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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 073 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 25 septembre 2023

[Enregistrement électronique]

(1110)

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte.
    Bienvenue à la 73e réunion du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
    Avant de faire quelques observations, j'aimerais souhaiter la bienvenue aux nouveaux membres du Comité. Je souhaite la bienvenue à l'honorable Omar Alghabra. Je souhaite également la bienvenue à Mme Sophie Chatel. Mme Élisabeth Brière est ici au nom d'un autre député, mais je lui souhaite tout de même la bienvenue. C'est un plaisir de vous avoir parmi nous aujourd'hui. Nous avons aussi un nouveau membre, si j'ai bien compris, avec qui nous avons déjà eu le privilège de travailler au sein du Comité. Il est maintenant de retour. Il s'agit de M. Ziad Aboultaif. Bienvenue, monsieur Aboultaif. Je pense que cela règle la question des membres.
    De plus, je suis sûr que vous avez tous remarqué que nous avons une nouvelle greffière. Nous sommes très reconnaissants à Mme Danielle Widmer de s'être jointe à nous pour la présente séance. Elle est une greffière d'expérience. C'est un plaisir de vous avoir parmi nous.
    En ce qui concerne les analystes, nous avons beaucoup de chance d'avoir les mêmes analystes qu'auparavant. M. Siekierski est ici aujourd'hui. Mme Allison Goody est toujours avec nous, mais, malheureusement, elle ne se sent pas bien aujourd'hui.
    Je tenais simplement à faire ces remarques préliminaires.
    La réunion d'aujourd'hui se déroule dans un format hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 23 juin 2022. Des députés sont présents dans la salle et d'autres participent à distance à l'aide de l'application Zoom.
    J'aimerais faire quelques observations à l'intention de nos témoins et des membres du Comité.
    Avant de prendre la parole, veuillez attendre que je vous nomme. Si vous participez par vidéoconférence, cliquez sur l'icône du microphone pour activer votre micro. Veuillez vous mettre en sourdine lorsque vous ne parlez pas. Le microphone des personnes dans la salle sera contrôlé comme d'habitude par l'agent des délibérations et de la vérification. Vous pouvez vous exprimer dans la langue officielle de votre choix. Des services d'interprétation sont disponibles pour cette réunion.
    Bien que la salle soit équipée d'un système audio puissant, il peut y avoir des retours sonores, qui peuvent être extrêmement néfastes pour les interprètes et causer des blessures graves. Je demanderai à tous les membres de garder cela à l'esprit. La cause la plus courante de retours sonores est le port de l'oreillette trop près d'un microphone. Veuillez prêter attention à cela.
    Je vous rappelle que tous les commentaires doivent être adressés à la présidence.
    Les députés présents dans la salle qui souhaitent prendre la parole doivent lever la main. Ceux qui participent par vidéoconférence doivent utiliser la fonction de main levée. La greffière et moi-même allons gérer l'ordre des interventions.
    Conformément à la motion de régie interne du Comité concernant les tests de connexion pour les témoins, la greffière m'a informé que tous les témoins qui comparaissent virtuellement ont effectué les tests de connexion requis avant la réunion.
    Je crois savoir, en ce qui a trait à la procédure, que le premier point à l'ordre du jour est l'élection des vice-présidents. Je vais demander à la greffière de bien vouloir s'occuper de ce point.
    Conformément à l'article 106(2) du Règlement, le premier vice-président doit être un député de l'opposition officielle. Je suis maintenant prête à recevoir des motions pour le poste de premier vice-président.
    Je propose M. Chong au poste de vice-président.
    Il est proposé par M. Aboultaif que M. Chong soit élu premier vice-président du Comité.
    Y a‑t‑il d'autres motions? Je n'en vois pas.
    Plaît‑il au Comité d'adopter la motion?
    Des députés: D'accord.
    La greffière: Je déclare la motion adoptée et M. Chong dûment élu premier vice-président du Comité. Félicitations.
    Sur ce, nous sommes prêts à aller de l'avant.
    Nous allons maintenant revenir à notre étude du régime de sanctions du Canada.
    Monsieur Bergeron, allez‑y.

[Français]

    Monsieur le président, compte tenu des événements survenus dans le Haut‑Karabakh au cours des derniers jours et des dernières semaines, d'autant plus que nous avons déjà entrepris une étude sur la situation actuelle dans cette région, je souhaiterais que nous puissions prévoir à l'horaire des prochaines semaines, voire des prochains jours, un minimum de deux rencontres pour étudier ce qui s'y passe.
    Par la même occasion, j'ai une autre demande. Je sais que nous avions présenté une demande de déplacement à Erevan et à Bakou et que, pour des raisons qui m'échappent encore, cette demande a été refusée par l'opposition officielle. Je sais que l'Assemblée parlementaire de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe doit se réunir à Erevan et que ce déplacement a été autorisé par la Chambre. Je sais aussi que le Sous-comité des budgets de comité du Comité de liaison nous a envoyé une notice nous indiquant que nous devions, avant une certaine date, présenter nos demandes de déplacement. Conséquemment, j'aimerais que nous fassions très rapidement le point pour savoir où en est cette demande de déplacement et déterminer s'il y a lieu, comme ce serait mon souhait, que nous présentions de nouveau cette demande de déplacement.
(1115)

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur Bergeron.
    Allez‑y, monsieur Oliphant.
    J'allais proposer — en partie parce que j'ai besoin de savoir où nous en sommes avec l'étude sur le régime de sanctions, mais aussi parce que j'aimerais que nous nous penchions sur d'autres travaux — que nous ayons du temps pour examiner les travaux du Comité, soit aujourd'hui… car je pense que l'intervention de M. Bergeron devrait être abordée dans le cadre d'une réunion portant sur les travaux du Comité, plutôt que dans le cadre de la présente réunion. Ce n'est pas à l'ordre du jour, et je ne crois pas qu'une motion ait été présentée.
    Je suis tout à fait en faveur d'une discussion sur les travaux futurs et les déplacements, mais je pense que nous devons en discuter dans le cadre d'une réunion portant sur les travaux du Comité. Je ne sais pas si nous avons le temps de tenir cette discussion aujourd'hui. Est‑ce respectueux envers nos témoins de prendre 10 minutes de leur temps de parole, ou devrions-nous inscrire cette discussion au premier point de l'ordre du jour de notre prochaine réunion?
    Je serais heureux de prendre un peu de temps à la fin de la réunion d'aujourd'hui pour discuter des travaux du Comité, mais je suis également prêt à procéder comme prévu à la présente réunion et à tenir cette discussion au début de la prochaine séance.
    Merci, monsieur Oliphant.
    Je rappelle aux membres du Comité que nous avons des réunions prévues pour aujourd'hui et pour mercredi, et que nous avons des témoins. Le calendrier préliminaire a été distribué à tous les membres. Si tout le monde est d'accord, nous pouvons réserver du temps mercredi après avoir entendu les témoins pour déterminer les priorités des membres en ce qui concerne les études à venir.
    Est‑ce que tous les membres sont d'accord pour réserver du temps mercredi?
    Des députés: D'accord.
    Le président: D'accord.
    Il y a une dernière chose, et je ne sais pas ce que vous en pensez. Vous vous souviendrez tous que nous menons actuellement une étude sur la situation en Ukraine. Il y a longtemps que nous ne nous sommes pas penchés sur cette étude. Afin de donner des directives à la greffière, j'aimerais savoir si tout le monde voudrait que nous prévoyions lundi prochain une séance sur la situation en Ukraine, où êtes-vous d'avis que…?
    Allez‑y, monsieur Hoback.
    J'aimerais savoir, monsieur le président, quels témoins seraient invités à comparaître lors de cette réunion? Convoquerions-nous simplement des fonctionnaires du ministère pour une séance d'information?
    Comme vous le savez, une nouvelle ambassadrice en Ukraine a été nommée. Si nous pouvions entendre l'ambassadrice, ce serait très utile, mais dans l'éventualité où elle ne serait pas libre, pour une raison ou une autre, nous demanderons peut-être aux fonctionnaires de nous faire une mise à jour, à moins que quelqu'un ait une meilleure suggestion.
    Allez‑y, madame McPherson.
    J'ai seulement deux ou trois choses à dire. Tout d'abord, nous n'avons pas reçu le calendrier. Je ne sais pas si c'est seulement mon équipe qui ne l'a pas reçu, mais je peux vous dire que je n'ai pas reçu le calendrier.
    J'avais l'impression… Je me suis mal exprimé. Je m'excuse. La greffière me dit qu'il n'a pas été envoyé.
    En ce qui a trait à la réunion de mercredi prochain, trois témoins comparaîtront. Si tous les membres sont d'accord, la deuxième heure sera entièrement consacrée aux travaux du Comité.
    Est‑ce que cela convient à tout le monde?
(1120)
    Veuillez m'excuser, mais je veux simplement terminer ma pensée.
    Tout d'abord, je pense qu'il serait important d'avoir le calendrier. Nous avons un sous-comité, et je pense qu'il pourrait nous aider ici à le finaliser, comme il est censé le faire. Nous avons quatre études à réaliser, notamment sur l'Iran, Israël et la Palestine.
    Ce qui est plus important encore de mon point de vue, c'est que nous avons commencé la séance avec 15 minutes de retard aujourd'hui. Je pense que nous avons trop de travail pour prendre cette habitude. Nous pourrions nous efforcer de commencer à l'heure. Je sais que bien des gens ne sont peut-être pas arrivés à temps, et que nous sommes lundi, une journée occupée, mais si nous commençons 20 minutes en retard, c'est injuste pour nos témoins et pour ceux d'entre nous qui sont à l'heure.
    C'est tout à fait vrai. Je demanderais à tous les membres du Comité d'arriver à l'heure. Nous vous en serions très reconnaissants. Nous le ferons par respect pour les témoins, qui prennent le temps de nous faire part de leurs points de vue.
    Je vous remercie de le mentionner, madame McPherson.
    Il est donc convenu de réserver une heure aux travaux du Comité à la réunion de mercredi, n'est‑ce pas? Je crois comprendre que la greffière vous fera parvenir le calendrier avant mercredi.
    La greffière a également porté à mon attention...
    Je vous écoute, monsieur Oliphant.
    Je voulais simplement demander une précision à propos des réunions. Vous avez parlé de lundi prochain.
    C'est là où je voulais en venir.
    D'accord. Nous manquerons donc deux lundis consécutifs.
    Ce lundi n'est pas un jour férié, mais nous n'avons pas de réunion. Si tout le monde est d'accord, nous ferons le point sur la situation en Ukraine mercredi prochain.
    Cela convient‑il à tout le monde?
    Des députés: Oui.
    Le président: Allez‑y, monsieur Hoback.
    Par curiosité, monsieur le président, vous allez dépasser la date limite pour soumettre la demande de voyage en bonne et due forme, compte tenu de la relâche la semaine suivante. À quel moment devez-vous en avoir fait la demande?
    La demande ne doit pas être envoyée avant la fin du mois d'octobre. La date limite est le 10 novembre. Nous aurons amplement l'occasion d'en discuter mercredi.
    Maintenant que toutes les questions de régie interne ont été réglées, j'ai le grand privilège de souhaiter la bienvenue à deux témoins remarquables.
    Tout d'abord, nous accueillons M. Lawrence Herman, qui témoigne virtuellement. Il est avocat chez Herman & Associates, et il est probablement bien connu des membres du Comité. Je vous souhaite la bienvenue, monsieur Herman.
    Nous recevons également Mme Katpana Nagendra, qui assiste à la séance en personne au nom du Tamil Rights Group.
    Vous avez chacun cinq minutes pour faire votre déclaration préliminaire, après quoi les membres du Comité vous poseront des questions. Nous commençons habituellement par le témoin qui est présent, et c'est Mme Nagendra.
    Vous avez la parole cinq minutes, madame Nagendra.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie de cette occasion de témoigner aux côtés d'autres témoins dans le cadre de votre étude sur le régime de sanctions du Canada.
    Le Tamil Rights Group, ou TRG, est une organisation de défense des droits de la personne sans but lucratif, qui intervient à l'échelle mondiale pour soutenir les Tamouls de l'Eelam. Nous cherchons sans relâche des moyens de faire respecter les droits de la personne à l'aide de la diplomatie mondiale et des voies légales qui relèvent du droit international et des principes des droits de la personne. En novembre 2021, le TRG a présenté à la Cour pénale internationale une importante communication en vertu de l'article 15 du Statut de Rome demandant un examen préliminaire des crimes contre l'humanité commis encore une fois contre les Tamouls de l'Eelam dans les territoires d'États parties à la CPI.
    Le Canada a récemment imposé des sanctions liées au Sri Lanka en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales, ou LMES, « en réponse aux violations graves et systématiques des droits de la personne qui ont été commises » dans ce pays. Quatre représentants de l'État sri-lankais ont été sanctionnés en vertu de la LMES pour avoir commis des violations flagrantes des droits de la personne entre 1983 et 2009, et après. C'était un grand pas en avant permettant d'exposer les crimes atroces, y compris le génocide, que subissent les Tamouls depuis au moins 1948, comme le pogrom anti-tamoul de 1983 et, plus récemment, le massacre de Mullivaikkal en 2009. De nombreux Tamouls, dont des femmes, des enfants et des militants ayant capitulé et rendu les armes, ont été brutalement assassinés à cette occasion. Selon les estimations, le nombre de décès se situe entre 40 000 et 150 000. Je suis ici aujourd'hui non seulement en tant que représentante du TRG, mais aussi en tant que victime des émeutes de 1983, qui ont obligé ma famille à émigrer au Canada en 1985.
    J'aimerais aujourd'hui donner le point de vue du TRG sur le régime de sanctions du Canada et formuler des recommandations sur la façon de le renforcer. Ces recommandations ont été préparées en consultation avec nos conseillers juridiques, David Matas et Sarah Teich.
    En premier lieu, nous recommandons d'accroître la transparence et la participation de la société civile et des organisations non gouvernementales. Nous estimons que les ONG devraient avoir une façon claire et officielle de soumettre des demandes de sanctions. Elles peuvent également posséder un large éventail de données pour aider à établir la chaîne de commandement et à identifier les auteurs de violations graves des droits de la personne. Affaires étrangères devrait collaborer plus étroitement avec notre groupe et d'autres organisations pour établir les preuves et déterminer l'identité des auteurs de crimes à sanctionner.
    Deuxièmement, il faut redoubler d'efforts pour aider les Tamouls à obtenir justice, en imposant des sanctions supplémentaires et en renforçant la responsabilisation par divers mécanismes de justice internationale. Ce besoin est évident compte tenu de ce qui se passe sur le terrain. Les autorités sri-lankaises continuent de détenir arbitrairement des personnes en vertu de sa loi antiterroriste draconienne. La présence militaire est soutenue dans le Nord et l'Est du Sri Lanka. On empêche les gens de participer à des manifestations pacifiques et à des commémorations. Encore tout récemment, dans la foulée des découvertes alarmantes de plusieurs fosses communes, le gouvernement sri-lankais a refusé la tenue d'enquêtes indépendantes et internationales et détruit délibérément des preuves.
    Ces abus incessants soulignent la nécessité d'élargir la portée du régime actuel de sanctions. La grande majorité des représentants de l'État sri-lankais responsables de violations flagrantes des droits de la personne ne sont toujours pas tenus de rendre des comptes. L'impunité généralisée encourage plutôt la poursuite des abus. Pour y pallier, de nombreux autres membres du personnel responsables de violations des droits de la personne doivent aussi faire l'objet de sanctions.
    Tous les biens que détiennent les personnes visées par des sanctions au Canada devraient être récupérés pour dédommager les victimes. Le Canada devrait également collaborer à l'échelle multilatérale et réclamer que d'autres États appliquent des sanctions. Aussi, notre pays devrait se pencher sur la façon dont il pourrait nuire par inadvertance à son propre régime de sanctions en continuant de financer les forces militaires sri-lankaises par l'entremise d'organismes comme le Fonds monétaire international et la Banque mondiale.
    De plus, les sanctions ciblées ne suffisent pas à elles seules. La loi de Magnitski ou la LMES sont des outils parmi tant d'autres, mais lorsqu'elles sont utilisées de concert, elles peuvent offrir des mesures efficaces en matière de justice et de responsabilisation.
    Il est important d'avoir recours aux mécanismes de justice internationale. Le Sri Lanka et le Canada sont tous deux signataires de nombreux traités, y compris la Convention sur le génocide et la Convention contre la torture, qui permettent à la Cour internationale de justice de régler les différends. La Cour pénale internationale peut réaliser un examen préliminaire des crimes contre l'humanité commis contre les Tamouls sur les territoires d'États parties. Le Canada devrait soutenir ces initiatives, et d'autres aussi.
(1125)
    Nous sommes impatients de donner suite à ces engagements avec le Comité. Nous aimerions souligner que le régime de sanctions devrait être la première mesure prise pour demander des comptes aux auteurs de violations graves. Le Canada doit envisager et mettre en œuvre d'autres mesures, comme l'a également recommandé le Haut-Commissariat des Nations unies dans son rapport exhaustif de 2022, qui cite le mémoire que le Tamil Rights Group a présenté à la Cour pénale internationale.
    Au nom du Tamil Rights Group, merci. J'ai hâte de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup, madame Nagendra.
    Nous passons maintenant à M. Herman.
    Monsieur Herman, vous avez cinq minutes pour faire votre déclaration liminaire. Je vous en prie.

