Je m'appelle François Lacasse. Mon collègue est Me Yvan Poulin, et nous allons nous partager notre exposé. Je vais faire un bref survol de la loi en matière de divulgation, et mon collègue abordera la question de la divulgation dans le contexte d'un mégaprocès contre le crime organisé.
Dans l'affaire R. c. Stinchcombe — la cause de 1991 faisant jurisprudence en matière d'obligations de divulgation au pénal, une cause dont vous avez déjà entendu parler —, la Cour suprême du Canada a déclaré qu'il revient à la poursuite un devoir général de divulguer tous les renseignements pertinents possédés par la Couronne. Avant la cause Stinchcombe, les procédures de divulgation variaient dans le pays, d'une région à une autre, voire même d'un procureur à un autre. En gros, l'arrêt Stinchcombe a changé tout cela en cristallisant une approche unifiée en matière de divulgation.
Les obligations de divulgation de la poursuite sont une composante du droit de chaque accusé au Canada à une défense pleine et entière, droit qui, comme vous le savez, est protégé par l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés. De nombreuses règles régissent la divulgation, mais je ne vais traiter que des quelques règles clés qui sont nécessaires pour comprendre l'incidence de la divulgation sur les poursuites visant le crime organisé, et qui sont généralement qualifiées de mégaprocès.
La première règle clé, la plus importante régissant la nature de ce qui doit être divulgué, est le concept de la pertinence. En bref, les cours ont adopté une opinion très généreuse de ce qu'est la pertinence. Cela ne se limite pas aux preuves produites à l'instance. Cela englobe les renseignements qui pourraient être utiles à la défense, que ceux-ci soient inculpatoires ou disculpatoires. Essentiellement, si le renseignement pourrait présenter quelque utilité pour la défense, il est pertinent et doit donc être communiqué. Pour les poursuivants, la chose est essentiellement définie de manière négative: seul ce qui est clairement sans pertinence ne devrait pas être produit et, en cas de doute, la jurisprudence nous dit qu'il nous faut privilégier la communication.
Enfin, à cet égard, il me faudrait mentionner qu'il n'est pas nécessaire de communiquer les renseignements privilégiés. Dans le contexte du crime organisé, cela englobe surtout les renseignements protégés par les privilèges sauvegardant l'identité des informateurs et les techniques d'enquête.
En ce qui concerne le moment où intervient la communication de la preuve, cette obligation est déclenchée par une demande de communication faite par l'accusé ou pour son compte. La communication de la preuve doit être faite avant qu'il ne soit demandé à l'accusé de choisir le mode d'instruction qu'il préfère ou, dans les procès sommaires, avant qu'il ne soit demandé à l'accusé de répondre à l'accusation. Cela est également très important dans le contexte des mégaprocès.
La loi n'établit pas de mode de communication de la preuve qui soit universel. Même si le dépôt de copies papier de la documentation est la pratique la plus courante, elle n'est pas la seule. Le format électronique est un outil utile, surtout dans les mégaprocès, comme l'expliquera mon collègue.
Enfin, les coûts et les ressources nécessaires pour remplir les obligations en matière de communication de la preuve sont la responsabilité de l'État. Vous devinerez que cet aspect est lui aussi très important dans le contexte des mégaprocès.
Conjointement à la communication de la preuve, il importe de tenir compte d'un autre facteur tout à fait crucial dans l'évaluation de la complexité des poursuites pénales en cours: je veux parler des contestations faites par la défense, à l'égard de l'enquête elle-même, invoquant la Charte. Dans ce scénario, le procès pénal visant à déterminer la culpabilité ou l'innocence peut être et est souvent précédé par des motions préalables au procès, et dont l'objet est de déterminer quels ont été les actes des enquêteurs et d'en faire l'examen pour déterminer leur légalité et leur constitutionnalité. En cas d'infraction à la Charte, la loi prévoit des recours qui peuvent être fatals pour les poursuites, notamment exclusion d'une preuve ainsi que suspension de l'instance.
Le respect de ces deux aspects des procès pénaux modernes au Canada, soit la communication de la preuve et l'examen de l'enquête, a fondamentalement changé le paradigme des poursuites pénales au Canada. Elles sont aujourd'hui principalement axées sur le processus.
Cela étant dit, je vous soumettrai néanmoins que l'arrêt Stinchcombe en matière de communication de la preuve a sans aucun doute servi à promouvoir l'équité, la transparence et des verdicts plus justes lors de procès criminels. Cependant, la communication de la preuve a un prix. Elle pose des défis conséquents aux poursuivants dans les affaires de crime organisé, comme en traitera mon collègue, Me Poulin.
Qui dit crime organisé, dit forcément méga dossier. Le but ultime des enquêtes de plus en plus fréquentes en matière de crime organisé est de démanteler les organisations et, surtout, de neutraliser les têtes dirigeantes. Au cours des dernières années, l'expérience démontre que les têtes dirigeantes opèrent généralement en créant une zone tampon autour d'eux, ce qui fait en sorte que la détection et l'obtention de la preuve à leur endroit sont très difficiles.
