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HERI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent du patrimoine canadien


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mercredi 29 octobre 2003




¹ 1535
V         Le vice-président (M. John Harvard (Charleswood—St. James—Assiniboia, Lib.))
V         M. Paul Jones (agent de recherche et d'éducation, Association canadienne des professeures et professeurs d'université)

¹ 1540

¹ 1545
V         Le vice-président (M. John Harvard)
V         Mme Roanie Levy (directrice, Affaires juridiques et relations gouvernementales, Canadian Copyright Licensing Agency)

¹ 1550

¹ 1555
V         Le vice-président (M. John Harvard)
V         Mme Jacqueline Hushion (directrice générale, Canadian Publishers' Council)
V         Le vice-président (M. John Harvard)
V         Mme Jacqueline Hushion

º 1600

º 1605
V         Mme Catherine Campbell (consultante en édition, Canadian Publishers' Council)
V         Le vice-président (M. John Harvard)
V         M. Harvey Weiner (secrétaire général adjoint, Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants)

º 1610

º 1615
V         Le vice-président (M. John Harvard)
V         Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ)
V         M. Harvey Weiner

º 1620
V         Mme Christiane Gagnon
V         M. Harvey Weiner
V         M. Paul Jones
V         Le vice-président (M. John Harvard)
V         Mme Roanie Levy

º 1625
V         Le vice-président (M. John Harvard)
V         M. Harvey Weiner
V         Le vice-président (M. John Harvard)
V         M. Paul Bonwick (Simcoe—Grey)
V         Mme Roanie Levy

º 1630
V         M. Paul Bonwick
V         M. Paul Jones
V         M. Paul Bonwick
V         M. Paul Jones
V         M. Paul Bonwick
V         M. Paul Jones
V         M. Paul Bonwick

º 1635
V         M. Paul Jones
V         M. Harvey Weiner
V         M. Paul Bonwick
V         M. Harvey Weiner
V         Le vice-président (M. John Harvard)
V         Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD)
V         M. Harvey Weiner
V         Mme Wendy Lill
V         Mme Wendy Lill

º 1640
V         M. Harvey Weiner
V         Mme Wendy Lill
V         M. Paul Jones
V         Mme Wendy Lill
V         Mme Roanie Levy
V         Mme Jacqueline Hushion
V         Le vice-président (M. John Harvard)
V         M. Alex Shepherd (Durham, Lib.)
V         Mme Roanie Levy

º 1645
V         M. Alex Shepherd
V         Mme Roanie Levy
V         M. Alex Shepherd
V         Mme Roanie Levy
V         M. Alex Shepherd
V         Mme Roanie Levy
V         M. Alex Shepherd
V         Mme Roanie Levy
V         M. Alex Shepherd
V         Mme Roanie Levy
V         M. Paul Jones
V         M. Alex Shepherd

º 1650
V         M. Paul Jones
V         Mme Jacqueline Hushion
V         Le vice-président (M. John Harvard)
V         M. Paul Jones
V         Mme Roanie Levy
V         Le vice-président (M. John Harvard)
V         Mme Roanie Levy

º 1655
V         Le vice-président (M. John Harvard)
V         Mme Roanie Levy
V         Mme Jacqueline Hushion
V         Mme Roanie Levy
V         M. Paul Jones
V         Mme Catherine Campbell
V         Le vice-président (M. John Harvard)
V         Le vice-président (M. John Harvard)
V         Mme Wendy Lill
V         Mme Catherine Campbell

» 1700
V         Mme Jacqueline Hushion
V         M. Paul Jones
V         Mme Wendy Lill
V         M. Paul Jones

» 1705
V         Mme Jacqueline Hushion
V         Mme Catherine Campbell
V         M. Paul Jones
V         Le vice-président (M. John Harvard)
V         M. Paul Bonwick
V         Mme Roanie Levy

» 1710
V         M. Paul Bonwick
V         Mr. Roanie Levy
V         M. Paul Bonwick
V         M. Paul Jones
V         M. Paul Bonwick
V         Mme Roanie Levy

» 1715
V         M. Harvey Weiner
V         M. Paul Jones
V         Le vice-président (M. John Harvard)
V         Mme Carole-Marie Allard (Laval-Est, Lib.)
V         Mme Roanie Levy
V         Mme Carole-Marie Allard
V         Mme Roanie Levy
V         Mme Carole-Marie Allard
V         Mme Roanie Levy

» 1720
V         Mme Carole-Marie Allard
V         Mme Jacqueline Hushion
V         Mme Carole-Marie Allard
V         Mme Jacqueline Hushion
V         Mme Carole-Marie Allard
V         Mme Jacqueline Hushion
V         Mme Carole-Marie Allard
V         Mme Jacqueline Hushion
V         Le vice-président (M. John Harvard)
V         M. Alex Shepherd

» 1725
V         Mme Roanie Levy
V         M. Alex Shepherd
V         Mme Roanie Levy
V         M. Alex Shepherd
V         Mme Roanie Levy
V         Le vice-président (M. John Harvard)
V         M. Harvey Weiner
V         Le vice-président (M. John Harvard)
V         Mme Roanie Levy
V         Le vice-président (M. John Harvard)
V         M. Paul Jones

» 1730
V         M. Harvey Weiner
V         Mme Jacqueline Hushion
V         Mme Roanie Levy
V         Le vice-président (M. John Harvard)










CANADA

Comité permanent du patrimoine canadien


NUMÉRO 054 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 29 octobre 2003

[Enregistrement électronique]

¹  +(1535)  

[Traduction]

+

    Le vice-président (M. John Harvard (Charleswood—St. James—Assiniboia, Lib.)): Mesdames et messieurs, nous nous réunissons aujourd'hui conformément à l'ordre de renvoi du mardi 5 novembre 2002 et à l'article 92 de la Loi sur le droit d'auteur, qui prévoit l'examen de la loi.

    Nous accueillons aujourd'hui des représentants de quatre associations: Paul Jones, agent de recherche et d'éducation, de l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université; Roanie Levy, directrice des affaires juridiques et des relations gouvernementales, de la Canadian Copyright Licensing Agency; Jacqueline Hushion, directrice générale, et Catherine Campbell, consultante en édition, du Canadian Publishers' Council; et Harvey Weiner, secrétaire général adjoint, de la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants.

    Je pense que chaque organisme aura droit à 10 minutes pour exprimer son point de vue, ou peut-être moins si son représentant est plus concis, après quoi, nous poserons des questions.

    Est-ce que Paul Jones veut commencer? Allez-y.

+-

    M. Paul Jones (agent de recherche et d'éducation, Association canadienne des professeures et professeurs d'université): Bonjour.

    Merci d'avoir invité notre association. Nous sommes heureux de pouvoir comparaître devant votre comité et de participer à l'élaboration de la Loi sur le droit d'auteur.

    L'Association des professeures et professeurs d'université que je représente est un organisme national. Elle compte environ 32 000 membres qui sont professeurs d'université et de collège, bibliothécaires et chercheurs dans des établissements de toutes les régions du Canada.

    Notre association joue un double rôle à propos du droit d'auteur. En effet, elle représente à la fois des créateurs et des utilisateurs d'oeuvres protégées par un droit d'auteur et, en ce sens, elle ajoute au débat une perspective unique.

    Nous sommes conscients que la Loi sur le droit d'auteur est importante pour protéger les oeuvres artistiques et littéraires que nos membres produisent, mais qu'elle applique aussi une politique publique qui vise essentiellement à assurer aux Canadiens un accès à ces ouvrages, parce que cet accès est essentiel au travail des enseignants et des chercheurs que nous représentons ainsi qu'à la création de nouvelles oeuvres.

    Nous comprenons qu'il n'est pas question de discuter, dans cette série d'audiences, des aspects très techniques du droit d'auteur, mais qu'on veut plutôt examiner dans les grandes lignes comment le processus de réforme devrait se faire.

    Le comité a demandé aux témoins quels grands principes devraient guider ce processus. À notre avis, le principe qui devrait nous guider est celui de l'équilibre, étant donné que la Loi sur le droit d'auteur doit répondre à la fois aux besoins des créateurs et à ceux des utilisateurs, et ainsi servir les intérêts de tous les Canadiens.

    Pour arriver à cet équilibre, il est important de dissiper certains malentendus. Le premier, je pense, entretient l'idée que la Loi sur le droit d'auteur existe pour servir les intérêts des propriétaires d'oeuvres. Notre association croit que c'est faux.

    Pourquoi croyons-nous cela? Premièrement, en raison de la structure de la loi pensée par le Parlement. Si la loi visait seulement à servir les intérêts des propriétaires, la définition du droit d'auteur serait illimitée, et il n'y aurait pas de domaine public, d'exceptions ou d'utilisation équitable.

    Comme nous le savons, cependant, le droit d'auteur n'est pas illimité puisque des exemptions et la notion d'utilisation équitable limitent les droits des titulaires d'un droit d'auteur. Cet équilibre fait partie de la structure même de la loi, c'est-à-dire que les exemptions et l'utilisation équitable font contrepoids aux droits des propriétaires.

    Deuxièmement, nous savons que la Loi sur le droit d'auteur ne sert pas seulement à enrichir les propriétaires d'oeuvres, en raison de l'interprétation que les tribunaux ont fait de la loi. Dans une décision récente qu'elle a rendue dans l'arrêt Théberge, la Cour suprême traite de l'équilibre nécessaire entre la promotion de l'intérêt public dans la diffusion d'oeuvres artistiques et l'obtention d'une juste récompense pour les créateurs.

    La cour a déclaré:

On atteint le juste équilibre entre les objectifs de politique générale, dont ceux qui précèdent, non seulement en reconnaissant les droits du créateur, mais aussi en accordant l'importance qu'il convient à la nature limitée de ces droits.

    D'un point de vue grossièrement économique, il serait tout aussi inefficace de trop rétribuer les artistes et les auteurs pour le droit de reproduction qu'il serait nuisible de ne pas les rétribuer suffisamment.

    La cour a ajouté:

Un contrôle excessif de la part des titulaires du droit d'auteur et d'autres formes de propriété intellectuelle pourrait restreindre indûment la capacité du domaine public d'intégrer et d'embellir l'innovation créative dans l'intérêt à long terme de l'ensemble de la société, ou créer des obstacles d'ordre pratique à son utilisation légitime.

    Le Parlement et les tribunaux se sont prononcés clairement. La Loi sur le droit d'auteur a pour enjeu l'équilibre, et notre association estime que c'est d'abord et avant tout ce dont le Parlement canadien doit tenir compte dans le processus.

    Le deuxième malentendu que nous voudrions dissiper est celui qui veut que la Loi sur le droit d'auteur n'est pas assez musclée, et qu'elle favorise les utilisateurs—en particulier dans le milieu de l'enseignement—aux dépens des créateurs et des propriétaires. Encore une fois, nous croyons que c'est faux. Les lois canadiennes sur le droit d'auteur sont très musclées.

    L'enseignement en est un exemple. Aux États-Unis, qui est un pays qui se compare au Canada, qui a une culture semblable à la nôtre et qui n'hésite pas à protéger énergiquement le droit d'auteur, l'« utilisation équitable » accorde aux enseignants le droit de produire mécaniquement de multiples copies pour les utiliser en classe. La loi canadienne, par contre, nous permet de reproduire manuellement un ouvrage sur un tableau blanc, un tableau de conférence ou une autre surface semblable dans le but de présenter un document écrit.

    Cette exemption, ou non-exemption, pour l'enseignement est un exemple de la rigueur de la loi canadienne. Mais si on compare les exceptions accordées, dans bon nombre d'autres domaines, aux bibliothèques, aux archives et aux musées, avec ce qui se fait dans d'autres pays anglophones, on constate encore une fois que la loi canadienne est la plus contraignante. En effet, actuellement, les lois canadiennes sont très strictes. Elles devraient faire preuve d'équilibre. L'équilibre est le fondement de la loi, mais il n'y a pas d'équilibre dans la loi actuellement. Dans le cadre de la présente réforme qui vise à établir cet équilibre, nous croyons qu'il va falloir rejeter certaines des exigences des propriétaires et répondre à certains des intérêts des utilisateurs.

¹  +-(1540)  

    Le comité a aussi demandé si la liste des grandes questions à examiner était complète et quel serait l'échéancier à suivre. Dans l'examen de ce qui doit être fait et quand, nous proposons les trois principes suivants : premièrement, ne prenez pas de mesures législatives si ce n'est pas nécessaire, deuxièmement, là où des mesures peuvent être nécessaires, agissez avec prudence; et, troisièmement, n'ayez pas peur d'adopter une approche typiquement canadienne.

    Un exemple des mesures à ne pas prendre inutilement, comme le demande le premier principe, est la question du prolongement de la durée de protection. L'Union européenne et les États-Unis ont prolongé la protection jusqu'à 70 ans après le décès de l'auteur. Au Canada, elle se termine toujours 50 ans après son décès. Pour nous, ce n'est pas utile de prolonger la durée de protection. Ce n'est pas ce qui va stimuler la créativité. Cette mesure vise surtout à permettre aux grands titulaires commerciaux de droits d'auteur d'accroître leurs profits. Par surcroît, elle témoigne d'une hypocrisie fondamentale, car ses partisans demeureront libres de fouiller le passé pour améliorer leur propre contenu, mais les mêmes possibilités seront très réduites pour les écrivains et les artistes des générations futures.

    Selon le deuxième principe, là où des mesures législatives peuvent être nécessaires, il est important d'agir prudemment et lentement, et de légiférer pour régler des problèmes réels, et non pas pour protéger des modèles commerciaux désuets ou étendre le contrôle des titulaires de droits. La question des mesures de protection technologiques en est un bon exemple.

    Un des grands avantages de la technologie numérique réside dans sa capacité à reproduire et à diffuser rapidement l'information; en revanche, elle permet aussi de porter atteinte aux droits d'auteur à grande échelle. Pour empêcher cette utilisation non autorisée, ou pour l'empêcher en partie, les titulaires protègent leurs oeuvres à l'aide de mesures technologiques comme le chiffrement.

    On demande de protéger les mesures de chiffrement et de rendre illégal le contournement de ces mesures, de même que les appareils permettant ce contournement. Cela semble logique, mais la logique ne va pas toujours dans la bonne direction.

    Le chiffrement peut prévenir la reproduction illégale non autorisée, mais il peut aussi empêcher l'exercice d'une foule de droits légaux, puisqu'on peut ainsi soustraire les créations à l'accès, à l'utilisation équitable, aux exceptions prévues dans la loi et au domaine public. Ainsi, l'interdiction absolue du contournement des mesures technologiques et des appareils qui le facilitent aurait pour effet de rendre nuls nombre des droits d'accès aux oeuvres dont profite la population canadienne. Voilà pourquoi nous vous recommandons instamment de faire preuve de prudence à ce sujet.