[Français]

    Je suis très content d'être parmi vous aujourd'hui pour faire quelques commentaires en lien avec l'étude que vous êtes en train de mener.

[Traduction]

    Tout d'abord, monsieur le président, je tiens à dire que je suis ravi de comparaître devant vous. Les députés ne le savent peut-être pas, mais avant que M. Ehsassi entre dans le monde de la politique, il était lui-même bien connu en tant qu'avocat spécialisé en droit commercial. À l'époque, nous avions beaucoup de pain sur la planche, lorsque nous nous occupions de différents dossiers de droit commercial, et je suis donc d'autant plus ravi de comparaître aujourd'hui.
    Je vais aborder un sujet en particulier. Nous pourrons en discuter davantage pendant la période des questions. Je crois comprendre que le Comité examine la mise en œuvre des recommandations de 2017 concernant le régime de sanctions du Canada. Le Règlement parle de l'examen par le Comité de la mise en œuvre gouvernementale des recommandations dans le rapport de 2017.
    Je veux aborder une recommandation en particulier, car je ne pense pas que le gouvernement ait fait quoi que ce soit pour la mettre en œuvre. Dans le rapport de 2017, cette recommandation, la quatrième, dit que le gouvernement « devrait fournir par écrit, et de manière accessible au public, des directives détaillées au public et au secteur privé au sujet de l’interprétation des règlements sur les sanctions pour faire respecter le plus possible ces règles. »
    Lorsqu'on prend du recul et réfléchit aux sanctions, on constate qu'elles sont devenues un élément important dans nos relations internationales, compte tenu de leur incidence majeure sur les relations d'affaires et les transactions commerciales. Le secteur privé, le milieu des affaires, a besoin d'une transparence accrue et de meilleures directives de la part du gouvernement.
    Dans les observations que j'ai fournies au Comité — je crois qu'on les a traduites et qu'on les a fait circuler —, j'ai formulé un certain nombre de recommandations. Je dois dire qu'elles ressemblent beaucoup aux recommandations que j'ai présentées au Sénat lorsqu'il étudiait la même question plus tôt cette année. J'ai énoncé un certain nombre de points auxquels le gouvernement pourrait donner suite en rendant le régime de sanctions plus transparent et plus facile à comprendre ainsi qu'en donnant des directives nécessaires aux gens du milieu des affaires, qui doivent souvent composer avec ces sanctions très délicates et de plus en plus complexes. Je ne vais pas les lire, car je les ai remis au Comité, mais il faut donner suite au rapport de 2017. Les mêmes recommandations ont été formulées dans le rapport du comité sénatorial en mai cette année.
    D'après mes propres recherches, rien n'a été fait pour améliorer ou renforcer les directives ou la transparence en ce qui a trait à la mise en œuvre par le gouvernement du régime de sanctions. Cela comprend des sanctions de la loi de Magnitski et de la Loi sur les Nations unies, et bien entendu de la Loi sur les mesures économiques spéciales, soit le principal instrument pour le régime de sanctions du Canada.
    Je vais m'arrêter ici. Nous pouvons revenir là‑dessus pendant les questions des membres du Comité.
(1130)

[Français]

