Passer au contenu
;

HERI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent du patrimoine canadien


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 26 novembre 2002




¿ 0905
V         Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.))
V         M. Kenneth Goldstein

¿ 0910

¿ 0915
V         Le président
V         M. Marc-François Bernier (témoigne à titre personnel))

¿ 0920

¿ 0925
V         Le président
V         M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, Alliance canadienne)
V         Le président
V         M. Jim Abbott
V         Le président
V         La greffière du comité
V         M. Jim Abbott
V         M. Joseph Jackson (attaché de recherche auprès du comité)
V         M. Jim Abbott
V         M. Joseph Jackson
V         M. Jim Abbott
V         Le président
V         Le président
V         Le président
V         M. Matthew Fraser (témoignage à titre personnel)

¿ 0930

¿ 0935

¿ 0940
V         Le président
V         M. Ian Morrison (porte-parole, Friends of Canadian Broadcasting)

¿ 0945

¿ 0950
V         Le président
V         M. Bernard Courtois (conseiller exécutif, Bell Canada Enterprises)
V         Le président
V         M. Alain Gourd (vice-président exécutif de groupe, Services généraux, Bell Globemedia inc., Bell Canada Enterprises)

¿ 0955

À 1000
V         Le président
V         Mme Elizabeth McDonald (présidente-directrice générale, Association canadienne de production de film et télévision)

À 1005
V         Le président

À 1010
V         M. Kenneth Goldstein
V         Le président
V         M. Jim Abbott
V         M. Kenneth Goldstein
V         M. Jim Abbott
V         M. Kenneth Goldstein
V         Le président
V         M. Jim Abbott
V         M. Ian Morrison

À 1015
V         Le président
V         M. Matthew Fraser
V         Le président
V         Mme Jocelyne Girard-Bujold (Jonquière, BQ)

À 1020
V         M. Marc-François Bernier
V         Mme Jocelyne Girard-Bujold

À 1025
V         Le président
V         M. Marc-François Bernier
V         Le président
V         M. Alain Gourd
V         Le président
V         M. John Harvard (Charleswood—St. James—Assiniboia, Lib.)

À 1030
V         M. Matthew Fraser
V         M. John Harvard
V         M. Matthew Fraser
V         M. John Harvard
V         M. Matthew Fraser
V         M. Ian Morrison

À 1035
V         Le président
V         M. Kenneth Goldstein
V         Le président
V         Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.)
V         M. Ian Morrison
V         Mme Sarmite Bulte
V         M. Ian Morrison

À 1040
V         Mme Sarmite Bulte
V         M. Ian Morrison
V         Mme Sarmite Bulte
V         M. Ian Morrison
V         M. Matthew Fraser
V         Le président
V         M. Marc-François Bernier
V         Le président
V         M. Marc-François Bernier

À 1045
V         Le président
V         Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD)
V         Le président
V         Mme Wendy Lill
V         Le président
V         M. Kenneth Goldstein

À 1050
V         Mme Wendy Lill
V         M. Kenneth Goldstein
V         Le président
V         M. Matthew Fraser
V         Le président
V         M. Marc-François Bernier

À 1055
V         Le président
V         M. Alain Gourd
V         Le président
V         M. Rodger Cuzner (Bras d'Or—Cape Breton, Lib.)
V         Le président
V         M. Rodger Cuzner
V         Le président
V         M. Rodger Cuzner
V         M. Kenneth Goldstein

Á 1100
V         Le président
V         M. Alain Gourd
V         Le président
V         M. Marc-François Bernier
V         Le président
V         M. Rodger Cuzner
V         M. Matthew Fraser
V         Le président
V         Mme Betty Hinton (Kamloops, Thompson and Highland Valleys, Alliance canadienne)

Á 1105
V         Le président
V         M. Matthew Fraser
V         Le président
V         M. Kenneth Goldstein
V         M. Alain Gourd
V         Le président
V         M. John Harvard
V         Mme Sarmite Bulte
V         Le président
V         M. Marc-François Bernier
V         Le président
V         Mme Sarmite Bulte

Á 1110
V         Le président
V         M. Paul Bonwick (Simcoe—Grey, Lib.)
V         Le président
V         M. Paul Bonwick
V         M. Alain Gourd

Á 1115
V         M. Paul Bonwick
V         Le président
V         M. Marc-François Bernier
V         Le président
V         M. Kenneth Goldstein
V         Le président
V         M. Claude Duplain (Portneuf, Lib.)
V         M. Marc-François Bernier
V         M. Alain Gourd
V         Le président

Á 1120
V         Le président
V         M. Geoffrey Elliot (vice-président, CanWest Global Communications Corp.)

Á 1130

Á 1135
V         Le président
V         M. Geoffrey Elliot
V         Le président
V         M. Matthew Fraser

Á 1140

Á 1145

Á 1150
V         Le président
V         M. Bernard Courtois

Á 1155
V         Le président
V         M. Bernard Courtois

 1200
V         Le président
V         M. Bernard Courtois
V         Le président
V         Mme Elizabeth McDonald
V         Le président
V         Mme Elizabeth McDonald

 1205

 1210
V         Le président
V         M. Jim Abbott
V         Mme Elizabeth McDonald
V         M. Jim Abbott

 1215
V         M. Geoffrey Elliot
V         Le président
V         M. Matthew Fraser

 1220
V         Le président
V         Mme Jocelyne Girard-Bujold
V         M. Geoffrey Elliot
V         Mme Jocelyne Girard-Bujold
V         M. Geoffrey Elliot
V         Mme Jocelyne Girard-Bujold
V         M. Alain Gourd

 1225
V         Mme Jocelyne Girard-Bujold
V         Le président
V         M. John Harvard

 1230
V         Le président
V         M. John Harvard
V         M. Matthew Fraser

 1235
V         Le président
V         M. Alain Gourd
V         Le président
V         M. Alain Gourd
V         Le président
V         M. Alain Gourd
V         Le président
V         M. Geoffrey Elliot

 1240
V         Le président
V         Mme Elizabeth McDonald

 1245
V         Le président
V         M. Paul Bonwick

 1250
V         Mme Elizabeth McDonald
V         M. Paul Bonwick
V         Mme Elizabeth McDonald
V         Mr. Paul Bonwick
V         Le président
V         M. Paul Bonwick
V         Le président
V         M. Paul Bonwick
V         Le président
V         M. Bernard Courtois

 1255
V         Le président
V         M. Matthew Fraser
V         M. Alain Gourd
V         Le président
V         Mme Wendy Lill

· 1300
V         Le vice-président (M. Paul Bonwick)
V         M. Geoffrey Elliot
V         Le vice-président (M. Paul Bonwick)
V         M. Matthew Fraser

· 1305
V         Le vice-président (M. Paul Bonwick (Simcoe—Grey, Lib.))
V         M. Alain Gourd
V         Le vice-président (M. Paul Bonwick)










CANADA

Comité permanent du patrimoine canadien


NUMÉRO 005 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 26 novembre 2002

[Enregistrement électronique]

¿  +(0905)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)): La séance du Comité permanent du patrimoine canadien est ouverte.

[Français]

    Le Comité permanent du patrimoine canadien se réunit aujourd'hui, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, pour continuer son étude de l'état du système de radiodiffusion canadien.

[Traduction]

    Je tiens à expliquer à nos invités que je viens d'apprendre que 36 comités de la Chambre siègent aujourd'hui, si bien que les députés se trouvent à diverses séances de comité. Si nous réussissons à avoir le quorum nécessaire pendant un court moment, nous devrons peut-être interrompre notre séance pour discuter de deux motions, dont une qui concerne notre budget de fonctionnement qui doit être déposée au plus tard à midi aujourd'hui, sinon, nous n'aurons pas d'argent pour poursuivre nos travaux. Je vous demande donc votre indulgence. Je vous demande aussi votre indulgence si vous constatez que les rangs ne sont pas très fournis des deux côtés de la Chambre pour la raison que je viens de vous expliquer.

    Je tiens à souhaiter la bienvenue aux témoins qui participent à notre première table ronde sur la propriété croisée des médias: de CanWest Global Communications, M. Kenneth Goldstein, vice-président exécutif et principal responsable en matière de stratégie, et M. Geoffrey Elliot, vice-président des affaires de l'entreprise; à titre personnel, M. Marc-François Bernier, professeur à l'Université d'Ottawa, et M. Matthew Fraser, professeur en communications à l'Université Ryerson; du groupe Les Amis de la radiodiffusion canadienne, M. Ian Morrison, porte-parole; de BCE-Bell Canada Enterprises, M. Bernard Courtois, conseiller exécutif, et M. Alain Gourd, vice-président exécutif de Bell Globemedia; de l'Association canadienne de production de film et télévision, Mme Elizabeth McDonald, présidente-directrice générale, et M. Guy Mayson, premier vice-président, Opérations et services aux membres.

    Je vous souhaite la bienvenue à tous.

    Monsieur Goldstein, je vous demanderais de bien vouloir commencer.

+-

    M. Kenneth Goldstein (vice-président exécutif et principal responsable en matière de stratégie, CanWest Global Communications Corp.): Merci, monsieur le président, et bonjour, mesdames et messieurs les membres du comité et du personnel du comité.

    La question de la propriété croisée des médias est souvent liée à une autre question, à savoir la soi-disant concentration des médias. Pour bien vous situer dans tout cela, je voudrais vous parler brièvement de cette dernière question.

    Si je devais vous expliquer ce qu'il en est dans les termes les plus succincts possible, je vous dirais que l'argument selon lequel il y a concentration des médias au Canada en 2002 est un des premiers grands mythes du XXIe siècle. Cet argument se fonde sur une fausse prémisse statistique, à savoir que la part de marché d'une entreprise dans un médium en particulier peut être considérée dans le vide, sans égard à la place de ce médium par rapport aux autres médias ou par rapport à l'ensemble de la population ou au nombre de foyers desservis.

    J'ai remis à la greffière un exemplaire d'un petit rapport circonstanciel. Il est rédigé en anglais uniquement, malheureusement; quand il aura été traduit, vous pourrez tous en avoir copie. Je vais y faire brièvement allusion ici.

    En 1950, le Canada comptait 95 quotidiens et 150 stations de radio. Il n'y avait pas de station de télévision au Canada à cette époque, et il n'y avait, bien entendu, ni câble, ni satellite, ni Internet. Aujourd'hui, les Canadiens peuvent choisir parmi un total de 1 401 quotidiens, stations de radio et services de télévision canadiens. Sur les 102 quotidiens qui existent au Canada aujourd'hui, CanWest en possède 17. C'est le groupe le plus important en fait de tirage. Mais le tirage total de tous ces quotidiens ne représente que 12,9 p. 100 des foyers canadiens. Ce pourcentage est plus faible que le pourcentage semblable qu'avait le plus important groupe de quotidiens au Canada en 1950. Côté radio, la part d'audience du groupe le plus important est inférieure à 17 p. 100, d'après le CRTC. Toujours d'après le CRTC, la part d'audience côté télévision chez les anglophones est d'environ 18 p. 100 pour CTV et d'un peu moins de 15 p. 100 pour Global.

    Autrement dit, l'analyse statistique montre que l'argument de certains voulant qu'il y ait concentration ne tient tout simplement pas.

    Je voudrais maintenant répondre aux questions qu'a posées le comité sur la propriété croisée. Je tiens à féliciter le comité d'avoir bien précisé d'entrée de jeu que ces questions doivent être étudiées «dans le cadre de son examen du réseau de télédiffusion canadien». Je vais me conformer à l'esprit de cette directive. Voici les questions et mes réponses.

    Quelles sont les tendances récentes de la propriété des médias au Canada? Ces tendances montrent que les médias canadiens tentent de contrer les effets de la fragmentation en rassemblant divers éléments afin de maintenir leurs économies d'échelle. Cependant, comme le montrent clairement les données statistiques, quand on reconstitue un tout à partir d'éléments fragmentés, on obtient rarement la même part de marché que pouvaient avoir par le passé les entreprises à composante unique.

    Peut-on prévoir des changements particuliers dans un avenir rapproché? Dans un avenir rapproché, deux choses vont probablement se produire. Premièrement, les entreprises médiatiques vont tenter de s'assurer un portefeuille d'actifs mieux ciblés et vendront certains de leurs intérêts jugés non essentiels. Deuxièmement, la mise en oeuvre de nouveaux systèmes d'exploitation qui consomme énormément d'énergie va se poursuivre.

    Est-ce que la propriété croisée nuit à l'expression d'opinions divergentes? Non. Il n'y a rien dans la structure de la propriété croisée des médias qui a une incidence structurale sur l'expression d'opinions divergentes. C'est là une question, non pas de structure d'entreprise, mais de culture d'entreprise. Je tiens toutefois à signaler que Global a apporté une contribution importante à la diversité en lançant son journal télévisé Global National, avec Kevin Newman. Le nombre de journaux télévisés nationaux au Canada est ainsi passé de trois à quatre. Nous sommes bien sûr ravis que Global National occupe maintenant le deuxième rang parmi ces journaux télévisés.

    Est-ce que les changements de propriété des médias au Canada ont nui à l'indépendance de la rédaction? Non. Chaque entreprise de radiodiffusion du réseau Global a toujours son propre directeur des nouvelles qui détermine le contenu et la structure du journal télévisé en fonction de ce qu'il considère comme les besoins locaux ou nationaux. Je le répète, il n'y a aucun lien structurel entre la propriété croisée des médias et les décisions qui sont prises dans la salle de rédaction.

    Conséquences économiques de la propriété croisée... Cette question porte essentiellement sur la promotion. Si l'on entend par là que les divers médias appartenant au même groupe font de la propriété croisée, il va sans dire qu'il en est ainsi. Presque tous les médias le font—télé et radio de Radio-Canada, par exemple, CTV et le Globe and Mail, Global et le National Post, etc. Cela n'empêche toutefois pas un médium de faire de la publicité dans d'autres médias, et cela n'empêche pas les promotions conjointes sur des médias qui appartiennent à un autre groupe.

¿  +-(0910)  

    Leçons tirées à l'extérieur du Canada... Prévoyez-vous un mouvement de dé-convergence? Non. Les entreprises vont continuer à essayer de régler avec le plus de précisions possible leurs portefeuilles d'actifs et leurs systèmes d'exploitation, mais la convergence n'est pas près de disparaître. Elle ne va pas disparaître, à cause des économies d'échelle, et pour une autre raison très importante, à savoir que les consommateurs de demain, la génération Internet, sont des consommateurs multimédias. Nous devons être prêts à les servir.

    Quelles leçons peut-on transmettre aux entreprises médiatiques canadiennes? Dans certains cas, les entreprises canadiennes ont une longueur d'avance; dans d'autres, ce sont des entreprises étrangères. Bien entendu, nous suivons l'évolution dans tous les coins du monde.

    Que devrait faire le gouvernement fédéral? Que peut faire le gouvernement fédéral? Je vais répondre à ces deux dernières questions ensemble. Le gouvernement fédéral devrait faire deux choses. Premièrement, il devrait continuer à avancer dans la voie de la réforme du droit d'auteur et envisager même d'accélérer ce processus, car le droit d'auteur sera un élément fondamental de tout ce que font les radiodiffuseurs.

    Deuxièmement, le gouvernement fédéral devrait concentrer son effort de réglementation sur les grands enjeux qui façonneront l'échiquier télévisuel canadien au cours de la décennie à venir. En voici quelques-uns: distribution prioritaire de services canadiens dans un environnement numérique, normes pour les boîtiers adaptateurs et accès équitable aux guides électroniques de programme.

    Enfin, permettez-moi de souligner qu'il y a un élément très important qui est en jeu dans vos délibérations. Le Canada est un pays très vaste, mais c'est un petit marché. Le total des revenus de l'ensemble de l'industrie canadienne des médias, quelle qu'en soit la source, équivaut à peu près à trois ou quatre mois de revenus pour AOL Time Warner, ou à six ou sept mois de revenu pour Viacom.

    La propriété croisée des médias s'inscrit dans le souci de la valeur ajoutée et de l'amélioration de la qualité afin qu'il y ait des voix canadiennes dans un marché médiatique où les frontières s'estompent de plus en plus. Si nous divisons artificiellement le marché canadien des médias en des morceaux peu rentables, les médias canadiens ne pourront pas soutenir la concurrence avec les médias qui arriveront chez nous de partout, si bien que nous serons encore moins en mesure au bout du compte de présenter des idées et des thèmes canadiens aux Canadiens et au reste du monde.

    Merci.

¿  +-(0915)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Goldstein.

    Monsieur Bernier.

