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Bonjour, tout le monde.
Je m'appelle Marc-Arthur Hyppolite. Je suis sous-commissaire principal au Service correctionnel du Canada. J'ai étudié la criminologie, la sociologie et la psychologie à l'Université d'Ottawa. J'ai fréquenté le Collège de Maisonneuve à Montréal. Je suis ici pour représenter le Service correctionnel du Canada. J'ai 25 ans d'expérience dans des établissements correctionnels et j'ai travaillé à quelques reprises pendant de courtes périodes dans d'autres ministères.
Je suis heureux d'être ici et j'aimerais vous remercier de l'occasion que vous me donnez de m'adresser à vous aujourd'hui.
Comme vous le savez, monsieur le président, les Autochtones du Canada ont une culture très riche et diversifiée. Malheureusement, cette histoire a fait en sorte qu'un nombre disproportionné d'Autochtones sont incarcérés dans les pénitenciers au Canada. Comme il est décrit dans le plan stratégique pour les services correctionnels offerts aux Autochtones et comme on peut le voir dans le récent cadre de responsabilisation, les mesures prises par le Service correctionnel du Canada illustrent la compréhension de cette histoire, la réalité sociale actuelle et l'importance des traditions culturelles dans la formulation d'une politique correctionnelle concrète pour les Autochtones qui relèvent de notre responsabilité.
[Français]
Comme le commissaire vous l'a mentionné en juin de cette année, nous avons constaté, au cours des 10 dernières années, d'importants changements dans le profil de la population carcérale. L'augmentation du nombre de délinquants qui ont des problèmes de santé mentale et de toxicomanie est un facteur important qui explique ces changements.
Les délinquants autochtones sont généralement plus jeunes que les délinquants non autochtones. Ils présentent un risque plus élevé et ont davantage de problèmes de santé. Ils sont, par exemple, plus nombreux à souffrir de troubles causés par le syndrome d'alcoolisation foetale et de troubles mentaux.
[Traduction]
En outre, nous avons constaté que les délinquants autochtones avaient un taux beaucoup plus élevé de problèmes liés aux drogues et à l'alcool que les délinquants non-autochtones.
Notre approche en ce qui concerne les services correctionnels offerts aux Autochtones est fondée sur le continuum de soins comprenant chaque étape de la peine imposée à un délinquant, de son admission à sa mise en liberté dans la collectivité. Le continuum de soins, qui a été créé en consultation avec les intervenants et les partenaires autochtones, a permis de créer de nouvelles occasions de répondre aux besoins des délinquants autochtones, comme il était décrit dans le plan stratégique de 2006 à 2011 portant sur les services correctionnels offerts aux Autochtones. Ce plan a été élaboré pour renforcer la capacité du Service correctionnel du Canada à intervenir de façon efficace auprès des délinquants faisant partie des premières nations et des communautés des Métis et des Inuits, et pour intégrer ce continuum au sein du Service correctionnel du Canada.
Le Service correctionnel du Canada reconnaît que la culture autochtone est de nature holistique et que les aînés intègrent les plans d'intervention destinés aux délinquants autochtones et aident à leur élaboration afin de s'assurer que ces plans sont intégrés dans leurs programmes de guérison. En nous fondant sur notre expérience du travail auprès des délinquants autochtones, il est évident que les programmes qui comprennent des éléments culturels appropriés d'interventions correctionnelles sont plus efficaces auprès des Autochtones qui représentent des risques plus élevés et qui ont des besoins plus grands que les autres groupes faisant partie de la population.
Comme vous le savez, les programmes correctionnels efficaces constituent un élément essentiel de la réduction de la récidive et de la préparation des délinquants en vue de leur retour sécuritaire au sein de la collectivité. Ainsi, les programmes comprennent l'intégration de principes correctionnels efficaces se rapportant aux approches autochtones traditionnels en matière de guérison et de spiritualité.
Des recherches ont démontré que les programmes qui comprennent des éléments appropriés sur le plan culturel dans les interventions en milieu carcéral sont plus efficaces auprès des Autochtones qui représentent des risques plus élevés et qui ont de plus grands besoins que les autres groupes faisant partie de la population.
[Français]
Par conséquent, nous offrons des programmes conçus expressément pour répondre aux besoins particuliers des délinquants autochtones. Nous travaillons en partenariat avec les collectivités autochtones et nous écoutons les conseils et les recommandations que nous donnent les comités consultatifs autochtones auxquels nous avons recours régulièrement pour nous aider à mettre en oeuvre nos plans d'action.
[Traduction]
Le Programme pour délinquants autochtones toxicomanes, qui est offert aux niveaux d'intensité élevée et modérée, en constitue un bon exemple. Ce programme est destiné aux délinquants qui sont des hommes autochtones, et il vise à réduire le risque de rechute en ce qui concerne la toxicomanie et de récidive en matière d'actes criminels. Le programme est fondé sur une approche holistique afin de permettre l'examen des conséquences de la toxicomanie sur les plans physique, mental, émotionnel et spirituel dans un milieu sécuritaire et favorable. Du point de vue culturel, il répond également aux besoins des délinquants faisant partie des premières nations, des communautés inuites et des communautés métisses.
