l'occasion d'un concert rock. Il y avait des poissons dans l'eau qui recouvrait ses terres, et les gens qui s'occupent de la protection des habitats sont venus et lui ont dit qu'il ne pouvait pas assécher ses champs, et ils ont lancé des poursuites dans le cadre de la Loi sur les pêches.
Eh bien, je pense qu'il s'agit là d'une façon tout à fait distorsionnée d'interpréter les objectifs des dispositions concernant la protection de l'habitat. Ce n'est rien d'autre qu'une fausse excuse donnée pour apporter des changements. En fait, les agriculteurs, les environnementalistes et les biologistes travaillent de concert dans le cadre de la politique que j'ai décrite, comme nous le faisons en Colombie-Britannique, où même le gouvernement provincial montre aux agriculteurs à maintenir leur productivité agricole de façon responsable sans déverser toutes sortes de produits chimiques dans les tranchées d'assèchement, sans labourer jusqu'à la rive et sans enlever tous les arbres et toutes les rives. Il y a en Colombie-Britannique un programme qui s'appelle « Salmon-Safe », et les agriculteurs y participent. Mais les excuses creuses et presque hypocrites de ce genre qui sont données pour justifier le changement sont selon moi inappropriées, comme l'idée qui circule selon laquelle les gens ne peuvent même pas construire un quai devant leur chalet.
Je peux vous dire que 80 p. 100 de la rive du lac sur le bord duquel je vis ont été transformés, surtout parce que les gens agissent entièrement à leur guise. Ils pensent que lorsqu'on possède une propriété sur le bord d'un plan d'eau, on peut y mettre du sable, construire des murs de rétention, labourer et remodeler la rive et aussi construire des jetées. Il ne s'agit pas de petites jetées; ce sont de très grosses installations faites pour accueillir des super-yachts.
Nous avons devant nous un projet de loi qui dit que les gens devraient être libres de faire tout cela sans une évaluation adéquate faite par des biologistes spécialistes de la faune au ministère des Pêches, et, franchement, je pense que ce n'est tout simplement pas une bonne chose.
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C'est important. J'entends beaucoup de bêtises à ce sujet. Pourtant, je suis un ancien député souverainiste, donc je suis très sensible au chevauchement entre les provinces et le fédéral.
Comme vous le savez, il y a déjà des ententes relatives aux évaluations environnementales entre le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec, en vue d'utiliser la meilleure procédure. Quand un projet relève principalement de la compétence du Québec, c'est la procédure du Québec qui s'applique, et quand il touche principalement des champs de compétence fédérale, c'est la procédure du fédéral qui s'applique. Il y a une entente à ce sujet.
En fait, cette disposition ressemble beaucoup plus à un abandon de la responsabilité qu'à sa délégation. Il y a différents éléments. Par exemple, plus tôt, on a dit qu'on pourra déléguer à de tierces parties la responsabilité de la protection de l'habitat, mais ces tierces parties peuvent être les entreprises elles-mêmes, lesquelles ne sont pas nécessairement des organismes de conservation.
En arrière-plan, il n'est pas question d'une stratégie halieutique, c'est-à-dire une stratégie de protection des poissons qu'on pêche et de leur habitat. C'est plutôt une stratégie industrielle qui se fonde sur la philosophie selon laquelle l'environnement est un frein au développement des ressources. Selon cette philosophie, si on développe beaucoup les ressources et qu'on fait beaucoup d'argent, on donnera un peu de cet argent pour protéger l'environnement. C'est une vision extrêmement dépassée du développement durable, mais c'est pourtant la stratégie sous-jacente.
Bien concrètement, en ce qui concerne le golfe du Saint-Laurent, on pourrait dire qu'il est mieux qu'un seul office, en l'occurrence l'Office national de l'énergie, fasse l'évaluation du golfe, plutôt que cinq bureaux provinciaux ou découlant d'un partenariat entre le Canada et le Québec ou Terre-Neuve-et-Labrador. Dans un certain sens, il y a une logique à cela. Le problème découle du fait qu'on confierait cela à l'Office national de l'énergie, qui fait d'abord des projets énergétiques et dont la protection de l'environnement ou des habitats est un élément secondaire de la mission. On vient pervertir tout cela.
Dans certains cas, on pourrait dire que c'est une bonne chose. On peut penser que le golfe du Saint-Laurent est de compétence fédérale. Les ressources relèvent des provinces, mais l'habitat est de compétence interprovinciale. Donc, si le fédéral ne fait pas une évaluation complète, il abandonne ses responsabilités.
La réforme a des prétextes censément de protection de l'habitat et du poisson, mais dans les faits, on veut absolument créer des raccourcis et passer outre aux évaluations, malheureusement, pour faire avancer les choses le plus rapidement possible. Par exemple, le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui donne la possibilité à l'Office national de l'énergie de décider, dans un délai de 45 jours, qu'il n'est pas nécessaire d'évaluer l'exploration sismique, qui peut pourtant entraîner des problèmes majeurs pour les mammifères marins. Vous savez, on crée des zones d'exploration pour voir s'il y a du pétrole, et l'office pourrait tout simplement décider, dans un délai de 45 jours, qu'il n'est pas nécessaire de faire une évaluation à l'étape de l'exploration. Pourtant, on sait que dans le golfe du Mexique, des projets d'exploration ont foiré.
Ici, on joue aux apprentis sorciers en proposant une réforme très vaste, comprise dans une loi portant exécution du budget. Il s'agit d'une réforme très vaste qui comporte énormément de lacunes et d'échappatoires possibles pour favoriser, en l'absence de fondement scientifique et de temps de réflexion, un développement trop rapide des ressources naturelles dont l'exploitation peut polluer énormément.
:
Merci, monsieur le président.
[Français]
Si je le peux, je vais reprendre les commentaires de M. Simard quant à l'Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers.
Dans notre région, celle du golfe, je conviens qu'on est loin de l'idée de la fatigue consécutive à une consultation. L'office a mis sur pied une commission d'examen, la commission Richard, qui était tellement confuse en raison du Swiss cheese — si je peux reprendre cette idée de Swiss cheese — relatif aux règlements dans le golfe du Saint-Laurent qu'elle a quasiment abandonné ses consultations. Il n'y a pas de consultations en ce moment sur le forage exploratoire des hydrocarbures dans le golfe du Saint-Laurent. Le quasi-abandon du fédéral dans ce domaine inquiète les populations côtières, c'est clair.
Je me demande comment on pourrait prétendre exploiter les hydrocarbures dans le golfe alors que la moitié des provinces partage un seul golfe, et celles-ci sont actuellement incapables de créer une cohérence administrative ou législative de sorte que les entreprises pétrolières puissent même prétendre exploiter le golfe. Le recul que propose le projet de loi dont nous sommes saisis présentement va créer une situation de quasi-impossibilité de gouvernance dans la région. Cela va même freiner le développement économique de notre région. C'est un effet néfaste de ce projet de loi. Ce n'est pas qu'une question de protection de l'habitat ou qu'un recul par rapport aux droits de l'environnement, c'est aussi un frein au développement économique, et c'est inacceptable.
J'aimerais donc m'adresser à M. Siddon.