[Français]

+-

    M. Marc-François Bernier (témoigne à titre personnel)): J'aimerais vous remercier de l'occasion qui m'est offerte de vous entretenir assez brièvement, malgré tout, de l'impact de la convergence et, par la bande, de la concentration de la presse sur la qualité et la diversité du journalisme. Cette notion de qualité du journalisme, je tiens à le préciser, n'a rien d'élitiste. Elle est profondément ancrée dans les coutumes nord-américaines.

    Essentiellement, elle fait référence au service de l'intérêt public, au respect de la vie privée, et maintenant, de plus en plus, à l'obligation de vérité, de rigueur, d'équité et d'intégrité. Il y a partialité, dans certains cas, lorsqu'il s'agit de journalisme de compte rendu. Ce sont là en bref les notions de base du journalisme.

    Dans les quelques minutes qui viennent, je vais aborder une ou deux questions liées au questionnaire que vous nous avez soumis.

    D'abord, en ce qui concerne la propriété croisée au Canada, sur le plan strictement économique, il faut admettre que dans certains cas, elle s'est avérée une stratégie très coûteuse pour les actionnaires, la valeur des actions ayant chuté radicalement, notamment chez Quebecor. Certains ont utilisé une autre stratégie de convergence, qui, plutôt que de s'en remettre aux acquisitions et aux fusions, portait surtout sur les alliances stratégiques. Ce sont les stratégies retenues, notamment, par Transcontinental Media, au Québec, et Gesca, du Groupe Power Corp. Ainsi, plutôt que de faire des acquisitions, ils ont décidé de faire des alliances stratégiques avec divers fournisseurs de contenu ou fournisseurs de moyens de diffusion des contenus.

    Comme professeur en journalisme, ce qui m'intéresse surtout, c'est l'impact de la convergence sur la qualité de la presse et de l'information. La convergence ou, autrement dit, la concentration crée généralement--et plusieurs enquêtes l'indiquent--une forme de pression grandissante visant à rendre les contenus compatibles avec les plans d'affaires des conglomérats.

    Dans ce contexte, les journalistes sont fortement encouragés à être de bons serviteurs à l'égard de leurs employeurs plutôt qu'à être avant tout au service du public. Je ne prétends pas qu'ils ne le sont pas, mais selon moi, on les encourage à être avant tout de bons employés plutôt que de bons serviteurs du public. Cela les place souvent dans des situations de conflit de loyauté ou de conflit d'intérêts entre l'entreprise et le public qu'ils doivent servir, étant donné que certaines vérités importantes peuvent nuire aux intérêts de la corporation ou du propriétaire.

    Il existe aux États-Unis des résultats de recherche qui soutiennent certains arguments; je vous ferai donc parvenir dans les semaines qui viennent un document plus étoffé, comportant les références biographiques, bien sûr.

    On a vu, au Québec surtout, l'ampleur qu'a prise ce modèle de convergence. Chez Quebecor, par exemple, la promotion croisée des services ou des produits Quebecor déborde largement l'encadrement publicitaire, et on la retrouve de plus en plus à l'intérieur même des bulletins de nouvelles et de l'information. On voit souvent à la télévision des reportages ou des pseudo-reportages qui favorisent le contenu des émissions de divertissement de TVA et du Groupe Quebecor. On voit la même chose dans les journaux Quebecor, qui favorisent pour leur part les émissions de TVA .

    Je sais, pour y avoir travaillé plusieurs années comme journaliste, que chez Quebecor, la tradition est bien établie. À l'époque, une consigne exigeait toujours que les nouvelles favorables à Quebecor soient présentées en première page; il fallait les disposer avantageusement et bien les diffuser. Les nouvelles défavorables étaient soit renvoyées plus loin, soit gardées sous silence.

    Récemment, un employé de Canoë, le site Internet de Quebecor, me rapportait avoir été sévèrement rappelé à l'ordre par un des hauts dirigeants de Quebecor parce qu'on y avait diffusé des informations défavorables à Vidéotron, ce grand câblodistributeur québécois qui appartient également à Quebecor.

    Du côté du quotidien La Presse, qui est, au Québec, le principal quotidien de Gesca, on a pu observer aussi, en novembre 2000, un effet un peu suspect de la concentration et de la concurrence. Un grand débat sur la concentration a eu lieu au congrès de la Fédération professionnelle des journalistes, en novembre 2000, ce qui a donné lieu à nombre d'échanges intéressants. Le compte rendu qu'on en avait, le lendemain, dans le journal La Presse reflétait l'esprit des débats; le titre, cependant, se lisait ainsi: «Face à la concurrence, la concentration de la presse devient indispensable».

¿  +-(0920)  

Le titre ne reflétait que l'opinion du patron de La Presse, alors que tous les autres intervenants dans la salle s'étaient opposés à cela, dont M. Claude Ryan.

    J'invite les membres du comité à se méfier aussi de ce qu'on pourrait appeler un simulacre de diversité dans l'information, à la suite de la venue de l'Internet. Ce qu'on voit de plus en plus avec la venue de l'internet, ce ne sont pas de nouvelles sources d'information originales, mais de nouvelles façons de multiplier la même information, de la décliner sur plusieurs plates-formes, de la rendre plus accessible, mais sans qu'il y ait vraiment une diversité. On a plus un martelage et une répétition de la même information qu'une réelle diversité. Allez voir dans les nouveaux médias le nombre de journalistes qui vont vraiment sur le terrain faire de la couverture d'événements: il n'y en a pas ou peu. Ils ne font que reprendre les contenus acheminés par les médias traditionnels et ils le rediffusent d'une façon différente sur Internet en essayant d'aller chercher un encadrement publicitaire qui va rendre les choses rentables, ce qui n'est pas toujours le cas depuis que ça existe. La rentabilité des sites Internet est encore à démontrer.

    En conclusion, je dirai que je veux que vous reteniez que la convergence et la concentration ne constituent pas la seule menace à la qualité du journalisme. La culture journalistique a aussi beaucoup de tares et de défauts, notamment dans son manque de rigueur ou son manque d'équité, ou encore dans son incapacité à traiter l'information en profondeur. Donc, il ne faut pas tout mettre sur le dos de la convergence et de la concentration, mais ces phénomènes-là ajoutent au risque qui existe déjà ou qui pèse sur la qualité de l'information. Une des hypothèses à envisager, c'est qu'à long terme, cela va nuire à la légitimité sociale du journalisme et à sa crédibilité.

    Il y a des enquêtes américaines qui nous démontrent que l'appui du public envers la liberté de la presse varie en fonction de ses perceptions quant à la qualité et à l'intégrité du travail journalistique. De plus en plus, le public doute beaucoup du désintéressement tant des journalistes que des entreprises de presse. On voit de plus en plus que le public américain et canadien--mais les études sont moins nombreuses ici--met en doute la mission de service public des médias. Le public a bien compris que les médias étaient maintenant des grands conglomérats, des institutions politiques et économiques importantes.

    Je crois qu'il serait difficile de revenir à la situation antérieure, où il n'y avait pas cette convergence, mais ce qu'il faudrait faire, essentiellement, ce que pourrait faire un gouvernement à défaut de pouvoir rétablir la situation, serait au moins d'encadrer ou d'obliger ces grands conglomérats à se doter de mécanismes d'imputabilité journalistique, d'ombudsmans, de codes de déontologie, et à renforcer la transparence et l'imputabilité des médias en fonction du taux de l'accroissement de la concentration et de la convergence.

    Il faut aussi tenir compte de l'intérêt public dans cette dynamique. On ne peut pas aller jusqu'à intervenir dans le fonctionnement de la salle, mais on peut obliger les entreprises de presse à s'autodiscipliner. Elles doivent le faire. Elles le font aux États-Unis et elles sont plusieurs à le faire. Ce modèle doit être développé au Canada avec des ombudsmans crédibles, des conseils de presse, des codes de déontologie. Ce sont des mécanismes d'autoréglementation qui sont tout à fait compatibles avec le libéralisme économique et politique de nos sociétés démocratiques.

    Je vous remercie de votre attention.

¿  +-(0925)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Bernier.

    Avant que nous continuions,

[Traduction]

je dois demander l'indulgence de nos témoins pendant quelques minutes seulement, parce que nous avons maintenant le quorum et que nous devons faire approuver notre budget avant midi aujourd'hui.

    Je me dois de signaler aux membres du comité que le point deux concerne des contrats qui ont déjà été approuvés par le comité, alors nous ne pouvons pas les changer; ils ont déjà été approuvés.

    Oui.

+-

    M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, Alliance canadienne): J'ai trois petites questions.

    Premièrement, je suppose que les déplacements que nous comptons faire à l'étranger sont inclus dans un autre budget.

+-

    Le président: C'est juste, oui.

+-

    M. Jim Abbott: Deuxièmement, je ne vois pas de détails ici au sujet des honoraires de nos experts.

+-

    Le président: Vous pourriez expliquer ce qu'il en est?

+-

    La greffière du comité: Ces postes budgétaires sont inclus dans un autre budget.

+-

    M. Jim Abbott: Très bien.

    Troisièmement, j'aimerais avoir quelques précisions au sujet des 83 000 $ pour les rapports. Comment en est-on arrivé à ce montant?

+-

    M. Joseph Jackson (attaché de recherche auprès du comité): Quand nous avons discuté des rapports la semaine dernière—vous n'étiez en fait pas là à ce moment-là—, nous avons fait remarquer qu'il y a trois catégories de rapports. Il y a la catégorie A, qui est celle des rapports en noir et blanc; il y a la catégorie B, où la couverture est en couleur mais le reste en noir et blanc; et il y a la catégorie C, où l'on a davantage de possibilités d'inclure des graphiques, où l'on peut insérer au moins une ou deux couleurs, des photos en couleur, etc. À cette réunion où nous avons discuté des diverses possibilités, les membres du comité s'étaient entendus pour dire que c'est la catégorie C qui conviendrait le plus pour notre rapport.

+-

    M. Jim Abbott: Et ce montant comprend l'impression et la reliure?

+-

    M. Joseph Jackson: C'est ce qu'il en coûte pour faire imprimer le nombre d'exemplaires indiqué. Bien entendu, si le nombre d'exemplaires change, le prix change en conséquence.

+-

    M. Jim Abbott: D'accord, merci.

+-

    Le président: Je voudrais que quelqu'un propose la motion voulant que le comité adopte un budget opérationnel pour la période allant de novembre 2002 au 31 mars 2003. M. Harvard la propose.

    (La motion est adoptée)

+-

    Le président: Il y a un dernier point. Demain, nous accueillons des témoins du Programme d'accès des Autochtones du Nord à la radiodiffusion, et nous tiendrons une réception en leur honneur. Nous avons prévu un budget de 436,29 $ pour des fromages et des rafraîchissements. C'est de cela qu'il s'agit. Quelqu'un veut-il bien proposer la motion? Monsieur Bonwick.

    (La motion est adoptée)

+-

    Le président: Veuillez nous excuser pour cette interruption.

    J'invite maintenant M. Fraser à prendre la parole.

+-

    M. Matthew Fraser (témoignage à titre personnel): Merci, monsieur le président.

    Permettez-moi de débuter par une affirmation que certains trouveront peut-être controversée: je ne crois vraiment pas que la propriété croisée soit un problème. Mon système nerveux n'est pas fixé sur cette question, et je ne pense pas que le vôtre devrait l'être non plus. La propriété croisée est un fait. Elle existe.

    La propriété étrangère, dont nous allons discuter plus tard aujourd'hui, est une question bien plus passionnante. J'aurais beaucoup de choses à dire à ce sujet.

    Débattre de la propriété croisée, c'est finalement débattre de ses effets, parce qu'elle existe déjà. Il convient de se rappeler que la propriété croisée paraît souhaitable aux yeux des gouvernements. Le Congrès des États-Unis a décrété le recours à la propriété croisée en 1996, quand il a adopté la loi sur les télécommunications, qui ordonnait à la FCC, l'organisme de réglementation américain, d'éliminer les restrictions à la propriété aux États-Unis. Au Canada, le gouvernement fédéral a publié sa politique sur la convergence en 1996, politique qui a, elle aussi, donné ses lettres de noblesse à la propriété croisée. La propriété croisée est parfois désignée par le terme convergence. Il s'agit finalement de la même chose. Il s'agit d'entreprises médiatiques qui investissent dans de nouveaux secteurs de marché afin d'offrir un assemblage de différents services.

    Il convient de se rappeler aussi que la propriété croisée est différente de la propriété étrangère. Le contrôle par des intérêts étrangers n'existe pas au Canada, mais la propriété croisée y existe bel et bien. C'est un fait. Nous débattons en fin de compte de ses effets.

    Les exemples de propriété croisée que nous connaissons tous au Canada sont Rogers, qui a des intérêts dans la télévision par câble, les téléphones mobiles, la radio, la télévision, les magazines, les chaînes de télévision spécialisées, les équipes sportives comme les Blue Jays de Toronto et l'accès Internet, et BCE Inc. qui, par sa filiale Bell Canada, offre des services de téléphone, de téléphones mobiles et d'accès Internet, et qui possède le Globe and Mail, le Réseau de télévision CTV, ExpressVu et bien d'autres services.

    Aux États-Unis, il y a notamment AOL Time Warner, qui compte 13 millions d'abonnés du câble. Quand on sait que Ted Rogers en a 2 millions, on a une idée de la taille de ces entreprises américaines. Time Warner possède un réseau de télévision appelé WB Network. Comme vous le savez, elle possède CNN, les magazines Time, People et Sports Illustrated, la chaîne Home Box Office, le studio de cinéma hollywoodien Warner Brothers, le groupe de musique Warner et, bien entendu, AOL.

    La propriété croisée des médias est un fait. Elle fait partie de notre réalité. Ce dont nous débattons c'est de savoir si c'est là quelque chose de bien pour notre société.

    Je dirais—et je pense que nous serions tous d'accord là-dessus—que le débat sur la propriété croisée comporte généralement deux dimensions. Premièrement, il porte sur les effets économiques de la propriété croisée, notamment sur la concurrence. Deuxièmement, il porte sur ses effets sociaux, le principal thème du débat étant alors d'après moi le pluralisme, ou ce qu'on a tendance aujourd'hui à appeler la diversité.

    Permettez-moi de commencer par le débat économique sur la propriété croisée des médias. L'idée, c'est que la convergence, ou la propriété croisée, entraîne la concentration des médias—autrement dit, elle réduit la concurrence. Nous nous retrouvons avec des monopoles ou des oligopoles. En quoi cela est-il mauvais? Cela est mauvais pour deux raisons, il me semble. D'abord, cela encourage les grandes entreprises médiatiques à abuser de leur position dominante. Les grandes entreprises ont tendance à évincer les petites, dit-on. Elles adoptent aussi des stratégies d'intégration horizontale; autrement dit, elles se positionnent horizontalement de manière à prendre le contrôle d'autres entreprises exerçant leurs activités dans le même secteur, afin de réaliser des économies de gamme.

    Nous avons en l'entreprise Bell BCE, Inc. un exemple d'entreprise verticalement intégrée et en CanWest Global un exemple d'une entreprise horizontalement intégrée.

    Voilà la première raison pour laquelle la propriété croisée est indésirable. La seconde, c'est l'intégration verticale, qui encourage les entreprises médiatiques à faire des transactions intéressées, ou à favoriser les entreprises qui font partie de leur groupe. Ainsi, on pourrait dire que Rogers, parce qu'elle possède une chaîne de télévision appelée Sportsnet et les Blue Jays de Toronto, aurait tendance à offrir de préférence les droits de diffusion des matchs des Blue Jays à Sportsnet, au lieu de les offrir aux compétiteurs de Sportsnet, The Sports Network, qui est la propriété de CTV, ou Bell Canada. C'est là une des inquiétudes, à savoir que la concentration des médias incite à l'intégration verticale, qui incite aux transactions intéressées.

¿  +-(0930)  

    En quoi la convergence, la concentration ou la propriété croisée est-elle bonne? Elle est bonne pour deux raisons. Elle encourage ce que les économistes appellent les «gains d'efficience» de même que les économies d'échelle et de gamme. Autrement dit, les méga-entreprises, que nous appelons «champions industriels» au Canada, peuvent réaliser des économies d'échelle et de gamme et investir dans des produits médiatiques. Je crois que c'est essentiellement cet argument que présentait Ken Goldstein il y a quelques minutes.