Pour faire face aux besoins futurs, le Service correctionnel du Canada a investi près de 33 millions de dollars dans les services correctionnels offerts aux Autochtones en 2009-2010 dans le but de soutenir ce qui suit: l'expansion des programmes autochtones d'intervention et de guérison dans nos établissements et les pavillons de ressourcement dans les communautés; la conclusion de contrats avec un plus grand nombre d'aînés dans nos établissements et dans la collectivité; un nombre accru d'appartements et de maisons pour offrir un soutien plus intensif en matière de guérison; et la création d'un plus grand nombre d'emplois et d'occasions de placements pour les Autochtones.
Je suis persuadé que nos recherches poussées et l'élaboration de programmes efficaces nous mettent sur la bonne voie afin de répondre au profil des délinquants et de répondre aux besoins précis des délinquants autochtones. Dans le cadre de ce travail, les mesures visant à aborder les problèmes de santé mentale et de toxicomanie constituent des priorités importantes.
[Français]
Je vous remercie de m'avoir permis de m'adresser à vous. Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.
Par la suite, si vous voulez que la sous-commissaire pour les femmes fasse une présentation, cela sera possible.
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Merci. Bonjour, monsieur le président et membres du comité.
J'aimerais simplement vous donner un aperçu de mon parcours. Je travaille à Service correctionnel Canada depuis 25 ans. J'ai d'abord été agente correctionnelle à l'établissement de Kingston; j'ai donc gravi les échelons en occupant divers postes au sein de l'établissement, du côté de la sécurité. Pour ce qui est de la gestion de cas, je travaille à l'administration nationale depuis les 11 dernières années, et j'ai été nommée à mon poste actuel au cours de la dernière année. Voilà un aperçu de mon parcours.
Je suis très ravie d’être ici aujourd’hui et j’aimerais vous remercier de me donner l’occasion de vous parler de certaines questions concernant les délinquantes. Il s’agit d’un domaine d’une importance clé pour le Service correctionnel du Canada et auquel j’accorde aussi une très grande importance personnelle à titre de sous-commissaire pour les femmes.
J’aimerais d’abord, pour vous situer, formuler quelques commentaires généraux au sujet de la population de délinquantes au Canada. À tout moment, il y a un peu moins de 1 200 femmes qui purgent une peine de ressort fédéral au Canada: environ 44 p. 100 d’entre elles purgent leur peine dans l’un de nos établissements, tandis que les autres purgent leur peine dans la collectivité. Si on examine le profil démographique général des délinquantes, on constate qu’elles ont tendance à être pauvres, jeunes et peu instruites et à manquer de compétences relatives à l’emploi. Comparativement à la canadienne moyenne, les délinquantes affichent une incidence plus élevée de problèmes de toxicomanie et de santé mentale, et elles sont plus susceptibles d’avoir des antécédents de violence physique et/ou sexuelle. Bref, les délinquantes présentent des facteurs uniques qui influent sur leur comportement criminel, de sorte qu’elles ont besoin d’une approche unique adaptée à leurs besoins particuliers. Cette approche est couramment appelée approche « axée sur les femmes », car elle tient compte des réalités sociales des délinquantes et répond aux besoins individuels de toutes les délinquantes que nous prenons en charge.
Comme le sous-commissaire principal vient de le souligner, le SCC a observé des changements importants dans le profil global des délinquants au cours de la dernière décennie. Cela s’applique également à la population de délinquantes. Ainsi, depuis une dizaine d’années, nous avons constaté que les délinquantes que nous prenons en charge étaient plus nombreuses à avoir des besoins en santé mentale ou à présenter des troubles de comportement complexes. Nous avons aussi constaté que les délinquantes purgeaient des peines beaucoup plus courtes. Ces exemples et de nombreux autres facteurs montrent indubitablement que notre organisation fait face à de plus grands défis quant à la façon dont elle doit gérer efficacement les délinquantes et les aider à renoncer à leurs activités criminelles et à faire des choix de vie plus positifs.
L’un des moyens que nous prenons pour renforcer notre capacité à répondre aux besoins des délinquantes aux prises avec des troubles mentaux est de déterminer ces besoins dès le premier jour de leur admission. À cette fin, le SCC est en train d’améliorer son processus de dépistage et d’évaluation à l’admission avec la mise en place du Système informatisé de dépistage des troubles mentaux à l’évaluation initiale. En cernant mieux les troubles de santé mentale au tout début, nous sommes en meilleure position pour les traiter de façon proactive.
Trois options s’offrent actuellement à nous pour traiter les délinquantes qui présentent des besoins plus élevés ou de graves troubles de santé mentale. Les deux unités de traitement psychiatrique intensif constituent la première option. Il y a une unité à l’Institut Philippe-Pinel et une autre au Centre psychiatrique régional des Prairies pour les délinquantes qui ont besoin d’être traitées dans un établissement psychiatrique.
Les unités d’habitation en milieu de vie structuré mises en place par le SCC constituent la deuxième option. Ces unités, où les délinquantes vivent dans une aire distincte et suivent les programmes dans une autre aire de l’établissement, sont destinées aux délinquantes ayant une cote de sécurité minimale ou moyenne. Il s’agit d’un environnement thérapeutique où les membres d’une équipe interdisciplinaire peuvent offrir 24 heures par jour des traitements spécialisés dans le domaine des interventions correctionnelles, de la réadaptation et de la santé mentale.