    J'aimerais aussi dire que je suis prêt à répondre aux questions sur les recommandations que j'ai faites dans mon document écrit, qui a déjà été soumis au Comité.
    Merci.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur Herman.
    Nous allons maintenant passer aux questions des députés. Chaque député aura cinq minutes à sa disposition pour le premier tour.
    Monsieur Chong, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais poser mes questions à M. Herman.
    Monsieur Herman, je suis heureux d'avoir enfin l'occasion de vous rencontrer, même si c'est virtuellement et pas en personne. J'ai votre mémoire devant moi.
    J'aimerais mettre l'accent sur le sujet que vous avez abordé, c'est‑à‑dire l'application. Nous pouvons imposer toutes les sanctions que nous voulons, mais si elles ne sont pas appliquées, elles ont peu d'effet. Comme vous l'avez souligné, le rapport de 2017 du Comité contenait une recommandation pour le gouvernement.
    Quand je regarde l'Agence du revenu du Canada, je vois qu'elle a toute une direction pour examiner les décisions relatives à l'impôt et les interprétations techniques. Vous pouvez la consulter pour obtenir des réponses à des questions complexes qui vous aideront à orienter votre planification fiscale, que ce soit pour les particuliers, les entreprises ou les fiducies. Je pense qu'il faut mettre quelque chose sur pied à Affaires mondiales Canada pour faire exactement la même chose. Êtes-vous d'accord?
(1135)
    Je suis certainement d'accord. Je pense que dans une certaine mesure, c'est une question de ressources, mais avec les ressources actuelles du ministère, on pourrait faire plus de choses semblables, comme vous l'avez mentionné, monsieur Chong, à ce qui est fait à l'Agence du revenu du Canada.
    Je devrais également dire que l'Agence des services frontaliers du Canada, pour ce qui est d'appliquer les lois et les règlements douaniers, fournit des directives détaillées. Elle ne fournit pas d'interprétations juridiques, car le gouvernement ne donne pas de conseils juridiques, et ne devrait pas en donner.
    Je vois.
    Affaires mondiales pourrait certainement en faire beaucoup plus pour se rapprocher du genre de choses faites par l'Agence des services frontaliers du Canada ou Finances Canada au moyen de lignes directrices. Je dois souligner que ce sont des questions qui touchent les intérêts du Canada en matière de commerce international. Si le milieu des affaires a de la difficulté à s'y retrouver dans ces questions très délicates de sanctions, il incombe au gouvernement de donner des directives, comme le font l'administration américaine, l'administration britannique et le gouvernement australien. Ils fournissent les directives dont je parle, ce qui n'est malheureusement pas le cas du Canada.
    Vous avez dit que l'Agence des services frontaliers du Canada a un lien étroit avec les sanctions ou nos obligations en vertu du droit national et international puisqu'elle doit prévenir l'importation de marchandises issues du travail forcé. Je me demande si vous, en tant que spécialiste du commerce, pouvez dire pourquoi l'ASFC, l'Agence des services frontaliers du Canada, n'a pas pu interdire, saisir et bloquer les envois de marchandises issues du travail forcé des Ouïghours.
    Comme vous le savez, l'article 23.6 de l'ACEUM, l'Accord Canada—États-Unis—Mexique, qui est entré en vigueur à l'été de 2020, interdit en vertu du droit canadien l'importation de ces marchandises, mais jusqu'à maintenant, un seul envoi a été saisi, mais on l'a ensuite laissé entrer au Canada. Le service des douanes et de la protection des frontières des États-Unis a interdit ainsi que saisi et bloqué quelque 2 500 envois depuis l'entrée en vigueur de l'ACEUM au pays. Pourquoi ne sommes-nous pas capables d'en faire autant?
    Vous savez, monsieur Chong, au bout du compte, c'est une question d'argent et de ressources. Je pense que l'ASFC fait un excellent travail à l'aide de ses ressources existantes pour tenter de vérifier, d'examiner, d'interdire et de saisir des biens qui arrivent au pays, mais des centaines de milliers de conteneurs arrivent à Vancouver. Il est très difficile, même physiquement, pour l'Agence des services frontaliers du Canada de tous les vérifier et d'examiner toute la documentation liée à ces importations.
    C'est une question de ressources. Que voulons-nous faire? Dans quelle mesure le gouvernement est‑il disposé à affecter des ressources pour appliquer ce genre de sanctions? Je conviens comme vous qu'il est un peu gênant de voir à quel point les États-Unis — c'est le pays qui en fait le plus dans les dossiers frontaliers — parviennent à appliquer aussi énergiquement les sanctions et à quel point notre application semble timide.
    Je pense que c'est une question de ressources.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Chong.
    Monsieur Zuberi, vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Bienvenue à tous les nouveaux membres du Comité.
    J'aimerais remercier les témoins d'être présents aujourd'hui et d'avoir pris le temps de se joindre à nous.
    Je souhaite revenir sur notre discussion au sujet des régimes de sanctions. Cela fait longtemps, un été entier, que nous n'avons pas abordé cette question. Je suis heureux que nous arrivions à une conclusion dans le cadre de cette étude.
    La Loi sur les mesures économiques spéciales est un régime de sanctions qui s'applique aux personnes, aux entités et aux États. Elle prévoit un gel des avoirs. Les importations et les exportations sont également concernées. Elles peuvent être saisies et stoppées. Par ailleurs, la loi de Magnitski constitue en quelque sorte une couche supplémentaire. Elle s'applique aux personnes qui ont commis des violations graves et flagrantes des droits de la personne. Elle est semblable à la Loi sur les mesures économiques spéciales, mais elle s'applique spécifiquement dans l'optique des droits de la personne, afin de réellement cibler certaines personnes.
    Je voulais simplement remettre les choses en contexte et situer ce dont traite l'étude.
    J'aimerais adresser mes questions à votre organisme. Je suis heureux que notre gouvernement ait imposé quatre sanctions importantes à des personnes influentes ayant participé au génocide des Tamouls, y compris deux anciens dirigeants du Sri Lanka. Ce fut un moment très important pour le Canada, mais aussi pour la justice, les droits de la personne, la dignité et le respect du peuple tamoul.
    Que pensez-vous de l'idée d'aller au‑delà des sanctions? Certaines organisations, comme People for Equality and Relief in Lanka, ont déclaré qu'en plus d'appliquer des sanctions, nous devrions soutenir des mécanismes de justice internationale axés sur les victimes.
    Quel est votre avis sur la question?
(1140)
    Nous partageons également ce point de vue. Comme je l'ai mentionné dans mes observations, les sanctions ne sont que le début de ce processus en faveur des victimes, de la justice et de la responsabilisation. Je pense qu'il est important que les sanctions contribuent à renforcer ces mécanismes de justice internationale pour aider les victimes à obtenir justice et garantir la responsabilisation.
    Lorsque le Tamil Rights Group dépose une plainte relevant de la compétence universelle et que la personne en question a déjà été sanctionnée au Canada pour les 11 meurtres de Trincomalee, le fait de dire que le Canada a déjà sanctionné cette personne et que nous aimerions la faire comparaître dans le cadre d'une procédure pénale relevant de la compétence universelle dans une autre affaire nous aide beaucoup dans notre démarche. C'est pourquoi nous pensons que les sanctions vont de pair avec les mécanismes de la justice internationale.
    Il est vrai que nous ne pouvons pas inclure toutes les personnes sur cette liste de sanctions. Ce n'est pas une demande raisonnable. J'en suis consciente. Mais il y a d'autres personnes, des personnes importantes, qui devraient y figurer. C'est le rôle des ONG et de la société civile que de contribuer à l'identification de ces personnes.
    Des témoins ont déjà dit à ce comité, à propos de cette étude, que les organisations de la société civile jouent un rôle important en nous aidant, en tant que gouvernement et en tant que pays, à cerner les noms susceptibles de faire l'objet d'une sanction. Votre remarque fait écho à ce que nous avons déjà entendu dans les témoignages recueillis jusqu'à présent.
    Dans votre témoignage de tout à l'heure, vous avez évoqué un crime. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?
    Est‑ce que je parlais d'une personne?
    J'ai oublié quel terme vous avez utilisé. Il y a un instant, vous avez parlé d'un crime particulier à l'égard du peuple tamoul.
    Quatre personnes sont actuellement sanctionnées en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales. L'une d'entre elles est un général de l'armée qui a participé au meurtre de 11 personnes dans une ville appelée Trincomalee. Voilà ce à quoi je faisais allusion dans cette situation particulière.
    Merci.
    J'aimerais aborder la question de la recherche sur le terrain. Pouvez-vous nous éclairer sur ce qui a été démontré jusqu'à présent concernant les crimes commis à l'encontre du peuple tamoul? D'après tous les renseignements dont vous disposez, qu'a révélé la recherche sur le terrain jusqu'à présent?
    Nos recherches sur le terrain et nos contacts avec la société civile sri‑lankaise ont démontré que la culture de l'impunité n'a pas changé au Sri Lanka depuis l'entrée en vigueur des sanctions en janvier. Comme je l'ai mentionné, pas plus tard que la semaine dernière, un événement a été organisé à la mémoire d'une personne qui est morte lors d'une grève de la faim il y a 36 ans. Cet événement commémoratif a été attaqué à coups de pierres. Le membre du Parlement du Sri Lanka lui‑même a également été attaqué. Les fonctionnaires de la police et de l'armée sont restés là à ne rien faire. L'accaparement des terres se poursuit. Les terres traditionnelles tamoules et les temples hindous sont remplacés par des temples bouddhistes.
    Il s'agit d'un génocide structurel qui se poursuit. La situation ne s'est pas améliorée et elle continue de s'amplifier. La société civile sur le terrain craint qu'elle ne continue de s'aggraver.
    C'est un point très important. J'aimerais juste...
(1145)
    Merci, monsieur Zuberi. Vous avez largement dépassé le temps imparti, de 40 secondes.
    Nous passons maintenant à M. Bergeron.
    Monsieur Bergeron, vous disposez de cinq minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Herman, j'aimerais revenir sur la série de questions qui vous ont été adressées par mon collègue Michael Chong.
    Jusqu'à présent, une des difficultés que nous avons à propos des sanctions appliquées à l'Ukraine et à la Biélorussie, c'est que nous parvenons difficilement à avoir une idée précise de ce qui a été sanctionné, des avoirs qui ont été gelés et de ce qui pourrait être saisi. Nous ne savons même pas si le gouvernement fédéral en a lui-même une idée précise et exacte. En fait, manifestement, le gouvernement fédéral ne sait toujours pas quoi faire quant à la saisie des biens pour contribuer ultimement à la reconstruction de l'Ukraine. Cela semble être un bordel indescriptible.
    Je pense qu'une bonne partie de la difficulté est attribuable au fait que le gouvernement fédéral sous-traite littéralement au secteur banquier et aux entreprises privées la responsabilité d'appliquer les sanctions. Or, ce qu'on comprend de l'étude de 2017 et de ce que vous avez présenté devant le comité sénatorial, c'est que les entreprises ne savent pas exactement ce qu'elles doivent faire. Lorsqu'elles le demandent à Affaires mondiales Canada, elles n'obtiennent pas de réponses.
    Selon vous, est-ce que cette situation contribue au flou artistique qui existe présentement quant à l'efficacité des sanctions canadiennes?
    Pourquoi Affaires mondiales Canada s'entête-t-il à ne pas donner de directives et à ne pas répondre aux questions, alors qu'on sait que, d'une part, cela semble avoir une incidence sur l'efficacité du régime de sanctions et que, d'autre part, comme vous l'avez souligné dans votre mémoire au comité sénatorial, de nombreux alliés du Canada, dont les États‑Unis, des pays de l'Union européenne, l'Australie et le Royaume‑Uni, donnent ce genre de directives?
    Monsieur Bergeron, vous avez posé des questions complexes auxquelles il est difficile de répondre en quelques minutes.
    Tout d'abord, appliquer des sanctions pour geler des biens, que ce soit des biens réels ou des biens financiers, c'est une chose, mais utiliser ces biens pour indemniser d'autres personnes, c'en est une autre. C'est ce qui est difficile. À mon avis, nous devons nous coordonner avec nos alliés, parce que le Canada ne peut pas aller au-devant de ce qui a été conclu parmi ses alliés. C'est une question très compliquée. Je pense que la meilleure chose à faire est de continuer à collaborer avec nos alliés pour aboutir à un accord. Cependant, c'est très compliqué. Geler des biens, c'est une chose, mais s'en servir à d'autres fins, c'en est une autre.
    Je suis d'accord avec vous pour dire qu'actuellement le fardeau repose sur les entreprises privées, les banquiers, les aéroports, etc. Nous devons continuer à collaborer avec nos alliés pour trouver une solution collective.
    Je ne sais pas si j'ai répondu à toutes les questions que vous avez soulevées, mais voilà ma réponse générale.
    Oui, vous avez en partie répondu...
(1150)

[Traduction]

    Il vous reste 15 secondes.

[Français]

    Dans ce cas, j'y reviendrai plus tard.

[Traduction]