    Pour ce qui est du troisième principe, qui vous demande de ne pas avoir peur d'adopter une approche typiquement canadienne, au cours de la dernière année, le gouvernement du Canada a pris de graves décisions qui allaient à l'encontre de l'opinion continentale, et parfois mondiale. Le refus d'aller en guerre en Irak, le mariage des gais est des lesbiennes et les mesures en vue de décriminaliser la marijuana en sont des exemples. En dépit des prédictions, le ciel ne nous est pas tombé sur la tête pour autant. Au contraire, le Canada a renforcé sa crédibilité dans le monde.

    Nous exhortons le comité à être aussi créatif au sujet du droit d'auteur. Ce qui serait vraiment novateur et servirait d'exemple dans le monde, ce serait d'imposer des restrictions contractuelles sur les exceptions et les utilisations.

    Le problème auquel nos membres, et tous les Canadiens, je pense, sont confrontés, ce sont les contrats unilatéraux qui ne laissent aucun choix, et les licences qui forcent les utilisateurs à renoncer à des droits que le Parlement du Canada garantit.

    Notre association invite le comité à s'attaquer à ce problème en adoptant des mesures législatives pour que les contrats ne puissent plus soustraire les titulaires de droits d'auteur aux exceptions et aux règles sur l'utilisation équitable qui sont garanties par la loi.

    Le Parlement pourrait trouver des solutions typiquement canadiennes aux questions de droits d'auteur, au lieu de simplement se laisser influencer par les forces internationales. C'est un exemple.

    En terminant, j'aimerais dire que la Loi sur le droit d'auteur doit suivre l'évolution de la société et de la technologie, mais il reste que la loi doit toujours assurer un équilibre entre les besoins des utilisateurs et ceux des titulaires de droits d'auteur.

    La technologie numérique représente un défi de taille pour le Parlement à cet égard. D'un côté, le comité et le Parlement doivent s'assurer que la technologie numérique ne porte pas atteinte aux droits d'auteur légitimes. De l'autre, ils doivent veiller à ce que la technologie numérique ne permette pas aux titulaires de droits d'auteur d'imposer des restrictions absolues sur l'accès à leurs oeuvres de création. C'est une tâche difficile. Il faut écouter différents points de vue et être ouverts aux idées nouvelles. Si on le fait, on pourra répondre aux besoins des titulaires et des utilisateurs de droits d'auteur et, par le fait même, servir les intérêts de tous les Canadiens.

    Merci.

¹  +-(1545)  

+-

    Le vice-président (M. John Harvard): Merci beaucoup, monsieur Jones.

    Nous allons maintenant demander à Mme Levy, directrice des affaires juridiques et des relations gouvernementales à la Canadian Copyright Licensing Agency, de prendre la parole.

    Merci d'être venue nous rencontrer.

+-

    Mme Roanie Levy (directrice, Affaires juridiques et relations gouvernementales, Canadian Copyright Licensing Agency): Merci.

    Comme le comité l'a demandé, je vais moi aussi limiter mes propos aux enjeux à examiner et à un échéancier.

    Mais tout d'abord, j'aimerais expliquer brièvement le rôle des sociétés collectives. Autrement dit, pourquoi les sociétés collectives existent aujourd'hui? De quelle façon sont-elles utiles aux titulaires et aux utilisateurs de droits d'auteur? Croyez-le ou non, je peux répondre à ces questions par un seul mot. J'aimerais ensuite donner un aperçu des réalisations de notre agence pour ce qui est autant des ouvrages imprimés que numériques.

    Pourquoi les sociétés collectives existent et quelle est leur utilité pour les titulaires et les utilisateurs de droits d'auteur? La réponse se résume en un seul mot, et ce mot est l'accès. C'est la raison pour laquelle nous avons changé notre nom il y a dix huit mois, et ainsi remplacé CANCOPY par Access Copyright.

    L'accès, en somme, est la raison d'être des sociétés collectives. Premièrement, les sociétés collectives assurent aux titulaires de droits d'auteur un accès à des marchés qui autrement seraient très difficiles à percer. On leur offre aussi un accès à des redevances pour l'utilisation de leurs oeuvres.

    Deuxièmement, les sociétés collectives offrent aux utilisateurs un accès facile et abordable à des ouvrages protégés par le droit d'auteur. L'accès est facile parce que les sociétés collectives sont essentiellement des centres d'échange d'informations sur les ouvrages protégés par le droit d'auteur, et il est abordable parce que les licences des sociétés collectives réduisent de beaucoup le coût des transactions et sont meilleur marché que les licences individuelles en raison des économies d'échelle.

    Donc, nous parlons d'un accès facile et abordable pour les utilisateurs d'oeuvres protégées par le droit d'auteur. Comme vous pouvez le constater, l'important, vraiment, ici c'est l'argent, et le grand avantage des licences collectives, c'est qu'il y a de l'argent d'un côté comme de l'autre. Les titulaires de droits d'auteur touchent plus d'argent et les utilisateurs de droits d'auteur en dépensent moins.

    Si la raison d'être des sociétés collectives est l'accès et que les enjeux de la phase un, ceux définis dans le rapport d'examen de l'article 92 comme les priorités à court terme, comprennent l'accès et les questions d'enseignement, pourquoi alors la gestion des droits collectifs fait-elle partie des enjeux de la phase deux, des enjeux à moyen terme? C'est une question importante à laquelle je vais revenir dans un instant.

    J'aimerais d'abord en dire un peu plus au sujet d'Access Copyright.

    Comme je l'ai dit, nous portions le nom de CANCOPY au début. Notre société a été créée en 1988 par les créateurs et les éditeurs canadiens précisément pour prévoir un mécanisme qui permettrait, et je dis bien permettrait, de photocopier en toute légalité leurs ouvrages.

    À l'époque, on photocopiait de façon effrénée dans le secteur de l'enseignement, dans la fonction publique ainsi que dans les organismes à but lucratif et sans but lucratif, et toutes les photocopies étaient faites de façon illégale, ou en grande partie du moins. Les créateurs et les éditeurs se sont rendu compte qu'ils ne pourraient pas empêcher ce phénomène. Surtout, ils ne voulaient pas l'empêcher parce qu'il leur indiquait qu'il y avait une demande pour des parties de leurs ouvrages. Que leurs ouvrages, en partie ou en totalité, soient recherchés était en fait fort bien accueilli et encouragé d'une certaine façon.

    Pour que leur marché continue de progresser, il était nécessaire de répondre à la demande de reproduction tout en veillant à ce que leur droit d'auteur soit respecté et qu'ils reçoivent une rétribution juste et raisonnable pour l'utilisation de leurs ouvrages.

    C'est raisonnable et logique. C'est ainsi que CANCOPY a été créée. L'agence s'appelle maintenant Access Copyright.

    Access Copyright regroupe aujourd'hui 35 associations de créateurs et d'éditeurs. Nous représentons plus de 5 500 créateurs canadiens, notamment des auteurs, des photographes et des illustrateurs, ainsi que plus de 520 éditeurs d'ouvrages, de magazines et de journaux. Notre répertoire est autant national qu'international. De plus, grâce à des ententes bilatérales avec 19 pays, 1,2 million d'ouvrages canadiens et plusieurs millions d'ouvrages étrangers y sont inscrits.

    Les titulaires de droits d'auteur ont touché presque 100 millions de dollars en redevances depuis la création de notre agence. Seulement l'an dernier, nous avons distribué près de 19 millions de dollars en redevances. Les utilisateurs, par contre, ont eu un accès rapide, facile et abordable à des ouvrages protégés par le droit d'auteur grâce à des licences. Parmi les utilisateurs, on retrouve le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux, les administrations municipales, les écoles, de la maternelle à la fin du secondaire, les établissements d'enseignement postsecondaire, les bibliothèques, les entreprises ainsi que les organismes sans but lucratif. En fait, les photocopies faites par les membres de votre comité sont visées par une licence d'Access Copyright. Littéralement, des millions d'utilisateurs ont accès chaque année à des millions d'ouvrages protégés par le droit d'auteur, grâce à Access Copyright.

¹  +-(1550)  

    Qu'en est-il des ouvrages numériques? Il ne fait aucun doute que les utilisateurs requièrent de plus en plus un accès aux ouvrages numériques. Comme ce fut le cas pour les photocopies, la demande existe—et les auteurs et éditeurs souhaitent y répondre. Encore une fois, ils doivent s'assurer que leurs droits sont respectés et qu'ils reçoivent une juste rémunération pour l'utilisation de leurs oeuvres. Or, pour y arriver, il faut que les sociétés de gestion collective au Canada soient mieux encadrées.

    Les détenteurs de droits d'auteur doivent également pouvoir compter sur les garanties que leur offrent les traités de l'OMPI sur les droits d'auteur. J'y reviendrai dans un instant.

    Nous n'avons pas attendu que l'OMPI ratifie ces traités et instaure un régime de licences collectives mieux adapté aux besoins du monde numérique pour agir. Afin d'être en mesure de répondre à la demande des utilisateurs d'ouvrages numériques, Access Copyright a entrepris une campagne dynamique auprès des auteurs et des éditeurs pour qu'ils lui accordent des droits numériques. Cette campagne a porté fruit; presque tous nos affiliés nous ont accordé ces droits.

    L'an dernier, Access Copyright a instauré un système de gestion des droits appelé SGD, système qui lui permet d'octroyer des licences transactionnelles en ligne. Le SGD repose principalement sur une base de données bibliographiques exhaustive dans laquelle on retrouve les ouvrages canadiens publiés. Il s'agit à l'heure actuelle de la base la plus imposante dans son genre au Canada. Aujourd'hui, les ouvrages imprimés et numériques peuvent faire l'objet d'une licence par Access Copyright pour inclure les applications numériques telles la numérisation, le courrier électronique, l'Intranet et l'Internet. Et comme je l'ai déjà mentionné, tout cela peut s'effectuer en ligne.

    Les éditeurs et les auteurs au Canada ont consacré beaucoup de temps et d'argent—en fait, beaucoup d'argent—à la recherche de solutions qui permettent de répondre aux besoins des utilisateurs en matière d'accès aux ouvrages numériques. Malgré cela, Access Copyright n'est toujours pas en mesure d'offrir des licences globales pour l'utilisation numérique des ouvrages—sans une réforme de la Loi sur le droit d'auteur. Il s'agit ici des licences globales que requièrent les établissements.

    Comme vous le savez sans doute, la gestion des droits d'auteur est liée à la question de l'accès et de l'éducation. Ce sont deux facettes d'un même problème. À mon avis, la gestion des droits collectifs permettrait de solutionner le problème d'accès. Afin de maintenir l'intégrité de la Loi sur le droit d'auteur, il est essentiel que ces questions soient considérées conjointement. À défaut de cela, on risque de présenter des recommandations sans comprendre parfaitement le rôle actuel et éventuel des sociétés de gestion collective, de priver les détenteurs de droits des revenus de licence qui leur reviennent ou, pire encore, et d'entraîner une expropriation des droits des détenteurs.

    Comme dans le passé, certains utilisateurs, notamment ceux du secteur de l'éducation, vont demander à être exemptés de l'application de la loi afin d'avoir accès aux ouvrages. Dans ce cas-ci, il s'agira des ouvrages affichés sur l'Internet. Les établissements d'enseignement, en raison du rôle de premier plan qu'ils jouent au sein de la communauté, tiennent à se conformer à la loi. Ils estiment que la seule façon d'y arriver, c'est au moyen d'exemptions prévues dans la Loi sur le droit d'auteur. Or, il existe d'autres façons pour les utilisateurs de se conformer à la loi, et ce, sans exproprier les auteurs.

    Les licences collectives, comme nous avons pu le constater, se sont avérées bénéfiques dans le cas des ouvrages imprimés, et peuvent l'être aussi dans le cas des ouvrages numériques. Le régime de licences collectives constitue, pour les utilisateurs, un moyen simple et abordable de se conformer à la loi. Il peut contribuer à dissiper toute incertitude entourant l'utilisation de l'Internet—les exemptions ne seront pas nécessaires dans le cadre d'un régime de licences collectives.

    Comment peut-on modifier la loi et adapter le régime de licences collectives à l'ère numérique? Il faut instaurer un régime étendu de licences collectives dans le but de faciliter l'octroi de licences globales pour l'utilisation d'ouvrages numériques.

    Comment fonctionne ce régime? Quand un grand nombre de détenteurs de droits d'auteur acceptent de faire partie d'une société de gestion collective, le répertoire de la société est élargi de manière à englober les autres droits qui font partie de la même catégorie. Le régime étendu offre de nombreux avantages : mentionnons l'acquisition plus rapide des droits, l'accès à un répertoire plus vaste d'ouvrages, des risques moins élevés pour les utilisateurs et les sociétés de gestion collective, le paiement plus efficace et rapide des redevances.

¹  +-(1555)  

    Il faut également modifier la loi afin d'ouvrir la voie à la ratification des traités de l'OMPI.

    En résumé, les licences collectives ont permis de répondre aux besoins d'accès dans le monde analogique, et permettront de le faire dans le monde numérique.

    Merci.

+-

    Le vice-président (M. John Harvard): Merci, madame Levy. Vous avez respecté le temps alloué—10 minutes et 32 secondes. Merci beaucoup.

    Nous allons maintenant entendre le Canadian Publishers' Council.

    Qui va prendre la parole? Jacqueline?

+-

    Mme Jacqueline Hushion (directrice générale, Canadian Publishers' Council): Nous allons le faire toutes les deux.

+-

    Le vice-président (M. John Harvard): D'accord. Nous vous écoutons.

+-

    Mme Jacqueline Hushion: Je commence à me sentir comme une habituée. Je suis contente de vous revoir.

    Le Canadian Publishers' Council est heureux d'avoir l'occasion de rencontrer les membres du comité pour discuter de questions importantes touchant la politique sur le droit d'auteur et la réforme de la loi.

    Comme vous le savez sans doute, le Conseil a été fondé en 1910. Il s'agit de la plus ancienne association nationale d'éditeurs de livres de tout genre, et de tout format, qui sont vendus par tous les canaux au Canada et de par le monde.