Enfin, pour les délinquantes qui exigent une intervention intensive similaire mais qui ont une cote de sécurité maximale, le SCC a construit des unités de garde en milieu fermé dans chacun des cinq établissements régionaux pour femmes. Ces unités ont adopté des mesures de sécurité améliorées et une approche interdisciplinaire semblable à celle qui est utilisée dans les unités d’habitation en milieu de vie structuré, qui permet d’offrir des interventions, des programmes et des traitements intensifs à ces délinquantes à risque élevé.
Par ailleurs, la thérapie comportementale dialectique – ou TCD – et la réadaptation psychosociale sont des interventions importantes destinées aux délinquantes qui ont des besoins en santé mentale. La TCD est un traitement de santé mentale exhaustif destiné aux délinquantes ayant de graves problèmes émotifs et comportementaux. La TCD s’attaque à ces problèmes en mettant l’accent sur l’acquisition de compétences dans le domaine des émotions, des relations, des processus cognitifs et du stress. La réadaptation psychosociale répond aux besoins des délinquantes dont le fonctionnement cognitif est lent. Elle les aide à reprendre leur vie en main en les aidant à acquérir des compétences psychosociales et à établir des objectifs et des plans pour les préparer à mener une vie autonome.
En outre, comme la majorité des délinquantes sont des survivantes de violence et de traumatismes, des interventions visant à traiter ces questions leur sont aussi offertes. Des séances de counseling collectives ou individuelles sont offertes à toutes les délinquantes pour les aider à faire face aux conséquences importantes que ces actes et d’autres expériences ont eues sur leur vie.
Comme je l’ai déjà mentionné, outre les troubles de santé mentale, les statistiques montrent que jusqu’à 80 p. 100 des délinquantes incarcérées ont des problèmes de toxicomanie. Nous devons absolument travailler en collaboration avec les délinquantes pour cerner ces problèmes et traiter leurs dépendances de façon proactive. Le SCC a élaboré une série de programmes destinés expressément aux délinquantes et j’aimerais décrire brièvement deux programmes qui visent à les aider à traiter leurs dépendances et leurs comportements violents.
Le Programme d'intervention pour délinquantes toxicomanes est conçu pour répondre aux besoins de toutes les délinquantes dans le domaine de la toxicomanie. Il comporte plusieurs niveaux d'intervention destinés aux délinquantes depuis leur entrée à l'établissement jusqu'à l'expiration de leur mandat. Des programmes de suivi sont aussi offerts dans la collectivité.
Le deuxième exemple est le programme Esprit de la guerrière, qui a été élaboré par les Native Counselling Services of Alberta pour répondre aux besoins des délinquantes autochtones; il est plus particulièrement axé sur la violence, la toxicomanie et l'association à un gang, et l'objectif global est de réduire la récidive.
En terminant, j'aimerais mentionner que je crois que les programmes et les interventions que nous offrons pour permettre aux délinquantes de faire de meilleurs choix sont appropriés et efficaces. Le SCC s'efforce depuis longtemps de répondre aux besoins des délinquantes, mais il lui reste encore du travail à faire. La nature de notre travail est telle que nous devons continuellement évoluer et nous adapter pour relever de nouveaux défis. Je crois que nous sommes sur la bonne voie et je suis impatiente de discuter de certaines de ces questions avec vous aujourd'hui.
Merci, monsieur le président.
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Pour illustrer ce que vous dites, si nous prenons l'exemple des délinquants autochtones, fondamentalement, nous nous trouvons à la fin du cheminement. La plupart des problèmes sont non seulement multidimensionnels, mais ils sont également très complexes. Ce sont des problèmes sociétaux qui nécessitent un effort concerté.
Habituellement, les délinquants qui arrivent ont de nombreux problèmes. Il y a des problèmes de sous-emploi et de faibles niveaux d'éducation. Il y a parfois des antécédents sociaux comprenant des agressions sexuelles, de la violence familiale et de la consommation abusive d'alcool et d'autres drogues. Il y a des problèmes de santé mentale et d'autres problèmes liés aux syndromes de stress post-traumatique. Et à présent, la situation est encore plus compliquée en raison de la prolifération des gangs. Beaucoup de membres de la communauté tombent sous l'influence des gangs.
Lorsque nous recevons ces personnes dans notre système, nous devons créer une équipe pluridisciplinaire pour élaborer des interventions et une planification correctionnelle, et ce, dans le but de répondre aux besoins des délinquants. Ça ne se fait pas seulement dans des établissements, ça se fait dans le cadre d'un continuum de soins comprenant également un retour dans la collectivité. Nous avons déterminé que plus nous offrons des programmes dans la collectivité, moins ces personnes ont tendance à récidiver et à revenir dans notre système.
En plus de nos nombreuses interventions, nous offrons huit programmes correctionnels de base à l'intention des délinquants autochtones. Ces programmes comprennent un programme de guérison de base, un programme d'acquisition des compétences psychosociales, un programme de cercles de changement, un programme à intensité élevée de prévention de la violence familiale pour les Autochtones, ainsi que le programme En quête du guerrier en vous, qui est un programme axé sur la violence et la toxicomanie. Nous avons un programme qui s'adresse aux délinquants sexuels issus de la communauté inuite, un programme de consommation abusive d'alcool et d'autres drogues à l'intention des Autochtones, qui constitue un programme de toxicomanie destiné expressément à répondre aux besoins culturels des Autochtones, et un programme de suivi pour les délinquantes Autochtones, qui est un programme de suivi dans la collectivité après le traitement.
