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Je déclare la séance ouverte. Il s'agit de la troisième séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Nous sommes le mardi 23 mars 2010.
Je voudrais simplement signaler que la séance d'aujourd'hui tenue avec le ministre est télédiffusée par CTV et la CBC.
Vous avez devant vous l'ordre du jour. Le ministre Nicholson nous parlera d'abord des plans de dépenses de son ministère et il nous donnera peut-être une idée des dispositions législatives que notre comité peut s'attendre de voir.
À la fin de la réunion d'aujourd'hui, nous aurons un peu de temps pour une réunion à huis clos au cours de laquelle nous discuterons des travaux du comité, y compris du déplacement de notre comité pour l'étude sur le crime organisé.
Monsieur Comartin, vous avez également une motion que vous voudrez peut-être présenter à la fin de notre réunion.
Encore une fois, je demande à tous ceux qui ont un BlackBerry, un autre appareil du genre ou encore un téléphone de les mettre en mode vibration ou de les fermer complètement. Si vous devez faire des appels, veuillez sortir de la salle.
Bienvenue de nouveau, monsieur le ministre. Vous êtes accompagné naturellement de M. Sims, sous-ministre et sous-procureur général. Bienvenue à vous aussi.
Monsieur le ministre, vous avez 10 minutes pour faire votre exposé, après quoi nous passerons aux questions des membres.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je suis heureux de me présenter devant votre comité une nouvelle fois.
Comme c'est la première occasion publique que j'ai de comparaître devant votre comité, je désire porter certains changements à votre attention. Je suis fier de dire que se joint à mon collègue Daniel Petit un nouveau secrétaire parlementaire, Bob Dechert; je désire le féliciter et lui souhaiter bonne chance dans ses nouvelles fonctions. J'ai exercé ce rôle moi-même pendant environ quatre ans. L'expérience a été formidable pour moi et j'espère vraiment qu'elle le sera autant pour vous. Je suis donc heureux de vous avoir tous les deux.
Et à vous, monsieur le président, je souhaite la meilleure chance dans la poursuite de vos responsabilités en qualité de président du Comité de la justice et des droits de la personne.
Je suis enchanté d'être accompagné par John Sims, sous-ministre et sous-procureur général du Canada. M. Sims va prendre sa retraite. Il me manquera. Les conseils qu'il m'a prodigués et le soutien qu'il m'a apporté depuis plus de trois ans ont été précieux. Il est un serviteur de l'État exceptionnel et il fait honneur à la profession, au ministère et à la fonction publique de notre pays. Je désire lui présenter mes meilleurs voeux de succès publiquement, comme je le ferai en privé. Encore une fois, je suis très heureux de l'avoir avec moi aujourd'hui.
Monsieur le président, depuis que notre gouvernement a été élu la première fois, nous avons pris des mesures pour nous attaquer au crime et pour protéger les Canadiens. Les employés du ministère de la Justice nous ont donné des conseils précieux et ils ont déployés des efforts soutenus pour nous aider à nous acquitter de notre engagement. Je leur suis très reconnaissant du sérieux qu'ils manifestent et du soutien qu'ils fournissent au gouvernement dans les efforts qu'il déploie pour faire avancer ses grands objectifs de justice et de lutte contre le crime.
Avec l'aide du ministère, notre gouvernement a pu prendre des mesures décisives pour enrayer le crime et assurer la sécurité de nos quartiers et collectivités. Nous avons présenté des projets de loi établissant des peines d’emprisonnement obligatoires pour les crimes commis avec l’aide d’une arme à feu; nous avons renforcé les peines pour les criminels dangereux et nous avons fait passer de 14 à 16 ans l’âge auquel on protège les jeunes contre les prédateurs sexuels adultes. Nous avons ciblé le vol d'identité et nous avons pris des mesures pour que les criminels purgent des peines correspondant à la gravité de leurs crimes.
L'une des plus récentes réalisations de notre programme est l'élimination du comptage en double du temps passé en détention en attendant la tenue du procès et le prononcé de la peine, une pratique qui permettait de réduire de façon disproportionnée les peines de certains délinquants violents. Grâce à cette mesure, les Canadiens savent maintenant que la justice est faite et que les peines sont proportionnées aux infractions commises. Nous demeurons fermement déterminés à lutter contre le crime et à protéger les Canadiens pour que les collectivités dans lesquelles ils vivent, élèvent leurs familles et travaillent demeurent des milieux de vie sûrs. Comme le gouvernement l'a déclaré dans le discours du Trône prononcé dernièrement, la loi doit protéger tout le monde, et ceux qui commettent des crimes doivent en répondre. Les Canadiens veulent un système de justice qui rend justice.
Entre autres initiatives, nous cherchons à renforcer la façon dont le système de justice pénale pour les adolescents traite les jeunes délinquants violents et les jeunes récidivistes. À l'heure actuelle, le système ne dispose d'aucun outil pour garder ces jeunes en prison en attendant leur procès, même s'ils présentent un danger pour eux-mêmes et pour la société. Qu'ils soient le fait de jeunes ou d'adultes, les crimes commis par les délinquants violents et les récidivistes ont des répercussions profondes sur les victimes. Nous estimons que la loi doit protéger les droits des victimes et assurer la sécurité des collectivités. Si notre système de justice n'y arrive pas, nous devons agir.
La semaine dernière, j'ai présenté un projet de loi connu sous le nom de Loi de Sébastien afin de faire de la protection de la société l'objectif premier de notre système de justice pénale pour les adolescents. Le projet de loi accroîtra la confiance des Canadiens et des Canadiennes dans le système de justice du fait qu'il rendra les jeunes violents et les jeunes récidivistes responsables de leurs actes. Il simplifiera les règles pour retirer ces jeunes de la rue et obligerait les tribunaux à envisager la possibilité de rendre public le nom d'un jeune délinquant violent lorsque cela est nécessaire pour protéger la population.
De plus, nous prenons extrêmement au sérieux les nombreux cas d'exploitation sexuelle des enfants par Internet. La création et la distribution de pornographie juvénile sont des crimes horribles dans lesquels des enfants sont brutalement victimisés à répétition. La toile mondiale fournit aux délinquants des moyens nouveaux et plus faciles pour faire, voir et distribuer de la pornographie juvénile. La toile a beaucoup accru non seulement l'accès à la pornographie juvénile et le volume de documents pornographiques, mais aussi le niveau de violence perpétrée contre les enfants.
Le gouvernement a proposé dernièrement de rendre obligatoire le signalement de la pornographie juvénile par les fournisseurs de services Internet partout au Canada, et nous entendons réitérer cette proposition au cours de la présente session. Le signalement obligatoire nous permettra de mieux protéger nos enfants contre les prédateurs sexuels et il aidera la police à secourir ces jeunes victimes et à poursuivre les criminels.