    Nos membres publient des livres et d'autres documents destinés aux écoles primaires et secondaires, aux collèges, aux universités et aux établissements d'enseignement supérieur. Ils publient des ouvrages d'intérêt général, y compris de fiction, et aussi des ouvrages de référence, sous forme imprimée ou numérique, via les bases de données en ligne et l'Internet.

    Vous connaissez bien les nombreux défis que pose la réforme de la Loi sur le droit d'auteur, défis que viennent compliquer les percées technologiques. Nos membres investissent dans la création et la diffusion de contenus. Ils veulent que le plus grand nombre possible d'utilisateurs y aient accès, sans difficulté. Ils veulent aussi avoir la garantie qu'ils pourront tirer partie de cet investissement et qu'ils seront en mesure de respecter les obligations contractuelles prises envers les auteurs.

    Le droit d'auteur sert de fondement à notre industrie—à notre industrie culturelle.

    Le gouvernement du Canada a procédé à un examen de la loi et publié un document qui s'intitule Rapport sur les dispositions et l'application de la Loi sur le droit d'auteur. Il fait état, dans celui-ci, des nombreuses questions qui doivent être réglées au moyen de mesures législatives, et propose une réforme en trois temps.

    Nous estimons que les principaux enjeux de la réforme du droit d'auteur ont, en fait, été cernés. Les liens qui existent entre ces enjeux rendent la réforme en trois temps, assortie d'objectifs bien précis, fort difficile. Nous expliquerons pourquoi dans notre exposé.

    Nous comptons aborder aujourd'hui quatre grands thèmes : l'accès et l'utilisation éducative, la gestion collective des droits, la protection des bases de données, et le Traité de l'OMPI sur le droit d'auteur.

    Nous avons déjà parlé de la paternité des photographies et du droit d'auteur de la Couronne dans le mémoire que nous avons présenté au comité. Le Canadian Copyright Institute a abordé en détail la question de la durée du droit d'auteur dans son exposé.

    D'abord, concernant l'accès, l'utilisation éducative et la gestion collective des droits, je fais partie du Conseil sur l'accès à l'information pour les Canadiennes et les Canadiens incapables de lire les imprimés. Ce conseil est parrainé par la Bibliothèque nationale du Canada.

    Les éditeurs se sont montrés réceptifs à l'idée de créer un centre national de documentation pour les Canadiennes et les Canadiens incapables de lire les imprimés, quand le Book and Periodical Council, un organisme de l'industrie du livre, a commandé une étude sur le sujet. Le rapport intitulé Options for Making Published Works More Accessible to the Visually Impaired, a été publié en 1998. Les membres de l'association se sont dits d'accord pour mettre sur pied un centre de documentation qui établirait des liens entre les éditeurs et les producteurs de documents en formats alternatifs, qui favoriserait la gestion des droits numériques applicables aux textes électroniques, et qui encouragerait l'élaboration de normes pour faciliter la production et la distribution efficaces de textes électroniques pour les Canadiennes et les Canadiens incapables de lire les imprimés. Toutefois, pour que ces initiatives continuent de porter fruit, il faut que les producteurs de contenus soient en mesure d'exercer un contrôle sur leur propriété intellectuelle.

    Pour ce qui est de l'accès et de l'utilisation éducative, et aussi de la gestion collective des droits, le Canadian Publishers' Council a participé récemment à un groupe de travail sur les utilisations éducatives d'Internet, une initiative de Patrimoine canadien et d'Industrie Canada. Catherine Campbell et moi avons participé aux travaux du groupe, tout comme l'a fait Roanie Levy, la représentante d'Access Copyright.

    Nous avons dit très clairement que les éditeurs souhaitent que les étudiants et les éducateurs profitent de l'utilisation de l'Internet. Ils n'investiront toutefois pas dans la préparation de contenus spécifiquement conçus pour ce nouveau médium—et il s'agit bien d'un médium—sans avoir l'assurance que le commerce sur Internet est sécuritaire, que leurs droits sont respectés et qu'ils peuvent être assurés d'un rendement raisonnable.

º  +-(1600)  

    Nous estimons que les étudiants et les éducateurs sont bien servis par les sociétés de gestion collective comme Access Copyright. Les licences collectives facilitent l'accès à l'information, mais aussi aux données et métadonnées bibliographiques.

    De nombreux éditeurs, de nombreux membres de notre association, ont maintenant accordé des droits à Access Copyright, droits qui lui permettent de gérer leurs ouvrages numériques. Auparavant, Access Copyright avait l'autorisation de gérer leurs ouvrages imprimés.

    Pour que l'approche collective permette de répondre aux besoins des consommateurs, des modifications s'imposent à la Loi sur le droit d'auteur : il faut limiter la responsabilité de la société de gestion dans l'administration des ouvrages protégés par le droit d'auteur—et Roanie Levy en a parlé plus tôt. Cela dit, la société de gestion collective doit aligner ses activités sur les intérêts, et non seulement monétaires, des titulaires de droits d'auteur qu'elle est chargée de représenter, c'est-à-dire les membres de notre association.

    Les éditeurs sont prêts à examiner et à réexaminer les enjeux avec leurs clients, les clients du droit d'auteur.

    Le conseil a analysé les incidences qu'entraînerait l'extension des exemptions de l'imprimé à l'environnement numérique, ou la création de nouvelles exemptions. Nous jugeons inquiétant l'impact qu'une telle extension aurait sur la capacité des détenteurs de droit d'auteur à gérer leur propriété intellectuelle. Nous accepterons volontiers de vous faire part de nos constatations, si vous le désirez.

    Les questions de principe liées à l'accès et à l'éducation doivent être considérées dans le contexte de la gestion collective des droits. Selon la démarche proposée par le gouvernement, ces questions seront abordées à court et à moyen terme. Or, ces enjeux sont liés en ce sens que la gestion collective permet de solutionner un autre problème, soit celui de l'accessibilité des ouvrages des éditeurs.

    Catherine.

º  +-(1605)  

+-

    Mme Catherine Campbell (consultante en édition, Canadian Publishers' Council): Merci.

    Je vais vous parler de la protection des bases de données et des changements législatifs qui s'imposent pour assurer la mise en oeuvre des traités de l'OMPI.

    Concernant la protection des bases de données et l'article 92 de la loi, le rapport précise que:

de récentes décisions judiciaires donnent à penser que la sélection et l'arrangement des oeuvres ou des données qui la composent doivent être suffisamment « originaux » pour donner droit à une protection.

    Le Canada doit se conformer aux principales dispositions du Traité de l'OMPI sur le droit d'auteur avant qu'il ne puisse le mettre en oeuvre. Ces dispositions traitent, de manière précise, de la protection des bases de données. D'après le Canadian Publishers' Council, le Canada ne protège pas adéquatement les bases de données. Comme nous l'avons fait remarquer dans notre mémoire, les décisions judiciaires et les avis juridiques contradictoires illustrent la confusion qui existe présentement. En fait, selon la communauté internationale, comme le Canada ne protège pas formellement les bases de données, aucune protection réciproque ne sera accordée aux bases de données d'origine canadienne.

    Le gouvernement du Canada doit s'attaquer à ce problème de longue date et assurer clairement la protection des bases de données dont la création exige des connaissances, du jugement et du travail. Il doit protéger les efforts soutenus qui sont consacrés à cette composante majeure du marché numérique.

    La protection des bases de données est liée à l'adoption de modifications législatives qui permettront d'assurer la mise en oeuvre du Traité de l'OMPI sur le droit d'auteur. En effet, les traités de l'OMPI sont essentiels à la croissance et à la concurrence du secteur de propriété intellectuelle du Canada. Le Canada doit, en même temps qu'il procède à la réforme de la Loi sur le droit d'auteur et qu'il s'attaque aux enjeux relatifs au numérique, assurer la mise en oeuvre du traité.

    D'autres questions doivent être réglées pour que la Loi sur le droit d'auteur soit jugée conforme aux traités de l'OMPI. Mentionnons les droits moraux accordés aux artistes interprètes, le droit de propriété applicable aux photographies et la durée de la protection accordée à celles-ci et, comme nous l'avons mentionné plus tôt, la protection des bases de données.

    Il convient de mentionner que la protection des bases de données ne sera abordée qu'au cours de la troisième phase de la réforme, tandis que le traité sur le droit d'auteur, lui, sera abordé au cours de la première phase. À notre avis, ces questions sont inextricablement liées. Le Canada ne peut se permettre de rester à l'écart de l'importante communauté de pays contractants qui étendent aux autres pays le niveau de protection de leurs lois sur le droit d'auteur numérique. Les auteurs, les artistes interprètes et les producteurs du Canada ne pourront bénéficier de tous les avantages offerts aux détenteurs de droits d'auteurs de ces pays.

    Les traités de l'OMPI doivent reposer sur des lois nationales qui prévoient des outils efficaces pour prévenir rapidement toute violation du droit d'auteur.

    Les traités n'inciteront pas, comme le laissent entendre certains, les producteurs à limiter ou à empêcher l'accès à l'information. Au contraire, les traités offriront de nouvelles possibilités aux créateurs et aux producteurs, ainsi qu'aux universitaires, aux scientifiques et aux chercheurs.

    Le Canadian Publishers' Council fait partie de la Copyright Coalition of Creators and Producers, qui regroupe plus de 34 organismes nationaux. La coalition a soumis une proposition importante sur la mise en oeuvre des traités de l'OMPI à Patrimoine canadien et à Industrie Canada. On peut l'obtenir sur demande.

    Le mémoire que nous avons déposé le 15 septembre examine également en détail la question de la protection juridique des bases de données.

    Merci de nous avoir donné l'occasion de présenter cet exposé. Nous répondrons volontiers à vos questions.

+-

    Le vice-président (M. John Harvard): Merci beaucoup.

    Nous allons entendre notre dernier témoin, M. Weiner.

+-

    M. Harvey Weiner (secrétaire général adjoint, Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Nous tenons également à vous remercier de nous donner l'occasion de présenter nos vues sur la Loi sur le droit d'auteur.

[Français]

    Nous sommes la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants, porte-parole national de la profession enseignante. Nous faisons la promotion de la qualité de l'éducation, de la situation des membres de la fédération, de la profession et de l'égalité des chances, au moyen de l'éducation publique. C'est par l'entremise des 14 organisations provinciales et territoriales qui sont affiliées à notre fédération que nous représentons plus de 240 000 enseignantes et enseignants des écoles primaires et secondaires au Canada.

º  +-(1610)  

[Traduction]

    Je compte aborder un certain nombre de points. J'en discuterai, bien sûr, plus en détail quand nous passerons aux questions.

    Je suis d'accord pour dire, tout comme l'a fait ma collègue de l'Association canadienne des professeurs et professeurs d'université, que le principe d'équilibre constitue l'élément clé de la Loi sur le droit d'auteur. Ma collègue a parlé de la décision qu'a rendue récemment la Cour suprême dans l'affaire Théberge. À mon avis, cet arrêt traite précisément de l'objectif, parfois oublié, de la Loi sur le droit d'auteur. Cet objectif consiste, et il s'agit là d'une tâche difficile, peu enviable—j'ai participé à de nombreuses discussions sur le sujet au cours des 16 dernières années, et j'en suis parfaitement conscient—mais néanmoins fort importante, à établir un juste équilibre entre les droits des créateurs et des utilisateurs et l'intérêt public, un facteur jugé essentiel.

    Je compte reprendre les points soulevés par ma collègue en raison des commentaires qui ont été faits, ultérieurement, par l'autre intervenant.

    La Loi sur le droit d'auteur est censé établir un juste équilibre entre, d'une part, la promotion, dans l'intérêt du public, de la création et de la diffusion des oeuvres artistiques et intellectuelles et, d'autre part, l'obtention d'une juste récompense pour le créateur. Comme le précise le jugement de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Théberge, «on atteint le juste équilibre entre les objectifs de politique générale... non seulement en reconnaissant les droits du créateur, mais aussi en accordant l'importance qu'il convient à la nature limitée de ces droits.»

    J'insiste là-dessus parce que l'accès ne constitue pas une alternative à une loi équilibrée sur le droit d'auteur. La loi, pour qu'elle soit équilibrée, doit être juste et raisonnable et tenir compte des besoins des utilisateurs et des créateurs. Les droits collectifs font partie de la solution. Ils ne constituent pas la panacée qui permettra d'atteindre l'équilibre recherché. En fait, s'il n'était question ici que de licences, la Loi sur le droit d'auteur, et l'intérêt économique qui en découle, serait très, très différente.

    La fédération s'est penchée, avec d'autres, sur ces questions et a essayé de prendre en compte les intérêts des utilisateurs et des créateurs. Nous n'avons jamais eu pour objet d'exproprier les droits des créateurs. Les établissements d'enseignement à l'échelle nationale dépensent plus de 20 millions de dollars par année pour assurer l'accès aux oeuvres pour lesquelles les créateurs souhaitent être rémunérés, ce qui tout à fait raisonnable. Nous devons continuer de rémunérer équitablement les créateurs pour l'utilisation qui est faite de leurs oeuvres.

    Nous avons proposé ce que nous appelons une modification sur l'utilisation éducative. Elle a une portée limitée, quoique importante, et devrait faire partie du cadre législatif de la Loi sur le droit d'auteur. Cette modification ne vise que les documents qui sont affichés sur l'Internet dans le but d'être diffusés largement, sans que les créateurs ne s'attendent à être rémunérés pour ceux-ci, et qui sont uniquement accessibles aux participants d'un programme d'apprentissage offert sous l'autorité d'un établissement d'enseignement. Nous croyons qu'il s'agit là d'une modification importante pour plusieurs raisons.

    Nous ne participons pas directement, en tant qu'enseignants, au processus de négociation des licences collectives ni, bien entendu—sauf quand nous intervenons devant des comités comme celui-ci pour faire valoir certains points—à l'élaboration du libellé technique qui servira à atteindre l'équilibre recherché dans la Loi sur le droit d'auteur. Toutefois, nous sommes tous les jours confrontés à des problèmes dans les salles de classe.

º  +-(1615)  

    Il est absolument essentiel de pouvoir profiter de la période propice à l'apprentissage. En d'autres termes, il faut pouvoir lancer des discussions et utiliser des documents au moment voulu sans passer par des formalités administratives innombrables pour identifier et contacter les titulaires de droit d'auteur. Dans les cas où ces titulaires ont indiqué qu'ils souhaitent être rémunérés, qu'ils sont représentés par une société de gestion collective et que leurs oeuvres font partie de cette société, il nous paraît certainement équitable, juste et raisonnable qu'ils soient rémunérés. Par contre, lorsque aucune indication de cette nature n'est donnée, nous croyons qu'un tel accès devrait être un droit réservé aux utilisateurs d'oeuvres à des fins éducatives, aux étudiants et aux enseignants dans le contexte de la salle de classe.

