:
Bienvenue à la 57e séance du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
La réunion d'aujourd'hui se déroule en mode hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 23 juin 2022. Les membres sont présents en personne dans la salle et à distance sur l'application Zoom.
J'aimerais faire quelques observations à l'intention des membres du Comité et des témoins. Veuillez attendre avant de parler que je vous donne la parole en vous nommant. Si vous participez par vidéoconférence, cliquez sur l'icône du microphone pour activer votre micro, et veuillez mettre votre micro en sourdine lorsque vous ne parlez pas. Sur Zoom, l'icône de l'interprétation se trouve au bas de l'écran. Vous pouvez choisir le français, l'anglais ou le parquet. Si vous êtes dans la salle, vous pouvez utiliser l'oreillette et sélectionner le canal désiré.
Conformément à notre motion de régie interne, j'informe le Comité que tous les témoins ont effectué les tests de connexion initiaux requis avant notre réunion.
Conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 16 novembre 2022, le Comité reprend l'étude du projet de loi C-281, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement, la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus, la Loi sur la radiodiffusion et la Loi interdisant les armes à sous-munitions.
Comme il y a eu un vote, nous avons dû remanier un peu les groupes de témoins. Pour le premier groupe, nous entendrons des témoins jusqu'à 12 h 30, et nous entendrons notre deuxième groupe de 12 h 30 à 13 h 15.
Avant de présenter nos témoins, je tiens à souligner que le professeur Turp vient de nous informer qu'il devra nous quitter à 12 h 15. Dans la mesure où vous avez des questions à lui poser, veuillez vous assurer de les lui poser le plus tôt possible.
J'ai le grand plaisir de souhaiter la bienvenue au comité, à titre personnel, au professeur Daniel Turp, de la Faculté de droit de l'Université de Montréal. Nous accueillons également Sherap Therchin, directeur général du Comité Canada Tibet, qui est ici en personne. Enfin, nous accueillons également, de Hong Kong Watch, Mme Katherine Leung, conseillère politique.
Vous disposerez chacun de cinq minutes pour faire votre déclaration préliminaire, après quoi les membres du Comité vous poseront des questions.
Lorsque vous approcherez de la limite de cinq minutes ou lorsque le temps sera presque écoulé pendant que les membres du Comité vous posent des questions, je vais vous le signaler. J'apprécierais que chacun des témoins essaie de conclure ses observations le plus tôt possible à partir de ce moment.
Étant donné l'horaire de nos témoins, nous allons commencer par le professeur Turp.
Monsieur Turp, vous avez cinq minutes pour votre déclaration préliminaire.
:
Merci, monsieur le président.
Mesdames et messieurs les parlementaires, madame la greffière, je tiens d'abord à saluer les membres du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international et à leur dire le plaisir de me présenter à nouveau devant un comité de la Chambre des communes, où j'ai d'ailleurs eu le privilège de siéger comme député de Beauharnois—Salaberry durant la 36e législature, de 1997 à 2000.
Je donne suite à l'invitation de comparaître, que m'a transmise votre greffière, sur le projet de loi . Comme vous l'avez indiqué, monsieur le président, je vais malheureusement devoir vous quitter rapidement parce que j'ai un engagement que je veux honorer, comme tout député, ou ancien député, qui veut tenir parole.
Au cours de la brève période de temps de parole qui m'est allouée, dans ces cinq minutes, je commenterai un article du projet de loi, celui qui propose que soit modifiée la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement.
Je vous indique, par ailleurs, que je suis en accord sur les trois autres articles du projet de loi C‑281 qui proposent de modifier les trois autres lois mentionnées dans ledit projet de loi. C'est donc l'article 2 du projet de loi qui m'intéresse en particulier, celui qui vise à modifier l'article 10 de la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement par l'adjonction du paragraphe 10(4).
Vous vous rappellerez que cet article prévoit qu'on voudrait, dans le cadre des attributions que lui confère la Loi relativement à la conduite des affaires extérieures, que le ministre publie, au moins une fois par année civile: un rapport qui résume les mesures prises pour faire progresser les droits de la personne sur la scène internationale dans le cadre de la politique étrangère du Canada; et une liste qui contiendrait les noms des prisonniers d'opinion détenus dans le monde et que le gouvernement du Canada s'emploie activement à faire libérer.
Tout d'abord, je suis totalement d'accord sur la proposition de créer une obligation de publication par le ministre des Affaires étrangères d'un rapport sur le progrès des droits de la personne dans le monde. D'ailleurs, le Canada ne serait pas le premier pays qui publierait un tel rapport. Les États‑Unis d'Amérique le font depuis près de 50 ans. Son dernier rapport a été publié il y a quelques jours à peine, c'est-à-dire le 20 mars dernier. C'est un rapport ventilé par pays. Il comprend d'ailleurs des commentaires sur le Canada et la situation des droits fondamentaux au Canada. De plus, de tels rapports sont aussi publiés par le Haut‑Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme et par plusieurs organisations non gouvernementales, les plus connues étant Amnistie internationale et Human Rights Watch.
À mon avis, la publication d'un tel rapport constituerait une source supplémentaire d'informations sur l'état des droits fondamentaux dans le monde, au sein de la communauté internationale, et dans l'ensemble des États, dans une perspective canadienne, et contribuerait à une meilleure compréhension de la situation des droits fondamentaux sur la planète.
Au sujet des prisonniers d'opinion et de la liste qu'on propose de publier, je vous suggérerais d'abord de définir la notion de « prisonniers d'opinion ». La définition qu'en donne Amnistie internationale pourrait vous servir d'inspiration:
Un prisonnier d'opinion est une personne qui n'a eu recours ni à la violence ni prôné son usage mais qui s'est fait emprisonner en raison de ses caractéristiques (orientation sexuelle, origine ethnique, nationale ou sociale, langue, couleur de peau, sexe ou situation économique) ou de ses convictions (religieuses, politiques ou autres).
J'ai une deuxième et dernière remarque à formuler.
En ce qui concerne la liste, je partage l'idée exprimée lors de l'examen du projet de loi , en particulier celle qui a été exprimée par la députée Christine Normandin, selon laquelle des exceptions devraient pouvoir être autorisées et des noms, omis de la liste, et que des mécanismes devraient être élaborés à cette fin en raison de la possible atteinte à la sécurité des prisonniers pouvant résulter d'une telle publication.
Mesdames et messieurs les parlementaires, monsieur le président, ce sont quelques observations. J'espère qu'elles seront utiles.
Je vous souhaite de bonnes délibérations. Je regrette de ne pas pouvoir prolonger ma présence auprès de vous. J'espère que le projet de loi C‑281 sera adopté.
:
Merci, monsieur le président.
Je vous remercie, chers membres du Comité, de m'avoir invité à témoigner ici.
J'aimerais profiter de l'occasion pour parler de la détention arbitraire, de la torture et des meurtres observés au Tibet. J'aimerais commencer par vous raconter l'histoire de certains Tibétains qui ont été détenus, torturés et tués au cours des dernières années.
En juillet 2022, un moine tibétain de 56 ans, Jigme Gyatso, est décédé, par suite d'une maladie prolongée, d'une défaillance multiorganique causée par la torture et les traitements inhumains qu'il a subis en prison. Il avait été détenu plusieurs fois sur une période de 15 ans. Il avait été détenu pour la première fois en 2006, lorsqu'il est retourné au Tibet après avoir suivi les enseignements de Sa Sainteté le dalaï-lama en Inde. Il avait été détenu pour la deuxième fois en 2008, à peu près au moment où il y a eu des manifestations au Tibet pendant les Jeux olympiques de 2008 à Beijing. Lorsqu'il a été arrêté pour la deuxième fois, il attendait près de son monastère pour faire réparer ses chaussures.