    Merci, monsieur Bergeron.
    Nous passons maintenant à Mme McPherson.
    Vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être présents aujourd'hui. Il s'agit d'une conversation très intéressante et je suis heureuse que nous soyons tous de retour pour l'examiner.
    J'ai une question à vous poser, monsieur Herman, si vous le permettez. L'une des choses que nous avons entendues précédemment est qu'il existe de profondes inquiétudes quant à la manière dont la mise en œuvre se déroule avec l'ASFC, la GRC et Affaires mondiales Canada: il n'y a pas de coordination des efforts et on ne sait pas bien qui est le chef de file dans ces situations.
    Vous me dites que nous n'avons pas les ressources nécessaires. Nous manquons de transparence. Le gouvernement n'a pas alloué les ressources nécessaires au bon fonctionnement du régime de sanctions. D'autres pays font beaucoup mieux que nous.
    J'aimerais simplement savoir comment les choses se passeraient, de votre point de vue, si nous avions les ressources nécessaires. Qui devrait être le chef de file dans ce domaine? Quelles leçons pouvons-nous tirer des autres pays en ce qui concerne la manière dont ces mesures pourraient être mises en œuvre? Pour l'instant, je pense que tous nos collègues nous ont dit que la façon dont les choses sont mises en œuvre posait un véritable problème.
    Madame McPherson, vous avez soulevé un certain nombre de questions.
    Je pense que le gouvernement déploie des efforts raisonnables pour coordonner l'application des sanctions. Rien n'est parfait, mais je crois que le gouvernement est conscient de la nécessité d'adopter une approche plus globale.
    Les ressources sont un sujet un peu différent. Je parlais en fait des ressources dont dispose l'ASFC pour traiter, par exemple, les importations de marchandises provenant de régimes comme celui de la Chine, de la région du Xinjiang. Cette question est un peu différente. Elle concerne l'ASFC.
    Je ne sais pas comment nous pourrions adopter une approche beaucoup plus globale. Aux États-Unis, par exemple, il existe des accords importants entre les agences. L'Office of Foreign Assets Control, qui applique les sanctions aux États-Unis et fait partie du Département du Trésor, coordonne donc ses activités avec celles du Département du Commerce et du Département d'État de manière plus efficace que nous ne le faisons au Canada.
    L'un des problèmes — et il s'agit d'un problème pratique — est que ces dernières années, les sanctions sont devenues un facteur majeur dans nos relations d'affaires internationales. La guerre en Ukraine a fait ressortir tous ces enjeux. Ces dernières années, le Canada a également imposé des sanctions à la Chine. Je pense que le gouvernement a pris un peu de retard dans la mise à jour de son système d'application des sanctions et de contrôle des exportations, et dans tous les domaines qui ont une incidence majeure sur le milieu des affaires.
    C'est pourquoi j'estime qu'il est vital que ce comité donne suite à certains éléments du rapport de 2017, notamment l'offre d'une orientation et l'amélioration de la transparence et de la coordination. J'estime que ce comité accomplit une tâche très importante. Par ailleurs, je tiens à souligner que le rapport du Sénat aborde également un grand nombre de ces enjeux. Il a été publié en mai et décrit en détail les améliorations que le gouvernement pourrait apporter.
    J'estime que ce sont les acteurs du secteur privé qui subissent le poids de ces sanctions et qu'ils ont besoin d'être mieux informés. Il ne s'agit pas de leur donner des conseils juridiques, car ce n'est pas le rôle du gouvernement, mais des conseils stratégiques, sur la manière dont le gouvernement envisage son régime de sanctions. Voilà ma réponse. J'espère que le Comité pourra aborder certains de ces points dans son rapport.
    Je pense que bon nombre des recommandations issues de cette étude feront écho aux recommandations formulées en 2017 et à nouveau par le comité sénatorial.
    Vous avez également dit que le Canada ne pouvait pas agir en tant que chef de file et que nous devions travailler avec nos alliés. Toutefois, pour ce qui est de la saisie des biens et de leur réutilisation pour les personnes lésées, le Canada a joué un rôle de chef de file ou a déclaré qu'il avait joué un rôle de chef de file. L'une des difficultés auxquelles nous nous heurtons, bien entendu, est que les déclarations du gouvernement au sujet des personnes sanctionnées et des biens saisis ne se traduisent pas par des actions concrètes.
    Lorsque nous nous sommes rendus en Europe, nous nous sommes réunis avec d'autres comités. Nous étions en Belgique, et les gens disaient qu'ils observaient le Canada pour voir comment il s'y prenait. De mon point de vue, nous n'avons pas fait un très bon travail dans ce domaine. Est‑ce parce que nous nous sommes retirés ou parce que nous n'avons tout simplement pas mis en place les systèmes nécessaires pour que ce programme soit efficace?
(1155)
    Puis‑je vous demander de fournir une réponse très brève? Je vous en serais très reconnaissant. Notre temps est écoulé.
    Oui, excusez‑moi, monsieur le président.
    Je pense qu'il s'agit d'une question de coordination avec nos alliés et, honnêtement, les États-Unis sont notre allié principal pour ce qui est des sanctions.
    Merci.
    Merci.
    Nous passons maintenant à M. Aboultaif.
    Pour ce tour, vous aurez chacun trois minutes, à l'exception du député du Bloc et du NPD.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins.
    J'ai une question rapide. Monsieur Herman, vous avez parlé de « système ». Le Canada dispose‑t‑il d'un système de sanctions? Si oui, comment fonctionne‑t‑il? Pouvez-vous nous décrire ce système? Les sanctions peuvent être économiques, financières, sécuritaires ou diplomatiques. Je pense qu'il nous serait utile de savoir si nous disposons réellement d'un système de sanctions.
    Oui, nous avons un système. La législation que vous examinez est notre régime de sanctions.
    Notre politique de sanctions, y compris notre politique de contrôle des exportations, est assez solide. Elle est cohérente par rapport à ce que font nos alliés. Nous devons, selon moi, fournir des éclaircissements. Le gouvernement doit fournir des précisions sur certains éléments des sanctions que le grand public et les milieux d'affaires pourraient ne pas bien comprendre.
    Ce n'est pas que nous n'ayons pas de systèmes en place. Nous avons des systèmes. Ils sont bons. Ils sont robustes. Ils sont solides. Comme je l'ai dit dans mon mémoire, ils mettent en œuvre les obligations internationales du Canada. Ils présentent toutefois un point faible, qui est, selon moi, l'incapacité du gouvernement à pleinement donner suite aux recommandations du rapport que votre comité a établi il y a six ans sur l'orientation, et du rapport que le comité sénatorial a établi il y a quelques mois sur la nécessité d'améliorer la transparence et l'orientation stratégique au profit des milieux d'affaires et du commerce extérieur du Canada.
    Les sanctions sont devenues un outil essentiel et ont été amplement utilisées, du moins ces deux dernières décennies. Puisque nous disposons d'une législation et d'un système, comment pouvons-nous en tirer le meilleur parti possible et garantir leur efficacité?
    Encore une fois, la transparence et l'orientation politique sont importantes. Je pense que le gouvernement fait du bon travail à bien des égards, mais j'en reviens au point principal que j'ai soulevé. J'estime que l'on pourrait mieux orienter le milieu des affaires, les parties prenantes, les personnes directement concernées par les sanctions au niveau international.
     Le Comité doit comprendre que les sanctions sont aujourd'hui un facteur majeur dans les relations d'affaires internationales. Ce n'était pas le cas il y a 10, 15 ou 20 ans, mais je pense qu'à l'avenir, nous évoluerons de plus en plus dans un monde complexe de sanctions économiques. Il incombe donc au gouvernement d'aider les milieux d'affaires à comprendre cette situation. Nous ne pouvons pas nous contenter de dire: « Allez voir votre avocat en cas de problème ». Ce n'est pas suffisant.
    Merci.
    Nous passons maintenant à M. Oliphant.
    Vous disposez de trois minutes, monsieur Oliphant.
    Merci, monsieur le président. Je voudrais poser une question rapide aux deux témoins.
    Je vous remercie pour vos observations et pour le travail accompli par le groupe et qui a abouti à l'adoption des premières sanctions. C'était important et je pense que ces mesures ont été efficaces. Pouvez-vous me dire quel est le statut des sanctions imposées à ces personnes, ou des sanctions imposées par d'autres administrations, d'autres pays? Sont-elles équivalentes aux nôtres? Les nôtres étaient-elles plus importantes ou plus faibles?
    Dans certaines administrations, elles sont équivalentes, mais dans d'autres, d'autres personnes ont été visées, par exemple, aux États-Unis. C'est pourquoi nous pensons que nous devons coordonner nos efforts, car dans le cas de ces sanctions économiques, si ces personnes sont sanctionnées au Canada, mais pas en Allemagne, elles peuvent facilement transférer leurs biens vers un autre pays. Les sanctions ne sont pas les mêmes dans...
(1200)
    Font-ils l'objet de sanctions?
    Non. Le Canada...
    Nous avons été des chefs de file à cet égard.
    Oui, en effet.
    Je voulais que ce soit inscrit au compte rendu. Je pense que nous avions une bonne longueur d'avance, et notre tâche maintenant consiste à inciter nos alliés à en faire autant.
    Mme Katpana Nagendra: Exactement.
    L'hon. Robert Oliphant: Monsieur Herman, je vous remercie. Votre article était utile. Je l'ai lu.
     M. Chong a parlé d'« application ». J'en ai fait une lecture différente. Je parlerais plutôt de « conformité » et de la volonté des entreprises et des organismes de se conformer, et vous prôner d'aider les entreprises et les organismes bien intentionnés qui veulent rentrer dans le rang. Ai‑je bien compris?
    Tout à fait. C'est ce que je voulais dire. Par exemple, s'il n'y a pas de clarté et de directives générales sur le type de mesures qu'une entreprise peut prendre pour s'assurer qu'elle a fait preuve de diligence, alors c'est un problème. Je ne pense pas qu'il suffise au gouvernement de dire que si vous faites telle ou telle chose, vous transgressez les sanctions canadiennes. Que peut faire une entreprise pour s'assurer qu'elle remplit les conditions énoncées dans la loi? Je ne parle pas de conseils juridiques. Je parle de directives politiques.
    Oui, je pense que c'est très important. Je pense que l'application est un problème, et cela dépend de la façon dont l'ASFC travaille, de la façon dont le CANAFE travaille, etc. Votre article traite en particulier de la façon dont le gouvernement peut contribuer à rendre les sanctions plus efficaces en veillant à ce que les entreprises et les organismes connaissent leurs responsabilités et soient en mesure de les assumer. Je pense qu'il s'agit là d'un bon point de vue.
     Je voudrais passer de l'anecdote à la réalité, car je sais que de nombreuses entreprises m'ont contacté pour me demander des conseils. Elles ont reçu des conseils. Elles ont reçu des directives du gouvernement sur ce qu'elles peuvent ou ne peuvent pas faire, généralement de manière réactive plutôt que proactive.
     Il me semble que ce que vous suggérez, c'est que le gouvernement passe d'un mode réactif à un mode proactif pour s'assurer que c'est ce que nous faisons. Est‑ce que je comprends bien ce que vous dites?
    Veuillez donner une courte réponse. Il vous reste 15 secondes.
    C'est exact.
    Je vous remercie.
    Il a été très rapide.
    Je vous remercie.
    Nous passons à M. Bergeron.
    Monsieur Bergeron, vous disposez d'une minute et demie.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Herman, vous avez répondu à une autre de mes questions en répondant à ma collègue Mme McPherson. Je vais donc être très bref, puisque je dispose de très peu de temps de parole.
    Selon vous, pourquoi le gouvernement canadien se montre-t-il si réticent à donner des directives, alors que plusieurs de ses alliés le font sur une base régulière?
    À mon avis, c'est une question de bureaucratie. Sans directives de la part du gouvernement, les bureaucrates sont très réticents à donner des opinions qu'on pourrait qualifier de juridiques. Ils ont une certaine réticence à aller trop loin lorsqu'ils répondent aux questions particulières des entreprises privées.
    À mon avis, la solution n'est pas difficile: on pourrait mettre en avant une approche beaucoup plus proactive de la part des bureaucrates ou des fonctionnaires, s'il y avait des directives envoyées par les ministres responsables.
     Merci beaucoup, monsieur Herman.

[Traduction]

    Je vous remercie, monsieur Bergeron.
    La dernière question revient à Mme McPherson.
    Vous disposez d'une minute et demie.
    Je vous remercie beaucoup.
    Je vous remercie sincèrement de votre témoignage aujourd'hui. Je vais être brève, car je ne dispose que d'une minute et demie.
    Lorsque vous avez parlé un peu de ce que le Canada pouvait faire de plus, l'une des choses qui m'intéressaient était le rôle que jouent la société civile, les ONG et les OSC, les organisations de la société civile. En ce qui concerne la communauté de la diaspora tamoule, comment le gouvernement peut‑il mieux l'écouter, mieux répondre à ses demandes et à ses besoins et mieux donner suite aux informations qu'elle peut nous fournir?
    Je pense que l'un des principaux moyens d'y parvenir est d'ouvrir la porte à davantage d'organisations ou de leur donner un siège à la table pour qu'elles puissent fournir plus de rétroaction sur ce qui se passe sur le terrain. Cependant, ce qui est encore plus important, c'est ce qui se passe par la suite. Il faut nous donner la possibilité de comprendre pourquoi telle personne n'est pas sanctionnée. Je pense que cette information est très importante pour le travail de notre équipe et de nos organisations, pour qu'elles sachent s'il manque des preuves concernant un crime en particulier, et que nous, en tant qu'ONG, et notre équipe juridique, devons travailler un peu plus fort pour fournir ces preuves. La rétroaction est vraiment importante pour faire de ce régime de sanctions un succès.
(1205)
    Nous avons entendu cela de la part d'un certain nombre de groupes différents. La communauté iranienne en est un parfait exemple. Ses membres nous ont dit que des gens devraient être sur la liste des sanctions, mais n'y sont pas. Par conséquent, la mise en place d'un mécanisme permettant aux groupes de la diaspora d'interagir avec le gouvernement pour savoir qui ne figure pas sur ces listes de sanctions est une tâche essentielle que le gouvernement doit entreprendre.
    C'est exact.
    Je vous remercie.
    Je vous remercie, madame McPherson.
    Le moment est venu de remercier nos témoins de leur temps, de leur vaste expérience et de leur expertise. Monsieur Herman, je vous remercie, et madame Nagendra, je vous remercie aussi. Nous vous sommes très reconnaissants de vos témoignages. Nous vous ferons parvenir un exemplaire du rapport lorsqu'il sera prêt.
    Chers collègues, nous avons un deuxième groupe de témoins. Je vais suspendre la séance pendant cinq minutes.
(1205)

