:
Bienvenue à la 38
e réunion du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride, conformément à l'ordre de la Chambre adopté le jeudi 23 juin 2022. Les députés participent à la réunion en personne et à distance avec l'application Zoom.
J'aimerais transmettre certaines consignes aux témoins et députés. Avant de prendre la parole, attendez que je vous nomme. Si vous participez par vidéoconférence, cliquez sur l'icône du microphone pour activer votre micro. Veuillez vous mettre en sourdine lorsque vous ne parlez pas.
Pour ceux qui sont sur Zoom, l'interprétation se trouve au bas de votre écran, et vous pouvez choisir le parquet, l'anglais ou le français. Pour ceux qui sont dans la salle, vous pouvez utiliser l'écouteur et choisir le canal désiré.
Je vous rappelle que toutes les observations doivent être adressées à la présidence.
Conformément à notre motion de régie interne, j'informe le Comité que tous les témoins ont effectué les tests de connexion requis avant la réunion.
Conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 1er juin 2022, le Comité poursuit l'examen du projet de loi , Loi édictant la Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d'approvisionnement et...
:
Merci, monsieur le président.
J'aimerais moi aussi soulever un point par rapport à l'ordre du jour du Comité. Nous avons adopté un calendrier le 26 octobre, et la greffière nous a par la suite transmis une proposition de calendrier révisé, mais le Comité n'a pas adopté cette version révisée. La version adoptée est la première version dont a convenu le Comité le 26 octobre.
La version ayant fait l'objet d'un consensus prévoyait une discussion de deux heures mercredi sur la situation en Ukraine. J'ai remarqué que les renseignements pour la réunion de mercredi ont été publiés, mais ils ne correspondent pas au calendrier que nous avons adopté. Nous sommes tout à fait disposés à discuter de changements potentiels au calendrier — nous prévoyons justement donner préavis aujourd'hui d'une motion urgente sur la situation en Iran —, mais, en l'absence d'entente pour modifier le calendrier adopté, je crois que nous devrions prévoir les réunions conformément au calendrier adopté, et non pas en prévoyant des travaux n'ayant pas fait l'objet de consensus.
Je suggère soit que nous nous en tenions au calendrier adopté — et que nous tenions donc une réunion de deux heures sur la situation en Ukraine — soit que nous tentions de réserver du temps aujourd'hui pour discuter des travaux du Comité. Je le répète, nous sommes ouverts à cette discussion, mais en l'absence d'une entente... Nous avions convenu de discuter pendant deux heures, mercredi, de la situation en Ukraine.
:
Monsieur le président, je ne veux surtout pas remettre en question l'avis qui vous a été donné par la greffière voulant que vous puissiez à loisir changer le calendrier pour faire en sorte que les travaux soient le plus efficaces possible. Cependant, pour éviter ce genre de problème, il pourrait être utile que vous consultiez les deux vice-présidents du Comité, qui composent avec vous, en plus d'une autre députée du Parti libéral, le Sous-comité du programme et de la procédure. Vous auriez une légitimité accrue si vous procédiez par l'intermédiaire du Sous-comité pour effectuer ce genre de modifications.
Je comprends très bien que, afin de rendre le travail plus efficace, on doive parfois procéder à des changements au calendrier dont nous avions convenu. Voyez cependant le genre de difficultés devant lequel cela vous place, ainsi que le Comité, alors que nous sommes en présence de témoins.
Je vous suggère simplement et respectueusement, monsieur le président, que vous fassiez appel au Sous-comité du programme et de la procédure à l'avenir, ce qui devrait nous éviter ce genre de situations.
:
Merci, monsieur Zuberi.
Dans son intervention, M. Bergeron a souligné que l'approche qu'il propose apporterait une légitimité accrue au processus. Je n'ai rien proposé de nouveau. Ma décision portait sur un enjeu que tous les membres du Comité ont convenu d'étudier. J'ai simplement changé une heure dans notre emploi du temps. Or, à l'avenir, l'approche proposée pourrait s'avérer plus judicieuse.
Revenons maintenant à notre étude. Permettez-moi de tous vous rappeler de communiquer avec Mme Alexandra Schorah, la conseillère législative, pour la rédaction d'éventuels amendements pour l'ébauche.
Comme j'ai transmis toutes mes consignes, je suis maintenant heureux de souhaiter la bienvenue à nos témoins d'aujourd'hui.
Nous accueillons Me Martin Dumas, avocat et professeur de relations industrielles à l'Université Laval et M. Matt Friedman, directeur général du Mekong Club. Nous recevons également les représentants du Conseil national des musulmans canadiens: le directeur général, M. Stephen Brown, et l'agente des services d'assistance judiciaire, Mme Fatema Abdalla. Finalement, nous sommes ravis d'accueillir M. Kevin Thomas, directeur général de l'Association des actionnaires pour la recherche et l’éducation.
Chacun des quatre témoins disposera de cinq minutes pour sa déclaration préliminaire. Les membres poseront ensuite des questions au groupe de témoins.
Maître Dumas, nous vous écoutons pendant cinq minutes. Lorsqu'il vous restera 30 secondes, je lèverai une feuille de papier pour vous indiquer que vous devrez bientôt conclure. Ainsi, vous ne dépasserez pas le temps alloué.
Merci, maître Dumas. Veuillez débuter.
:
Merci, monsieur le président.
Je tiens à préciser aux membres du Comité que ma compréhension de l'anglais est suffisante pour que je puisse répondre aux questions qui me seront posées en anglais à la suite de ma présentation.
Aujourd'hui, je comparais devant le Comité non seulement à titre d'avocat et de professeur, mais surtout à titre de chercheur. J'ai fait des études doctorales en droit du travail à la London School of Economics. Mon champ d'études concernait précisément le travail des enfants dans des pays ou des régions qui ne sont pas aussi développés que le Canada, et plus particulièrement dans l'État indien de l'Uttar Pradesh et en Afrique.
J'aimerais vous résumer les trois commentaires que je porte sur le projet de loi .
Mon premier commentaire concerne le préambule.
Le premier attendu du préambule du projet de loi laisse entendre que le travail forcé ainsi que le travail des enfants constituent des formes d'esclavage moderne. Je suis tout à fait d'accord sur le fait que le travail forcé constitue une forme d'esclavage moderne, mais je ne dirais pas que toutes les formes de travail des enfants constituent de l'esclavage moderne. À mon avis, la définition de ce qui constitue de l'esclavage pose problème. Il y a de nombreuses formes de travail des enfants qui ne constituent pas de l'esclavage. Pour une raison de terminologie, il serait important de corriger cela, à mon avis.
Mon deuxième commentaire, plus substantiel, concerne la définition même du travail des enfants que l'on retrouve dans la section « Définitions » du projet de loi. Cette définition est à proscrire. Permettez-moi de vous donner plus de précisions.
Deux alinéas de la définition proposée me semblent plus ou moins appropriés dans le cas d'une initiative visant à réduire le travail des enfants de manière réaliste. Il s'agit des alinéas a) et c).
L'alinéa a) renvoie aux travaux ou aux services qui sont « offerts au Canada dans des circonstances qui sont contraires au droit applicable au Canada ».
Quant à l'alinéa c), il renvoie aux travaux ou aux services fournis ou offerts par des personnes âgées de moins de 18 ans qui « interfèrent avec leur scolarité en les privant de la possibilité d'aller à l'école, en les obligeant à quitter l'école prématurément ou en les obligeant à combiner la fréquentation scolaire avec un travail excessivement long et lourd ».
À mon avis, ce sont ces deux alinéas qui constituent un problème et je vais rapidement vous expliquer pourquoi.
Sur la base des études que j'ai menées dans des régions en voie de développement, je dirais que les formes de travail dans lesquelles on retrouve certains enfants sont plutôt acceptables, du point de vue de parents qui vivent des situations absolument dramatiques. Or, on ne songe pas toujours à ces situations dramatiques quand on pose un regard critique sur le travail des enfants dans le monde.
Pour cristalliser ma pensée, je vais simplement vous fournir un exemple typique.
Il y a parfois des situations où, bien que le travail des enfants les oblige à reporter ou à suspendre leur scolarité, ce travail ne porte pas forcément atteinte à leur santé ou à leur sécurité et est légitimé. Lorsqu'on met en œuvre de manière stricte une interdiction du travail des enfants, on se retrouve dans des situations où les enfants, avec l'autorisation de leurs parents, sont pour ainsi dire forcés à exécuter un travail encore plus dangereux. C'est ce que nous avons observé sur le terrain. Par exemple, des enfants à qui l'on avait interdit de faire le tissage de tapis se sont retrouvés, quelques semaines plus tard, à fabriquer des briques dans des circonstances encore plus dangereuses qui étaient attentatoires à leur santé. Nous avons vu des situations où de jeunes filles à qui l'on avait interdit de tisser des saris se retrouvaient plus tard dans la rue en train de se prostituer.
Comme exemple très simple, on peut penser à une mère dont le mari est décédé et qui doit faire appel au travail de son fils de 13 ans pour soutenir sa famille.
C'est l'essentiel de ce que je voulais vous présenter aujourd'hui. Je vais garder le reste du temps pour répondre à vos questions.