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Je m'appelle Peter Ford. Je suis médecin. J'ai travaillé au département de médecine à Queen's et j'ai récemment pris ma retraite.
Depuis le dernier quart de siècle, je soigne des patients atteints du VIH et de maladies connexes. Également, depuis environ un quart de siècle, je me rends régulièrement dans les prisons pour soigner des détenus de pénitenciers fédéraux atteints du VIH.
À n'importe quel moment, je m'occupe de 35 à 50 patients atteints du VIH dans la région Est de l'Ontario. Quatre-vingt-quinze pour cent d'entre eux ont l'hépatite C, ce qui, dans ce contexte particulier, est une indication claire de l'usage de drogues injectables.
En raison de cette prévalence élevée d'hépatite C chez les personnes atteintes du VIH, nous avons effectué certaines études dans les années 1990 — la première a été réalisée en 1994 — pour voir quelle était la prévalence du VIH et de l'hépatite C dans les établissements en général. Nous avons examiné un établissement à sécurité moyenne de la région de Kingston et avons procédé à une étude anonyme, qui a révélé que 28 p. 100 des détenus avaient l'hépatite C et que 1 p. 100 avaient le VIH.
Nous avons répété cette étude en 1998, et à ce moment-là, 33 p. 100 des détenus avaient l'hépatite C et 2 p. 100 avaient le VIH. Pendant la deuxième étude, nous avons rempli un questionnaire détaillé, qui pouvait être relié aux échantillons de sang de façon anonyme. Ce que nous avons découvert, c'est que presque toutes les personnes qui avaient l'hépatite C avaient déjà utilisé des drogues injectables. Les gens qui ont dit avoir partagé du matériel d'injection avaient le taux d'incidence d'hépatite C le plus élevé. Mais l'aspect le plus alarmant de l'étude, c'est qu'il y avait un groupe de personnes qui n'avaient pas fait usage de drogues injectables à l'extérieur de la prison, mais qui avaient partagé du matériel d'injection en prison, et les deux tiers de ces personnes étaient atteintes d'hépatite C.
Nous nous trouvons donc devant un problème de maladie transmissible par le sang, qui est importée dans les prisons, et qui prolifèrent dans les prisons. Cette situation a des implications très graves en matière de santé publique, parce que ces personnes vont sortir de prison et qu'elles recommencerons à faire ce qu'elles ont fait pour être infectées. De plus, l'hépatite C peut se transmettre par voie sexuelle — moins de 10 p. 100 des cas résultent d'une transmission par voie sexuelle —, alors le risque ira au-delà des utilisateurs de drogues injectables et visera leurs partenaires sexuels.
Les coûts en santé à long terme sont très importants. Il en coûte environ 20 000 $ pour traiter une personne atteinte d'hépatite C. Le traitement n'est pas toujours concluant. Le traitement n'est pas toujours possible, car les patients ne s'identifient pas ou que le traitement ne leur convient pas — et il y a certaines raisons qui expliquent pourquoi les gens ne sont pas traités.
Le résultat final de l'hépatite C est l'insuffisance hépatique. La transplantation hépatique à la suite d'une insuffisance hépatique causée par l'hépatite C est maintenant la cause la plus répandue de transplantation hépatique en Amérique du Nord, et nous n'en sommes qu'aux débuts de cette épidémie. L'épidémie d'infection à l'hépatite C a pris de l'ampleur en raison de l'augmentation de l'utilisation de drogues injectables, mais il faut compter 20 ans avant d'arriver à l'étape finale de l'insuffisance hépatique. Alors le gros du problème ne surviendra pas avant un certain temps.
Les services correctionnels devront s'occuper des personnes atteinte d'insuffisance hépatique en phase terminale, et c'est là une perspective très coûteuse. En tant que médecin, le nombre de cas d'hépatite C, et dans une certaine mesure de VIH, liés à l'utilisation de drogues injectables dans nos établissements me préoccupe beaucoup.
J'ai apporté quelque chose que je peux faire circuler, mais si vous la faites circuler, je vous demanderais de ne pas ouvrir ce contenant. Il renferme une seringue qui a été apportée à notre clinique de Kingston par un gardien très effrayé qui venait de se piquer avec l'aiguille pendant une fouille de la cellule. Cette seringue était probablement la seule de l'établissement d'où elle venait. Elle a probablement été utilisée par au moins 10 à 15 personnes différentes, et plusieurs d'entre elles auraient été infectées par l'hépatite C et certaines auraient été infectées par le VIH.
Vous verrez que cette seringue, qui est fait d'un stylo à bille, de ruban et d'une aiguille qui vient probablement d'une seringue à insuline, est sale. Il n'est pas possible de la nettoyer. Il n'y a aucune façon de la nettoyer, même avec la meilleure volonté du monde. Ces seringues sont non seulement responsables de la transmission de l'hépatite C, du VIH et de l'hépatite B, mais elles sont aussi responsables d'un grand nombre d'abcès plutôt horribles au site d'injection, et que je vois dans le cadre de mon travail à la prison. Je crois qu'il s'agit d'un problème qui doit également être réglé.