Même s'il n'avait pas participé à la manifestation des Jeux olympiques de 2008 à Beijing, il était toujours détenu en raison de ses antécédents de détention. Après sa libération, M. Jigme a diffusé un témoignage vidéo dans lequel il raconte directement la torture qu'il a subie. Dans la vidéo, il révèle ce qu'il avait dit aux forces policières chinoises avant sa libération. Je le cite : « Si vous me tuez, ce sera la fin. Mais si je peux partir et avoir l'occasion de le faire, je vais parler de la torture qui m'a été infligée. Je témoignerai avec sincérité des souffrances endurées par mes amis et je dénoncerai ces événements aux médias. »
De même, en février 2021, un guide touristique tibétain nommé Kunchok Jinpa est décédé dans un hôpital trois mois après avoir été transféré de prison à l'insu de sa famille. Il purgeait une peine d'emprisonnement de 21 ans pour avoir communiqué de l'information au monde extérieur par l'entremise des médias étrangers au sujet d'une manifestation environnementale locale. Des sources locales ont dit qu'il avait eu une hémorragie cérébrale et une paralysie corporelle.
La même année, un moine tibétain de 19 ans, Tenzin Nyima, est décédé après avoir été libéré de prison dans un état comateux. M. Tenzin avait été arrêté, avec quatre autres moines, pour leur manifestation pacifique près des autorités policières locales, tout en exigeant l'indépendance du Tibet. Il a été libéré en 2020, mais a été arrêté de nouveau la même année pour avoir prétendument communiqué la nouvelle de son arrestation à des Tibétains en exil.
En 2020, une mère de 36 ans, Lhamo, est décédée, encore une fois peu de temps après avoir été transférée d'un poste de police à un hôpital. Elle avait été détenue sous l'accusation d'avoir envoyé de l'argent à sa famille en exil en Inde. Son corps a été immédiatement incinéré, ce qui a empêché la poursuite de l'enquête sur son cas.
Monsieur le président, de nombreux autres prisonniers tibétains sont morts en prison ou peu de temps après avoir été libérés ou transférés de prison. Ils n'étaient ni des terroristes, ni des séparatistes, ni des menaces pour la sécurité de l'État, comme la Chine les a accusés de l'être. C'étaient des mères. C'étaient des entrepreneurs. C'étaient des guides touristiques. C'étaient des moines. C'étaient des chanteurs qui rêvaient de mener une vie digne en tant que Tibétains dans leur propre pays.
Monsieur le président, le point commun à toutes ces histoires, c'est que les victimes n'ont pas eu accès à des avocats, qu'ils n'ont pas eu accès à leur famille pendant leur détention, qu'aucun d'entre eux n'a eu la possibilité de subir un procès équitable, qu'ils ont été torturés et victimes de discrimination simplement parce qu'ils étaient Tibétains, et le fait qu'aucune de leurs affaires n'a fait l'objet d'une enquête et qu'aucun des auteurs de ces crimes n'a été tenu responsable.
Comme il l'indique dans son témoignage vidéo, Jigme Gyatso, un moine de 56 ans, on s'attend à ce que ceux d'entre nous qui vivent en exil, dans un pays libre et démocratique comme le Canada, relèvent les défis et parlent des problèmes auxquels ils font face.
Ceux qui dénoncent risquent leur vie en transmettant de l'information au monde extérieur pour que nous puissions connaître la réalité de la situation au Tibet, pour que nous sachions que plus d'un million de nomades tibétains sont relocalisés de force, pour que nous sachions qu'il y a plus d'un million d'enfants tibétains qui ont été forcés de fréquenter des pensionnats pour endoctrinement politique, pour que nous sachions que des monastères tibétains comme Larung Gar et Yarchen Gar ont été détruits, pour que nous sachions que des moines et des religieuses tibétains ont été expulsés, et pour que ceux d'entre nous qui sont en exil, ceux d'entre nous qui vivons dans le monde libre, connaissent le génocide culturel qui se déroule au Tibet en raison de la destruction de la langue, de la religion et de l'identité culturelle des Tibétains.
Monsieur le président, la situation au Tibet sous le président Xi Jinping est grave et urgente. Je demande au Comité d'envisager d'utiliser les outils dont nous disposons, comme la loi de Sergueï Magnitski et le projet de loi C-281, pour contester et contrer ces violations flagrantes des droits de la personne. Nous ne pouvons pas et ne devons pas laisser les auteurs de tels crimes continuer impunément.
Merci.
:
Merci, monsieur le président.
Je m'appelle Katherine Leung et je suis conseillère politique pour Hong Kong Watch au Canada.
Hong Kong Watch appuie le cœur du projet de loi C-281, qui permettrait aux parlementaires de recommander plus facilement des représentants étrangers qui devraient figurer sur une liste de sanctions, y compris ceux qui sont coupables de la répression des droits de la personne à Hong Kong. Comme les membres du Comité le savent sans doute, bon nombre de ces représentants de Hong Kong ont des liens avec le Canada, y compris le fait de posséder des biens, d'avoir des membres de leur famille qui ont un passeport étranger et d'avoir fait leurs études ici. Le projet de loi accroîtrait également, à juste titre, les pouvoirs du gouvernement d'interdire les organisations de propagande d'État qui exercent leurs activités au Canada, comme la chaîne CGTN, qui diffuse de la désinformation et cherche à s'ingérer dans nos débats publics. Une telle interdiction harmoniserait la situation au Canada avec celle de ses partenaires aux vues similaires, comme le Royaume-Uni, qui a interdit la chaîne CGTN en février 2021.
Cette modification de la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement est une disposition bienvenue. Comme les députés le savent sans doute, Hong Kong compte actuellement plus de 1 000 prisonniers politiques, et ce nombre ne cesse d'augmenter. Nous remarquons qu'il y a plusieurs prisonniers politiques qui ont déjà eu la citoyenneté canadienne ou qui ont des liens familiaux avec le Canada. Les autorités de Hong Kong ont incarcéré tellement de prisonniers politiques au cours des dernières années que le surpeuplement des prisons est un problème croissant. Les autorités commencent à manquer de place pour incarcérer les militants, les journalistes et les syndicalistes qu'elles ont incarcérés.
Hong Kong compte l'une des plus grandes populations de prisonniers politiques au monde, avec plus de 10 000 arrestations de nature politique depuis 2019. Nous exhortons Affaires mondiales à envisager de meilleurs outils pour suivre et identifier les prisonniers d'opinion qui ont des liens avec le Canada. Nous croyons que cette nouvelle disposition permettra à des ONG comme Hong Kong Watch d'être mieux outillées pour préconiser la libération de personnes dont le seul crime est de lutter pour le mieux-être de leur pays.
En ce qui concerne la disposition relative à la loi de Sergueï Magnitski, nous devrions être fiers d'être l'un des premiers pays au monde à adopter un régime de sanctions de Sergueï Magnitski, qui nous permet de cibler les individus qui violent les droits de la personne et de leur faire rendre des comptes. Il est donc triste de constater qu'aucune entité ou personne de la Chine n'a été sanctionnée par le Canada en vertu de la loi de Magnitski. Comme les députés le savent, le Canada n'a sanctionné que quatre personnes et une entité en Chine pour des violations des droits de la personne dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales, ou LMES. Nous ne manquons pas de raisons de sanctionner les autorités chinoises et hongkongaises. En fait, les parlementaires ont demandé à maintes reprises au gouvernement de le faire, sous forme de lettres et de rapports de comités.