(1210)
    Nous reprenons nos travaux.
    Nous poursuivons notre étude sur le régime de sanctions du Canada. Permettez-moi de souhaiter la bienvenue à nos témoins.
    Nous accueillons tout d'abord, en personne, le professeur Thomas Juneau de l'Université d'Ottawa. Il a déjà témoigné devant notre comité, et il est un commentateur bien connu dans les médias.
    Nous accueillons aussi Mme Catherine Gribbin, conseillère juridique principale, de la Croix-Rouge canadienne. Je vous souhaite la bienvenue, madame Gribbin.
     Nous accueillons également Alain Dondainaz, chef de mission, et Austin Shangraw, conseiller juridique, du Comité international de la Croix-Rouge.
    Nous accueillons enfin Archana Ravichandradeva, de People for Equality and Relief in Lanka.
    Chaque témoin dispose de cinq minutes. Je crois savoir que la Croix-Rouge canadienne et le Comité international de la Croix-Rouge ont une déclaration liminaire commune de cinq minutes, ce qui est très bien.
    Nous allons commencer par la déclaration liminaire de M. Juneau de cinq minutes.
    Je demanderais à tous les témoins de me regarder de temps en temps. Je vais vous avertir lorsque votre période de cinq minutes sera écoulée.
    Monsieur Juneau, vous avez la parole.
    Je vous remercie de me donner la chance de m'adresser à vous aujourd'hui.
    D'entrée de jeu, je tiens à préciser que je ne suis pas un expert des sanctions au sens technique du terme, mais je vais vous faire part de six leçons que j'ai tirées de ce que j'ai pu observer dans la foulée des sanctions imposées à l'Iran par le Canada, les États-Unis et les alliés pendant plus de 15 ans, d'abord au ministère de la Défense nationale et maintenant à l'Université d'Ottawa.
     La première leçon est que les sanctions sont faciles à annoncer, mais difficiles à mettre en œuvre. Je vois qu'il s'agit d'une question qui a déjà été abordée. Le suivi et l'application des sanctions demandent beaucoup de travail, et le Canada a la réputation auprès de ses amis, mais aussi auprès de ses rivaux, de ne pas bien appliquer les sanctions. Cela s'explique en partie par un manque de ressources, mais aussi par un manque de volonté politique.
     Si, dans de nombreux cas, je suis d'accord avec le gouvernement ou les partis d'opposition pour imposer davantage de sanctions à l'Iran, à la Russie ou à d'autres pays, que ce soit en ayant recours à la Loi sur les mesures économiques spéciales, la loi de Magnitski ou d'autres outils, j'invite le Comité à réfléchir à la réalité, à savoir que nous ne pouvons déjà pas respecter nos engagements actuels, sans parler des nouveaux engagements. Cela irrite nos alliés, un point que, selon moi, nous sous-estimons grandement, et cela envoie un message aux mauvais acteurs que nous ne sommes pas sérieux dans notre volonté de les pénaliser. C'est un message qu'ils entendent haut et fort.
    Le fait est que nous avons besoin de ressources. Il n'y a pas d'autre solution. Les 76 millions de dollars annoncés l'automne dernier dans le cadre du train de sanctions contre l'Iran constituent un premier pas positif, mais il faut garder à l'esprit qu'il faut des années pour créer les capacités nécessaires. Il faut embaucher des gens, leur donner des habilitations de sécurité dans un contexte où nous avons déjà d'énormes arriérés, les former à des postes hautement spécialisés, etc.
     La deuxième leçon est qu'il est facile d'annoncer des sanctions, mais qu'il est difficile d'y mettre fin. Elles prennent une vie propre sur le plan bureaucratique, politique, juridique et social. Parfois, le jour vient où le coût pour nous — pas pour la cible, mais pour nous — dépasse les avantages, mais il peut être très difficile de lever les sanctions. C'est pourquoi, lorsque vous réfléchissez à l'avenir des sanctions, je vous invite également à réfléchir aux processus permettant de les lever, lorsque cela est dans notre intérêt, afin d'éviter de lier les mains des futurs gouvernements, même si cela peut parfois être tentant.
     La troisième leçon est que les sanctions, en particulier celles qui sont d'une vaste portée, ont souvent des conséquences négatives imprévues. En particulier, comme dans le cas de l'Iran, elles peuvent renforcer l'autoritarisme et la corruption. En Iran, le Corps des Gardiens de la révolution islamique a été en mesure de construire un empire économique massif et donc de devenir plus puissant dans le cadre des efforts déployés par le régime pour échapper aux sanctions. Ainsi, oui, comme prévu, les sanctions ont nui au régime, mais elles ont également eu un coût important. À tout le moins, nous devons y réfléchir de manière plus transparente lorsque nous concevons des sanctions.
    La quatrième leçon est que, pour ces trois premières raisons, je trouve que, dans de nombreux cas, les sanctions ciblées peuvent être beaucoup plus efficaces que les sanctions d'une vaste portée. Elles nécessitent moins de ressources — gardez à l'esprit le point numéro un concernant nos capacités surchargées — et ont des répercussions plus chirurgicales — gardez à l'esprit le point numéro deux concernant les répercussions inefficaces qu'elles peuvent avoir. Elles peuvent minimiser les vastes coûts négatifs imprévus, y compris les souffrances humaines. C'est pourquoi, dans le cas de l'Iran, l'idée d'inscrire le Corps des Gardiens de la révolution islamique sur la liste des entités terroristes prévue dans le Code criminel — une idée que soutiennent un certain nombre de membres de l'opposition et de la société civile — est séduisante en principe, et c'est une idée avec laquelle je ne suis pas en désaccord en théorie, mais elle n'est pas pratique, pour les trois premières raisons que je viens d'évoquer.
     La leçon numéro cinq est que le discours public sur les sanctions au Canada a tendance à se concentrer sur l'angle de la politique étrangère. D'une certaine manière, c'est normal, et c'est l'objet de votre travail, mais en général, les sanctions canadiennes n'ont que peu ou pas d'incidence directe sur la politique étrangère. C'est plutôt du côté de la sécurité nationale que les sanctions servent davantage nos intérêts et peuvent avoir des résultats positifs pour nous. Encore une fois, dans le cas de l'Iran, nous n'allons pas changer la politique étrangère iranienne avec nos sanctions. Là où nous pouvons faire la différence, c'est dans le cas des responsables du régime iranien et de leurs familles, par exemple, qui mettent des actifs financiers à l'abri au Canada, ou des responsables du régime iranien et des voyous affiliés qui intimident la diaspora irano-canadienne. C'est un problème, mais c'est un problème de sécurité nationale, pas un problème de politique étrangère. Là encore, des sanctions ciblées, et non de vaste portée, peuvent avoir une chance de succès, un succès total, probablement pas, mais un certain succès, oui.
    Mon dernier point, et je terminerai là‑dessus, est un plaidoyer pour plus de transparence, ce dont j'ai aussi un peu entendu parler lors de la séance précédente. Il s'agit de la transparence concernant les objectifs des sanctions, « Qu'essayons-nous réellement d'accomplir? », mais aussi leurs succès et leurs échecs, « Que font-elles? » Il y a très peu d'informations accessibles au public au Canada sur ces questions, et c'est un problème. Ce manque de transparence empêche un débat public plus éclairé, ce qui est un problème en soi, et il rend également plus difficile le travail de la société civile, des médias et des universités qui tentent de demander des comptes au gouvernement sur ce que les sanctions accomplissent et n'accomplissent pas.
(1215)
    Je vous remercie.
(1220)
    Je vous remercie, monsieur Juneau.
    Nous passons maintenant au Comité international de la Croix-Rouge et à la Croix-Rouge canadienne.
    Vous disposez de cinq minutes pour nous présenter votre déclaration liminaire.
    Je remercie le Comité d'avoir invité le Comité international de la Croix-Rouge, le CICR, à lui faire part de son point de vue et de son expérience concernant la relation entre les sanctions et l'action humanitaire.
     Le CICR fait partie du mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, qui comprend le CICR, la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge et des sociétés nationales comme la Croix-Rouge canadienne. Le CICR et la Croix-Rouge canadienne ont tous deux soumis des observations écrites au Comité pour qu'il les étudie.
     Comme il a été mentionné, mes collègues Austin Shangraw et Catherine Gribbin de la Croix-Rouge canadienne m'accompagnent aujourd'hui. Nous sommes heureux d'avoir l'occasion de témoigner devant vous pour représenter le mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.
     En tant qu'organisation humanitaire neutre, indépendante et impartiale, le CICR mène des activités humanitaires dans le monde entier pour joindre les populations vulnérables touchées par les conflits armés et d'autres situations de violence, y compris dans des contextes où des sanctions s'appliquent.
     Au cours des dernières années, le CICR a constaté une augmentation des sanctions et des réglementations liées à la lutte contre le terrorisme dans les contextes où il opère. Si nous ne remettons pas en cause la légitimité des États et des organisations internationales à recourir à de telles mesures, nous estimons qu'elles doivent être assorties de garde-fous afin de réduire au minimum toute incidence négative sur la capacité des organisations humanitaires impartiales à répondre aux besoins des personnes touchées par les conflits armés et d'autres situations de violence, conformément aux principes humanitaires.
    Le CICR discute avec les États aux niveaux national, régional et multilatéral afin de veiller à ce que les sanctions soient élaborées conformément aux obligations qui leur incombent en vertu du droit international humanitaire et d'une manière qui n'entrave pas l'action humanitaire fondée sur des principes. Le CICR estime que des exemptions humanitaires bien définies et permanentes pour des activités exclusivement humanitaires menées par des organisations humanitaires impartiales conformément au droit international, y compris le droit international humanitaire, constituent le meilleur moyen de respecter le droit international et de faciliter les activités humanitaires sans compromettre les objectifs des régimes de sanctions.
    L'adoption, à la fin de l'année dernière, de l'exemption permanente des activités humanitaires de tous les régimes de sanctions des Nations unies prévue dans la résolution 2664 du Conseil de sécurité des Nations unies démontre l'acceptation de cette approche pour faciliter les activités humanitaires. Depuis son adoption, le CICR exhorte tous les États à mettre pleinement en œuvre la résolution 2664 du Conseil de sécurité des Nations unies et à adopter les mesures nationales appropriées pour lui donner un plein effet juridique. Le CICR se félicite de la mise en œuvre par le Canada, il y a quelques mois, des exemptions humanitaires prévues par la résolution 2664, ainsi que de l'exemption humanitaire prévue par la résolution 2615 du Conseil de sécurité des Nations unies dans le cadre des sanctions prévues par la Loi sur les Nations unies.
     Les sanctions peuvent avoir des répercussions diverses sur les organisations humanitaires, ce qui entraîne souvent des retards opérationnels ou restreint les activités humanitaires. Le CICR a été aux prises avec les répercussions suivantes.
    La première est le fait que le secteur privé cherche à atténuer les risques et tend à se surconformer. Les organisations humanitaires s'appuient sur des acteurs du secteur privé, tels que les fournisseurs et les institutions financières, pour mener à bien leurs activités humanitaires. Cependant, les acteurs du secteur privé hésitent de plus en plus à soutenir les activités humanitaires dans certains contextes en raison des risques de sanctions, en particulier dans les contextes où les régimes de sanctions se chevauchent. Même lorsqu'il existe des exemptions humanitaires aux sanctions en place, de nombreux acteurs du secteur privé [difficultés techniques].
    La deuxième est la réduction du nombre de fournisseurs. Le CICR a constaté que le nombre de fournisseurs disposés à soutenir des activités humanitaires dans des contextes perçus comme présentant un risque élevé de sanctions diminuait. Pour éviter les risques, les fournisseurs refusent donc de travailler dans certains contextes.
     La troisième est le fait que l'augmentation des risques entrave l'action et le financement humanitaires impartiaux. Les organisations humanitaires impartiales doivent discuter avec des entités gouvernementales et des groupes armés non étatiques pour négocier l'accès et mener à bien leur travail d'aide là où sont les besoins. Lorsque ces entités font l'objet de sanctions, les risques sont accrus, qu'ils soient juridiques, opérationnels ou liés au devoir de diligence du personnel. Le personnel humanitaire risque également d'être poursuivi pour avoir mené des activités humanitaires. De plus, les risques accrus peuvent également limiter la capacité des donateurs à financer des organisations humanitaires impartiales dans certains contextes.
    Le CICR a formulé diverses recommandations pour atténuer les répercussions des sanctions sur l'action humanitaire et remédier aux problèmes que j'ai soulignés. Mes collègues et moi-même sommes impatients d'en discuter plus en détail lors de la période des questions. Les exemptions humanitaires sont efficaces lorsqu'elles sont claires et sûres pour les organisations humanitaires, les acteurs du secteur privé, les fournisseurs, les banques et les donateurs qui souhaitent soutenir l'action humanitaire.
    Je vous remercie sincèrement. Nous répondrons avec plaisir à vos questions.
(1225)
    Je vous remercie, monsieur Dondainaz.
    Nous allons maintenant entendre notre dernier témoin, qui représente l'organisme People for Equality and Relief in Lanka, ou PEARL.
    Soyez la bienvenue, madame Ravichandradeva. Vous disposez de cinq minutes pour faire votre déclaration préliminaire.
    Chers membres du Comité, je vous remercie de me donner l'occasion d'aborder la question des sanctions au Sri Lanka en particulier. Je voudrais tout d'abord exprimer la gratitude de PEARL pour le soutien et l'engagement constants du Canada en faveur des droits de la personne et de la justice, ainsi que pour le leadership continu dont il fait preuve dans le cadre de la lutte pour la responsabilisation au Sri Lanka.
    Je m'appelle Archana Ravichandradeva, et je suis directrice générale de People for Equality and Relief in Lanka, ou PEARL. Notre organisation sans but lucratif est dirigée par des militants des droits de la personne préoccupés par la situation au Sri Lanka. Nous combinons la recherche, la défense des droits et le militantisme pour promouvoir et protéger les droits de la personne du peuple tamoul dans le Nord-Est de l'île.
    Malgré les preuves accablantes des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité et du génocide du peuple tamoul commis par le gouvernement sri-lankais, en particulier au cours des dernières étapes du conflit armé qui a duré 26 ans, le Sri Lanka n'a toujours pas rendu justice ni rendu compte de ses actes. Aujourd'hui, la situation des droits de la personne au Sri Lanka continue de se dégrader. Le nationalisme cinghalais bouddhiste, que nous considérons comme l'une des causes profondes du conflit, continue d'entraîner l'adoption de politiques irrationnelles qui portent préjudice à la communauté tamoule. Les problèmes de militarisation restent importants dans les régions tamoules du Nord-Est, et les politiciens, les militants et les membres de la société civile tamouls qui plaident pour la justice et la responsabilisation continuent de subir des contraintes importantes dans leurs activités de défense des droits.
    Les quelques mécanismes nationaux dont dispose le Sri Lanka — par exemple, le Bureau des personnes disparues est souvent considéré comme l'un de ses mécanismes phares — manquent d'indépendance et d'impartialité et ont perdu la confiance des victimes ou des survivants. C'est dans ce contexte que les mesures internationales telles que les sanctions peuvent avoir une incidence importante, en particulier sur les mauvais acteurs qui continuent d'occuper des postes de pouvoir et d'autorité profondément ancrés au sein du gouvernement sri-lankais.
    Le Canada a défendu avec vigueur la communauté tamoule en reconnaissant, par exemple, le génocide tamoul l'année dernière. Les sanctions canadiennes mises en œuvre en janvier 2023 à l'encontre de l'ancien président Gotabaya Rajapaksa, de l'ancien premier ministre Mahinda Rajapaksa, du sergent-chef Sunil Ratnayake et du lieutenant-commandant Chandana Prasad Hettiarachchi sont parmi les rares, sinon les seules, mesures de responsabilisation individuelle à l'encontre de dirigeants sri-lankais, ce qui revêt une importance symbolique dans le cadre d'une guerre qui était censée demeurée sans témoins. Les sanctions sont les seules mesures internationales de responsabilisation individuelle à l'encontre des frères Rajapaksa en particulier, qui ont orchestré la violence. De nombreuses victimes ou survivants avec lesquels PEARL communique au Sri Lanka mentionnent presque régulièrement les sanctions comme l'un des rares développements positifs dans un tableau de responsabilisation qui semble souvent sombre et impossible.
    Cependant, nous devons reconnaître que les sanctions actuelles ne sont qu'un point de départ et qu'il est essentiel d'étendre la liste des personnes et des entités soumises à des sanctions, y compris des sanctions de style « loi de Magnitski », imposées aux responsables des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité, des génocides et des autres violations des droits de la personne commises pendant le conflit armé. Nous devons également reconnaître que les sanctions ne sont pas une panacée et qu'elles risquent d'être inefficaces en l'absence d'autres mesures. PEARL exhorte le gouvernement du Canada à soutenir ses sanctions par son engagement dans d'autres domaines, comme les efforts déployés en matière de justice internationale par le biais de la compétence universelle, des tribunaux internationaux, etc., en vue d'élaborer une approche multilatérale en matière de justice.