Merci, monsieur.
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J'aimerais vous remercier de nous avoir invités. J'aimerais également vous présenter les excuses de ma présidente, Lucie Joncas, qui aurait aimé être ici, mais je crois que son absence reflète le volume de travail que nous avons.
L'une des choses que j'aimerais aborder en premier lieu a aussi trait à l'une des questions posées au Service correctionnel du Canada à la dernière séance. L'une des raisons pour lesquelles les femmes connaissent la croissance la plus rapide en matière de population carcérale est également liée à l'augmentation du nombre de femmes qui purgent des peines plus courtes dans des pénitenciers fédéraux. Selon moi, la situation s'aggravera, particulièrement en raison de l'adoption récente du projet de loi .
Si nous nous retrouvons devant cette situation, c'est qu'avec les réductions des services sociaux, des soins de santé et des services éducatifs offerts dans la communauté, les personnes qui sont les plus marginalisées et qui dépendent le plus sur ces services sont plus susceptibles de passer entre les mailles du filet et de commettre des crimes et, au bout du compte, d'être incarcérées, étant donné qu'il y a moins d'options, moins d'endroits où aller pour obtenir des services, moins d'endroits où aller pour obtenir l'aide dont elles ont besoin. En fait, nous voyons des personnes demander des peines en fonction de la croyance ou du principe réel et bien intentionné — de la part du procureur de la couronne, de l'avocat de la défense, des personnes elles-mêmes — qu'elles pourront avoir accès à davantage de programmes et de services dans le système fédéral.
Notre système des prisons fédérales est probablement le meilleur au monde. Nous le disons sans nécessairement ressentir une très grande fierté actuellement, parce qu'il n'est pas très bon en ce moment. En fait, il présente de nombreuses lacunes, et j'aimerais parler de quelques-unes d'entre elles. Certaines lacunes ont déjà été abordées. Je suis certaine que vous avez des exemplaires du récent rapport de l'enquêteur correctionnel qui a été présenté par le la semaine dernière. Je sais également que vous connaissez les rapports sur la mort d'Ashley Smith et d'autres rapports présentés par le Bureau de l'enquêteur correctionnel.
Hier, j'étais au CPR en Saskatchewan, le Centre psychiatrique régional, dont vous avez entendu parler. Je trouve toujours intéressant d'entendre parler de ces établissements du point de vue de ceux qui ont la responsabilité de défendre le travail qu'ils font au sein du Service correctionnel Canada, et de défendre les politiques. Cependant, j'aimerais vous dire que la réalité dément les représentations que vous avez entendues, non pas parce qu'il n'existe pas de personne bien intentionnée — il y a beaucoup de bonnes personnes qui travaillent au sein du système correctionnel —, mais surtout parce qu'elles sont incapables de parler de ce qui se passe vraiment dans le système.
Lors de mon passage au Centre psychiatrique régional, j'ai vu des femmes qui recevaient ce qu'on vous a décrit comme des soins psychiatriques intensifs. Les soins psychiatriques intensifs sont essentiellement une ségrégation accompagnée de contraintes chimiques en plus des contraintes mécaniques et de l'utilisation de la force dont vous avez entendu parler et que vous avez lues dans différents rapports. Je me suis penchée sur le traitement qui a été utilisé avec des personnes comme Ashley Smith. Vous m'excuserez si j'utilise cet exemple, mais le traitement qu'elle a reçu a si souvent fait l'objet de discussions publiques qu'il évoquera probablement certaines images avec lesquelles vous pourrez faire des liens.
La seule différence que j'ai vue dans le traitement des femmes par rapport à la dernière fois que j'étais là, c'est que les femmes sont maintenant moins susceptibles de porter des vêtements de sécurité, à moins qu'elles soient activement suicidaires. Si elles s'automutilent, elles peuvent plutôt porter la tenue en molleton de l'établissement. Lorsque vous visiterez cet établissement, c'est probablement ce que vous verrez, si en fait vous rencontrez les femmes qui y résident — et certaines d'entre elles souhaitent vous rencontrer; vous avez besoin de le savoir.
De plus, bien qu'on nous dise à répétition que les prisonniers sont traités comme des patients, quand j'étais au palais de justice où le superviseur des services correctionnels qui a été accusé de voies de fait contre Ashley Smith fait face à ces accusations et subit son procès au moment où je vous parle, le personnel qui a succédé a parlé du fait que même pour le personnel des soins infirmiers et le personnel en santé mentale au sein d'un hôpital psychiatrique qui est également dûment désigné comme un pénitencier, la priorité est la sécurité, et non les besoins en traitement des personnes qui y résident.
Même si ce n'est pas la loi et la politique, c'est la perception des membres du personnel qui ont témoigné, qui étaient sans doute également préparés à faire ce témoignage. Pour eux, en fait, la priorité est la sécurité. Dans votre tournée des établissements, lorsque vous vous pencherez sur les questions de santé mentale, je vous suggère de poser des questions sur tous les programmes dont vous avez entendu parler. Ce sont de très bons programmes, et certains sont d'excellents programmes, mais demandez à quelle fréquence ils sont offerts et combien de personnes les ont suivi récemment. Sont-ils offerts actuellement? Combien de personnes au cours de la dernière année ont suivi ces programmes? Quelle est la durée de ces programmes? Depuis combien de temps les effectifs chargés des programmes sont-ils complets?
