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Bonjour. La séance est ouverte.
Il s'agit de la deuxième réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Nous sommes le jeudi, 16 mars 2010.
Vous avez devant vous l'ordre du jour de la réunion. Aujourd'hui, nous étudierons le projet de loi d'initiative parlementaire, soit le projet de loi .
Le député Scott Andrews se joint à nous pour nous présenter le projet de loi. Bienvenue, Scott.
Nous accueillons aussi un certain nombre d'autres témoins pour nous aider dans notre étude. Du Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes, nous recevons d'abord Krista Gray-Donald, ainsi que Heidi Illingworth, qui en est la directrice exécutive.
Nous accueillons des particuliers, David et Kathleen Bagby. Bienvenue à vous.
Une fois que nous aurons entendu les témoins, nous serons prêts à éplucher ce projet de loi article par article. Nous avons avec nous des représentantes du ministère de la Justice, Anouk Desaulniers et Laura Hodgson, qui pourront nous conseiller pendant l'étude article par article.
Comme à l'accoutumée, monsieur Andrews, vous disposerez d'un maximum de 10 minutes pour faire votre exposé. Nous allouerons également 10 minutes au Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes.
Monsieur et madame Bagby, nous vous allouerons également 10 minutes.
Monsieur Andrews, vous pouvez commencer. Vous disposez de 10 minutes.
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Bonjour, monsieur le président, et bonjour également aux membres du Comité de la justice.
Premièrement, permettez-moi de remercier le comité de faire avancer la discussion au sujet de mon projet de loi d'initiative parlementaire, le projet de loi . Il a été déposé le 23 octobre 2009 et présenté en deuxième lecture le 4 décembre. Je me réjouis à l'avance de notre discussion et de votre appui pour faire avancer cette importante mesure législative.
Tous les habitants de Terre-Neuve-et-Labrador et bien des Canadiens de partout au pays ont entendu le terrible récit du meurtre, en 2001, d'un jeune médecin prometteur. Lorsque le Dr Andrew Bagby a été assassiné dans un parc en Pennsylvanie, la police des États-Unis a interrogé la Dre Shirley Turner de St. John's, Terre-Neuve, en lien avec l'homicide.
Peu de temps après, la Dre Turner est retournée à Terre-Neuve et a annoncé qu'elle attendait un enfant du regretté Dr Bagby. Des procédures judiciaires ont suivi, et la Dre Turner a lutté pour demeurer au Canada au cours d'un processus d'extradition.
Peu de temps après est né Zachary, petit-fils de Kate et David Bagby, qui ont déménagé à Terre-Neuve pour demander la garde de leur petit-fils. Pendant les procédures judiciaires, on a accordé la liberté sous caution à la Dre Turner, qui a eu la garde de Zachary. Les grands-parents ont, quant à eux, eu des droits de visites supervisées.
Le 18 août 2003, la Dre Turner a mis fin à ses jours et à ceux de Zachary, alors âgé de 13 mois. Pendant sa liberté sous caution, la Dre Turner s'est jetée dans l'Atlantique avec Zachary, à Conception Bay South, où ils sont morts tous les deux.
Depuis ce temps, Kate et David Bagby racontent leur histoire et cherchent à faire réformer la loi sur la liberté sous caution au Canada. Par ailleurs, je m'en voudrais de ne pas souligner les efforts déployés par notre ami, Kurt Kuenne. Kurt a produit un documentaire intitulé Dear Zachary: A Letter to a Son About His Father qui a été diffusé partout au Canada et dans les médias nationaux. Je peux vous assurer que ce projet importe beaucoup à Kurt. Il s'est servi de son talent pour raconter cette histoire et promouvoir une réforme législative.
Il y a un an à peine, peu après mon élection, j'ai été invité à une présentation spéciale du documentaire Dear Zachary à l'intention des sénateurs et des députés à Ottawa. À cette occasion, j'ai eu le plaisir de rencontrer Kate, David et Kurt pour la première fois.
Le documentaire et leur récit personnel ont eu un profond effet sur moi. Peu de temps après, j'ai su que mon tout premier projet de loi d'initiative parlementaire tenterait de faire avancer les efforts pour réformer les mesures relatives à la liberté sous caution au Canada. Manifestement, j'ai dû rapidement me renseigner sur la marche à suivre pour déposer pareil projet de loi et les options pour apporter des modifications aux dispositions du Code criminel canadien sur la liberté sous caution.
Nous devons équilibrer la Charte des droits et libertés et nous avons besoin d'un système judiciaire qui tienne compte des exigences nécessaires pour assurer la sécurité des mineurs lorsque l'on envisage d'accorder la liberté sous caution aux personnes accusées de crimes graves.
Après avoir consulté Kate et David, discuté de mes intentions avec des collègues et des avocats, et travaillé avec les responsables du pouvoir législatif à la Chambre des communes, j'ai déposé le projet de loi le 23 octobre.
En résumé, une fois édicté, ce projet de loi modifiera le Code criminel afin de justifier la détention d'un prévenu sous garde lorsqu'elle est nécessaire à la protection ou à la sécurité de ses enfants mineurs.
Le projet de loi n'est pas personnel. Les députés élaborent des projets de loi d'initiative parlementaire pour deux raisons, soit pour expliquer une prise de position politique en sachant fort bien que leur projet de loi n'aboutira jamais, soit pour contribuer à améliorer les choses lorsqu'ils croient qu'un changement positif est possible. C'est alors que leurs efforts sont couronnés de succès.
Le projet de loi est une réalisation qui témoigne de la force et de la détermination de David et Kate Bagby, parents et grands-parents des regrettés Andrew et Zachary. Je suis ravi que David et Kate se soient joints à nous aujourd'hui. Par leur force et leur détermination, ces deux personnes exceptionnelles ont attiré l'attention des décideurs et les ont amenés à se pencher sur la nécessité de modifier les dispositions législatives actuelles en matière de liberté sous caution au Canada.
C'est en mémoire d'Andrew et de Zachary que nous promouvons ce projet de loi et faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour empêcher qu'une autre famille soit victime de pareille tragédie.
Je me suis engagé à appuyer les Bagby et tous les Canadiens qui veulent une réforme législative du Code criminel qui, nous l'espérons, renforcera les exigences relatives à la liberté sous caution et nous permettra d'atteindre notre objectif commun afin que personne n'ait à subir la perte d'un être cher dans des circonstances qui, en rétrospective, auraient pu être évitées.
Au lendemain de cette tragédie, le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador a enquêté sur les circonstances entourant la mort de Zachary.