[Traduction]
Si vous le permettez, j'aimerais ajouter que, en ce qui concerne les conséquences particulières qu'auront les modifications que nous avons sous les yeux, là encore, il ne s'agit pas uniquement de protection de l'habitat du poisson, question qui, en soi, touche à l'environnement et aux pêches. D'autres questions surgiront, notamment la suivante: si nous ne protégeons pas adéquatement l'habitat du poisson, nous compromettrons d'autres aspects de la protection de l'environnement. par exemple, si nous ne préservons pas convenable la capacité de filtrage de l'habitat, les voies navigables deviendront de plus en plus contaminées.
L'habitat sert non seulement à protéger le poisson, mais également à protéger tout l'environnement, de même que notre eau potable. Je pourrais ajouter que l'Alberta Fish & Game Association a formulé des observations de nature semblable; même en plein cœur de la forteresse du gouvernement, à savoir l'Alberta, des gens estiment que le projet de loi que nous sommes en train d'étudier pourrait très bien avoir des effets extrêmement nuisibles sur notre environnement et notre eau potable.
À votre avis, quelle est la stratégie qu'il conviendrait d'adopter à ce moment-ci? Faudrait-il redéfinir les « dommages sérieux »? Est-ce que cette notion, de la manière dont elle est énoncée dans le projet de loi, sera suffisante pour protéger notre environnement? Quelle orientation devrions-nous adopter? Quel genre de modifications devrions-nous proposer d'apporter au projet de loi à ce moment-ci?
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Merci, monsieur Chisholm.
J'ai un certain nombre de recommandations et de commentaires à formuler concernant plusieurs articles auxquels nous ne nous sommes pas encore attachés.
Tout d'abord, l'article 147, c'est-à-dire l'article « laissez-les s'en tirer à bon compte ». En 1989, lorsque j'étais ministre, j'ai fait en sorte que les amendes maximales prévues par la Loi sur les pêches s'élèvent à 1 million de dollars, et que les personnes morales contrevenantes puissent faire l'objet de peines d'emprisonnement. Nous traitions tout le monde sur un pied d'égalité.
Toutefois, d'après le projet de loi, pour une organisation sans but lucratif, un particulier ou une société dont le revenu annuel est inférieur à cinq millions de dollars, l'amende va passer à 5 000 $ pour une déclaration de culpabilité par mise en accusation, ou à 15 000 $ pour une déclaration de culpabilité par procédure sommaire.
Que pensez-vous qu'un juge va faire avec cela? L'établissement de seuils en ce qui concerne les amendes minimales est troublant, car on ne cherchera à imposer qu'une amende minimale dans le cas d'une première infraction.
Les amendes salées que nous avions intégrées aux dispositions législatives avaient un caractère dissuasif et, pour l'essentiel, cela fonctionnait. C'est probablement pour cette raison que bon nombre de représentants de l'industrie se plaignaient. Toutefois, si l'on veut préserver l'habitat et protéger les cours d'eau abritant des poissons, nous avons besoin d'une loi qui a du mordant.
Il s'agit assurément de l'un des articles à propos duquel j'avais des commentaires à formuler.
Un autre est l'article 150, l'article où « le ministre se défile », comme il me plaît de l'appeler. À mes yeux, cet article constitue probablement l'une des principales failles du projet de loi — il permet au ministre, en vertu d'un autre article, de déléguer des pouvoirs non seulement aux gouvernements provinciaux, mais également au secteur privé, et ce, même en matière d'application. C'est ce qui se passe en Colombie-Britannique, où l'on trouve des professionnels de l'environnement prétendument qualifiés. Si nous ne sommes pas vigilants, tout le processus pourrait être privatisé. Ainsi, qui veillera au grain?
Le fait que le ministre ne reconnaisse pas sa responsabilité prépondérante, son devoir constitutionnel, me préoccupe énormément.
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Merci, monsieur le président.
Madame Schwann, ce que vous avez dit à propos de la société minière ayant été homologuée par le gouvernement provincial m'a beaucoup intéressé, car cela touche à la question des bassins de résidus.
Vous avez dit qu'il s'agissait d'un exemple de nature économique. Je me rappelle très bien cette affaire, car j'ai été l'un des premiers parlementaires à m'y intéresser. En fait, il s'agissait d'un problème environnemental — le ministère provincial de l'Environnement voulait que la société minière se rende là-bas et établisse un bassin de résidus, mais le MPO refusait cela, car il s'agissait d'un habitat. Ainsi, en déclarant qu'un vieux bassin de résidus constituait un habitat de poisson, le MPO a permis que des contaminants soient déversés dans l'environnement et, dans les faits, il a donc fait obstacle à un progrès environnemental.
M. Siddon a fait observer qu'un ministre devrait réellement être aux commandes. Je sais que, à l'époque, c'était le cas, mais que les dispositions législatives constituaient un handicap pour lui. Il a reconnu qu'il serait préférable de se rendre là-bas et de procéder à des activités de nettoyage. Le paradoxe tient à ce que le MPO faisait obstacle à la protection de l'environnement dans ce secteur; le ministre a compris cela, et pourtant, l'organisme provincial de protection de l'environnement voulait que l'on décontamine le secteur.
Est-ce que mes souvenirs à ce chapitre sont bons? De fait, l'organisme provincial de protection de l'environnement préconisait des activités de restauration, lesquelles auraient eu lieu si la société minière avait été autorisée à mettre en œuvre son projet.
Au nom des cinq municipalités de la partie supérieure de la vallée du Fraser de la Colombie-Britannique — à savoir la Ville de Chilliwack, le district de Hope, le district de Kent, le district régional de la vallée du Fraser et le village de Harrison Hot Springs, je tiens à remercier le comité de m'avoir invité à participer aux discussions touchant les modifications de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, de la Loi sur les pêches et de la Loi sur les espèces en péril qui ont été proposées dans le cadre du projet de loi .
Nous félicitons le gouvernement fédéral d'avoir pris des mesures visant à simplifier et à accélérer le processus d'approbation des grands projets ayant des répercussions environnementales. Comme notre organisation représente des collectivités que traversent d'importantes lignes de transport d'énergie, des pipelines, les deux principales lignes de chemin de fer et la Transcanadienne, nous sommes bien informés des conditions — notamment la tenue d'audiences publiques — auxquelles les grandes sociétés — par exemple B.C. Hydro ou Fortis — doivent satisfaire de manière à ce qu'elles puissent prendre de l'expansion afin d'offrir leurs services dans nos collectivités et dans l'ensemble de la Colombie-Britannique.
Le processus d'approbation est rigoureux; toutefois, l'efficience du régime actuel pourrait être accrue, et nous souhaitons que les modifications proposées dans le cadre du projet de loi permettront de le faire. Le temps, c'est de l'argent, et les longs retards qui caractérisent le processus d'approbation des grands projets se traduisent par des occasions perdues, ce qui peut être nuisible pour l'économie globale du pays.
Cela dit, les préoccupations immédiates des collectivités de la vallée du Fraser ont trait aux modifications proposées de la Loi sur les pêches et de la Loi sur les espèces en péril. La vallée du Fraser est une plaine inondable reconnue pour la très haute productivité — cinq ou six récoltes par saison — de ses sols de production fourragère, et pour ses cultures spéciales de fruits et de légumes.