Un avantage de votre comité, c'est en fait qu'il y a eu une augmentation des ressources vers ces domaines au cours des derniers mois. Je tiens à vous féliciter tous du travail que vous faites, parce qu'il y a des personnes qui en bénéficient.
Des femmes ont été libérées; je parlerai de quelques-uns de ces cas dans un instant. Le témoin précédent en a aussi fait mention.
Je ne crois pas qu'il faille améliorer les stratégies de santé mentale dans les prisons pour les raisons que je viens de mentionner. Je pense qu'il sera très difficile d'améliorer les services de santé mentale dans les prisons. Les prisons pour femmes disposent des meilleures ressources en santé mentale au pays, et pourtant, dans les milieux de vie spéciaux — peut-être sont-ils nommés autrement maintenant —, les unités de santé mentale que nous venons de vous décrire sont essentiellement destinées aux personnes qui ont une déficience intellectuelle ou des troubles mineurs de santé mentale.
Au moment où l'on se parle, les femmes qui souffrent des problèmes de santé mentale les plus graves sont toujours celles qui sont confinées aux unités d'isolement, qui ont des comportements autodestructeurs et qui considèrent les interventions envers ces comportements comme des punitions, que ce soit ou non le but visé par les employés. Je sais qu'en réalité, ce n'est pas l'intention de nombreux employés, mais c'est ce que ressentent ces femmes. Et dans bien des cas, si elles essaient d'en parler ou de se plaindre en utilisant les mécanismes disponibles, on les encourage à retirer leur plainte ou à ne pas poursuivre leur démarche. Il suffit de lire les rapports concernant le décès d'Ashley Smith pour bien comprendre comment ça se passe et comment ces interventions ne sont jamais des moyens efficaces pour régler les problèmes, qu'ils soient individuels ou systémiques.
Nous travaillons à mettre en lumière toutes ces questions, mais je dois vous dire que nous avons de sérieuses difficultés sur le plan de l'accessibilité. Nous sommes présentement en pourparlers. On nous a interdit l'accès aux unités d'isolement. En ce qui concerne les domaines que nous avons documentés au fil des ans avec l'enquêteur correctionnel et avec d'autres, ou au sujet desquels nous avons demandé un examen à l'enquêteur correctionnel après avoir identifié certains problèmes dans des secteurs donnés, que ce soit le cas de Prison for Women en 1994, ou, plus récemment, celui d'Ashley Smith ou d'autres femmes qui se trouvent dans ces secteurs, on nous a répondu entre autres que l'accès ne nous serait plus autorisé.
On nous a fermé les portes et la position officielle actuelle n'est pas claire. Dans la dernière lettre que le commissaire du Service correctionnel du Canada m'a envoyée, il disait que nous n'avions pas le droit de nous rendre dans les unités d'isolement. Depuis, lors de nos discussions avec le commissaire, on nous a dit que la décision revenait aux directeurs d'établissement. On m'a laissé entrer dans une unité, mais pas dans une autre.
Je vous encourage donc à poser ces questions, à savoir qui surveille ce qui se passe, et pendant votre examen, je vous encourage à vous concentrer sur les recommandations de Louise Arbour, de la Commission des droits de la personne, du Bureau de l'enquêteur correctionnel et du groupe de travail du Service correctionnel sur l'examen de l'isolement, qui recommandait des limites à l'isolement et des changements à la classification. Même s'il y a un nouveau modèle de classification, ce sont toujours les besoins des femmes — et des hommes, à mon avis — qui sont traduits en facteurs de risque qui permettent de considérer que ces personnes nécessitent une plus grande sécurité et de les tenir en isolement.
Je n'insisterai jamais assez sur la nécessité d'une surveillance externe du système correctionnel. Même si le commissaire à la vie privée a jugé que nous pouvions accéder aux dossiers d'Ashley Smith, nous ne les avons toujours pas, ce qui m'empêche de vous parler d'éléments qui ont certainement existé et qui se sont produits en me basant sur le témoignage de Mme Smith, ainsi que sur celui d'autres détenues et d'employés.
Je voudrais également revenir sur un point que j'ai déjà soulevé devant quelques-uns d'entre vous dans d'autres comités et dans des contextes différents. Le Service correctionnel du Canada lui-même nous demande de plus en plus — pas de manière officielle, mais par l'entremise de ses employés — d'amener ces dossiers devant les tribunaux et de déposer des plaintes en matière de droits de la personne devant diverses autres instances, parce que les gens sentent qu'ils n'ont pas de pouvoir à l'intérieur du système. Les gens croient qu'ils ne peuvent pas s'exprimer sur les problèmes réels causés par les limites qu'on leur impose.
Il existe des exemples d'événements très positifs. J'allais vous donner une liste de 15 femmes dont le cas... Je ne le ferai pas, je vois le président secouer la tête.