    Nous tenons également à souligner qu'il est extrêmement important que le gouvernement envisage la politique de façon cohérente. Si vous permettez, je dirais en d'autres termes, qu'il faut l'envisager dans une perspective interministérielle. C'est un fait que le gouvernement fédéral a investi des centaines de millions de dollars dans des projets visant à favoriser les compétences Internet des étudiants canadiens et la politique actuelle, reflétée dans la Loi sur le droit d'auteur, rend illégal quasiment tout ce que font les étudiants dans le cadre de ces projets financés par le fédéral. Nous devons supposer que le gouvernement fédéral, qui fournit les fonds nécessaires pour brancher les écoles d'un bout à l'autre du pays, ne cherchait pas simplement à créer un marché commercial pour les documents pour lesquels les créateurs ne souhaitent pas être rémunérés, mais qu'une telle politique devrait servir l'intérêt public, ce qui est d'ailleurs le cas.

    J'aimerais également me reporter brièvement au traité de l'OMPI et au fait que notre organisation s'inquiète de la recommandation de votre comité, à savoir qu'un projet de loi sur la ratification du traité de l'OMPI devrait être déposé d'ici le 10 février 2004. Nous sommes convaincus qu'il est important de régler les choses à l'interne au chapitre du droit d'auteur et d'aborder de façon globale les questions relatives au droit d'auteur dont est actuellement saisi votre comité.

    Selon nous, dire que le Canada est à la traîne n'est pas valable. Autant que nous le sachions, seulement deux pays industrialisés, «occidentaux», soit le Japon et les États-Unis, ont ratifié le traité. Nous comprenons d'ailleurs qu'ils se heurtent actuellement à certaines difficultés relatives à cette législation particulière.

    Selon nous également, l'examen de la législation en matière de droit d'auteur doit aller au-delà du droit d'auteur lui-même. Il existe d'autres mesures législatives qui peuvent et en fait, qui doivent être prises en compte, tout comme d'ailleurs, bien sûr, l'impact sur tous les intervenants. La question que nous posons est la suivante: pourquoi se presser? Selon nous, plusieurs choses peuvent et doivent être faites à l'interne avant de procéder à la ratification du traité de l'OMPI.

    Je vais m'arrêter sur ce point et si les députés ont des questions, je me ferais un plaisir d'essayer d'y répondre.

+-

    Le vice-président (M. John Harvard): Merci, monsieur Weiner.

    Nous passons maintenant aux questions. Comme l'opposition officielle n'est pas représentée, je vais commencer par Mme Gagnon, du Bloc, suivie par M. Bonwick, du gouvernement. Je suppose que Mme Lill aura une question à poser, si bien qu'elle arrive en troisième position et j'imagine, monsieur Shepherd, que vous pourrez poser vos questions en quatrième lieu.

    Nous allons commencer par vous, Christiane.

[Français]

+-

    Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Merci de votre présence ici aujourd'hui, dans l'univers des droits d'auteurs, qui est assez complexe pour une néophyte comme moi.

    Monsieur Weiner, on sait que la nouvelle technologie Internet donne un accès grandiose aux oeuvres. Est-ce que vous avez calculé les redevances qui seraient dues en termes de droits d'auteurs s'il y avait une plus grande accessibilité aux oeuvres dans le domaine de l'enseignement? Est-ce que vous avez mesuré la portée du geste, l'impact sur les droits, les redevances?

+-

    M. Harvey Weiner: Évidemment, c'est vraiment difficile de mesurer et de chiffrer cela, mais il y a beaucoup de matériel disponible sur Internet qui ne fait pas l'objet d'une indication à l'effet que les créateurs veulent être rémunérés. Nous pensons qu'il faut légiférer avec un emballage raisonnable. Nous pensons notamment que notre proposition est raisonnable et qu'elle donnerait accès à un certain nombre de choses qui, pour nous, ne sont pas négociables. Ce qui devrait être gratuit n'est pas ou ne devrait pas faire partie d'une négociation sur la base d'une licence. Pour le reste, on est d'accord pour qu'il y ait une façon de rémunérer les créateurs qui veulent--et c'est normal--être rémunérés d'une façon équitable pour le travail qu'ils font.

º  +-(1620)  

+-

    Mme Christiane Gagnon: On sait, par exemple, que dans le domaine de l'éducation, il y a plusieurs professeurs qui sont eux-mêmes auteurs. Est-ce que votre demande est bien perçue et bien acceptée? Je pose aussi la question à M. Jones, qui vient du domaine de l'enseignement. Est-ce qu'ils sentent leurs droits d'auteur menacés par une demande comme celle-là?

+-

    M. Harvey Weiner: Pas du tout, parce qu'ils savent que notre proposition leur donne le droit, s'ils le veulent, de demander une rémunération pour ce qu'ils produisent.

[Traduction]

+-

    M. Paul Jones: Peut-être puis-je intervenir en ma qualité de représentant des professeurs d'université.

    Les professeurs d'université sont des créateurs qui produisent énormément d'oeuvres littéraires et artistiques; ils sont toutefois des créateurs à part vu qu'ils sont essentiellement rémunérés par le traitement qu'ils reçoivent. Certains gagnent plus d'argent grâce aux redevances, à la concession de licence ou à la vente directe—parfois énormément—mais il s'agit essentiellement de quelque chose de secondaire.

    En matière de droit d'auteur, nos membres souhaitent surtout avoir le contrôle de leurs activités universitaires vis-à-vis l'administration de l'université ou vis-à-vis le secteur privé. C'est une question de liberté universitaire : être capable d'écrire ce que l'on veut et d'avoir le contrôle sur le produit créé qui, une fois terminé, est rarement vendu. Il peut, en partie, revenir à des éditeurs qui vont l'insérer dans des manuels destinés à la vente, mais une quantité énorme de documents produits par nos membres sont donnés à titre gracieux aux sociétés d'édition qui les publient dans des revues littéraires et savantes.

    La question n'est pas tant de savoir si nous allons perdre de l'argent, mais plutôt de savoir si nous allons perdre le contrôle de notre produit. Nos membres essaient de plus en plus de contourner l'industrie de l'édition et de donner au public directement accès à leurs documents, de leur propre initiative, dans le domaine de l'édition directe ou de la publication gratuite sur Internet.

    Pour nous, l'Internet est une occasion en or qui nous permet de mettre à la disposition du monde entier énormément de documents; il s'agit pour nous d'élargir les connaissances de l'humanité entière, et non pas de faire de l'argent.

    En résumé, l'argent n'est pas ce qui importe à nos yeux.

+-

    Le vice-président (M. John Harvard): Je crois que Mme Levy souhaite intervenir.

+-

    Mme Roanie Levy: J'aimerais m'assurer que les diverses perspectives présentées ici sont bien claires.

    Tout d'abord, l'impact qu'une exception aurait sur les oeuvres librement accessibles, est, selon moi une question vraiment importante. Comme l'a indiqué M. Weiner, l'impact n'est pas quantifié à l'heure actuelle, pour la simple et bonne raison qu'il pourrait être potentiellement très significatif, en fonction de l'importance de l'exception et ses utilisations autorisées.

    Permettez-moi de présenter le point suivant. Lorsque les éducateurs parlent d'oeuvres accessibles au public, l'interprétation de cette expression peut être différente. Il faut partir de l'hypothèse que le droit d'auteur existe dans le cas des oeuvres qui sont sur l'Internet, à moins qu'elles ne soient du domaine public ou que le droit d'auteur ait été expressément abandonné. Dans le cas contraire, on doit supposer que le droit d'auteur existe et la question qui se pose alors en est une d'intention; selon M. Weiner, l'intention, c'est que les oeuvres en question soient largement accessibles.

    Il est vrai que souvent des oeuvres sont mises en ligne dans l'intention de les rendre largement accessibles, de les faire connaître et peut-être de les imprimer à des fins personnelles. Je ne pense pas que l'on puisse, à part cela, élargir la portée de l'intention. C'est d'ailleurs essentiel. Ce n'est pas parce qu'un auteur n'a pas prévu de mesure de protection technique ou de protection par l'utilisation d'un mot de passe que ses oeuvres peuvent être utilisées à des fins éducatives.

    Je vais vous donner quelques exemples. Certains de nos titulaires de droits ont des sites Web. Les photographes et les auteurs pigistes ont des sites Web qui leur permettent de faire connaître leurs oeuvres. Ils souhaitent qu'elles soient accessibles au plus large public possible. Ils ne veulent pas prévoir de mesure de protection technique ni de mot de passe, car cela en limiterait l'accès, chose qu'ils ne souhaitent pas.

    Toutefois, la seule intention à laquelle on pourrait conclure, c'est qu'ils souhaitent que vous parcouriez leur site Web et que peut-être vous l'imprimiez à des fins personnelles. Ils ne veulent certainement pas—la plupart d'entre eux à tout le moins—que vous l'utilisiez à des fins éducatives, sans autorisation préalable et, dans certains cas, sans paiement.

    Par conséquent, même si l'oeuvre est accessible au public, elle ne peut pas servir à n'importe quelle fin et vous ne pouvez pas en tirez de conclusion quant à l'intention simplement parce qu'il n'y a pas de mesure de protection technique. Par conséquent, une telle exception est beaucoup plus préjudiciable que bien des gens... Ce n'est absolument pas une exception innocente.

    Dans le second point que vous faites à propos des professeurs, je crois que Paul a indiqué que les professeurs sont rémunérés par le traitement qu'ils reçoivent. La plupart des titulaires de droits que nous représentons essayent de vivre de leurs oeuvres, si bien que la protection de leur droit d'auteur a une toute autre dimension.

    Les professeurs sont rémunérés et promus en fonction du nombre de leurs publications. Lorsqu'ils publient, ils doivent renoncer à leur droit d'auteur. Par conséquent, compte tenu de la structure prévue dans les universités, ils ne sont peut-être pas aussi intéressés à protéger leur droit d'auteur. Je dois toutefois indiquer que de plus en plus de professeurs s'élèvent contre un tel concept et souhaitent affirmer leur droit d'auteur.

    Merci.

º  +-(1625)  

+-

    Le vice-président (M. John Harvard): Monsieur Weiner.

+-

    M. Harvey Weiner: J'ai un bref commentaire à faire sur le premier point ainsi qu'au sujet de la question que nous posons toujours dans ce contexte. Pourquoi un titulaire de droit d'auteur ne préciserait-il pas simplement sur l'Internet ce qu'il considère comme accessible au public et ce qu'il considère comme payant? Il me semble que ce ne serait pas trop difficile.

+-

    Le vice-président (M. John Harvard): Nous revenons maintenant à M. Bonwick.

+-

    M. Paul Bonwick (Simcoe—Grey): Avant de poser mes questions, M. Weiner vous en a posé une. Pouvez-vous y répondre? Il a dit « La question... et il me semble...  »; je vous demande donc de répondre.

+-

    Mme Roanie Levy:

    Comme je l'ai indiqué lorsque j'ai donné l'exemple de titulaires de droit d'auteur qui ont des sites Web, le fait de prévoir pour un site Web une protection, voire même plusieurs, en limite l'accès. Il suffit de simplement examiner les modèles d'affaires et leur évolution, les modèles d'affaires relatifs au commerce électronique, pour s'apercevoir que tout est fonction du nombre de visiteurs. C'est ainsi qu'ils produisent des recettes, en fonction du nombre de visiteurs. Vous voulez que le plus de personnes possibles y aient accès. Souvent, les mesures de protection technique et les mots de passe limitent le nombre de visiteurs. C'est le premier point. Le second, c'est qu'il existe divers niveaux de technologie. Il est très facile de prévoir des mesures de protection technique, à un coût sans doute peu élevé, mais elles ne seront pas très efficaces.

    Par ailleurs, si vous prévoyez une mesure de protection technique, comment l'usager saura-t-il si elle a été falsifiée ou enlevée? Comment pourra-t-il savoir que ce site Web est accessible et qu'il doit l'être ainsi?

    Si vous commencez à demander aux gens de prévoir une mesure de protection technique ou un mot de passe, vous faites exactement le contraire de ce que vous voulez faire, soit encourager l'accès. Vous demandez en fait aux gens de bloquer leurs oeuvres pour en promouvoir l'accès. Cela n'a aucun sens.

    M. Weiner a indiqué que si l'accès est gratuit, on ne devrait pas avoir à payer, et je suis complètement d'accord avec lui. On ne devrait pas avoir à payer. Ce serait très facile de régler cette question. La question du paiement ou de l'établissement d'un tarif peut facilement être réglée dans le contexte d'une licence collective où l'on attribuerait le taux zéro aux sites qui doivent véritablement être gratuits, indépendamment de l'utilisation. Il existe plusieurs façons de le faire.

    On le fait déjà dans le monde de l'imprimé et on peut le faire dans le monde numérique. Disons, par exemple, que l'on observe une école et que l'on suive les sites auxquels elle a accès pendant un certain temps. La période choisie n'a pas besoin d'être statistiquement correcte. Puis, avec l'information sur les sites, nous faisons l'analyse des avis de droit d'auteur; nous essayons de déterminer l'intention. S'il est difficile de le faire, nous contactons les titulaires de droit pour déterminer l'intention et ensuite, nous attribuons le taux zéro aux sites qui doivent être gratuits.

º  +-(1630)  

+-

    M. Paul Bonwick: Nous avons le temps de poser quelques questions de plus. J'aimerais, pour commencer, parler de la motion que le comité a présentée la semaine dernière sur l'éventuelle ratification du traité de l'OMPI.

    Je ne suis pas sûr de bien comprendre ce que vous voulez dire par « pourquoi se presser » car dans le monde où je vis et dans celui de la plupart des gens, une période de six années, sans compter la possibilité de deux ou trois autres années, prouve bien qu'on ne se presse pas. Je dirais que malgré le fait qu'une équipe juridique ait été mise à notre disposition par les ministères de Patrimoine et de l'Industrie et directement, par le ministère de la Justice, prévoir au bout de six ans et quelque trois bons mois pour présenter un avant-projet de loi afin que le comité puisse s'occuper de la ratification ne signifie pas, je crois—et il s'agit davantage d'une déclaration—que l'on précipite les choses; il faudrait plutôt admettre l'inaction ainsi que le manque d'intérêt à l'égard de la ratification dont nous avons fait preuve. Je ne pense pas nécessairement qu'il faille se mesurer aux États-Unis et au Japon en tant que modèles, mais, avec tout le respect voulu, lorsque notre pays devient signataire d'un accord, nous devrions, en tant que parlementaires, s'attendre à la ratification dans un délai plus bref que huit ans.