En raison des précipitations saisonnières relativement abondantes et des nappes d'eau près de la surface du sol liées à la crue annuelle du fleuve Fraser, un drainage efficace de ces sols est essentiel à leur productivité. Cela passe par l'entretien annuel d'un réseau de tranchées de drainage ayant été construit afin de préserver la qualité de ces sols. En outre, les terres agricoles et la forêt et les montagnes avoisinantes sont drainées par des cours d'eau et des marécages naturels qui constituent des habitats normaux du poisson, et par le fleuve Fraser lui-même, lequel abrite, bien sûr, du saumon et d'autres espèces de poisson, par exemple l'esturgeon.
Si les agriculteurs et les municipalités sont en conflit avec le personnel du MPO et s'opposent à la Loi sur les pêches, c'est en raison de l'insistance du MPO à considérer les tranchées de drainage agricole comme étant un habitat du poisson, et donc à les assujettir à ses directives, conformément à la Loi sur les pêches. Par conséquent, l'obtention d'approbations en vue d'effectuer les travaux annuels d'entretien des tranchées de drainage et des réparations d'usage sur les ponceaux et les ponts est devenue une dépense majeure pour les municipalités, et une source de frustration pour les agriculteurs.
Dans le district de Kent, où l'agriculture est la principale industrie, les coûts directs et indirects liés à l'obtention d'approbations et de permis du MPO représentent 80 p. 100 des coûts associés aux tranchées de drainage. Les modifications proposées dans le cadre du projet de loi en ce qui a trait à la définition de l'habitat restreindraient celui-ci aux cours d'eau et aux marécages où vit un poisson visé par une pêche commerciale, et excluront, du moins nous le souhaitons, les systèmes de drainage agricoles.
De même, dans le passé, si l'on estimait que l'entretien d'usage des tranchées avait provoqué la destruction de l'habitat, les municipalités concernées devraient prendre des mesures de compensation, à savoir aménager de nouvelles zones riveraines et les entretenir à perpétuité. Cette exigence peut être justifiée dans le cas où des cours d'eau naturels sont touchés; cependant, elle ne devrait pas s'appliquer à des tranchées qui sont sèches une bonne partie de l'année. Selon notre interprétation des modifications proposées dans le projet de loi , l'exigence liée à ce type de mesures de compensation ne s'appliquerait pas aux travaux de nettoyage des tranchées.
Le climat de la vallée du Fraser est tempéré; par conséquent, quelques-unes de ses voies navigables ont été désignées comme étant des habitats d'espèces rares au Canada, par exemple le meunier de Salish, le naseux de Nooksack et la grenouille maculée de l'Oregon — laquelle, de toute évidence, est originaire de l'Oregon.
Cela ne posait aucun problème aux municipalités jusqu'à ce que le meunier de Salish et le naseux de Nooksack soient désignés comme des espèces en voie de disparition au titre de la Loi sur les espèces en péril, et que la grenouille maculée de l'Oregon soit désignée comme espèce en voie de disparition par le ministère des Forêts, des Terres et de l'Exploitation des ressources naturelles de la Colombie-Britannique. La grenouille maculée de l'Oregon et le meunier de Salish partagent le même habitat, bien que la première privilégie les étangs herbeux et ensoleillés, et le deuxième, les cours d'eau profonds, ombragés et frais.
Ce qui frustre les employés municipaux, c'est qu'il leur arrive d'obtenir du MPO un permis visant l'entretien d'une tranchée de drainage, mais de se faire couper l'herbe sous le pied par le personnel du ministère provincial. Les modifications proposées de la Loi sur les espèces en péril ne semblent pas tenir compte des conflits de ce genre. Nous suggérons que la désignation à titre d'espèce en péril des espèces n'évoluant que dans une zone très restreinte d'une province relève des autorités de la province concernée, et non pas des instances fédérales.
L'an dernier, le personnel du MPO a fait preuve d'une grande diligence en tenant des audiences publiques afin de discuter avec les agriculteurs, les membres de l'industrie et les employés municipaux des conséquences de la désignation de l'habitat essentiel du meunier de Salish dans la vallée du Fraser. Des cartes indiquant l'emplacement des zones désignées à titre d'habitats essentiels étaient contenues dans la version préliminaire de la stratégie proposée de rétablissement du meunier de Salish. Les restrictions suggérées en matière d'utilisation des terres agricoles et de gestion et de construction de propriétés urbaines au bord de l'eau — comme celles qui ont été imposées dans le village de Harrison Hot Springs — représentent d'importantes limitations en ce qui a trait à la valeur et à l'utilisation des terres.
Ce qui nous préoccupe davantage, c'est que, en dépit des nombreuses requêtes formulées par le public à cette fin, le MPO n'a pas pu ou n'a pas voulu fournir une analyse coûts-avantages de la désignation de cet habitat, et a refusé de prendre des engagements à l'égard de la population en ce qui concerne les espèces dont la situation était considérée comme satisfaisante. En fait, la stratégie énonce qu'il est probable que, dans un avenir prévisible, les espèces demeureront sur la liste des espèces en péril. Quelques-unes des modifications de la Loi sur les espèces en péril proposées dans le cadre du projet de loi devraient dissiper en partie les incertitudes de ce genre.
Durant cette très brève déclaration préliminaire, j'ai mentionné un certain nombre de sujets. Nous nous réjouissons à l'idée de participer à d'autres discussions touchant les modifications de la Loi sur les pêches et de la Loi sur les espèces en péril proposées dans le projet de loi. Merci.
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Merci, monsieur le président. Je vous sais gré de me donner l'occasion de me présenter ce soir devant le comité pour discuter de questions très importantes pour la protection de l'environnement et le développement durable au Canada.
Le message que je veux transmettre aux membres du comité est le suivant: dépêchons-nous, mais sans nous presser. En vertu du projet de loi , la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale sera entièrement abrogée. Contrairement à ce qu'avancent les documents budgétaires, le projet de loi a non pas pour effet de peaufiner ou de simplifier une loi fédérale, ni de l'assortir de délais, mais de l'abroger totalement, et de la remplacer par une autre qui comprend un certain nombre de nouvelles notions n'ayant pas été mises à l'épreuve.
Bon nombre des commentaires formulés récemment par plusieurs ministres mettent l'accent sur le besoin perçu de simplifier les évaluations environnementales, par exemple en permettant que les examens provinciaux se substituent aux examens fédéraux, et en faisant en sorte que les examens par une commission soient menés à bien dans des délais raisonnables. Le projet de loi propose une multitude de modifications importantes — et principalement malavisées — visant à ce que les délais prévus pour les examens par une commission soient simples et fermes, mais ces modifications sont loin d'êtres celles qui sont le plus lourdes de conséquences pour le processus d'évaluation environnementale.
Durant le temps dont je dispose, j'aimerais vous parler des trois éléments du projet de loi qui me préoccupent le plus.