Cela fait en sorte que la cueillette d'une preuve suffisante requiert généralement et plus souvent qu'autrement des enquêtes très longues qui nécessitent le recours à une panoplie d'outils, qui vont de la simple filature à la surveillance électronique, en passant par le recours à des agents d'infiltration. L'utilisation de ces moyens d'enquête, à cause de leur nature et en raison de la durée des enquêtes elles-mêmes, va forcément générer un volume de preuves très considérable qu'il faut colliger, classifier et divulguer en fonction des principes que vient d'expliquer Me Lacasse.
Le défi consiste donc à respecter les principes émis dans l'arrêt Stinchcombe dans un contexte où le volume de preuves est, dans certains cas, tout à fait gigantesque. Je suis le procureur responsable du projet Colisée dont vous avez probablement entendu parler et dont l'objectif consistait à s'attaquer à la mafia montréalaise. Colisée illustre bien, je pense, le volume de preuves que l'on peut recueillir dans une enquête.
Entre 2002 et 2006, la GRC et d'autres corps policiers ont mené une enquête qui visait la mafia montréalaise. Pendant cette période, près de 1,2 million de conversations ont été interceptées par des policiers. Plus de 50 p. 100 de ces 1,2 million de conservations se sont tenues dans une langue autre que le français et l'anglais, de telle sorte qu'on a dû recourir à des traducteurs tout au long de l'enquête. On a eu recours à plus d'une trentaine de traducteurs. Environ 8 000 conservations ont été choisies et transcrites pour faire partie de la communication de la preuve; en fait, de la preuve à charge de la poursuite. Un grand nombre de ces conversations, souvent parmi les plus incriminantes à l'égard des têtes dirigeantes, étaient d'une pauvre qualité sonore parce qu'interceptées à même des micros placés dans des lieux très bruyants, ce qui ajoutait à la complexité de l'affaire.
En plus de l'écoute électronique, on a environ 120 000 heures d'enregistrements vidéo qui ont été captées subrepticement et qui se devaient d'être divulguées. Au plus fort de l'enquête, plus de 100 enquêteurs étaient impliqués dans un rôle ou un autre, plusieurs d'entre eux dans la préparation de la divulgation de la preuve. Trois procureurs du ministère public étaient assignés à temps plein à titre de conseillers juridiques pendant l'enquête. Vers la fin de l'enquête, le nombre de procureurs affectés au projet Colisée a grimpé à 10 en préparation de la phase judiciaire.
Comme vous le savez, en novembre 2006, à l'issue de toute cette enquête, les policiers ont procédé simultanément à l'arrestation de 101 personnes. Nous avons divulgué à certains des accusés les plus impliqués l'équivalent d'au-delà d'un million de pages de documents dans les jours qui ont suivi les arrestations.
À l'issue d'enquêtes de cette envergure, l'objectif est très grand. Le défi est grand. Cela consiste à divulguer un volume de preuves très important de la façon la plus complète possible dans le moins de temps possible. Étant donné le volume, vous ne serez pas surpris d'apprendre que nous avons recouru au format électronique qui comporte certains avantages et, surtout, qui est maintenant reconnu par les tribunaux comme étant une façon dont on peut se servir pour divulguer la preuve. Cela comporte les avantages suivants: les coûts sont considérablement réduits parce que l'on divulgue de façon électronique; les capacités de recherche, tant pour la défense que pour la Couronne et les policiers, sont beaucoup plus grandes; le volume est évidemment beaucoup moindre et le format électronique se prête beaucoup mieux à la divulgation lorsqu'on parle d'écoute et de surveillance électroniques.
On a l'outil, c'est-à-dire la divulgation électronique. Dans le cadre de la divulgation, nous avons suivi ce que j'appellerais trois principes directeurs, justement dans le but de divulguer la preuve de façon efficace. Les principes sont la prévoyance, la focalisation et l'organisation.
On parle de prévoyance dans le sens où la divulgation doit être planifiée dès le début de l'enquête. Ce n'est pas à la fin qu'on doit se demander comment procéder relativement à tout ce qui doit être divulgué. Si on ne planifie pas, la masse de renseignements sera impossible à divulguer de façon intelligible et en temps utile. Comme vous le savez peut-être, on assigne désormais des procureurs pour qu'ils aident les enquêteurs à planifier la divulgation de la preuve au fur et à mesure que celle-ci est recueillie. Les politiques du Service des poursuites pénales du Canada suggèrent d'avoir recours à cette pratique.
Le deuxième principe directeur est la focalisation. Ce que l'on dit aux enquêteurs et ce que tentent de faire les procureurs de la Couronne, c'est de restreindre l'étendue des enquêtes et d'éviter ce que j'appellerais l'éparpillement. Il est inopportun que les policiers procèdent à une enquête qui génère un volume inutile de preuves et qui ne permet pas d'atteindre les objectifs que l'on s'était fixés.
Le troisième principe est l'organisation. Pour se conformer aux exigences, il faut faire en sorte que la divulgation soit compréhensible et intelligible. Il faut pouvoir s'y retrouver. Donc, on classe et on catégorise les éléments de preuve en fonction de leur utilité, et ce, dès le début.