    La propriété croisée est bonne aussi parce que les méga-entreprises médiatiques auxquelles elle donne naissance peuvent parfois faire preuve d'innovation. Cela se répercute sur la diversité de leurs produits. HBO aux États-Unis en est un excellent exemple. Je crois que la plupart des gens seraient d'accord pour dire que les meilleures productions de la télévision américaine de nos jours viennent de HBO. Il y a notamment The Sopranos et Sex and the City. J'essaie de penser à quelques-unes des autres émissions, mais c'est vraiment HBO qui est à la fine pointe de ce qu'il y a de meilleur en fait de télévision américaine de nos jours.

    HBO est la propriété de AOL Time Warner, une des plus grandes entreprises médiatiques au monde. Ce n'est pas une petite entreprise indépendante. Les grandes entreprises peuvent en fait encourager les gains d'efficience sur le plan économique et culturel. Ce sont les énormes conglomérats médiatiques qui, dans le monde la télévision ou de l'édition, sont à l'origine de certaines des oeuvres les plus novatrices et créatives, car les petites entreprises ne peuvent malheureusement pas réaliser les mêmes gains d'efficience.

    Passons maintenant au deuxième aspect du débat, qui est à mon avis le plus controversé, celui qui concerne les effets sociaux de la propriété croisée des médias. C'est surtout la question du pluralisme ou de la diversité qui alimente le débat. Au Canada, comme nous le savons tous, il est beaucoup question de la concentration des quotidiens avec CanWest Global et Izzy Asper. C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles nous discutons de cette question ici aujourd'hui, je crois.

    Il s'agit d'un débat très idéologique qui, chose intéressante, semble unir dans le même camp les libertariens et les marxistes qui s'opposent aux soi-disant «grands conglomérats médiatiques». C'est la propriété croisée de quotidiens et de chaînes de télévision qui semble retenir le plus l'attention, même si la propriété croisée ne se limite pas aux chaînes de télévision et aux quotidiens.

    Voici un bref historique. Aux États-Unis, la Federal Communications Commission, la FCC, a interdit en 1975 la propriété croisée entre chaînes de télévision et quotidiens. La FCC avait fondé sa décision sur deux arguments liés à la diversité. Le premier, c'était que l'interdiction encouragerait la diversité de la propriété dans l'industrie. Le deuxième, c'est qu'elle encouragerait la diversité des points de vue dans les industries médiatiques américaines, notamment la télévision et les quotidiens.

    Fait intéressant, la FCC a accordé une multitude de dérogations à cette interdiction. Autrement dit, l'interdiction visait plutôt l'avenir que le présent. Ainsi, la FCC a accordé quelque 29 dérogations à des entreprises existantes, qui possédaient déjà un ou plusieurs quotidiens et une ou plusieurs chaînes de télévision dans une même ville. Le propriétaire du Tribune, une grande entreprise américaine qui avait des intérêts dans les deux secteurs, a obtenu plusieurs dérogations. Nous savons tous qui est Rupert Murdock. Il possédait un quotidien et une chaîne de télévision à New York et à Boston, et je crois qu'il a lui aussi obtenu une dérogation.

    La politique américaine de 1975, même si elle était assez stricte, a été constamment affaiblie par l'octroi de dérogations permanentes à plusieurs conglomérats médiatiques.

    Puis, comme je l'ai déjà indiqué, en 1996, le Congrès américain, par sa loi sur les télécommunications, a ordonné à la FCC d'éliminer ses règles sur la propriété croisée. La loi ne faisait aucune mention de l'interdiction concernant les chaînes de télévision et les quotidiens, soit dit en passant, mais la FCC a bien compris le message.

    Comme vous le savez, cette année, la FCC s'empresse d'éliminer l'interdiction visant la propriété croisée de chaînes de télévision et de quotidiens. Le débat se poursuit à l'heure actuelle à Washington et dans les quotidiens américains. Tout donne à penser que la FCC, sous Michael Power, son président nommé par le gouvernement républicain, va lever l'interdiction sur la propriété croisée aux États-Unis.

    Au Canada, nous avons généralement une tradition du cas par cas. Je ne crois pas me tromper en disant que le CRTC a été plutôt indulgent en ce qui concerne la propriété croisée. Il y a eu une plainte à London, en Ontario, où la famille Blackburn possédait un quotidien et une station de télévision. Je crois que le CRTC a statué, en 1984, que rien ne permettait de conclure à une concentration excessive dans ce marché local en particulier.

    En 1994, Ted Rogers a acheté Maclean Hunter, ce méga-empire de l'édition, avec l'approbation du CRTC. Puis le vrai débat a débuté en 2000-2001, quand CanWest a fusionné avec Hollinger, et bien sûr quand BCE a acheté CTV et le Globe and Mail. La question s'est vraiment posée de nouveau et de façon incontournable. Le débat porte principalement sur la diversité des points de vue—autrement dit, sur l'indépendance de la rédaction.

¿  +-(0935)  

    Nous allons sans doute y revenir pendant la période de questions, mais je vous dirai très brièvement qu'à mon avis toute cette question de l'indépendance de la rédaction n'est qu'un moyen de détourner l'attention de la vraie question. L'indépendance de la rédaction existe en principe, mais pas dans la pratique.

    On n'a qu'à se rendre au Royaume-Uni, en France ou dans presque n'importe quel pays d'Europe pour se rendre compte que tous les journaux prennent des positions éditoriales très catégoriques et dures, qui sont celles de leurs propriétaires. Il en va de même au Canada et aux États-Unis. Il en va de même du Toronto Star, par exemple, dont la position éditoriale est dictée par les soi-disant «principes d'Atkinson». Il est beaucoup question du cas de CanWest Global. Je vais laisser au dirigeant de CanWest Global le soin de réagir à cela. Je dirais toutefois que ce n'est pas là la vraie question, même s'il vaut certainement la peine d'en discuter.

    En ce qui concerne la diversité en général, j'inviterais les membres du comité à venir à Ryerson, où j'enseigne, pour parler à mes étudiants, qui ont 18, 19, 20, 21 et 22 ans, et leur demander quels médias ils consomment. Le débat actuel est ni plus ni moins à mon avis un débat générationnel, et à 44 ans, je m'inclus dans la génération des plus vieux. Le plus souvent, les élites d'aujourd'hui sont aussi de cette génération, ou d'une génération encore plus vieille.

    Nous avons tendance à débattre de cette question dans l'optique de notre expérience à nous. Nous nous souvenons de la Commission Davey et de la Commission Kent. Nous devrions avoir dans cette salle des jeunes de 25 ans ou moins pour pouvoir leur demander quels médias ils consomment. Le Globe and Mail n'est pas leur principale source d'information, pas plus que le National Post. Ils ne regardent pas nécessairement le journal télévisé de Radio-Canada. Ils vont sur le Web. Ils consultent tous ces organes médiatiques d'une façon très fragmentée. Ils fonctionnent en mode multitâche. Ils vont à cnn.com. Ils vont à cbc.ca. Ils vont peut-être à nationalpost.com. Ou ils font leurs devoirs en regardant le journal télévisé.

    Les jeunes consomment les médias de façon très différente. Ils seront l'élite de demain. Je pense qu'il faut prendre en considération la façon dont la jeune génération consomme les médias et ne pas nous limiter à l'utilisation qu'en font notre génération, celle des gens d'âge mûr, ou encore les générations encore plus vieilles.

    Ils peuvent consommer les médias de cette façon à cause de l'immense diversité des médias. Nous ne vivons plus à l'époque des barons de la presse, où un baron britannique de la presse pouvait dicter et façonner l'opinion, peut-être comme le faisait le Globe and Mail il y a de cela une génération. Nous vivons dans un univers de 500 canaux. Internet a... Je n'ai qu'à aller sur le Web pour lire le plus récent numéro du Monde. Je peux y consulter le Guardian du Royaume-Uni—et bien d'autres journaux. Nous avons cette diversité grâce à la technologie.

    Prenons le cas des règlements adoptés il y a 20 ans qui semblaient légitimes à l'époque et qui ne le sont plus parce que nous pouvons contester leur bien-fondé dans le contexte d'aujourd'hui. On invoquait invariablement pour justifier cette réglementation, on n'a qu'à consulter les documents sur le sujet, la soi-disant «pénurie des fréquences». Les fréquences étaient une denrée rare, notamment pour la télévision. Nous n'avions que quatre ou cinq réseaux de télévision. Les journaux étaient peu nombreux. Il n'y avait qu'un journal qui façonnait l'opinion publique. Nous ne vivons plus à une époque de rareté.

    En conclusion, je dirais que l'argument de la soi-disant rareté ne peut plus de nos jours sous-tendre le principe de la diversité. J'ajouterais toutefois que l'État a un certain rôle à jouer pour ce qui est de corriger les déficiences du marché. Là encore, je dirais qu'il faudrait peut-être se tourner du côté de la Loi sur la concurrence, de notre Bureau de la concurrence.

    Aux États-Unis, comme vous le savez, le ministère de la Justice et les responsables de la législation anti-trust s'emploient avec beaucoup de ferveur à surveiller les déficiences du marché, comme l'intégration verticale ou la domination excessive. Au Canada, heureusement—je suppose que ce sera là un sujet dont nous pourrons débattre un autre jour—nous n'avons pas cette tradition. Nous n'avons pas cette même ardeur institutionnelle. Nous n'avons pas de lois qui donnent à nos institutions le pouvoir de véritablement s'attaquer aux déficiences du marché.

    Comme je l'ai dit, le CRTC a été plutôt indulgent. Nous avons toutefois le Bureau de la concurrence et nous avons la Loi sur la concurrence. C'est donc vers cette loi que nous devrions nous tourner pour assurer la surveillance et la mise en place de garde-fous contre la domination excessive du marché et les abus qui découlent de l'intégration verticale.

    Merci.

¿  +-(0940)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Fraser.

    Monsieur Morrison.

+-

    M. Ian Morrison (porte-parole, Friends of Canadian Broadcasting): Je commencerais, «Et maintenant un point de vue tout à fait différent».

[Français]

    Monsieur le président et membres du comité, je vous remercie d'avoir invité les Amis de la radiodiffusion canadienne à participer à cette table ronde sur la propriété croisée.

[Traduction]

    La Loi sur la radiodiffusion peut nous guider dans notre discussion d'aujourd'hui:

    

3(1)i) la programmation offerte par le système canadien de radiodiffusion devrait à la fois

(i) être variée et aussi large que possible

(iv) dans la mesure du possible, offrir au public l'occasion de prendre connaissance d'opinions divergentes sur des sujets qui l'intéressent

    Si moins de journalistes couvrent les événements et que l'influence de leurs vues et opinions accroît encore davantage l'intégration des salles de nouvelles de la télévision et de la presse, l'accès du public à des opinions divergentes va immanquablement en souffrir. Bien entendu, plus les puissants propriétaires presseront le citron et exigeront d'un bassin décroissant de journalistes de produire de la copie pour toutes leurs plates-formes différentes, deux choses vont se produire: la qualité du travail va en souffrir et il y aura moins de journalistes qui seront prêts à résister aux pressions des propriétaires au fur et à mesure que le nombre de portes auxquelles ils pourront frapper diminuera.

    Là où l'on autorise la propriété croisée des médias, les propriétaires devraient être tenus d'avoir des services distincts de collecte de nouvelles dans les stations de télévision et les journaux dans lesquels ils ont un intérêt financier.

    Nous constatons que l'Association canadienne des radiodiffuseurs n'est pas là ce matin. Comme je suis sûr que vous auriez souhaité entendre l'ACR sur un sujet comme celui qui nous occupe et connaissant l'intérêt de l'association pour le travail de votre comité, son absence ici aujourd'hui me donne à penser que les membres de l'ACR, dont deux seulement sont présents dans la salle, n'ont pas de position commune sur le sujet. Si nous ne savons pas ce que pensent les membres de l'ACR sur la concentration et la propriété croisée, nous savons cependant ce que pense le public.

    Vous vous souviendrez peut-être que notre groupe vous a fait part des résultats d'un sondage Ipsos-Reid il y a de cela quelques mois. Nous avions commandé à cette maison un sondage sur les enjeux relatifs aux médias. Je tiens à vous rappeler les opinions des Canadiens sur la concentration et la propriété croisée comme en témoignent les réponses qu'ils ont données à la question suivante du sondage Ipsos-Reid:

Comme vous le savez peut-être, il est question de la concentration accrue des médias. Par exemple, Bell Canada Enterprises possède maintenant le Globe and Mail et le réseau CTV, tandis que CanWest Global possède beaucoup de stations de télévision de même que des quotidiens comme le National Post. Quebecor est maintenant propriétaire de TVA, de Vidéotron et de plusieurs quotidiens. Cela étant, êtes-vous fortement en accord, quelque peu en accord, quelque peu en désaccord ou fortement en désaccord avec les affirmations suivantes:

    Les propriétaires de médias au Canada sont allés trop loin pour ce qui est d'injecter leurs opinions politiques à eux dans ce que disent leurs entreprises médiatiques et les reportages qu'elles présentent.

    Soixante-dix-huit pour cent des Canadiens sont d'accord avec cette affirmation.

    La concentration des médias mine la santé de la démocratie canadienne.

    Soixante-huit pour cent des Canadiens sont d'accord.

    Il y a trop de concentration des médias au Canada.

    Soixante-deux pour cent des Canadiens sont d'accord.

    Comme vous le savez peut-être, le gouvernement du Royaume-Uni a entrepris au cours de la dernière année de revoir sa politique en matière de communications; la politique a notamment fait l'objet d'un Livre blanc, d'audiences publiques tenues par un comité mixte des deux Chambres du Parlement et, récemment, d'un nouveau projet de loi sur les communications. Je dis récemment, mais c'était il y a une semaine. Voici ce que le comité mixte de la Chambre des communes et de la Chambre des Lords a dit au sujet de la concentration et de la propriété croisée:

Les limites à la propriété des médias sont là comme remparts pour assurer la pluralité des médias. La pluralité est considérée comme importante pour trois raisons:

    elle permet d'éviter qu'un particulier ou une société puisse limiter la liberté d'expression d'opinions dans une industrie qui est au coeur du processus démocratique;

    elle vise à assurer la pluralité des sources de nouvelles et d'opinions et à empêcher que le discours informationnel ne soit biaisé en faveur d'une option en particulier; et

    elle contribue à maintenir la diversité et la vitalité culturelles.

    C'est là une citation tirée directement du document que nous avons déposé, monsieur le président.

    Le document de fond qui accompagne l'avant-projet de loi—et nous en avons apporté des exemplaires que nous pourrons vous remettre—exprime le point de vue du gouvernement du Royaume-Uni selon lequel:

Une législation en matière de concurrence ne suffit pas à elle seule. Elle peut se pencher sur des questions de concentration, d'efficacité et de choix, mais elle ne peut pas garantir qu'un nombre suffisant de voix médiatiques différentes continueront à se faire entendre et elle ne peut pas répondre aux préoccupations relatives à la liberté journalistique ou à la voix collective.

¿  +-(0945)  

    Le gouvernement britannique a donc décidé que quiconque contrôle plus de 20 p. 100 du marché national de la presse ne peut détenir de licence pour le canal 3 ni avoir une participation de plus de 20 p. 100 dans un service du canal 3. Quiconque détient une licence régionale pour le canal 3 ne peut posséder plus de 20 p. 100 du marché local régional de la presse dans la même région.

    Le canal 3, c'est ce qu'on appelait autrefois ITV, dont vous avez sans doute entendu parler. C'est le véhicule qui est le plus largement accessible à la population du Royaume-Uni à l'échelle nationale et régionale, qui a le mandat de servir l'intérêt public mais qui est sous propriété privée. C'est à peu près l'équivalent de ce que nous considérons comme les principaux acteurs du monde de la télévision chez nous, comme TVA, CanWest et CTV.

    Les raisons invoquées par le gouvernement britannique pour justifier cette nouvelle politique sur la propriété croisée n'est pas sans intérêt pour l'étude de votre comité. Dans un document d'accompagnement du nouveau projet de loi sur les communications, que nous avons déposé auprès du comité, le gouvernement déclare que les nouvelles règles imposent

...des limites au marché à des points clés afin d'assurer la pluralité des voix à l'échelle nationale, régionale et locale. Le gouvernement est notamment d'avis que le fait d'avoir à la fois des intérêts importants dans la presse (le médium qui influence le plus l'opinion) et le canal 3... aurait pour effet de diluer la pluralité à un niveau inacceptable.

[Français]

    Alors, pourquoi ne pas adopter la règle 20-20 pour le Canada? Qu'en dites-vous? Les membres de notre organisme vous proposent de poser un regard sympathique sur cette nouvelle politique britannique. Merci, monsieur le président.