Tout d'abord, le projet de loi éliminerait essentiellement l'exigence législative de mener une évaluation environnementale liée à chaque projet. Dans les faits, cela signifie que beaucoup moins d'évaluations seront menées, et que la portée des évaluations qui seront menées sera beaucoup plus limitée. Comment cela se concrétisera-t-il? À l'heure actuelle, sous le régime de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, tous les projets autorisés par le gouvernement fédéral doivent faire l'objet d'une évaluation, sauf s'ils sont visés par une exclusion réglementaire ou législative. Dorénavant, seuls les projets ayant été désignés au titre d'une disposition réglementaire seront assujettis à la loi.
Permettez-moi de prendre quelques instants pour souligner que nous n'avons pas encore pu consulter une version préliminaire des dispositions réglementaires, bien que nous sachions que l'Agence canadienne d'évaluation environnementale a travaillé là-dessus. Il est absolument impératif que le comité examine ce document avant d'approuver quoi que ce soit.
Nous ne savons rien de la longueur de la liste de projets désignés. Nous croyons comprendre que, pour établir cette liste, le gouvernement s'inspirera du Règlement sur la liste d'étude approfondie et des dispositions réglementaires en vigueur. À l'heure actuelle, d'après le registre canadien d'évaluation environnementale, 39 études approfondies et 11 examens par une commission sont en cours. Il s'agit de nombres relativement peu élevés. Sous le régime de la LCEE en vigueur, quelque 4 000 évaluations environnementales préalables sont menées chaque année; sous le régime de la nouvelle loi, ces évaluations n'auront pas lieu.
Un nombre assez peu élevé de prétendus projets désignés seront visés par les nouvelles dispositions législatives, mais cela ne veut pas dire que leurs effets environnementaux seront effectivement évalués. L'alinéa 10b) proposé de la LCEE de 2012 octroie à l'Agence canadienne d'évaluation environnementale le pouvoir de décider si une évaluation environnementale des projets désignés est requise ou non. Dans les faits, aux termes de la nouvelle loi, il se peut qu'un très faible nombre de projets fasse l'objet d'une évaluation environnementale.
Hier, le commissaire parlementaire, Scott Vaughan, s'est présenté devant le comité. Selon lui, entre 20 et 30 évaluations environnementales seront tenues sous le régime de la nouvelle loi. Autrement dit, selon moi, le gouvernement fédéral abandonne le processus d'évaluation environnementale. Ainsi, le projet de loi pourrait très bien être comparé à une coquille vide, vu que très peu d'évaluations environnementales seront effectivement menées.
Si tel est le cas, et si les nouvelles dispositions législatives ne s'appliquent qu'à une poignée de projets chaque année, toutes les dispositions concernant les échéanciers, la substitution, l'équivalence et la participation du public n'ont aucune importance. Le fait est que très peu d'activités d'évaluation environnementale auront lieu.
J'aimerais maintenant parler de la pléthore de pouvoirs discrétionnaires octroyée par le projet de loi.
J'avancerais que la LCEE de 2012 est non pas tant une loi qui impose des exigences liées à la tenue d'évaluations environnementales qu'une loi qui permet aux ministres et aux autorités responsables d'exercer un pouvoir discrétionnaire. Sous le régime des dispositions contenues dans le projet de loi, l'Agence et le ministre de l'Environnement peuvent exercer un vaste pouvoir discrétionnaire au moment de déterminer si l'évaluation environnementale d'un projet est requise, de cerner les facteurs justifiant le réexamen d'une évaluation environnementale et de décider qu'il serait « indiqué » de substituer un processus provincial à un processus fédéral.
Cela se traduira inévitablement par la politisation des évaluations environnementales, et donc par des retards. À l'heure actuelle, les règles sont claires. Ces règles seront remplacées par un pouvoir discrétionnaire octroyé au ministre et aux autorités responsables de l'Agence.
Par exemple, supposons que les carrières d'agrégats — de l'ampleur de celle que l'on se propose d'exploiter à Melancthon, dans le Sud de l'Ontario — soient considérées, au titre des dispositions réglementaires, comme des projets désignés. La première chose que fera le promoteur d'une telle carrière pourrait très bien consister à recourir aux services d'un lobbyiste d'Ottawa afin qu'il exerce des pressions sur l'Agence et le ministre pour qu'ils exercent le pouvoir discrétionnaire prévu par l'alinéa 10b) proposé et fassent en sorte qu'aucune évaluation environnementale ne soit requise, ou, à défaut de ça, qu'ils exercent le pouvoir discrétionnaire prévu par le paragraphe 19(2) de manière à ce que l'évaluation environnementale de la carrière ait une portée semblable à celle de l'évaluation environnementale d'un ouvrage de franchissement de cours d'eau.
Ce genre de choses se produisent, je le crains.
À présent, j'aimerais aborder la question des risques accrus de poursuite.
Le nouveau texte législatif risque de donner lieu à un plus grand nombre de poursuites, car il contient une multitude de nouvelles notions, par exemple celle de « projet désigné », d'« effets environnementaux », de « partie intéressée » ou de substitut indiqué. Le projet de loi a été élaboré en secret — et j'ajouterais: à la hâte — sans que des experts de l'industrie ou de la société civile ne soient consultés, ce qui signifie qu'il est probable qu'il occasionnera de nombreuses erreurs.
Je ferai observer que la démarche secrète qui a caractérisé l'élaboration du projet de loi est aux antipodes de la démarche qui avait été adoptée aux fins de l'élaboration des anciennes dispositions législatives en matière d'évaluation environnementale. L'instauration de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale originale, en 1992, avait été précédée par plusieurs années de consultations publiques, et par le dépôt au Parlement de trois projets de loi différents.
Les importantes modifications apportées à la LCEE en 2003 avaient également été précédées d'une consultation publique menée par l'Agence, de même que par des audiences du comité de l'environnement de la Chambre des communes.
En outre, une organisation connue sous le nom de Comité consultatif de la réglementation, composée de multiples intervenants — membres de l'industrie, groupes environnementaux, Premières nations et représentants des gouvernements provinciaux et fédéral — avait procédé à un examen de la version préliminaire des dispositions réglementaires pour s'assurer qu'elles étaient adéquates avant leur entrée en vigueur.
Hélas, rien de tel n'existe actuellement. J'avance qu'il serait important de recourir à un groupe multilatéral pour bien faire les choses. Le gouvernement l'a déjà fait dans le passé. J'ai fait partie d'un groupe multilatéral qui a collaboré à l'élaboration de la stratégie sur la gestion de la qualité de l'air. Ce groupe, dirigé par le gouvernement de l'Alberta, comprenait des représentants de l'industrie, d'organisations environnementales et de gouvernements provinciaux. Un accord national qui réduira les émissions contribuant au smog au pays est très près d'être conclu, et ce, grâce à un processus non pas unilatéral, mais multilatéral.
Je n'ai mentionné que quelques-unes des multiples préoccupations graves que soulève, à mes yeux, le projet de loi. À coup sûr, le sous-comité fait face à une tâche ardue, à savoir celle de comprendre le projet de loi; tout d'abord, il doit comprendre les observations formulées par les témoins, et ensuite, proposer des modifications susceptibles d'atténuer les conséquences franchement dévastatrices qu'aura le projet de loi sur l'environnement naturel du Canada.
Si l'on veut accélérer les choses et améliorer les dispositions législatives, il faut éviter d'agir à la hâte.