    J'aimerais également parler brièvement du processus par lequel PEARL participe à la défense des droits au Canada et de la manière dont le système peut être amélioré pour d'autres organisations de défense des droits en ce qui concerne les sanctions. Nous avons commencé à prendre contact avec des représentants et à organiser des réunions avec Affaires mondiales Canada plusieurs années avant que les sanctions ne soient confirmées — comme un grand nombre d'autres organisations tamoules. Par exemple, il y a souvent un manque de clarté quant à savoir si nous devons axer notre plaidoyer sur des sanctions imposées en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales ou en vertu de la loi de Magnitski, quant à savoir si notre plaidoyer auprès d'Affaires mondiales a été disséminé à d'autres ministères, y compris le ministère de la Justice, par exemple; et quant aux types de renseignements qui doivent être réunis et communiqués par les organisations de défense des droits afin de soutenir les efforts.
    Il est également nécessaire de mieux comprendre la différence entre le régime de sanctions, d'une part, et la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés , la LIPR, d'autre part, qui est dotée de ses propres mécanismes internes visant à empêcher les personnes accusées de violations des droits de la personne d'entrer au Canada. Au cours de nos activités de plaidoyer, nous avons parfois manqué d'information sur l'incidence que ces sanctions auraient après leur mise en œuvre.
(1230)
    Je voudrais prendre un peu de temps pour parler de l'importance, du point de vue d'une organisation de défense des droits, de faire preuve d'une plus grande cohésion et d'une plus grande uniformité en ce qui concerne l'application du régime de sanctions existant et la manière de travailler ensemble, en fournissant plus de directives et un cadre politique. Je pense qu'un témoin précédent a parlé d'informations politiques à l'intention des organisations et des militants sur la façon de plaider pour des sanctions et de rendre leur mise en oeuvre plus efficace après leur proclamation initiale.
    Merci, monsieur le président. Merci, chers membres du Comité. C'est avec plaisir que je répondrai à toutes vos questions à ce sujet.
    Je vous remercie.
    Nous allons maintenant entendre les députés. Pendant la première série de questions, j'accorderai quatre minutes à chaque député.
    Nous allons commencer par donner la parole au député Epp.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leurs excellents témoignages.
    Je vais commencer par interroger M. Juneau.Votre témoignage a décrit un certain nombre de recommandations très précises. Je vous en suis reconnaissant.
    Je vais en venir à une question primordiale. Nous avons entendu le groupe d'experts précédent, et vous aussi, réclamer davantage de ressources. C'est compréhensible. Je dois admettre que j'hésite quelque peu à me joindre à cet appel tant que je n'aurai pas la certitude qu'il existe une responsabilisation et une coordination adéquates au sein de notre propre gouvernement en ce qui concerne l'efficacité d'un régime de sanctions.
    Ma question fondamentale est la suivante: qui est responsable en dernier ressort? Nous entendons des gens réclamer que l'ASFC ou Affaires mondiales s'en charge, par l'intermédiaire de leurs différents canaux, ou qu'une organisation semblable au bureau du contrôle des avoirs étrangers — Office of Foreign Assets Control — soit créée au sein de l'ARC. Qui est responsable de l'efficacité globale de notre régime de sanctions en dernier ressort? J'entends parler de « volonté politique »; vous avez mentionné que celle‑ci fait également défaut. Pour que cette responsabilisation se réalise, à qui devons-nous nous adresser?
    C'est une très bonne question. Je pense qu'elle aborde de nombreux points que d'autres intervenants et moi-même avons mentionnés aujourd'hui, ainsi que ce que j'ai entendu au cours de la séance précédente.
    Je pense que cet enjeu est lié notamment à la question de la transparence, car il est en fait un peu difficile de répondre à votre question de manière précise en se fondant sur les informations publiques. Il y a beaucoup de choses que le public ne connaît pas et qui nous empêchent de fournir une réponse précise. Pour répondre à votre question, je dirais tout d'abord que je serais tout aussi curieux que vous d'entendre un représentant du gouvernement répondre à cette question. Je ne saurais pas comment y répondre entièrement.
    Le deuxième point que je voudrais mentionner concerne précisément le rôle d'AMC. Ce point se rapporte également à de nombreuses autres questions. J'accueillerais favorablement l'idée qu'Affaires mondiales Canada joue officiellement un rôle plus important dans la coordination des sanctions. Le bureau du contrôle des avoirs étrangers — Office of Foreign Assets Control — que vous avez mentionné est un modèle possible, mais le système américain est très différent du nôtre, non seulement en raison de sa taille, mais aussi parce que le système gouvernemental des États-Unis est différent. L'analogie n'est pas complète. Les gens continuent de penser que le bureau américain du contrôle des avoirs étrangers joue un rôle de coordination très fort qu'AMC ne peut pas jouer en raison des cloisonnements qui existent au sein de notre système et des difficultés à échanger des renseignements avec l'ASFC, la GRC et d'autres organismes qui participent au contrôle et à l'application des sanctions.
    Je pense qu'une partie de la réponse consisterait à donner à AMC davantage d'outils pour que le ministère puisse faire exactement ce que vous avez suggéré.
    Par ailleurs, les États-Unis ont réagi au 11 septembre en créant le département de la Sécurité intérieure. Si je peux reprendre les propos que j'ai entendus, vous dites qu'il faut faire en sorte que le rôle d'AMC ressemble un peu plus à celui que joue le département de la Sécurité intérieure auprès de l'ensemble des organismes. Vous ai‑je bien compris?
    Eh bien, l'analogie relative à la sécurité intérieure est un peu différente.
(1235)
    C'est une situation différente, mais c'est le modèle que je recherche.
    Le modèle, d'une certaine manière... En ce qui concerne l'enveloppe de 76 millions de dollars annoncée à l'automne dernier, à laquelle j'ai fait allusion, le public sait très peu de choses concernant la manière dont cet argent sera dépensé. Cela dit, quelques bribes d'information ont été recueillies relativement à la création d'un bureau responsable des sanctions au sein d'AMC. Le terme « bureau » laisse entendre qu'il occupera une certaine position bureaucratique au sein du ministère. Je pense que c'est un premier pas dans la bonne direction.
    Je ne sais pas exactement quel pouvoir de coordination, de rassemblement, d'intimidation et de persuasion il aura pour contraindre les ministères à échanger des renseignements et à travailler ensemble, mais j'espère que ce pouvoir sera plus important qu'il l'est en ce moment.
    Je n'aurai pas le temps d'aborder les conséquences imprévues. Je laisse à d'autres la tâche de soulever cette question.
    Vous avez également mentionné la levée des sanctions. Une entité responsable des sanctions qui est plus centralisée ou plus puissante pourrait-elle également contribuer à l'éventuelle levée des sanctions une fois que leur coût a dépassé leurs avantages?
    Oui, elle le ferait, peut-être.
     Il vous reste huit secondes.
     Je vais les céder au Comité, monsieur le président.
    Merci, monsieur Epp.
    Nous allons maintenant donner la parole à M. Oliphant.
    Vous disposez de quatre minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins de leurs observations. Elles nous sont toutes d'une grande utilité.
    Je vais également orienter légèrement mes questions vers le professeur Juneau.
    J'ai envie de passer trois heures avec vous. J'ai lu le témoignage que vous avez apporté devant le comité sénatorial qui étudiait la même question il y a quelques mois, et vous y avez fait écho une fois de plus aujourd'hui. J'ai deux questions à vous poser.
    La première concerne le pouvoir des sanctions ou la possibilité que les sanctions renforcent le pouvoir autoritaire. Je voudrais que vous approfondissiez un peu cette question pour m'aider à comprendre ce que vous voulez vraiment dire. Vous avez cité l'exemple de la façon dont nous avons sanctionné le Corps des Gardiens de la révolution islamique, ou le CGRI. Nous avons inscrit la Brigade al-Qods sur la liste. Comment cela...? Je crois que cela est également lié à la diffusion de sanctions non ciblées et de personnes ciblées. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet? En fait, je vais vous laisser le temps de le faire pour moi.
    D'accord. C'est une bonne question.
    Il existe une abondante documentation sur les conséquences prévues et imprévues des sanctions, les conséquences prévues étant d'affaiblir l'adversaire et, espérons‑le, de modifier son comportement. Dans de nombreux cas, le comportement ne change pas, mais au moins vous l'affaiblissez en l'étranglant commercialement, financièrement, politiquement, militairement, etc. C'est vrai, et dans le cas de l'Iran, de la Russie et d'autres pays, c'est un aspect important.
    Il existe également une abondante documentation sur les conséquences imprévues des sanctions. Il y a d'une part l'aspect humanitaire, qui a été abordé précédemment. Je vais mettre cet aspect de côté. Il est très important, mais ce n'est pas mon domaine de compétence. L'autre aspect est d'ordre économique. Ce que l'Iran a fait au fil des ans, c'est développer une grande habileté à échapper aux sanctions.
    D'ailleurs, l'une des conséquences les plus intéressantes, mais les moins bien comprises de ce phénomène, c'est la mise en commun des enseignements tirés par les États autoritaires sur la manière de mieux échapper aux sanctions — par exemple, l'Iran et la Corée du Nord le font, et maintenant la Russie, depuis la guerre en Ukraine. Ces États échangent de nombreux enseignements sur la manière d'échapper aux sanctions. C'est un gros problème, et je ne sais pas ce que nous pouvons faire pour y remédier.
    Le CGRI a construit un empire économique clandestin qui lui permet de contrôler le commerce illégal — de notre point de vue — de produits sanctionnés avec des pays d'Asie. Un grand nombre de ces produits passent par Dubaï. Cela a rendu le CGRI extrêmement riche économiquement — non seulement chacun de ses commandants, mais aussi l'organisation elle-même — et donc beaucoup plus puissant dans le pays, sur le plan politique.
    Pour être clair, la montée en puissance du CGRI en Iran n'est pas uniquement due aux sanctions. D'autres raisons expliquent aussi cette montée. Cela dit, une conséquence imprévue des sanctions contre l'Iran a sans aucun doute été de renforcer le CGRI. Il y a là une tension que nous n'avons pas encore trouvé de façon de résoudre. Nous voulons sanctionner le...
    Dans quelle mesure ce problème est‑il contextuel? Le fait est que nous avons ce problème en Iran, mais ce n'est peut-être pas le cas dans un autre pays, et je pense que nous devons donc faire preuve de beaucoup d'agilité à cet égard.
    C'est une excellente question. J'hésite à discuter d'autres cas que celui de l'Iran, car cela dépasse mes compétences. Toutefois, je dirais que des experts d'autres pays ont discuté de dynamiques similaires.
    D'accord. Très bien.
    En ce qui concerne les réussites et les échecs des sanctions, si les répercussions en matière de sécurité nationale sont plus importantes que celles en matière de politique étrangère, comment peut‑on mesurer leur réussite ou leur échec à ces égards?
    Vous voulez parler de la politique étrangère ou de la sécurité nationale?
    Des deux.
    Du côté de la politique étrangère, c'est aussi un débat qui fait rage depuis longtemps dans les cercles universitaires: comment peut‑on mesurer le succès des sanctions? La difficulté de répondre à cette question tient en partie au fait que, dans de nombreux cas, l'objectif déclaré des sanctions n'est pas le même que l'objectif de facto. Dans bon nombre de cas — dont Cuba, l'Iran ou même la Russie —, l'objectif déclaré est de modifier le comportement du régime, ce qui ne se produira pas. L'objectif de facto devient l'affaiblissement de l'adversaire, parce qu'il ne changera pas de comportement. Cela peut être mesuré, mais il est très difficile de le faire.
    Dans le cas de l'Iran, l'un des débats sans fin est le suivant. L'économie iranienne connaît de nombreuses difficultés: une croissance économique négative, une inflation à deux chiffres et un taux de chômage très élevé. Quelle part de ces résultats découle des sanctions, et quelle part découle de la mauvaise gestion? Il est très difficile de le dire.
(1240)
    C'est la fin de mon temps de parole.
    Si vous pouviez nous faire parvenir des articles pertinents — mais pas un trop grand nombre —, cela nous aiderait.
    Je vous remercie, monsieur Oliphant.
    Nous allons maintenant donner la parole à M. Bergeron.
    Vous disposez de quatre minutes, monsieur Bergeron.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    À notre comité, nous avons tellement peu souvent l'occasion d'entendre la langue de Molière, monsieur Juneau, que j'aurais vraiment aimé vous entendre vous adresser à nous en français, ou à tout le moins vous entendre prononcer quelques mots en français. Cela dit, je reconnais volontiers votre droit le plus complet d'utiliser la langue officielle de votre choix.
    En répondant à une question de mon collègue M. Epp, vous avez évoqué le bureau qu'Affaires mondiales Canada devait créer. En fait, cette annonce date d'il y a près d'un an, plus précisément d'octobre dernier. Ne trouvez-vous pas étrange, voire symptomatique, que, presque un an plus tard, nous n'ayons toujours pas de détails entourant la création de ce fameux bureau des sanctions au ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement?
    Oui, absolument. C'est pourquoi le dernier point que j'ai soulevé en concluant mes remarques était une demande pour une plus grande transparence en matière de sanctions. C'est un problème. Comme vous l'avez dit, il y a très peu d'information sur la façon dont ces 76 millions de dollars seront dépensés. On ne sait pas quel sera le mandat du bureau, s'il aura des pouvoirs supplémentaires ni quels seront ses objectifs, par exemple.
    Soit dit en passant, l'absence de transparence est un problème de façon générale en matière de politique étrangère, de défense et de sécurité nationale. Ce n'est pas seulement un problème pour les universitaires qui aimeraient avoir plus d'information pour écrire leurs papiers. C'est un problème pour la reddition de comptes. Un manque d'information rend le travail de la société civile et des médias beaucoup plus difficile pour ce qui est de demander des comptes au gouvernement. En ce moment, on peut très difficilement le faire.
    D'ailleurs, selon une suggestion faite par le Centre Raoul Wallenberg pour les droits de la personne dans son mémoire présenté à ce comité, les lois canadiennes sur les sanctions devraient consacrer le rôle de supervision essentiel du public et du Parlement.
    Je comprends de vos propos que vous estimez que ce serait probablement une chose souhaitable, mais, selon vous, de quelle façon la société civile et les parlementaires pourraient-ils mieux superviser l'application du régime de sanctions et, par ailleurs, prendre part au processus de désignation des sanctions et d'examen de leur efficacité une fois celles-ci mises en place?
    Ce sont vraiment d'excellentes questions. Je suis content que vous les posiez.
    Premièrement, un des rôles de la société civile, du Parlement — je pourrais très bien l'inclure dans la liste aussi —, des médias, des universitaires ainsi que du secteur privé est de demander des comptes au gouvernement, et c'est tout simplement difficile à faire quand on a très peu d'information sur ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. On a accès aux listes des entités et des individus sanctionnés, mais c'est à peu près tout. On n'a pas tellement plus d'information même sur les objectifs de base et le rôle du bureau. Alors, le problème en matière de reddition de comptes est majeur. Il dépasse largement la question des sanctions; cela, nous pourrions en parler longtemps aussi.
    En ce qui concerne la désignation des sanctions, j'hésite un peu à m'avancer sur ce sujet, parce qu'on entre dans un aspect plus technique qui est hors de mon domaine d'expertise. Je dirais toutefois que, de façon générale, le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement, le gouvernement et la communauté de la sécurité nationale n'ont pas une tradition solide pour ce qui est de mettre à contribution le monde extérieur, soit la société civile et les autres, de consulter et d'écouter les gens et d'aller chercher des idées, que ce soit pour la désignation de sanctions ou d'autres aspects en général. Ce n'est tout simplement pas quelque chose qu'on fait bien ici, à Ottawa.
    J'aimerais revenir sur la question de l'efficacité.
    Devant le comité sénatorial, vous avez mentionné qu'il y avait lieu de se demander si les sanctions avaient incité l'Iran à négocier le plan d'action global commun de 2015.
    Ma question est fort simple: pour répondre à cette question fondamentale que vous avez posée, peut-on tirer des conclusions de l'attitude de l'Iran à la suite du retrait des États‑Unis du plan d'action global commun en 2018 et du rétablissement des sanctions par les États‑Unis?
    C'est compliqué de répondre à cela rapidement.
(1245)
    Cela tombe plus dans votre champ d'expertise, n'est-ce pas?
    Oui, oui.
    Il n'y a aucun doute que les sanctions ont fait très mal à l'Iran, malgré les bénéfices pour les gardiens de la révolution, dont nous avons parlé dans le contexte de la question précédente. Selon moi, il n'y a aucun doute que cela a poussé l'Iran vers les négociations.
    Le problème, c'est qu'aujourd'hui la situation a changé. L'Iran a réussi à développer ce qu'il appelle une économie de résistance qui lui permet d'éviter les sanctions. L'Iran fait du commerce avec des pays asiatiques, non seulement avec la Chine, mais aussi avec des demi-alliés comme la Malaisie, par exemple. L'Iran a beaucoup diversifié son commerce et est beaucoup plus résistant aux sanctions qu'il ne l'était par le passé. Cela limite l'efficacité de celles-ci.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