¿  +-(0950)  

[Traduction]

+-

    Le président: Merci, monsieur Morrison.

    Je cède maintenant la parole aux Entreprises Bell Canada, représentées par M. Courtois.

[Français]

+-

    M. Bernard Courtois (conseiller exécutif, Bell Canada Enterprises): Merci, monsieur le président. Sur ce premier sujet, M. Gourd va faire nos commentaires. Nous serons tous les deux prêts à répondre aux questions du comité. Quand nous en viendrons au deuxième sujet, soit la propriété étrangère, nous inverserons les rôles.

[Traduction]

+-

    Le président: Monsieur Gourd.

[Français]

+-

    M. Alain Gourd (vice-président exécutif de groupe, Services généraux, Bell Globemedia inc., Bell Canada Enterprises): Merci, monsieur le président. Pourquoi y a-t-il des préoccupations relativement à la propriété croisée dans les médias?

    À mon sens, ces préoccupations s'enracinent dans des transactions qui ont été approuvées en bonne partie par le CRTC. On peut mentionner évidemment le regroupement à l'intérieur de Bell Globemedia, de CTV et du Globe and Mail. On peut mentionner le regroupement au sein de Quebecor Média, de la principale entreprise de câble au Québec, Vidéotron, de la station et du réseau de télévision numéro un, TVA, et des principaux journaux, Le Journal de Montréal et Le Journal de Québec, du même groupe. On peut penser également à l'achat par CanWest Global de la chaîne de journaux Hollinger.

    En plus, à mon sens, il y a un autre type de transaction qui fait la lumière sur certaines interrogations en matière de propriété croisée, et ce n'est justement pas une transaction de propriété croisée. Je veux faire allusion au regroupement dans un médium, le médium de l'imprimé, d'un très grand nombre de journaux par une même corporation, mais c'est une deuxième question qui est distincte de celle de la propriété croisée comme telle, c'est-à-dire de la concentration à l'intérieur d'un même médium.

    Les transactions que j'ai évoquées ne sont pas sui generis. Elles ne sont pas arrivées un bon jour au Canada de façon isolée par rapport au reste du monde. On sait tous que, dans une large mesure, elles ont été inspirées par des transactions outre-frontière. On peut penser à AOL Time Warner et au Groupe Vivendi. On peut penser aussi à l'implication dans les contenus, dans la distribution des contenus, d'autres entreprises de téléphonie comme BCE, AT&T, qui a cherché à pénétrer le câble et, en Europe, Telephonica.

    Comme nous le disions au mois de mai devant ce comité, les forces qui ont poussé dans le monde et au Canada vers ces transactions continuent d'exister. Je pense à la technologie, entre autres la technologie numérique, qui progresse constamment. Et maintenant, on passe de l'utilisation du numérique dans la technologie de la radiodiffusion vers l'utilisation du numérique sur Internet pour appuyer les activités de radiodiffusion; on utilise même Internet pour transporter des produits entre Vancouver et Toronto. C'est plus pratique maintenant de faire ça que de les transporter par satellite quand on veut prendre un produit de Halifax, par exemple, et l'insérer au réseau de CTV.

    Il y a aussi évidemment la concurrence accrue--et je vais y revenir--, ainsi que la mondialisation qui se poursuit. Toutefois, l'évolution ultime de ce voyage, à mon sens, n'est pas claire parce que, d'un côté, certaines transactions font l'objet d'inquiétudes, comme l'évolution de AOL Time Warner, cela dans un contexte de baisse des valeurs boursières et de difficultés financières.

    Il y a aussi le Groupe Vivendi, dont on parle dans les journaux presque chaque jour. Dans ce cas, je pense qu'il s'agit moins de déconvergence que de vendre à peu près n'importe quel actif sous le soleil pour abaisser la dette. Alors, je ne vois pas là-dedans de stratégie de déconvergence. J'y vois une pression financière pour vendre n'importe quel actif au plus haut prix.

[Traduction]

    Par contre, beaucoup des entreprises dont j'ai parlé continuent à avancer dans la voie de la propriété croisée. Je peux encore là citer l'exemple de AOL Time Warner, qui poursuit sur cette lancée avec de nouveaux services dans l'espoir d'en arriver à un modèle commercial rentable. À plus petite échelle, on compte de nombreuses activités dans le monde qui sont axées sur la mise en oeuvre d'applications multimédias de nature concrète et pratique.

    Ainsi, à une conférence qui a eu lieu plus tôt ce mois-ci aux États-Unis, plusieurs entreprises du monde de la presse ont fait état de l'utilisation qu'elles font de sites Web pour attirer les jeunes lecteurs—comme vous l'avez dit, Matthew—qui ne lisent généralement pas les journaux.

    Je pense qu'une des principales préoccupations tient à la perception selon laquelle l'accroissement de la propriété croisée des médias a conduit à une réduction du nombre de voix médiatiques au Canada qui peuvent se prononcer sur des questions d'intérêt public. Cela ne s'est toutefois pas produit. De fait, les Canadiens ont maintenant accès à beaucoup plus de services médiatiques en provenance d'une multitude de sources qu'à n'importe quel autre moment de notre histoire, et ces services appartiennent à un nombre record d'organisations différentes.

    À preuve, le Rapport de surveillance de la politique sur la radiodiffusion que le CRTC a décidé il y a deux ans de publier chaque année pour faire le point sur l'évolution et les tendances de l'industrie de la radiodiffusion. Le dernier rapport a été rendu public la semaine dernière, le 20 novembre.

    Le CRTC a examiné de façon détaillée la question de la diversité des voix, à l'aide de nombreux indicateurs qu'il a suivis pendant une période où il y a eu accroissement du nombre d'entreprises canadiennes possédant plus d'un moyen de communication. Le CRTC a néanmoins conclu que «Dans la plupart des principaux marchés canadiens, de 1991 à 2001, on note une croissance importante du nombre de stations de radio et de télévision et de propriétaires de celles-ci.»

    D'où viennent les données qui étayent les conclusions du CRTC? Examinons tout d'abord le marché torontois. La Commission Kent s'est penchée sur la concentration des médias au début des années 80. À l'époque, le Canada comptait moins de 12 fournisseurs indépendants de programmation d'actualité et d'information. Il y avait notamment Radio-Canada et deux de ses stations affiliées privées; deux stations affiliées de CTV; les stations canadiennes exploitées par CHUM, Global, CHCH et TVO, de même qu'un service de télévision ethnique, CFMT. En outre, trois réseaux de télévision américains, ABC, NBC et CBS étaient présents dans le marché.

    En 2002, le nombre de sources de programmation d'actualité et d'information était devenu beaucoup plus important. D'après les données du CRTC, les consommateurs torontois, par exemple, peuvent choisir parmi un grand nombre de services offerts par les câblodistributeurs ou les services de radiodiffusion directe. Ils ont toujours accès aussi, bien sûr, à CTV, CBC, CHUM, Global, TVO et CFMT, et ils peuvent également capter le signal d'une nouvelle station traditionnelle de langue anglaise appelée Crossroads Television Services. Le CRTC a récemment accordé deux nouvelles licences de station traditionnelle à Toronto, une à Rogers, qui était déjà présent dans le marché, et l'autre à un nouvel arrivant, Craig.

    En outre, les consommateurs ont accès à un vaste choix de services canadiens spécialisés qui ciblent les marchés à créneaux de la programmation d'actualité et d'information. Ainsi, les Torontois ont maintenant accès 24 heures sur 24 à une multitude d'émissions d'actualité qui leur sont offertes par NewsWorld, CTV NewsNet, CPAC et la station câblée Pulse 24. Ils peuvent aussi recevoir des services spécialisés de ROBTv; des nouvelles du sport de TSN, Sportsnet et The Score; de même que des services ethniques de programmation d'information, comme Telelatino, Fairchild et Asian TV. Pour le point de vue des Autochtones du Canada, ils ont la chaîne autochtone APTN.

¿  +-(0955)  

[Français]

    Une progression similaire peut être notée dans le marché francophone. En effet, en 1982, il y avait fondamentalement trois services offrant de l'information aux téléspectateurs francophones. C'était Radio-Canada, Télémétropole (TVA) et Radio-Québec.

    En 2002, ce nombre a augmenté de façon significative. En effet, en plus de TVA, qui offre maintenant LCN, et de la SRC, qui offre RDI, il y a maintenant Télé-Québec, la nouvelle version de Radio-Québec, TQS, la télévision française de TVOntario, TFO, par satellite, le canal communautaire Canal Vox, la Téléuniversité et le Canal Savoir, le service international de TV5, et plusieurs services spécialisés comme ceux d'Astral et Canal Vie, qui offrent de l'information sous une forme ou une autre.

À  +-(1000)  

[Traduction]

    Quand on inclut la radio, la presse et les diverses voix qui sont offertes sur Internet, la gamme des sources indépendantes est, à mon avis, vraiment impressionnante. Les Canadiens sont les bénéficiaires directs de ces tendances. Ils ont beaucoup plus de services médiatiques que jamais auparavant, et ces services sont offerts par une vaste gamme d'entreprises—leur nombre est en fait plus élevé qu'il ne l'a jamais été dans toute notre histoire.

    Par ailleurs, les grands du monde des médias qui se sont lancés dans la voie de la propriété croisée—BCE, Bell Globemedia, Global, Québécor Média, Rogers et Shaw—tentent de se doter de nouveaux moyens de recueillir et de présenter les actualités et les informations aux Canadiens, chose qu'ils ne pourraient pas faire s'il n'y avait pas de propriété croisée des médias.

    Je peux vous donner un exemple—de notre expérience à Bell Globemedia, celui des bureaux à l'étranger. En mettant nos ressources en commun, nous pouvons assurer l'accès, notamment pour le Globe and Mail, à beaucoup plus de bureaux à l'étranger qu'il ne serait possible autrement.

[Français]

    Nous croyons, en fin de compte, que le cadre réglementaire actuel est sensible à ces questions, puisqu'il a permis, entre autres, l'application d'un mécanisme comme le nôtre, soit le comité de surveillance de l'indépendance éditoriale dans les médias; ce dernier est présentement en activité chez nous et voit aux questions d'indépendance éditoriale.

    Nous croyons, en outre, que nos services d'information, tant en télévision que dans le domaine de l'imprimé, doivent être encouragés à fonctionner de façon synergique face à leur marché, leurs citoyens et téléspectateurs, sans directives de la part d'un centre situé à Toronto.

    Enfin, nous croyons que par la colocalisation et l'émergence naturelle des efforts communs, il y aura progrès. Mais il est absolument clair que cela ne se produira pas par l'entremise d'une centralisation des politiques de la corporation Bell Globemedia.

    «Que mille fleurs surgissent», comme le dit l'expression, et nous pourrons dès lors arriver à des progrès et à des échanges enrichissants entre les différents médias.

    Je vous remercie.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

[Traduction]

    J'aimerais que nous ayons 45 minutes pour la période de questions, madame McDonald, alors je vous demanderais de bien vouloir terminer pour 10 h 15.

+-

    Mme Elizabeth McDonald (présidente-directrice générale, Association canadienne de production de film et télévision): Merci, monsieur le président.

    Tout d'abord, si nous avons accepté votre invitation, c'est surtout pour discuter avec vous de questions de propriété étrangère, à la lumière notamment de l'annonce faite par M. Rock la semaine dernière. Cela dit, je crois que j'ai un point de vue différent à vous présenter sur la propriété croisée des médias. Ce que j'ai à dire pourrait être important. Je serai brève.

    Dans le contexte actuel où les industries médiatiques se mondialisent rapidement, les radiodiffuseurs canadiens demeurent les débouchés les plus importants pour les émissions de télévision canadiennes. L'ACPFT représente ceux qui créent les émissions autres que les émissions d'actualité ou de sports qui occupent une place considérable dans la grille-horaire de la plupart des radiodiffuseurs et qui attirent de grands nombres de téléspectateurs. Il est donc important à mon avis de comprendre que, au fur et à mesure que ces entreprises se sont intégrées verticalement, nous avons appuyé leur avancement dans la voie de la propriété croisée. Il y a plusieurs raisons qui expliquent notre appui.

    D'abord, nous pensions que les radiodiffuseurs canadiens seraient ainsi en mesure d'investir suffisamment dans les droits de diffusion à l'échelle pancanadienne. Jusqu'à récemment, nous avions des débouchés qui, mis bout à bout, formaient un assemblage, mais il y avait toujours des trous quelque part. Maintenant, la plupart des dramatiques et des documentaires de la programmation nationale sont diffusés d'un océan à l'autre grâce à certaines des activités de regroupement dont nous avons été témoins. Il en est résulté aussi des niveaux d'investissement plus élevés et de nouvelles possibilités de production.

    Je cite l'exemple, parce que M. Gourd est là, de l'émission Degrassi: The Next Generation. Si vous n'aviez pas consolidé comme vous l'avez fait, je ne pense pas que le site Web qui est rattaché à cette émission et qui attire trois millions de jeunes au Canada chaque semaine, aurait pu devenir réalité.

    Cela dit, au fur et à mesure que vous avancerez dans vos discussions et que vous vous rendrez compte que la question est loin de se limiter aux actualités et aux sports, je crois qu'il y a deux ou trois domaines où nous devrons être vigilants.

    Nous devrons notamment nous assurer que le regroupement ne se solde pas par une réduction des débouchés pour les créateurs indépendants. Dans notre cas, il s'agit des débouchés des quelque 400 producteurs indépendants actifs que nous représentons dans toutes les régions du pays. À l'heure actuelle, le CRTC impose généralement comme condition de licence aux principaux groupes télévisuels l'obligation d'acheter 75 p. 100 de leur programmation prioritaire à des producteurs non affiliés.

    À la lumière des discussions qui se poursuivent au Royaume-Uni et dans d'autres pays, il sera très important de veiller à avoir une politique qui encourage le CRTC à continuer à assurer la diversité des voix.

    J'aimerais revenir à quelque chose que M. Fraser a dit. Il a dit que «les petites entreprise ne peuvent pas produire d'émissions novatrices», et il a cité HBO comme étant l'idéal à atteindre. HBO se trouve effectivement dans une situation idéale, et c'est rare. HBO a été invitée à revoir sa stratégie d'entreprise. Il n'y a pas que The Sopranos et Sex and the City, mais il y a aussi Six Feet Under. Je crois que Band of Brothers, c'est aussi HBO.

    Il s'agit manifestement d'un débouché de radiodiffusion extraordinaire. C'est une entreprise unique en son genre et très coûteuse que très peu d'entreprises auraient les moyens de soutenir. Il s'agit d'une unité à l'intérieur d'une entreprise beaucoup plus grande. Si donc HBO mérite des félicitations pour ce qu'elle a accompli, il ne faudrait pas s'imaginer que tous les autres peuvent en faire autant, mais bien se dire que c'est effectivement l'idéal à atteindre.

    Les droits de diffusion y sont également très élevés, allant de 80 à 85 p. 100, et les producteurs ne sont pas autorisés à conserver leur droit d'auteur. Même si le bilan est très positif, je crois savoir que le nouveau président de HBO a été fortement invité à revoir son plan d'entreprise. Le financement de nos productions canadiennes doit tenir compte des réalités de notre marché et du marché international.

    Enfin, j'aimerais me dire d'accord avec les observations de M. Goldstein sur le droit d'auteur. Toute réforme du droit d'auteur devra toutefois à mon avis tenir compte non seulement du fait que les radiodiffuseurs ont des droits d'auteur, mais aussi du fait qu'ils achètent souvent des émissions à des producteurs indépendants et que les droits d'auteur de ces producteurs doivent être reconnus, car il s'agit là de la valeur patrimoniale des entreprises que nous représentons.  

À  +-(1005)  

    En résumé, je crois que la propriété croisée des médias comporte certains avantages dans ce domaine, à condition que les garanties en place soient maintenues et soutenues par une politique gouvernementale soumise à un examen régulier, et à condition de ne pas oublier que la propriété croisée des médias ne concerne pas uniquement les sports et l'actualité; cela concerne aussi d'autres aspects de la programmation.

    Merci.

+-

    Le président: Merci beaucoup, madame McDonald.

    Afin de garantir un tour à tous les membres du comité, compte tenu du fait que nous sommes nombreux, je demande à tous les députés de limiter leurs questions à cinq minutes, y compris les réponses.

    Avant de poursuivre, j'ai deux choses à dire. D'abord, le document auquel M. Morrison et d'autres ont fait référence n'a pas été distribué parce qu'il n'est pas encore traduit. Une fois qu'il le sera, il vous sera envoyé immédiatement. C'est la raison pour laquelle vous n'avez pas ce document.