Je recommande au sous-comité de retirer du projet de loi la LCEE de 2012, et je propose au comité des finances que cette loi soit renvoyée au Comité de l'environnement et du développement durable de la Chambre des communes aux fins d'examen. En outre, je suggère que cet examen soit mené en collaboration avec un groupe multilatéral.
J'aurais proposé la participation de la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie, mais de toute évidence, cela n'est pas possible.
Pour conclure, j'aimerais répéter quelque chose que j'ai déjà dit.
J'estime qu'il est très important que le comité consulte la version préliminaire des dispositions réglementaires touchant les projets désignés avant qu'il ne termine ses réunions. Je crois que le comité devrait demander au ministre de l'Environnement qu'il lui fournisse ces dispositions avant que le présent processus ne prenne fin.
Merci beaucoup, monsieur le président.
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Merci, monsieur le président, et merci de l'invitation.
Je suis ici aujourd'hui à titre de représentant de Mines Alerte Canada, une ONG nationale — et non pas un organisme de bienfaisance —, et à titre de coprésident du Caucus de planification et d'évaluation environnementales du Réseau canadien de l'environnement, qui regroupe quelque 60 organisations et experts en matière d'évaluation environnementale de toutes les régions du pays.
Je suis ici pour vous exhorter à faire en sorte que les dispositions du projet de loi concernant l'environnement fassent l'objet de consultations et de débats en bonne et due forme.
La partie 3 du projet de loi C-38 qui nous occupe aujourd'hui contient de graves lacunes et, à notre avis, il serait irresponsable de l'adopter sans y apporter d'importantes modifications. Sauf le respect que je dois aux membres expérimentés et savants du comité, je dois mentionner que le fait que la partie 3 soit intégrée au projet de loi C-38 rend tout simplement impossible son examen. Si l'on veut examiner adéquatement ces dispositions, il faut les retirer du projet de loi pour qu'elles puissent faire l'objet de débats distincts. Au besoin, on pourrait les retirer du projet de loi et les soumettre à un nouveau processus législatif.
Le gouvernement fait valoir que la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale de 2012 et les mesures connexes doivent être adoptées dans le cadre du processus budgétaire parce qu'il est urgent qu'elles soient mises en place afin de protéger et de promouvoir les investissements et le développement.
De toute évidence, cette urgence a été créée de toutes pièces. L'actuelle LCEE a été renvoyée au Parlement aux fins d'examen il y a deux ans. Pendant 16 mois, le gouvernement n'a rien fait, et il a demandé au Comité consultatif de la réglementation du ministre et au caucus d'abandonner les travaux qu'ils avaient entrepris plusieurs années plus tôt afin de se préparer pour l'examen.
Autre point important, ces mesures risquent davantage d'accroître l'incertitude et de prolonger les retards, ce qui, au bout du compte, compromettra les projets de développement et fera fuir les investisseurs.
J'aimerais me pencher plus particulièrement sur trois problèmes clés des nouvelles dispositions législatives, à savoir la renonciation à la responsabilité fédérale en matière d'environnement; l'abandon des principes de développement durable, et leur intégration à la prise de décisions; enfin, la grave diminution de la participation du public, et l'occasion qu'a le gouvernement d'assumer ses obligations à l'égard des peuples autochtones. Je ne suis pas ici pour parler au nom des peuples autochtones, et je n'examinerai pas de manière approfondie cette question, mais je tenais à mentionner que Mines Alerte et le caucus ont de graves préoccupations à ce sujet.
Plutôt que de proclamer de façon positive le rôle que doit jouer le gouvernement fédéral en matière d'évaluation environnementale, les dispositions législatives restreignent explicitement le pouvoir fédéral à une compétence réglementaire particulière, notamment au titre de l'alinéa 5(1)a) proposé. Il s'agit d'un pied de nez aux décisions rendues par la Cour suprême dans les affaires Oldman et Mines Alerte Canada, et cela nous permet d'être certains que les évaluations environnementales fédérales n'entretiendront aucun lien significatif avec la réalité écologique ou sociale. Il en résulte qu'il sera tout simplement impossible d'établir des pratiques nationales cohérentes de quelque nature que ce soit.
Les dispositions relatives à la substitution et à l'équivalence se traduiront, tant au sein du gouvernement fédéral que dans le cadre des relations entre les processus fédéral et provinciaux, par une application disparate et incohérente des dispositions relatives aux évaluations environnementales. Le caucus et d'autres intervenants, qui s'étaient penchés sur la question, avaient formulé une mise en garde précisément à ce propos. Plutôt que de chercher à considérer le régime fédéral comme un mécanisme soutenant la coordination et l'harmonisation des processus, on répartit ses diverses composantes entre divers organismes — l'Agence canadienne d'évaluation environnementale, l'Office national de l'énergie et la Commission canadienne de sûreté nucléaire — dont les structures, les capacités et les mandats sont distincts, alors que d'autres pouvoirs qui en découlent seront cédés aux processus provinciaux et aux processus autorisés de règlement des revendications territoriales, lesquels ont peu de choses en commun. Le contraste entre les évaluations menées par le gouvernement fédéral et le gouvernement de la Colombie-Britannique en ce qui concerne le projet de la mine Prosperity — qui aurait dû faire l'objet d'un examen conjoint — constituerait un excellent sujet pour une étude de cas.
En réduisant le rôle du gouvernement fédéral et en répartissant les responsabilités fédérales en matière d'évaluation entre plusieurs organismes fédéraux et plusieurs processus d'évaluation environnementale provinciaux et territoriaux, la LCEE de 2012 morcelle le processus d'évaluation environnementale et crée environ 19 processus très différents. À coup sûr, il ne s'agit plus d'un processus à guichet unique. En outre, vu la faiblesse des dispositions touchant les activités transfrontalières et les évaluations régionales, on peut également douter que cela aboutira à la mise en œuvre du principe « un projet, une évaluation ».
Pour ce qui est du processus décisionnel, même si la démarche consistant à établir une liste de projets désignés devant faire l'objet d'une évaluation environnementale n'est pas nécessairement une mauvaise chose, la manière dont elle est utilisée dans le cadre de la loi pose des problèmes. Le fait d'axer les efforts en matière d'évaluation sur les grands projets risquant d'avoir des effets plus importants est une chose, mais le fait de ne déployer aucun effort pour veiller à ce que des mécanismes soient mis en place pour assurer le suivi, la surveillance et, au besoin, l'évaluation des projets de moindre envergure en est une autre, et à notre avis, cela constitue une erreur. De surcroît, plutôt que d'intégrer le développement durable, le processus d'examen préalable et les divers pouvoirs discrétionnaires liés à la prise d'une décision concernant la tenue d'une évaluation et la portée de cette dernière, on a tendance à reléguer l'évaluation environnementale en marge du processus décisionnel, tant en ce qui a trait aux projets qu'aux organismes de réglementation.
De plus, la notion d'évaluation environnementale stratégique — c'est-à-dire l'évaluation des politiques, des plans et des programmes — a complètement disparu des dispositions législatives.