Le gouvernement a également montré qu'il se préoccupe des victimes des délinquants qui ont commis des meurtres multiples. Nous croyons fermement que les familles des victimes de meurtre ne devraient pas avoir l'impression que la vie des êtres qui leur sont chers ne compte pas. Voilà pourquoi j'ai déposé, au cours de la dernière session, des projets de loi qui permettront aux juges d'imposer des périodes d'inadmissibilité à la libération conditionnelle consécutives pour les délinquants qui ont commis plusieurs meurtres. Alors qu'un délinquant qui a commis plusieurs meurtres ne peut être condamné qu'à une seule peine à perpétuité, la période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle, qui est de 25 ans dans le cas d'un meurtre au premier degré, pourrait être imposée de façon consécutive pour chaque meurtre subséquent.
De plus, nous tenterons encore d'éliminer la clause de la dernière chance du Code criminel. En disant non à la mise en liberté anticipée pour les auteurs de meurtres, notre gouvernement espère épargner aux familles la douleur d'assister à des audiences de libération conditionnelle tenues à répétition et de devoir vivre encore et encore les pertes indescriptibles qu'elles ont subies.
Ces mesures législatives reconnaîtraient la valeur de chaque vie enlevée par le crime le plus grave. Avec ces mesures, les criminels en cause purgeraient une peine qui serait plus appropriée à la gravité de leurs crimes, et les Canadiens seraient mieux protégés.
Monsieur le président, notre gouvernement demeure déterminé à renforcer notre système de justice, tout particulièrement pour les producteurs et les trafiquants de drogue. Nous entendons présenter de nouveau un projet de loi pour modifier la Loi réglementant certaines drogues et autres substances pour que soient imposées des peines obligatoires aux producteurs et aux trafiquants de drogue, en ciblant tout particulièrement les projets criminels des gangs et d'autres organisations criminelles violentes, parce que la drogue est la monnaie d'échange du crime organisé et des gangs. L'adoption de ce projet de loi permettrait de mieux protéger les collectivités et d'envoyer un message clair: si vous produisez de la marijuana, si vous en faites le trafic, si vous exploitez une installation de culture de marijuana dans un quartier résidentiel, si vous menacez la sécurité des collectivités canadiennes, vous purgerez une peine d'emprisonnement. Les Canadiens ne devraient pas avoir à tolérer une activité criminelle qui prospère au détriment des citoyens qui respectent la loi et de ceux qui sont vulnérables à l'attrait de la drogue.
Monsieur le président, au cours des dernières années, j'ai parlé à des victimes de fraude et de criminalité en col blanc qui ont témoigné clairement de la gravité de ces crimes. La fraude peut avoir un effet dévastateur sur la vie des victimes, non seulement parce qu'elle fragilise leur sécurité financière, mais également parce qu'elle crée un sentiment d'humiliation chez ceux qui ont confié volontairement les épargnes de leur vie à quelqu'un d'autre. Ces crimes peuvent être tout aussi dommageables qu'une agression physique.
La détermination avec laquelle ces victimes réclament que des mesures soient prises pour lutter contre la fraude ainsi que leur détresse ont montré une fois de plus qu'il faut agir rapidement et efficacement contre ce type de crime. Voilà pourquoi nous voulons présenter de nouveau un projet de loi qui s'attaquera à la criminalité en col blanc et à la fraude et qui rendra davantage justice aux victimes. Nous modifierons le Code criminel pour que des peines plus sévères soient imposées à ces criminels. Les juges devront envisager la possibilité d'obliger les auteurs de tous les cas de fraude à dédommager leurs victimes et ils pourront prendre en considération les déclarations des collectivités et des victimes sur les préjudices subis lorsque viendra le temps de prononcer la peine. Grâce à ces dispositions, les victimes seront entendues et leurs préoccupations seront prises au sérieux par les tribunaux.
Monsieur le président, pour pouvoir continuer d'appuyer le gouvernement, le ministère de la Justice doit s'acquitter des obligations qui lui incombent à l'égard de ses employés concernant la rémunération. Il demande donc 47,5 millions de dollars dans le Budget supplémentaire des dépenses pour financer les augmentations de salaire rétroactives de ses avocats, qu'il doit obligatoirement verser en vertu d'une décision arbitrale rendue dernièrement.
En terminant, monsieur le président, j'aimerais vous remercier, vous et votre comité, du travail important que vous accomplissez. Je ferai de mon mieux pour que les fonds reçus par le ministère de la Justice soient dépensés sagement de façon à produire des résultats qui permettront d'améliorer notre système de justice et d'accroître la sécurité des collectivités pour répondre aux besoins des Canadiens et des Canadiennes.
Merci. Je vous invite maintenant à me poser vos questions.
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Merci d'être venu à ce comité, monsieur le ministre.
Je sais que vous y étiez peut-être un peu obligé, mais je m'aperçois bien que vous êtes tout de même venu ici bien volontairement. Je crois que c'est une bonne occasion de comparer certaines de nos opinions qui sont différentes, mais je suis cependant convaincu que vos opinions sont sincères. J'aimerais vous demander des explications sur certains sujets où vous aurez l'occasion de nous expliquer ces opinions.
Tout d'abord, nous réalisons depuis un certain temps, particulièrement au Québec, que nous serons appelés à avoir de très longs procès devant jury.
Déjà en 2005, on a dû poursuivre les 321 personnes arrêtées lors de l'opération Printemps 2001 — soit essentiellement les Hells Angels et leurs complices. Le procès a duré plusieurs mois. Encore récemment, dans les accusations pour les fraudes qui ont été commises par des entreprises qui gravitaient autour de Norbourg, le président a plaidé coupable, mais ses cinq associés ont dû subir un procès devant jury qui a duré quatre mois.
D'autres accusations sont actuellement portées dans des causes de fraude qui s'annoncent très longues.
Avez-vous des plans, au ministère de la Justice, pour raccourcir les termes de ces longs procès tout en respectant, évidemment, le droit tel que nous le connaissons?
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Merci beaucoup, monsieur Ménard, pour votre question. Vous évoquez là une très importante initiative du ministère de la Justice. Bon nombre de ces questions, comme vous le savez d’après le rapport LeSage et Code, sont administrées au palier provincial. Cela dit, des mesures pourraient et devraient être appliquées au palier fédéral. Mais ce n’est pas facile.
Je me souviens du projet de loi C-13 qui comportait une série de modifications; aucune d’entre elles n’avait attiré les manchettes, mais il s'agissait d’initiatives révisées par le ministère de la Justice avec, bien entendu, l'apport des procureurs généraux des provinces. Un point m’avait particulièrement intéressé. Je me souviens qu’il y a environ un an, les fonctionnaires du ministère m'avaient informé qu'il s'agissait de la quatrième tentative en dix ans de faire adopter le projet de loi. Il est très difficile de faire avancer ce genre de choses, en partie, parce qu'elles risquent d'échouer si une seule disposition n'a pas la cote auprès d'un groupe ou d'un parti. Voyez-vous ce que je veux dire? C’est parce que nous mettons ensemble beaucoup de choses disparates. Cela dit, je suis très déterminé, comme dans le cas du projet de loi C-13, à faire adopter ce projet de loi parce qu'il permet, à mon avis, de régler certains problèmes qui prolongent les procès.