Les sanctions sont un outil qui permet au Canada de tenir responsables les auteurs de violations des droits de la personne. Les outils ne fonctionnent que lorsqu'ils sont utilisés. D'après ce que nous avons vu, il y a une incohérence dans l'approche du gouvernement. Il a mis en place un régime de sanctions Magnitski qui, selon lui, en fait un chef de file mondial, mais il refuse de s'en servir, s'appuyant plutôt sur la LMES. La loi de Magnitski ne vise qu'à protéger les droits de la personne à l'échelle mondiale, alors que la LMES est un régime de sanctions économiques qui n'est pas destiné à être utilisé uniquement contre les violations des droits de la personne.
La proposition du projet de loi visant à créer un mécanisme par lequel le ministre des Affaires étrangères est tenu de répondre aux recommandations d'un comité parlementaire est un pas dans la bonne direction. Elle servira non seulement à inciter le gouvernement à utiliser cet outil aux fins prévues, mais aussi à faire preuve de transparence quant aux motifs de ces décisions. Après tout, les sanctions n'échappent pas à l'élaboration de politiques plus larges. Elles sont de nature politique et ont une incidence importante sur les relations bilatérales entre les pays. La décision et le raisonnement de ne pas sanctionner un individu qui viole les droits de la personne sont tout aussi importants que la raison de le faire. Cette disposition du projet de loi aidera à informer le public, les groupes de la société civile et les ONG sur la façon dont le gouvernement envisage les sanctions et sur ses engagements à respecter les droits de la personne.
Pour ce qui est de la modification de la Loi sur la radiodiffusion, je crois que les Canadiens trouveraient raisonnable que les régimes qui commettent un génocide ou des violations continues des droits de la personne ne puissent pas diffuser leur propagande sur les ondes canadiennes. La distribution de propagande d'État de pays qui violent grossièrement les droits de la personne n'est pas dans l'intérêt public. Par exemple, CGTN est sous le contrôle du service central de propagande du Parti communiste chinois. C'est un outil de propagande, de désinformation et de violation des droits de la personne. En 2019, CGTN a diffusé une vidéo de confession forcée du militant de Hong Kong Simon Cheng, qui a été enregistrée sous la contrainte et qu'il a été contraint d'accepter comme condition de sa libération. CGTN a également diffusé de la désinformation flagrante, niant le génocide ouïghour, qualifiant à tort le mouvement pro-démocratie de Hong Kong d'émeutes plutôt que de manifestations pacifiques et prétendant que la COVID-19 provenait des États-Unis, en contradiction avec les preuves scientifiques.
Un point important à soulever est le suivant : qui reçoit cette propagande? Au Canada, ce sont surtout les communautés d'immigrants chinois. Permettre à CGTN de continuer à diffuser sur les ondes publiques canadiennes appartenant à l'État, c'est permettre à la propagande de Beijing de désinformer, de propager et d'influencer directement les Canadiens d'expression chinoise.
En terminant, je dirai que nous appuyons le projet de loi C-281 comme moyen d'accroître la responsabilité et la transparence du gouvernement en ce qui concerne le rôle du Canada dans le respect des droits de la personne à l'échelle internationale.
Merci.
:
Merci, monsieur Zuberi.
Étant donné le temps limité dont nous disposons pour les questions des témoins, nous allons commencer dès maintenant.
Je dois informer tous les membres du Comité que, malheureusement, puisque M. Turp a dû nous quitter en raison d'un engagement antérieur, il n'est plus avec nous.
Nous pouvons maintenant passer aux questions pour les deux témoins qui restent, soit M. Therchin du Comité Canada Tibet et Mme Katherine Leung de Hong Kong Watch.
La première question est celle de M. Lawrence.
Vous avez quatre minutes.
Monsieur le président, je vais partager mon temps avec M. Genuis.
Je vais vous poser quelques questions, monsieur Therchin. Merci beaucoup de votre témoignage. Il était très émouvant et puissant. Je peux certes dire en ce qui me concerne, et je suis sûr que c'est le cas de beaucoup d'entre nous, que nous sommes solidaires du Tibet.
En ce qui a trait aux deux premières parties du projet de loi C-281, la première concerne les prisonniers d'opinion. De façon générale, sans entrer dans les détails du projet de loi, croyez-vous qu'en mettant davantage en lumière certaines des atrocités qui sont commises et les prisonniers d'opinion détenus par le régime à Beijing, on pourrait aider les prisonniers d'opinion qui défendent les droits de la personne au Tibet?
:
Je vous remercie de la question.
La raison pour laquelle j'ai choisi de parler de la détention arbitraire, de la torture et des meurtres, c'est que je trouve que ce sujet particulier est lié à de nombreuses autres violations des droits de la personne, et les questions touchant le Tibet sont très complexes et comportent de multiples facettes.
Nous manquons de liberté de religion. Il y a des manifestations liées au manque d'occasions de pratiquer et de promouvoir la langue tibétaine. Des nomades tibétains sont déplacés. Des enfants tibétains sont forcés de fréquenter les pensionnats.
Ce qui est lié à tout cela, c'est que tous les Tibétains qui manifestent, qui dénoncent ces violations des droits de la personne, sont immédiatement emprisonnés, sans qu'aucune accusation officielle ne soit portée. Les problèmes, les traumatismes et la torture qu'ils subissent ont créé chez les Tibétains au Tibet un climat de peur qui dissuade beaucoup d'autres Tibétains de participer à des manifestations semblables à l'avenir.
Les Jeux olympiques de 2008 à Beijing en sont un bon exemple. Nous avons vu des manifestations partout au Tibet, et la purge des personnes qui ont participé aux manifestations ayant entouré les Jeux olympiques de 2008 à Beijing se poursuit encore aujourd'hui. Il n'est donc pas surprenant que nous n'ayons pas vu beaucoup de manifestations lors des Jeux olympiques d'hiver de l'an dernier à Beijing.
:
Merci, monsieur Genuis.
Xi Jinping et Li Keqiang ont dit ouvertement que les Chinois qui vivent à l'étranger sont un outil qu'ils souhaitent utiliser pour exercer leur influence à l'étranger. La façon dont cela devient de l'ingérence plutôt qu'une simple influence, c'est que ces populations chinoises à l'étranger sont alimentées par la désinformation et la propagande directement par l'entremise de CGTN sur les ondes canadiennes.
Je signale que ce sont surtout les membres de la diaspora chinoise qui écoutent cette chaîne. Par conséquent, ce sont les outils qu'utilise le Département du travail du Front uni, si des gens considèrent que c'est la vérité, pour répandre la désinformation auprès des gens qui ne regardent pas CGTN.
Il est également important de noter que le mandat du Département du travail du Front uni prévoit explicitement qu'il doit guider les populations chinoises à l'étranger. C'est un de ses objectifs.
:
J'aimerais remercier les témoins d'être ici et leur dire que j'ai beaucoup d'empathie et de sympathie pour votre cause. Je vous remercie d'être ici en personne et à distance aujourd'hui pour témoigner.
J'aimerais également souligner que le sous-comité de notre comité, le Comité des affaires étrangères, examine une étude sur les pensionnats au Tibet. Je vous demanderais de vous renseigner sur les témoignages que nous entendons et sur ce que le Comité fera à partir de cette étude.
J'aimerais en apprendre davantage sur la situation au Tibet et entendre ce que les gens pensent de la façon dont les Tibétains sont traités. Est-il vrai que, dans toutes les situations, les cas de ceux qui font l'objet de répression de la part de l'État devraient toujours être rendus publics, ou devrions-nous parfois les défendre en privé?
Ma question s'adresse à M. Therchin.
C'est à vous, s'il vous plaît.