La participation du public est un élément clé de l'évaluation environnementale. Dans le cadre du projet de loi, cette participation est restreinte par le nombre limité de projets qui seront évalués, par la diminution du nombre d'occasions qui seront offertes au public d'apporter sa contribution et par l'imposition artificielle d'échéanciers. Vous vous rappelez peut-être que la Cour suprême a soutenu la décision prise par Mines Alerte Canada au sujet de la mine Red Chris, qui était fondée sur la garantie de la participation du public aux études approfondies, conformément aux modifications de 2003 de la LCEE.
Les nouvelles dispositions législatives prévoient la participation du public, mais n'énoncent aucun critère ni aucune garantie en ce qui a trait à la participation du public dans le cadre de processus ayant fait l'objet d'une substitution. On prévoit un programme d'aide financière pour la faciliter, mais seulement dans le cadre d'examens par une commission. Malgré cela, les délais arbitrairement resserrés prévus par les nouvelles dispositions législatives rendront presque impossible une participation du public digne de ce nom. Il convient de souligner que, même si la loi restreint de façon stricte la période durant laquelle le public peut participer au processus et n'énonce qu'un nombre limité d'options dont peuvent se prévaloir les organismes fédéraux afin de prolonger les délais dont ils disposent, elle n'impose absolument aucune restriction pour ce qui est du temps qu'un promoteur peut prendre pour donner suite à des demandes de renseignements ou modifier et soumettre de nouveau des plans de projet, ce qu'ils font assez souvent.
De surcroît, conjugués à l'incohérence engendrée par les dispositions relatives à la substitution et à l'équivalence, les échéanciers artificiels rendront très difficile pour les communautés autochtones la participation pleine et entière aux évaluations environnementales, laquelle constitue l'un de leurs droits garantis par la Constitution. Bref, même si l'on faisait preuve de la plus grande confiance possible en ce qui a trait au libellé des annexes et du règlement d'application de la LCEE — lesquels sont absents du projet de loi — et à l'application des pouvoirs discrétionnaires ministériels et bureaucratiques — laquelle ne s'assortit, ajouterai-je, d'aucun critère utile —, les principaux éléments de ce texte législatif ne peuvent donner lieu à des évaluations environnementales solides, efficaces et efficientes.
Cela rend considérablement moins prévisibles et cohérents les principaux éléments du processus. Cela restreint son rôle de tribune servant à faire approuver un projet par la société et à permettre à la Couronne de s'acquitter de son obligation d'obtenir le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, des peuples autochtones, à l'égard des projets de développement ayant une incidence sur leurs terres et leurs moyens de subsistance.
Le public s'attend à ce que tous soient traités de façon équitable par la loi. Je ne serai pas le premier à souligner que, en l'absence d'un processus public perçu comme étant équitable et rendant possible le respect des droits des peuples autochtones, les gens auront tendance à prendre eux-mêmes les choses en main. En outre, les poursuites et les actions directes accroîtront l'incertitude et l'imprévisibilité, et l'on peut raisonnablement prévoir qu'elles neutraliseront à tout le moins tout gain d'efficience prévu.
Il est difficile d'éviter de conclure que, face à des questions juridiques et à des questions de compétence complexes, et sous la pression des provinces et de quelques secteurs de l'industrie, le gouvernement a décidé, pour l'essentiel, de baisser les bras et de ne conserver que ses obligations juridiques fondamentales. Cela est tout simplement inadmissible.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Je m'appelle Gregory Thomas. Je suis directeur fédéral et de l'Ontario de la Fédération canadienne des contribuables, le plus ancien et le plus important groupe de défense des droits des contribuables du Canada. Fondée en 1990, notre organisation compte 72 000 sympathisants partout au pays.
Nous vous sommes reconnaissants de nous avoir invités à participer à la réunion, et nous serons heureux de répondre à vos question.
À mon avis, c'est un secret de polichinelle que le processus d'évaluation environnementale compte au Canada peu de partisans, toutes allégeances politiques confondues. M. Kneen a une copie du document où sont comparées l'évaluation de la Colombie-Britannique et celle du gouvernement fédéral de la mine Prosperity, projet d'une valeur de 1 milliard de dollars qui aurait créé des dizaines de milliers d'emplois en Colombie-Britannique. Le gouvernement fédéral a freiné le projet, mais tous ceux qui ont pris part à l'ensemble du processus ont fait connaître leur mécontentement à ce propos, indépendamment de son résultat. Le processus a été long, chronophage et coûteux pour les gens qui tentaient d'aménager la mine; il a aussi été coûteux pour les gens qui s'opposaient au projet.
En fin de compte, tout le monde s'est entendu pour dire que les questions fondamentales n'avaient pas été abordées, et que la société civile n'avait pas réussi à établir, de façon collective, la manière dont on devait s'y prendre pour exploiter la mine en question sans nuire à l'environnement et aux générations futures. Ainsi, le processus a été long, coûteux et frustrant. De plus en plus, les contribuables se rendent compte du fait que le processus d'évaluation environnementale suscite la participation de personnes qui n'ont rien de nouveau à proposer. Ces personnes n'ont aucun fait ni aucun renseignement nouveau à présenter, n'ont aucune nouvelle recherche à déposer et n'ont aucune proposition constructive à formuler sur la manière dont nous devons nous y prendre pour aller de l'avant et protéger l'environnement, créer des emplois et travailler en collaboration.
Ainsi, le processus ne fonctionne pas, et j'estime que les modifications contenues dans le projet de loi représentent à tout le moins une tentative du gouvernement du Canada de prendre acte du fait que le processus est déficient et qu'il ne rend que de très piètres services aux gens.
Je parlerai d'un élément des évaluations environnementales qui, à mon avis, est passé inaperçu, et que le gouvernement doit intégrer à son futur processus, à savoir tout ce qui concerne la quantification des dommages et la quantification des coûts liés aux dispositions législatives et réglementaires et aux nouveaux projets de développement. Comme nous le savons, dans le cas de la mine Prosperity en Colombie-Britannique, il a fallu assumer des coûts en ce qui concerne l'environnement, la chasse et la pêche traditionnelles, les territoires traditionnels des peuples autochtones et l'environnement lui-même.
Nous savons également que d'énormes bénéfices financiers pourraient servir à compenser ces coûts. Toutefois, comme nous avons pu le constater, la rhétorique incendiaire a occupé le devant de la scène, de sorte que l'ensemble des acteurs n'ont pas su faire preuve d'une volonté suffisante pour créer une situation qui aurait eu pour effet d'accroître la prospérité pour tous et de protéger l'environnement. Il y avait là un gain à faire, mais collectivement, nous n'avons pas été capables d'en tirer parti. Au bout du compte, nous avons collectivement dépensé une quantité astronomique de fonds publics pour mener à un processus qui n'a eu aucun résultat constructif.
Le pipeline de la vallée du Mackenzie nous offre un exemple semblable.
Je pense qu'il est juste de dire que le projet de pipeline de la vallée du Mackenzie a pas mal suscité l'appui du public en 2012, mais les processus se sont étendus sur une si longue période que le prix du gaz naturel a eu le temps de baisser au point où la construction du pipeline ne serait plus rentable. C'est pourquoi certaines collectivités des Territoires du Nord-Ouest recommencent à utiliser du diesel, car ils n'ont plus accès à du gaz naturel.