Pour conclure, je dirai qu'une saine gestion de la divulgation de la preuve en matière de crime organisé exige le recours à l'électronique. Elle demande aussi qu'on suive les principes directeurs que je viens de mentionner. L'expérience, dans l'affaire Colisée et d'autres dossiers, nous démontre que la chose est possible. En revanche, il est évident que cela exige d'importantes ressources et que celles-ci doivent être utilisées de façon très judicieuse.
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais commencer par vous présenter les excuses de la directrice, Jeanne Flemming, qui n'a pas été en mesure d'être parmi nous aujourd'hui.
J'aimerais également vous présenter Chantal Jalbert, directrice adjointe, Opérations régionales et conformité; Denis Meunier, directeur adjoint, Analyse financière et communications de cas; et notre avocat principal, Paul Dubrule.
Permettez-moi de vous décrire notre mandat et ce que nous faisons. Notre mission est de contribuer à la sécurité publique des Canadiens et d'aider à protéger l'intégrité du système financier grâce à la détection et à la dissuasion du blanchiment d'argent et du financement d'activités terroristes. CANAFE a été créé en 2000, en vertu de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité, à titre d'organisme indépendant présentant ses rapports au Parlement par l'entremise du ministre des Finances, le ministère des Finances étant le chef de file du gouvernement en matière de lois et de politiques reliées au régime canadien de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes. En 2001, après les événements du 11 septembre, la lutte contre le financement des activités terroristes a été ajoutée au mandat du Centre, en vertu de la Loi antiterroriste.
CANAFE est l'unité du renseignement financier du Canada. Nous avons un peu plus de 300 employés, et trois bureaux régionaux, en plus de notre administration centrale.
Nous sommes un organisme unique au Canada, car notre mandat est d'analyser les renseignements tirés de déclarations d'opérations financières et de communiquer certains renseignements aux enquêteurs dans les limites permises par notre loi. Notre loi stipule que nous ne pouvons communiquer des renseignements aux services de police que lorsque nous avons des motifs raisonnables de soupçonner qu'ils seraient utiles aux fins d'enquête ou de poursuite relativement à une infraction de blanchiment d'argent ou de financement d'activités terroristes. Lorsque nous avons des motifs raisonnables de soupçonner que les renseignements que nous détenons seraient pertinents à une menace, nous devons les communiquer au Service canadien du renseignement de sécurité.
Bref, nous fournissons aux organismes d'application de la loi et de sécurité nationale des indices de nature financière. Nous sommes une source de renseignements pour tous les services de police du Canada et possédons une capacité unique de suivre la piste de l'argent issu d'activités criminelles partout au pays et dans le monde. Nous pouvons également communiquer des renseignements à l'Agence du revenu du Canada, à l'Agence des services frontaliers du Canada et au Centre de la sécurité des télécommunications Canada lorsque certains critères réglementaires concernant ces organismes sont remplis. Enfin, nous pouvons communiquer des renseignements aux unités du renseignement financier étrangères.
Pour vous donner un bon aperçu de notre mandat, il est également important de signaler ce que CANAFE n'est pas. Le Centre n'est pas un organisme d'enquête et il ne possède pas les pouvoirs nécessaires pour recueillir des preuves, pour porter des accusations et pour saisir ou geler des biens. CANAFE n'enquête pas sur les infractions présumées et n'intente pas de poursuites. Le Centre est plutôt un organisme d'analyse, qui produit des renseignements financiers pouvant être communiqués, le cas échéant, afin de faciliter les enquêtes menées par les organismes d'application de la loi et de sécurité.
[Français]
Tous les jours, diverses entreprises, que nous appelons des entités déclarantes, transmettent à CANAFE des déclarations sur différents types d'opérations financières. Les entités qui nous font parvenir le plus grand nombre de déclarations sont les banques, mais nous recevons également des déclarations des casinos, des caisses populaires, des compagnies d'assurance-vie et des entreprises de services monétaires, pour n'en nommer que quelques-unes. Nous sommes autorisés, en vertu de notre loi, à recevoir des déclarations d'opérations douteuses et de tentatives d'opérations douteuses, des déclarations d'opérations importantes en espèces de plus de 10 000 $, des déclarations de déboursements de casinos et des déclarations de télévirements internationaux de 10 000 $ ou plus.
Au fil des années, nous avons monté une vaste base de données comprenant ces déclarations. Grâce à nos programmes informatiques sophistiqués et aux talents de nos analystes très qualifiés, nous pouvons analyser ces données ainsi que de l'information provenant d'autres sources, comme les bases de données des organismes d'application de la loi, les bases de données commerciales ou accessibles au public et, parfois, de l'information provenant d'unités du renseignement financier étrangères. En termes simples, nous prenons des données sur des opérations financières, y ajoutons l'information à laquelle nous avons accès, analysons le tout et divulguons notre produit analytique sous la forme d'une communication de cas. Sans entrer dans les détails de ce que nous faisons, je dirai que nous sommes à l'affût d'opérations et de tendances financières qui nous permettent de cibler des activités présumées de blanchiment d'argent ou de financement du terrorisme.