Je vais vous parler d'un cas soulevé par la sous-commissaire pour les femmes, Mme Van Allen. Elle a parlé des grands progrès faits par une femme qui a été libérée récemment après être passée par l'isolement. Ce cas fait partie des exemples de situations où des gens viennent nous demander de faire tout notre possible pour faire sortir une personne. Je suis très heureuse de constater que le Service correctionnel du Canada et la Commission nationale des libérations conditionnelles ont jugé bon de libérer cette femme. Je suis également très heureuse de vous dire que j'ai rencontré cette femme dans la collectivité à trois reprises. Elle va très bien, elle a un toit, elle travaille, elle s'épanouit. Les gens des services correctionnels à qui je l'ai présentée la semaine dernière lors d'une conférence, quand je l'ai invitée à venir dîner avec nous, ne l'ont pas reconnue, trois mois après sa sortie de sa cellule d'isolation. Ça vous montre à quel point le seul fait d'être libre peut faire une différence sur le plan de la santé mentale. J'utilise le terme « libre » dans son sens large parce qu'elle est suivie, mais elle est dans la collectivité et elle a du soutien, un endroit où vivre, quelque chose à faire et des gens autour d'elle.
Je dois également vous dire — j'ai demandé l'information, mais elle doit être confirmée — que le fait de garder cette femme dans les conditions qui étaient les siennes en prison a coûté deux millions de dollars juste pour les heures supplémentaires, tandis qu'on dépense environ 10 000 dollars par année pour l'encadrer dans la collectivité.
Lorsque vous étudierez ces questions, je vous suggère fortement d'examiner de quelles manières les ressources peuvent être améliorées au sein de la collectivité, et non dans les prisons, afin que les personnes puissent recevoir ces services dans la collectivité. On devrait avoir accès aux services au sein de la communauté aussitôt la sentence rendue.
Je comprends que nous devons maintenant passer aux questions. J'y répondrai avec plaisir.
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Je serais d'avis, oui, qu'ils le pourraient. La loi — la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition — comme elle existe actuellement, le permettrait.
En fait, le système correctionnel envoie régulièrement des personnes dans les établissements psychiatriques des différents ordres de gouvernements. Le plus évident, que nous connaissons et dont il a été question, est l'Institut Philippe-Pinel, qui dispose d'une unité séparée. Cependant, St-Thomas a aussi été utilisé dans cette région. D'autres hôpitaux ont été utilisés. Certaines sections de l'hôpital général de Kingston ont été utilisées. Ça dépend des établissements, mais la plupart des provinces et territoires — pas tous les territoires — ont des services de médecine légale fermés.
Bien que, parfois, ce ne soit pas le meilleur endroit, en raison des ressources limitées, d'après mon expérience, chaque prisonnier qui est passé d'une cellule d'isolement à un service de médecine légale — même s'il s'agit d'un service fermé, même s'il s'agit du service le plus sécurisé, même si les conditions d'isolement sont essentiellement les mêmes — a présenté une amélioration dans les 24 heures. C'est peut-être dû en partie aux traitements médicaux plus appropriés ou à d'autres facteurs. Aussi, ils sont fondamentalement traités comme des personnes présentant un problème de santé mentale dont le comportement reflète ce problème, et non pas une mauvaise conduite, contrairement à ce qui est normalement perçu dans les prisons, comme on peut s'y attendre. C'est ainsi que sont les prisons.
Comme je l'ai mentionné, au centre psychiatrique régional, la plupart des employés estiment que la sécurité a préséance sur la santé mentale, bien que ce soit le domaine de compétence de cet établissement.
Une autre question que vous devriez poser, surtout dans les centres psychiatriques que vous visitez, c'est le nombre de fois où sont entamées des instances d'incarcération. D'après mon expérience, les lois en matière de santé mentale servent souvent à entamer des instances d'incarcération et à faire des injections forcées. C'est ensuite abandonné avant que les mécanismes de surveillance n'entrent en action dans un centre provincial de santé mentale.
Mon travail post-universitaire actuel touche la santé mentale dans le contexte judiciaire en raison de ces problèmes. Alors si nous pouvons vous aider avec quelque chose, je serais ravie de le faire. Je sais que nous ne disposons que d'un temps limité.
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Merci, monsieur le président.
La première chose que je veux faire au nom de tous les Canadiens est de vous remercier, Madame Pate, ainsi que la Société Elizabeth Fry, d'offrir un service aussi essentiel aux femmes de l'ensemble du pays.
Je veux aussi remercier le docteur Ford pour tout le travail que vous avez fait dans nos prisons au cours des 25 dernières années. Je peux dire que vous devez avoir commencé très jeune.
Il y a beaucoup de questions à poser au sujet de la santé mentale, et nous n'avons que sept minutes. Je m'en tiendrai à certains éléments précis.
Je veux revenir à la question de l'isolement. Je crois que tous les membres de ce comité seront d'accord pour dire que nous réglons les problèmes de santé mentale dans nos prisons en plaçant les gens en isolement. L'autre chose sur laquelle j'espère que tout le monde s'entend jusqu'à maintenant c'est que l'isolement est probablement le pire endroit où placer quelqu'un aux prises avec un grave problème de santé mentale.
M. Sapers l'a bien exprimé. Il a dit que les périodes prolongées sans contact humain ont un effet défavorable sur la santé mentale et nuisent à la réadaptation.