Il est arrivé par le passé que le défaut de quantifier la valeur économique de notre gestion des ressources naturelles entraîne des conséquences catastrophiques. On peut penser à ce qui est arrivé à la morue à Terre-Neuve ou — comme cela a été abordé à la réunion d'avant-hier qui s'est tenue en soirée — aux poissons des Grands Lacs. On a pris des décisions qui, petit à petit, ont détruit les habitats du poisson, et personne n'en avait quantifié la valeur.
Je suis heureux de la présence de M. Fisher, de la vallée du haut Fraser, car nous comptons beaucoup de sympathisants qui habitent dans les municipalités dont il a parlé. Je pense qu'il y a peut-être un lien à faire avec la nomination d'une personne ayant le nom de famille « Fisher » à titre de représentant des agriculteurs.
Dans la vallée du haut Fraser, on n'a déployé aucun effort pour quantifier les coûts et les avantages des initiatives de protection des espèces en péril. Pour ce qui est des dommages causés aux gens par la réglementation gouvernementale, le système canadien est l'un des pires au monde. En Europe, tant à l'échelon des États qu'à celui de l'Union européenne, la réglementation imposée aux agriculteurs de la vallée du Fraser entraînerait automatiquement l'octroi de compensations financières substantielles; au Canada, nous pouvons essentiellement détruire et inonder les terres des agriculteurs. Ces personnes risquent de perdre des centaines de milliers de dollars, et on ne leur versera aucune compensation.
M. Fisher a parlé du naseux de la Nooksack et du meunier de Salish, poissons qui sont tous deux considérés comme des espèces en péril. Des groupes de militants se sont d'ailleurs adressés aux tribunaux pour forcer le MPO à élaborer des plans visant à protéger ces espèces. Donc, initialement, ce n'était même pas une initiative du gouvernement du Canada: il a été contraint de le faire en application de sa propre loi. Comme il n'existe aucun moyen de quantifier les coûts massifs des plans de protection proposés et que les coûts pour les particuliers ne sont même pas pris en compte dans notre système juridique, on obtient des initiatives environnementales entraînant des coûts énormes, scandaleux et exponentiels pour les particuliers.
Une chose hilarante à propos du plan dont M. Fisher est venu parler, c'est qu'un des habitats les plus anciens et les plus grands du meunier de Salish se trouve dans la rivière Little Campbell, d'où l'espèce a été extirpée il y a une trentaine d'années. La rivière Little Campbell est située au milieu du parc de la rivière Campbell, soit le plus grand parc régional de la région de Vancouver. Au lieu de mettre en œuvre dans un parc régional un programme qui aurait une incidence sur le budget — ce qui forcerait le gouvernement du Canada à dire aux contribuables: « Nous vous faisons payer des impôts et nous dépensons des centaines de milliers de dollars en vue de rétablir la population d'un poisson que personne ne connaît » —, il choisit plutôt de verser plusieurs centaines de milliers, peut-être même des millions de dollars en dédommagement à des agriculteurs afin de prendre possession de leurs tranchées pour faire la même chose. Cette façon de procéder est insidieuse, et nous espérons que le comité et que le gouvernement y mettront un terme.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Merci aux témoins d'être ici. Je vais parler en français.
J'ai plusieurs questions pour vous, monsieur Hazell, mais j'aimerais d'abord remettre en contexte certaines informations. Je pense qu'il y a eu beaucoup de désinformation, dans les discours qu'on a entendus aujourd'hui et depuis plusieurs jours.
On parle beaucoup d'efficacité, d'économie et on dit qu'il est impossible d'associer l'économie au développement durable. Pourtant, le commissaire à l'environnement dit le contraire, tout comme plusieurs experts, dont vous-même.
Ne serait-il pas préférable d'investir dans la protection de l'environnement et dans la prévention, plutôt que d'investir dans la guérison et dans la décontamination des sites?
Vous avez soulevé un paradoxe. On ne cesse de dire que les évaluations environnementales sont trop longues, trop coûteuses, qu'il y a beaucoup de délais. Pourtant, vous avez dit qu'en politisant les évaluations environnementales et en donnant les responsabilités aux provinces, cela va créer davantage de retards. Donc, j'imagine que cela créera des risques et engendrera des coûts plus élevés.
La première chose que je dirais, c'est que les évaluations environnementales sont coûteuses, mais qu'elles permettent bien souvent d'économiser énormément d'argent. Mon collègue a fait allusion au projet d'exploitation de gaz de la vallée du Mackenzie. Il a dit qu'énormément de personnes l'appuyaient. Il est malheureux que les promoteurs, eux, ne l'appuient pas.
Imperial Oil et Shell ont épargné des milliards de dollars en renonçant à ce projet. Si ces sociétés l'avaient mis en œuvre — et tout le monde est conscient du fait que le processus était trop long —, elles auraient essayé de vendre du gaz naturel à 6 $ dans un marché où elles n'auraient pu obtenir que 2 $. Elles auraient essuyé des pertes faramineuses. Le processus d'évaluation environnementale a permis à ces sociétés et à nous tous de mieux comprendre les coûts de mise en œuvre du projet. Une partie du pipeline aurait été aménagée dans des milieux de pergélisol dépourvus de routes où il serait difficile de mener des travaux de construction. Je ne m'attends pas à ce qu'Exxon Mobil me remercie de lui avoir fait économiser 1 milliard de dollars, mais je garde espoir.
Mon collègue a parlé de la nécessité d'établir le montant des dépenses liées à la réglementation. Je suis d'accord. Je pense que, globalement, nous le faisons. Toutefois, il y a deux choses à prendre en considération. Tout d'abord, pour ce qui est du projet de la vallée du Fraser, nous devons examiner les avantages économiques des services écologiques rendus par la forêt boréale. La forêt et les milieux humides boréaux de cette région procurent énormément d'avantages au Canada: absorption du carbone contenu dans l'air, eau fraîche, etc. Ce genre de paramètres doivent aussi être pris en compte.
C'est une bonne idée, tout cela, mais le projet de loi aura exactement l'effet que craint M. Thomas. Nous ne serons pas en mesure de faire le travail, car le projet de loi aura essentiellement pour effet d'éliminer l'effort du gouvernement fédéral en matière d'évaluation environnementale. Il n'est pas question de rationalisation ou d'échéanciers. Il est plutôt question d'une diminution massive de la capacité du gouvernement fédéral de comprendre les répercussions des projets d'exploitation sur l'environnement et sur les collectivités.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Fisher, monsieur Thomas, monsieur Anderson, j'aimerais clarifier quelque chose. Avec tout le respect que je vous dois, j'ai fait des études en aménagement durable des paysages à l'UBC. Je suis allé de nombreuses fois dans la vallée, notamment à Chilliwack et dans d'autres villes là-bas. J'ai étudié dans cet environnement et je veux expliquer les bases de l'hydrologie superficielle et du rôle des corridors riverains, car j'ai entendu beaucoup de choses au sujet des tranchées des agriculteurs au cours des deux ou trois derniers mois.