:
Je vous remercie énormément de me donner l'occasion de m'adresser à vous.
Je m'appelle Matt Friedman. Je lutte contre l'esclavage moderne depuis 35 ans; j'ai travaillé à cette cause dans plus de 40 pays. Je dirige maintenant une organisation qui collabore avec le secteur privé et qui mise sur une approche positive, sur le soutien et sur la dénonciation sans nommer les intervenants ni les pointer du doigt.
L'urgence avec laquelle nous devons redoubler d'efforts pour lutter contre l'esclavage moderne est indicible. Selon l'indice de l'esclavage et l'OIT, le nombre d'esclaves modernes est passé de 40 à 50 millions en raison de la COVID et d'une panoplie d'autres facteurs partout dans le monde. En d'autres mots, environ 25 200 personnes s'ajoutent au nombre tous les jours. La valeur de l'industrie se chiffre à 150 milliards de dollars, et les efforts collectifs de toutes les organisations ne permettent de sauver que 100 000 personnes chaque année, soit environ 0,2 % de toutes les victimes. Dans ce contexte, il ne fait aucun doute que nous devons en faire bien plus pour enrayer ce fléau.
Les statistiques nous apprennent que le travail forcé représente 75 % du problème. De ce pourcentage, 60 % du fléau est lié aux chaînes d'approvisionnement, ce qui implique le secteur privé dans la lutte. À la lumière de ces données, il est tout à fait pertinent de prendre la voie législative afin de faire participer le secteur privé à l'endiguement de l'esclavage moderne.
Des lois sur la transparence existent depuis environ 2012. La Californie a adopté le premier texte de loi en la matière: la California Transparency in Supply Chains Act, ou Loi californienne sur la transparence dans les chaînes d'approvisionnement. Cette loi stipulait simplement que les grandes entreprises doivent publier sur leur site Web les mesures qu'elles adoptent pour lutter contre l'esclavage moderne. Voilà à quoi se résumait cette loi.
Le Royaume-Uni a ensuite adopté la Modern Slavery Act, ou Loi sur l'esclavage moderne. Son libellé était plus touffu et stipulait essentiellement que les compagnies doivent présenter un rapport annuel comprenant certains renseignements. Le conseil d'administration de la compagnie doit le signer. Chaque nouvelle version de cette loi sur la transparence apporte de nouveaux éléments.
Ces lois importent puisqu'elles aident à sensibiliser le secteur privé à ce qu'il doit savoir, non seulement au Canada, mais aussi dans ses chaînes d'approvisionnement ailleurs dans le monde. De leur côté, les consommateurs comprennent mieux, grâce à ces lois, ce que les compagnies font pour atténuer le problème et ce qu'elles omettent de faire. Ces renseignements revêtent une grande pertinence et une grande importance afin de réaliser la transparence prévue dans ce texte de loi.
Pourquoi faut‑il nous doter de ce projet de loi? Il aidera à sensibiliser les entreprises et le gouvernement au problème ainsi qu'à les informer sur le sujet. Fait intéressant, le libellé comprend aussi des mesures relatives aux marchés publics pour les agences gouvernementales, ce qui n'a jamais vraiment fait partie des autres lois.
Ces dispositions permettront de renforcer les connaissances de base. Je sais qu'un besoin existe à cet égard et qu'il faut à tout prix y répondre: en effet, j'ai récemment présenté une série d'exposés partout au Canada pendant trois semaines. Je me suis rendu à Vancouver, Toronto et Ottawa. De nombreuses compagnies m'ont confié ne pas être très au fait du problème. Elles reconnaissent la gravité de la situation, mais l'information de base leur fait défaut.
Ce projet de loi permettra aux intervenants d'être mieux renseignés. Les compagnies pourront présenter leurs renseignements de base, sans quoi on leur imposera des amendes et des pénalités. Dans bien d'autres lois sur la transparence, on sous-entend que les compagnies doivent divulguer ces renseignements, mais rien ne les y oblige réellement. Il est vraiment encourageant que le projet de loi à l'étude prévoie des pénalités; les compagnies prendront ainsi le problème au sérieux.
Le texte de loi canadien incitera les autres pays à ajouter le secteur public à leurs textes parce que, à la suite de chaque nouvelle mouture d'une loi sur la transparence, les pays révisent leurs propres lois afin de s'harmoniser à la norme mondiale. Nos actions au Canada exerceront de la pression sur les pairs: les entreprises qui divulgueront leurs renseignements pourront parcourir les données publiques en ligne et se comparer aux autres organisations. Il s'agit d'une amélioration remarquable.
En dernier lieu, l'accent mis sur le travail forcé et la disposition sur le travail des enfants ainsi que sur les douanes et la protection à la frontière sont essentiels. Je crois qu'il faudrait grandement clarifier ces dispositions afin de vraiment comprendre ce qu'elles visent, mais elles représentent une nette amélioration.
Voici mon conseil: si ce projet de loi est adopté, il faudra veiller à l'appliquer concrètement. Dans certains pays, les règles sont écrites et certaines mesures sont mises en œuvre, mais bien des organisations ne respectent pas nécessairement les exigences.
Je pense qu'il importe d'obtenir de la rétroaction du secteur privé. Il peut grandement aider les intervenants à démystifier la complexité et l'envergure des chaînes d'approvisionnement dans le monde. Le personnel qui supervisera la situation et qui gérera le processus devra suivre une formation rigoureuse afin de saisir ce qu'il faut mettre en œuvre. Je me permets ce commentaire parce que j'ai rencontré des organisations douanières et responsables de la protection frontalière responsables de ce type de supervision. Bon nombre d'entre elles ne détiennent tout simplement pas l'expérience nécessaire pour s'acquitter de cette responsabilité.
Il est important que nous ne réinventions pas la roue. Les compagnies sont nombreuses à ne pas savoir par où commencer. Elles veulent se conformer aux règles. Nous avons des outils à notre disposition. Nous pouvons compter sur des organisations qui savent comment aborder ce problème et nous pouvons tirer parti de procédures et de séries de consultations. Je recommande qu'on précise dans le projet de loi que des ressources seront fournies afin que le secteur privé puisse se familiariser avec les procédures.
Nous l'avons vu avec la loi britannique sur l'esclavage moderne. Au départ, il y a eu une certaine grogne dans le secteur privé, mais une fois la loi adoptée, les intervenants ont demandé: « Que devons-nous faire? » Quand on en arrive à ce stade, au moment d'agir, des organisations telles que la mienne et d'autres sont capables d'aider. D'ailleurs, nombre de ces organisations pourraient être mises à jour assez rapidement.
Sur ce, voilà qui conclut mes remarques liminaires.
Merci beaucoup.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
[Traduction]
Merci beaucoup, monsieur le président et membres du Comité, de nous permettre de vous faire part de nos réflexions dans le cadre de votre étude sur le projet de loi .
Je m'appelle Stephen Brown. Je suis le directeur général du Conseil national des musulmans canadiens. Je suis accompagné aujourd'hui de Fatema Abdalla, qui est agente des services d'assistance judiciaire au Conseil.
J'aimerais vous faire part de deux points essentiels.
J'aimerais premièrement parler du sentiment d'urgence. On doit agir rapidement; on ne devrait pas tolérer la présence de produits issus du travail forcé sur nos tablettes d'épicerie un jour de plus.
Deuxièmement, il est essentiel de modifier le libellé du projet de loi pour indiquer clairement que tous les produits provenant du Turkestan oriental, aussi connu sous le nom du Xinjiang, ne devraient pas être autorisés à entrer au Canada, sous réserve d'une disposition d'inversion du fardeau de la preuve selon laquelle les entreprises opérant dans la région devraient démontrer que leurs produits ne sont pas le fruit du travail forcé. Un tel amendement n'est pas nouveau et nous permettrait de nous harmoniser avec le cadre législatif actuel de pays comme les États-Unis.
Nous tenons à être clairs. Il s'agit d'un projet de loi robuste qui renforce les obligations en matière de transparence liées aux risques de travail forcé. Nous sommes ici pour vous demander d'adopter ce projet de loi rapidement. Cela dit, nous aimerions proposer un amendement clé. Nous estimons que la Chambre devrait inexorablement amender le projet de loi pour veiller à ce qu'aucun produit issu du travail forcé — et plus précisément du Turkestan oriental — ne soit toléré au Canada, et ce, pour trois raisons que je vais énoncer. Cela est dû au fait que je suis ici au nom de ceux qui avaient été oubliés jusqu'à récemment.
En 2006, notre organisation a exhorté le gouvernement du Canada à assurer la libération de Huseyin Celil, un militant ouïghour canadien détenu en Chine et envoyé dans un camp de concentration. On ignore toujours avec certitude s'il est encore vivant. Sa femme, Kamila, continue de se battre et de prier pour son retour.