    J'ai une question au sujet du coût de ce droit d'auteur et peut-être que M. Weiner ou M. Jones pourrait y répondre. Quelles sont les répercussions en matière de coût par étudiant de ce soi-disant modèle d'accès? Quel est l'impact en matière de coût—car de toute évidence c'est ce qui vous dissuade et vous préoccupe—sur les centres d'éducation? Je demanderais à l'un ou l'autre d'entre vous de répondre.

+-

    M. Paul Jones: Je vais souligner le point suivant : Le coût n'est pas nécessairement le facteur décisif. Selon les universitaires, l'Internet a été mis au point aux frais de l'État pour, au départ, faciliter la communication entre universitaires, et non dans une intention commerciale. L'Internet a été un outil extrêmement utile à cet égard, puisqu'il a véritablement augmenté la capacité des gens de communiquer, de partager de l'information, des données, non pas pour des raisons de gain commercial, mais pour élargir le bassin des connaissances humaines.

    Il est blessant d'apprendre que nous allons devoir payer pour continuer à procéder de la sorte par suite de l'instauration d'un genre de licence collective. Il est inexact de parler de taux zéro pour des documents gratuits. Vous vous inscrivez pour avoir accès à l'Internet et nous prétendons que l'utilisation va en être en partie gratuite. Le fait est, qu'au bout du compte, il en coûte...

+-

    M. Paul Bonwick: Pouvez-vous me préciser les chiffres? Vous avez dû faire une analyse de coûts pour dire qu'il va en coûter un milliard de dollars, un million de dollars, ou une autre somme entre ces deux extrêmes.

+-

    M. Paul Jones: Non, pour nous ce n'est pas une question de coûts.

+-

    M. Paul Bonwick: Si ce n'est pas une question de coûts, pourquoi parle-t-on alors de documents gratuits par opposition à des documents payants?

+-

    M. Paul Jones: Ce n'est pas une question de coûts dans le sens où je ne m'inquiète pas de telle ou telle somme; il s'agit du principe voulant qu'il faut payer quelque chose que nous avons inventé pour servir nos propres fins.

+-

    M. Paul Bonwick: Je tiens, quant à moi, à ce que le système de l'éducation de notre pays cherche à susciter un sentiment de confiance chez les étudiants qui veulent devenir des créateurs. Nous essayons de les encourager à devenir des créateurs. Par conséquent, il me semble assez contradictoire de demander à ces gens de devenir des créateurs et de vivre de leurs créations tout en leur disant ensuite qu'en principe, nous ne pensons pas qu'ils devraient être rémunérés pour leurs créations. C'est là où je veux en venir; si on ne parle pas d'argent, je ne vois pas où est le problème.

º  +-(1635)  

+-

    M. Paul Jones: À son grand regret probablement, le directeur général de CANCOPY, interrogé au sujet du pourcentage de contenu gratuit sur l'Internet, a parlé, je crois, de 90 à 95 p. 100. Beaucoup d'information est donc créée avec l'intention de la partager, plutôt que par appât du gain. Le profit n'est pas la seule motivation. Le désir de partager existe, et c'est là le principe vraiment important que nous défendons.

+-

    M. Harvey Weiner: Parlons-en plus abondamment, parce qu'à mon avis, nous attaquons la question à partir de deux hypothèses peut-être différentes. Nous n'avons jamais nié le droit qu'ont les créateurs d'être rémunérés pour leur travail. En fait, nous appuyons ce droit. C'est certes là une leçon qu'apprendraient nos étudiants aussi. Toutefois, nous reconnaissons également, tout comme l'économie créée par la Loi sur le droit d'auteur, du moins dans sa version initiale, qu'un intérêt public est en jeu et que, bien qu'il faille élargir le champ d'application de la Loi sur le droit d'auteur de manière à inclure Internet, une nouvelle forme de technologie, cette technologie est également un moyen d'encourager et de faciliter le débat public.

    Il existe plusieurs contenus, difficiles à définir, j'en conviens, et sans lien avec les deux coûts, qui correspondent à l'intérêt public, auxquels on peut avoir libre accès et qui en principe ne devraient pas faire l'objet de négociations. Je ne souhaite pas négocier pour obtenir quelque chose qui est gratuit. Je ne crois pas qu'une société collective de gestion ait le mandat de négocier à l'égard d'une oeuvre que l'on souhaitait gratuite. Il me semble que c'est là un principe dont il faut que le gouvernement tienne compte dans une loi équilibrée sur le droit d'auteur. C'est en fait crucial.

    Pour ce qui est de l'autre point, puisque j'ai la parole, je suis peut-être quelque peu blasé en ce qui concerne l'échéancier de l'OMPI ou de je ne sais quoi encore, mais je remonte, pour ce qui est de la loi sur les droits d'auteur, à Flora MacDonald. Six années ne représentent donc pas tant de temps que cela quand il est question d'une loi sur le droit d'auteur.

    Donc, si je me fie au fait que deux pays, le Japon et les États-Unis...

+-

    M. Paul Bonwick: Et 48 autres.

+-

    M. Harvey Weiner: Si nous traînons de la patte, eh bien, beaucoup d'autres pays sont à notre remorque et, selon moi, ils témoignent probablement aussi bien que nous des complexités de la tâche dans leur propre contexte.

+-

    Le vice-président (M. John Harvard): Madame Lill.

+-

    Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): Je trouve fort étonnant d'entendre dire que l'Internet a été développé aux frais de l'État sans visée commerciale. On dirait que tout cela s'est fait uniquement pour accroître le savoir. En réalité, je n'y crois pas du tout.

    Que je sache, l'Internet a été développé à des fins militaires. Cela n'avait rien à voir avec l'accroissement des connaissances. De dire qu'il faut accroître le bassin de connaissances de l'homme... L'Internet permet de faire des milliards et des milliards de dollars. Il est donc illogique de dire que tout cela gravite autour du bien commun. Je n'en suis pas convaincue, et il faudrait vraiment me prouver comment...

+-

    M. Harvey Weiner: Sauf votre respect, je crois que vous avez faussé et exagéré les points que nous avons fait valoir. Nul, ni Paul ni moi, n'a prétendu que l'Internet n'a pas une fin très distincte et importante sur le plan commercial, mais il existe aussi un aspect public, et c'est cet aspect dont il faut traiter dans une politique gouvernementale. Il ne s'agit pas uniquement d'une entreprise commerciale. Il ne devrait pas en être une, mais c'est ce qu'il est en train de devenir.

+-

    Mme Wendy Lill: Sauf votre respect, j'ai effectivement entendu beaucoup de beaux discours vagues sur l'Internet comme centre de diffusion de l'information pour le bien public. Je vais simplement reconnaître que je l'ai entendu dire. Donc, c'est un problème.

    L'idée que les auteurs, les établissements d'enseignement et les bibliothèques publiques ne sont pas d'accord entre eux ne me plaît pas vraiment, mais de toute évidence c'est la réalité, et cela nous pose un grave problème. Je ne sais pas. J'entends parler de choses comme des périodes propices à l'apprentissage—et je comprends que les enseignants doivent saisir l'occasion et être capables de travailler avec les outils dont ils disposent. S'ils ont des ordinateurs et souhaitent aller en ligne, je comprends. Toutefois, qu'avaient-ils auparavant, lorsque se présentaient des moments propices à l'apprentissage? Ils avaient des manuels, pour lesquels, j'imagine, ils avaient payés. Ils allaient à la librairie et les payaient de leur poche. Ai-je tort? Qu'est-ce que cette histoire de moment propice à l'apprentissage?

    Une voix: Est-ce une question théorique?

+-

    Mme Wendy Lill: Non, en fait, elle ne l'est pas vraiment. Peut-être pouvez-vous me dire ce que vous entendiez par là. Qu'a à voir le concept du «moment propice à l'apprentissage» avec...

º  +-(1640)  

+-

    M. Harvey Weiner: Nous constatons, dans nos écoles primaires et secondaires, un phénomène appelé l'effet «coup de frein». Il s'agit du genre de mises en garde faites tant par les conseils scolaires que par les fédérations d'enseignants comme la nôtre, soit de bien s'assurer, avant de consulter de l'information, qu'elle est en fait accessible grâce à une licence qui vous y donne accès ou à une autorisation en ce sens. Ces mises en garde freinent l'utilisation de divers matériels, et je ne crois pas que ce soit ce que nous recherchons, pas plus que les créateurs. Voilà ce que j'essaie de faire comprendre : très souvent, il existe du matériel qui pourrait être utile, mais qui n'est pas utilisé en raison d'un manque de clarté ou du fait qu'on est incapable d'obtenir la clarté requise pour pouvoir l'utiliser.

+-

    Mme Wendy Lill: D'accord. J'aimerais me trouver de ce côté-ci de la table et demander...

+-

    M. Paul Jones: Puis-je intervenir sur un point? Vous avez parlé de choses qui vont à l'encontre du gros bon sens. Il me semble illogique d'entendre de la bouche d'une néo-démocrate une position favorable à l'expropriation commerciale complète de l'Internet. C'est scandaleux. Il existe sur l'Internet beaucoup d'espace utilisé par le grand public pour échanger gratuitement de l'information. La plus grande partie de ce que l'on trouve sur l'Internet, d'après Access Copyright, est offerte gratuitement.

+-

    Mme Wendy Lill: J'aimerais me rendre de l'autre côté de la table et vous questionner au sujet de l'effet « coup de frein ». J'aimerais entendre ce que vous auriez à dire au sujet de leurs préoccupations concernant cet effet, parce que ce n'est pas ce que nous souhaitons. Manifestement, on veut que l'information circule et qu'elle soit utilisée.

+-

    Mme Roanie Levy: Vous avez entièrement raison, et je vous remercie de m'offrir la possibilité de répondre.

    Une licence collective éliminerait—complètement— tout effet «coup de frein» qu'ils estiment exister. L'enseignant, l'élève de sixième, l'étudiant de deuxième, l'universitaire, tous pourraient naviguer sur l'Internet avec la certitude qu'ils ne violent pas de droit d'auteur, parce qu'ils ont une licence collective. Cela ne devrait pas poser de problème.

+-

    Mme Jacqueline Hushion: J'aimerais vous parler brièvement de quelque chose que nous avons commandée, d'un rapport intitulé le rapport Campbell. Il a été fait par Catherine Campbell. Nous en avons commandé l'exécution pour ce groupe de travail mixte du patrimoine et de l'industrie parce que les expressions « librement disponible » et « librement accessible » ne sont pas synonymes d'« accessible gratuitement » ou de « disponible sans frais ». Nous n'arrivions pas, au sein du groupe de travail, à nous entendre sur ces définitions.

    Il est devenu évident que nous en savions très peu au sujet de l'intention dans laquelle on diffuse de l'information sur l'Internet. Notre organisme a donc demandé à Catherine d'effectuer de la recherche et de produire un rapport sur la question. Catherine nous a d'ailleurs autorisés à vous en laisser chacun un exemplaire. Tous les membres du comité en ont reçu un et les deux ministères, également.

    Ce document aidera les membres du comité à se rendre compte que le problème, ce n'est pas que nous avons un différend avec les enseignants ou que nous sommes en conflit, mais plutôt qu'il existe quelque part au milieu une zone, une zone où se situent les définitions, les intentions et le degré d'utilisation, et c'est dans cette zone que nous avons été incapables de nous entendre. Cela ne signifie pas que nous ne voulons pas que les enseignants et les étudiants puissent y avoir accès; tout est dans la façon de faire.

    Je vais envoyer ces exemplaires à Rémi Bourgault.

+-

    Le vice-président (M. John Harvard): Nous allons maintenant céder la parole à M. Shepherd.

+-

    M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): Je vous remercie de nourrir un débat aussi intéressant aujourd'hui.

    Quand vous parlez de l'intention dans laquelle on fait circuler de l'information sur Internet... Oubliez l'objet du débat d'aujourd'hui, c'est-à-dire probablement la Loi sur les droits d'auteur. Aujourd'hui, si vous faites circuler de l'information sur l'Internet, cela revient-il essentiellement à dire qu'elle est passée au domaine public?

+-

    Mme Roanie Levy: Non. En réalité, quand vous faites circuler de l'information sur Internet, vous autorisez les autres à la consulter et à l'imprimer à des fins personnelles.

    Bien souvent, quand vous faites circuler de l'information sur Internet, vous ajoutez un avis de droit d'auteur qui décrit votre intention. L'avis de droit d'auteur est un document à portée juridique. La situation devient alors compliquée, et il est parfois difficile de savoir à quoi s'en tenir.

    Ce que proposent les enseignants, c'est que nous ignorions l'avis de droit d'auteur, quelle que soit l'intention énoncée sur l'Internet. S'il n'existe pas de mesure quelconque de protection, vous devriez pouvoir vous en servir et copier l'information librement.

º  +-(1645)  

+-

    M. Alex Shepherd: Si vous, en tant que créateur ou personne qui représente des créateurs, souhaitiez sérieusement en restreindre l'accès, pourquoi alors a) la diffuser sur l'Internet ou b) si vous l'avez fait, ne pas exiger expressément que l'utilisateur paie des frais pour avoir accès à un supplément d'information? Ainsi, ce serait clair... Pourquoi laissez-vous au gouvernement le soin de faire ces définitions?

+-

    Mme Roanie Levy: En fait, nous n'en laissons pas le soin au gouvernement. Souvent, le site comme tel comportera un avis de droit d'auteur, et vous y trouverez une page décrivant les utilisations permises.

    Quand on offre de l'information sur l'Internet et qu'on demande que les utilisateurs paient pour une licence, ce n'est pas parce qu'on veut restreindre l'accès. On veut que d'autres puissent fureter et imprimer l'information à des fins personnelles, mais on ne veut pas que l'information soit réimprimée ailleurs, qu'elle soit utilisée dans un contexte différent ou dans le secteur de l'enseignement, qui représente un marché.

+-

    M. Alex Shepherd: Oui, mais manifestement, une fois que l'information est sur l'Internet, on ne peut pas la contrôler. Les intentions sont peut-être très bonnes, mais il faudrait être plutôt naïf pour croire que les gens ne le feront pas.