Le Dr Peter Markesteyn a été nommé pour mener l'examen et rendre compte de ses observations au gouvernement provincial. Le Dr Markesteyn possède une expérience considérable de l'examen des décès d'adultes et d'enfants, et a offert des services d'expert-conseil au ministère de la Justice du Canada. Il a, au cours de sa carrière, enseigné pendant de nombreuses années dans les facultés de médecine de plusieurs universités canadiennes, dont l'Université de l'Alberta, l'Université du Manitoba et l'Université Memorial à Terre-Neuve. Il a également reçu une formation d'expert-conseil au sein de la division de la formation de la GRC à Regina, de l'Académie de police de l'Atlantique à Charlottetown et du Collège canadien de police ici en Ontario.
Le Dr Markesteyn a mené une enquête exhaustive sur une période de 15 mois, à l'issue de laquelle il en est arrivé à deux conclusions distinctes: premièrement que la mort de Zachary Turner aurait pu être évitée et, deuxièmement, que Zachary avait été laissé à la garde de sa mère alors qu'il n'aurait pas dû l'être.
Bien que le Dr Markesteyn n'ait pas eu pour mandat d'examiner les mesures législatives fédérales relatives aux conditions de mise en liberté sous caution, le ministre provincial de la Justice de l'époque a porté ces conclusions à l'attention du gouvernement fédéral.
Nous nous servons d'une fin tragique pour amorcer une nouvelle réforme des conditions de liberté sous caution afin qu'aucune autre famille n'ait à vivre la pénible épreuve que Kate et David ont eu à traverser à ce jour. Ces derniers temps, nous avons fait des avancées considérables avec le projet de loi. J'espère que ces progrès ne s'arrêteront pas là pour que nous puissions faire avancer mon projet de loi d'initiative parlementaire au stade du comité et le déposer en troisième lecture à la Chambre dans les délais législatifs requis les plus courts.
Le sénateur Tommy Banks a participé au débat et à l'avancement du projet de loi . Il a promis son appui et est disposé à parrainer ce projet de loi pour qu'il soit approuvé au Sénat.
Une fois de plus, je tiens à remercier les membres du comité d'avoir rapidement donné suite au projet de loi et je me réjouis à la perspective de poursuivre le débat sur cette mesure législative très importante. J'aimerais remercier David et Kate de leur appui continu et de leur présence à mes côtés aujourd'hui. Je veux également remercier les responsables du Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes de s'intéresser au projet de loi C-464 et de l'appuyer.
Je me réjouis à la perspective d'entendre d'autres témoignages, et de poursuivre la discussion et le débat.
En terminant, nous appuyons l'amendement proposé par le secrétaire parlementaire. Il précise le libellé et définit « enfants mineurs » pour éviter les malentendus lorsque ce terme devra être utilisé devant les tribunaux.
Une fois de plus, je vous remercie du temps que vous m'avez accordé. Nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.
Bonjour.
Le Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes est un organisme national sans but lucratif qui milite en faveur des droits des victimes et des survivants d’actes criminels graves et violents. Nous offrons un service direct d’aide et de soutien aux victimes partout au pays, et nous militons en faveur d’une plus grande sécurité publique, d’une amélioration des services ainsi que des droits des victimes d’actes criminels.
C’est avec plaisir que nous comparaissons aujourd’hui devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne afin de prendre part au débat entourant le projet de loi .
Avant de commencer, nous tenons à signaler la présence de David et Kate Bagby, qui ont parcouru une très longue distance pour venir ici aujourd’hui partager leur histoire avec vous. Leur histoire est proprement tragique, et je suis certaine que vous en connaissez les détails. Nous sommes venus ici aujourd’hui, en compagnie des Bagby, dans l’espoir qu’aucune autre famille n’ait jamais plus à subir une telle épreuve.
La décision d’accorder à un prévenu une liberté provisoire sous caution n’est pas une décision facile à prendre. Le juge doit trouver l’équilibre entre les droits d’un accusé bénéficiant de la présomption d’innocence et l’obligation qui lui incombe d’assurer la protection du public. À notre avis, la protection du public doit primer sur les droits d’un accusé d’être remis en liberté dans l’attente de son procès.
Il y a, dans le Code criminel des modalités qui régissent les circonstances dans lesquelles la détention doit être ordonnée et le projet de loi cherche à modifier ces modalités afin de corriger ce qui, à nos yeux, est un terrible oubli. Le projet de loi C-464 veut modifier l’alinéa 515(10)b) de manière que la mise en détention sous garde d’un accusé soit considérée justifiée lorsqu’elle est nécessaire à la protection ou à la sécurité de ses enfants mineurs. Nous croyons qu’une telle modification pourrait sauver la vie d’enfants tels Zachary Turner, dont la mort tragique aurait peut-être été évitée si les juges n’avaient pas, par deux fois, accordé un cautionnement à Shirley Turner. Nous pourrions citer plusieurs cas où le système judiciaire a trahi les droits du jeune Zachary Turner, lors même que sa raison d’être première aurait dû être de les protéger, mais au bout du compte, le fait que Zachary ne soit en aucune façon entré dans l’équation au moment d’évaluer le risque que posait Shirley Turner a conduit directement à sa mort.
Au Canada, nous avons de la chance : les cas d’homicides dont la victime est un enfant sont plutôt rares. Mais il est tout de même alarmant de constater le grand nombre de cas dans lesquels la jeune victime est tuée par un parent. Statistique Canada signale qu’en 2006, 60 enfants ou jeunes de moins de 18 ans ont été assassinés, soit 10 p. 100 de tous les meurtres commis au pays pendant l’année. De ce nombre, 36 — ou 65 p. 100 — ont été tués par un membre de leur famille. En 2003, 33 enfants de moins de 12 ans ont été assassinés. De ce nombre, 27 cas ont été résolus par la police et il a pu être déterminé que 85 p. 100 des victimes avaient été tuées par un parent. Depuis une trentaine d’années (1977 à 2006), 90 p. 100 des victimes d’homicide intrafamilial âgées de moins de 18 ans ont été tuées par un parent (ce qui comprend les beaux-parents et les parents adoptifs). Ces statistiques montrent qu’un nombre important d’enfants perdent la vie aux mains d’un parent, et que plus l’enfant est jeune, plus il est à risque.
Malheureusement, les statistiques ne précisent pas le nombre de cas mettant en cause un parent en situation de liberté provisoire. Pour jauger cet aspect de la question, il faut s’en remettre aux médias et aux faits divers qu’ils rapportent. Or, les médias nous montrent que le cas de Zachary Turner n’est pas un cas isolé.
Peter Lee de Victoria a tenté de tuer sa femme en 2007. Des accusations ont été portées contre lui, mais il a eu droit à une libération sous caution malgré la recommandation faite par la police de ne pas le libérer. Des conditions lui ont été imposées, notamment de ne pas avoir de contacts avec sa femme, mais en septembre 2007, il a tué son fils de 6 ans, sa femme et les parents de sa femme.