Permettez-moi de vous donner la première des trois raisons évoquées plus tôt. La Chambre des communes a adopté une motion qui, bien que non contraignante, qualifie ce qui se passe présentement en Chine de génocide. Il va sans dire que l'ASFC doit user de sa discrétion pour évaluer si les produits provenant du Turkestan oriental enfreignent le projet de loi . Il n'y a pas de raison de remettre cela en doute. En se basant uniquement sur ces faits, l'arrivée de produits en provenance du Turkestan oriental au Canada va à l'encontre du bon sens et, plus important encore, de notre humanité collective. Par conséquent, il est de notre devoir de veiller à ce que la portée des mesures législatives considère ce qui se passe au Turkestan oriental comme un cas flagrant de travail forcé.
La deuxième raison porte sur l'application des règles. À l'heure actuelle, malgré le protocole d'entente D9‑1‑6, l'ASFC n'a pas été en mesure de régler le problème des produits issus du travail forcé en Turkestan oriental. Je cite le directeur de l'ASFC, John Ossowski:
Contrairement à la plupart des autres produits inadmissibles, il n'existe aucun indice visuel permettant à un [agent des services frontaliers] de comprendre les normes de travail selon lesquelles une marchandise particulière a été produite. Si on veut établir que les marchandises ont été produites par le travail forcé et compiler des preuves, on a besoin d'une quantité importante de recherches et d'analyses en coordination avec d'autres partenaires ministériels.
Ce ne devrait pas être aussi difficile pour l'ASFC de renvoyer des cargaisons en provenance du Turkestan oriental, et le projet de loi tel que rédigé ne réglera pas le problème.
Pour ce qui est de la troisième raison, le fait d'amender le projet de loi permettrait au Canada d'adopter des mesures harmonisées avec celles d'autres pays pour éliminer le travail forcé des chaînes d'approvisionnement. Les États-Unis sont un bon exemple à cet égard, puisqu'ils ont déjà adopté une mesure similaire en adoptant une loi sur la prévention du travail forcé des Ouïghours, qui garantit que tous les biens, articles et marchandises extraits, produits ou fabriqués en totalité ou en partie dans la région ouïghoure se voient refuser l'entrée dans les ports américains.
Vos collègues et vous vous demandez peut-être si cet amendement essentiel est hors de portée ou s'il pourrait ouvrir une boîte de Pandore en soulevant la question d'autres pays qui devraient figurer sur la liste d'interdiction. Nous croyons que ces deux préoccupations sont exagérées, et je serai heureux de vous expliquer pourquoi.
Nous exhortons le Comité — nous vous supplions, chers députés — à veiller à renforcer ce projet de loi qui bénéficie d'un fort soutien bipartisan pour que des cheveux ouïghours ne se retrouvent pas dans des oreillers canadiens. C'est tout ce que nous demandons aujourd'hui.
En conclusion, je souligne que nous développons considérablement les observations présentées aujourd'hui dans notre mémoire, qui sera envoyé la semaine prochaine.
Merci beaucoup.
:
Merci, monsieur le président. Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant vous aujourd'hui.
Je suis le directeur général de la Shareholder Association for Research and Education, aussi connue sous l'acronyme SHARE.
Nous coordonnons régulièrement la défense des intérêts des investisseurs sur les questions environnementales, sociales et de gouvernance de concert avec la plupart des grandes institutions de retraite et de gestion d'actifs de notre pays, ainsi qu'avec des coalitions internationales d'investisseurs gérant des billions de dollars d'actifs.
Nous représentons un groupe d'investisseurs institutionnels directs clients de SHARE, au nom desquels nous dialoguons régulièrement avec les conseils d'administration et la direction de plus de 120 entreprises canadiennes et internationales dans lesquelles...
:
Merci, monsieur le président.
Comme je l'ai dit au début de la séance, j'aimerais prendre la première minute du temps qui m'est alloué pour déposer un avis de motion portant sur une situation urgente et fort préoccupante liée à l'Iran. L'avis de motion va comme suit:
Que, compte tenu des récents rapports faisant état de menaces à la vie de personnes au Canada de la part du régime iranien, du mouvement pour la liberté en cours en Iran et de l'assassinat de dizaines de Canadiens par le régime, y compris l'abattage du vol PS 752, et conformément à l'article 108(2) du Règlement, le Comité entreprenne une étude sur la menace que le régime iranien fait peser sur les Canadiens et sur la façon dont le gouvernement du Canada devrait réagir; que le Comité invite la ministre des Affaires étrangères, le ministre de la Sécurité publique, la commissaire de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et le directeur du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) à témoigner dans le cadre de cette étude et que le Comité cherche à entendre ces représentants avant le vendredi 16 décembre 2022.
Voilà mon avis de motion, monsieur le président.
Étant donné que les membres du Comité comprennent l'urgence et le caractère sensible de la situation et que notre calendrier semble être plus flexible que ce que nous croyions de toute façon, je crois que cela vaudrait la peine de débattre de cette motion dès que possible. Nous proposons d'en débattre mercredi.
Je vais maintenant revenir aux témoins. Je vous remercie d'être parmi nous.
Je voudrais commencer par demander à nos amis du Conseil national des Canadiens musulmans s'il existe différents modèles proposés pour ce que certains appelleraient une approche régionalisée pour lutter contre le travail forcé et le travail des enfants — en reconnaissant qu'il existe des situations précises, notamment dans le cas du Turkestan oriental, où le travail forcé ne se passe pas dans l'ombre. Il est en fait organisé et coordonné de manière centralisée par l'État dans le cadre d'un génocide, ce qui est très différent de certains autres types de travail forcé dans d'autres régions du monde.
Vous avez mentionné la loi américaine sur la prévention du travail forcé des Ouïghours et d'autres d'instruments législatifs ciblés. Tout comme vous, je suis d'avis que le Parlement doit agir à cet égard. Le projet de loi du sénateur Housakos nous permettrait d'interdire les marchandises en provenance du Turkestan oriental. Nous pourrions faire ce que permet de faire la loi américaine sur la prévention du travail forcé des Ouïghours et prévoir une inversion du fardeau de la preuve, de sorte qu'aucune marchandise ne pourrait être importée sans qu'il soit prouvé qu'elle n'est pas issue du travail forcé ou du travail des enfants.
Pourquoi pensez-vous qu'il est important d'avoir une approche régionalisée dans notre lutte contre le travail forcé et le travail des enfants? Pourquoi ne serait‑il pas suffisant d'avoir une seule mesure législative pour le monde entier? Pourquoi devons-nous nommer les régions et tenir compte des particularités de ces situations, que ce soit dans les mesures législatives ou dans les règlements?
:
Merci beaucoup, monsieur Genuis.
J'aimerais aussi remercier tous ceux ici présents qui ont fait en sorte que ce projet de loi se rende à cette étape, ainsi que les sénateurs qui l'ont parrainé.
Pour répondre à votre question précisément, oui, je suis de votre avis. Nous croyons qu'il est important de nommer le Turkestan oriental dans ce cas précis, car... En fait, nous estimons qu'il y a trois raisons précises de le faire.
Tout d'abord, il faut se souvenir que la Chambre a adopté une motion qui, bien que non contraignante, qualifie ce qui se passe présentement au Turkestan oriental de génocide. Rien ne justifie une tergiversation sur ce qui se passe là‑bas. Tout le monde sait exactement ce qui s'y passe.
Ensuite, il y a l'enjeu de l'application des règles. Étant donné qu'il n'existe aucun cadre législatif pour aider... L'ASFC ne dispose d'aucun indice visuel pour déterminer la nature des produits en provenance du Turkestan oriental. C'est très difficile de déterminer une telle chose. D'où proviennent-ils? L'ASFC pourrait faire son travail s'il y avait une mesure législative les déchargeant du processus très onéreux qui consiste à essayer de déterminer la provenance ou la méthode de fabrication de ces produits ainsi qu'une disposition d'inversion du fardeau de la preuve qui deviendrait la responsabilité des entreprises.
Enfin, parlons de l'harmonisation avec nos partenaires. Les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie ont tous adopté des mesures législatives à ce sujet récemment. J'estime qu'il y a de nombreux exemples d'une possible marche à suivre. Nous devrions agir, et ce, pour de multiples raisons. Il est clair qu'un génocide est en cours dans la région. Nous devons donner aux forces de l'ordre les outils nécessaires pour faire leur travail.
Merci.
:
En fait, ce projet de loi comporte de nombreux éléments que l'on retrouve dans les lois de l'Australie, du Royaume-Uni et de la Californie. Comme je l'ai dit, les choses évoluent au fil du temps. La loi de la Californie était simple. Celles du Royaume-Uni et de l'Australie, elles, l'étaient un peu moins. Vous avez ajouté quelque chose de différent dans ce projet de loi en mettant l'accent sur l'approvisionnement dans la fonction publique, ce qui est extrêmement pertinent et important.
On fait davantage référence au fait que si une entreprise ne se conforme pas aux règles, elle fera face à des amendes et des pénalités. Comme je l'ai indiqué, les autres lois sous-entendent qu'un certain type de pénalité sera imposé en cas de non-conformité, mais ce n'est pas vraiment précisé et cela n'a pas vraiment été appliqué dans les autres volets des mesures législatives en matière de transparence. Par conséquent, beaucoup d'entreprises ne soumettent tout simplement rien du tout.