:
Il serait toujours utile de rendre publics les difficultés auxquelles font face les Tibétains, car l'un des défis auxquels nous faisons face au Tibet est le manque d'information provenant du Tibet. Le Tibet demeure l'une des régions les plus inaccessibles du monde entier.
Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, les Tibétains risquent leur vie en transmettant de l'information à leurs familles en exil afin qu'elles puissent savoir ce qui se passe et en rendre compte dans des tribunes comme celle-ci. Il serait certainement utile de parler publiquement de ces questions.
J'aimerais également ajouter que le groupe de réflexion basé à Dharmshala, le Tibetan Centre for Human Rights and Democracy, a une base de données de plus de 2 000 Tibétains détenus au Tibet. Plusieurs d'entre eux purgent des peines d'emprisonnement de 10 à 15 ans pour des accusations jugées frivoles, à mon avis, comme le fait de transmettre des renseignements ou de parler à des membres de leur famille en exil, ou d'envoyer de l'argent, comme dans le cas d'une mère de 36 ans, à des membres de sa famille en exil. Il n'y a rien de politique dans ces activités, et pourtant, des personnes sont détenues, torturées et, dans certains cas, tuées en prison ou après leur libération.
En plus des visites au Tibet, qui ont eu lieu en 2020, je crois, avec l'ambassadeur Dominic Barton, j'espère qu'une loi comme la Reciprocal Access to Tibet Act, qui a été adoptée aux États-Unis il y a environ deux ans, pourrait vraiment aider ici, au Canada. Le principe de réciprocité pourrait être appliqué.
Des délégués de la soi-disant Région autonome du Tibet, nommés par la Chine, ont témoigné devant le Comité en 2018, mais les parlementaires canadiens n'ont pas la même possibilité de s'adresser de façon indépendante, sans aucune restriction, à quelque partie que ce soit de... Un accès libre et indépendant au Tibet, que ce soit par des représentants du gouvernement canadien, des parlementaires canadiens ou des médias canadiens, aiderait certainement à recueillir plus d'information sur ce qui se passe là-bas.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie nos deux témoins d'être parmi nous.
Madame Leung, on a entendu des commentaires voulant que, si le Comité fait des recommandations au ministre des Affaires étrangères concernant le recours à la loi Magnitski, cela risque de faire connaître notre intention aux gens visés, qui pourraient retirer leurs actifs du pays. D'autre part, il y a aussi le risque qu'on ne puisse pas imposer de sanctions en collaboration avec d'autres pays. J'aimerais entendre votre opinion là-dessus.
J'aimerais aussi savoir si, selon vous, ce risque est contrebalancé du fait qu'il y aura peut-être davantage de recours aux sanctions en vertu de la loi Magnitski si cela émane de recommandations du Comité.
:
Je vous remercie de la question.
Je crois qu'il y a toujours un risque que des agents étrangers veuillent déplacer leurs actifs, mais nous savons à l'heure actuelle que des agents étrangers de la Chine et de Hong Kong stockent leurs actifs à l'étranger parce qu'il est probable que Xi Jinping s'attaquera de nouveau à la corruption. De nombreux responsables à Hong Kong, en particulier, ont des actifs étrangers qui sont habituellement au nom d'un membre de la famille, de sorte qu'on ne pourra pas les retracer lorsqu'il y a une répression de la corruption. Cette façon de faire s'explique par des raisons historiques, en raison du passé colonial de Hong Kong.
Cela dit, il est important que nous publiions la liste des personnes que nous devrions sanctionner au Canada, car c'est l'influence que le Canada a sur les violateurs des droits de la personne à Hong Kong et en Chine. Comme les oligarques russes, ils aiment stocker leurs richesses à l'étranger en raison de l'instabilité de l'économie de leur pays. En tant que pays occidentaux, c'est le levier dont nous disposons pour les obliger à rendre des comptes. En soi, je crois que cela compense le risque de déplacement de leurs biens.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie les deux témoins d'être là et de nous faire part de leur point de vue. Il est très important que nous l'entendions. Je siège également au Sous-comité des droits internationaux de la personne. J'ai donc entendu des témoignages au sujet des pensionnats au Tibet. Merci d'être là.
Je vais reprendre les mêmes questions. Je vais poser deux questions et vous laisser ensuite le temps d'y répondre, si cela vous convient.
Le Nouveau Parti démocratique propose un certain nombre d'amendements au projet de loi . L'un des amendements que nous souhaitons porte sur une stratégie des droits de la personne. Le Canada n'a pas de stratégie des droits de la personne qui pourrait nous servir de point de repère pour le rapport annuel. Nous la réclamons afin que le gouvernement puisse faire état de ses réalisations en fonction de ce point de comparaison.
Seriez-vous d'accord pour dire qu'il serait utile de prévoir une stratégie des droits de la personne dans le projet de loi?
Voici très rapidement l'autre question. Dans le projet de loi, nous avons une définition de « prisonnier d'opinion ». Alex Neve, qui a été secrétaire général d'Amnistie internationale, a témoigné à la dernière séance. Selon lui, au lieu de proposer une définition du « prisonnier d'opinion », nous devrions parler dans la définition des personnes en détention ou soumises à d'autres traitements en violation des normes internationales des droits de la personne.
Êtes-vous d'accord pour dire qu'il serait utile que cela figure dans le projet de loi? Vous pourriez peut-être nous donner des précisions.
Je vais peut-être commencer par vous, monsieur Therchin.
:
Merci, monsieur le président.
Nous avons entendu de bons témoignages qui nous guideront dans l'étude des amendements possibles, surtout au sujet de l'article qui concerne la recherche d'un juste équilibre à propos des prisonniers d'opinion.
D'une part, je pense qu'il faut exercer une certaine pression de l'extérieur sur le gouvernement et qu'il est généralement avantageux d'être plus exposé à ces cas, mais il peut y avoir des exceptions et nous devrions également être conscients de ces exceptions.
Dans le peu de temps qu'il me reste, je vais demander à M. Therchin si, selon lui, la communauté tibétaine est touchée par l'ingérence étrangère chez nous, qu'il s'agisse de CGTN ou d'autres mécanismes. La répression s'étend-elle à la diaspora tibétaine?
La répression des Tibétains par la République populaire de Chine s'étend certainement aux Tibétains à l'extérieur du Tibet, aux Tibétains en Inde, au Népal, au Canada, aux États-Unis et ailleurs. Nous avons vu des Tibétains... La façon dont les Tibétains en exil sont ciblés dépend de la présence ou non de membres de leur famille au Tibet. Cela semble les empêcher de participer à des activités politiques, aussi simples que notre journée annuelle du soulèvement tibétain, qui se trouve être le 10 mars. Des Tibétains de tous les horizons et de tous les âges prennent très au sérieux cette commémoration annuelle du massacre de milliers de Tibétains qui ont été tués en 1959. Cependant, la peur est omniprésente chez de nombreux Tibétains, surtout ceux qui ont de la famille au Tibet. Ils s'abstiennent donc de participer à des événements comme celui-ci.
Il y a des Tibétains, surtout des défenseurs des droits de la personne, qui sont devenus des victimes. Comme Freedom House l'a signalé en septembre dernier, « les Tibétains en exil et les membres de la diaspora tibétaine ont été victimes d'attaques incessantes d'hameçonnage et de piratage, ainsi que d'intimidation et de menaces en ligne ».
À plus grande échelle...
:
Merci, monsieur le président.
Tout d'abord, même si le professeur Turp a dû quitter la réunion plus tôt, je voulais quand même souligner l'importance de son témoignage. C'est évidemment un honneur de recevoir au Comité un autre professeur de l'Université de Montréal, université de ma circonscription.