En avril 2006, à Cumberland, en Ontario, Frank Mailly a tué ses deux fils, de 6 et 9 ans, sa fille de 12 ans, et leur mère. Il a ensuite mis le feu à la maison, dans laquelle se trouvaient leurs cadavres, et s’est donné la mort de cette façon. Il ne devait pas avoir de contacts avec sa femme Francine, mais il avait des droits de visite auprès des enfants et a commis ses meurtres au terme de l’une de ses visites. Mailly avait de longs antécédents de violence familiale et était en libération provisoire au moment des meurtres.
En 2002, à St. Catharines, Lawrence Mends a été libéré sous caution après avoir tenté d’assassiner la mère de son enfant. Lorsqu’il est retourné chez elle pour l’attaquer de nouveau, il a réussi à la blesser et a tué Robert, leur fils de 2 ans, qu’il a poignardé plus de 20 fois avec un couteau.
Voilà quelques exemples de cas dans lesquels les risques que couraient les enfants n’ont pas été correctement évalués. Outre ces cas où des enfants ont perdu la vie, il y a aussi les nombreux cas où un enfant est devenu orphelin après qu’un parent ait tué l’autre, souvent en présence des enfants, ou lors même que la mère tentait de les protéger.
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Je comprends, je vous prie de m'en excuser.
Souvent, ces enfants doivent la vie au geste héroïque d’un parent qui est intervenu pour les sauver et a ainsi été assassiné. Voilà des enfants qui resteront sans doute marqués à jamais par cet acte criminel.
Dans l’affaire Turner, on a jugé qu’il n’y avait pas lieu de placer Shirley en détention puisqu’elle avait déjà assassiné l’unique personne à qui elle en voulait. Notre expérience auprès des victimes de violence familiale nous a appris qu’un tel raisonnement est fautif car ce n'est généralement pas le cas. Les auteurs de violence, surtout ceux qui s’en prennent à un conjoint ou à un proche, ne font généralement pas la distinction entre le conjoint et les enfants et cherchent à faire mal aux êtres vulnérables qui dépendent d’eux. Souvent, les enfants seront visés comme moyen d’atteindre le conjoint ou en réaction aux rapports vécus avec le conjoint et les enfants.
Notre expérience, et les médias, indiquent que la population s’inquiète des crimes commis par des personnes mises en liberté provisoire dans l’attente de leur procès. Surtout lorsque les actes reprochés à ces personnes sont des crimes violents. C’est pour corriger ce genre de situation que le projet de loi C-464 propose des modifications. Tel qu’il est rédigé, il permet à un juge qui doit considérer une demande de libération provisoire, de prendre en compte le risque que le prévenu commette un crime grave s’il est remis en liberté, et introduit dans l’équation les enfants mineurs du prévenu.
Le projet de loi ne dit pas que tous les accusés devraient être privés d’une libération provisoire, et ne propose pas que les conditions ouvrant droit à un cautionnement soient rendues si strictes que personne ou presque ne puisse y avoir accès. Il demande simplement que les enfants mineurs du prévenu soient pris en ligne de compte au moment de déterminer le risque qu’il présente — ces enfants qui dans bien des cas sont les plus à risque d’être mis à mal par l’accusé. Le projet de loi ne dit pas que le cautionnement doit être refusé dans tel ou tel cas et ne crée pas de situation dans laquelle le fait d’avoir des enfants mineurs jouerait injustement contre un accusé et le condamnerait à la détention préventive.
Tous les jours, nous tendons la main à des Canadiens dont la vie, comme celle des Bagby, a été à jamais bouleversée par un acte criminel grave et violent. Ces victimes et ces survivants veulent surtout faire en sorte que notre système judiciaire dispose des outils nécessaires pour prévenir que ce qui leur est arrivé ou est arrivé à l’un de leurs proches puisse encore se produire. La modification proposée par le obligera le juge à prendre en ligne de compte les jeunes enfants de l’accusé au moment de rendre une décision de libération provisoire. Si une telle disposition avait existé pour protéger Zachary Turner, Christian Lee, Jessica, Brandon et Kevin Mailly, et Robert Mends, ces enfants et nombre d’autres seraient peut-être encore vivants aujourd’hui.
Merci.
Je veux tout d'abord remercier M. Andrews et le sénateur Banks de l'intérêt qu'ils portent à cette question et de proposer un projet de loi visant à améliorer les conditions de la libération sous caution.
Voici cinq faits que je souhaite présenter comme preuve au comité: les meurtriers sont dangereux; la plupart des personnes accusées de meurtre l’ont réellement commis; les meurtriers récidivistes sont imprévisibles; les tribunaux n’ont aucun moyen, autre que l’incarcération, d’empêcher les récidives; le meurtre n’est pas un crime comme les autres. Je reviens sur ces cinq faits en les étoffant de quelques données.
Premièrement, les meurtriers sont dangereux. Cet énoncé est évident, mais la documentation sur le meurtre est parsemée de mentions selon lesquelles le taux de récidive est très faible; moins de 1 p. 100. C’est bien et c’est rassurant. Jusqu’à ce que l’on considère le fait que, même à moins de 1 p. 100, il s’agit d’environ 17 fois le taux de meurtres de l’ensemble de la population du Canada. Ce facteur, 17, est fondé sur les statistiques sur le récidivisme de la Commission nationale des libérations conditionnelles du Canada ainsi que sur les statistiques sur la population de Statistique Canada. Si vous voulez obtenir des chiffres plus précis, je suis certain que l’un de vos employés pourrait avoir accès aux statistiques complètes sur tous les meurtres commis au Canada aussi loin que vous souhaitez fouiller. Je doute beaucoup que ce nombre change de façon spectaculaire avec un plus grand nombre de données.
Deuxièmement, la plupart des personnes accusées de meurtre l’ont réellement commis. Je me suis servi d’une étude de 25 ans sur les meurtriers dans la région de Toronto pour illustrer ce fait: 85 p. 100 des personnes accusées de meurtre l’ont réellement commis. Encore une fois, des recherches financées permettraient d’obtenir un nombre plus précis, mais la proposition fondamentale demeure: la plupart des personnes accusées de meurtre l’ont réellement commis.
Troisièmement, les meurtriers récidivistes sont imprévisibles. Shirley Turner est le plus récent exemple que je connaisse au Canada — tuant son fils Zachary alors qu’elle était en liberté sous caution en attente d’extradition en Pennsylvanie pour le meurtre d’Andrew Bagby. En 1994, à Terre-Neuve-et-Labrador, John Cousins a assassiné Edward Shaw pendant qu’il était en liberté sous caution dans l’attente de son procès pour le meurtre de Marvin Squires. En Angleterre en 2007, Gary Weddell a assassiné sa femme Sandra. Il a été inculpé de meurtre et examiné par un psychiatre, et on a déclaré que sa libération ne présentait aucun danger pour lui-même ou d’autres personnes. Le tribunal l’a libéré sous caution, après quoi il a abattu sa belle-mère, Traute Maxfield, puis a retourné l’arme contre lui.