+-

    Mme Roanie Levy: Vous avez raison. Ils ne peuvent peut-être pas contrôler ce qui se passe dans les ordinateurs personnels de certains, mais la Loi sur le droit d'auteur, dans sa version actuelle, leur permet d'exercer ce contrôle parce qu'elle les autorise à fixer les modalités d'utilisation de leurs oeuvres. Naturellement, on mise ainsi beaucoup sur la bonne foi des utilisateurs. On compte qu'ils n'utiliseront pas l'information à des fins non autorisées. L'avis de droit d'auteur en ferait état, sur le site Web.

+-

    M. Alex Shepherd: Cependant, vous souhaitez que la loi soit telle que vous puissiez dire: «D'accord, l'Université de Toronto a consulté ce site 1 500 fois ce mois-ci; par conséquent, elle nous doit x dollars».

+-

    Mme Roanie Levy: La loi me permet déjà de le faire. Par contre, le cadre est tel qu'il ne me permet pas de le faire avec efficacité. La loi est telle qu'une personne a le droit de se faire rémunérer pour l'utilisation de ses oeuvres. Ce n'est donc pas un concept nouveau pour la Loi sur le droit d'auteur.

+-

    M. Alex Shepherd: Éclairez ma lanterne. L'Université de Toronto vous paie-t-elle actuellement des droits collectifs pour avoir accès à l'information de vos clients?

+-

    Mme Roanie Levy: Oui. L'Université de Toronto paie Access Copyright dans le cadre d'une licence complète l'autorisant à faire des photocopies des oeuvres. Le concept est le même en numérique que sur imprimé.

+-

    M. Alex Shepherd: Non, non, non! Je croyais que nous parlions de l'Internet.

+-

    Mme Roanie Levy: L'Université de Toronto nous paie également chaque fois qu'elle souhaite utiliser des copies numérisées d'oeuvres. Donc, effectivement, nous recevons des appels de l'Université de Toronto et d'autres universités canadiennes lorsqu'elles souhaitent utiliser des versions numériques. Nous recevons des appels de ces universités quand elles souhaitent mettre de l'information sur un site Web; elles nous appellent et nous demandent de leur donner les autorisations requises.

    À ce stade-ci, nous le faisons de manière ponctuelle. Ce n'est pas très efficace et exige beaucoup de temps. De toute évidence, c'est une façon de faire très coûteuse. Nous ne sommes pas en mesure de le faire globalement, ce qui faciliterait la vie à tous et permettrait de profiter du moment propice à l'apprentissage.

    Oui, cela se fait déjà.

+-

    M. Paul Jones: Le problème, à mon avis, c'est que le secteur commercial veut le beurre et l'argent du beurre en ce qui concerne l'Internet.

    Il s'agit d'un outil merveilleux pour diffuser de l'information très rapidement à toutes sortes de personnes différentes. Quand les intérêts commerciaux le constatent, ils s'exclament: «Incroyable. C'est absolument fantastique. Nous pouvons rejoindre toutes sortes de gens. Nous pouvons en tirer un profit.» C'est alors que se pose le problème. Le même avantage qui permet d'échanger de l'information si rapidement empêche aussi d'exiger des frais.

    On souhaite donc conserver l'Internet comme moyen de faire circuler rapidement de l'information, mais on souhaite ensuite y mettre des obstacles ou commencer à exiger des frais pour tout. C'est, selon nous, le cas de cette licence collective d'utilisation de l'Internet.

+-

    M. Alex Shepherd: Vous faites remarquer la commercialisation progressive de l'Internet.

    J'aimerais peut-être faire une autre petite digression. Une chose dont il est question ici, c'est la prolongation des droits de 50 à 70 ans, et c'est vous qui l'avez mentionnée. J'aimerais que vous tous m'expliquiez peut-être qui au juste nous cherchons à protéger.

    Je sais que l'artiste, probablement celui qui a préparé l'oeuvre, son créateur, aimerait de toute évidence en tirer un gain de son vivant. Voilà que nous sommes en train de parler de 50 ans après sa mort. On peut supposer que de son vivant il aurait pu vendre ses oeuvres et que ses oeuvres étaient protégées pendant 50 ans après sa mort. Donc, quiconque achète l'oeuvre saura qu'elle a une certaine longévité. Qui profite d'une protection prolongée de vingt ans? Est-ce vraiment le créateur ou ne sont-ce pas en réalité des personnes secondaires qui ont acheté l'oeuvre et qui cherchent à en tirer un profit? 

º  +-(1650)  

+-

    M. Paul Jones: Au bout du compte, je crois que cela profite en partie à d'éventuels héritiers puisque ceux-ci bénéficieraient de 20 années supplémentaires. Le créateur a-t-il cet élément à l'esprit quand il produit une oeuvre? Je ne le pense pas. Pas moi, en tout cas. Je ne réfléchis pas à l'avantage pécunier que pourraient en tirer mes petits-enfants. C'est un facteur qu'il faut prendre en compte lorsqu'on parle des créateurs. Il y a aussi les propriétaires, et ceux-ci ne sont pas nécessairement des créateurs.

    Je ne sais pas si c'est une légende urbaine ou si c'est vrai, mais il semble qu'aux États-Unis, on appelle la prolongation de la durée du droit d'auteur l'amendement Mickey Mouse car, pour éviter que la célèbre souris n'entre dans le domaine public—ce qui préoccupait Disney—le droit d'auteur a été prolongé de 20 ans. Dans ce cas, on est loin de la veuve et de l'orphelin puisqu'il s'agit d'une multinationale tentaculaire qui brasse des milliards de dollars et qui a exercé de fortes pressions pour que la loi soit modifiée.

    Par ailleurs, différents groupes reçoivent de l'argent. Mais en ce qui nous concerne, il y a aussi la question du domaine public que nos membres et moi-même considérons extrêmement importante pour l'ensemble de la société canadienne. Il s'agit d'oeuvres que les gens peuvent désormais utiliser, modifier, transformer et développer. Prolonger la durée de validité du droit d'auteur signifie retarder l'entrée d'une oeuvre dans le domaine public. On passe d'un monde où tout n'est pas considéré comme un bien propre à une situation où tout devient propriété privée. Cela préoccupe grandement nos membres et ce serait une grande perte pour le Canada. Il faudrait trouver un juste milieu.

+-

    Mme Jacqueline Hushion: Je ne suis pas contre ce que vous dites, mais nous sommes maintenant confrontés à cette réalité, indépendamment de l'amendement Mickey Mouse. Les deux partenaires commerciaux avec lesquels les éditeurs et les créateurs canadiens font le plus affaire sont le Royaume-Uni et les États-Unis. L'Union européenne est sur le point de faire passer la durée de protection du droit d'auteur à 70 ans et les États-Unis l'ont déjà fait. Par conséquent, si nous voulons instaurer une certaine réciprocité et être cohérents avec nos principaux partenaires commerciaux, nous devons aussi amener la durée de protection à 70 ans.

    Je siège au Conseil du droit d'auteur des éditeurs internationaux et je reviens justement de sa réunion annuelle qui s'est tenue au Mexique il y a deux semaines. On y a proposé de porter la durée de protection à 100 ans, ce que je ne peux pas croire. D'ailleurs, personne ne pouvait le croire; quiconque faisant partie du Conseil était loin de s'imaginer pareille chose ou encore d'y être favorable. Même les représentants mexicains ne pouvaient appuyer une telle proposition.

    J'aimerais faire une dernière remarque. Des représentants du milieu éducatif ont dit trouver scandaleux le fait de devoir payer pour obtenir certains types de documents sur Internet. Je les renvoie au terme « canal » que j'ai employé un peu plus tôt. Le droit d'auteur est bien ce qu'il est. Internet est un canal; c'est un moyen de communication, rien de plus. C'est la même chose pour les livres. Si un ouvrage est protégé par un droit d'auteur, il le sera aussi sur Internet. Alors scandaleux ou pas, le fait est que c'est simplement une façon de faire circuler l'information. Cela ne change pas la valeur ou la nature du matériel protégé par des droits d'auteur ni le fait qu'il faille payer pour l'obtenir.

+-

    Le vice-président (M. John Harvard): Mme Levy souhaite faire un commentaire, puis nous passerons à la prochaine série de questions.

+-

    M. Paul Jones: Je tiens à préciser que j'approuve totalement ce qui vient d'être dit. Il existe beaucoup de choses pour lesquelles on ne s'imagine pas qu'il faut payer pour les avoir.

+-

    Mme Roanie Levy: L'Union européenne a porté la durée de protection à 70 ans et, d'après ce que j'ai compris, cela n'avait rien à voir avec l'amendement Mickey Mouse. Le raisonnement à l'appui de cette décision avait plutôt à voir avec le nombre d'années. Lorsque quelqu'un monte une affaire, une usine, il espère que ses enfants pourront en récolter les fruits. C'est ce qui justifie en partie l'augmentation de la durée de protection de 50 à 70 ans.

+-

    Le vice-président (M. John Harvard): Très bien. Passons maintenant à la deuxième série de questions. Ce sera d'abord au tour de Mme Lill d'intervenir, puis de M. Bonwick.

    Puis-je me permettre de vous poser une courte question, madame Levy? Pourriez-vous me décrire brièvement votre société de gestion et me dire qui sont les gens que vous représentez? Sont-ils tous plusieurs fois millionnaires?

+-

    Mme Roanie Levy: Non, pas du tout. Nous représentons 5 500 créateurs. Cela comprend les auteurs, les photographes, les illustrateurs, dont la plupart ne peuvent vivre de leur art et doivent chercher d'autres moyens de subsistance. Nous représentons aussi 540 auteurs de livres, de magazines et d'articles de journaux. Certains sont gros, mais la plupart sont modestes et doivent lutter pour survivre. Ainsi, non, la majorité des gens que nous représentons ne sont pas riches.

    Ce mois-ci, nous enverrons un paiement assez substantiel à l'ensemble de nos créateurs. Le montant versé est calculé à partir des redevances que nous obtenons en échange de la copie de leurs oeuvres. Les créateurs recevront 640 $ par année. Vous ne pouvez pas vous imaginer combien ils sont impatients d'avoir ce chèque.

º  +-(1655)  

+-

    Le vice-président (M. John Harvard): C'est 640 $.

+-

    Mme Roanie Levy: Oui, 640 $ pour la copie de leurs oeuvres. Ils sont vraiment ravis. Ils ont appris qu'ils allaient obtenir cet argent ce mois-ci et ils n'arrêtent pas d'appeler pour savoir quand ils recevront leur chèque. C'est donc important pour eux.

+-

    Mme Jacqueline Hushion: Cela vient s'ajouter à toutes les autres redevances qu'ils perçoivent. C'est en plus. C'est un bonus, en quelque sorte.

+-

    Mme Roanie Levy: Ils ne sont donc pas tous riches et puissants. Beaucoup sont modestes et les redevances qu'ils perçoivent améliorent grandement leur situation.

+-

    M. Paul Jones: Mme Levy représente aussi quelques-uns de nos membres.

+-

    Mme Catherine Campbell: Et les miens.

+-

    Le vice-président (M. John Harvard): Vous formez donc une grande famille unie et heureuse, n'est-ce pas?

    Des voix : Oh, oh!

+-

    Le vice-président (M. John Harvard): Wendy.

+-

    Mme Wendy Lill: Vous avez dit que le Canada faisait piètre figure en matière de protection de ses bases de données et que plusieurs pays ne nous faisaient pas confiance pour protéger les leurs. Je ne sais pas de quoi vous parlez. À quelles bases de données faites-vous référence? Donnez-moi des exemples. Qu'est-ce qui est mal protégé et quelles en sont les conséquences?

+-

    Mme Catherine Campbell: Il existe une très grande variété de bases de données, qui vont des répertoires d'oeuvres protégées par des droits d'auteur aux renseignements sur les oeuvres elles-mêmes. En fait, chaque élément de ces bases de données est peut-être du domaine public.

    Bien souvent, l'investissement dans ces bases de données se mesure à la qualité des analyses et au jugement dont il a fallu faire preuve pour répertorier les oeuvres. Cela représente beaucoup de travail car on doit souvent y consacrer énormément de temps pour obtenir une masse critique afin de servir une partie de l'industrie. Cela peut être à des fins éducatives. Il y a sûrement quantité de bases de données contenant des informations juridiques.

    Évidemment, ces bases de données existent dans tous les types de médias. Le problème a pris davantage d'ampleur depuis qu'on peut obtenir ces données par Internet. Beaucoup de médias d'information utilisent des bases de données pour permettre l'accès à leurs sources—financières, par exemple. Cela concerne autant les petits participants que les très grands groupes de médias comme Thompson, qui est évidemment une société canadienne relativement influente.

    Au Canada, les avis juridiques émis ces dernières années pour répondre aux demandes à la fois des gouvernements et des associations ne s'entendent pas tous pour déterminer si les bases de données entrent ou pas dans la définition de matériel susceptible de bénéficier de la protection légale, en vertu de la Loi sur le droit d'auteur. L'un des termes qui a le plus été sujet à interprétation concerne le degré de créativité requis pour protéger ces bases de données en vertu de la Loi sur le droit d'auteur.

    Il y a eu plusieurs cas. Ils sont décrits dans le mémoire qui vous a été soumis à la mi-septembre. Je ne sais pas s'il est nécessaire que je vous les rappelle. Il y a notamment une affaire examinée par la Cour suprême du Canada en novembre et portant sur le matériel juridique—cela ne concerne pas le matériel juridique en ligne, mais la créativité des collections et si cela est protégé par la Loi sur le droit d'auteur.

    En Europe, on n'a pas abordé ce problème sous l'angle du droit d'auteur, mais selon le principe du sui generis qui garantit une protection des bases de données pendant 15 ans.

    Aux États-Unis, il existe plusieurs formes de protection, dont certaines se fondent sur une approche axée sur l'appropriation illicite. Le problème, avec cette approche, c'est qu'il existe peu de moyens provisoires de traiter les infractions—la prise de possession de ces matériels ou la collecte d'informations contenues dans ces bases de données. Les Américains ont aussi une autre définition du terme « créativité », ce qui cause une multitude de problèmes que doivent résoudre les tribunaux.

    Face à cette question, les associations internationales ne voient pas la protection sui generis ni la solution américaine... et elles doivent composer avec un cadre ou un historique juridique totalement incohérents. Ceux qui ont investi là-dedans pensent la même chose et se posent la question suivante: «Vais-je continuer à investir mon temps, mon énergie et ma créativité dans ce travail si je ne peux garantir qu'on reconnaîtra ce qui est censé être protégé?».