Ce qui est différent, c'est qu'on a des critères qui diffèrent quelque peu, notamment en matière de revenus, d'actifs, et du nombre d'employés liés aux entreprises. On met l'accent sur l'obligation pour les entreprises de faire leurs soumissions et de s'inscrire dans un registre public, ce qui fait progresser la transformation des mesures législatives en matière de transparence.
Comme je l'ai dit, d'autres pays vous rattraperont au fil du temps. Vous élevez le niveau par rapport aux autres propositions législatives.
:
Merci beaucoup, cher collègue.
Maître Dumas, j'ai été très interpellée par votre mot d'ouverture. Je voulais vous accorder du temps pour nous expliquer plus en détail les amendements que vous proposez. Il est toujours possible, aussi, de nous fournir ces explications par écrit, après la rencontre.
Le deuxième commentaire que vous avez formulé portait sur la définition du travail des enfants qu'on retrouve à l'article 2 du projet de loi. Si je vous ai bien compris, vous voulez renforcer cette définition. Cela m'intéresse énormément. Voulez-vous nous donner plus de détails à ce sujet?
J'aimerais aussi que vous nous parliez de...
:
Merci, monsieur le président.
Tout d'abord, je remercie infiniment tous les témoins d'être présents aujourd'hui et de nous éclairer de leurs commentaires.
Si vous me le permettez, monsieur le président, je vais poursuivre sur la lancée de Mme Bendayan, qui a posé une question à M. Dumas, ou du moins qui s'apprêtait à lui en poser une.
Dans votre présentation, monsieur Dumas, vous avez dit avoir trois commentaires à formuler à propos du projet de loi. Le premier commentaire portait sur le préambule. Le deuxième portait sur les alinéas a) et c) de la définition du travail des enfants. Sauf erreur, il y avait un troisième élément dont vous vouliez nous faire part. Voulez-vous profiter de l'occasion pour nous éclairer sur ce troisième élément?
Le troisième élément, c'est qu'il est très difficile d'assurer un contrôle efficace de l'interdiction du travail des enfants, et c'est encore plus aléatoire lorsqu'il repose sur l'examen de rapports écrits, comme c'est prévu ici.
Cela dit, si on envisage de confronter des faits avec des déclarations écrites, cela devrait idéalement concerner les pires formes de travail des enfants, pour éviter deux problèmes. Tout d'abord, il faut éviter des conséquences involontaires d'une interdiction stricte, c'est-à-dire le fait qu'un travail interdit est remplacé par un autre qui est plus dangereux encore, comme la prostitution ou la traite des enfants. Le deuxième problème à éviter, c'est la dissimulation de formes visibles du travail des enfants par le travail clandestin. Si la définition du travail des enfants est trop large, les communautés qui considèrent que certaines formes de travail des enfants sont légitimes vont éviter de montrer ce travail et vont le transformer en une forme de travail clandestin. Il deviendra alors plus difficile encore de repérer les pires formes de travail des enfants.
En effet, certains effets pervers de la réglementation ont été observés par le passé, et c'est sur ceux-ci que je veux attirer l'attention du Comité.
En se concentrant sur les pires formes de travail des enfants, on effectue un bon travail, parce que, dans tous les cas, on améliore la situation d'un enfant qui est dans une situation difficile. Dans les autres cas, on risque de toucher des situations où le travail des enfants et leur rémunération apportent une aide cruciale à leur famille alors qu'elle se trouve dans une situation dramatique. Je donne l'exemple d'une famille monoparentale où un des parents est décédé et où un garçon de 13 ans devient le seul soutien de la famille. Il y a des pays où on n'a pas les filets sociaux que nous avons au Canada et où les parents se retrouvent dans des situations dramatiques. Cette situation est beaucoup plus fréquente qu'on ne le croit.
C'est donc une perspective réaliste que j'essaie de faire valoir ici.
:
Merci, monsieur Dumas. Je trouve très intéressant, voire un peu dérangeant cet éclairage que vous apportez sur la question du travail des enfants.
Je vous écoutais parler et je me disais que, même ici, où on peut bénéficier d'un certain filet social, on autorise certaines formes de travail des enfants. Par exemple, il y a le travail dans les entreprises familiales, ou encore le travail dans les champs, l'été, pour les jeunes de moins de 16 ans. Cela se fait de plus en plus, avec l'autorisation des parents, tout en retenant le fait que l'école est obligatoire jusqu'à 16 ans. On voit de plus en plus de jeunes travailler dans des entreprises de restauration rapide, par exemple, en raison de la pénurie de main-d'œuvre.
Je trouve intéressant le point de vue que vous apportez, dans la mesure où on a l'air de tancer des pays en développement et de leur faire la leçon, alors que certaines formes de travail des enfants qu'on observe ici même, au Québec et au Canada, pourraient probablement être considérées comme répréhensibles en vertu des alinéas a) et c) de la définition incluse dans le projet de loi.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins de s'être joints à nous aujourd'hui pour parler de cette mesure législative très importante. Je trouve cet enjeu très intéressant.
Mes préoccupations découlent de la différence entre le fait de demander de faire rapport, le fait que les entreprises fassent preuve de diligence raisonnable en matière de rapport et le fait de prendre des mesures. J'entends bien ce que nos collègues du CNMC disent, à savoir que nous devons agir avec l'urgence que cela requiert. Je m'inquiète également de la manière dont nous mettons ces mesures en œuvre, car il s'agit d'une préoccupation que nous avons par rapport à d'autres choses, comme le régime de sanctions, etc.
Je pourrais commencer par vous demander combien d'envois l'ASFC a saisis. Comment le Canada se situe‑t‑il par rapport aux autres pays? Cela peut peut-être illustrer un peu l'urgence avec laquelle nous devons faire avancer cette loi.
Avant de parler du contenu du projet de loi actuel, je peux peut-être citer un bref exemple pour démontrer le défi que Mme McPherson vient de mentionner, à savoir le fait d'exiger uniquement des rapports sur l'esclavage moderne par rapport à l'obligation de faire preuve de diligence raisonnable en matière de droits de la personne.
L'année dernière, au nom de ses actionnaires, nous avons commencé à dialoguer avec une multinationale canadienne spécialisée dans les énergies renouvelables, après que des liens avec le travail forcé dans la région de Xinjiang en Chine ont été distingués de façon fiable dans sa chaîne d'approvisionnement. En fait, des cargaisons de ses produits auraient même été retenues par des agents des douanes américaines parce qu'ils soupçonnaient ces liens, comme nous venons d'en parler. Nous avions un cas clair de risques très importants pour l'entreprise et ses investisseurs.
Malgré ces allégations crédibles, l'entreprise a déclaré qu'il n'y avait pas de travail forcé dans sa chaîne d'approvisionnement et qu'elle estimait qu'il n'y avait pas de travail forcé dans son industrie. En fait, l'entreprise, et de nombreux investisseurs avec lesquels nous avons communiqué ont déclaré que cette entreprise avait un énoncé concernant l'esclavage moderne. Il figure sur son site Web, et il indique que tout va bien, qu'elle a une tolérance zéro pour le travail forcé où que ce soit dans sa chaîne d'approvisionnement.
Mais cet énoncé ne contient aucune information détaillée qui permettrait aux investisseurs de savoir si l'entreprise prend des mesures constructives et efficaces pour mettre en œuvre ces engagements. Rien n'indique comment l'entreprise distingue les incidences sur les droits de la personne, quels intervenants sont consultés, combien de cas ont fait l'objet d'une enquête et, le cas échéant, quelles mesures correctives l'entreprise a prises.
En fait, en y regardant de plus près, nous avons constaté que l'entreprise ne disposait d'aucun système d'enquête ou de réponse aux répercussions sur les droits de la personne dans la région du Xinjiang, et ce, pour une bonne raison: les enquêteurs ne peuvent même pas se rendre dans cette région pour vérifier les allégations de violations des droits de la personne. Lorsque nous avons continué d'exercer des pressions sur l'entreprise à ce sujet et de l'inciter à développer un système de diligence raisonnable, elle nous a répondu: « Faites-nous confiance ».
Je vous raconte cette histoire parce qu'elle révèle les principaux défis auxquels nous faisons face, ici au Canada, en tant qu'administrateurs de régimes de retraite, de dirigeants de banques ou de sociétés de gestion d'actifs, lorsque nous essayons de remplir nos obligations fiduciaires et d'évaluer les risques. Nous ne pouvons pas les évaluer correctement sans ce genre de...
:
Merci, monsieur le président. Merci, chers témoins.
Je vais commencer par adresser une déclaration à Me Dumas.
Je vous suis reconnaissant de vos commentaires qui clarifient le travail des enfants. Pour ma part, j'ai grandi dans une ferme familiale, mais mes parents n'ont pas entravé mon éducation. Leurs quatre filles ont été élevées avec amour dans notre propre ferme et encouragées à travailler. Je comprends donc ces nuances.
Je n'ai pas encore soulevé la question des tomates devant le Comité, mais je le ferai aujourd'hui, car cela fait partie de mes antécédents.
J'aimerais maintenant me tourner vers M. Brown.