Quatrièmement, les tribunaux n’ont aucun moyen, autre que l’incarcération, d’empêcher les récidives. Un morceau de papier n’arrêtera pas un tueur. On a ordonné à Shirley Turner de comparaître en justice et elle a accepté d’obéir à cet ordre. Elle a effectivement obéi à cet ordre à plusieurs reprises au cours des 20 mois qu’a duré le processus de son extradition, mais elle avait toujours l’option de faire un pied de nez au tribunal et de disparaître quand bon lui semblait, et de faire du mal à toute personne croisée sur son chemin. Même chose pour John Cousins et Gary Weddell.
Cinquièmement, le meurtre n’est pas un crime comme les autres. Pour tous les autres crimes, la principale victime et toutes les victimes secondaires (les proches de la principale victime) ont au moins la possibilité de retrouver un semblant de vie normale. Même la victime d’un viol brutal et répété, ou de tout autre type de voies de fait brutales, a la possibilité, avec beaucoup d’aide de sa famille et de ses amis, et possiblement de conseillers professionnels, de retrouver un semblant de normalité dans sa vie. Ce qui n’est pas le cas pour une victime de meurtre.
Au moment du dernier soupir, toutes les négociations sont terminées, tous les ponts sont coupés. Aucun rétablissement n’est possible. Tout est perdu. Le meurtre est le seul crime qui sème autant de désolation sur son passage.
L’ensemble de la population comprend ces faits. Voici une citation d’un professeur de droit à l’Université d’Ottawa, M. David Paciocco:
« Beaucoup de Canadiens perdent la foi dans le système de justice pénale. Ils croient que les tribunaux laissent filer trop de criminels et qu’ils imposent des peines trop clémentes à ceux qu’ils punissent. Il n’est nullement exagéré de supposer que certaines personnes sont dégoûtées par ce qu’elles voient. » [traduction]
Cette citation est tirée du premier paragraphe de la préface du livre Getting Away With Murder: The Canadian Criminal Justice System du professeur Paciocco paru en 1999. Dans ce livre, il explique en termes simples la raison de cette situation, c’est-à-dire pourquoi certains meurtriers s’en tirent à bon compte. J’ai trouvé ce livre très instructif et surtout très agréable à lire, mais le professeur Paciocco manifeste un certain élitisme sur un point au moins.
Après avoir soigneusement expliqué pourquoi la primauté du droit est si importante pour lutter contre les variations arbitraires du fonctionnement de la justice, il fait volte-face et applaudit le contournement du principe de la primauté du droit en vantant la négociation de plaidoyers. Pour répondre aux désirs des électeurs canadiens, le Parlement a adopté une loi imposant une sentence de prison à vie aux meurtriers. Mais le professeur Paciocco décrie cette perte de pouvoir judiciaire discrétionnaire et de pouvoir discrétionnaire de poursuivre, citant des cas où les procureurs, et lui-même, considèrent la sentence trop sévère.
Il approuve la négociation à la baisse d’une accusation de meurtre à une accusation d’homicide involontaire afin d’éviter que le meurtrier n’écope d’une sentence de prison à vie. De toute évidence, la primauté du droit est une chose merveilleuse quand elle est à l’avantage d’un criminel, et il est acceptable de contourner la primauté du droit lorsqu’un procureur, un professeur ou un juge n’est pas d’accord avec une loi en particulier.
Voici un autre exemple d’élitisme illustrant une coupure par rapport à l’horrible réalité du meurtre. L’exemple est tiré d’une décision judiciaire dans laquelle le juge Jean-Louis Beaudoin de la Cour d’appel du Québec explique la mise en liberté sous caution de meurtriers inculpés. Je cite:
« [...] certains inconvénients en ce qui a trait à l’efficacité de la répression de la criminalité constituent le prix à payer pour vivre dans une société démocratique [...] » [traduction]
Il s’agit là d’une utilisation idiote du mot inconvénient, et ce, dans le texte d'une décision judiciaire. Zachary, Edward Shaw, et Traute Maxfield ont subi un énorme préjudice qui ne peut se décrire par le mot « inconvénient ». Selon moi, l’emploi du mot « inconvénient » est beaucoup plus juste dans le cas d'une personne innocente assez malchanceuse pour sembler coupable et qui est forcée de demeurer en détention préventive en attendant son procès. Une fois acquitté, l’accusé innocent peut poursuivre sa vie normalement. Ce qui n’est pas le cas pour les deuxièmes victimes des meurtriers récidivistes.
Une société libre et démocratique devrait être en mesure de minimiser les inconvénients pour un accusé innocent gardé en détention préventive en attendant son procès à l’aide de modalités de visite libérale et de communication. Mais une société libre et démocratique devrait également être en mesure de protéger ses citoyens innocents des vrais monstres qui vivent parmi nous.
Il est trop tard pour que vous, le gouvernement du Canada, aidiez Zachary, et j’ai compris trop tard que j’étais son seul espoir. Si vous laissez les lois sur le cautionnement telles qu’elles sont, en vous rangeant du côté des monstres contre nous tous, quelqu’un comme moi finira par faire la bonne chose, c’est-à-dire tuer un de ces monstres que vous relâchez systématiquement, et vous devrez alors envoyer un innocent en prison parce qu’il a voulu protéger sa famille et lui-même contre un meurtrier.
Merci.
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Non. Tout ce que je veux savoir...
Excusez-moi pour mon défaut d'élocution. J'ai eu un accident et une hémorragie intracrânienne en 2006, ma prononciation n'est pas aussi bonne qu'avant.
Le meurtre est quelque chose de très personnel. La douleur ressentie est trop accablante pour pouvoir pleurer. Les gens ne semblent pas le comprendre. C'est comme si... Le genre de phrases que l'on entend comme « Dieu ne vous donne pas plus que vous ne pouvez supporter ». Cette situation aurait pu être gérée, on aurait pu éviter cela. Nous étions là, nous étions deux, nous aurions pu nous occuper de Zachary. Mais, elle se baladait dans cette salle d'audience, arrangeait les rideaux et remplissait son verre d'eau. On nous a placés au fond de la salle, nous n'avons pas dit un mot. Personne ne pouvait venir avec nous dans la salle d'audience, parce qu'elle se déplaçait librement. Ils savaient que s'ils venaient, elle les aurait accostés amicalement. Même s'ils aimaient Andrew, ils ne voulaient pas d'elle dans leurs vies, et nous les comprenons. Mais nous nous sentions seuls.
Nous avons fait de notre mieux. Seulement la voir était extrêmement douloureux. Je regardais sa main en songeant que tout le monde pensait qu'elle était un petit médecin fragile et qu'il était impensable qu'elle ait accompli ce meurtre. Je n'ai pas brandi de revolver, mais j'ai pensé qu'il en faut peu pour appuyer sur une gâchette. Le meurtre a été très brutal, comme le juge l'a si bien dit, mais il s'agit d'un crime bien particulier car Andrew était sa seule victime.