»  +-(1700)  

+-

    Mme Jacqueline Hushion: Nous pouvons vous donner un exemple précis. Il y a quelque temps, il y avait au Canada une base de données particulièrement intéressante, et je fais exprès de parler au passé. Un jeune homme, établi à Montréal, avait créé ce que l'on considérait être la base de données sur un artiste la plus complète au monde. Même les musées néerlandais et belges qui possèdent les oeuvres de l'artiste en question ont déclaré que c'était la meilleure base de données qu'ils aient jamais vue.

    Mais un jour, quelqu'un, en Belgique, a copié la totalité de cette base de données qui se trouvait sur Internet. Il l'a téléchargée et se l'est tout simplement appropriée. Il lui a donné une nouvelle adresse URL et c'est devenu une base de données belge. Lorsque les Canadiens se sont plaints aux Belges et leur ont demandé d'intervenir, ces derniers leur ont répondu: «Pourquoi? Vous ne feriez rien pour nous dans des circonstances semblables, alors attendez».

    Celui qui a créé cette base de données attend toujours. Le travail de toute une vie et ce qu'il a investi dans cette aventure ont disparu. En outre, jusqu'à présent, il n'a obtenu aucun dédommagement de la Belgique. Qui plus est, le système juridique belge ne semble pas pressé de régler ce problème car il estime qu'il n'y aurait pas réciprocité si pareille chose arrivait à un Belge au Canada.

+-

    M. Paul Jones: Il y a d'autres problèmes associés aux bases de données. Je suis ravi que vous ayez soulevé la question car cela permet de mettre l'accent sur d'importantes considérations de politiques publiques.

    Ce qui préoccupe les milieux scientifiques, c'est que certains documents seront protégés et qu'on ne pourra y avoir accès qu'en payant. On court le risque que des documents qui ne pouvaient être protégés par la Loi sur la propriété intellectuelle puissent le devenir. On est d'autant plus inquiets que les dépenses publiques sont réduites, ce qui signifie que beaucoup des travaux qui étaient habituellement réalisés par le gouvernement seront désormais effectués par le secteur privé.

    L'exemple qui me vient à l'esprit est celui de l'imagerie satellitaire. La National Academy of Sciences a réalisé une importante étude à ce sujet aux États-Unis. Le problème concerne les satellites Landsat, qui prennent des photos de différentes parties de la Terre. Ces images sont très importantes pour traiter les questions liées à la déforestation ou au réchauffement planétaire, entre autres. Le gouvernement a sabré dans ses dépenses, ce service a été privatisé—il est désormais entre les mains d'entreprises privées qui n'ont d'autre objectif que de réaliser des profits—et le prix de ces images est passé de 3 ou 4 $ à plusieurs milliers de dollars chaque. Depuis ce transfert, ces images sont protégées et le public n'y a plus accès.

    L'industrie des bases de données ne se préoccupe que du rendement du capital investi. Il existe peut-être une justification à la protection de ce matériel selon le régime sui generis. On craint peut-être que les dispositions concernant les droits d'auteur ne règlent pas l'ensemble du problème. Mais, au bout du compte, cela ne se limite pas à une simple question de profits. C'est plus compliqué; cela touche l'accès aux données par des scientifiques de pays du tiers-monde; cela concerne l'accès à la science par les universités canadiennes qui ont subi d'importantes compressions budgétaires. Ce que l'on craint, c'est que l'instauration d'un régime sui generis empêche l'accès aux données et fasse monter les prix en flèche, ce qui est contraire à l'intérêt public.

+-

    Mme Wendy Lill: Revenons à l'exemple qui vient d'être cité à propos de cette personne qui aurait perdu le travail de toute une vie. Qu'en pensez-vous? Cela vous préoccupe-t-il qu'elle n'en soit plus maître? Vous estimez que nous assistons à une dérive mercantiliste, mais que pensez-vous de cette personne? Selon vous, est-ce un problème de commercialisation ou de droit de propriété que possède un individu sur la base de données qu'il a créée?

+-

    M. Paul Jones: Je ne suis pas sûr. Je ne connais pas tous les détails de cette affaire. On nous a raconté une histoire convaincante, mais il y a peut-être une autre version des faits. Il me semble que les Belges commettent une erreur. À ma connaissance, il y a réciprocité pour la protection des droits d'auteur et, dans ce cas, ce matériel devrait être protégé en Belgique tout comme il le serait au Canada. De plus, je pense que cela ne se limite pas au Canada. Les États-Unis n'ont pas adhéré à ce type de régime sui generis et l'industrie des bases de données ne s'est pas effondrée pour autant. Une fois encore, permettez-moi de vous mettre en garde contre toute précipitation.

»  +-(1705)  

+-

    Mme Jacqueline Hushion: Il y a actuellement un projet de loi devant le Congrès concernant la protection des bases de données. Il se peut qu'un deuxième soit déposé devant une autre chambre prochainement.

    Dans ce cas-ci, il s'agissait du travail de toute une vie et le créateur de cette base avait beaucoup investi dans son projet. Il recevait de l'argent des annonceurs qui faisaient de la publicité sur le site qui abritait sa base de données. Mais maintenant, il ne reçoit plus rien de ceux qui s'annonçaient au moyen de bannières publicitaires ou qui lançaient des messages en boucles sur sa base de données puisqu'il n'a plus de base de données ou, comme l'a dit Roanie, de visiteurs qui s'y intéressent. Il n'existe plus de base de données canadienne sur Vermeer qui soit digne d'intérêt.

+-

    Mme Catherine Campbell: Pour être claire, je ne pense pas que notre préférence irait au régime de protection sui generis. Nous préférerions un amendement législatif adéquat à la Loi sur le droit d'auteur qui porterait sur le champ d'application de la loi, avec tous les accès existants, les protections pour utilisation équitable, etc., autant de concepts qui ne cadrent pas aisément avec le régime sui generis. Nous préférerions donc clairement que cette question relève de la Loi sur le droit d'auteur.

+-

    M. Paul Jones: Il se peut que nos organisations trouvent un terrain d'entente à ce sujet. Ce qui nous préoccupe vraiment, c'est le régime sui generis.

+-

    Le vice-président (M. John Harvard): Merci.

    Paul, vouliez-vous...

+-

    M. Paul Bonwick: Je vous remercie.

    Par où commencer? Je tiens à corriger d'ores et déjà certaines perceptions erronées que j'ai relevées durant l'après-midi.

    Mais d'abord, merci à vous deux. J'avais oublié de le dire au début.

    Comme toute personne qui apprend, il est intéressant d'entendre, parfois, des points de vue très polarisés sur des questions particulières, mais je dirais que les deux groupes ont une motivation très semblable, en ce sens qu'ils veulent s'assurer que les gens puissent accéder aux créations. Contrairement à ce que pense peut-être M. Jones, le problème tourne essentiellement autour de l'argent, à savoir : s'agit-il d'un service gratuit; était-il censé être gratuit au départ ou a-t-on le droit d'exiger d'être payé pour donner accès à ce genre de choses? C'est sous cet angle-là que j'examinerais la question.

    Voyons d'abord l'aspect financier, les coûts que doivent assumer notre système scolaire, les établissements d'enseignement ou les pays du tiers-monde. Ma première question est la suivante : ces coûts sont-ils si exorbitants que le système éducatif ne pourrait y faire face ou que les centres d'enseignement dans des pays en voie de développement ne pourraient les supporter?

    Avant de vous laisser répondre, j'aimerais aussi aborder la question des soi-disant formalités administratives. À l'appui des observations de M. Weiner, je dirais que la conclusion que pourrait tirer le comité de tout ceci est que si nous choisissons cette voie, nous assisterons à un alourdissement excessif des formalités. À part cette nouvelle expression que j'ai apprise aujourd'hui : « le moment propice à l'apprentissage », y a-t-il quelque chose qui nécessite des heures, des jours ou des semaines de travail pour comprendre cela, qu'il faut trouver ce moment unique dans la journée où quelqu'un est prêt à apprendre? En quoi est-ce une formalité administrative?

    La dernière question est la suivante : Quel est le coût précis d'une telle initiative? Quelqu'un peut-il me dire à combien elle se chiffre, grosso modo? J'imagine que cela fera l'objet de négociations, mais donnez-moi une idée du montant que cela pourrait représenter. Est-ce 1 milliard, combien cela représente-t-il par étudiant, 1 ou 100 $? Mettez-moi sur une piste.

    Je vous laisse répondre à ces trois questions.

+-

    Mme Roanie Levy: Je commencerai par la dernière question concernant les coûts. Cela me permettra peut-être de répondre en même temps à la première question posée.

    Comme vous l'avez souligné, il y aurait une négociation à laquelle participeraient certaines des personnes assises autour de cette table. Je ne peux donc vous dire exactement quel serait ce coût. Néanmoins, je vais essayer de vous donner une idée du montant approximatif que cela représenterait.

    Prenons notre permis—et vous pouvez facilement imaginer que ce serait quelque chose de semblable à ce permis—, au niveau élémentaire, le coût par étudiant pour avoir accès pendant une année à des documents imprimés est de 2,20 $. Au niveau postsecondaire, ce même coût est évalué à 3 $.

    Replaçons les choses dans leur contexte : pour un étudiant de niveau postsecondaire, 3 $ équivaut au prix de deux cafés au Second Cup—même si ce ne sont pas des cappuccinos. Au niveau élémentaire, pour une école de, disons, 1 000 élèves, cela représente environ 2 200 $ pour l'ensemble de l'établissement.

    Je ne sais pas exactement à combien s'élèvent les budgets scolaires, mais je parierais que ce montant est nettement inférieur à ce que dépensent les écoles pour l'entretien de leur pelouse. Ce n'est donc pas si cher payer pour accéder au monde de la littérature et des oeuvres imprimées.

»  +-(1710)  

+-

    M. Paul Bonwick: Formalités administratives.

+-

    Mr. Roanie Levy: Actuellement, dans le monde de l'imprimerie, on peut penser que les formalités administratives sont assez semblables à ce que l'on retrouve dans le monde du numérique. Nous négocions les permis, voilà tout. Les étudiants qui le souhaitent peuvent ensuite se rendre à la bibliothèque pour photocopier les documents dont ils ont besoin. Rien de plus. Il n'y a aucune formalité administrative. Une fois que le permis est accordé, il est valable pour tous. Il n'est désormais plus nécessaire de s'occuper des droits pour chaque étudiant. Vous pouvez utiliser le permis comme bon vous semble. C'est aussi simple que cela.

+-

    M. Paul Bonwick: J'aimerais que MM. Weiner et Jones m'expliquent quelque chose au sujet du concept de «gratuité» car je crois que nous visons tous le même objectif. Il s'agit simplement de trouver un juste milieu. Il y a des gens, que ce soit dans le cadre du système éducatif structuré ou à titre individuel, peut-être comme nous autres, qui peuvent produire des documents qu'ils aimeraient rendre publics. Ils souhaiteraient le faire à titre gracieux, si je puis me permettre d'utiliser cette expression.

    Ce que je trouve difficile, c'est de définir le domaine public et la notion de gratuité. Si je décidais d'écrire mes mémoires et d'y parler de la bêtise dont j'ai été témoin certains jours—sauf aujourd'hui—durant mes sept années de carrière politique, j'aimerais que les Canadiens puissent y avoir accès. Je n'apprécierais pas de retrouver d'ici cinq ans des extraits de mes mémoires dans le livre d'un journaliste politique qui empocherait 100 000 $ pour son oeuvre.

    Je ne veux pas que Susan Delacourt lance son livre cet après-midi. Si quelqu'un a écrit ses mémoires il y a cinq ans et qu'elle reprend une partie considérable de ces mémoires, je pense que la personne concernée aurait son mot à dire. Voulait-on que cette personne inclue ses mémoires dans une publication pour gagner beaucoup d'argent? Aidez-moi à comprendre cette notion de «gratuité».

+-

    M. Paul Jones: Je dirais que les gens doivent faire des choix. Le monde de l'enseignement a tiré un trait clair qui définit essentiellement des mesures de protection technologique. Si vous diffusez quelque chose sur Internet qui n'est pas protégé, quel qu'en soit le motif, n'importe qui pourra s'en emparer. Nous voulons que soit clairement énoncée l'intention d'accéder à tel ou tel document gratuitement ou pas. Selon nous, si un document n'est pas protégé ou déclaré, c'est parce que son auteur ou son propriétaire y donne libre accès. Voilà où doit être établie la limite à notre avis.

+-

    M. Paul Bonwick: Le dernier point que j'aimerais éclaircir concerne une déclaration relative à... Je pense que M. Jones a utilisé l'exemple de Walt Disney. Cela ne concerne pas les créateurs, mais plutôt des sociétés multimilliardaires. Je pars du principe que les créateurs sont au coeur du processus. J'aimerais que les représentants d'Access Copyright me disent si la plupart de leurs membres sont des sociétés multimilliardaires. Je voudrais qu'ils nous donnent des précisions à ce sujet. Représentent-ils AOL ou Time Warner?

+-

    Mme Roanie Levy: À proprement parler, la majorité de nos membres sont des créateurs, des auteurs, des illustrateurs, des photographes; ils sont 5 500 au Canada et leur nombre va grandissant. Puis il y a les éditeurs de livres, de magazines et de journaux. Parmi eux, il y a une poignée de multinationales. Tous les autres sont de modestes éditeurs canadiens. Voilà qui nous représentons.

»  +-(1715)  

+-

    M. Harvey Weiner: Si je puis me permettre, j'aimerais revenir brièvement sur votre première observation. Je pense que nous passons à côté d'un principe philosophique de base que Paul et moi avons énoncé dans notre présentation initiale et selon lequel il convient de ne pas perdre de vue l'essence même de la Loi sur le droit d'auteur.

    Je ne crois pas—et il me semble que plusieurs membres du comité partent de ce principe—que la Loi sur le droit d'auteur existe strictement pour le bénéfice des créateurs. Si c'est bien du domaine public et de l'intérêt général dont nous parlons, alors la solution—et je dois y revenir—n'est pas d'émettre un permis couvrant chaque aspect du matériel protégé par un droit d'auteur; c'est une perversion et une distorsion de l'intention de la loi. C'est une déformation de la décision de la Cour suprême rendue dans l'affaire à laquelle j'ai fait référence.

    Il me semble que c'est ce que nous devons faire compte tenu de toutes les difficultés—et nous avons essayé de les corriger—associées à la définition de ce qui est gratuit et accessible à tous, sans aucune tentative de la part du créateur d'obtenir une quelconque compensation. Le mécanisme approprié ne consiste pas à négocier le fait que l'air est gratuit et décider qu'on va vous donner une allocation pour cet air que vous respirez.