Je me demandais si le professeur Turp pouvait fournir par écrit au Comité davantage d'informations sur les autres termes qui existent déjà dans la législation canadienne ou ailleurs, et que nous pourrions utiliser. Nous cherchons ici des termes qui ont déjà une définition sur le plan légal.
Comme nous avons des témoins parmi nous aujourd'hui, je vais leur poser quelques questions.
[Traduction]
Monsieur Therchin, je vais peut-être prendre le reste de mon temps pour vous demander de nous parler un peu de votre expérience personnelle avec les prisonniers tibétains.
Le fait d'avoir une liste pourrait-il être préjudiciable? Par exemple, quel message enverrions-nous aux personnes qui ne figurent pas sur la liste?
:
Je vous remercie de la question.
Il serait bon que le gouvernement consulte les familles des détenus avant de publier la liste. Certains Hongkongais nous ont dit qu'ils préféreraient que leur nom ne soit pas rendu public. Les membres de la famille, en particulier, qui vivent peut-être au Canada, diraient aussi la même chose, parce que le traitement des prisonniers politiques à Hong Kong est très dur, pour dire les choses crûment.
Toutefois, cela ne devrait pas dissuader le gouvernement de publier une liste en général. Je crois qu'il serait bon que le gouvernement exerce des pressions sur le gouvernement chinois lorsqu'il détient des prisonniers politiques. Il serait important que nous publiions cette liste pour exercer des pressions sur eux.
:
Bon retour à tous. Nous reprenons nos travaux.
Nous allons maintenant reprendre l'étude du projet de loi , tel que convenu par les députés. Nous entendrons ce groupe de témoins jusqu'à 1 h 15.
Nous accueillons aujourd'hui trois excellents témoins. Tout d'abord, nous accueillons M. Earl Turcotte, qui comparaît à titre personnel. Deuxièmement, voici M. William Browder, fondateur et premier dirigeant, directeur général et chef de la Global Magnitsky Justice Campaign. Il représente Hermitage Capital Management. Enfin, nous accueillons Mme Farida Deif, de Human Rights Watch Canada.
Nous avons très hâte d'entendre votre témoignage.
Veuillez intervenir seulement lorsque le président vous donne la parole.
Nous allons commencer par la déclaration liminaire de M. Turcotte. Cinq minutes.
:
Merci, monsieur le président.
Monsieur le président, mesdames et messieurs, je limiterai mes observations aux armes à sous-munitions, car c'est le seul aspect du projet de loi que, compte tenu de mes compétences, j'estime pouvoir commenter.
Je tiens d'abord à féliciter M. Lawrence et ses collègues parlementaires qui ont travaillé avec lui à l'élaboration des modifications proposées. En ce qui concerne les armes à sous-munitions, elles auraient pour effet de rendre explicite dans la loi canadienne ce qui, d'après certains, est contenu implicitement dans l'interdiction de l'aide à la mise au point ou à l'utilisation d'armes à sous-munitions ou de toute promotion de l'utilisation de ces armes. Toutefois, comme vous le verrez très bientôt, je recommanderai que les modifications aillent plus loin encore.
Très rapidement, pour ceux qui ne connaissent peut-être pas très bien les armes à sous-munitions, je dirai qu'elles ont été mises au point pour la première fois pendant la Seconde Guerre mondiale. Elles ont été largement utilisées dans les campagnes de bombardement en tapis en Asie du Sud-Est et dans la guerre du Vietnam, et plus récemment en Afghanistan, au Yémen et en Syrie et, comme la plupart d'entre vous le savent, en Ukraine, principalement par la Russie, bien qu'il y ait eu quelques cas d'utilisation par les troupes ukrainiennes.
Ces armes sont aux antipodes des armes de précision. Elles ont été qualifiées d'armes classiques de destruction massive. Ce sont des armes conçues pour frapper l'ensemble d'une zone. Une bombe à sous-munitions larguée au sol ou depuis les airs n'est qu'un gros contenant où se trouvent habituellement des centaines de sous-munitions, des sous-munitions extrêmement meurtrières, beaucoup plus meurtrières, en fait, que les mines terrestres, en moyenne. Une bombe à sous-munitions peut couvrir une zone grande comme trois terrains de football environ. Aujourd'hui, la Russie en utilise beaucoup. Ce sont des lance-roquettes multiples capables de lancer 12 fusées en très peu de temps. Ce sont essentiellement des armes qui saturent une zone donnée. Elles ne font évidemment aucune distinction entre les combattants et les non-combattants, surtout lorsqu'elles sont utilisées délibérément dans des zones civiles, comme cela semble être le cas en Ukraine.
Selon le Comité international de la Croix-Rouge et des experts de la société civile, environ 97 % de toutes les victimes connues dans le monde sont des civils, dont 66 % sont des enfants, souvent attirés par les couleurs vives des sous-munitions. Nombreux sont ceux qui soutiennent qu'elles ont été conçues de cette façon de propos délibéré.
C'est donc en pleine connaissance de cause que, au milieu des années 2000, la communauté internationale a décidé qu'il fallait interdire les armes à sous-munitions, car la plupart des pays avaient déjà interdit les mines antipersonnel, une initiative menée par le Canada à la fin des années 1990, et avaient également interdit les armes chimiques et biologiques, ainsi que les armes à laser aveuglant, notamment.
J'ai été fonctionnaire pendant 29 ans et j'ai eu l'honneur de diriger la délégation canadienne tout au long des 15 mois de négociation de la Convention sur les armes à sous-munitions. Dans le cadre de ces négociations, la question la plus litigieuse a été celle de l'interopérabilité avec les États non partenaires, c'est-à-dire notre capacité, en tant que membre de l'OTAN, de continuer à travailler efficacement avec des pays comme les États-Unis qui ont choisi de ne pas participer aux négociations. Au moins 85 % des pays se sont opposés catégoriquement à toute disposition relative à l'interopérabilité dans cette convention, de crainte que cela ne constitue une échappatoire juridique qui, à certains égards, contribuerait à la poursuite de l'utilisation des armes à sous-munitions.
En tant que chef de la délégation, j'ai insisté, tout comme 21 pays membres de l'OTAN et quelques pays non membres de l'OTAN, pour que la convention prévoie l'interopérabilité, tout en précisant très clairement que cela ne permettrait aucunement à nos troupes de promouvoir l'utilisation d'armes à sous-munitions. En fait, nous sommes allés plus loin et nous avons dit que nous mettrions directement dans l'article lui-même le fait que nous étions légalement tenus de faire tous les efforts possibles pour décourager l'utilisation d'armes à sous-munitions par tout acteur, quelles que soient les circonstances.
C'est exactement de cette façon, à mon avis et de l'avis de 110 autres États parties, que cet article de la convention devrait être interprété.
À peine sommes-nous rentrés au Canada, en 2008, que des collègues du ministère de la Défense nationale ont insisté pour prévoir dans la loi canadienne des exceptions qui s'appliqueraient au cours d'opérations combinées avec des pays non parties à la convention, exceptions qui, à mon avis et de l'avis de nombreuses autres personnes, sont absolument contraires à la convention elle-même. Ces exceptions permettraient à un commandant canadien d'une force multinationale d'ordonner l'utilisation d'armes à sous-munitions par des États non partenaires, d'ordonner au Canada de les transporter à bord de transporteurs canadiens et, de bien d'autres façons, d'aider et d'encourager l'utilisation d'armes à sous-munitions.
J'exhorte le comité à envisager de modifier l'article 11 de la loi canadienne pour supprimer toutes ces exceptions, qui ne sont pas conformes à l'engagement que le Canada, en tant qu'État partie, a contracté.