Elle a berné tout le monde, parce que tout le monde lui accordait les droits de la victime, tout le monde est innocent avant d'être jugé coupable, en faisant croire que les États-Unis changeraient leur loi et la condamneraient à mort. Mais la peine de mort n'a jamais été un problème car en Pennsylvanie, elle n'est imposée qu'à ceux qui tuent des policiers, commettent deux meurtres ou torturent. Son avocat prétendait que les Américains racontaient des mensonges et qu'ils pourraient changer leur loi. Mais ils ne le feront jamais. Pourquoi le feraient-ils? S'ils le faisaient, plus personne ne serait alors extradé vers les États-Unis?
Elle a bénéficié de tous ces éléments. Un jour, le juge Green lui a dit: « Dre Turner, je suis désolé de la lenteur de la justice et du fait que nous avons mis votre vie en attente ». J'ai eu envie de crier du fond de la salle: « La vie de mon fils est en attente à jamais et vous avez l'audace de présenter des excuses à cette femme. »
Mais, bien sûr, les survivants des victimes n'ont pas de droits. Le procureur de la Couronne a dit: « Je ne suis pas l'avocat de votre fils, je représente le Canada et les États-Unis ». Il ne voulait même pas être vu en notre compagnie peut-être pour éviter d'être accusé de partialité à notre égard. Je trouve que c'est absolument abominable parce que nous avons été si bien traités par la police en Pennsylvanie. Je sais que ce n'est pas toujours le cas aux États-Unis. Nous sommes venus à Terre-Neuve-et-Labrador remplis d'espoir. Pour nous, les États-Unis et le Canada sont des pays amis qui ont un accord d'extradition. Shirley, la meurtrière, nous a relaté que son avocat lui a dit qu'il faudrait facilement attendre de deux à trois ans au Canada avant son extradition afin de lui donner le temps de s'occuper du bébé.
Je veux simplement que les gens sachent que nous avons perdu Andrew et personne n'aurait pu empêcher cela, à part Turner. Il y a eu une indifférence totale à l'égard de Zachary. Nous sommes allés là-bas et nous avons été fouillés. Nous avons eu droit à une visite d'une heure parce qu'elle a dit que nous pourrions lui faire du mal. Il nous a fallu payer une dame pour nous surveiller pendant cette heure.
Voilà ce que nous avons dû endurer; ça ne nous dérangeait pas. On nous fouillait tout le temps. Vous ne pouvez pas imaginer le bonheur que nous avons ressenti en marchant le long de ce couloir sachant qu'une partie d'Andrew était là. Il était beau. Mais nous avons énormément souffert pour voir Zachary, et puis il y a eu cette tragédie.
Je veux seulement que vous sachiez que des changements peuvent être apportés, et j'espère qu'ils le seront.
Je vous remercie.
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Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier les témoins du centre de ressources.
Je tiens également à remercier notre collègue Scott Andrews qui, avec beaucoup trop d'humilité, sous-estime le rôle qu'il a joué dans ce dossier. Je pense qu'il y aura unanimité, et cela s'est fait sans tambour ni trompette, et sans partisanerie. Je vous félicite donc. Vous avez fait un excellent travail.
Et enfin, mais surtout, je tiens à remercier M. et Mme Bagby, nous avons devant nous un argument très convaincant, et nous sommes tous ébranlés par votre témoignage. Nous pourrions baptiser cette loi, la loi de Zachary. Elle pourrait être fondée sur des faits particuliers. Elle est fondée, en fait, sur divers faits que nous a rapportés le centre de ressources. Mais je demanderais aux membres du comité, à la population, et aux politiciens en général, d'examiner les lois que nous adoptons d'un point de vue plus général, afin qu'elles aient des répercussions positives, ou moins négatives, sur le droit pénal. C'est pourquoi il serait mal avisé aujourd'hui de restreindre la portée du débat. Je n'ai jamais entendu, pendant mes quatre années ici, un profane aussi durement éprouvé, aussi concerné émotivement par une question, résumer de manière aussi succincte les réformes qui pourraient être apportées, que vous, monsieur Bagby, dans vos cinq points.
Au sujet de vos deux premiers points, en ce qui a trait aux statistiques, nous avons ces ressources, et immédiatement après la réunion, je vais faire des démarches, dans l'intérêt du comité également, auprès de Juristat, notre service, pour obtenir des données sur les récidives et les verdicts de culpabilité dans les affaires de meurtre et de peine capitale. Je vous remercie donc d'avoir soulevé ce point.
Je vais passer à votre cinquième point, sur lequel porte l'essentiel de ma question, soit que le meurtre n'est pas un crime comme les autres. En fait, tous les membres sont très préoccupés par les crimes violents, l'augmentation du nombre de crimes violents au pays, ce qui comprend bien sûr les crimes fatals et les crimes qui changent une vie. L'idée que le meurtre n'est pas placé dans la hiérarchie où il devrait être, comme le crime violent, est une idée sur laquelle nous sommes tous d'accord.
En fait, pour en venir à mon argument au sujet de l'article 515 et exposer les motifs, vous noterez au début de celui-ci, dans tous les cas, il est question de mise en liberté, sauf pour les infractions énoncées à l'article 469. Vous pourriez tous regarder et dire qu'il s'agit sans aucun doute de crimes très graves, et je présume qu'ils le sont, mais cela montre à quel point nos lois sont dépassées. Elles remontent à l'époque des rois et des reines, où sédition et trahison... Le dernier cas de sédition dont je me souviens remonte à des temps immémoriaux. Dans cette loi ancienne, on fait passer avant le meurtre des crimes qui ne sont pas aussi abominables que lui. On devrait donner au meurtre la priorité qu'il n'a pas dans l'article 515.
À l'article 515, nous pourrions envisager d'inverser le fardeau de la preuve qui a été inversé. Nous savons sans doute tous que la Couronne doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, les raisons pour lesquelles une personne ne doit pas être remise en liberté, sauf dans certaines circonstances. Nous pourrions examiner la question, car un avocat de la défense pourrait très bien s'acquitter du fardeau de la preuve selon la prépondérance des probabilités. C'est une suggestion qui vient à l'esprit en écoutant les raisons que vous avez données.
Ma question qui s'adresse au centre de ressources et à vous, monsieur Bagby, est la suivante: Y aurait-il d'autres modifications ou améliorations que nous pourrions apporter à l'article 515 dans son ensemble? J'en ai proposé une, l'inversion du fardeau de la preuve, la hiérarchie étant modifiée dans certaines circonstances où cela n'est pas vraiment permis.