Comme vous pouvez l'imaginer, les déplacements de fonds illicites sont habituellement très discrets et complexes. Ils concernent des centaines et parfois même des milliers d'opérations ainsi que des douzaines de personnes et d'entreprises. Les organisations criminelles utilisent parfois plus d'une douzaine d'institutions financières différentes partout au pays et dans le monde pour recycler leurs profits. Il est donc facile de comprendre comment les ressources d'un seul service de police peuvent ne pas suffire à la tâche et pourquoi le rôle du CANAFE est si important.
Au fil de notre évolution, et alors que nous devenions un organisme chevronné, nous avons été en mesure d'augmenter de façon importante notre production de renseignements financiers. Le rapport annuel le plus récent de CANAFE, déposé l'automne dernier, résume un certain nombre d'enquêtes criminelles qui ont été facilitées par nos renseignements financiers. Un des 556 cas communiqués portait sur une fraude d'envergure internationale en matière d'investissements dans le cadre de laquelle des milliers d'opérations avaient été effectuées pour des centaines de millions de dollars.
[Traduction]
L'augmentation du nombre de cas que nous avons communiqués l'année dernière poursuit la tendance que nous connaissons depuis que nous sommes devenus opérationnels. Nous sommes maintenant en mesure de produire plus de renseignements financiers, plus rapidement. Ces renseignements font l'objet d'une demande croissante, surtout lorsque les services policiers enquêtent sur des réseaux criminels et de nombreux suspects en même temps. La piste de l'argent est devenue un aspect important du travail d'enquête. Les renseignements financiers permettent de mettre à jour des opérations qui sont parfois reliées à des activités criminelles. Ils peuvent aider les enquêteurs à décider où chercher des preuves, qui inclure dans l'enquête et qui en exclure, comment les différents sujets sont reliés et où les biens peuvent être cachés. Cela vaut pour les enquêtes portant sur les fraudes, le trafic de drogues et de nombreuses autres infractions criminelles concernant les produits de la criminalité.
La véritable mesure de notre succès demeure notre capacité d'améliorer l'efficacité de ceux qui enquêtent sur des crimes graves.
Les renseignements stratégiques font également l'objet d'une demande croissante et, alors que nous évoluons et acquérons de l'expérience, nous sommes en mesure d'accroître notre capacité en matière d'analyse stratégique. En expliquant les tendances dans le blanchiment d'argent et en se penchant sur la situation dans son ensemble, nous aidons nos entités déclarantes à être plus efficaces dans la détection et la dissuasion aux premières lignes. Par exemple, nous avons récemment rédigé un rapport à l'intention du secteur bancaire — et il figure également sur notre site Web — intitulé Typologies et tendances en matière de blanchiment d'argent et de financement des activités terroristes au sein du secteur canadien des banques.
Pour conclure, j'aimerais maintenant passer à un enjeu très important pour nous, la protection des renseignements personnels.
Notre loi a été rédigée minutieusement afin de protéger de la meilleure façon possible les renseignements personnels, tout en permettant la communication de certains renseignements aux organismes d'application de la loi. Nous sommes le seul organisme fédéral dont le mandat comprend l'obligation d'assurer la protection des renseignements personnels qu'il détient. En vertu de notre mandat, une grande quantité de renseignements personnels nous sont confiés et c'est une responsabilité que nous prenons très au sérieux. Nos mesures de sécurité sont rigoureuses et complètes. Aucun organisme de l'extérieur ne peut avoir accès à nos banques de données. La loi prévoit de lourdes sanctions pénales en cas de communication non autorisée de renseignements. Comme vous le savez peut-être, notre loi prévoit également un examen obligatoire de nos mesures de protection, qui doit être effectué par le Commissaire à la protection de la vie privée tous les deux ans. Les résultats du premier examen, terminé l'automne dernier, démontrent que nous protégeons très bien les renseignements que nous détenons.
Enfin, vous trouverez à la fin de ma présentation un tableau qui illustre notre processus opérationnel. Je sais qu'il serait trop long pour moi de vous en expliquer les détails aujourd'hui, mais nous serions enchantés de revenir et d'en discuter et, peut-être, d'illustrer comment nous montons un dossier.
Merci, monsieur le président.
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Merci, monsieur le président, et merci aux témoins.
J'aimerais tout d'abord, maître Lacasse et maître Poulin, vous poser des questions au sujet de la communication de la preuve. Nous entendons dire qu'il se fait, à l'intérieur de la collectivité juridique, du travail de nature collaborative entre le barreau de la défense, l'Association du Barreau canadien, l'association des procureurs, et ainsi de suite, sinon pour codifier la chose, au moins pour en arriver à des protocoles en vue de pratiques exemplaires relativement au respect des exigences en matière de divulgation requises aux termes de l'arrêt Stinchcombe.
Premièrement, ma question est de savoir si la chose est en train de se faire. Comme cela a été dit par plusieurs personnes ici, il serait également vraisemblablement dans l'intérêt de l'avocat de la défense d'avoir une idée de ce qu'est le protocole ou de la nature et de l'envergure de la communication de la preuve, ainsi que du moment opportun pour la faire. Il conviendrait d'éviter de se présenter au procès et d'entendre « Oh, je ne savais pas que vous aviez cela », et que l'instance soit interrompue à jamais du fait de quelque recherche pyrrhique de document.
À votre connaissance, cela est-il en train de se faire du côté d'autres associations?