Bien sûr, nous avons eu l'avantage de nous appuyer sur le rapport LeSage et Code, et j’ai tenu compte des observations des procureurs généraux des provinces. Beaucoup a été fait aux niveaux fédéral et provincial. Un des rapports que j'ai hâte de lire, c’est le rapport Air India qui porte exclusivement sur des questions liées à des procès de cette nature. Comme vous le savez, le rapport est presque terminé, et j'espère que nous pourrons l’obtenir bientôt. Encore une fois, je veux savoir quelles recommandations figurent dans le rapport en ce qui concerne la poursuite dans les affaires de terrorisme et les changements à apporter aux lois en vigueur. Je partage votre inquiétude quant à la poursuite et au traitement des cas de cette nature. À ce stade-ci, j’attends avec impatience de prendre connaissance des recommandations supplémentaires contenues dans le rapport Air India. Pour ma part... et une fois de plus, je tiens à remercier le comité d’aider à faire adopter le projet de loi, mais ce n’était pas facile. Je le répète: c’était la quatrième fois en une décennie qu'on a tenté de le faire adopter.
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Je suppose que cela dépend de la mesure législative. Dans le cas de certaines lois que vous avez étudiées — par exemple, le vol d’identité —, nous voulons juste mettre les lois au diapason avec la réalité et, d'habitude, il est question de crime organisé. On trouve des lois qui datent de plusieurs décennies; parfois, leur dernière mise à jour remonte jusqu'aux années 1800. Nous devons les mettre à jour pour nous assurer que toutes les facettes de l'activité sont prises en considération. C’est le même cas pour le vol d’automobile. Oui, voler une voiture est un crime, mais il ne faut pas oublier les ateliers de cannibalisation et, encore une fois, le crime organisé. Certains éléments passent entre les mailles du filet, mais je crois que tout le monde est d'accord pour dire qu'il s'agit d’activités criminelles.
Maintenant, en ce qui concerne les autres mesures législatives, très souvent, nous voulons faire passer le bon message. Par exemple, dans le cas du rapport Nunn, l'accent a été placé sur un jeune contrevenant qui a été arrêté, accusé d’un crime, libéré, puis accusé d’un autre crime, libéré, et ainsi de suite. Eh bien, les auteurs ont fait valoir un excellent argument. Le message, c'est que cet individu représente un danger non seulement pour la société, mais aussi pour lui-même. Voilà une partie de ce que nous voulons régler. Oui, nous essayons de faire passer le message aux individus.
Dans certains cas, comme je l’ai dit dans ma déclaration préliminaire, nous voulons tout simplement réduire la victimisation des personnes. Par exemple, les gens dont un membre de la famille a été assassiné souhaitent qu’on enlève la clause de la dernière chance. Je crois qu’un de vos collègues m’avait fait remarquer le point suivant: « Si on se débarrasse de la clause de la dernière chance, cela veut-il dire que certaines de ces personnes ne commettront pas ces meurtres? » Comme je l’ai dit, essayer de deviner ou de prévoir la raison pour laquelle quelqu’un commettrait un meurtre au premier degré dépasse peut-être le champ de compétence de certains d'entre nous, voire de la plupart, mais une chose est certaine: en faisant passer le message que si vous commettez ce genre de crime, vous n’aurez pas l’occasion de victimiser les familles touchées.... Là encore, cela dépend de la loi, et il y a différentes perspectives.
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Merci, monsieur le président.
Bonjour, monsieur le ministre et monsieur Sims.
Je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, ainsi que le gouvernement et votre ministère, d'avoir proposé d'importantes modifications à notre droit pénal. Selon moi, la sécurité de nos familles et de nos collectivités est de la plus haute importance, et je crois qu’il est de notre devoir, à titre de députés, de la protéger.
Depuis plus d'un an maintenant — depuis les dernières élections —, je m’entretiens régulièrement avec les électeurs de ma circonscriptions pour connaître leurs préoccupations à l’égard du système canadien de justice pénale pour les adolescents et pour déterminer s’ils appuient les modifications que vous avez récemment proposées à ce système.
J'ai également eu de nombreuses conversations avec des membres du service de police de Peel, dans ma région. Les policiers me répètent, depuis maintenant plusieurs années, qu'ils appuient les changements apportés à ce système. Pourriez-vous nous dire si le projet de loi a reçu l'appui des organisations et des services policiers partout au Canada?
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J'ai reçu de très bons commentaires jusqu’à présent. Les représentants de l'Association des policiers provinciaux du Québec ont déjà fait savoir qu'ils appuient l'orientation que nous prenons.
La réaction a été très bonne. Il faut savoir que les modifications visent les récidivistes violents et les gens qui représentent un danger pour eux-mêmes et les autres. Le projet de loi est très précis; c'est ciblé. Comme le souligne le rapport Nunn, il y a un groupe limité d’individus dangereux et incontrôlables, dont les problèmes doivent être traités. Vous avez sans doute remarqué que le projet de loi est très ciblé. L’argument qu’on y fait valoir, c’est que la protection du public doit primer dans le système de justice pénale.
Le projet de loi englobe plusieurs domaines, notamment l’obligation que la Couronne envisage une peine applicable aux adultes dans les infractions les plus graves... Il s’agit là de meurtre, d'homicide involontaire coupable, de tentative de meurtre. Encore une fois, on parle des infractions les plus graves. Nous disons au tribunal d'en tenir compte et, s’il le juge approprié, de rendre une décision dans ce sens.
En ce qui a trait à la détention des individus accusés d'infractions graves, nous voulons signaler clairement que leur détention sera nécessaire dans certaines circonstances en vue d’assurer la protection du public et de la personne.
Je crois que c'est équilibré, mais c’est aussi bien précis. Encore une fois, nous ciblons un petit groupe de jeunes qui ont des démêlés avec la justice.
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Eh bien, votre comité s'est penché sur les dispositions contenues dans l'ancien projet de loi C-15, qui cible spécifiquement les narcotrafiquants et le crime organisé, des personnes qui sont impliquées dans les installations de culture de marijuana dans le but d'en faire le trafic. Voilà qui est visé par le projet de loi.
D'autres vous diront que cela vise quelqu'un d'autre: la pauvre personne qui est devenue toxicomane ou celui qui fait l'essai de la drogue. Ce n'est pas ce qu'on cherchait à faire avec le projet de loi. Ce projet de loi ciblait les narcotrafiquants et ciblait le crime organisé. Ce n'est pas la première fois que je l'affirme.
Ils ont dit que nous nous attaquions aux personnes qui importent des drogues au pays. Je peux vous dire ce que les organismes d'application de la loi m'ont dit: les personnes qui s'adonnent à l'importation de drogues font partie du crime organisé et des gangs. Ce sont de ces personnes dont nous nous occupons dans ce projet de loi en particulier.
Maintenant, en ce qui concerne les installations de culture de marijuana, les organismes d'application m'en parlent tout le temps. En fait, c'est un monde en pleine mutation. Parfois, ils quittent la banlieue. Ils veulent aller dans les secteurs ruraux pour pouvoir s'adonner à leurs activités, croient-ils, à l'abri des regards indiscrets. Mais encore, on m'a dit et je le crois, le produit de ces installations de culture, la marijuana, constitue la monnaie d'échange servant à importer d'autres drogues dangereuses dans ce pays. Voilà la monnaie d'échange qui est utilisée.