    Mon deuxième commentaire s'adresse à M. Goldstein. Je me souviens que, à Winnipeg, M. Martin du NPD a demandé à M. Asper combien d'argent était dépensé pour la programmation américaine comparativement à la programmation canadienne. Plus précisément, il a demandé à Leonard Asper quelle proportion des dépenses de CanWest Global a été affectée à la programmation américaine au cours de ses sept années sous licence. M. Asper nous a dit qu'il allait faire parvenir cette information au comité par écrit. Les attachés de recherche m'informent que nous n'avons pas encore reçu cette information. Nous vous serions très reconnaissants d'en prendre note et de nous transmettre ces renseignements.

À  +-(1010)  

+-

    M. Kenneth Goldstein: Ce sera fait.

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Abbott.

+-

    M. Jim Abbott: Merci.

    J'ai une opinion à formuler et cela ne prendra que 30 secondes des cinq minutes qui me sont allouées. J'ai trouvé cela plutôt amusant, franchement, lorsque j'ai entendu parler de la situation idéale que représente HBO avec The Sopranos et Sex and the City. Je ne suis pas convaincu que le monde se porte mieux parce que ces deux émissions sont en ondes.

    Monsieur Goldstein, cela m'intéresse parce que la question de la propriété croisée des médias, de la convergence et de la concentration diffère d'une ville à l'autre. Je pense au cas de Vancouver. Si j'ai bien compris, votre société est propriétaire du Vancouver Courier?

+-

    M. Kenneth Goldstein: C'est l'un des hebdomadaires.

+-

    M. Jim Abbott: Oui, alors vous détenez le Vancouver Sun, le Vancouver Province, et le Vancouver Courier. Vous êtes également propriétaire de BCTV qui, je crois, est suivi par 60 p. 100 des téléspectateurs, du moins pour le téléjournal du soir. Vous détenez également CH TV à Victoria, qui est aussi distribué par câble.

    Alors je vous dirai modestement que, si vos remarques—qui étaient de nature générale, en ce qui concerne les chiffres—peuvent se défendre, il serait peut-être trompeur d'affirmer que les chiffres que vous nous avez cités s'appliquent réellement à un marché comme Vancouver. En effet, n'avez-vous pas le contrôle absolu du contenu rédactionnel, en particulier, de ce qui est offert sur le marché de Vancouver?

+-

    M. Kenneth Goldstein: Je ne le crois pas, et je vais vous expliquer pourquoi.

    Premièrement, il y a de nombreux hebdomadaires qui se font concurrence, si bien que le Courier n'est qu'un journal parmi bien d'autres dans la région de Vancouver. La société de David Black y détient aussi toute une série d'hebdomadaires. La concurrence est donc vive dans la région de Vancouver au niveau des hebdomadaires.

    Les deux journaux—le Sun et le Province—étaient de propriété conjointe bien avant l'arrivée de CanWest. Les deux stations—BCTV et CH TV à Victoria—étaient de propriété conjointe bien avant l'arrivée de CanWest. Le tirage que fait CanWest de ces deux journaux représente 40 p. 100—soit moins de la moitié—des ménages de Vancouver.

    Le CRTC a accordé des licences pour de nouvelles stations de télévision, ce qui fait qu'il y a sept nouvelles antennes locales à Vancouver, qui viennent s'ajouter à BCTV et à CH TV. Quant aux audiences importantes que recueille BCTV avec son téléjournal, cela résulte d'une tradition de succès et de l'acceptation par les consommateurs, des facteurs qui n'ont absolument rien à voir avec la structure de propriété des journaux. Ce téléjournal a toujours eu des cotes d'écoute importantes et j'espère que cela va se poursuivre. Mais cette audience importante ne découle pas de l'absence de concurrence dans le marché de la télévision; elle est fonction du rendement antérieur de la station.

+-

    Le président: Dernière question, monsieur Abbott.

+-

    M. Jim Abbott: D'accord. Je passe à M. Morrison.

    Monsieur Morisson, vous pourriez peut-être étoffer. Laissez-vous entendre qu'il devrait exister une forme de réglementation gouvernementale? Vous parlez de ce qui est nécessaire pour maintenir des salles de nouvelles distinctes. Laissez-vous entendre que le gouvernement doit s'intéresser à ces sociétés et déterminer le nombre de journalistes affectés aux nouvelles pour l'imprimé, d'autres pour les nouvelles à la radio, et d'autres encore pour les nouvelles à la télévision? Êtes-vous en train de dire que le gouvernement doit réglementer la collecte des nouvelles de cette façon?

+-

    M. Ian Morrison: Par rapport à votre échange avec Ken Goldstein, tout d'abord, ils attirent 40 p. 100 des ménages. Seulement 7 000 ménages de Vancouver appuient les Amis de la radiodiffusion canadienne, et je ne peux que baisser mon chapeau bien bas devant sa prépondérance sur le marché. Compte tenu de ces 7 000 ménages, nous sommes fort sensibilisés aux questions de propriété croisée dans les médias à Vancouver. Je m'apprête maintenant à répondre à votre question.

    Nous ne sommes pas sans ignorer que, lorsque la chaîne de télévision CHAN, BCTV, fait un reportage sur une question donnée—je pense au sujet récent du taxage dans les cours d'école—lorsque 60 p. 100 de l'auditoire partagent la même perspective entre 18 et 19 heures et que le Sun adopte la même optique, cela aboutit à une forte prépondérance d'opinion sur une question de politique importante.

    Pour répondre à votre question, je dirai que le CRTC a le pouvoir à l'heure actuelle, selon la Loi sur la radiodiffusion, d'imposer des conditions aux détenteurs de licence. À la suite de démarches assez considérables de la société de M. Goldstein, et de celle de M. Gourd également, le CRTC aurait pu imposer comme condition de renouvellement de licence à CTV et Global le fait, pour les salles de nouvelles de télévision, de maintenir des activités de collecte de nouvelles distinctes de celles des salles de nouvelles des journaux dont les propriétaires avaient la propriété commune. Or, le CRTC ne l'a pas fait, bien qu'il y eut été simple de le faire selon la Loi sur la radiodiffusion.

    Le CRTC a plutôt choisi d'accepter de la part de ces sociétés des engagements peu exigeants, à mon avis, concernant leurs intentions, ainsi qu'un engagement concernant la séparation de la gestion des salles de nouvelles de la télévision et des journaux. Comme vous le savez et comme le laisse entendre, me semble-t-il, la formulation de votre question, monsieur Abbott, c'est sur l'indépendance de la collecte de nouvelles que reposent la pluralité et la diversité des opinions dans notre société.

À  +-(1015)  

+-

    Le président: Monsieur Fraser, je vous prierais d'être bref.

+-

    M. Matthew Fraser: M. Morrison n'est pas journaliste; pour ma part, je le suis. Je rédige une chronique pour le National Post. Je suis donc en mesure de vous donner quelques explications qui collent à la réalité.

    Tout d'abord, en principe, nous n'avons pas besoin de réglementation. En deuxième lieu, ce n'est pas comme cela que ça fonctionne dans la réalité. Je parle ici de notions de base en matière de comportement organisationnel, et je vous invite à demander à M. Goldstein et à M. Gourd si leur expérience, à titre de dirigeants d'entreprises, confirme mes impressions recueillies au ras du sol. Ces salles de nouvelles ne fonctionnent pas ensemble en réalité et ne combinent pas non plus leurs fonctions de façon significative. Les guerres de pouvoir, le cloisonnement vertical, les cultures propres à chaque entreprise font échec à ce genre de convergence.

    La salle des nouvelles du National Post défend jalousement son autonomie, tout comme celle du Globe and Mail, j'en suis convaincu, par rapport à CTV et à Global. En effet, il y a collaboration dans certains domaines comme la commercialisation, la publicité croisée, ainsi de suite. Cela devient même ridicule par moment. Par exemple, à titre de chroniqueur au National Post, je suis interdit de séjour à la télévision de CTV. J'étais auparavant commentateur à ROBTv de CTV, mais je ne suis plus en mesure de l'être. Je suppose que vous pouvez me capter sur Global TV, même si, en réalité, je suis en ondes sur CBC. Je ne bénéficie d'aucun favoritisme. Et, vraisemblablement, Global Television n'accueille pas les commentateurs du Globe and Mail.

    Il y a donc des répercussions sur la publicité croisée et les stratégies d'image de marque. Global souhaite donner une image de marque aux journalistes du National Post, ainsi de suite. Cependant, pour ce qui est de la collecte de nouvelles des journaux, ce n'est pas vraiment comme cela que ça fonctionne. Veuillez me croire.

[Français]

+-

    Le président: Monsieur Bernier, vous pourrez intervenir un peu plus tard.

    Madame Girard-Bujold, vous avez la parole.

+-

    Mme Jocelyne Girard-Bujold (Jonquière, BQ): Merci, monsieur le président. Je remplace Mme Gagnon et j'espère que je vais être à la hauteur de ce qu'elle aurait fait.

    J'ai écouté avec beaucoup d'attention ce que vous nous avez dit. Je constate que la propriété croisée a contribué à la concentration de la presse. C'est ce que nous vivons en région. Je viens de la région du Saguenay--Lac Saint-Jean. Comme le disait M. Bernier, la concentration a fait en sorte qu'on voit moins de journalistes et que l'opinion de ces mêmes journalistes est influencée par une pensée unique de la direction. Cela rejoint aussi le sondage qu'a fait M. Morrison sur ce que pensent les Canadiens, à savoir que l'indépendance en a pris un coup dans le cadre de cette concentration croisée.

    Vous parliez, monsieur Bernier, de la présence souhaitable d'un ombudsman qui permettrait, non pas de diriger l'opinion de toutes ces stations, mais de proposer des avenues leur permettant de s'autodiscipliner. J'aimerais vous entendre sur la façon dont vous verriez cela.

À  +-(1020)  

+-

    M. Marc-François Bernier: Oui, bien sûr.

    Essentiellement, les méthodes d'autorégulation en journalisme, celles que les médias se donnent eux-mêmes, visent à assurer une meilleure qualité de l'information. Donc, l'ombudsman se base généralement sur un code de déontologie pour recevoir des plaintes du public et faire enquête, et se prononcer ou porter un jugement sur la conduite professionnelle des journalistes. Les conseils de presse peuvent le faire également; cependant, les conseils de presse ont certaines limites. Plusieurs doutent de leur neutralité parce que les fonds proviennent des médias aussi. Il y a toutes sortes de problèmes internes aux conseils de presse, mais quand même, il ne faut pas les éliminer, car il faut avoir une pluralité de mécanismes et non un seul. Cependant, les grands conglomérats pourraient se donner un ombudsman en vue d'accroître à la fois la transparence et l'imputabilité de leur processus de journalisme pour s'assurer de la qualité de l'information.

    Ayant été journaliste pendant 20 ans, j'en profite pour intervenir et dire, au contraire de mon collègue, que ce qui est important, selon moi, c'est qu'il y ait pluralité de personnes sur le terrain pour aller chercher l'information. Quand il n'y a qu'un journaliste sur le terrain et que son reportage se retrouve sur Internet, à la télévision et dans les journaux, il y a une pluralité de sources de diffusion; il n'y a pas une pluralité de sources d'acquisition d'information. La façon de travailler de cette seule personne est multipliée, l'effet est multiplié par les canaux de diffusion. C'est ce qu'on voit beaucoup au Québec.

    Chez Quebecor, ça a été le cas constamment. Il y avait, comme on dit, un pipeline entre Le Journal de Montréal et Le Journal de Québec, mais c'était un pipeline unidirectionnel, si bien qu'il n'y avait pas de chroniqueur parlementaire, ou il y en avait un, c'était celui du Journal de Montréal, mais il était basé à Québec. La presse et ses journaux sont en train de faire exactement la même chose, sauf pour ce qui est de l'information typiquement parlementaire pour l'instant. On voit de plus en plus que les mêmes textes se retrouvent dans les journaux. Il y a une personne qui fait l'acquisition, le travail de démarche, et son reportage a un impact qui est multiplié par les sources de diffusion. C'est ça qui est important en cette matière.

    Cela a un impact politique. Par leurs décisions, les médias ont un ordre du jour politique, volontairement ou non. Ils ont aussi une influence sur le déroulement du débat public. C'est pour cela qu'il faut être vigilant et assurer une surveillance. Donc, l'important, c'est d'avoir une multiplicité et une diversité de journalistes sur le terrain et aussi une indépendance radicale entre les salles de presse pour que cette diversité fonctionne. Cela n'empêche pas les entreprises de continuer à faire de la convergence ou de la promotion sur le plan de la programmation et du marketing. Mais, sur le plan de l'information, il devrait y avoir au minimum quelque chose, non pas de rigide, mais de plus rigoureux.

+-

    Mme Jocelyne Girard-Bujold: Je pense que présentement, il y a une pensée magique, une pensée unique. Vous savez que le CRTC a fait preuve de laxisme dans le passé. Il a permis bien des choses, et je pense qu'on est présentement à la croisée des chemins--pour ne pas dire la propriété croisée--et qu'il faut marquer un temps d'arrêt. Il faut se demander ce qu'on doit faire pour respecter l'opinion des gens, pour respecter le public. Les propriétaires, et le public également, ainsi que les structures qui sont mises en place présentement pour enfin permettre, avec tout ce qui se passe, à cause de la mondialisation... On parlait d'Internet, qui est extraordinaire, mais comme lecteurs, il est important qu'on mette des balises.

    Je dis toujours qu'il faut respecter le public et son intelligence. Aujourd'hui, on ne respecte plus l'intelligence des gens. On leur donne une pensée unique. C'est grave, à mon avis.

    Vous dites que les propriétaires et les gens qui font partie de ces grosses multinationales doivent se donner un code d'éthique. Mais s'agit-il d'un code d'éthique qui va être propulsé par le public ou qui viendra à la suite d'une prise de conscience de leur part? Peut-être sentiront-ils eux-mêmes que l'opinion publique est désabusée devant l'information qu'ils leur donnent.

À  +-(1025)  

+-

    Le président: C'est à vous, monsieur Bernier.

+-

    M. Marc-François Bernier: Il est difficile de prévoir qui va mener la danse. Le principe de base est néanmoins que l'information n'appartient pas aux corporations, comme le droit n'appartient pas aux cabinets d'avocats, et la médecine aux hôpitaux et aux ordres professionnels. Les journalistes et les entreprises de presse sont fiduciaires de l'information.

    Quand nous embrassons la profession de journaliste, nous constatons l'état dans lequel se trouve le milieu; or, quand nous quittons ce dernier, nous devrions, en principe, le laisser en meilleur état qu'il ne l'était à notre arrivée. Nous sommes fiduciaires, mais à l'heure actuelle, je m'inquiète de la qualité de l'information et des pressions qui pèsent sur les journalistes. Beaucoup de cas sont signalés, autant chez CanWest qu'au Québec, où les journalistes sont soumis à des pressions. Je ne dis pas que c'est la règle partout; il s'agit peut-être de cas anecdotiques, mais ils sont troublants.

    À mon avis, on ne peut pas fermer les yeux sur ces questions. Il faudrait au moins aller mesurer et étudier le problème de façon plus sérieuse afin d'adopter des mesures qui soient raisonnables et proportionnées.

+-

    Le président: Monsieur Gourd, vous pouvez faire une brève intervention.

+-

    M. Alain Gourd: En Abitibi, d'où je viens--je n'ai pas le plaisir de connaître aussi bien le Saguenay--Lac Saint-Jean ou d'autres régions du Québec--, il y a 125 000 personnes dispersées sur un territoire où, entre le nord et le sud, la distance est plus grande qu'entre Montréal et Québec, et où les épinettes sont passablement plus nombreuses que les personnes. Il n'en demeure pas moins que les citoyens veulent recevoir le même nombre de services qu'à Montréal, ce qui fait que le système, au cours des années, a développé des approches favorisant la concentration de propriété à l'intérieur d'une catégorie. Radio-Nord, par exemple, a plusieurs stations de télévision privées.

    Quebecor a tous les hebdomadaires. Pour ce qui est des domaines de l'imprimé et de la télévision, vous connaissez sans doute les relations qui existent entre Quebecor et les autres: ils se querellent constamment. En radio, il y a Astral et Radio-Canada. En plus de tout cela, il y a le câble et la diffusion directe par satellite qui compliquent les choses.

    Ensuite, en ce qui a trait au code d'éthique, les entreprises de télévision en ont adopté un. C'est notre cas, et comme je l'ai dit plus tôt, on a également, en matière éditoriale, un comité de surveillance indépendant de nos activités télévisuelles.