Deuxièmement, et cela s'inscrit peut-être davantage dans notre propos ici, entrevoyez-vous quelque moyen pour nous de codifier la chose et de prendre les éléments de l'arrêt Stinchcombe et de les inscrire dans quelque forme de loi, d'application aussi large que possible, et qui soit de quelque utilité?
Merci aux témoins d'être venus nous rencontrer. Je veux commencer par vous prier d'excuser mes quelques minutes de retard. J'aime donner l'occasion aux gens, au moins une fois dans leur vie, d'entendre un politicien présenter des excuses, lorsqu'elles s'imposent.
J'ai apprécié vos exposés.
J'aimerais poser quelques questions, particulièrement à nos invités du Service des poursuites pénales. Une recommandation que j'ai entendue, et à laquelle je réfléchis, intéresse la gestion des cas, particulièrement ceux de criminalité organisée qui donnent lieu à de longs procès. Cela intéresse bien sûr les problèmes de communication de la preuve ainsi que d'autres choses. La recommandation ou la proposition consiste à modifier l'article 645 de façon à permettre à des juges qui ne vont pas présider au procès de rendre des décisions préalables.
J'y vois des avantages et des inconvénients, mais j'aimerais connaître l'avis du Service des poursuites, si vous pouvez m'indiquer succinctement quels seraient les avantages et les inconvénients et, tout bien pesé, si vous pensez que ce serait une bonne ou une mauvaise chose selon l'optique du ministère public
Merci de m'avoir invité. Je dois commencer par dire, toutefois, que je ne sais pas trop pourquoi vous l'avez fait. Je ne suis pas un expert de la criminalité organisée. Je n'ai pas réellement de déclaration liminaire à faire. Je n'ai rien de particulier à dire, sinon peut-être faire état d'un rapport du professeur Michael Code, qui est maintenant juge à la Cour supérieure de l'Ontario. Et soit dit en passant, j'aurais dû le mentionner dès le départ, je ne suis plus le juge LeSage. J'ai pris ma retraite de la cour il y a six ans et demi environ, et je suis donc simplement Pat LeSage ou M. LeSage, comme vous préférez, mais je ne porte plus de titre honorifique.
Quoi qu'il en soit, le professeur Code et moi-même, il y a quelques années, avons rédigé un rapport sur les affaires criminelles complexes à l'intention du procureur général de l'Ontario, l'objectif étant de voir si nous pouvions formuler quelques recommandations en vue de rationaliser ces procès.
Nous avons présenté notre rapport et formulé un certain nombre de recommandations. Certaines portent sur des sujets qui ont déjà été abordés ici — j'étais en ligne et ai pu suivre la discussion au cours des 15 dernières minutes — tant dans les questions que les réponses des témoins précédents qui, je crois, appartiennent au Service des poursuites pénales du Canada, encore que je n'en sois pas sûr. Quoi qu'il en soit, je ne suis pas sûr d'avoir grand-chose de nouveau ou d'original à contribuer.
J'ai entendu quelques questions et quelques réponses concernant des modifications du Code criminel. Le professeur Code et moi-même — veillons à ne pas mélanger nos codes — avons formulé maintes recommandations dans notre rapport intéressant la procédure et l'administration, mais très peu de recommandations portant sur des modifications du Code criminel. L'une d'elles a déjà été mentionnée, soit l'aménagement de l'article 645 du Code criminel.
Pour vous donner un peu de contexte, la question de savoir à quel moment un procès débute a fait souvent l'objet de litiges, mais en gros la coutume était qu'un procès devant jury, comme j'en ai souvent eu l'occasion de présider, ne commençait qu'une fois le jury constitué. Puis, aux alentours de 1985, le Code criminel a été modifié de façon à autoriser le démarrage du procès avant la constitution du jury, et ce afin que les décisions préalables puissent être rendues avant que le jury soit constitué et éviter de renvoyer ensuite les jurés pour une durée considérable.
Cela a été un changement très, très utile. J'étais à l'époque à la Cour. Nous pensons qu'une modification ultérieure pour permettre simplement à n'importe quel juge de la cour de rendre des décisions préalables avant le démarrage du procès lui-même améliorerait l'efficacité du processus de jugement. Autrement dit, des décisions très précoces pourraient être rendues sur la recevabilité, et j'ai entendu quelqu'un tout à l'heure mentionner des éléments tels que les écoutes téléphoniques ou les perquisitions et saisies relativement à la communication de la preuve. Quantité de points de litige pourraient être tranchés par avance.
On peut logiquement se demander pourquoi le juge au procès ne pourrait pas faire cela par avance? Eh bien, le problème — et c'est probablement difficile à comprendre — c'est que cela présente des problèmes logistiques considérables, car parfois on aimerait rendre ces décisions très longtemps à l'avance. Ce juge particulier va probablement être amené ensuite à présider un autre procès et lorsque le procès en question est prêt à commencer, il ou elle peut être pris ailleurs.
Nous ne voyons aucun inconvénient à autoriser n'importe quel juge à rendre ces décisions et de nombreux avantages. En sus, cela pourrait bien permettre aux tribunaux de mieux utiliser les connaissances de leurs magistrats. Certains juges sont très experts, par exemple, en écoutes électroniques.