Donc, nous devons envoyer un message clair aux personnes qui s'adonnent au trafic, qui font partie du crime organisé et qui sont membres de gangs; il faut qu'ils sachent qu'ils font face à des peines d'emprisonnement. C'est ce que nous voulons faire avec ce projet de loi. Je pense que c'est une approche très sensée à ce problème, et c'est une réaction à la situation que nous connaissons. C'est une opération qui devient de plus en plus sophistiquée.
Comme je l'ai dit dans ma réponse à la question de M. Ménard, pour les vols d'identité et les vols d'automobiles, il s'agit d'opérations beaucoup plus sophistiquées qu'il y a de cela 15, 20 ou 30 ans, et les lois doivent être mises à jour sur ces choses. Le monde évolue et nous devons nous assurer que les lois sont à la hauteur.
Le projet de loi fait partie des mesures que nous entendons prendre pour relever ces défis, donc j'ai l'intention, en effet, de présenter ce projet de loi de nouveau. Même si vous allez entendre les critiques dire que nous nous attaquons à un pauvre type en possession d'un plant, nous sommes en guerre contre les narcotrafiquants. Voilà notre cible. Encore une fois, nous allons présenter le projet de loi de nouveau.
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Merci, monsieur le président.
Merci d'être ici, monsieur le ministre de la Justice.
Monsieur Sims, si j'ai bien compris, vous nous quittez à la fin du mois de mars. Nous avons certainement apprécié le travail que vous avez fait ici.
Pour corriger un peu le tir, je suppose, monsieur le ministre, au sujet de la question de mon collègue concernant M. Iacobucci, je pense que le public doit savoir que c'est une personne extraordinaire, il a d'excellents états de service, mais cela fait près de six ans maintenant qu'il exerce sa profession en cabinet privé. Il travaille dans un cabinet d'avocats appelé Torys. Il s'agit d'une entreprise, donc j'imagine qu'il veut être payé pour ceci. Je suppose qu'il y a un mandat de représentation en justice. Vous avez dit qu'il a été engagé en vertu de l'article 127.1 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique.
Il me semble que si vous lisez le texte de loi, il ne peut être autre chose qu'un sous-ministre, ce qu'il n'est pas, ou un « conseiller spécial d'un ministre ». C'est dans l'alinéa 127.1(1)c). Si c'est ce qu'il est — et vous hochez la tête, donc cela doit être vrai —, cela signifie qu'il est, en fait, un avocat-conseil qui agit en tant que conseiller auprès de vous. En vertu de son mandat, il doit vous présenter un rapport sommaire — pas aux Canadiens, mais à vous, monsieur le ministre. Il doit vous présenter un rapport sommaire avant qu'il ne soit publié.
Alors, comment se fait-il qu'il ne soit pas un avocat engagé par votre ministère, à qui vous donnez des directives et qui relève de vous, puisque c'est un avocat? En quoi cela est-il différent et pourquoi laisse-t-on le public croire que ceci est une sorte de commission indépendante? Je pense qu'il n'est pas nécessaire de vous rappeler que le juge Gomery n'appelait pas le gouvernement tous les jours pendant qu'il faisait son enquête, qui était certainement indépendante, et qui a certainement eu des répercussions.
Nous voulons que le travail de M. Iacobucci, un homme bon, ait un sens. Nous voulons donc qu'il y ait une certaine indépendance dans ce cas, et franchement, monsieur le ministre, il n'y en a pas. Vous êtes le client. Il est l'avocat. Il vous présente son rapport avant de le divulguer au public.
Apaisez mes craintes et dites-moi que son bon travail ne sera pas mis de côté par le gouvernement, si le gouvernement — et pas vous personnellement, monsieur le ministre — pense que cela va un peu trop loin, s'il fallait retarder le tout, ou si des modifications devaient être apportées aux recommandations. Apaisez mes craintes à ce sujet, monsieur le ministre.
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Bonjour, monsieur le ministre.
Bonjour, monsieur Sims.
J'aimerais d'abord faire un petit commentaire. Bien souvent, on consulte les statistiques qui nous sont apportées pour nous aider à évaluer un ou des projets de loi, comme celui que nous voulons déposer sur les jeunes délinquants.
Je vous donne un exemple: il y a, au Québec, un dénommé Vincent Lacroix qui a fraudé 9 200 personnes. Les statistiques n'indiqueront qu'un seul acte criminel, on ne parlera pas des 9 200 victimes. Dans le cas d'Earl Jones, 150 personnes ont été fraudées et une seule personne sera mentionnée. Dans le cas des jeunes contrevenants, au Québec — que je connais tout particulièrement —, tous les signalements ne sont pas rapportés. Je ne veux pas savoir le nom, je veux savoir quel est l'acte criminel commis pour voir s'il y a de la progression dans la société, etc. C'est important, rien n'est rapporté et Statistique Canada est incapable de rendre compte de la totalité.
Au Québec, entre 125 et 175 personnes disparaissent chaque année et 41 p. 100 d'entre elles sont retrouvées alors que 59 p. 100 d'entre elles ne le sont pas, comme Cédrika Provencher. On ne sait pas si elle a été tuée ou violée, on ne sait rien. Il n'y a aucune possibilité de trouver des renseignements qui peuvent nous aider.
J'en viens à la question suivante. Je suis très fier du projet de loi que nous présentons. Le projet de loi , comporte des modifications pour les violents récidivistes — au Québec, c'est pour les jeunes de 16 et 17 ans — qui ont commis l'irréparable, c'est-à-dire un meurtre, une tentative de meurtre, un homicide involontaire et de la violence grave.
Vous en avez parlé un peu plus tôt, comment prévoyez-vous pouvoir permettre au juge... Cette semaine, les groupes qui défendent les jeunes au Québec ont dit qu'il était bon que le juge sache ce qui s'est passé antérieurement. Avez-vous prévu faire un lien avec les provinces pour qu'on puisse obtenir le plus de renseignements possible pour permettre au juge de rendre une bonne décision parce que, au bout du compte, c'est le juge qui rend la décision?
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Je pense que vous faites valoir un très bon point, monsieur Petit.
Vous voulez que les juges aient devant eux tous les renseignements pertinents qui leur permettront de s'occuper du dossier. Vous avez raison de dire qu'il y a des dispositions qui vont en ce sens. Je dis aux membres du comité de se pencher sur chacun des articles. Ces choses sont logiques.
Vous avez parlé de statistiques. On m'en parle des deux angles. Quelqu'un m'a dit que la criminalité chez les jeunes était en baisse et m'a demandé pourquoi je présentais ce projet de loi. Quelqu'un d'autre m'a ensuite dit que la criminalité chez les jeunes était en hausse et m'a demandé si c'était pour cette raison que je présentais ce projet de loi. J'ai dit que nous présentons ce projet de loi parce qu'il est judicieux de le faire. En deux ou trois endroits dans le projet de loi, nous répondons aux recommandations, aux très sages recommandations du juge Nunn, contenues dans le rapport Nunn. Nous sommes à l'écoute de ce que nous disent les procureurs généraux des provinces. Nous sommes à l'écoute des victimes, du public, des organismes d'application de la loi, des gens qui s'occupent de ces choses. Nous écoutons ce qu'ils ont à dire.