     Je vous remercie.
    Nous allons maintenant donner la parole à Mme McPherson pendant quatre minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens également à remercier tous nos témoins.
    Monsieur Juneau, mes collègues vous ont posé de nombreuses questions, et j'aimerais revenir sur certaines de vos déclarations à propos du manque de ressources du Canada, et de l'absence de transparence. En fait, j'ai demandé que des questions soient inscrites au Feuilleton, et j'ai invoqué le Règlement parce qu'il m'est impossible d'obtenir des renseignements, à titre de parlementaire, sur le régime de sanctions du Canada. Je suis bien sûr terrifiée de vous entendre affirmer aussi clairement que non seulement nos alliés sont déçus par la manière dont le Canada applique ses sanctions, mais aussi que les individus et les entités sanctionnés ne sont pas affectés.
    J'aimerais à présent poser quelques questions à nos collègues qui travaillent pour la Croix-Rouge canadienne et pour le Comité international de la Croix-Rouge.
    Dans la mesure du possible, pourriez-vous nous fournir un peu plus de renseignements sur la façon dont les sanctions canadiennes affectent l'accès à l'aide humanitaire en Syrie? Nous avons été témoins d'appels à la levée des sanctions dans le but de permettre à un plus grand nombre de Syriens de bénéficier d'une assistance vitale, mais un malaise persiste, étant donné que nous savons que le régime d'Al‑Assad continue de perpétrer des crimes contre son propre peuple.
    Comment parvenir à concilier nos obligations en matière de sanctions et nos obligations en vertu du droit humanitaire international?
    Mon collègue, M. Dondainaz, va prendre le relais sur cette question.
    Merci beaucoup pour la question.
    La situation en Syrie est particulièrement complexe. Il est très difficile de pouvoir mener nos activités dans ce pays, et ce, sans compter le régime de sanctions auquel il est soumis. Par ailleurs, le tremblement de terre qui a eu lieu dans la région vient complexifier notre travail déjà difficile.
    Je vais laisser à mon collègue, M. Shangraw, répondre à ces questions. Mme Gribbin pourra également vous faire part des implications auxquelles la Croix-Rouge canadienne est confrontée par rapport au tremblement de terre qui s'est produit en Syrie.
    La parole est à vous, monsieur Shangraw, puis nous poursuivrons à partir de là.
    Je vous remercie.
    Pour poursuivre dans la même veine que M. Dondainaz, je dirais que la Syrie représente un bon exemple des défis que pose l'atténuation des risques au sein du secteur privé, ainsi que des enjeux que nous avons mentionnés dans notre déclaration d'ouverture concernant les institutions financières, les fournisseurs et les entreprises de logistique dont nous dépendons pour mener à bien nos activités. En effet, en Syrie, les régimes de sanctions et de mesures antiterroristes de plusieurs pays se chevauchent, ce qui entraîne une grande confusion quant à ce qui est autorisé et ce qui ne l'est pas, de même que par rapport aux exceptions humanitaires. Nous constatons que cette situation entraîne des délais pour les organismes humanitaires tels que le CICR, qui ne peuvent plus se procurer à temps les articles dont ils ont désespérément besoin pour mener leurs activités ni faire parvenir les fonds nécessaires à leurs bureaux et sur le terrain.
    Ensuite, je rappelle que nous nous trouvons en Syrie dans un contexte dynamique de conflit prolongé pouvant déboucher sur diverses situations d'urgence. En ce qui concerne les exemptions humanitaires, nous devons veiller à ce qu'elles s'appliquent à l'ensemble des activités humanitaires pouvant avoir lieu dans ce type de situations d'urgence.
    Je vous remercie.
    Madame Gribbin, j'aimerais entendre votre avis concernant le projet de loi C‑41. Vous êtes consciente des réserves du Nouveau Parti démocratique par rapport au projet de loi C‑41, que je considère défaillant à titre personnel. Nous avons réussi à y inclure certaines exemptions humanitaires, mais cela reste particulièrement contraignant.
    Pourriez-vous également nous faire part de votre expérience par rapport à ce genre d'enjeux?
    Avec plaisir. Je vous remercie de la question.
    Je vais d'abord m'appuyer sur les propos de mon collègue, M. Shangraw. Nous avons remarqué les répercussions des sanctions sur les personnes mêmes que nous cherchons à protéger... Il s'agit avant tout des populations civiles, des groupes désignés, des individus désignés et des gouvernements eux-mêmes. Lorsqu'il est question d'exceptions pour des motifs humanitaires, il n'est pas du tout question d'interférer avec le régime de sanctions, mais bien d'aménager un espace dans lequel les organismes humanitaires pourront exercer leurs activités en temps opportun, exactement comme l'a dit M. Shangraw.
    Je vais vous donner un exemple. Certains de nos collègues ont participé à l'intervention humanitaire internationale en Syrie. Comme l'a rappelé M. Shangraw, il est particulièrement difficile de déterminer qui a besoin de quoi, et d'organiser les ressources en conséquence. Les organismes humanitaires ont donc dû prendre le temps de bien comprendre la complexité des régimes de sanctions mis en place par différents pays dans cette région du monde.
    Dans le cas d'une exemption pour...
(1250)
    Je vais devoir vous demander de conclure votre allocution, car nous avons dépassé de beaucoup le temps alloué.
    Je vous prie de m'excuser.
    Dans le cas d'une exemption pour l'aide humanitaire, notre rôle se retrouve défini de manière claire, ce qui nous permet de centrer tous nos efforts là où ils comptent le plus.
    Je vous remercie.
    Merci beaucoup.
    Pour la deuxième série de questions, les deux premiers députés disposeront de trois minutes, et les deux députés suivants d'une minute et demie.
    Nous allons commencer par M. Hoback.
    Monsieur Hoback, vous disposez de trois minutes.
    Monsieur Juneau, une chose m'intrigue. Vous avez parlé de la réputation du Canada sur la scène internationale en raison de notre incapacité à appliquer des sanctions. Existe‑t‑il un moyen de simplifier notre régime de sanctions de manière à ce qu'il soit plus facile à imposer? Quels genres de mesures devrions-nous envisager pour simplifier le processus dans son ensemble?
    Je vous remercie.
    Nous devons d'abord faire la distinction entre les sanctions de type générales et les sanctions ciblées. Les sanctions générales sont des mesures qui visent un pays, une économie ou un gouvernement dans son ensemble. Par contraste, les sanctions ciblées visent des individus ou des entités prises individuellement, selon une liste.
    En règle générale, et pour simplifier les choses, l'imposition d'un régime de sanctions générales exige un travail colossal. Le milieu du renseignement et de l'application de la loi, duquel font partie l'ASFC, le SCRS et la GRC, doit alors mobiliser d'énormes ressources pour être en mesure de surveiller un grand nombre d'individus et d'entités. Le Canada ne dispose simplement pas des ressources adéquates pour appliquer ce genre de sanctions, car même en temps normal, nous sommes déjà débordés.
    En règle générale, je suis très réticent à mettre en place des sanctions générales supplémentaires, même si je ne suis pas complètement fermé à cette idée. En revanche, je suis très favorable à l'imposition de sanctions de type ciblées.
     Madame Gribbin, dans cette optique, comment la Croix-Rouge canadienne gère‑t‑elle la mise en place de sanctions tant générales que ciblées dans un contexte où différents pays sont impliqués? Comment faites-vous la part des choses? Pouvez-vous effectuer des substitutions lorsqu'un pays vous signifie qu'il est interdit d'expédier tel ou tel type de matériel sur le terrain? Dans le cas où vous ne pouvez pas obtenir certaines ressources au Canada, faites-vous des démarches pour les obtenir aux États-Unis ou dans un autre pays?
    Il s'agit d'un enjeu intéressant. Je vais m'en remettre à mes collègues qui représentent le Comité international de la Croix-Rouge. Nous évoluons au sein d'une fédération et d'un mouvement à l'échelle mondiale. Nous nous efforçons toujours de collaborer avec nos partenaires à l'échelle nationale, et nous cherchons à respecter l'ensemble des lois s'appliquant à telle ou telle juridiction.
    Bien entendu, nous devons également respecter le droit canadien. Nous assurons la planification, le suivi, l'évaluation, la supervision et les vérifications nécessaires pour veiller à ce que nos programmes et nos états financiers se conforment au droit canadien.
    Comme je viens de le mentionner, la Syrie représente un exemple parfait de situation où des marchandises en provenance du monde entier doivent être livrées sur le terrain. Nous collaborons de près avec nos divers partenaires pour harmoniser toute cette logistique. Nous nous sommes dotés du personnel nécessaire, notamment des juristes, pour effectuer l'analyse dont vous parlez.
    Pensez-vous que l'aide alimentaire et médicale devrait éventuellement faire partie du régime de sanctions?
    Voulez-vous savoir si ce genre d'aide devrait être visé par l'exemption?
    Pensez-vous que ces mesures d'aide devraient toujours bénéficier d'une exemption et ne jamais être visées par des sanctions?
    À titre de conseillère juridique, je n'aime pas employer des termes comme « toujours » et « jamais », et je préfère l'expression « cela dépend ». Toutefois, en l'occurrence, oui, absolument. Les populations civiles qui nécessitent de l'aide alimentaire et médicale ne devraient jamais subir le poids de nos sanctions.
    Monsieur Juneau, êtes-vous d'accord sur ce point?
     Je suis d'accord sur le principe, mais encore une fois, tout se joue dans les détails.
    Prenez le Yémen par exemple. Les Houthis, les rebelles qui contrôlent le nord-ouest de ce pays, sont déjà parvenus à détourner à grande échelle des ressources humanitaires vers leurs propres troupes, ce qui soulève des questions très délicates.
    Nous passons maintenant à M. Zuberi.
    Monsieur Zuberi, vous disposez de trois minutes.