Voilà donc un changement possible. Ce pourrait être une modification très simple. Il pourrait suffire de dire que « juge » signifie tout juge de la cour concernée.
Une autre modification nous a paru utile. Certaines dispositions du Code criminel permettent de recourir à une preuve par affidavit sur des points qui ne sont pas hautement litigieux ou particulièrement controversés: la propriété d'un bien, par exemple, dans un cas de vol; une attestation qu'un billet de banque est faux; une attestation que l'alcootest a donné un certain résultat; ou des documents bancaires ou commerciaux admissibles en vertu de la Loi sur la preuve au Canada. Nous suggérons d'examiner et d'explorer d'autres domaines où l'on pourrait recourir à une preuve par affidavit, sous réserve toujours, bien entendu, que si la partie adverse — c'est-à-dire la défense — souhaite contre-interroger le souscripteur, l'auteur de l'affidavit, elle puisse le faire avec l'autorisation de la cour.
Le seul autre domaine où nous recommandons une révision est l'article 38 de la Loi sur la preuve au Canada. C'est celui qui intéresse les questions de sécurité nationale. Comme vous le savez, l'administration du droit est une responsabilité provinciale et les procès criminels sont tenus dans les cours provinciales ou les cours supérieures de la province. À l'heure actuelle, comme vous le savez probablement, si une question de sécurité nationale surgit, l'article 38 de la Loi sur la preuve au Canada intervient et cette question doit être tranchée par la Cour fédérale. Cela occasionne un va-et-vient entre les deux cours. En outre, le retard qui peut être ainsi occasionné — et je dis « peut », mais c'est bien le cas parfois... Ces décisions sont susceptibles d'appel, contrairement aux décisions des procès ordinaires qui ne peuvent faire l'objet d'un appel qu'à la conclusion de l'affaire.
Dans notre rapport nous préconisons donc que les ministres de la justice fédéral, provinciaux et territoriaux se penchent sur la question pour trouver une façon plus rationnelle de conduire les procès.
Voilà, je pense, mes seules remarques concernant des recommandations précises de modifications du Code criminel ou de la Loi sur la preuve.
Monsieur LeSage, si vous insistez — ou monsieur le juge LeSage — ayant été avocat pendant une vingtaine d'années et membre des barreaux de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick pendant tout ce temps, c'est pour moi aussi un grand plaisir de vous accueillir ici. Nous avons entendu d'autres juges à la retraite comme témoins devant des comités — deux au cours de mes quatre années ici: l'ancien juge en chef de l'Alberta, M. Wachowich, et feu Antonio Lamer. C'était très précieux. Je veux donc vous féliciter et vous remercier de prendre le temps de comparaître.
J'ai deux questions assez précises. L'une intéresse la communication de la preuve et l'autre la représentation, et elles sont relatives aux procès criminels car ces deux aspects influencent les grands procès ou mégaprocès et les procès de membres du crime organisé.
Premièrement, en ce qui concerne la divulgation, êtes-vous d'avis qu'il faut assouplir les exigences? Nous recherchons ici une façon, peut-être non pas de codifier cela dans le Code criminel, mais au moins de recommander que cela devienne une pratique exemplaire ou une politique ou un protocole que la communication soit faite — peut-être au-delà de l'option ou du plaidoyer quelque part en cours de route — afin de ne pas arriver sur les marches du tribunal et de recevoir l'inévitable demande d'ajournement une fois que tout est prêt à démarrer, ce qui entraîne des coûts, des retards, etc. Voilà la première question.
La deuxième question intéresse la représentation. Souvent les avocats arrivent, soit par accident soit délibérément, sans être préparés ou franchement pas capables de défendre la cause à laquelle ils ont été commis d'office ou qu'ils ont choisi d'accepter. Cela procède de l'idée que peut-être, dans certains cas, certains avocats sont dépassés. Nous connaissons cela au Parlement, étant souvent débordés par des enjeux qui dépassent souvent nos compétences, et cela fait la manchette des journaux chaque jour.
Dans un tel cas, pensez-vous qu'un juge devrait avoir le droit ou devrait intervenir un peu comme un intervenant désintéressé, pour dire qu'il pense que cet avocat plaidant n'ayant que deux années d'expérience ne devrait pas s'occuper d'une affaire de triple homicide avec trois tonnes de documents communiqués? Serait-ce déplacé pour un juge de dire cela?
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Permettez-moi de répondre dans l'ordre inverse, en commençant par votre dernière question.
Le professeur Code et moi-même nous sommes penchés sur cette question dans notre rapport. Nous pensons tous deux que le juge présidant a le pouvoir de dire à un avocat qu'il n'est pas capable de mener le procès et doit soit se faire seconder soit céder la place. Je connais deux cas où cela est arrivé, et il en existe probablement beaucoup d'autres que je ne connais pas. Les deux cas étaient des affaires de meurtre et les juges de la Cour supérieure de l'Ontario ont simplement dit aux avocats, après quelques motions préliminaires, qu'ils étaient incapables, n'avaient pas l'expérience pour conduire le procès et devaient demander à un avocat expérimenté soit de les seconder soit de prendre en main l'affaire.