Le monde produit environ 37,2 millions de tonnes de produits transformés à base de tomates. La Chine en a produit 6,2 millions de tonnes l'année dernière, dont cinq millions provenaient de la province du Xinjiang. Il y a certainement des allégations de travail forcé de la part de la population ouïghoure, notamment dans l'industrie de la tomate. Je me demande si vous avez des commentaires ou des connaissances précises concernant l'ampleur exacte de ce phénomène.
J'ai grandi en récoltant des tomates à la main, et mes enfants ont grandi en les récoltant à la machine. Je crois savoir que la majeure partie de la production est récoltée à la main en Chine dans le cadre d'un travail forcé.
Avez-vous des observations particulières à formuler au sujet de l'industrie de la tomate?
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins de l'excellent témoignage qu'ils ont apporté aujourd'hui et aussi de leur plaidoyer en ce qui concerne ce sujet important. Je remercie également le Comité d'avoir entrepris ce travail important.
Comme je ne dispose que de trois minutes, je vais poser une question à Martin Dumas.
Le projet de loi à l'étude définit un cadre de transparence pour les entreprises et les institutions gouvernementales, mais n'établit pas de cadre de diligence raisonnable. Ma question comporte deux volets.
Si le Canada devait adopter cette approche fondée sur la transparence, comment se comparerait‑il aux autres pays internationaux? De plus, à votre avis, y a‑t‑il une façon d'inclure non seulement un ensemble général d'obligations en matière de transparence qui s'appliquent aux entités, mais aussi des obligations en matière de diligence raisonnable pour un sous-ensemble des entités assujetties au projet de loi?
:
Je ne sais pas exactement si, sur le plan de la transparence, nous ferons beaucoup mieux que d'autres pays. Cependant, je sais que, même si nous voulons atteindre un niveau très élevé de transparence, il sera très difficile dans les faits d'obtenir une assurance que le contrôle sera effectivement réalisé sur le terrain.
Comme je le disais tout à l'heure, si nous voulons nous assurer que des enfants n'interviendront pas dans la fabrication de produits donnés, nous devons gagner la confiance de la communauté locale pour en obtenir la preuve. Personnellement, je suis allé sur le terrain, et c'est ainsi que cela fonctionne. Sinon, il est très facile de cacher le travail des enfants. Pour gagner cette confiance, il faut viser les pires formes de travail des enfants. Autrement, nous n'aurons pas accès à des barrières qui sont parfois même gardées par des hommes armés. Donc, pour vaincre la difficulté à obtenir ces preuves, il faut trouver un consensus local sur les formes de travail des enfants qui sont inacceptables.
Si nous visons une définition du travail des enfants qui est trop large, nous faisons preuve d'un certain paternalisme occidental. Or, c'est ce qui serait à éviter. Il faut éviter d'avoir une forme de transparence qui serait, à la rigueur, un peu trop paternaliste. Je voudrais mettre le comité en garde à cet égard.
Pour les aspects plus administratifs, il faut suivre le même raisonnement. Si nous voulons améliorer l'efficacité de notre contrôle et de la transparence, nous devons d'abord nous assurer que les formes de travail des enfants que nous visons sont les pires. C'est ainsi que nous améliorerons notre modèle sur tous les plans, autant sur le plan administratif que sur le plan du contrôle effectif par la suite.
Autrement, c'est un peu de la poudre aux yeux, à mon avis.
:
Je ne suis pas un député?
[Français]
Merci, monsieur le président.
J'ai une brève question pour vous, monsieur Brown.
Vous avez vous-même évoqué la difficulté pour les agents des douanes de déterminer si quelque chose vient du Xinjiang ou non. J'ai très hâte d'obtenir votre mémoire pour connaître les détails de vos propositions. Cela dit, vos propositions ne risquent-elles pas de se heurter aux mêmes contraintes, c'est-à-dire qu'on ne sera pas en mesure de distinguer, parmi les produits en provenance de la Chine, ce qui vient plus précisément du Xinjiang, tout comme il nous est impossible pour le moment de déterminer si un produit provenant d'Israël a été fabriqué dans les territoires occupés?
Comment peut-on contourner cette difficulté?
Je pense que nous devrions parler de la question de la portée du projet de loi. À l'heure actuelle, elle est étroitement axée sur le travail des enfants et le travail forcé, et je comprends ce que les autres témoins ont dit à ce sujet. Ce sont, de toute évidence, des violations flagrantes des droits de la personne. Toutefois, pendant que nous parlons, peut-être, de ce dont Me Dumas a parlé — c'est‑à‑dire ce qui arrive aux enfants —, l'une des solutions pour lutter contre le travail des enfants consisterait également à s'assurer que les droits de la personne et les droits en milieu de travail des parents sont respectés.
Toutes les entreprises avec lesquelles nous traitons en ce qui concerne la diligence raisonnable en matière de droits de la personne ne se contentent pas de faire preuve de diligence raisonnable pour ce qui est du travail des enfants ou du travail forcé. Nous pensons que la portée du projet de loi devrait être celle des droits de la personne, tels qu'ils sont définis dans la Déclaration universelle des droits de l'homme des Nations unies et dans la Déclaration de l'Organisation internationale du travail sur les principes et les droits fondamentaux au travail. Cela permettra de saisir toute l'essence de ce qui se passe dans ces chaînes d'approvisionnement et, à mon avis, cela nous aidera à répondre à la question de savoir s'il y a des effets négatifs pour les enfants lorsqu'en plus, les droits de leurs parents ne sont pas respectés au travail.
J'élargirais certainement le projet de loi dans ce sens, en rendant obligatoire l'existence d'un système de diligence raisonnable et en élargissant le nombre d'exigences en matière de rapports afin d'inclure des éléments tels que des systèmes de règlement des griefs, qui sont, encore une fois, bien établis dans les directives de l'OCDE à ce sujet et dans les principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme.
C'est dans cette voie que je m'engagerais tout simplement.
:
Merci infiniment, madame McPherson.
Nous allons maintenant passer au deuxième groupe d'experts.
Avant de le faire, permettez-moi de remercier tous les témoins qui ont comparu devant le Comité et qui nous ont aidés à mieux comprendre le projet de loi. Nous vous sommes très reconnaissants de vos compétences en la matière.
Monsieur Thomas, permettez-moi de vous présenter une fois de plus nos excuses pour les difficultés techniques que vous avez rencontrées.
Merci.
Les témoins peuvent partir, et nous allons suspendre la séance pendant quelques minutes.
Nous sommes très reconnaissants que trois témoins se joignent à nous pendant la prochaine heure. Nous accueillons des représentantes du Réseau canadien sur la reddition de comptes des entreprises, c'est‑à‑dire Mme Emily Dwyer, directrice des politiques, et Mme Kalpona Akter, directrice du Bangladesh Center for Workers Solidarity.
Nous recevons également une représentante de la International Justice Mission Canada, c'est‑à‑dire Mme Cheryl Hotchkiss, qui est directrice de la Stratégie et des opérations. Elle se joint à nous virtuellement.
Enfin, nous accueillons une représentante du Regroupement pour la responsabilité sociale des entreprises, c'est‑à‑dire Mme Alice Chipot, qui est directrice générale du regroupement.
Chacune d'entre elles disposera de cinq minutes pour faire sa déclaration préliminaire. Après quoi, nous passerons aux questions des députés.
Trente secondes avant que vos cinq minutes ne soient écoulées, je vous demanderai de bien vouloir conclure le plus rapidement possible.
Cela dit, nous allons entendre Mme Emily Dwyer en premier.
Madame Dwyer, vous avez la parole pendant cinq minutes.
:
Bonjour. Je vous remercie beaucoup de m'avoir invitée à participer à la séance.
Je m'appelle Emily Dwyer. Je suis directrice des politiques au Réseau canadien sur la reddition de comptes des entreprises (RCRCE).
[Français]
Nous sommes reconnaissants envers les parlementaires de prendre cette question au sérieux, et nous les exhortons à agir rapidement pour répondre aux nombreux rapports de violations des droits de la personne dans les chaînes d'approvisionnement mondiales du Canada.
[Traduction]
L'esclavage moderne existe, et certaines entreprises canadiennes en profitent. Les Canadiens d'un océan à l'autre veulent que le Canada prenne des mesures décisives pour éradiquer le travail forcé et les autres violations des droits de la personne des chaînes d'approvisionnement canadiennes. Sauf que, dans sa forme actuelle, le projet de loi ne préviendrait pas l'exploitation et les abus. En fait, le projet de loi S‑211 ferait plus de tort que de bien.
Notre réseau qui regroupe 40 organismes et syndicats de tout le pays a été créé en 2005 afin de réclamer des mesures obligatoires pour obliger les entreprises à respecter les droits de la personne et l'environnement dans leurs activités à l'international. Nous représentons des millions de Canadiens, et nos membres entretiennent des relations de longue date avec des collectivités, des femmes, des peuples autochtones et des travailleurs du monde entier.
Nos membres n'appuient pas le projet de loi , car dans sa forme actuelle, il permettrait aux entreprises canadiennes de continuer à tirer profit de la souffrance humaine et de la mise à mal de l'environnement. Les dommages dont nous parlons ne sont pas anodins. Ils vont du travail forcé à la contamination des terres et de l'eau, en passant par les violations des droits des travailleurs, les meurtres et les viols collectifs, dont beaucoup sont liés aux activités minières, pétrolières et gazières canadiennes à l'étranger.