[Français]

    Merci d'être ici aujourd'hui, monsieur Juneau. J'ai trouvé votre témoignage tellement intéressant.

[Traduction]

    Je me suis penché sur votre travail au fil des ans, et je suis ravi de vous compter parmi nous aujourd'hui. Je vais vous laisser environ une minute pour ajouter de nouveaux éléments qui pourraient nous aider dans la rédaction de notre rapport.
    De nouveaux éléments...
    En effet, y a‑t‑il quelque chose d'autre que vous voulez ajouter? Vous n'êtes pas tenu de le faire.
    J'aimerais vous poser une question à propos des conséquences involontaires. Nous concentrons nos efforts sur la manière de susciter certains comportements de la part de tous les États, y compris l'Iran. Voilà pourquoi nous avons imposé un important régime de sanctions sous diverses formes, et nous souhaitons obtenir des résultats. Vous avez dit que surviennent parfois des conséquences involontaires, ce qui me semble très intéressant. On s'éloigne des titres accrocheurs, des slogans et des discours démagogiques, qui sont malheureusement aussi fréquents qu'inévitables au Parlement.
    Le Canada n'entretient plus aucune forme de relations diplomatiques avec l'Iran. Il fut un temps où nous nous permettions un certain degré d'échanges avec ce pays, et où nous avions une présence diplomatique en sol iranien. Loin de moi l'idée d'oublier les crimes que le gouvernement iranien commet contre son propre peuple, mais serait‑il possible selon vous de rétablir certains liens diplomatiques avec ce pays?
(1255)
    Au fil des ans, je me suis souvent exprimé en faveur de la réouverture des ambassades occidentales en Iran, et de la réouverture de l'ambassade iranienne au Canada. Si vous voulez mon avis, on doit ouvrir le dialogue avec les gouvernements problématiques; j'ai d'ailleurs beaucoup écrit à ce sujet.
    Je n'ai pas changé d'avis, du moins sur le plan théorique. La différence est que présentement, en 2023, cela ne se produira tout simplement pas dans la pratique. Il y avait pourtant une fenêtre qui s'ouvrait à nous après 2015. Le gouvernement canadien a tenté de renouer des liens avec l'Iran, mais n'y est pas parvenu, pour des raisons que nous pourrions aborder au cours d'une autre conversation. En résumé, nous sommes devant un fait accompli, et la reprise de liens diplomatiques entre le Canada et l'Iran ne se produira pas dans un avenir prévisible.
    J'ai posé cette question en ayant en tête l'intérêt du peuple iranien et de tous ceux et celles qui se battent pour la liberté, la justice et l'équité.
    Je vais céder mon temps de parole au prochain intervenant.
     Nous passons maintenant à M. Bergeron.
    Monsieur Bergeron, vous disposez d'une minute et demie.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    En juin dernier, le gouvernement du Canada a modifié 14 ensembles de règlements en vertu de la Loi sur les Nations Unies afin de prévoir une exemption pour l'aide humanitaire, conformément aux résolutions 2615 et 2664 du Conseil de sécurité de l'ONU. Le Comité international de la Croix‑Rouge a demandé au gouvernement du Canada d'uniformiser les exemptions humanitaires de tous ses régimes de sanctions.
    Au bénéfice des membres de notre comité, pouvez-vous nous dire en quoi consisterait l'uniformisation des exemptions dans tous les régimes de sanctions?

[Traduction]

    Je vous remercie d'avoir évoqué la résolution 2664 du Conseil de sécurité de l'ONU, que nous considérons comme une étape fondamentale à l'échelle mondiale. Comme vous l'avez mentionné, cette résolution a permis la création d'une dérogation humanitaire dans tous les régimes de sanction de l'ONU, et elle a également été mise en place au Canada par la suite en vertu de la Loi sur les Nations unies.
    Nous considérons qu'il s'agit d'une mesure très importante qui permettra de mettre de l'avant et de normaliser les exemptions pour motifs humanitaires. Cette résolution fournit toutes les précisions requises pour les organismes humanitaires et les intervenants du secteur privé, et va faciliter le travail qu'ils mènent au sein des zones touchées par les sanctions. Nous sommes d'avis que cette résolution représente un modèle très important qui pourrait inciter de nombreux pays à inclure ce type d'exclusions humanitaires à leurs régimes de sanctions.
    Nous allons passer à Mme McPherson pour la dernière question.
    Madame McPherson, vous disposez d'une minute et demie.
     Je souhaite m'attarder un peu plus sur l'enjeu de l'exclusion pour des motifs humanitaires. Je reconnais la nécessité de normaliser les dérogations humanitaires, dont il a été question récemment. De toute évidence, ce processus de normalisation n'a pas encore eu lieu au Canada, au moment où nous étudions le projet de loi C‑41.
    À ma connaissance, le Canada n'a fait parvenir aucune aide financière à l'Afghanistan à ce jour. La dérogation humanitaire en question a déjà été mise en place, mais elle est trop onéreuse et difficile à gérer.
    J'aimerais comprendre quelle a été l'expérience de la Croix-Rouge canadienne jusqu'à présent par rapport à ce processus, et ce que le Canada aurait dû faire différemment. Sachant que le projet de loi prévoit la mise en place d'un examen annuel, quels sont les renseignements que le gouvernement doit tirer pour améliorer les prochains projets de loi?
    Je peux vous aider à tirer les conclusions qui s'imposent. D'abord, je peux confirmer que la Croix-Rouge canadienne a été invitée à participer au processus gouvernemental afin de l'aider à élaborer certaines orientations législatives. En raison de la nature confidentielle de cet engagement, je ne peux rien révéler de plus, mais je peux vous assurer que nous attendons avec impatience des précisions par rapport à ce dossier.
    L'une des recommandations que nous avons à l'égard du Comité, à la suite de ce rapport, est de veiller au maintien de la cohérence entre les différents textes législatifs, notamment la LMÉS, la Loi sur les Nations unies, les dispositions du Code criminel, ainsi que les lois régissant les organismes caritatifs. Nous demandons au Comité d'assurer l'harmonisation des exemptions, de manière à améliorer la communication entre les différents intervenants qui travaillent dans le milieu de l'aide humanitaire, et d'instaurer un climat de confiance au sein de la société civile.
(1300)
    Très bien, c'est ici que se terminent les questions pour aujourd'hui.
    À ce stade, je tiens à remercier tous nos témoins pour le temps qu'ils nous ont consacré, ainsi que pour leur précieuse expertise. Nous vous sommes très reconnaissants d'avoir pu comparaître ici aujourd'hui.
    Avant de lever la séance, j'aimerais rappeler à tout le monde qu'à partir de la semaine prochaine, nous poursuivrons l'étude sur le régime de sanctions du Canada. En ce qui concerne les travaux du Comité, nous disposerons de 45 minutes au lieu d'une heure complète, car je viens d'apprendre que quatre témoins comparaîtront. Pendant la première heure et quart, nous allons entendre les témoins, puis nous passerons aux travaux du Comité.
    Si cela convient à tout le monde, la séance est levée.
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