Je ne fais pas que dire oui... je sais que le taux de criminalité avec violence chez les jeunes a augmenté. Il a augmenté de 12 p. 100 au cours des 10 dernières années. Personne ne souhaite qu'il augmente. Nous voulons tous qu'il baisse, mais, cela étant dit, nous ne présentons pas ce projet de loi à cause de cela. Nous le présentons parce que nous sommes à l'écoute des préoccupations des Canadiens.
Nous sommes préoccupés quand les gens nous disent qu'il y a des failles dans la loi, que la loi n'est pas alignée sur ce qui se passe sur le terrain. En effet, certains des projets de loi que nous avons présentés et qui ont été adoptés... Vous vous en êtes occupés. Il y a eu le vol d'identité. Nous pouvons maintenant contrer des activités qui ne l'étaient pas du tout auparavant. Les gens disent que des actes de ce genre avaient lieu parce qu'ils n'étaient pas judiciarisés. Je dis qu'aucune loi ne traitait de certaines de ces questions.
Encore une fois, notre approche est très équilibrée, très ciblée. Nous essayons d'aider les victimes et les Canadiens respectueux des lois à se doter d'un système judiciaire juste, raisonnable et à jour. C'est l'ensemble de notre mandat, et c'est l'objectif que nous nous efforçons d'atteindre.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur le président, je ne vais pas faire l'entrée en matière. Je crois que toutes les personnes ici présentes connaissent bien la situation à laquelle je fais allusion dans ma motion. Ce que j'aimerais dire tout d'abord, par contre, c'est que je crois que le comité a ici un rôle à jouer pour tenter d'informer la population sur la façon dont pareille situation peut se produire.
Je veux également dire très clairement que j'ai une très grande confiance — je ne dirais pas absolue, parce qu'il s'agit d'être humains faillibles — en la qualité des procureurs et des policiers canadiens.
Je crois l'avoir dit publiquement, mais je le répète aujourd'hui. Au cours de mes nombreuses années comme avocat et aussi comme député, j'ai observé qu'aucun pays n'a de meilleur système de justice pénale que celui que nous avons au Canada. Il y a bien sûr un certain nombre de pays dont je pourrais dire qu'ils ont un système équivalent au nôtre — nous avons des pairs — mais pas supérieur, je crois.
Alors ma motion ne cherche aucunement à critiquer ou à miner l'intégrité ou la crédibilité de notre système de justice pénale et, en particulier, le rôle qu'y jouent nos procureurs et nos policiers. Cependant, monsieur le président, nous savons tous la publicité qu'a reçu l'affaire à l'étude, et nous avons même vu, je pense, deux sondages d'opinion à son sujet qui ont révélé qu'entre 80 et 85 p. 100 des Canadiens sont d'avis que les gens qui ont des relations, qui sont branchés, obtiennent un traitement de faveur, et c'est inadmissible.
J'ai écrit au ministre de la Justice et procureur général du Canada ainsi qu'au procureur général de l'Ontario pour leur demander de donner une explication détaillée de ce qui s'est passé dans cette affaire. Je n'ai reçu aucune réponse écrite, mais ils ont tous les deux déclaré dans les médias qu'ils avaient donné l'information qu'ils étaient disposés à donner, et je trouve cela tout à fait inadéquat. Je crois que le Canadien moyen en pense autant, car cela ne nous apprend rien de nouveau.
Ce que je demande dans la motion est assez direct. Je demande que nous tenions deux jours d'audiences à ce sujet et que nous invitions à comparaître, en des jours différents j'imagine, le directeur des poursuites pénales... Je sais que les médias ont affirmé à quelques reprises qu'il n'avait pas de rôle; c'est inexact. Le directeur des poursuites pénales est responsable des poursuites dans les affaires de toxicomanie au Canada, qu'elles soient menées par les avocats de cabinets privés qu'il a embauchés, ce qui compte pour une part importante des poursuites, ou les procureurs de la fonction publique, ou les procureurs à l'échelon provincial qui sont des agents du gouvernement fédéral et qui relèvent du directeur des poursuites pénales. Alors je veux entendre le témoignage de M. Saunders, et aussi celui du procureur, soit directement, soit par l'intermédiaire d'un représentant du procureur général de l'Ontario, qui pourrait nous expliquer en détail ce qui s'est passé. Je veux aussi entendre le témoignage du représentant de la Police provinciale de l'Ontario, qui a mené l'enquête.
À l'issue de cette enquête, je voudrais qu'un bref rapport soit présenté à la Chambre des communes; j'espère que ce rapport — qui serait, évidemment, public — aura pour effet de convaincre la population qu'il ne s'est rien passé de fâcheux, qu'aucun traitement de faveur n'a été accordé à la personne concernée, qu'il y avait des raisons juridiques valables pour justifier la décision qui a été rendue.
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Merci, monsieur Comartin.
Avant que nous débattions de la question, je dois rendre une décision sur la recevabilité de cette motion. Je juge qu'elle est irrecevable. Monsieur Comartin, vous savez que chaque comité parlementaire travaille dans les limites de son mandat particulier conformément au Règlement de la Chambre. Le mandat du Comité de la justice est décrit au paragraphe 108(2) du Règlement, qui énonce:
En plus des pouvoirs qui leur sont conférés conformément au paragraphe (1) du présent article et à l'article 81 du Règlement, les comités permanents, à l'exception des comités énumérés aux paragraphes (3)a), (3)f), (3)h) et (4) du présent article, sont autorisés à faire une étude et présenter un rapport sur toutes les questions relatives au mandat, à l'administration et au fonctionnement des ministères qui leur sont confiés de temps à autre par la Chambre.
En général, les comités sont individuellement autorisés à faire une étude et présenter un rapport sur: a) les textes législatifs liés au ministère qui leur est confié; b) les objectifs des programmes et des politiques du ministère et l'efficacité de leur mise en œuvre; c) les plans de dépenses immédiats, à moyen terme et à long terme, et l'efficacité de leur mise en œuvre par le ministère; d) une analyse de la réussite relative du ministère, mesurée en fonction des résultats obtenus et comparée aux objectifs énoncés; et e) d'autres questions liées au mandat, à l'administration, à l'organisation ou au fonctionnement du ministère que le comité juge bon d'examiner.
Je veux également citer O'Brien et Bosc. Vous trouverez le texte à la page 1054:
En général, les règles régissant la recevabilité des motions à la Chambre des communes s’appliquent de la même manière dans les comités parlementaires. Par exemple, une motion ne devrait pas renfermer de termes répréhensibles ou non parlementaires. Tout comme à la Chambre, l’utilisation d’un préambule dans une motion en comité est déconseillée. Un comité peut toujours expliquer les motions qu’il a adoptées dans le cadre du texte du rapport qu’il présentera à la Chambre, le cas échéant. De plus, les motions proposées en comité ne doivent pas outrepasser le mandat du comité ni enfreindre la prérogative de la Couronne en matière financière.