Et ma deuxième question, d'un point de vue général, car je crois que c'est un élément qui intéresse tout particulièrement Mme Bagby, et je sais que cela dépasse la portée de la loi qui nous occupe, est la suivante: est-ce que notre processus d'extradition est complexe à un point tel, même entre États amis et collaborateurs, que nous devrions presser les autres ministères d'accélérer le processus d'extradition dans les affaires de meurtre ou de peine capitale?
Si vous examinez les faits dans la présente situation, et d'autres infractions passibles d'extradition, le délai est souvent déraisonnable, et débouche souvent sur d'autres infractions qui auraient pu être évitées. Et c'est sans compter le fait que ces individus font fi fondamentalement, en étant en liberté, du droit des gens de penser qu'ils devraient répondre de leurs actes. On pourrait parler de sanction, mais ce n'est qu'un aspect du Code criminel en matière de détermination de la peine. Ils font fi, en étant en liberté, du fait qu'ils doivent répondre de leurs actes.
C'est une question à deux volets, si l'on peut dire. Premièrement, quelles autres réformes pourrait-on envisager dans le cadre de l'article 515 ou d'autres articles, et devrait-on accélérer le processus d'extradition?
Je dois vous donner des explications, de façon à ce que ce soit clair.
En tant que criminaliste, j'ai défendu des gens comme ceux que vous avez traités de tous les noms plus tôt. Je comprends votre douleur, et je la respecte, mais au Canada, la loi a changé. De fait, un individu qui a commis un meurtre ne peut être libéré sauf s'il démontre qu'il peut être remis en liberté. C'est donc l'accusé qui doit le démontrer, conformément à l'article 515 du Code criminel.
Dans les cas de meurtre au Canada, des personnes sont en effet remises en liberté. Je pourrais vous faire parvenir les statistiques à ce sujet. Il y a des récidives, mais dans le cas de meurtres, il y en a peu. Ce sont des exemples inacceptables. Le tribunal doit prendre les mesures appropriées pour qu'il n'y ait pas de récidive. S'il a le moindre doute, il garde l'accusé en détention. Cet aspect a changé radicalement.
C'est la raison pour laquelle je me posais des questions. J'ai regardé avec attention l'amendement au Code criminel que vous proposez. C'est la raison pour laquelle nous allons voter favorablement. On aura dorénavant des questions à poser relativement à l'accusé, dans le cas des enfants. En effet, on propose un amendement concernant les enfants mineurs.
Iriez-vous jusqu'à protéger les enfants à naître? Le problème est là. On va maintenant protéger les enfants mineurs, mais que fait-on des enfants à naître? Je ne sais pas si vous avez une opinion là-dessus, mais le cas échéant, j'aimerais l'entendre.
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Merci, monsieur le président.
Tout d'abord, monsieur et madame Bagby, j'aimerais vous dire à quel point je suis peiné que votre famille ait eu à vivre cette tragédie. En mon nom et au nom de mes collègues et de toutes les personnes présentes ici, je tiens à vous offrir nos plus sincères condoléances.
Monsieur Andrews, je tiens à vous féliciter et à vous remercier d'avoir déposé ce projet de loi au Parlement. Il arrive trop souvent, en raison de la nature partisane de cet endroit, que nous perdions de vue les vraies raisons de notre présence ici. À mon avis, l'une des tâches les plus importantes que nous a confiées la population est celle d'adopter des lois pour protéger nos collectivités, nos familles et tout particulièrement nos enfants mineurs. Je pense que cette modification du Code criminel se fait attendre depuis trop longtemps. Je tiens à vous remercier d'avoir pris cette initiative. Nous avons là un exemple parfait de ce qui peut être accompli lorsque tous les partis collaborent pour bien servir les gens que nous représentons.
Comme vous le savez, notre gouvernement a déployé maints efforts pour réviser les lois régissant notre système de justice pénale afin de mieux protéger nos familles et nos collectivités, comme en témoigne l'annonce faite par le plus tôt aujourd'hui au sujet des modifications que nous souhaitons apporter à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, et qui seront, j'ose espérer, aussi bien reçues par tous les partis.
J'aimerais que vous nous disiez, si possible, en quoi cette modification du Code criminel du Canada permettra de mieux protéger nos jeunes?
Un des éléments qui m'a amené à examiner cette question, comme je suis député depuis moins de 16 mois, c'est l'abondance d'information. Tant de dossiers aboutissent sur notre bureau.
Nous nous intéressons tous, en particulier, à ce qui se passe dans notre province. J'ai eu la possibilité de voir le documentaire. Je connaissais l'histoire et j'étais au courant de l'épreuve que les membres de la famille Bagby avaient dû traverser, mais lorsque je suis allé voir le documentaire — et on est appelé à voir beaucoup de choses et à entendre de nombreuses histoires — j'ai été très touché et je me suis demandé ce qu'on pouvait faire pour améliorer la situation. En collaborant, en ralliant tous les partis et en faisant des compromis, on peut améliorer la situation.
Je vous remercie de ces commentaires. J'aimerais simplement ajouter quelque chose au sujet de ce qui m'a poussé à présenter ce projet de loi.
Pour protéger les enfants, nous devons donner aux tribunaux et au système de justice les moyens et les outils nécessaires pour rejeter les demandes de mise en liberté conditionnelle. Nous devons avoir cette capacité. Les tribunaux doivent le faire. Nous ne pouvons y arriver seuls en tant que parlementaires. Nous devons nous en remettre au système judiciaire, au ministère public et aux avocats. Ils ont besoin d'outils pour y arriver. Dans ce cas particulier, j'ai vu qu'il était possible de modifier la loi pour leur donner les outils dont ils ont besoin pour rejeter les demandes de mise en liberté sous caution.
Merci beaucoup aux témoins d'être venus — et en particulier, évidemment, M. Andrews, et, plus particulièrement, M. et Mme Bagby.
Je n'ai que trois minutes et il y a de nombreuses questions que j'aimerais aborder avec vous. La première, c'est qu'à vrai dire, je suis d'accord avec vos cinq points et, en particulier, le fait que le meurtre n'est pas simplement un crime comme les autres. En fait, vous devez vivre avec des gens qui ont vécu un meurtre ou n'importe quel crime dans leur demeure — parfois, il ne s'agit que d'une entrée par infraction. À titre de policier, j'ai vu à maintes reprises des gens qui ne pouvaient vivre, ou qui trouvaient difficile de vivre, dans leur maison parce que quelqu'un était entré par effraction dans cette dernière. Ils ne se sont jamais sentis en sécurité par la suite. Leurs enfants pleuraient la nuit.
Le système judiciaire, je dois le dire, tend de plus en plus l'oreille aux victimes, mais je crois qu'il doit aller un peu plus loin dans sa démarche pour s'occuper des victimes et, en particulier, des victimes d'homicide, parce que les gens doivent vivre avec ce crime.