Les deux cas sont allés en appel. Je ne me souviens plus si ce point-là a été un enjeu en appel, mais dans l'affirmative ce n'était pas un enjeu majeur. Mais il n'y a pas eu de protestation, dans les deux cas on a fait appel à des avocats expérimentés.
Le professeur Code et moi-même pensons tous deux que le pouvoir de le faire existe.
Il existe un problème un peu plus ardu, et c'est lorsque l'accusé insiste pour se représenter lui-même et se conduit d'une manière qui non seulement perturbe totalement le procès mais souvent nuit à sa propre cause. Nous préconisons — et c'est d'ailleurs une autre recommandation dans notre rapport — que le Code criminel soit peut-être modifié pour tenir compte d'un tel cas.
Dans la première situation, celle d'un avocat incompétent, nous pensons que le juge a le droit de lui ordonner d'en prendre un autre. S'il refuse, je pense que vous pouvez simplement dire: « Je ne vais pas continuer ce procès avec vous ».
Dans la situation plus difficile, et nous en avons eu un aperçu à Montréal il y a quelques années — le professeur de Concordia qui se représentait lui-même et a tellement perturbé le procès — nous pensons qu'il devrait exister une disposition dans le code permettant au juge de décréter que l'accusé ne peut plus se représenter lui-même, et même de dépasser le rôle d'amicus curiae. Nous pensons que le juge a le droit de désigner un amicus curiae mais nous pensons à une situation où vous deviendrez plus qu'un amicus curiae, vous deviendrez l'avocat de la défense.
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Bonjour, monsieur le juge.
Nous aimerions vous parler beaucoup plus longtemps. Malheureusement, nous allons devoir retenir bien des questions que nous voudrions vous poser.
J'ai pratiqué le droit criminel pendant plus de 25 ans avant de commencer à faire de la politique, en 1993. J'ai pratiqué à Montréal et j'ai très bien connu le juge Lamer. J'avais pour lui, d'abord quand il était avocat, puis lorsqu'il était juge, un immense respect.
Comme jeune avocat, j'étais déjà scandalisé par le nombre de témoins que nous convoquions à la cour de façon totalement inutile. Dans les affaires de drogue, par exemple, pour établir que la drogue avait été trouvée chez l'accusé, on faisait comparaître le concierge et ainsi de suite. À cette époque, j'avais fait une suggestion, mais cela fait si longtemps que je ne me rappelle plus dans quelle revue elle a été publiée. Il s'agissait de créer une procédure consistant à émettre un avis à l'autre partie pour que celle-ci admette des faits qui ne sont jamais contestés, par exemple le fait que l'accusé habite à l'endroit où la drogue a été trouvée. Il y avait aussi la continuité de la possession d'un objet qu'un policier transmettait éventuellement à un laboratoire et qui était ensuite retourné. D'ailleurs, en anglais, on avait appelé cela un notice to admit. À ce que je sache, on n'applique ça nulle part. Pourtant, beaucoup de témoins sont encore convoqués pour rendre des témoignages purement techniques. Or, dans leur esprit, cela discrédite vraiment l'administration de la justice.
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C'est une très bonne question. Je soupçonne qu'une partie, voire la plus grande partie, ne serait pas à leur portée.
Notre système a évolué au fil d'une longue période. Je suis devenu procureur de la Couronne il y a 47 ans, et à mes débuts, nous ne divulguions rien — rien. Il y avait l'acte d'accusation et c'était tout. Les choses ont changé graduellement, et c'est pour le mieux. Cela ne fait aucun doute.
Certes, nous connaissons ce qu'il est difficile d'appeler encore, je suppose, des douleurs de croissance, car l'arrêt Stinchcombe remonte à 1990, je crois, mais je ne crois pas que ce dernier posait autant de problèmes il y a cinq ou 10 ans. Il faut un certain contrôle pour déterminer la pertinence, et les représentants du Service des poursuites pénales ont mentionné cela plus tôt, mais si vous pensez qu'un renseignement est pertinent, il faut le produire.
Le gros problème ne tient pas seulement à la production, mais au fait que les enquêtes aujourd'hui sont beaucoup plus sophistiquées qu'elles ne l'étaient à mon époque. J'ai poursuivi des douzaines d'affaires de meurtre, et aucune n'a duré plus d'une semaine, mais la preuve était simple et claire. Il n'y avait presque pas de preuve médico-légale, hormis l'examen pathologique. On ne produisait tout simplement pas autant de matériel d'enquête qu'aujourd'hui.
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C'est une très bonne question.
Généralement parlant, le barreau des avocats de la défense a accepté les grandes recommandations que le professeur Code et moi-même avons formulées, certains d'entre eux avec des réserves considérables. Mais, oui, je pense qu'il y a une acceptation générale.
Ce que nous disons dans notre rapport, c'est que la personne qui préside le procès peut réviser la décision si une preuve, une preuve claire, est devenue disponible et/ou est présentée à la cour, une preuve dont le juge des motions n'avait pas connaissance. C'est donc une chose que nous disons.