Je remarque que cette motion demande au comité de se pencher sur les actes dont un particulier est accusé dans une affaire précise. Le paragraphe 108(2) du Règlement n'énumère pas, dans le cadre de son mandat, l'étude d'une affaire précise impliquant une personne en particulier.
Je remarque également qu'on n'a pas demandé à notre comité de faire office de deuxième juge des faits ou encore de tribunal ou de cour d'appel.
Je remarque également que l'affaire à laquelle M. Comartin fait allusion a déjà été réglée par le tribunal en Ontario, et le procureur général de cette province a fait une déclaration qui se passe d'explications. Je suggère que la façon appropriée de composer avec cette affaire particulière serait que M. Comartin adresse toute autre demande de renseignements au bureau du procureur général en Ontario.
Encore une fois, je fais remarquer que si le comité est parfaitement capable d'entreprendre des études dans des affaires qui se rapportent au Code criminel ou à des questions de politique au ministère de la Justice, il n'étudie ni ne tente d'établir les faits dans des affaires particulières. Si la motion était rédigée de façon à englober une étude beaucoup plus vaste, par exemple, du pouvoir discrétionnaire de poursuivre ou, encore, de la négociation de plaidoyers, elle pourrait être recevable. Dans le cas présent, je dois juger que la motion, telle que rédigée, est irrecevable, parce qu'elle va au-delà du mandat du comité.
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Au sujet de la motion, je m'inquiète aussi qu'elle se rapporte un peu trop à une affaire en particulier, et que dans cette affaire, il y a peut-être des aspects discrétionnaires au niveau des poursuites auxquels nous aurions avantage à ne pas trop nous attarder; cependant, l'argument de M. Comartin est très pertinent. Le système juridique s'en remet à la confiance du public depuis les calendes grecques, et cette confiance a été ébranlée. Les gens ont des questions sur la façon dont cette affaire très médiatisée a été traitée.
J'aimerais appuyer la motion au motif qu'elle nous permettrait d'en apprendre beaucoup au sujet du pouvoir discrétionnaire de poursuivre si nous invitions des procureurs provinciaux ou, ce qui serait plus pertinent dans le cas qui nous intéresse — parce qu'il est possible qu'il ait porté sur des questions de compétence fédérale — le directeur des poursuites pénales et des fonctionnaires du ministère de la Justice pour qu'ils nous expliquent comment on utilise le pouvoir discrétionnaire de poursuivre, comment il arrive que des causes soient rejetées, en fonction de preuves faibles, de techniques de recherche et de saisie lacunaires, et comment il est possible que tout cela se produise chaque jour dans les tribunaux du pays.
C'est donc à ce motif que j'appuie la motion. Je ne le fais pas pour revenir sur ce qui a dû être une période très éprouvante pour un de nos anciens collègues. Là n'est pas la question. La question porte sur la confiance du public en notre système et le rôle que joue tous les jours le pouvoir discrétionnaire dans le système judiciaire qu'il s'agisse de procureurs, de juges et même d'avocats de la défense.
C'est un sujet que le gouvernement n'a pas senti le besoin d'approfondir depuis que je suis ici, c'est-à-dire depuis quatre ans: la question du pouvoir discrétionnaire, celle de savoir comment on traite ces choses chaque jour pour évaluer la probabilité de réussite quant à une condamnation ou une défense. Cela se produit quotidiennement, et il est grand temps que le comité entende la vérité. J'appuierai donc cette motion.
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Je suis parfaitement d'accord sur beaucoup de choses qui ont été dites à propos du fait que la crédibilité du système de droit dans lequel nous vivons est importante. Effectivement, des incidents comme ceux-là peuvent l'affecter. Cependant, le fond de la question n'est pas là. De toute façon, il faut comprendre que, au cours des années, cette crédibilité sera parfois mise en doute par certains, parfois justement et parfois injustement. Ce n'est pas le débat qui nous préoccupe présentement.
Nous vivons dans un régime fédéral où, c'est vrai, il y a des choses très voisines, notamment en matière de droit criminel. Ce droit relève du Parlement fédéral, mais l'administration de la justice criminelle relève des provinces. Il est vrai que certaines parties de l'administration de la justice criminelle peuvent relever du fédéral et cela peut changer à un moment ou à un autre. Toutefois, il faut comprendre que les deux niveaux de gouvernement sont souverains dans leurs activités.
Essentiellement, cette motion nous demande de convoquer un agent du gouvernement de l'Ontario pour venir nous expliquer et, je dirais même, défendre la position qu'il a prise. Nous sommes membres d'un comité du Parlement fédéral. Personnellement, je peux vous dire que si j'avais été ministre de la Justice et qu'on avait demandé à l'un de mes subalternes de venir justifier une décision qu'il a prise devant un comité de la Chambre des communes, j'aurais refusé qu'il le fasse. Je pense que nous avons bien des pouvoirs, mais quand un gouvernement provincial exerce sa juridiction en matière d'administration de la justice criminelle, il est souverain, même si la juridiction peut être partagée.
C'est un fait que certaines poursuites en matière de drogue sont entreprises par le gouvernement fédéral et que d'autres le sont par le gouvernement provincial. Ayant été procureur de la Couronne au sein des deux niveaux de gouvernement, je l'ai fait aux deux endroits. Toutefois, quand quelqu'un le fait dans l'exercice de sa juridiction, il est souverain dans ce domaine et il n'a pas à en rendre compte devant un comité de la Chambre des communes.
Je respecte les motifs qui animent la personne qui a présenté cette motion et je les comprends. Je suis d'accord sur tout ce qu'elle a dit, sauf en ce qui concerne ceci: à mon avis, un fonctionnaire provincial n'a pas à défendre l'une de ses positions devant un comité de la Chambre des communes.
C'est pourquoi nous voterons contre cette motion.
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Merci, monsieur le président.
Je suis certainement tiraillé au sujet de cette motion. J'ai normalement beaucoup de respect pour M. Comartin et ses convictions, mais, après avoir évalué cette motion, je ne peux m'empêcher de penser qu'elle est plus une question de partisanerie que de politiques.
Monsieur le président, je suis, bien franchement, peiné que les membres du comité aient jugé bon d'annuler votre décision selon laquelle cette motion était irrecevable. Le mandat de ce comité est défini, et il me semble que l'étude proposée ne cadre avec aucune des cinq dispositions de notre mandat.
J'ai dit que j'étais déchiré parce que, si je crois que les membres du comité — et moi-même, bien entendu — ne veulent pas que l'administration de la justice soit discréditée — et je crois fermement que si cette motion est acceptée et que nous suivons cette voie, c'est ce que nous allons déterminer au bout du compte — rien de fâcheux ne s'est produit qui ferait en sorte, pour reprendre les mots du préambule, que « la confiance des Canadiens moyens à l'égard de l'intégrité du système judiciaire » soit sérieusement ébranlée. Je suis sûr que si nous suivons cette voie, ma confiance et celle du public en l'administration de la justice ne sera pas ébranlée.