Je dois m'excuser d'une façon, mais je suppose que je ne le fais pas d'une autre. J'ai des sentiments partagés concernant le fait que vous soyez venus aujourd'hui, parce que vous devez revivre et continuer de revivre ces événements. Mais je pense que lorsque vous vous couchez le soir, vous savez que cela fait partie du processus qui vous amènera à clore ce chapitre de votre vie, que vous faites quelque chose à propos d'un événement tragique qui a touché votre famille.
En ce qui concerne notre système de justice, malgré ses nombreuses faiblesses et lacunes, je crois qu'il est parmi les meilleurs au monde. En tant que policiers, les procureurs de la Couronne et les autres avocats nous rappelaient constamment que notre système était fondé sur le fait qu'il est préférable de laisser filer 10 personnes coupables que de condamner un innocent. Je pense que nous devons commencer à examiner cette idée en fonction des différents crimes. Il devrait y avoir une pondération différente pour cette affirmation.
Enfin, lorsque je regarde le présent comité, lorsque je regarde un Canadien qui regarde notre comité, qui nous écoute, qui cherche à savoir ce qui se passe dans notre tête lorsque nous essayons de modifier la loi, ou si je lisais les résultats de ces audiences ou si je lisais le témoignage... j'aimerais savoir, à titre de Canadien, pourquoi la justice a accordé une libération sous caution à cette personne.
Vous souvenez-vous des raisons qui ont été données pour que la personne soit libérée sous caution?
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Vous avez fait état de la fameuse citation : « Mieux vaut libérer 10... », n'est-ce pas? Lorsque j'ai fait la recherche pour mon livre, je suis tombé sur une excellente réplique. Un certain théoricien, ou juriste, ou qui que ce soit d'autre a dit essentiellement — je ne me souviens pas de la citation exacte et je vais paraphraser —, peu importe comment vous tournez cela, il reste que c'est toujours 10 fois le nombre d'erreurs. Ce qui est mauvais est mauvais. Si une décision est mauvaise, dans un sens ou dans l'autre, cela reste tout de même une mauvaise décision.
Pourquoi a-t-elle été libérée sous caution? En un mot, la juge Gale Welsh, dans sa décision écrite, a affirmé — et Kate l'a paraphrasée il y a quelques instants également — que son crime, bien que violent, était spécifique par nature. Voilà une citation — « spécifique par nature ». Cela signifiait que si elle a commis le crime, elle avait déjà tué la personne qu'elle voulait tuer: Andrew Bagby. C'est lui qui la mettait vraiment en colère. Cela n'indique pas qu'elle soit une menace pour quiconque d'autre. C'était là sa logique fondamentale, de la manière que j'interprète cette expression: « spécifique par nature ». Elle a également souligné que la présomption d'innocence s'applique.
Ma réplique à ces deux arguments, c'est que la présomption d'innocence est un principe important en droit pénal, à mon avis et, apparemment, de l'avis de presque quiconque y réfléchit, du moins dans le monde occidental, mais cette notion a été étirée jusqu'au comble du ridicule. Il devrait y avoir un terrain mitoyen où on peut prendre des précautions si quelqu'un est probablement le tueur, mais n'a pas encore été déclaré tueur au-delà de tout doute raisonnable.
Évidemment, je propose une règle générale, mais ce pourrait être quelque part au milieu, comme une maison de transition. Si vous êtes accusé d'un crime violent, vous allez vivre dans une maison de transition où vous avez beaucoup de liberté et où vos amis peuvent venir vous visiter, mais vous ne pouvez sortir de là et recommencer. Si vous sortez de là, alors, vous allez dans une véritable prison.
Je ne sais pas; je réfléchis tout haut. Ce qu'il faut retenir, c'est qu'il devrait y avoir une façon de protéger les personnes véritablement innocentes de la personne probablement coupable jusqu'à ce que vous arriviez à un moment, au cours du procès, où il n'y a plus de doute raisonnable.
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J'aimerais également dire un mot au sujet du processus d'extradition.
Shirley Turner a été accusée d'homicide et a quitté le pays où elle a été mise en accusation. Elle n'aurait jamais dû être libérée sous caution, jamais. Elle était un risque de fuite, et cela n'a pas été pris en considération. Elle a eu un enfant pendant qu'elle était au Canada et il est abominable qu'aucune des protections qui ont théoriquement été mises en place pour s'occuper de cet enfant n'ait même été examinée, dont la première, à savoir que la juge aurait dû prendre l'enfant en considération.
En fait, je suis attristée que nous ayons à apporter cette modification au Code criminel, que les enfants mineurs devraient, et doivent, être pris en considération. Cela devrait aller de soi que si un accusé a des enfants et qu'il a fait du mal à un membre de la famille ou qu'il a été accusé d'avoir tenté de faire du mal à un membre de la famille, alors, les enfants devraient automatiquement devenir la préoccupation première, parce que ce sont eux dans ce cas qui sont les personnes véritablement innocentes et sans défense.
Comme nous l'avons dit dans notre mémoire, toute une série d'erreurs ont été commises dans l'affaire tragique de Zachary Turner, mais ce sont là les deux plus importantes, à notre point de vue.
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Je ne crois pas que votre amendement ajoute grand-chose à ce qui existe déjà dans le Code criminel. J'imagine qu'un juge se basant sur les dispositions actuelles du Code criminel en serait arrivé à la conclusion que vous espérez, c'est-à-dire que, dans ce cas particulier, la personne soit détenue. Dans ce cas-ci, j'accepte le brocard « abondance de biens ne nuit pas », et je suis prêt à ajouter cette circonstance dans la loi, qui est déjà prise en considération par les juges, à mon avis.
J'aimerais quand même rappeler que des gens sont accusés faussement de meurtre au Canada. J'ai eu la chance d'avoir une belle pratique de droit criminel. Je n'ai jamais été mêlé à des organisations criminelles. J'ai eu la chance d'avoir une assez bonne réputation pour que des avocats, qui ne faisaient pas de droit criminel, me réfèrent leurs problèmes de droit criminel. J'ai obtenu au moins quatre acquittements pour meurtre, et je ne vois pas pourquoi ces gens n'auraient pas eu droit à un cautionnement.
Ce sont des choses dont on n'entend jamais parler. Je vous citerai seulement un cas. Il s'agissait d'un portier dans un club, un bouncer, qui était à la porte pour faire respecter la loi et l'ordre, ainsi que les gens. Il y avait un seul barman, qui lui a demandé de garder le bar pendant qu'il allait aux toilettes. Un client, qui avait pas mal bu, lui a demandé de lui servir de la boisson. Le portier lui a répondu qu'il était le bouncer et qu'il ne servait pas la boisson. Le client est devenu agressif et a menacé le portier qui refusait toujours de le servir. Il lui a alors donné un coup de poing. Le portier s'est accroché à lui en tombant en arrière, et lui a rendu son coup de poing. La personne est tombée par terre et en est morte. Le portier a été accusé de meurtre. Inutile de vous dire qu'il a été acquitté. La Couronne espérait qu'on plaide coupable à une accusation d'homicide involontaire, mais j'avais assez d'expérience pour ne pas avoir peur quand l'accusation est plus sévère que ce qu'on veut obtenir. Oui, il a eu droit à un cautionnement et je ne vois pas pourquoi on penserait qu'un type comme lui ne devrait pas avoir de cautionnement.