S'il veut s'attaquer sérieusement aux abus des entreprises, le Canada a besoin de mesures législatives appropriées. Autrement dit, il peut être facile d'adopter une loi qui vous obligera à rendre compte de vos activités, mais sans vous obliger pour autant à mettre fin au préjudice que vous causez. Cela peut très bien se faire avec l'appui de tous les partis, mais c'est un exercice dénué de sens.
Ce qu'il faut, c'est une loi qui va au‑delà d'une simple obligation de signaler.
Pour obtenir un vaste soutien de la société civile et se mettre au diapason de la tendance mondiale, ces mesures législatives sur les chaînes d'approvisionnement devraient, premièrement, se focaliser sur la prévention et la réparation des dommages, plutôt que sur la seule obligation de déclarer; deuxièmement, aider les personnes touchées à accéder à des recours; et troisièmement, s'appliquer à tous les droits de la personne.
Au mieux, le projet de loi est vide de sens, car il n'améliorera pas la situation des personnes lésées. Au pire, le projet de loi est préjudiciable, car il crée l'apparence d'une action visant à mettre fin à l'esclavage moderne sans réellement en avoir l'effet .
Le projet de loi n'oblige pas les entreprises à cesser d'utiliser le travail des enfants ou le travail forcé, ou de tirer profit de ce travail. Il ne force pas les entreprises à prendre des mesures pour déterminer si le travail forcé fait partie de leurs chaînes d'approvisionnement. Il n'oblige pas les dirigeants d'entreprise à certifier que leurs chaînes d'approvisionnement sont exemptes de travail forcé.
Si les entreprises ont recours au travail des enfants ou au travail forcé, le projet de loi n'offre aucune aide aux victimes. Cela signifie qu'une entreprise pourrait se conformer au projet de loi en ne prenant aucune mesure ou en prenant des mesures manifestement inadéquates, en fermant volontairement les yeux sur ses propres pratiques et en poursuivant ses activités comme si de rien n'était.
Les preuves recueillies dans d'autres pays confirment que les lois qui se limitent au signalement n'ont pas été efficaces pour lutter contre les abus des entreprises. Par exemple, un examen quinquennal du registre britannique de déclaration de l'esclavage moderne n'a révélé aucune amélioration significative des politiques ou des pratiques des entreprises. L'examen a également indiqué que le registre n'a pas réussi à être une motivation efficace pour inciter les entreprises à mettre un terme au travail forcé.
L'Europe s'éloigne des approches qui se fondent uniquement sur la production de rapports et adopte des lois contraignantes sur la diligence raisonnable en matière de droits de la personne et d'environnement. Le Canada devrait faire de même.
Il est urgent que les collectivités et les travailleurs lésés dans les chaînes d'approvisionnement canadiennes soient protégés contre les abus et aient accès à des recours au Canada. Nous espérons que le processus en cours aboutira à un tel résultat, mais nous voulons être très clairs: la position de notre réseau est que si la version actuelle du projet de loi devait être mise aux voix aujourd'hui, nous conseillerions aux députés de voter contre.
Nous croyons également que le Comité doit entendre directement les personnes et les travailleurs touchés, et nous notons leur absence de la liste des intervenants. La Bangladaise Kalpona Akter, elle-même ancienne enfant travailleuse, aujourd'hui militante des droits du travail de renommée mondiale, se joint à moi aujourd'hui et pourra intervenir pendant la période des questions.
Nous espérons que le Comité augmentera le nombre de séances qu'il entend consacrer à cette étude afin d'être en mesure de recueillir les témoignages des personnes directement touchées de par le monde.
Merci de votre temps.
Monsieur le président, membres du Comité et collègues témoins, bonjour. Je m'appelle Cheryl Hotchkiss et je suis de l'organisme International Justice Mission Canada, ou IJM Canada.
IJM Canada est un organisme mondial qui travaille à protéger de la violence les personnes qui vivent dans la pauvreté. Dans nos 29 bureaux de programme répartis dans 17 pays, nous faisons équipe avec les autorités locales pour lutter contre la traite des personnes et l'esclavage, la violence à l'égard des femmes et des enfants, et les abus de pouvoir de la police.
On estime aujourd'hui qu'à l'échelle mondiale, près de 50 millions de personnes sont réduites à l'esclavage. De ces 50 millions de personnes, 28 millions sont contraintes au travail forcé. Les effets combinés de la COVID‑19, des divers conflits et des changements climatiques ont fait basculer un nombre grandissant de personnes dans la pauvreté, les rendant vulnérables à toutes les formes d'exploitation, y compris le travail forcé. Ces conditions ont en outre contraint les parents et les familles à retirer leurs enfants des écoles pour les faire travailler afin qu'ils contribuent à la survie du clan.
Les pays où les taux de pauvreté sont élevés, et à plus forte raison, lorsqu'il est question d'extrême pauvreté, se retrouvent avec des systèmes brisés, en partie parce qu'ils ont des gouvernements qui ne sont pas en mesure — ou qui ne le souhaite tout simplement pas — de fournir le leadership voulu pour assurer la mise en place et le maintien de systèmes sociaux et de justice sains. La COVID‑19, les conflits et les changements climatiques n'ont fait qu'accentuer la dégradation de ces systèmes. Les systèmes malsains permettent toutes les formes d'anarchie, créent de l'instabilité et alimentent la peur. Les personnes vivant dans la pauvreté sont contraintes d'accepter des emplois dont ils tirent un maigre revenu, des emplois risqués qui, souvent, les forcent à quitter leur famille, les isolant davantage et les exposant toujours plus au risque d'être exploitées. Pour les femmes soumises au travail forcé, il existe un risque accru de violence, notamment de violence sexuelle.
Dans ses efforts pour aider les plus vulnérables à recevoir une protection et un soutien de la part de systèmes qui n'ont pas empêché et qui ont même peut-être permis l'exploitation, IJM Canada est exposée à cette sombre réalité. Nous savons qu'un système juridique malsain a besoin de nombreux intervenants pour s'améliorer et pour faire en sorte qu'il fonctionne pour les plus vulnérables et permette à ces derniers de trouver un travail décent où ils n'auront pas à craindre de violence et d'exploitation. Nous pensons que les entreprises ont un rôle essentiel à jouer pour aider les systèmes malsains à s'améliorer et à protéger efficacement les personnes vulnérables. Nous comprenons que les entreprises s'attachent à générer de bons rendements pour les investisseurs et à créer des produits que les consommateurs veulent. Elles ne sont pas tenues de jouer le rôle que les gouvernements devraient jouer. Elles ont cependant une influence qui peut encourager et aider les gouvernements à assumer leurs responsabilités pour protéger efficacement leurs citoyens.
C'est pour ces raisons qu'IJM Canada considère que le projet de loi est important. Nous savons que les grandes entreprises peuvent avoir une incidence positive sur la réforme du système judiciaire. Les gouvernements de ces pays où il y a du travail forcé ont besoin que les entreprises aient un environnement stable dans lequel elles peuvent faire leur travail ou rassembler les ressources dont elles ont besoin pour leurs produits. Des systèmes judiciaires malsains signifient une société instable pour tout le monde, y compris les entreprises. Les codes de conduite volontaires ou les efforts individuels des entreprises pour lutter contre l'exploitation dans les chaînes d'approvisionnement créent des conditions inégales pour les entreprises qui importent et vendent des produits au Canada. Celles qui veulent s'attaquer au travail forcé et au travail des enfants dans leurs chaînes d'approvisionnement doivent assumer les coûts de ces efforts et les répercuter sur les consommateurs.
Le projet de loi permettra de réformer la justice et la protection du travail. Il y parviendra en créant les conditions dans lesquelles les entreprises pourront travailler de concert — et seront encouragées à le faire — pour savoir ce qui se trouve dans leurs chaînes d'approvisionnement. Nous avons vu cela se produire avec le Seafood Task Force en Thaïlande et en Malaisie, dans le cadre duquel les entreprises ont collaboré pour mettre en place des règles de fonctionnement uniformes dans le sillage d'une loi similaire concernant le travail forcé dans l'industrie de la pêche. Grâce à ce genre d'information, les entreprises peuvent agir seules ou collectivement pour faire pression sur les gouvernements afin que ces derniers prennent des mesures concrètes pour améliorer les systèmes de justice pour les plus vulnérables, un exercice qui passe par la nécessité d'écouter les victimes d'exploitation et de travail forcé.
Le projet de loi fournira un moyen de dissuasion collectif et percutant pour mettre fin au travail forcé et au travail des enfants par l'imposition de l'interdiction d'importation. En uniformisant les règles du jeu, le projet de loi permettra aux entreprises qui font des efforts pour lutter contre le travail forcé et le travail des enfants dans leurs chaînes d'approvisionnement de concurrencer celles qui ne prennent aucune mesure en ce sens.
Enfin, le projet de loi permettra de fournir de l'information aux Canadiens qui se soucient des répercussions de leurs choix de consommation, ce qui les aidera à faire de meilleurs choix et à utiliser les forces du marché pour améliorer les chaînes d'approvisionnement de tous les produits vendus au Canada.