    En plus, je vous dirai qu'à mon avis et selon nous, à Bell Globemedia, imposer l'homogénéisation de l'imprimé et de la télévision et même de nos différentes stations locales est une erreur. Ce sont en plus de mauvaises affaires, étant donné que les stations et les journaux doivent être à l'écoute de leur marché. Or, si leurs perspectives sont différentes, qu'ils se contredisent, et que le Globe and Mail attaque BCE, les résultats seront ceux qu'on imagine.

    On préfère encourager les synergies en colocalisant les gens; une fois que c'est fait, ils travaillent ensemble ou, du moins, on l'espère. S'ils ne s'accordent pas, c'est que la chimie n'y est pas, comme le disait Matthew Fraser. On leur offre des ressources, principalement à l'étranger, pour ce qui est de la cueillette de l'information; il est en effet difficile d'avoir deux bureaux à Pékin et deux bureaux au Nigeria. Néanmoins, les salles de nouvelles seront toujours séparées.

[Traduction]

+-

    Le président: Pour gagner du temps, j'informe les députés que les personnes suivantes ont demandé d'intervenir: M. Harvard, suivi de Mme Bulte, Mme Lill et M. Cuzner.

    Monsieur Harvard.

+-

    M. John Harvard (Charleswood—St. James—Assiniboia, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Je m'engage à ne traiter personne de «crétin». Je formulerai certaines observations, après quoi je poserai mes questions.

    M. Abbott a parlé du marché de la radiodiffusion à Vancouver.

    Ken Goldstein est originaire de Winnipeg, et je tiens à dire que Ken et moi nous connaissons depuis fort longtemps.

    Ken, vous avez parlé de «vive concurrence» sur le marché de Vancouver. Je suis d'accord pour dire comme vous que cette concurrence est vive pour ce qui est des parts de marché. Cependant, je ne crois pas que l'on puisse en dire autant sur le plan des idées entre David Black et CanWest, dont l'ancêtre est Conrad Black. Je ne suis donc d'accord avec vous que pour ce qui est des parts de marché. Je vous laisse le soin de nous dire si cela est avantageux pour le public.

    Mon autre commentaire, qui s'adresserait peut-être à Matthew Fraser, consiste à signaler que tout ce qui est «vendeur» ne correspond pas nécessairement à l'intérêt public. Il est intéressant de constater que les consommateurs de médias sont prêts à dépenser beaucoup d'argent durement gagné pour entendre ou lire les propos de commentateurs de droite. Je n'oserais pas vous affubler d'un tel qualificatif. Or, bon nombre de ces commentateurs de droite n'arriveraient même pas à se faire élire comme employés à la fourrière. On peut même dire que les mêmes consommateurs des médias qui dépensent leur argent pour lire et écouter des commentateurs de droite sont plutôt enclins à voter pour le Parti libéral. Évidemment, il y en aurait long à dire sur l'hégémonie libérale au Canada.

    J'ai deux questions à poser et l'une d'entre elles s'adresse à M. Fraser.

    Vous nous avez parlé aujourd'hui d'étudiants qui fonctionnent en mode multitâche et qui exploitent beaucoup Internet. Si on leur demandait ce qu'ils attendent des radiodiffuseurs, autrement dit des CanWest et BCE de ce monde, quelle serait, d'après vous, leur réponse?

    Ian, j'aimerais vous demander qui serait le plus touché par l'adoption au Canada de la règle 20-20?

À  +-(1030)  

+-

    M. Matthew Fraser: À mon avis, les étudiants fréquentent les médias radiodiffusés de façon intermittente. Chaque année, je reçois en entrevue des douzaines d'étudiants qui veulent s'inscrire à l'école des arts de la radio et de la télévision de Ryerson. Je les interroge sur leurs habitudes de lecture et d'écoute. Je suis étonné de constater à quel point ils sont peu nombreux à consacrer beaucoup de temps aux grands réseaux de radiodiffusion, à écouter la télévision ou à lire les journaux comme nous le faisons. Leurs intérêts sont ailleurs et, pour être plus précis, je dirais que leur comportement est différent. Ils fréquentent les médias de façon intermittente selon leurs besoins, ce qui ne correspond pas du tout à nos habitudes, qui consistaient, autrefois tout au moins, à lire le Globe and Mail—évidemment, aujourd'hui, vous lisez tous le National Post pour vous informer—ou à écouter les nouvelles à CBC ou à CTV. La fonction déterminante pour l'emploi du temps des médias grand public continue peut-être d'exister, mais elle est en perte de vitesse. Comme je l'ai dit, les jeunes vont être nos élites de demain. Ils ne sont pas du genre téléphage comme bon nombre d'entre nous ont tendance à l'être.

+-

    M. John Harvard: Ils sont donc moins passifs.

+-

    M. Matthew Fraser: En effet. Ils sont fort sélectifs dans leur recherche d'information. Ils fréquentent toutes sortes de sites Web dont l'énumération serait trop fastidieuse, mais ils fréquentent également CBC.ca, ils fréquentent CNN.com, et ils regardent le journal télévisé.

+-

    M. John Harvard: Ils s'intéressent donc davantage à ce monde dit de l'interactivité.

+-

    M. Matthew Fraser: Ils adorent ce qui est interactif. L'adolescent typique fait ses devoirs en même temps qu'il converse avec ses copains sur ICQ, et en même temps qu'il écoute sur Internet un poste de radio australien qui diffuse de la musique punk rock qu'il aime. C'est ce qu'on appelle le mode multitâche. Ce que vous devez comprendre, c'est que la multiplicité des sources existe déjà.

    Il faut se rappeler que dans les années 50, la Société Radio-Canada était non seulement une société qui avait le monopole au Canada, mais elle était également l'organe de réglementation, le CRTC. La part du marché de la CBC a été de 100 p. 100 au Canada jusqu'en 1961. Aux États-Unis, les trois grands réseaux que sont CBS, ABC et NBC, avaient dans les années 70 et 80 une part du marché combinée de 91 p. 100, qu'ils se partageaient équitablement à trois. Aujourd'hui, il y a quatre grands réseaux puisqu'il faut ajouter le canal Fox, et ces quatre représentent ensemble moins de 50 p. 100 du marché. Autrement dit, la part du marché de tous les grands réseaux représente aujourd'hui de 10 à 15 p. 100. Je crois que c'est Global qui atteint 15 p. 100. La CBC, quant à elle, est à 7 p. 100. Cela vous donne une idée de la diversité accrue et de l'éclatement des sources. Il est vrai que certaines des grandes entreprises médiatiques possèdent certaines de ces chaînes, et que, comme le signalait M. Goldstein, elles essaient de regrouper les fragments.

+-

    M. Ian Morrison: Laissez-moi un bref instant me dissocier de certains des propos fallacieux que vous venez d'entendre. Pour ce qui est des commentaires que vous m'avez lancés, monsieur Harvard, on vous demande de regarder un modèle qui a été conçu au Royaume-Uni pour le contexte britannique. Ce modèle doit par conséquent être adapté au contexte canadien. Je vous rappelle que ce modèle ne fait l'objet d'une politique gouvernementale que depuis sept jours en Grande-Bretagne. Mais si l'on présuppose que ce modèle peut s'appliquer de façon distincte à chacun des deux groupes de langue officielle au Canada, je crois que cela impliquerait que deux entreprises se départissent de certains actifs. L'une serait Québécor et l'autre CanWest. Toutefois, à la lumière de certains renseignements entendus ici aujourd'hui, du moins de la part de CanWest, il se pourrait que j'aie tort et que ce modèle ne leur porte aucunement préjudice, de sorte que l'on pourrait tous croire à l'unanimité qu'il s'agit là d'un plafond convenable pour défendre le public.

À  +-(1035)  

+-

    Le président: Monsieur Goldstein, soyez bref.

+-

    M. Kenneth Goldstein: Étant donné que l'on a brandi notre nom, permettez-moi d'assurer à M. Morrison que les propos tenus par M. Fraser n'étaient pas fallacieux. Le CRTC a publié son rapport et CanWest, y compris toutes ses sociétés spécialisées, détient 14,8 p. 100 de part d'écoute chez les anglophones du Canada.

    Mais revenons à la règle des 20-20 et laissez-moi y ajouter un autre 20. Dans le contexte canadien, cette règle aurait 20 ans de retard, puisqu'il n'existe pas au Royaume-Uni 80 p. 100 d'abonnés au satellite et au câble. Au Royaume-Uni, ITV représente une part de syntonisation de 28 à 30 p. 100, comme le disait M. Morrison, et la comparaison ne tient donc pas. Le Royaume-Uni a 20 ans de retard sur nous dans la fragmentation du marché.

+-

    Le président: Merci.

    Madame Bulte.

+-

    Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Je vous remercie d'avoir bien voulu comparaître devant nous aujourd'hui. J'ai pris plaisir à écouter chacun d'entre vous.

    Tournons maintenant notre attention vers le projet de loi sur les communications du Royaume-Uni, monsieur Morrison. J'ai aussi suivi la question de près et bien que Lord Putnam, coprésident du Comité mixte, nous ait présenté des arguments probants contre la propriété étrangère, il semble que le projet de loi fera place à des intérêts étrangers dans le domaine de la diffusion. Est-il possible que cela ait été inclus dans la partie concernant la cession parce qu'ils autorisent la propriété étrangère?

    Je crois qu'il faut faire la distinction entre ce que le comité a dit et ce qui est inscrit dans le texte législatif. C'est le lien possible entre les deux qui me préoccupe un peu.

    Je sais que le comité se rendra à Londres et j'espère qu'on aura l'occasion d'examiner davantage le projet de loi sur les communications et la propriété étrangère maintenant permise en radiodiffusion. C'est la question principale.

    Monsieur Fraser, en ce qui a trait au CRTC et au Bureau de la concurrence, et du rôle à jouer en matière de fusions, nous avons vu ce qui s'est passé avec Astral: le CRTC a statué en sa faveur. Le groupe en question avait tout loisir d'acheter toutes les stations de radio qu'il souhaitait. Le Bureau de la concurrence est intervenu pour l'en empêcher. Était-ce le rôle du Bureau de la concurrence? Oui, peut-être.

    Vous avez dit—ou peut-être que c'est M. Harvard—que la Loi sur la concurrence est impuissante à bien des égards, mais à mon avis cela constitue un exemple éloquent du contraire. On peut toutefois se demander à qui la décision revenait, en l'occurrence au CRTC ou au Bureau de la concurrence? Puisque le cas est maintenant réglé, on ne le saura jamais. Devrait-on renforcer le pouvoir du CRTC en la matière?

    Je voudrais poser ma dernière question à M. Bernier. Lorsque vous avez parlé de l'intérêt public, j'ai songé encore une fois, me rappelant l'exposé de M. Fraser sur le Bureau de la concurrence et les économies d'échelle, aux fusions bancaires qui font les manchettes aujourd'hui, les banques nous demandant quelle est notre interprétation de l'intérêt public. Est-ce à nous d'étudier la question ou au CRTC? Devrions-nous examiner le critère de «l'intérêt public»?

    Pour obtenir le droit de fusionner, les banques plaident que les économies d'échelle n'importent plus à partir d'un certain point. On l'a entendu dire lors du débat sur les fusions bancaires. C'est pourquoi j'y ai pensé lorsque vous avez parlé de l'intérêt public: devrait-on imaginer ce genre de lignes directrices pour le CRTC plutôt que pour le Bureau de la concurrence?

    J'ai posé un certain nombre de questions.

+-

    M. Ian Morrison: Est-ce à moi de répondre le premier?

+-

    Mme Sarmite Bulte: Oui.

+-

    M. Ian Morrison: Je suis bien prêt à céder ma place à M. Fraser...

À  +-(1040)  

+-

    Mme Sarmite Bulte: Non.

+-

    M. Ian Morrison: ...mais je veux exploiter le filon.

    C'est vrai qu'il y a une bonne différence entre le comité parlementaire et le gouvernement au Royaume-Uni. La proposition que je vous ai soumise est celle qui a été déposée au gouvernement britannique la semaine dernière à la Chambre, un gouvernement majoritaire. On peut s'attendre à ce que ça devienne la politique officielle.

    Il y a effectivement des propositions intéressantes au sujet de la propriété étrangère. Toutefois, on m'a bien indiqué que je ne devais pas parler de propriété étrangère avant 11 heures. Je serai ici jeudi prochain pour parler de propriété étrangère et j'y reviendrai alors.

    Si vous le permettez, je sais que vous êtes sans doute très au fait des perceptions de la fonction publique de ce pays puisque vos responsabilités parlementaires sont directement liées au ministère du Patrimoine, et je sais que certains hauts fonctionnaires estiment qu'il faut faire un choix entre les règles entourant la propriété étrangère et celles concernant la concentration de la propriété croisée. Si vous acceptez un série de règles, vous... Vous savez? Si le temps le permettait, je remettrais sérieusement en question le raisonnement qui les a menés à cette conclusion. Je me ferai certainement un plaisir d'y revenir jeudi prochain si vous le souhaitez.

    Avec votre permission, en 10 secondes, parce que M. Goldstein a eu l'occasion de le faire, je veux simplement souligner que lorsqu'on dit que Radio-Canada avait 100 p. 100 du marché en 1950 et qu'elle n'en a plus que 7 p. 100 en 2000, on compare des choses qui ne peuvent pas l'être. Dans un cas, on fait fi de la télévision américaine, et dans l'autre, on en tient compte.

+-

    Mme Sarmite Bulte: Mais, monsieur Morrison, puisque nous parlons du projet de loi sur les communications en Grande-Bretagne, les Britanniques ont-ils fait le choix de la propriété étrangère par opposition à la propriété croisée?

+-

    M. Ian Morrison: La greffière m'a bien dit que cela ne faisait pas partie du thème d'aujourd'hui, mais si vous cherchez une réponse brève, je vous dirai que j'ai l'impression qu'ils essaient d'uniformiser les règles qui s'appliquent aux étrangers de la Communauté européenne et aux étrangers qui n'en font pas partie, comme nous.

+-

    M. Matthew Fraser: Je suis heureux que vous ayez parlé de la question du CRTC par opposition au Bureau de la concurrence. Je vous dirai qu'à mon avis, du point de vue de l'analyse des institutions, je crois que nous assistons à une rivalité institutionnelle entre les deux entités, devant les pouvoirs décroissants du CRTC et les ambitions du Bureau de la concurrence, dont l'autorité a toujours été moins grande. Et ce sont les tribunaux, bien sûr, qui doivent arbitrer au Canada.

    Aux États-Unis, la situation est bien différente et je dirais même qu'elle est beaucoup plus saine parce que de véritables freins et contrepoids sont en place là-bas. Les Américains disposent d'un ministère de la Justice qui est en fait l'autorité antitrust dont on connaît bien l'agressivité. On se rappelle tous l'affaire Microsoft. Le ministère surveille de près les cas d'exploitation abusive d'une position dominante sur les marchés aux États-Unis. Ils ont aussi la FCC qui est une autorité de réglementation disposant de vastes pouvoirs en plus des tribunaux. Qui plus est, la tradition américaine est différente de la pratique canadienne en ce sens que les tribunaux américains invalident souvent des règlements—en d'autres termes, ils disent à la FCC: non, cela n'est pas constitutionnel, cela va à l'encontre du premier amendement ou quelque chose du genre.

    Au Canada, nous n'avons pas ce genre de contrepoids parce que les tribunaux canadiens, notamment la Cour fédérale, ne disciplinent pas les autorités réglementaires. Les avocats vous expliqueront que c'est par «retenue judiciaire» que nos tribunaux s'en remettent aux vastes pouvoirs des autorités de réglementation. Ainsi, le CRTC a toujours été très puissant au Canada parce qu'il n'a pas été discipliné par nos tribunaux. À présent, il semble y avoir un glissement dans le même sens envers le Bureau de la concurrence, et l'affaire Astral atteste justement cette rivalité entre le Bureau de la concurrence et le CRTC.

+-

    Le président: Monsieur Bernier.

[Français]

+-

    M. Marc-François Bernier: Me permettez-vous de répondre à la question, car une partie de la question s'adressait à moi?

+-

    Le président: Oui.