Je pourrais vous raconter d'autres cas dans des situations familières, mais ils ne feront jamais la une des journaux. En effet, les crimes odieux font la une des journaux. Quand on va dans la pratique quotidienne on s'aperçoit que, Dieu merci, nous avons un pays et un système de droit où la présomption d'innocence est importante. Elle doit s'appliquer, à mon avis, dans les premiers gestes qui sont posés, même si dans le cas de meurtre, le fardeau de la preuve incombe à l'accusé. Il doit faire la preuve qu'il n'est pas dangereux pour qu'il puisse être libéré.
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Je pense, monsieur, que le point que vous soulevez est au coeur de la question du cautionnement, et je suppose qu'il y a deux faits fondamentaux que j'aimerais...
Le tribunal ne peut pas avoir raison tout le temps. Cela ne se peut pas. Il n'y a jamais suffisamment d'information pour qu'un tribunal ait parfaitement raison tout le temps. Il y aura des erreurs. C'est inévitable. Alors, je propose de concevoir le système, et c'est bien ce qu'est un tribunal, de telle manière que lorsqu'il y a une erreur, le tort maximal causé est minimal.
Pour le cas dont vous parlez... En fait, il y avait un cas à Terre-Neuve dans le journal de samedi. Un type a purgé 27 mois de prison à cause d'une preuve d'ADN dont on a démontré qu'elle est presque assurément fausse. Je pense qu'il est maintenant sorti de prison et je pense qu'on a laissé tomber les accusations — mais cela ressemble à l'histoire du « bouncer ».
Il a été accusé à tort. J'ai eu beaucoup de temps pour réfléchir à cette question. Je vous attendais, monsieur, et je suis désolé si les choses sortent de cette manière, mais je propose un débat. Je veux que votre « bouncer » qui a passé 27 mois, ou je ne sais combien de temps, en prison et qui a ensuite été remis en liberté vienne débattre avec la victime d'un meurtrier libéré sous caution. Je veux qu'il vienne ici et qu'il vous dise combien il a souffert et ensuite, je veux que Zachary vienne ici et vous dise combien il a souffert, et nous verrons lequel des deux a le plus souffert.
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais souhaiter le bonjour à tous les témoins.
Je tiens d'abord à vous féliciter, monsieur . Il est difficile de présenter un projet de loi émanant d'un député. Comme moi, vous savez que ça prend du temps et que dans certains cas, ça n'aboutit pas. Vous avez mon entier appui.
J'aimerais surtout m'adresser à M. David Bagby.
Je vais vous parler un peu de ce que fait notre gouvernement. Nous avons présenté des projets de loi sur le trafic de personnes et sur la pornographie juvénile. Mon parti en était le promoteur. Pour moi, les enfants sont importants. J'ai quatre enfants et quatre petits-enfants. Vous voyez déjà dans quel contexte je me trouve.
Ma question est simple. Vous semblez avoir fait beaucoup de recherche, ce qui est tout à votre honneur, et avoir bien ciblé votre dossier. Vous accompagnez votre député, M. Andrews, et on voit qu'il y a une bonne chimie entre vous. Vous vous soutenez l'un l'autre.
Croyez-vous, au fond de votre coeur, que la modification proposée à l'article 515 du Code criminel, même si elle est simple, va bel et bien mettre fin à ce genre de crimes?
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Je pense que la modification proposée à la loi concernant la mise à liberté sous caution a une valeur dans sa forme actuelle. Je la vois comme ceci. Le procureur de la Couronne possède un ensemble d'outils qu'il peut utiliser pour faire refuser la mise en liberté sous caution d'un prévenu, et le Code criminel précise quels sont ces outils. Cette modification lui donne un outil de plus, un tournevis de plus qui pourrait faire l'affaire. Dans certains cas, je peux envisager que cela soit utile.
Une autre façon de le voir, c'est de la manière suivante. Si cette mesure avait fait partie de la loi à Terre-Neuve en 2001 et plus tard, Zachary serait-il encore vivant? Je ne le pense pas. Mon impression, à partir des arguments juridiques... Eh bien, il n'y a pas eu d'arguments juridiques à la première audience pour mise en liberté sous caution en décembre 2001. Mais la décision de la juge Welsh, rédigée le 10 janvier 2003, affirmait que la docteure Turner devait être présumée innocente et, par conséquent, le crime dont elle était accusée n'était pas pertinent pour le cautionnement, et qu'elle avait obtempéré à de nombreuses reprises à l'ordonnance de la cour de se présenter et, ainsi, n'était pas un risque de fuite. Si à ce moment-là, M. Madden, le procureur de la Couronne, avait soulevé l'argument qu'elle avait la garde d'un enfant mineur et que cet enfant pourrait être en danger, la juge aurait simplement dit : « Montrez-moi cette menace. Quand a-t-elle menacé le bébé? ». Elle n'a jamais menacé le bébé. À notre connaissance, elle n'a jamais donné le moindre signe qu'elle pouvait être une menace pour l'enfant ou quiconque d'autre. Elle était trop futée, trop prudente.
Je suis désolé; je ne veux pas amoindrir ce que M. Andrews propose de faire ici. Je veux simplement pousser la logique de cette affaire aussi loin que je le peux. Je ne vois pas comment un meurtrier manipulateur peut être gardé en prison ou sous une autre forme de garde s'il n'y a pas de règle générale, parce que certains d'entre eux sont tout simplement trop futés.
Shirley Turner nous a convaincus, presque convaincus, qu'elle se préparait à retourner en Pennsylvanie pour y subir son procès. Elle ne nous a jamais donné le moindre indice qu'elle perdrait la tête et qu'elle poserait un tel geste. Elle consultait un psychiatre. Ce psychiatre a déclaré, après le meurtre suivi d'un suicide, qu'il n'y avait aucune indication de danger pour elle-même et pour les autres.
Alors, le troisième point que je veux faire valoir, c'est que les meurtres répétitifs sont imprévisibles. Shirley Turner en est un excellent exemple.
Gary Weddell constitue un meilleur exemple encore. Le tribunal lui a ordonné de subir une évaluation psychiatrique. Le psychiatre est revenu devant le tribunal pour dire qu'il n'était pas une menace pour lui-même ou pour les autres et il est immédiatement sorti; et il a commis un homicide suivi d'un suicide.