+-

    M. Paul Jones: J'aimerais également revenir sur un autre excellent point que vous avez soulevé et qui concerne la distinction entre les propriétaires de matériel protégé par un droit d'auteur et les créateurs de ces oeuvres.

    Aux États-Unis, la Writers' Union conclut des alliances intéressantes avec les utilisateurs comme, par exemple, les bibliothèques. Elle détermine une série d'intérêts communs entre les créateurs et les utilisateurs, par opposition aux gros éditeurs. Je crois qu'il existe des signes avant-coureurs d'une telle tendance au Canada également.

    Je sais, en tant que membre fondateur d'Access Copyright que les créateurs se préoccupent de la façon dont fonctionne cette organisation.

+-

    Le vice-président (M. John Harvard): Merci.

    La parole est maintenant à Mme Allard, suivie de M. Shepherd, et ce sera peut-être tout.

[Français]

+-

    Mme Carole-Marie Allard (Laval-Est, Lib.): Bonjour. Je m'excuse d'avoir dû sortir, mais on avait besoin de moi pour voter au Comité des langues officielles, et c'était un vote important. Je m'excuse de mon absence.

    Je ne sais pas si on en a discuté pendant que je n'étais pas là, mais ce que je perçois, du moins de la part de Mme Levy, c'est que vous considérez que les sociétés de gestion fonctionnent très bien actuellement. Vous aimeriez étendre un peu votre emprise sur Internet. Donc, vous parlez--et je pense que Mme Hushion en a aussi parlé--de collective licensing. Je perçois aussi que vous voudriez qu'il y ait une présomption dans la loi, pour éviter qu'il y ait des poursuites contre vous quand il y a des choses qui se passent. Au fond, c'est un peu comme une formule Rand: tous les gens sont représentés par des sociétés de gestion, il y a une présomption que tout est fait de bonne foi et s'il arrive quelque chose, c'est à celui qui invoque le droit de prouver qu'il y a eu effectivement...

    Est-ce que j'ai raison de penser que c'est de cette façon que vous voulez fonctionner?

+-

    Mme Roanie Levy: Pas tout à fait. Si je peux reprendre ce qu'on demande, je dirai que le régime des sociétés collectives opère effectivement très bien présentement quand on a affaire au papier. Le problème, c'est que lorsqu'on a affaire au monde digital, les situations se compliquent, surtout par rapport à notre responsabilité, et cela se complique justement parce qu'une reproduction électronique est une reproduction parfaite, qui est peu coûteuse et qui peut être distribuée dans le monde entier de manière immédiate et très répandue. Alors, notre responsabilité est beaucoup plus étendue.

    Alors, ce qu'on propose, c'est un régime qui ferait en sorte que lorsqu'on aura déjà obtenu un certain nombre critique de droits, la présomption soit qu'on aura inclus dans notre répertoire toutes les autres oeuvres qui sont de la même catégorie.

+-

    Mme Carole-Marie Allard: Vous voulez dire quand vous aurez, par exemple, une masse critique de créateurs.

+-

    Mme Roanie Levy: C'est ça.

+-

    Mme Carole-Marie Allard: D'accord, je comprends.

+-

    Mme Roanie Levy: Et là, le régime serait étendu. En faisant cela, on est capable, à ce moment-là, d'octroyer des licences qui constituent des couvertures complètes, ce qui permet aux utilisateurs d'accéder à beaucoup plus d'oeuvres et réduit les coûts associés, de même que notre responsabilité. Cela ne veut pas dire qu'on n'aurait aucune responsabilité. La Commission du droit d'auteur est sur place pour s'assurer, justement, qu'on fait ce qu'on doit faire de manière responsable.

»  +-(1720)  

+-

    Mme Carole-Marie Allard: Mme Hushion, M. Bonwick est un peu inquiet de voir ses oeuvres reproduites, de voir quelqu'un faire de l'argent avec des oeuvres qu'il aurait publiées, mais je pense que même aujourd'hui, un journaliste peut très bien citer un extrait de mon livre--cela s'est déjà fait--, en autant qu'il me donne la référence. On est d'accord là-dessus.

    Ce sur quoi je voudrais revenir, par contre, c'est que dans votre mémoire, vous dites que vous êtes d'accord pour la licence collective, mais que les éditeurs doivent continuer d'avoir le droit de guider la société de gestion. C'est cela?

    En tant qu'auteur, je peux vous dire que je ne suis pas d'accord là-dessus, parce que lorsqu'un éditeur nous a publié une fois, il se fiche pas mal de nous ensuite. Alors, quand cela fait dix ans qu'un livre est publié, je préfère avoir une société de gestion collective qui s'occupe de mes droits plutôt que d'avoir toujours à passer par mon éditeur.

    Comment réagissez-vous à cela?

[Traduction]

+-

    Mme Jacqueline Hushion: C'est un bon point et je ne voulais pas nécessairement parler de l'éditeur à l'exclusion de l'écrivain ou de l'éditeur seulement. J'aurais peut-être dû dire le « détenteur de droits ». Par exemple, lorsqu'Access Copyright négocie une licence collective avec l'Association des universités et des collèges du Canada pour chaque étudiant au pays, des représentants des détenteurs de droits sont à la table pour s'assurer que ce qu'Access Copyright met dans la licence est conforme aux intérêts des créateurs et des producteurs.

    Access Copyright et nous nous appuyons beaucoup mutuellement, mais il y a aussi des tensions normales et naturelles étant donné que c'est une tierce partie représentant les intérêts de vos détenteurs de droits. C'est simplement une question de freins et de contrepoids.

+-

    Mme Carole-Marie Allard: Mais le créateur est l'auteur et non l'éditeur.

+-

    Mme Jacqueline Hushion: C'est absolument exact, mais il arrive souvent, dans ce type de négociations, que les auteurs défendent leurs intérêts devant leur éditeur et l'argent qu'Access Copyright donne à l'éditeur est partagé avec le créateur selon les termes d'un contrat signé entre ces deux parties. C'est donc sur ce contrat avec l'éditeur qu'on se fonde.

+-

    Mme Carole-Marie Allard: Permettez-moi de vous dire que lorsque nous signons une entente pour la publication d'un livre, l'auteur n'a pas beaucoup de choix.

+-

    Mme Jacqueline Hushion: Je n'ai rien à dire là-dessus, mais je peux vous affirmer que si vous avez signé un contrat avec un éditeur dans lequel il est stipulé que vous avez droit à 25 ou à 100 p. 100, lorsqu'Access Copyright enverra le chèque à votre éditeur, si votre contrat dit que vous avez droit à 25 p. 100, l'éditeur vous donnera 25 p. 100, et si c'est 100 p. 100, vous obtiendrez 100 p. 100.

+-

    Mme Carole-Marie Allard: Mais êtes-vous d'accord pour reconnaître qu'après une certaine période... disons que j'ai publié un livre en 1990—c'est-à-dire il y a 13 ans—et que je n'ai eu aucune nouvelle de mon éditeur depuis neuf ans. Êtes-vous prête à accepter qu'après un certain nombre d'années, il ne devrait plus y avoir de licence collective avec les éditeurs?

+-

    Mme Jacqueline Hushion: Je crois que vous voulez que le droit d'auteur revienne au créateur, et beaucoup d'éditeurs font cela. C'est effectivement ce qui arrive lorsqu'on décide de ne pas publier une nouvelle édition ou quelque chose du genre. Tous les droits reviennent à l'auteur et, dans ce cas, c'est à lui de mener les négociations.

+-

    Le vice-président (M. John Harvard): Il ne nous reste que quelques minutes.

    Monsieur Shepherd.

+-

    M. Alex Shepherd: Je vais essayer d'être bref.

    Il me semble que ce sur quoi nous discutons, c'est le pouvoir d'Internet, et le problème, quand on est créateur, c'est qu'on veut y avoir accès pour promouvoir ses oeuvres. Beaucoup de députés, par exemple, ont des sites Web. J'écris une colonne chaque semaine. J'aimerais penser que les gens prennent mes articles. Par conséquent, nous essayons de promouvoir notre travail et je suis sûr que certains de vos gens veulent faire la même chose. Ma théorie est la suivante: si vous ne voulez pas être copié, vous restez en dehors, mais ce serait malavisé d'agir ainsi car personne ne vous connaîtrait.

    Là est donc le coeur du problème, n'est-ce pas? Toute la question est de savoir où tracer la ligne. Vous voulez être présent sur Internet et promouvoir vos réalisations, mais ce faisant vous donnez libre accès à une partie de votre travail. Puis vous dites: «eh bien, maintenant que vous avez eu accès gratuitement à ces documents, nous voudrions tirer ces...»

    Plusieurs de vos commentaires ont attiré mon attention. Vous avez dit que vous alliez envoyer un chèque de 604 $ ou je ne sais combien. Tout le monde est-il payé de la même manière?

»  +-(1725)  

+-

    Mme Roanie Levy: Cela dépend. La distribution des redevances est fixée par notre conseil. Celui-ci est constitué de 19 membres—dont la moitié sont des créateurs et l'autre moitié des éditeurs. Ce sont eux qui déterminent comment seront réparties les redevances.

    L'argent qui provient de différents secteurs est distribué différemment car les travaux utilisés varient selon le milieu. Par exemple, les redevances pour l'enseignement postsecondaire seront distribuées d'une façon et celles provenant du gouvernement d'une autre.

+-

    M. Alex Shepherd: Mais cela dépend de la source de financement. Imaginons que je sois comme Margaret Atwood et que tout le monde se rue sur mes travaux. Obtiendrai-je davantage d'argent que...

+-

    Mme Roanie Levy: Si nous avons la preuve que vos oeuvres sont copiées, et certaines de nos licences exigent de répertorier les oeuvres copiées—ou si nous procédons à un échantillonnage, par exemple, dans 12 écoles, pour voir ce qui est copié... Et s'il s'avère que ce sont les oeuvres de Margaret Atwood qui sont visées, celle-ci obtiendra plus qu'un autre...

+-

    M. Alex Shepherd: Enfin, nous avons parlé de la prolongation de la durée du droit d'auteur. Je crois que celui-ci s'étend jusqu'après le décès de l'auteur ou dure plus de 50 ans. Vous avez dit que les gens vivaient plus vieux. Cet argument ne rejoint-il pas le mien en ce sens que si j'écris une oeuvre à l'âge de 45 ans et que je vis jusqu'à 95 ans, ce qui représente 50 ans, la durée de validité du droit d'auteur est plus longue si les gens vivent plus longtemps?

+-

    Mme Roanie Levy: Effectivement, mais vos enfants vivront aussi plus vieux. Voilà la raison.

+-

    Le vice-président (M. John Harvard): Avant que vous ne partiez, j'aimerais savoir si quelqu'un veut donner rapidement son avis sur le fait qu'il y ait deux ministères fédéraux responsables de la réforme de la Loi sur le droit d'auteur. Estimez-vous qu'un seul suffirait, que ce soit celui du Patrimoine ou celui de l'Industrie?

    Monsieur Weiner.

+-

    M. Harvey Weiner: Eh bien, comme je l'ai dit de manière générale au début, en parlant de la difficulté d'élaborer ce que j'appellerais une politique cohérente, il me semble—et je ne sais pas si c'est ce qui se passe au Cabinet—que ce type d'initiative requiert la participation de plusieurs ministres.

    Personnellement, je n'ai rien contre le partage des responsabilités. En ce qui concerne le volet commercial... et j'espère que c'est le ministère du Patrimoine qui s'occupera de la question relative à l'intérêt public, même si j'ai parfois des doutes sur l'importance que l'on attribue à cet élément.

    Mais il faut espérer que les tensions existant entre ces deux ministères ou les travaux accomplis permettent de révéler enfin toutes les complexités du problème.

+-

    Le vice-président (M. John Harvard): Madame Levy, voulez-vous faire un commentaire?

+-

    Mme Roanie Levy: Oui, il y a tellement de points de vue divergents au sujet du droit d'auteur qu'il ne fait aucun doute dans mon esprit que les deux ministères concernés ont aussi des opinions différentes sur la question, et le fait que les deux soient engagés dans le processus contribue à rendre la réforme plus complexe et plus laborieuse.

    Si un seul ministère était responsable de la réforme sur le droit d'auteur, je pense que le processus serait de beaucoup écourté et que nous pourrions probablement avancer bien plus rapidement. Par conséquent, je crois qu'il serait mieux qu'un seul ministère s'occupe du dossier.

+-

    Le vice-président (M. John Harvard): Par ailleurs, pensez-vous qu'il faille effectuer la réforme du droit d'auteur de manière progressive ou bien adopter une mesure en bloc?

+-

    M. Paul Jones: J'aimerais faire deux observations rapides.

    À propos de votre dernière remarque : cela peut sembler contre-intuitif, mais, à notre avis, le ministère de l'Industrie est beaucoup plus au courant des objectifs de la politique publique au sens large que Patrimoine Canada. Par conséquent, si on veut avoir une perspective plus étendue, ce ne serait pas une mauvaise chose que de faire intervenir le ministère de l'Industrie.

    En ce qui concerne la possibilité de procéder par étapes ou d'un seul coup, je crois que cela importe peu. Ce qui est important, c'est qu'à chaque étape on s'assure de trouver un équilibre entre la reconnaissance des droits des créateurs et les besoins des utilisateurs.

    Ce que nous voudrions vraiment éviter, c'est toute une série de mesures de resserrement de la Loi sur le droit d'auteur suivi, dans quelques années, ou peut-être jamais, de nouvelles exceptions.

»  -(1730)  

+-

    M. Harvey Weiner: Le projet de loi C-32 en est un parfait exemple.

+-

    Mme Jacqueline Hushion: Je suis d'accord avec vous, Harvey.

    Nous aimerions que la réforme sur le droit d'auteur permette à chacune des parties d'avoir suffisamment de temps pour pouvoir présenter plusieurs points en même temps. Je crois que le projet de loi C-32 nous a beaucoup appris et qu'il convient de ne pas répéter les nombreuses erreurs commises par le passé.

+-

    Mme Roanie Levy: Dans un monde idéal, je crois qu'on traiterait tous les problèmes d'un coup et que la question serait réglée en six mois. Mais étant donné que ce n'est pas le cas, je crois que nous n'avons d'autre choix que d'avancer progressivement et de veiller à établir les recoupements nécessaires entre les différents problèmes abordés.

-

    Le vice-président (M. John Harvard): Si nous procédons étape par étape, nous devrons fixer l'ordre des priorités.

    Eh bien tout ceci était très intéressant. Je vous remercie. Nous avons beaucoup apprécié vos interventions.

    La séance est levée.