+-

    M. Marc-François Bernier: Essentiellement, je me limiterai toujours à la question de l'information et du journalisme, parce que je crois que le Bureau de la concurrence a un autre mandat que celui de s'occuper de ces choses-là. Je suis de ceux qui pensent que le CRTC a un rôle à jouer et que depuis 20 ou 30 ans, il a laissé tombé une grande partie de ce rôle-là. Il a volontairement joué le jeu de la déréglementation. Je comprends tout à fait le contexte économique et politique. La question n'en est pas une de compréhension, mais il faut aller voir les effets que ça peut avoir. Je crois que le CRTC pourrait d'ailleurs reconquérir un peu du respect qu'il mérite de la part des diffuseurs eux-mêmes, qui ont généralement des licences mais ne les respectent pas trop, sans en subir les conséquences. Il pourrait lui-même imposer des règles de permis, notamment en obligeant les diffuseurs à mieux se discipliner et à faire plus d'efforts pour avoir une information meilleure et plus diversifiée.

    Quand je parle de la diversité de l'information--je reviens toujours sur ce sujet-là--, je ne dis pas qu'on doit avoir 12 sites Internet qui diffusent la même information: ça, c'est de la multiplicité et non pas de la diversité. Et j'ajoute que c'est vrai que nous avons davantage accès à l'information internationale maintenant grâce à Internet. Cependant, l'information locale et régionale reste vraiment l'enfant pauvre. De plus en plus, la concentration et la convergence font en sorte que les choses se décident en dehors des régions, et les gens n'ont plus accès à l'information qui les concerne en premier lieu, mais ils savent tout ce qui se passe au Nigeria, parce qu'on estime que c'est plus important. Je ne dis pas que ce n'est pas important, mais il faut aussi que les gens aient un accès à l'information locale et régionale, et ils l'ont de moins en moins. Ils l'ont dans des hebdomadaires qui n'ont pas de journalistes, dont les journalistes vendent de la publicité ou ne font pas leur travail comme il le faut. Il faut donc faire attention à ne pas seulement additionner le nombre de journaux qui sont publiés; il faut aussi aller voir ce qu'il y a dedans. Or, quand on regarde dans ces journaux-là, surtout les journaux gratuits, c'est assez déprimant. Il faut le constater.

À  +-(1045)  

[Traduction]

+-

    Le président: Madame Lill.

+-

    Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): Merci.

    J'aimerais revenir aux propos de M. Goldstein et M. Fraser. Je connais votre position sur la concentration des médias: vous dites qu'elle n'existe pas parce qu'il y a des milliers de produits médiatiques sur le marché.

    Il reste cependant que le nombre de propriétaires de médias a chuté de façon spectaculaire au cours des dernières années. Il y a trois entreprises de câblodistribution qui comptent 80 p. 100 des abonnés. De 1980 à 2000, le nombre de stations de télévision et de radio est tombé de 43 à 20. Dans ma province, la Nouvelle-Écosse, il y a un quotidien indépendant, c'est un phénomène unique. Il n'y a plus une seule station de radiodiffusion ni de télédiffusion indépendante. Il y a des chaînes, mais toutes les stations indépendantes ont disparu.

    Il est intéressant d'entendre M. Fraser affirmer que la diversité des médias est incroyable et qu'il existe pas moins de 500 canaux. Il a dit qu'il se servait d'Internet, et qu'il y lit des revues comme The Guardian ou Le Monde. Moi, ce que j'aimerais, c'est qu'il lise un journal canadien sur Internet, mais il ne le fait pas. Il s'abreuve aux sources internationales sur Internet, et c'est là qu'il trouve la diversité.

    Le commentaire de M. Bernier montre encore une fois qu'on ne trouve pas d'information locale et régionale à cause de la concentration des médias entre les mains d'un nombre toujours plus petit de propriétaires. On assiste à d'importantes transactions financières. On entend les propriétaires de conglomérats dans le domaine des médias se lamenter qu'ils perdent de l'argent, mais en même temps on voit qu'ils ont payé beaucoup trop cher pour les produits qu'ils ont achetés. Pour maximiser leurs profits, ils ont maintenant décidé d'éliminer les stations et de licencier les employés. Shaw a récemment éliminé la Fondation des normes de télévision par câble parce qu'il n'avait plus les moyens de se la payer.

    Nous n'entendons parler que de la suppression des médias qui parlent de ce qui intéresse la population. Les gens tiennent à leurs nouvelles locales, ils veulent avoir des médias et des journalistes en qui ils ont confiance. Cela n'apparaît pas dans les sondages d'opinions réalisés aux États-Unis ou au Canada. Et ce n'est pas ce qu'on a entendu au Canada.

    Dans tous ces arguments en faveur de gros conglomérats et du regroupement des fragments, dans tous ces arguments bidons que j'entends au sujet de la convergence, personne ne parle de l'intérêt public. Or, le rôle de notre comité est de faire valoir l'intérêt public, pas d'accroître vos profits. Dans ce débat, notre comité n'a que faire de vos profits, cela ne nous intéresse pas. Bien sûr, vous pouvez faire des profits mais si vous ne voulez pas faire le travail qui doit être fait, le système ne marche plus.

    J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Qui pourrait prétendre que la création de géants a amélioré la satisfaction de la population face à l'information qui lui est présentée, que maintenant les gens entendent parler leurs amis et les gens qui font partie de leur monde. Qui peut nous convaincre qu'il existe vraiment de la diversité dans le domaine des médias, plutôt que simplement une foule de chaînes différentes mais qui martèlent toutes le même message à l'unisson, leur but premier étant de faire des bénéfices?

+-

    Le président: Vous adressez votre question à M. Fraser et à M. Goldstein?

+-

    Mme Wendy Lill: Oui, et après j'aimerais entendre les commentaires de M. Bernier.

+-

    Le président: Allez-y, monsieur Goldstein.

+-

    M. Kenneth Goldstein: Je m'intéresse au point que vous avez soulevé et à certaines remarques qui ont été faites un peu plus tôt. Je vais essayer de récapituler.

    Je crois qu'il y a ici un rapport de cause à effet. Vous dites que, si nous assistons à une compression du personnel, c'est parce qu'il y a la propriété croisée des médias ou ce que d'aucun appelle la concentration des médias. Or, permettez-moi de répondre que la propriété croisée des médias et les regroupements dans le marché des médias n'en sont pas la cause mais le résultat. Cela résulte de la fragmentation.

    J'ai témoigné devant ce comité en 1994. Mon témoignage a été versé aux archives. Je ne sais pas si certains des membres sont les mêmes qu'à l'époque. Je ne le crois pas. À ce moment-là, j'avais dit que, lorsque nous octroyons un nombre illimité de licences à des fournisseurs de services spécialisés, nous créons des conditions économiques qui empêchent les canaux locaux de remplir leur mandat. C'est exactement ce qui s'est produit. C'est la réalité du marché. Comme il serait merveilleux d'avoir une baguette magique et de rétablir les choses comme on les faisait avant. Le marché dans lequel nous vivons rend cela impossible.

    Je le dis à nouveau pour la postérité, au cours de la dernière année, il y a un quotidien canadien qui a été tué par son propriétaire. Le journal a cessé d'être un quotidien. Ce quotidien n'est plus. Aujourd'hui, c'est un hebdomadaire. Cette publication n'est ni la propriété de Québécor, ni de BCE, ni de CanWest Global, qui sont toutes des sociétés médiatiques de propriété croisée. Le journal en question est la propriété du Toronto Star. Ils ont tué le Cambridge Reporter. Ce n'est plus un quotidien mais un hebdomadaire.

    Je vous dirais que votre logique est boiteuse lorsque vous dites que la propriété croisée des médias entraîne des pertes d'emploi. En réalité, nous avons retranché beaucoup moins d'emplois que d'autres.

À  +-(1050)  

+-

    Mme Wendy Lill: Pouvez-vous répondre à la question portant sur l'intérêt public? Dans quelle mesure la concentration de la propriété est-elle dans l'intérêt public?

+-

    M. Kenneth Goldstein: La concentration de la propriété est une réaction à la fragmentation. Aucune statistique ne nous indique qu'il y ait bel et bien concentration de la propriété. Le regroupement de la propriété est une réaction à la fragmentation. C'est dans l'intérêt public parce que, sans cela, nous ne pourrions maintenir des médias canadiens vraiment indépendants et viables.

+-

    Le président: Monsieur Fraser, allez-y.

+-

    M. Matthew Fraser: Oui, je partage vos préoccupations. Je suis même d'accord pour dire que cela pose un dilemme de politique et exige un compromis lorsqu'il est question de fusion. La concentration de la propriété peut être inquiétante, mais cela permet de réaliser des gains d'efficience, comme je l'ai dit précédemment. En d'autres mots, les grandes sociétés médiatiques sont en mesure de faire certaines choses que les petites sociétés ne peuvent faire en raison des gains d'efficience réalisés.

    Je dirais même que l'idée maîtresse des décisions réglementaires du CRTC prises au cours des dernières décennies est inspirée justement de cette notion. En d'autres mots, si l'on examine les décisions du CRTC, on constate qu'il a encouragé les regroupements, d'aucun dirait qu'il y a cédé. Les motifs invoqués par le CRTC font presque toujours état du besoin de créer des entreprises canadiennes fortes pour le marché mondial.

    Nous avons parmi nous aujourd'hui des cadres de certaines des entreprises concernées, même des représentants du secteur de la production et du secteur artistique. Elizabeth McDonald est ici au nom des producteurs canadiens. On assiste, dans ce secteur aussi, à énormément de fusions. Le groupe le plus important que représente Elizabeth, Alliance Atlantis Communications Inc., est pour ainsi dire le seul intervenant de taille dans le secteur et produit une énorme partie des dramatiques diffusées aux heures de grande écoute au Canada. Je suis pleinement d'accord avec Elizabeth lorsqu'elle dit qu'il faut aussi des petites entités indépendantes. Je vous cite en exemple Epitome Pictures, qui a produit la série Degrassi.

    Il y a un inconvénient à cela. Il suffit de voir comment les politiques canadiennes ont contribué à gonfler Alliance Atlantis, ce qui, encore une fois, fait partie de la tradition du pays selon laquelle il faut ériger des concurrents canadiens forts. Le terme qui revient toujours, dans ces décisions, c'est le marché mondial. Nous nous sommes dotés des joueurs: CanWest Global, BCE, Torstar, Shaw, Québécor et Alliance Atlantis.

    Je crois que nous allons discuter, dans quelques minutes, de la possibilité de relever les plafonds de propriété pour permettre aux investisseurs étrangers de pénétrer notre marché. Pour ceux qui s'inquiètent qu'il y a eu trop de fusions dans le marché national, peut-être qu'une attitude plus souple envers la propriété étrangère constitue une solution.

[Français]

+-

    Le président: Monsieur Bernier, soyez très bref, s'il vous plaît, parce qu'il y a trois membres du comité qui veulent poser des questions.

+-

    M. Marc-François Bernier: J'aimerais vous rappeler qu'en 1996, quand M. Conrad Black a acheté le Regina Leader Post, une étude, l'étude McKenzie de 1996, a démontré que la couverture locale, c'est-à-dire les affaires publiques, la santé et les enjeux liés au secteur agricole, avait chuté. C'est important dans ce coin-là, mais la couverture locale a chuté parce qu'on a favorisé des échanges de textes dans l'empire de Conrad Black. Je comprends très bien la stratégie économique. Ce que je veux faire valoir, c'est que ce n'est pas la meilleure stratégie pour garder le public bien informé. Essentiellement, c'est ce que je veux faire valoir ici.

À  +-(1055)  

+-

    Le président: Monsieur Gourd, répondez très, très brièvement, s'il vous plaît.

+-

    M. Alain Gourd: Nous sommes copropriétaires, avec Cogeco, de stations de télévision TQS et Radio-Canada dans le marché du Saguenay--Lac-Saint-Jean. Il y a une pression énorme pour couper les nouvelles locales à cause de l'arrivée des stations distantes de Montréal, de Québec et de Toronto par satellite. À mon sens, il y a moyen de contrer cela. D'abord, on peut le faire en offrant à Radio-Canada de programmer elle-même les nouvelles avec ses propres journalistes en région, même si les antennes de Radio-Canada nous appartiennent.

    Deuxièmement, on paie tous des frais de radiodiffusion excessifs, en ce sens qu'ils sont au-dessus des coûts d'opération du CRTC et des coûts de la gestion du spectre du ministère de l'Industrie. Selon moi, ces montants—qui sont une taxe—devraient être réinvestis, sous la juridiction du CRTC, dans la nouvelle locale en région pour la renforcer.

[Traduction]

+-

    Le président: J'ai trois demandes à formuler. Pouvons-nous s'il vous plaît nous gouverner de façon à terminer disons à 11 h 10 pour que nous puissions recevoir le groupe de témoins suivant?

    M. Cuzner, puis Mme Hinton et M. Bonwick.

+-

    M. Rodger Cuzner (Bras d'Or—Cape Breton, Lib.): La discussion d'aujourd'hui a été passionnante.

    Une mise en garde à l'endroit de M. Fraser. Vos écrits ont été publiés dans le National Post, vous avez été diffusé au réseau CBC, sur Global et à CTV. Vous vous positionnez donc en quelque sorte comme une prostituée journalistique.

    Des voix: Oh, oh!

    M. Rodger Cuzner: Je crois que cela témoigne du fait que notre communauté journalistique, surtout à l'échelle nationale, est très indépendante...

+-

    Le président: Je crois que nous devrions biffer tout cela du compte rendu. Je ne crois pas que c'est franc jeu, et je crois que nous devrions...

+-

    M. Rodger Cuzner: D'accord, très bien. J'ai juste une chose à dire, monsieur le président, c'est que...

+-

    Le président: Je crois qu'il y a d'autres façons d'exprimer un point de vue.

+-

    M. Rodger Cuzner: D'accord.

    Ce que je veux dire, c'est que nos journalistes forment une communauté très talentueuse et de pensée indépendante... Prenons un exemple: êtes-vous déjà allé prendre une bière avec un groupe de journalistes? Ils ont tous leurs propres opinions, et la seule chose sur laquelle ils s'entendent, c'est que la facture n'est pas pour eux. Vous me suivez?

    Pour résumer, monsieur Goldstein, je dirais que, dans vos remarques liminaires, vous avez dit que nous nous penchons sur la culture d'entreprise plutôt que sur la structure. En bonne partie, c'est le marché qui conditionne la structure des entreprises. Mais existe-t-il des contrepoids pour la culture d'entreprise? Y a-t-il des éléments de cette culture qui garantissent que toutes les opinions et toutes les voix seront entendues? Une autorité de réglementation pourrait-elle le garantir? La réglementation pourrait-elle jouer un rôle?

    Je pose la question à tout le monde parce que j'ai l'impression, d'après ce que j'entends des détracteurs de la convergence, qu'il y a un complot visant à museler une partie de notre communauté. Mais essayer de museler des membres de cette communauté—et je les connais bien—relève de l'absurde.

    Par contre, où sont les contrepoids dans tout ça?

+-

    M. Kenneth Goldstein: Oui, il y a de nombreux freins et contrepoids, et on ne saurait dire, je crois, que nous ne sommes pas réglementés. Bien sûr, en matière de radiodiffusion en particulier, nous sommes réglementés par le CRTC. Lorsqu'il a renouvelé les licences de CTV et de Global en 2001, le CRTC a créé l'obligation de mettre en place un comité de surveillance et a aussi créé la possibilité que cela puisse être pris en charge par le Conseil canadien des normes de la radiotélévision à condition que les radiodiffuseurs soient d'accord, ce qui est sur le point de se produire, je crois. Le Conseil canadien des normes de la radiotélévision surveille, depuis décembre 2001, et indépendamment de Global, toute la question de l'indépendance de la salle de rédaction, et il n'y a pas eu une seule plainte jusqu'ici.

    Quant à la possibilité d'une réglementation plus poussée, la réglementation des questions éditoriales, la réglementation du nombre de lettres contraires à la position du journal qui devraient être publiées, et ainsi de suite, même nos détracteurs admettent que nous publions des opinions contraires. Des anciens employés de Southam ont acheté un espace publicitaire et ont créé un site Web où ils ont critiqué certaines de nos politiques éditoriales, ce qui est très bien, car il faut maintenir un vif débat. Ils ont ensuite dressé une liste de toutes les opinions critiques qu'ils avaient soumises à nos journaux, et ils avaient en fait envoyé 12 textes, dont sept ont été publiés, ce qui n'est pas mauvais.

    N'oublions pas une chose très importante. Nous avons, au Canada, une Charte des droits et libertés. Beaucoup de gens ont déployé d'énormes efforts sur de nombreuses années pour créer cette charte, et à tous ceux qui affirment allègrement qu'il faut manipuler le régime fiscal pour contraindre les journaux à faire ceci ou cela et qu'il faut réglementer le monde journalistique et le contenu des journaux, je dis, attention, relisez la Charte.