Nous disons également que certaines choses, par exemple, la preuve de faits similaires... J'ai toujours trouvé difficile de trancher à ce sujet avant de « sentir » le procès. Je n'ai jamais aimé la preuve de faits similaires, je ne l'admettais presque jamais, mais cela est un autre sujet. Mais il faut connaître un peu le parfum, peut-être même l'aveu, si l'on veut introduire un aveu. Mais pour des choses comme les écoutes électroniques, les perquisitions et saisies, il ne devrait rien être produit au procès qui n'a pas été communiqué avant le procès. Cela peut tellement accélérer le règlement des affaires. Si les écoutes électroniques sont communiquées, vous aboutissez souvent à beaucoup de plaidoyers de culpabilité; si les écoutes électroniques sont refusées, le ministère public finit souvent par retirer les accusations.
Nous ne voyons donc pas beaucoup d'inconvénients et nous voudrions laisser au juge présidant le procès la faculté de réviser les décisions, mais uniquement si une preuve nouvelle et claire devient disponible.
Bienvenue, et merci d'être venu nous rencontrer aujourd'hui.
Plusieurs d'entre vous ont posé des questions résultant de l'arrêt Stinchcombe et je vais faire de même, car nous avons eu quantité de discussions à ce sujet pendant nos déplacements à travers le pays.
Un certain nombre de services de police nous ont fait part du fait que les contraintes de communication imposées par Stinchcombe ont souvent compromis leurs techniques d'enquête et ils considèrent que certaines organisations criminelles se servent même de la divulgation pour se familiariser avec les techniques d'enquête policières et adapter leurs pratiques de manière à éviter la détection à l'avenir.
Plus tôt ce matin, les procureurs fédéraux nous ont dit que l'arrêt Stinchcombe autorise certaines dérogations dans le cas des renseignements protégés, notamment ceux relatifs aux techniques d'enquête. Je n'ai pas eu l'occasion de leur demander jusqu'où peut aller cette protection des techniques d'enquête employées par la police, mais je me demande si vous avez jamais eu à connaître de cette question et quelle portée vous attribuez à cette protection actuellement autorisée par Stinchcombe et ce que nous, législateurs, pourrions faire pour mieux protéger la confidentialité des techniques d'enquête policières? Il ne s'agit pas seulement du personnel employé par la police mais aussi des moyens techniques utilisés aujourd'hui car, comme vous l'avez fait remarquer, elles sont devenues aujourd'hui très sophistiquées.
J'aimerais savoir si vous avez un avis à ce sujet.
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Eh bien, vous avez mis le doigt sur un recoin ancien, ancien, plus doux et délicat de ma psyché.
Tout d'abord, permettez-moi de vous le dire, je suis très fervent partisan du système des jurys, et c'est parce que je crois en la sagesse que ces 12 personnes apportent à leur tâche. Cependant, lorsque on voit ce qui devient presque une mécanique dans certains des procès complexes d'aujourd'hui, peut-être mes opinions anciennes sur les juges généralistes et la non-spécialisation des juges ne pèsent plus aussi lourd qu'auparavant.
Je pense que si vous demandiez aux avocats de la défense et aux procureurs à travers le pays s'ils souhaitent des juges spécialisés, ils répondraient probablement oui. En revanche, si vous disiez ensuite: « Que pensez-vous du juge X ou du juge Y? Ils sont des juges spécialisés en droit pénal. Aimeriez-vous les avoir? », la réponse sera non. C'est là l'avantage du généraliste.
Certainement, en Ontario, au cours de mes 29 années dans la magistrature, le plus souvent — 90 p. 100 du temps — nous avions des juges expérimentés et nous affections les juges expérimentés aux affaires complexes, tout comme nous affectons des juges expérimentés de notre liste commerciale aux affaires commerciales complexes, particulièrement les motions ou les insolvabilités.
Nous avons des effectifs de juges spécialisés et j'aime croire qu'un bon juge en chef affectera un expert à une affaire complexe. Hormis cela, je préférerais ne pas voir de désignations telles que seuls certains juges puissent faire certaines choses, car il y a beaucoup d'affaires non complexes. Moi-même, qui avais des antécédents en matière pénale, j'ai présidé des procès dans tous les domaines du droit — peut-être pas bien, mais j'ai présidé dans tous les domaines — mais je ne m'occupais pas des causes complexes. Je n'étais pas sur la liste commerciale et ne m'occupais pas d'une restructuration de 100 millions de dollars.
Je dis donc des spécialistes si nécessaire, mais pas nécessairement des spécialistes.
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Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur le juge LeSage, de votre présence aujourd'hui.
J'aimerais revenir sur un thème ouvert par mon ami, M. Murphy, concernant la compétence des juges et l'expérience dans certains domaines.
Je crois savoir que depuis votre départ à la retraite de la magistrature, vous êtes chez Gowlings, un grand cabinet juridique canadien. Certes, les grands cabinets juridiques sont très spécialisés au niveau de leurs services de contentieux, leurs services de droit commercial, etc. Envisagez-vous une évolution naturelle dans la magistrature telle que les juges deviendraient de plus en plus spécialisés? En tout cas, dans ma province de l'Alberta et dans d'autres, l'on a créé les tribunaux de la famille et les tribunaux de la jeunesse dans les cours provinciales. Est-ce là l'évolution naturelle de la magistrature, à votre avis?