Merci.
:
Merci beaucoup de me donner l'occasion de discuter de la loi de Magnitski au Canada et des façons dont nous pouvons la modifier et l'améliorer.
Comme de nombreux membres du Comité le savent, j'ai été l'un des premiers promoteurs de la loi canadienne de Magnitski. Sergei Magnitski était mon avocat en Russie. Il a été assassiné parce qu'il a découvert un énorme stratagème de corruption en 2009. Le Canada a adopté la version canadienne de la loi de Magnitski en 2017.
Aujourd'hui, 35 pays ont des lois de Magnitski et s'en servent contre les auteurs de violations des droits de la personne et les kleptocrates partout dans le monde. C'est une initiative législative remarquable, et je dirais même virale, qui a fait énormément de bien et qui a fait contrepoids aux dictateurs et aux mauvais éléments dans le monde. C'est quelque chose qui donne aux victimes un peu d'espoir pour l'avenir. Je suis très fier d'y avoir participé, mais des améliorations sont possibles. Voilà pourquoi je suis là.
La première chose que je tiens à dire, c'est que, comme beaucoup d'entre vous le savent, le Canada utilise rarement la loi de Magnitski. Il a souvent recours à la Loi sur les mesures économiques spéciales en cas de violations des droits de la personne. Bien sûr, il est bon qu'une sanction utilise tous les moyens possibles pour punir ceux qui violent ces droits, mais la beauté de la loi de Magnitski est qu'elle a une dimension multilatérale. Autrement dit, d'autres pays l'ont adoptée. Une partie de l'avantage et de l'objectif de la loi de Magnitski, c'est que des sanctions sont imposées non seulement par le Canada, mais aussi par d'autres pays.
L'un des problèmes de la Loi sur les mesures économiques spéciales, qui est utilisée à la place de la loi de Magnitski, c'est qu'elle crée de la confusion. Dans la mesure où nous voulons amener d'autres pays à agir de concert, ce qui est un objectif très important, nous perdons cela de vue en donnant un autre nom à une mesure à peu près équivalente. Je soutiens fermement qu'il faut recourir à la loi de Magnitski, ou bien, si j'ai bien compris, il y a une sorte de proposition visant à modifier la Loi sur les mesures économiques spéciales pour l'appeler la loi de Magnitski. Ainsi, lorsque le Canada sanctionnera les auteurs de violations des droits de la personne, tout le monde saura qu'il utilise la loi de Magnitski et d'autres pays qui ont la même loi seront incités à l'utiliser également.
Ma première proposition d'amendement consiste soit à renommer la Loi sur les mesures économiques spéciales, soit à utiliser la loi de Magnitski pour sévir contre les auteurs des violations des droits de la personne.
Cela m'amène à la deuxième proposition, à savoir que l'harmonisation entre les pays est cruciale. En ce moment, il se peut fort bien que le Canada impose des sanctions alors que le Royaume-Uni ne le fait pas.
Je suis très au courant d'un cas très précis auquel je suis mêlé en ce moment. Un de mes amis, un des promoteurs de la loi canadienne de Magnitski, est un dissident de l'opposition russe du nom de Vladimir Kara-Murza. Il a été emprisonné en Russie et risque d'être condamné à 24 ans d'emprisonnement pour avoir dénoncé la guerre de Poutine en Ukraine. Le Canada, à juste titre, a été le premier pays à sanctionner un certain nombre de personnes impliquées dans son arrestation injustifiée. Malheureusement, nous devons toujours poursuivre nos efforts pour amener d'autres pays à faire la même chose.
Si la loi canadienne de Magnitski contenait une disposition formelle permettant de travailler activement avec d'autres pays à harmoniser les sanctions, l'effet des sanctions serait décuplé. Je peux certainement vous dire, depuis que je suis allé dans tous les autres pays, que le Canada ne discute pas nécessairement avec le Royaume-Uni. Peut-être qu'il discute avec les États-Unis, mais il devrait y avoir quelque chose d'officiel dans la loi disant que le Canada a la responsabilité d'essayer de rallier d'autres pays.
Troisièmement, je dirais que les démarches sont déroutantes pour les victimes de violations des droits de la personne qui veulent s'adresser au gouvernement et communiquer des preuves pour obtenir des sanctions. Il devrait y avoir un point de contact unique. Il faudrait renseigner largement les ONG, les groupes de défense des droits de la personne et les groupes de victimes pour que tout le monde sache comment s'y prendre. Il n'y a pas de mystère. Pas besoin de recourir à un cabinet d'avocats ou à un spécialiste. N'importe qui peut aller en ligne et trouver comment présenter et proposer des preuves de la meilleure façon possible.
La dernière chose que je dirais, c'est qu'à l'heure actuelle, le gouvernement n'a pas la responsabilité de faire rapport au Parlement de ce qu'il a fait ou de ce qu'il n'a pas fait avec les sanctions Magnitski. C'est le travail du Parlement de surveiller le gouvernement, et il arrive souvent que celui-ci n'ait aucune bonne excuse pour ne pas avoir imposé des sanctions Magnitski. Je me suis occupé d'un certain nombre de cas où des demandes ont été présentées et sont tombées dans un trou noir, en quelque sorte. Une fois que les demandes sont faites, personne ne sait ce qui se passe ensuite.
Il devrait y avoir une sorte d'examen parlementaire. Le gouvernement devrait avoir la responsabilité de faire état de toutes les demandes reçues en indiquant celles auxquelles il a donné suite, afin que le gouvernement fasse preuve d'une certaine transparence et rende des comptes.
C'est un...
:
Merci, monsieur le président et honorables députés, de m'avoir invitée à comparaître devant votre comité.
Je m'appelle Farida Deif. Je suis la directrice de Human Rights Watch au Canada. Human Rights Watch, comme vous le savez, est une organisation internationale indépendante de défense des droits de la personne qui surveille les violations des droits de la personne dans près de 100 pays, y compris ici au Canada.
Je suis ravie d'avoir l'occasion de vous faire part de mes réflexions sur le projet de loi C-281. J'occupe mon poste depuis près de sept ans et j'ai beaucoup collaboré avec des collègues d'Affaires mondiales Canada, tant à Ottawa que dans des missions canadiennes partout dans le monde. J'ai également travaillé à toute une gamme de dossiers stratégiques avec le personnel pertinent des bureaux de cinq ministres des Affaires étrangères différents nommés au cours de cette période.
Bien que j'aie entendu plus de fois que je ne peux les compter qu'une certaine crise des droits de la personne ou que le cas d'un prisonnier détenu en violation du droit international était « prioritaire », en notre qualité de société civile nous n'avons souvent pas accès à beaucoup de renseignements réels ou concrets sur les mesures précises prises par le gouvernement en leur nom. Je me réjouis bien entendu de la modification proposée à la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement pour y inclure des exigences en matière de rapport relativement aux droits de la personne à l'échelle internationale. En contenant suffisamment de détails concrets, ces rapports annuels pourraient être un outil incroyablement utile pour la société civile canadienne et le secteur des droits de la personne en général.
Ces rapports pourraient également créer un critère pour mesurer la mise en œuvre des propres « Voix à risque : Lignes directrices du Canada pour le soutien des défenseurs des droits de la personne » d'AMC. Comme il est indiqué dans les lignes directrices, les représentants du gouvernement canadien devraient demander d'assister à des procès et de rendre visite aux détenus en prison, même lorsque l'autorité détentrice est peu susceptible d'approuver la demande, et ce, afin de démontrer « que l’affaire suscite toujours un intérêt soutenu à l'échelle internationale ».