Cependant, j'ai une préoccupation que je veux partager avec les membres du comité avant qu'ils passent aux voix, et c'est la convention concernant les causes en instance. Dans ce cas particulier, je ne connais pas la date exacte de la disposition, mais je sais que c'était en mars. Je ne pratique pas le droit en Ontario, mais si les règles régissant l'appel ressemblent le moindrement à celles de l'Alberta, il y aurait une période d'appel de 30 jours, et je serais porté à croire que le comité devrait faire preuve de prudence lorsqu'il examine une question toujours devant les tribunaux en Ontario.
C'étaient mes commentaires, monsieur le président.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur le président, je dois dire que je suis choqué et peiné de voir M. Comartin, que je crois savoir être un avocat estimé du Barreau de l'Ontario, présenter cette motion. Il sait très bien qu'il est inapproprié d'obliger un procureur à révéler les faits relatifs à une affaire comme celle-là. Il le sait, et il le fait pour des raisons partisanes, et tout le monde au Canada sait que c'est pour cela que nous débattons de cette motion. Tous les députés de l'opposition le savent aussi. Ils sont tous des avocats de formation, je crois, et ils comprennent tous que la présomption d'innocence s'applique à quiconque comparaît devant un tribunal pénal au Canada. Si j'étais cynique, je demanderais à M. Comartin d'ajouter les mots Que le comité tienne deux jours d'audiences sur les « affaires impliquant M. Rahim Jaffer et M. Svend Robinson ». Peut-être que nous pourrions examiner ces cas. Peut-être que nous pourrions ajouter — si j'étais cynique — quelques douzaines d'anciens députés de tous les partis. Peut-être que nous pourrions le faire, mais je ne demande pas que ce soit le cas, car je ne crois pas que c'est ce que nous devrions faire.
Le procureur général de l'Ontario a donné une réponse très claire au sujet de cette affaire. Il a dit:
Dans cette affaire, la Couronne a énoncé le motif du retrait des accusations au tribunal; nommément, qu'il n'y avait pas de perspective raisonnable de condamnation parce que des questions ont été soulevées quant à l'admissibilité de la preuve dont on disposait.
C'est l'argument qui a été présenté au juge en présence de l'avocat de la défense lorsque les accusations ont été retirées. Le procureur de la Couronne est responsable de procéder à pareilles évaluations et il est le mieux placé pour le faire en se fondant sur l'information dont il dispose. Lorsqu'il n'y a aucune perspective raisonnable de condamnation, la présomption d'innocence et les considérations fondamentales qui se rapportent à l'accusé limitent la capacité de formuler des commentaires sur l'affaire. Pour des raisons de justice, il importe que ce principe s'applique à tous les accusés, quel que soit leur nom ou le poste qu'ils occupent. Le procureur en chef de la Couronne pour la province a examiné le dossier et il est persuadé que la Couronne a agi correctement et conformément à la bonne administration de la justice.
À mon avis, la question devrait s'arrêter là. Tout le monde a droit à la présomption d'innocence. C'est le principe fondamental de notre système de justice pénale. Si le comité choisit de poursuivre cette étude, j'estime que cela reviendra à dire aux Canadiens que la présomption d'innocence ne s'applique pas à tout le monde et que nous sommes prêts à faire n'importe quoi pour nous faire du capital politique.
Comme je l'ai indiqué plus tôt, une fois que le procureur de la Couronne a décidé qu'il n'y avait pas suffisamment de preuves pour une condamnation, l'affaire est close; c'est comme si des accusations n'avaient jamais été portées. Il revient aux procureurs de la Couronne de décider s'il y a une perspective raisonnable de condamnation. Ils le font quotidiennement, comme vous le savez. Chaque jour, ils présentent devant les tribunaux...
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Merci, monsieur le président.
Serge Ménard nous a tracé une piste que je veux aussi emprunter. Juridiquement, et en vertu de la Constitution, le droit criminel s'applique à l'ensemble du Canada, mais l'administration du droit criminel dans chaque province est le droit inaliénable de chacune des provinces et chacun des territoires.
Je vous explique ce que cela veut dire. Imaginons ceci: M. Serge Ménard est mon ancien ministre de la Justice. Il a travaillé dans de gros dossiers et, effectivement, c'est son ministère, ce sont ses propres procureurs qui ont porté les plaintes dans tous les dossiers de crimes organisés. Supposons qu'à ce moment, j'aurais été ici, à Ottawa, comme député. Je trouverais que mon ministre de la Justice du Québec aurait mal fait son travail — exactement comme on l'a dit ici. Je l'obligerais à comparaître devant moi et à m'expliquer toutes les décisions qu'il a prises pour savoir si la personne a bien été condamnée.
Nous nous érigeons en tribunal d'appel. On n'a pas le droit de faire ça, ce n'est pas permis. Il y a une juridiction pour cela: la Cour provinciale de juridiction criminelle, la Cour supérieure dans certains cas, la Cour d'appel et ensuite on peut aller jusqu'en Cour suprême. Mais nous ne pouvons pas, nous, les législateurs, nous substituer au juge. C'est cela que nous sommes en train de faire.
Ce que M. Comartin fait ou tente de nous imposer, c'est de nous substituer au juge parce qu'il introduit une notion très particulière. Il dit qu'il veut savoir ce qui s'est passé dans le cas de Rahim Jaffer. Ne mâchons pas nos mots: c'est une décision partisane! Ça m'étonne venant de M. Comartin, d'habitude je ne le vois jamais prendre... Peut-être son parti l'a-t-il obligé, je ne le sais pas. Mais c'est une décision strictement partisane.
Nous allons devoir prendre le cas de Rahim Jaffer, nous allons faire venir tous les représentants, comme le Procureur général de l'Ontario, et nous allons devoir — car c'est ce que dit la motion — poser des questions dans le cas de Rahim Jaffer, pour savoir s'il y a eu ingérence ou pas. Car initialement, il dit qu'il y aurait eu ingérence politique dans le système juridique. C'est ça qu'il ne veut pas dire.
Dans le fond, il nous accuserait d'avoir fait de l'ingérence politique. Alors appelons un chat un chat. Ce n'est pas vrai, cela n'a jamais été fait, et M. Serge Ménard a effectivement raison: nous ne pouvons pas intervenir dans l'administration provinciale de la justice. Si on fait ça, toutes les provinces seront en révolution demain matin, parce que nous leur enlèverions un droit constitutionnel. C'est écrit à l'article 91 ou 92: on divise les pouvoirs. Là, on exigerait que le provincial vienne devant nous et nous rende des comptes comme si nous étions le grand frère et eux, le petit frère. C'est le message qu'on est en train d'envoyer.
C'est une motion qui est partisane, exclusive et dangereuse. Je pense qu'on ne peut pas accepter ce type de motion.
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En fait, nous étions en train d'étudier... Il ne s'agissait pas d'une étude sur Mme Dhalla; elle portait sur les travailleurs étrangers. Nous avons en particulier entendu les témoignages d'un certain nombre de personnes, deux aides familiales et différents groupes de travailleurs étrangers temporaires.