Je sais qu'il y a des modèles dans le monde qui utilisent d'autres méthodes que l'isolement. L'une d'entre elles est utilisée dans un établissement britannique appelé Styal Prison, où ils ont — je crois — une unité de dix lits. Lorsqu'une personne s'automutile ou présente un comportement qui dénote un grave problème de santé mentale, elle est envoyée dans cette unité et un employé lui est assigné. Cette personne est essentiellement placée dans un milieu de soins de santé au sein de l'établissement.
Pensez-vous que c'est quelque chose que nous devrions imiter ici?
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Les services correctionnels vous diront que la plupart l'ont été, pour ma part, je peux dire qu'un grand nombre l'ont été en partie. Il y a un poste de sous-commissaire pour les femmes, mais aucune autre recommandation connexe n'a été appliquée. Cela dépend de la recommandation dont vous parlez.
Ce qui est important de savoir est que le rapport de 1990 du Groupe d'étude sur les femmes purgeant une peine fédérale, mis sur pied par un gouvernement conservateur et avec lequel chacune des recommandations a été comparée, encourageait fortement un modèle de désincarcération. En fait, il favorisait des installations à sécurité minimum pour les femmes dans tout le pays. J'aimerais dire que c'était, selon moi, une recommandation très sage. Elle n'a pas été appliquée à cause du mélange entre les femmes et les hommes, c'est-à-dire que dès qu'une personne s'échappait, que des femmes s'enfuyaient et étaient rattrapées au bout de quelques kilomètres, la décision était prise de renforcer la sécurité tout autour. Pour une raison ou pour une autre, on a pensé que cette recommandation allait poser certains risques, c'est pourquoi elle n'a jamais été appliquée, ni aucune autre. De plus, certains incidents très médiatisés d'hommes en fuite ont justifié ce rejet.
Je crois que Louise Arbour a dit que les recommandations qui avaient été faites en 1990 concernant les services correctionnels pour les femmes servaient de porte-étendard pour l'ensemble des services correctionnels. C'est en fait l'endroit où on peut réellement instaurer des changements progressifs qui n'augmentent pas les risques pour la sécurité publique. Elles n'ont pas été suivies. Je vous invite fortement à examiner ces recommandations ainsi que la possibilité de les mettre en place, parce qu'avec ce type de population on pourrait le faire. En fait, ce serait rater une belle occasion que de ne pas le faire.
Les chefs des services correctionnels du pays, tant au niveau fédéral, provincial que territorial du milieu des années 90, ont poussé très fort pour une stratégie de désincarcération qui n'a jamais été appliquée non plus. Celle-ci avait reçu l'aval, je crois, de tous les partis.
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Merci, monsieur le président.
Vous êtes beaucoup plus attentif que mes étudiants en droit, je peux vous le dire.
Je ne peux évidemment pas commenter sur le bien-fondé de la proposition, mais simplement vous donner un peu d'information générale. Quand nous avons examiné l'amendement, nous avons entre autres consulté les rédacteurs du ministère de la Justice. Tout ce que je peux dire au comité, comme l'a fait M. MacKenzie, c'est que, selon la réponse que nous a donnée le service juridique, les lois doivent être entièrement en anglais et en français. Je reconnais que c'est un peu étrange, surtout que mon collègue M. Hoover a parcouru l'index du Code criminel, et qu'on y voit, bien sûr, l'expression mens rea. Toutefois, il m'a précisé que cette expression ne figurait pas dans l'article du Code comme tel.
Bien entendu, ceux d'entre nous qui sont allés à la faculté de droit ont passé beaucoup de temps à apprendre les locutions latines et les ont utilisées souvent, mais dans un contexte quelque peu différent de la rédaction d'une loi.
Je suis ensuite allée voir dans le Black's Law Dictionary, 8e édition, puisque c'est la référence. On y trouve une entrée pour modus operandi tout comme plusieurs autres expressions latines du droit. Le Black's définit le « modus operandi » comme une méthode opératoire ou une manière de procéder, un modèle récurrent de comportement criminel si distinctif que les enquêteurs peuvent attribuer le travail à une seule et même personne.
J'ai aussi cherché des instructions en français, et j'ai trouvé un livre très intéressant intitulé Les locutions latines et le droit positif québécois, qui contient aussi une entrée pour « modus operandi » et le définit comme une
[Français]
une « Façon de travailler, de fonctionner, de faire mode d'action ».
[Traduction]
La dernière chose que j'aimerais dire est que cette locution ne figure pas dans la loi ni dans le règlement sur le registre des délinquants sexuels de l'Ontario, et donc le plus difficile, en ce qui concerne les éléments de l'article 8, est, bien entendu, d'être suffisamment précis pour que tous les agents sur le terrain disposent d'informations précises et pertinentes. Certains agents croient que cette locution, même si elle est bien comprise en général, pourrait ne pas être suffisamment précise pour permettre aux agents de police de savoir précisément ce qui doit être inscrit à cet endroit. Et bien entendu, l'article 8 précise que l'ordre vient du tribunal; ils sont donc en grande partie liés par l'information fournie par le tribunal. Il est facile d'inscrire un nom ou la nature précise du crime, ou de mettre des empreintes digitales dans un champ. Par contre, si on se contente d'inscrire « MO », ou les équivalents anglais ou français, on ne serait pas aussi précis.
Je ne fais que commenter les aspects techniques, et je ne remets nullement en question le bien-fondé de la proposition.