Ces lignes directrices soulignent en outre que la présence de représentants canadiens aux procès ou aux audiences — « présence qui témoigne clairement et visiblement de la préoccupation du Canada » — est un bon « moyen de faire un suivi détaillé des procédures judiciaires, de constater que l’application régulière de la loi est bien respectée et de s’assurer d’avoir les renseignements les plus récents concernant les affaires d’intérêt particulier ». Le fait de chercher à rendre visite à une personne emprisonnée en violation du droit international en matière de droits de la personne peut également être une façon utile de manifester un soutien à la personne, d'évaluer son traitement en détention et de faire connaître sa réprobation auprès de l'autorité détentrice.
Voilà pourquoi l'amendement actuel sur les rapports relatifs aux droits de la personne devrait inclure des renseignements détaillés non seulement sur les prisonniers dont le gouvernement préconise activement la libération, mais aussi sur les efforts déployés pour assister aux procès et aux audiences, le nombre de demandes de visites en prison faites par les missions et les autorités canadiennes et la réponse des autorités détentrices. Bien sûr, dans certains cas, il serait important d'anonymiser le nom des prisonniers afin d'atténuer les risques pour la sécurité et les représailles possibles.
J'aimerais maintenant parler des amendements proposés à la Loi interdisant les armes à sous-munitions. Human Rights Watch a joué un rôle de premier plan dans la documentation des préjudices causés aux civils par les armes à sous-munitions, y compris plus récemment dans le conflit en Ukraine. Nos recherches et nos analyses ont éclairé la négociation et la mise en œuvre de la Convention sur les armes à sous-munitions.
En 2012, mes collègues de la division des armes ont témoigné devant le Comité sénatorial des affaires étrangères et du commerce international au sujet du projet de loi S-10, Loi interdisant les armes à sous-munitions. Nous avons également présenté un témoignage écrit au comité permanent de la Chambre des communes dans lequel nous avons souligné plusieurs dispositions clés qui gagneraient à être révisées ou clarifiées, notamment la nécessité d'interdire explicitement les investissements dans les armes à sous-munitions.
Comme vous le savez, le préambule de la Convention sur les armes à sous-munitions énonce clairement son objectif qui consiste à éliminer les armes à sous-munitions et à mettre fin aux souffrances qu'elles provoquent. Le projet de loi actuel vise cet objectif en réduisant le financement de la production d'armes à sous-munitions. Il pourrait également aider le Canada à respecter ses obligations en vertu de l'article 9, à savoir « prendre toutes les mesures législatives, réglementaires et autres, qui sont appropriées, pour mettre en œuvre la présente Convention ». L'alinéa 1(1)c) de la convention interdit aux États parties d'assister quiconque à s'engager dans toute activité interdite par la convention, et l'investissement dans la production d'armes à sous-munitions est une forme d'assistance. Le financement d'entités qui mettent au point et produisent des armes à sous-munitions et leurs composantes leur permet de le faire et les encourage dans ce sens.
L'amendement proposé concernant le projet de loi C 281 permet ainsi au Canada de s'assurer de mettre en œuvre la convention conformément à la lettre et à l'esprit de la loi. Ce faisant, il fournit également aux institutions financières et aux autres institutions des éclaircissements dont elles ont grandement besoin en ce qui concerne l'interdiction d'assister quiconque à produire des armes à sous-munitions. L'amendement est également conforme aux mesures prises par les alliés du Canada.
Depuis 2007, 11 États parties à la convention ont adopté des lois qui interdisent explicitement l'investissement dans ces armes. Près de 40 États ont déclaré qu'ils considéraient les investissements dans la production d'armes à sous-munitions comme une forme d'assistance interdite par la convention. Il est également important de noter que des gouvernements aux vues similaires se sont efforcés d'éliminer les échappatoires qui subsistent au niveau des investissements indirects. Par exemple, les fonds de pension gouvernementaux en Australie, en France, en Irlande, au Luxembourg, en Nouvelle-Zélande, en Norvège et en Suède ont retiré en totalité ou en partie les investissements, ou les ont interdits, dans des fabricants d'armes à sous-munitions.
Nous appuyons fermement ces efforts visant à interdire explicitement l'investissement dans la production d'armes à sous-munitions. Nous appuyons également tout effort, comme d'autres l'ont mentionné, visant à éliminer les échappatoires qui subsistent dans les lois actuelles et qui nuiront à la capacité du Canada de réaliser le potentiel humanitaire de la Convention sur les armes à sous-munitions.
Je vous remercie de l'attention que vous portez à ces questions urgentes et des efforts que vous déployez pour faire progresser le leadership du Canada sur ces fronts cruciaux.
C'est vraiment une question importante. Vladimir Kara-Murza, comme je l'ai mentionné, est passible de 24 ans de prison pour avoir tenu tête au régime Poutine. Comme beaucoup d'entre vous le savent, il a été empoisonné à deux reprises, en 2015 et en 2017, par le gouvernement russe, et il a failli mourir dans les deux cas. Il est maintenant en prison. Les effets du poison n'ont cessé de l'affliger, et il a perdu toute sensation dans ses pieds en raison des lésions nerveuses causées par le poison.
La situation est tellement extrême qu'ils ont suspendu le simulacre de procès motivé par des considérations politiques qu'ils lui ont fait subir, ce qui est très inhabituel. Cela montre à quel point les Russes tiennent à ce qu'il ne périsse pas au milieu du procès. La situation a atteint un niveau que je qualifierais d'extrêmement urgent.
Je crois comprendre qu'une motion a été présentée au Parlement pour en faire un citoyen honoraire du Canada afin que le gouvernement canadien puisse défendre plus efficacement ses intérêts. J'espère que vous et d'autres l'appuierez parce qu'il est un ami du Canada, un ami du Parlement. Il est une personne qui est très efficace pour faire tout ce dont nous parlons aujourd'hui et pour que tout se fasse. Il mérite notre appui.
:
Je suis tout à fait d'accord avec vous. Cela incarne ce dont nous parlons. Nous souhaitons tous que Vladimir puisse nous rejoindre.
Merci, monsieur, de vos efforts inlassables.
J'ai une douzaine de questions, mais je n'ai pas le temps. Je veux simplement dire que je ne comprends pas pourquoi le gouvernement préfère utiliser les dispositions de la LMES plutôt que les sanctions de la loi de Magnitski. J'ai donc téléphoné à la personne-ressource ce matin pour lui demander pourquoi, parce que c'est lui qui rédige les dossiers. Il ne savait pas. Je pense que, si le Comité fait quoi que ce soit, il serait utile de comprendre pourquoi les sanctions de la loi de Magnitski ne sont pas préférées aux sanctions de la LMES, puisque la préparation du dossier, la présentation aux avocats, la présentation au ministre, la présentation au Cabinet et le décret final sont tous les mêmes.
Je ne sais pas si vous avez des idées à ce sujet, monsieur Browder, mais cela me laisse perplexe.
:
Je remercie l'ensemble des témoins.
Madame Deif et monsieur Turcotte, j'ai des questions au sujet des armes à sous-munitions.
Il y a eu des discussions laissant entendre qu'en élargissant l'application aux intérêts pécuniaires, il y aurait un risque de criminaliser des investisseurs qui ne sont pas au courant que leurs investissements, souvent indirects, sont placés dans des compagnies fabriquant des armes à sous-munitions, par exemple. Il y a eu une suggestion à l'effet d'ajouter dans le libellé de l'article la notion de « connaissance », comme la Nouvelle‑Zélande l'a fait.
J'aimerais entendre chacun de vous à ce sujet. Serait-ce une bonne chose pour éviter de pénaliser des gens qui ne sont pas au courant de la situation ou, au contraire, est-ce déjà couvert par la Loi?