Les tranchées agissent comme ruisseaux de premier ordre, qu'elles soient artificielles ou naturelles. Les ruisseaux de premier ordre se jettent dans un cours d'eau de deuxième ordre, puis dans un autre de troisième ordre, jusqu'à un delta de l'océan. Si on regarde une image-satellite du delta du Fraser, on constate un important envasement à l'embouchure du delta.
Certaines personnes vont dire: « Et alors? » Eh bien, tout écoulement qui passe par ces tranchées accroît l'envasement du fleuve ou de la rivière, ce qui réduit sa teneur en oxygène. La diminution de l'oxygène réduit la capacité du cours d'eau d'abriter la vie aquatique — c'est aussi simple que ça. C'est l'hydrologie superficielle qui le dit.
La Loi sur les pêches contribue à la protection de ces corridors riverains, car elle reconnaît que l'écoulement superficiel réduit la capacité d'un cours d'eau d'abriter la vie et le poisson. Certaines mesures d'atténuation comme les haies ou le gravier — comme vous l'avez mentionné —, facilitent le processus, mais si on élimine ces dispositions législatives et les incitatifs visant à protéger le poisson, certains agriculteurs réduiront leurs coûts et ne paieront pas de coûts additionnels pour prendre les mesures d'atténuation. Donc, c'est en fait tout le système qui est protégé par cette loi.
Les agriculteurs connaissent bien leurs terres. Je ne dirais pas le contraire. Mais il est question d'un système. Ils font partie d'un système. Bien des agriculteurs souhaitent exploiter toutes leurs terres cultivables. C'est logique sur le plan économique. On veut accroître la productivité des terres, mais en plantant des haies et en prenant des mesures d'atténuation, on protège le poisson, qui protège à son tour cette industrie.
C'est ce que dit la science. Ce n'est pas de la manipulation, comme ce que fait le gouvernement en utilisant certains termes et en laissant entendre certaines choses visant à discréditer la science aux yeux de la population. Voilà ce que je voulais clarifier.
Ma question s'adresse à M. Hazell. En vertu du projet de loi , le Cabinet pourra maintenant annuler les décisions de l'Office national de l'énergie. Croyez-vous que le processus décisionnel devrait être fondé sur la science, ou croyez-vous plutôt que c'est une bonne idée d'autoriser de grands projets d'exploitation des ressources en fonction de caprices politiques?
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Merci, monsieur le président.
Je vais essayer d'être très claire. On nous a donné 16 heures pour examiner une section du projet de loi, et, comme l'a dit le ministre Siddon, on ne peut pas effacer 144 ans d'histoire.
L'évaluation environnementale consiste à obtenir et à analyser des données et à prendre des décisions fondées sur des données probantes. Il faut absolument qu'il s'agisse d'un processus fondé sur des données probantes, ou c'est voué à l'échec, surtout qu'il s'agit d'un processus qui fait l'objet d'un examen minutieux. Le rapport doit inclure des témoignages ou des données probantes, et il faut tirer des recommandations concrètes de ces témoignages. Si on ne respecte pas ce processus, on produira un rapport idéologique ou simplement fondé sur des points de discussion. En réalité, il faut prendre le temps nécessaire. Les gens pourront lire les témoignages, faire des comparaisons et trouver que ça ressemble à des points de discussion.
Si on manque de temps... Je sais qu'il y a un délai, mais au sein du comité, nous sommes aux commandes. Nous devons prendre le temps qu'il faut. Il faut bien faire les choses. Je ne veux pas juste dire ce que je pense, et j'espère que, peu importe le côté où nous nous trouvons, nous ne voulons pas simplement dire ce que nous pensons. Il faut vouloir rédiger un vrai rapport, formuler des recommandations découlant des témoignages et prendre le temps de bien faire les choses.
De la façon dont vont les choses, je crois qu'on aura probablement besoin d'un rapport dissident, alors je le demande d'entrée de jeu.
Merci.
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Il faut produire un rapport. Si j'ai bien compris, il faut remettre le rapport au comité des finances dans les deux langues officielles, ce qui complique les choses.
Si nous commençons par ce mandat et que nous revenons sur nos pas, je crois que ce serait... Si nous ne nous rencontrons pas vendredi, et je ne pense pas que nous le ferons, il faut selon moi s'engager, en tant que comité, à avoir fait le plus de progrès possible au sortir des quatre dernières heures demain.
Selon moi, et je l'ai mentionné rapidement hier aussi — je l'ai mentionné à Mme Leslie, qui, si j'ai bien compris, est la chef de votre parti, et j'en ai aussi parlé à Mme Duncan et M. Anderson —, compte tenu des témoignages que nous avons déjà entendus jusqu'à présent, je crois que chaque partie sait déjà très bien ce qu'elle aimerait voir dans le rapport.
Je suggère que nous remettions le tout le plus rapidement possible aux analystes, demain même, même s'il reste quelques heures de témoignages à entendre. Si nous avons suffisamment de renseignements à fournir aux analystes dès demain matin — et je suggère de leur fournir directement les renseignements —, ils auront peut-être un semblant d'ébauche à laquelle nous pourrons au moins jeter un coup d'oeil. Nous pourrions ajouter ce que nous jugeons important des deux heures de témoignage de demain, et nous aurions ainsi au moins un semblant de point de départ nous permettant de parler soit des recommandations clés soit des points saillants qui, selon nous, doivent figurer dans le rapport.
En tant que président, j'espère que nous pourrons nous entendre sur le plus d'éléments possible. Je suis aussi réaliste. Je ne crois pas qu'on s'entendra sur tout, et je m'attends à ce qu'il faille discuter du besoin ou non de rédiger un rapport dissident.
Est-ce que cela répond à votre question, monsieur Chisholm?
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Eh bien, ça répond en partie à ma question. Je comprends très bien ce que vous dites, monsieur le président, au sujet de la logistique et des délais, entre autres, mais nous aussi nous sommes pressés par le temps.
Le président: Je comprends.
M. Robert Chisholm: Le temps est aussi compté pour les Canadiens, qui sont préoccupés par les conséquences du projet de loi sur l'environnement et le secteur des pêches.
Un des éléments dont on a parlé ce soir concerne toute la question de la liste des projets désignés, le fait qu'elle n'est pas disponible et l'importance que cela revêt. On nous a recommandé de ne rien signer avant d'avoir des précisions sur la liste des projets désignés.
Monsieur le président, je vous demande d'inviter à nouveau les ministres au comité — ils sont venus vendredi matin, je crois, et, malheureusement, je n'étais pas là —, nous pourrons leur poser des questions et ils pourront peut-être fournir des renseignements sur la liste des projets désignés.
Il y a beaucoup d'autres éléments dont il faut parler avec eux, comme les témoins l'ont dit, mais je crois qu'il faut prendre sérieusement en compte la recommandation qui nous a été formulée ce soir: il serait imprudent, pire qu'imprudent, d'aller de l'avant, d'accepter tout ça en ne sachant rien du contenu de la liste des projets désignés.
C'est pourquoi je demande qu'on appelle les ministres. Je ne sais pas quand, vendredi ou lundi. Nous pouvons préparer une bonne partie du rapport. Ça s'est déjà fait. Nous pouvons en avoir rédigé une bonne partie.
Nous devons parler aux ministres, au moins de la question de la liste des projets désignés.