Il en a résulté un rapport que tous les membres du comité... Il faudra que je le vérifie. Je crois que c'était un rapport unanime, mais je devrai le vérifier. Cela ne portait pas seulement sur Mme Dhalla.
En fait, j'étais justement en train de visionner de nouveau les témoignages de ce comité l'autre jour — je les regardais sur YouTube — et il y avait un certain nombre de choses importantes dont nous avons parlé. Le témoignage de Mme Dhalla ne représentait qu'une petite partie des travaux du comité. Je sais qu'elle a demandé que nous l'accommodions pour que nous...
Non, c'est bien vrai. Nous avons fait les changements nécessaires à l'horaire du comité de l'immigration pour lui permettre de comparaître devant nous.
Je dois donc demander à Mme Mendes, par votre entremise, monsieur le président, de faire ses devoirs et de réfléchir sur le bon travail que le Comité de l'immigration a fait. Ne tentez pas de comparer la motion de M. Comartin avec n'importe quel travail extraordinaire que le Comité de l'immigration a fait. Elle faisait partie du comité; elle a travaillé à la préparation du rapport. Je ne me rappelle pas dans quel sens elle a voté. Le rapport portait essentiellement sur notre façon de changer et d'améliorer les choses pour les travailleurs étrangers temporaires, pour les aides familiales. C'était vraiment un très bon rapport.
Vous dites qu'il n'était pas unanime; je pense qu'il l'était. Mais je crois qu'il est tout à fait inapproprié de se servir du cas des deux personnes et de Mme Dhalla comme exemple de partisanerie dans un comité.
Les propos de M. Dechert et de M. Petit sont beaucoup plus sensés que ceux qui nous viennent de l'opposition jusqu'à maintenant.
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Monsieur le président, je voudrais d'abord m'excuser de mon retard. J'assistais à une réunion en présence des autorités du ministère du Commerce international. C'était dans le cadre d'un dossier sur l'exportation de bois, et ce dernier est très important pour ma circonscription. Je m'excuserai personnellement auprès du ministre quand j'aurai l'occasion de le rencontrer.
Cela étant dit, je voulais participer au débat sur cette motion. J'ai été avocat de la défense pendant 30 ans. Lorsqu'un procureur de la Couronne décidait de ne pas porter d'accusations, il était rare que nous le rencontrions pour lui demander de nous expliquer pourquoi. Monsieur le président, malgré tout le respect que je dois à mes collègues qui ne partagent pas mon avis, je pense qu'il faut maintenir une indépendance entre le judiciaire et le politique. En rejetant cette motion, nous soulignerons cette indépendance.
Selon moi, il serait vraiment très dangereux d'accepter cette motion en ce sens qu'elle remettrait en cause le pouvoir judiciaire discrétionnaire d'un officier de justice ayant prêté serment. C'est en effet le cas, ici. Avant d'étudier un dossier, les procureurs de la Couronne font le serment de protéger le public et de prendre fait et cause pour ce dernier dans le cadre de ce dossier. C'est le travail des procureurs de la Couronne.
Comme l'a si bien exprimé mon collègue Me Ménard, il est clair pour nous que si nous acceptions cette motion, nous irions à l'encontre du principe important voulant qu'il y ait une division des pouvoirs entre le judiciaire et le politique.
Nous prenons ici des décisions sur les amendements au Code criminel; nous nous informons sur les effets de ces modifications et nous cherchons à connaître le point de vue de ceux qui auront à vivre avec le Code criminel tel qu'amendé. En revanche, je pense que si nous nous permettions de faire comparaître des procureurs pour leur demander pourquoi ils ont interprété certains articles d'une telle façon et n'ont pas porté plainte, nous ferions preuve d'ingérence. Nous deviendrions juge et partie.
Monsieur le président, bien que je respecte les opinions contraires, je pense que nous devrions passer cette motion au vote et la rejeter. Je comprends l'intention de mon collègue M. Comartin, mais je pense que ce n'est pas ici que devrait se tenir un tel débat.
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Je veux seulement dire brièvement que M. Ménard m'a bien convaincu. Je vais modifier mon vote; je voterai contre la motion.
Il est très important que nous nous rappelions, et nous en reparlerons peut-être plus tôt que vous le croyez, que cette affaire en particulier a provoqué une perte de confiance envers le système de justice pénale. Les gens perçoivent des choses. Il y aurait peut-être lieu d'entendre au moins les procureurs fédéraux, que ce soit leur association, le directeur ou le ministre de la Justice — la personne responsable de la façon de procéder. Nous pourrions comprendre mieux comment les choses se produisent. Nous pourrions, en fait, changer le code ou les politiques qui expliquent pourquoi des accusations sont retirées.
J'ai rencontré beaucoup d'accusés dont les accusations ont été retirées et qui aimeraient cela, car lorsque les accusations sont retirées et que la personne est innocente, cette personne voudrait voir une déclaration qui explique qu'elles ont été retirées faute de preuve, ou que la faute... Je crois que ce serait dans l'intérêt de tous.
Donc, je manifeste clairement mes intentions. J'ai modifié mon vote. M. Ménard et d'autres intervenants m'ont vraiment persuadé.
Merci.
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Permettez-moi de dire tout d'abord, surtout aux conservateurs, et je ne fais pas de partisanerie — Monsieur Dechert, écoutez-moi — que si vous avez suivi la position que j'ai adoptée sur l'affaire Cadman, lorsqu'une motion similaire a été présentée et appuyée par les libéraux et les bloquistes à l'époque, j'ai adopté la position opposée, car la motion allait amener le comité à procéder à des enquêtes criminelles. C'était la seule façon possible de décrire cela. Et je m'en suis tenu à cette position. Si j'avais voulu faire de la partisanerie, j'aurais défendu le point de vue inverse à ce moment-là.
Concernant les remarques sur Svend Robinson, ce n'est très honnêtement pas digne de vous. Si vous avez compris cette affaire, l'accusation qui pesait contre lui était l'accusation à laquelle il a plaidé coupable. Personne au pays n'a avancé qu'on le traitait de façon favorable.
Permettez-moi de terminer en parlant du point que M. Lemay a soulevé dans ses remarques, ainsi que des points soulevés par M. Ménard.
Je comprends ce que franchir cette limite signifie, en ce qui a trait à la souveraineté et à l'autonomie des provinces dans l'administration de la justice. Je crois avoir fourni suffisamment de raisons pour dire que cela n'est pas seulement valable ici et que nous devrions prendre ce risque, en raison de la notoriété de l'affaire et de la perte de crédibilité et de l'intégrité du système aux yeux du public, mais je veux soulever ce dernier point.
M. Lemay souligne — et encore une fois, je ne crois pas que vous l'ayez compris, monsieur Dechert — que ce n'est pas une question de présomption d'innocence, et qu'il y a de rares cas où un procureur, parfois le procureur général en son nom, se manifeste dans une situation comme celle-là et donne des explications. Ce n'est pas complètement impensable. C'est rare, je l'admets, mais il s'agit de l'une des situations où cette rareté devrait s'exercer, et nous devrions le faire.
Merci.