IJM Canada voit le projet de loi d'un bon œil et souhaite que le gouvernement canadien participe aux efforts progressifs entrepris par les autres pays du G20 pour faire en sorte que le prochain rapport de l'Organisation internationale du Travail sur l'esclavage moderne puisse faire état de chiffres allant dans la bonne direction, c'est‑à‑dire vers le bas.
Je vous remercie.
:
Bonjour à tous et à toutes.
Chers membres du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, je vous remercie de me donner l'occasion de m'exprimer devant vous aujourd'hui.
Je m'appelle Alice Chipot et j'interviens en tant que directrice générale du Regroupement pour la responsabilité sociale des entreprises, le RRSE.
Notre organisation est située à Montréal et regroupe plus de 50 investisseurs engagés: communautés religieuses, fondations, organismes à but non lucratif, centres de recherche et individus. Depuis plus de 20 ans, nous œuvrons pour des pratiques d'affaires et des comportements d'entreprise en adéquation avec les attentes de la société québécoise et canadienne. Nous œuvrons pour plus de justice sociale et environnementale.
Le RRSE s'est joint au Réseau canadien sur la reddition de comptes des entreprises, ou RCRCE, pour pousser le Canada à mettre en place un cadre complet de diligence raisonnable.
Il y a plusieurs points que j'aimerais souligner.
Tout d'abord, nous saluons les efforts du législateur pour éradiquer l'esclavage moderne et tout type de travail forcé dans les chaînes d'approvisionnement internationalisées. Cela dit, nous considérons que le projet de loi actuellement à l'étude loupe son objectif et sa cible en cherchant à segmenter la question des droits de la personne sans prévoir de mécanismes législatifs efficaces.
Le libellé actuel du projet de loi épouse la philosophie des petits pas et est trop faible, en l'état, pour avoir le bon effet. Il se base sur l'idée de faire rapport ainsi que sur des sanctions et des amendes marginales, voire symboliques, pour les mauvais joueurs parmi les entreprises.
Au RRSE, nous sommes un groupe d'investisseurs. Cela fait 20 ans que nous faisons de l'engagement actionnarial. Qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire que nous travaillons avec le concept de faire rapport, avec des données basées sur des critères ESG, c'est-à-dire environnementaux, sociaux et de bonne gouvernance, et que nous regardons de près les informations sur les chaînes de valeur. Nous travaillons avec ce que les entreprises communiquent, avec ce qu'elles acceptent de rapporter et avec les informations rendues disponibles par les agences de notation et autres institutions.
Même si certaines entreprises démontrent des améliorations sur le plan des droits de la personne, on peut facilement dire que les démarches déclaratives ne sont pas suffisantes pour vraiment avoir l'effet souhaité et éviter les conséquences négatives sur l'environnement et sur la condition humaine.
Seule une révision du cadre législatif et réglementaire canadien permettant de se prémunir contre les mauvais joueurs à répétition et de les sanctionner apportera une réponse adaptée. Il est essentiel de recenser les risques existants, mais aussi de prévoir des mécanismes de condamnation et de réparation en cas d'abus. Pour ce faire, il faut donner un rôle et une place aux juges, car il s'agit du seul mécanisme réellement dissuasif.
Il existe de bonnes pratiques. Elles ne sont pas présentes ou représentées dans ce texte. Il faut plutôt les chercher du côté européen, notamment en France, en Allemagne et aux Pays‑Bas. Cela nous permettrait de créer une base commune, une réalité de territoires qui se complètent.
Nous sortons tout juste de la COP27, où nous avons entendu les revendications des peuples du Sud. Je joins donc ma voix à celle de Jacques Nzumbu, jésuite spécialiste des minières canadiennes, qui est venu vous voir il y a quelques semaines et qui explique à répétition la réalité de sa communauté, c'est-à-dire celle des enfants et des femmes qui travaillent dans les minières au Congo.
Je joins aussi ma voix à celles des Ouïghours de Montréal qui sont venus nous voir au RRSE pour nous demander de les aider et de rendre visible la réalité de l'esclavage moderne dans les chaînes d'approvisionnement, en se demandant ce qu'il en était de l'action canadienne.
Enfin, je joins ma voix à celle de Kalpona Akter, qui a fait un long voyage depuis le Bangladesh pour venir échanger avec nous et nous parler de la réalité et de la condition des travailleurs avec qui elle évolue.
En quelques mots, du point de vue du RRSE, faire rapport n'est pas suffisant. À l'époque où nous sommes, il nous faut une voix plus ambitieuse et plus efficace qui assure un cadre éthique plus ferme pour les pratiques des grandes entreprises.
Merci.
:
Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup à tous nos témoins.
J'aimerais d'abord formuler une observation sur l'examen de ce projet de loi.
Je sais que nous avons reçu des propositions d'amendement, et il se peut que d'autres membres envisagent des amendements. Je pense qu'il serait très utile pour quiconque envisage de proposer des amendements de veiller à ce que les membres du Comité aient la possibilité de les examiner à l'avance. Je pense qu'il vaudrait la peine que les témoins puissent voir et commenter les amendements à l'avance, car le fait de déposer à la dernière minute des amendements sur lesquels des témoins importants n'ont pas eu l'occasion de donner leur avis n'est pas vraiment une façon très efficace de légiférer. J'espère que ceux qui envisagent ce genre de propositions les communiqueront au public et aux membres du Comité suffisamment tôt pour permettre aux personnes présentes et aux autres témoins de donner leur avis, si ce n'est pas verbalement, alors certainement par écrit. Cela semble être une pratique exemplaire lorsqu'il s'agit de légiférer.
Pour ce qui est de mes questions, j'aimerais commencer par Mme Hotchkiss.
Je me demande si vous pouvez nous en dire un peu plus sur le travail d'IJM Canada en ce qui concerne ces questions. Le Comité se penche sur d'autres questions, telles que la situation en Haïti et l'effondrement de l'État de droit là‑bas, où votre travail sur la réforme de la police, sur la justice, pourrait également être pertinent. Comme tout le monde n'est pas nécessairement au fait du travail de l'IJM, si vous pouviez prendre une minute pour brosser un portrait plus large de ce que fait votre organisme, je pense que ce serait utile.
:
Merci. Bien sûr, je serai heureuse de le faire.
Je pense que l'IJM se concentre sur l'intérieur des systèmes, sur les personnes qui travaillent dans ces systèmes. Je ne peux pas parler précisément de la situation en Haïti, mais je sais que dans des situations comme celle du Myanmar, où le gouvernement est instable, la formation que nous avons dispensée à la police et à d'autres fonctionnaires sur le terrain a permis de poursuivre les efforts quant à la traite des personnes à des fins de travail forcé dans l'industrie de la pêche thaïlandaise, par exemple.
Grâce à une étude de prévalence que nous avons réalisée au Tamil Nadu sur le travail forcé, nous savons également que le travail de l'IJM a eu une incidence directe sur la réduction de 77 000 personnes en situation de travail forcé, et nous savons également que les efforts que nous déployons pour édifier les systèmes, sensibiliser les juges et la police, etc. ont permis d'affranchir plus de 430 000 personnes du travail forcé.
Nous croyons fermement au bien-fondé de former les élus et les acteurs gouvernementaux pour qu'ils comprennent leurs rôles et responsabilités à l'égard de leurs citoyens et de la protection de ces derniers. Nous croyons aussi aux effets d'entraînement que cela peut avoir sur d'autres qui peuvent être victimes de criminels actifs qui forcent les gens à travailler.
Ma prochaine question s'adresse à Mme Dwyer.
Je crois comprendre que vous aimeriez amender ce projet de loi, le modifier. Quelles que soient ces propositions, j'estime que le fait de prendre ce que la plupart des gens reconnaissent comme étant une mesure de sensibilisation, c'est‑à‑dire d'encourager les entreprises à faire des rapports à ce sujet, serait une mesure constructive qui permettrait à tout le moins de susciter un peu plus d'intérêt à cet égard. De façon générale, c'est ce que nous ont dit les témoins.
Je sais que votre réseau n'est pas de cet avis. Aidez-nous à comprendre pourquoi il ne serait pas utile de prendre quand même cette mesure. J'aimerais vous entendre là‑dessus.
:
Merci, monsieur le président.
Cela va me faire plaisir de poser des questions à la représentante du RRSE, mais j'aimerais d'abord présenter un avis de motion.
[Traduction]
La motion est la suivante :
Que, conformément à l'article 108(2) du Règlement, le président reçoive la consigne de convoquer la première réunion de l’étude sur la santé et les droits sexuels et reproductifs des femmes au plus tard le lundi 5 décembre 2022.
Je donne avis de la motion. Je ne la propose pas pour le moment, monsieur le président.
[Français]
Madame Chipot, je vous remercie de votre présentation. J'ai beaucoup aimé la façon dont vous avez exprimé vos inquiétudes. Vous avez dit très clairement que faire rapport n'était pas suffisant, et je suis assez d'accord avec vous.
Vous avez évoqué les exemples de la France et de l'Allemagne, qui ont des mécanismes de diligence raisonnable. Devrions-nous nous concentrer davantage sur de tels mécanismes?