Une autre possibilité serait un ajout qui permettrait de contourner l'effet de la Loi. Par exemple, une personne n'étant pas au courant de la situation pourrait laisser à la partie adverse le fardeau de prouver qu'elle l'était, ce qui créerait une échappatoire.
J'aimerais un commentaire général à ce sujet.
:
La principale conséquence serait que le Canada se conformerait enfin à la convention elle-même et à ses obligations. Le deuxième résultat serait que nous serions conformes à la position adoptée par 110 autres États parties à la convention. Ce serait extrêmement positif.
Maintenant, pour ce qui est de l'efficacité des opérations interalliées avec des États non parties, je crois fermement qu'à l'époque — et c'était il y a 15 ans — mes collègues du ministère de la Défense nationale croyaient que l'absence de ces exceptions compromettrait d'une façon ou d'une autre l'efficacité du Canada.
Avec 15 ans de recul, nous avons vu quelles lois ont été adoptées par nos alliés de l'OTAN et d'autres pays aux vues similaires et avons constaté qu'aucun d'entre eux n'a inclus de telles dispositions dans ses lois. Il est certain que d'autres pays, comme le Royaume-Uni, la France, l'Allemagne et d'autres, ont le même niveau de préoccupation que nous en ce qui concerne l'interopérabilité, et cela n'a pas compromis leur efficacité, pas plus que je ne pense, en réalité, que cela a compromis celle du Canada.
Je veux simplement dire que je ne crois pas que ces exceptions aient de quelque façon permis au Canada de jouer un rôle plus efficace dans les opérations interalliées que s'il n'y avait pas eu d'exceptions.
Merci.
:
Merci, monsieur le président.
Madame Deif, la conclusion que je tire de certains échanges au sujet de l'article sur les prisonniers d'opinion, c'est qu'il ne suffit pas que le gouvernement dise: « faites-nous confiance ». Il devrait y avoir des mécanismes de pression et de reddition de comptes concernant la désignation de ces personnes — la reddition de comptes aux parlementaires, à la société civile et au grand public.
En même temps, il faut une certaine marge de manœuvre. Il peut y avoir des cas légitimes où, selon les souhaits de la personne concernée — sa famille, ses défenseurs et sa propre évaluation de ses intérêts —, la publication de son nom n'a pas de sens.
Ce que nous devons faire dans le cadre du processus d'amendement, c'est trouver une procédure qui comprend des pressions sur le gouvernement, la publication de noms, ce qui, dans bien des cas, met davantage en lumière cette question et la reddition de comptes, mais qui apporte aussi une certaine souplesse.
Êtes-vous d'accord avec cette évaluation? Pensez-vous qu'il serait utile de publier certains noms, tout en anonymisant d'autres, en fonction des souhaits des familles ou d'un calcul réel des intérêts des personnes concernées?
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins de leurs témoignages.
J'aimerais m'adresser à M. Browder.
Monsieur Browder, j'ai personnellement suivi une grande partie de ce que vous avez fait au fil des ans. Je vous en remercie. Je ne suis pas un membre permanent du Comité, et j'estime que c'est tout un privilège de vous poser une question.
Dans votre déclaration préliminaire, vous avez expliqué pourquoi l'harmonisation est si importante entre les pays. Pouvez-vous nous en dire davantage sur cet aspect de tout ce sur quoi vous avez travaillé et pourquoi il est si important que les pays collaborent à cette initiative?
Merci.
:
Merci beaucoup. Je suis heureux de vous rencontrer ici.
Je vais prendre l'exemple concret de l'affaire Magnitsky. Sergueï Magnitski a été assassiné pour avoir découvert un stratagème de corruption de 230 millions de dollars. Les gens qui ont volé cet argent et qui l'ont tué ont gardé cet argent dans l'Ouest. Nous voulions fermer la porte de l'Ouest pour qu'ils ne puissent pas utiliser leurs comptes bancaires et ne puissent pas voyager. Nous avons réussi aux États-Unis, au Canada, au Royaume-Uni et en Australie. Pour une raison ou une autre, à cause de l'exigence d'unanimité de l'Union européenne — la Hongrie s'y est opposée —, personne n'a été sanctionné dans l'Union européenne.
Bien que les sanctions aient été très efficaces et qu'elles aient puni les personnes, ces dernières pouvaient quand même voyager librement à l'intérieur et à l'extérieur de l'Union européenne. Cela me trouble et dérange la famille de Sergueï. Ce n'est pas correct.
Il y a beaucoup d'autres situations semblables dans tous ces régimes de sanctions, en vertu desquels les personnes sont sanctionnées par un, deux ou trois pays, mais pas par tous les pays. Par souci d'efficacité, il faut essentiellement fermer le monde aux violations des droits de la personne et aux kleptocrates. Pour fermer le monde, tous doivent le faire. C'est probablement l'un des éléments les plus importants du régime de Magnitski: créer une situation où nous fermons le monde. J'espère que cela deviendra une priorité, une cible et quelque chose que le Canada prend au sérieux.
Bien sûr, je travaille auprès d'autres gouvernements et je leur dis la même chose. Lorsque je viens ici et que je vous parle, je dis la même chose au Royaume-Uni, aux États-Unis et à l'Union européenne. Il est difficile d'amener tout le monde à travailler ensemble. Je pense que c'est très, très important.
:
Une stratégie est essentielle. Comme je l'ai mentionné plus tôt, j'occupe mon poste depuis sept ans et cinq ministres des Affaires étrangères ont joué ce rôle au cours de cette période. C'est une transition importante. Une stratégie pluriannuelle globale assurerait une certaine continuité dans les principaux dossiers des droits de la personne. Nous ne réinventerions pas la roue à chaque changement de ministre. Il est certainement essentiel d'avoir une stratégie des droits de la personne pour cette raison. C'est aussi pour créer une sorte de balise ou de repère pour évaluer les actions et les activités du ministre en matière de droits de la personne. Je pense que cette stratégie sera vraiment cruciale.
J'aimerais faire une dernière remarque, si j'ai le temps.
Je sais qu'il y a eu une conversation au sujet des « prisonniers d'opinion » et de la formulation des rapports sur les droits de la personne. Je suis d'accord avec Alex Neve lorsqu'il dit que les prisonniers sont détenus en violation du droit international. Je pense que c'est une définition beaucoup plus large, qui engloberait également les deux Michael qui ont été détenus en Chine, par exemple. Elle viserait les Canadiens d'origine iranienne qui ont la double nationalité et d'autres personnes qui sont détenues pour de fausses accusations d'espionnage, de terrorisme ou de trahison, qui ne sont pas nécessairement des prisonniers ou prisonnières d'opinion — il peut s'agir simplement de gens ordinaires, d'ingénieurs, de médecins, etc. —, mais qui ont la double nationalité et qui sont alors détenus. Je pense qu'une définition plus large et englobante serait beaucoup plus efficace.
:
Merci. Cela met fin à la séance.
Permettez-moi de remercier M. Turcotte, qui est ici en personne, ainsi que M. Browder et Mme Deif. Nous vous sommes très reconnaissants de votre temps et de vos témoignages. Nous sommes désolés que notre séance ait été écourtée parce que nous avions des votes à la Chambre.
Sur ce, je vous remercie encore une fois. Nous avons hâte de vous revoir au Comité très bientôt. Merci.
Pour la gouverne des membres du Comité, je voulais simplement dire que le mardi 18 avril, c'est-à-dire la première séance à notre retour, nous procéderons à l'étude article par article du projet de loi C-281.
Je me demandais si le Comité souhaitait la levée de la séance.
Des députés: D'accord.