Le cas échéant, pouvez-vous nous donner une idée des organisations qui seraient visées par l'obligation de diligence raisonnable? Parle-t-on d'utiliser la même définition que celle de l'Allemagne? Que proposez-vous à notre comité?
:
Dans le cas des propositions sur les définitions, je vais renvoyer la question à Mme Dwyer, du RCRCE, car je sais que ce réseau a beaucoup travaillé sur ce dossier.
Il faut certainement élargir la portée de notre compréhension des droits de la personne et des conséquences sociales et environnementales. Il ne faut pas segmenter les choses comme on le fait à l'heure actuelle avec un projet de loi qui cible précisément l'esclavage moderne. Il faut voir les choses de façon plus large.
Ce qui constitue la force des projets de loi de l'Allemagne et de la France, par exemple, c'est qu'ils embrassent plus large, c'est-à-dire qu'il y a plus de types d'organisations et d'entreprises ciblées, tout en prévoyant des sanctions et la possibilité d'aller devant les tribunaux, devant un juge de droit commun, pour obtenir une condamnation.
Si vous voulez plus de précisions, Mme Dwyer vous dira exactement la définition qu'il faudrait apporter.
Est-ce que j'ai répondu à votre question?
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie encore une fois les témoins d'être des nôtres et de nous éclairer de leurs commentaires.
Ma question s'adresse à Mmes Dwyer et Chipot.
J'imagine que vous réalisez à quel point ce que vous nous demandez est contre-intuitif, dans la mesure où personne ne peut être contre la tarte aux pommes et la vertu. Conséquemment, ce qu'on nous propose va véritablement dans le sens de ce que tout le monde souhaite, mais cela ne va peut-être pas suffisamment loin.
Ne voyez-vous pas cela comme un premier pas vers quelque chose qui serait plus élaboré?
:
Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier les témoins de leurs observations.
Je suis émue par les témoignages que nous avons entendus plus tôt au sujet de l'urgence de mettre en place cette mesure législative. Nous avons vu d'autres pays, comme l'Allemagne et la France, agir dans ce sens. Cependant, je reconnais aussi, comme les témoins l'ont dit, que si nous faisons fausse route, le projet de loi risque de causer plus de tort que de bien. Il est donc impératif que nous fassions bien les choses.
C'est pourquoi je vais prendre un moment pour présenter un avis de motion:
Que, conformément à l'article 97.1 du Règlement, le Comité demande une prolongation de trente jours de séance pour étudier le projet de loi S‑211, Loi édictant la Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaines d'approvisionnement et modifiant le Tarif des douanes.
J'aimerais que le ministre vienne comparaître ici. Je voudrais entendre le gouvernement. J'aimerais donner à tous les partis, surtout à ceux qui n'ont pas encore proposé de noms sur la liste de témoins, l'occasion de le faire.
Je voudrais également entendre les propos... Vous avez parlé, madame Dwyer, de la nécessité d'écouter les communautés touchées. J'aimerais donc profiter de l'occasion pour demander à Mme Akter si elle veut nous dire quelques mots sur les répercussions que cela a eues sur elle et sa communauté.
:
Si je peux me permettre, monsieur le président, et en tout respect, je crois comprendre qu'il s'agit d'un projet de loi visant les intervenants de la chaîne d'approvisionnement. Vous êtes les défenseurs du projet de loi. Vous savez ce qu'il faut en faire.
Je peux toutefois vous parler de la façon dont les travailleurs vivent aujourd'hui. Ce qu'ils veulent, c'est un projet de loi adopté par des pays comme le Canada, les pays européens ou les États-Unis.
Les travailleurs gagnent 78 $ par mois. Je veux vraiment que vous sachiez ce qu'est le travail forcé... pour que vous compreniez à quoi cela ressemble.
J'ai travaillé à l'usine. Avant moi, c'est ma mère qui y travaillait. Elle a dû quitter son emploi parce qu'elle avait un bébé de deux mois à la maison. Elle a donc dû nous envoyer, mon frère et moi, pour la remplacer. À nous deux, nous subvenions aux besoins des sept membres de notre famille. La raison pour laquelle nous sommes allés travailler à l'usine, c'est parce que ma mère ne recevait pas un salaire décent. Or, je ne trouve aucune mention de cela nulle part.
Le travail des enfants ne sera pas éliminé. Le travail forcé ne sera pas éradiqué dans une chaîne d'approvisionnement si les parents ne sont pas rémunérés décemment, s'ils ne bénéficient pas de la liberté d'association dans l'atelier de production ou dans l'usine où ils travaillent et si d'autres aspects du travail qui sont censés être respectés ne le sont pas.
Il est très difficile pour une femme de vivre avec le peu d'argent qu'elle gagne aujourd'hui, surtout si elle doit s'occuper de deux enfants. Elle travaille dur tous les jours dans ce genre d'usines. Elle espère qu'il y aura des changements dans le pays d'origine et que les lois amélioreront quelque peu notre sort. Cependant, d'après ce que je constate, ces questions sont très peu abordées dans vos discussions.
Oui, nous examinons la loi de l'Union européenne sur la diligence raisonnable. La directive que les pays européens viennent de proposer prévoit la garantie d'un salaire décent, la liberté d'association, la protection de la santé et de la sécurité, l'élimination du travail forcé et le respect des droits de la personne.
Vous ne parlez, me semble‑t‑il, que d'un des éléments de la directive. J'ai l'impression que le Canada peut faire beaucoup mieux.
À titre d'exemple, beaucoup d'entre vous connaissent peut-être le Bangladesh en raison du Rana Plaza. Le Rana Plaza est une usine qui s'est effondrée alors que 5 000 travailleurs se trouvaient à l'intérieur. C'était il y a neuf ans. L'adoption d'un accord ayant force obligatoire a grandement amélioré les choses chez nous. Aujourd'hui, plus de 2,2 millions de personnes travaillent dans des usines sûres grâce à l'accord sur la protection contre les incendies et la sécurité des bâtiments au Bangladesh. Le grand avantage, c'est qu'il s'agit d'un accord ayant force obligatoire.
Pour chaque loi, si vous ne pouvez pas obliger ces entreprises à rendre des comptes aux termes d'une loi contraignante, il n'y aura aucun changement dans la chaîne d'approvisionnement.
Je vous remercie.
:
Merci, monsieur le président.
Je ne vais pas poser de question, car je n'ai tout simplement pas assez de temps. Je me contenterai de faire une observation pour la gouverne du Comité.
Le Parlement peut bien adopter toutes les lois qu'il veut sur le travail forcé et le travail des enfants, mais si le gouvernement ne les applique pas ou s'il ne les met pas en œuvre, ce sera peine perdue.
J'aimerais utiliser l'exemple du Xinjiang pour illustrer mon propos. Il est clair qu'un génocide a cours au Xinjiang. Le Parlement l'a reconnu. La haute-commissaire des Nations unies aux droits de l'homme a déclaré que le taux de natalité avait chuté de 50 % entre 2017 et 2019, passant de 16 à 8 naissances pour 1 000 personnes.
Dans la foulée de l'ACEUM, le Canada et les États-Unis ont adopté des lois visant à interdire les importations de produits issus du travail forcé. Le 1er juillet 2020, le Parlement a modifié le Tarif des douanes afin de le rendre conforme à l'ACEUM. Un an plus tard, en juin 2021, les États-Unis ont modifié leurs lois. Au cours des deux années qui ont suivi l'entrée en vigueur de ces lois, les États-Unis ont empêché des milliers de cargaisons en provenance du Xinjiang d'entrer sur leur territoire, mais le Canada n'a pas emboîté le pas. En fait, une seule cargaison de produits de coton en provenance de la République populaire de Chine a été arrêtée à la frontière, puis relâchée.
Je dis tout cela simplement pour faire valoir que si les lois adoptées par le Parlement ne sont pas appliquées, elles ne serviront à rien. Selon moi, le gouvernement doit appuyer la législation adoptée par le Parlement en prenant des mesures concrètes pour faire respecter les lois de notre pays.
:
Merci, monsieur le président.
Selon des rumeurs qui circulent, le gouvernement présenterait des amendements au projet de loi . Les collègues du parti ministériel ont eu l'occasion de voir ces amendements, mais ce n'est pas encore le cas pour les députés de l'opposition.
Si, comme le veut la rumeur, certains de ces amendements étaient de nature à renforcer le projet de loi, croyez-vous que nous devrions nous y montrer ouverts? Croyez-vous plutôt que, pour atteindre les objectifs que vous poursuivez, nous devrions d'emblée rejeter ce projet de loi pour arriver à quelque chose qui ne soit pas rafistolé et qui soit plus cohérent, dans son ensemble?
:
Absolument. C'est entendu.
Voilà donc pour le premier point.
Deuxièmement, le Comité est‑il d'accord pour que la greffière prenne les arrangements nécessaires en vue d'une réunion informelle avec le président de l'Estonie — qui aura lieu dans quelques minutes —, conjointement avec le Comité permanent de la défense nationale?
Des députés: D'accord.
Le président: Excellent. C'est un consentement unanime.
Enfin, le Comité se réunira le mercredi 23 novembre. L'avis a déjà été publié.