Á  +-(1100)  

+-

    Le président: Très bien.

    Monsieur Gourd, c'est à vous.

+-

    M. Alain Gourd: En ce qui concerne la culture de l'entreprise, nous ne croyons pas en une politique rédactionnelle commune. Nous ne croyons pas qu'il doit y avoir des directives qui émanent du centre. Nous sommes régis par un code de déontologie. Nous sommes dotés d'un comité de surveillance. Chaque station doit refléter étroitement son marché, même si les différentes stations doivent se contredire entre elles—que la station d'Ottawa contredise CFCF à Montréal, par exemple. À l'exception de Vancouver, nos stations se classent premières dans tous les marchés.

+-

    Le président: Monsieur Bernier, allez-y.

[Français]

+-

    M. Marc-François Bernier: J'ai deux observations à faire à cet effet.

    Dans la structure--et plusieurs auteurs en font mention--, dans le mode de nomination et de promotion des entreprises de presse, généralement, on n'a pas à dire aux employeurs, aux dirigeants, aux cadres d'intervenir directement. On ne le dit pas du patron au cadre. La façon de procéder pour les promotions fait en sorte que ceux qui sont conformistes grimpent les échelons et ceux qui sont anticonformistes ne grimpent pas les échelons. Voilà qui règle tout de suite le problème structurel.

    Deuxièmement, c'est vrai qu'il y a la Charte canadienne des droits et libertés, mais, malheureusement, elle n'a pas protégé les journalistes de la Gazette de Montréal quand ils ont voulu critiquer la position de M. Asper. Ils ont été obligés de se taire, car on les avait menacés de les mettre à la porte. Alors, la Charte n'est pas appliquée de façon uniforme pour tous.

[Traduction]

+-

    Le président: Bien.

    Monsieur Fraser, ce qui a été dit sera rayé du compte rendu. Je sais que cette chose a été dite à la blague, mais nous ne voulons pas donner l'impression que... En tant que citoyen, vous êtes libre d'agir à votre guise, et beaucoup d'autres en font autant.

+-

    M. Rodger Cuzner: Et c'était dit pour rire.

+-

    M. Matthew Fraser: On m'a déjà traité de crétin, mais jamais de prostitué.

+-

    Le président: Madame Hinton, vous avez la parole.

+-

    Mme Betty Hinton (Kamloops, Thompson and Highland Valleys, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président. Et dire que je voulais commencer par: «C'est C-U-Z-N-E-R, et vous dites que c'est un libéral?» Et assurez-vous de ne pas faire d'erreur avec cette merveilleuse étiquette.

    D'abord, j'aimerais vous dire que j'ai eu le plaisir de participer au congrès Radiodiffusion 2002. J'étais la seule députée là-bas et je me suis faite discrète, ce qui m'a permis d'observer. J'ai beaucoup appris et l'expérience a été fort intéressante.

    J'ai notamment appris qu'il y avait des aspects positifs à la convergence. En effet, avoir une plus grande part du marché permet d'offrir des services à moindre coût. Et on a un plus grand accès au capital. Ils parlaient là-bas d'intégration verticale. Ce sont là les conséquences positives de la convergence.

    L'aspect négatif, c'est que le message lui-même est restreint parce qu'il est transmis par un nombre limité de diffuseurs à un public plus vaste. C'est une chose qui m'a marquée.

    J'y ai aussi entendu dire que le Canada faisait des jaloux aux États-Unis parce que la propriété croisée est interdite aux États-Unis, du moins à l'échelle que l'on retrouve ici. Au Canada, il est possible de détenir des intérêts dans la presse écrite, la télévision, les communications par satellite et Internet, le tout au sein d'une seule entreprise qui présente différentes bannières. Voilà quelque chose qui peut porter à réflexion.

    À propos de ce que ma collègue Mme Lill a dit, je constate que nous avons beaucoup de points de vue en commun, mais l'une des opinions qui nous distingue, c'est que moi, je ne considère pas que le mot «bénéfice» soit à proscrire. Je comprends qu'il faut réaliser des profits et je comprends la dynamique qui sous-tend l'évolution de l'industrie. Ce que je crains, c'est de perdre la diversité d'opinion et de passer du journalisme objectif à la création. C'est ce qui m'inquiète par dessus tout.

    J'ai une seule question que je pose à ceux que cela intéresse. Prenons l'exemple de Lloyd Robertson qui lit les nouvelles. Il y en a qui croit que c'est un parti pris d'entendre l'annonceur dire: «Cette émission vous est présentée par EDC», c'est-à-dire Exportation et Développement Canada. C'est l'argent des contribuables investit par l'entremise du gouvernement pour soutenir un bulletin de nouvelles parmi d'autres. Cela pourrait donner matière à croire qu'il y a un parti pris ou que le neutralité n'existe plus dans la radiodiffusion. Nous savons tous qu'il coûte très cher de commanditer un important téléjournal.

    J'aimerais avoir votre réponse là-dessus.

    Avant de terminer, permettez-moi d'ajouter une chose. Je n'oserais jamais parler en mal de Global aujourd'hui parce que cette entreprise a rendu un énorme service à l'un de mes électeurs, ce qui a d'ailleurs été diffusé dans les autres médias. Mon électeur, le lieutenant-colonel Al Trotter, s'efforce, depuis 13 ans, à faire reconnaître son statut de prisonnier de guerre par le gouvernement. C'est Global qui a diffusé son histoire, et elle a ensuite été diffusée à l'échelle nationale, et je vous remercie en son nom.

Á  +-(1105)  

+-

    Le président: Monsieur Fraser, allez-y.

+-

    M. Matthew Fraser: À propos des téléjournaux qui se confondent avec la publicité, je vous en donne un bref historique. C'est en fait ainsi que les téléjournaux ont commencé à la fin des années 40 et au début des années 50. Nous connaissons tous Mike Wallace. Il était annonceur affecté aux nouvelles dans les années 50. Il lisait ses bulletins d'actualité puis, se tournant vers une autre caméra, il prenait un paquet de cigarettes Chesterfield et disait: «Fumez des Chesterfield.»

    Les choses se passaient vraiment ainsi au tout début de la radiodiffusion, il y a 40 ou 50 ans. Au cours des années 60, 70 et 80, les deux volets se sont séparés et aujourd'hui, on assiste à un lent retour vers l'intégration des deux. C'est tout simplement une tendance historique. Ce n'est rien de nouveau. C'est comme cela que tout a commencé il y a 50 ans.

+-

    Le président: Non, je vous en prie. Je crois que nous allons manquer de temps.

+-

    M. Kenneth Goldstein: Je serai très bref. Je soupçonne que tout radiodiffuseur responsable dirait la même chose. Le présentateur de nouvelles ne sait pas que cette petite capsule publicitaire est insérée. Cet espace publicitaire est d'ailleurs vendu séparément. Nous ne modifions pas le contenu de nos bulletins pour plaire aux commanditaires. La rédaction est complètement indépendante.

+-

    M. Alain Gourd: Puisque Lloyd Robertson travaille à CTV, j'en profite pour faire une brève remarque. Les informations nationales et locales ne sont pas des catégories soutenues par le gouvernement, même si ce sont des catégories très importantes. Je ne critique pas; je relève un fait. En conséquence, ce type d'émission doit être financé par la publicité. Compte tenu de ce que Ken vient de dire, à savoir que le présentateur ne sait pas qu'une publicité est insérée dans l'émission ou ne sait pas qui rédige le bulletin, je crois qu'il est très louable qu'un organisme gouvernemental consente à faire une publicité pendant le téléjournal le plus regardé au Canada.

+-

    Le président: Monsieur Harvard, vous avez la parole.

+-

    M. John Harvard: Monsieur le président, je veux juste dire que, il y a 40 ans, mon travail à la radio était commandité par les cigarettes Peter Stuyvesant, et je suis non fumeur.

+-

    Mme Sarmite Bulte: Moi aussi.

+-

    Le président: Monsieur Bernier, allez-y.

[Français]

+-

    M. Marc-François Bernier: Je voudrais ajouter quelque chose sur le sujet soulevé par la députée. Il est vrai que chez les journalistes, ce sont des pratiques historiques, mais ce sont des pratiques qu'on a combattues parce qu'elles discréditaient la profession. Pour plusieurs personnes, cela continue d'alimenter la confusion entre le journalisme et la promotion et les autres genres communicationnels. Ce sont des choses qui sont peu recommandées, mais qu'on voit malheureusement de plus en plus, surtout dans les médias très conglomérés et très, très convergents. On essaie de plus en plus de transformer les journalistes en agents de promotion. Je crois que cela aussi peut nuire au journalisme. On se comporte comme si le journalisme appartenait à la corporation. Il faut faire attention à ces choses qui jettent du discrédit sur la profession.

[Traduction]

+-

    Le président: Nous allons conclure avec M. Bonwick, parce qu'il y a un deuxième groupe de témoins et...

+-

    Mme Sarmite Bulte: Monsieur le président, j'aimerais préciser que Exportation et développement Canada ne reçoit pas un financement annuel des contribuables canadiens. Cet organisme réalise désormais des profits. Il faut que ce soit clair.

Á  +-(1110)  

+-

    Le président: Monsieur Bonwick, à vous.

+-

    M. Paul Bonwick (Simcoe—Grey, Lib.): Un éclaircissement, monsieur le président. Est-ce que c'est le même groupe qui reste pour discuter d'un autre sujet?

+-

    Le président: C'est bien cela.

+-

    M. Paul Bonwick: J'aimerais discuter de quelques préoccupations, et puis j'aurai une question à vous poser.

    Cependant, j'aimerais d'abord remercier chacun d'entre vous d'avoir pris part à cette discussion, parce qu'elle a été très instructive, malgré les différentes opinions exprimées.

    À chaque fois que j'aborde un nouveau sujet, je mets sur papier ce que je considère comme étant ma tâche au sein de ce comité en ce qui concerne l'examen de la Loi sur la radiodiffusion. Ma tâche consiste à faire en sorte que les Canadiens aient accès à une industrie de la radiodiffusion saine et florissante, tout en veillant à ce qu'il y ait des débouchés pour la programmation canadienne ou régionale. Il y a un équilibre à atteindre.

    Quelques idées me viennent à l'esprit—des théories paranoïaques—, que j'aimerais discuter ici pour fins de clarification. Je soupçonne que M. Asper et M. Sabia ne rêvent pas la nuit de devenir maîtres du monde en exerçant un contrôle rédactionnel, contrairement à ce que certains de mes collègues peuvent croire.

    Par ailleurs, lorsque l'on a posé, à certains membres du groupe, la question: Qu'offrez-vous au public, la prémisse de la question était à mon avis erronée. C'est ce que le public vous demande. Ce ne sont pas M. Goldstein et M. Gourd qui imposent une programmation. C'est l'auditeur qui dit: Voici ce que j'ai envie de voir, et si vous ne me le présentez pas, je zappe. Je crois que c'est le public canadien qui détermine tout à fait votre programmation, et non les membres d'un conseil d'administration, qui croient qu'il faudrait faire ceci ou cela.

    Ce qui m'intéresse, c'est une industrie de la radiodiffusion saine et florissante, qui reconnaît que le secteur privé représente la majeure partie de l'industrie... C'est une question d'équilibre entre une industrie saine et florissante, d'une part, et le fait d'assurer des débouchés pour le contenu canadien et régional en temps opportun, d'autre part.

    M. Fraser a fait une remarque intéressante, et je crois que je peux la remettre dans le contexte de mon bureau de circonscription. Du nombre de demandes que nous recevons de personnes âgées de moins de 25 ans, 90 p. 100 nous parviennent par courrier électronique, et ces jeunes nous demandent de répondre par courriel. En ce qui concerne ma génération, au moins 75 p. 100 des communications que nous recevons nous arrivent par téléphone ou par lettre, et ceux-là nous demandent de répondre en utilisant un médium différent. Alors je suis heureux d'entendre M. Fraser dire qu'il faut tenir compte de ce que veut la génération suivante, et non seulement de nos objectifs. D'où l'équilibre à atteindre. Comment maintenir une industrie saine et dynamique tout en garantissant aux Canadiens l'accès, au cours de la prochaine décennie, au contenu canadien et régional? Doit-on procéder par voie des politiques gouvernementales ou par voie d'investissement? Parce que la protection pose un grand défi.

    Lorsqu'un jeune de 18 ans veut en savoir plus long sur une question précise, il ne va pas nécessairement acheter le Globe and Mail. Il va plutôt se brancher à Internet, taper le thème qui l'intéresse dans son moteur de recherche et en retirer 250 points de vue différents. Je cherche donc à savoir, et je m'adresse surtout à M. Gourd, M. Goldstein et peut-être M. Bernier, pour savoir comment réaliser cet équilibre pour faire en sorte que le secteur privé soit rentable tout en protégeant le contenu canadien?

+-

    M. Alain Gourd: Permettez-moi de répondre le premier. Je crois que la Loi sur la radiodiffusion comporte une caractéristique très intéressante et très importante, c'est l'article 3, qui constitue un énoncé de valeurs, un énoncé d'objectifs. Chaque titulaire de licence, privé ou public, doit s'efforcer de mettre en oeuvre le mandat conféré au système.

    Deuxièmement, je vous dirais que oui, en particulier en ce qui a trait aux informations, il faut avoir recours à la publicité, et il faut donc avoir le souci de rentabilité pour pouvoir rester en affaires.

    Toutefois, je vous dirais ceci en troisième lieu: la meilleure façon de réussir dans la catégorie des émissions d'information c'est de laisser les spécialistes des nouvelles faire leur travail sans ingérence du centre de l'entreprise. Laissons-les couvrir les événements tels qu'ils se produisent, tels qu'ils les voient, dans les limites qu'impose la Loi sur la radiodiffusion, les règlements, les différents instruments législatifs, qui figurent dans un manuel qui est remis à tous les journalistes. Mais à l'intérieur de ce cadre, c'est la salle de nouvelles qui couvre les informations, et je crois que c'est le meilleur moyen d'obtenir des résultats positifs.

Á  +-(1115)  

+-

    M. Paul Bonwick: Permettez-moi de vous interrompre, du côté du contenu canadien, il y a un autre...

+-

    Le président: Laissez M. Goldstein et M. Bernier répondre à votre première question.

[Français]

+-

    M. Marc-François Bernier: Effectivement, je dois dire que la notion de profit ne me pose aucun problème, moi non plus. J'ai longtemps travaillé pour Quebecor et je sais l'importance d'avoir une entreprise rentable pour pouvoir faire de l'information. Le problème est souvent lié non seulement au profit, mais aussi à l'exigence de profit. L'information n'est pas la même quand on exige 8 p. 100 de retour sur un placement que lorsqu'on exige 17 p. 100 ou 20 p. 100. Cela fait une grande différence dans la qualité de l'information.

    Il y a une chose que je veux souligner. C'est vrai qu'il y a une génération montante qui est très branchée, mais puisque vous représentez ici l'ensemble de la population canadienne, n'oubliez pas que la majorité de la population canadienne ne travaille pas de cette façon, ne s'informe pas de cette façon-là. Les personnes âgées ont peu accès aux nouvelles technologies. Ceux qui sont en région n'ont pas toujours accès à des lignes à haute vitesse. Ceux qui sont en région et qui reçoivent l'information par satellite n'ont souvent pas accès ou commencent à avoir accès--c'est le cas dans la région de Québec, à tout le moins--à l'information locale. Pendant des années, on ne leur donnait pas une information locale; ils étaient branchés sur Montréal et d'autres régions.

    Alors, il faut faire attention et bien regarder l'ensemble de la situation. Une grande proportion de la population canadienne n'a pas accès à ces nouvelles technologies, et il faut en tenir compte.

[Traduction]

+-

    Le président: Monsieur Goldstein, allez-y.

+-

    M. Kenneth Goldstein: J'essaierai d'être le plus bref possible. Vous avez posé la question fondamentale. Voilà ce que signifie pour nous le mot «convergence», avec tous les sens qu'il véhicule. Comment atteindre cet équilibre? C'est ce que nous cherchons. Comment assurer le service à nos communautés locales tout en étant inondés de contenus médiatiques de partout dans le monde?

    Je vais vous citer un chiffre: 717 921 Canadiens. Qu'est-ce que ce chiffre représente? C'est le nombre de Canadiens abonnés au New York Times en ligne, en date de mai. Ce chiffre dépasse le tirage de tous les quotidiens canadiens. Lorsque 750 000 Canadiens sont abonnés au New York Times en ligne, il nous faut repenser la gestion de tous nos médias, il faut nous concentrer beaucoup plus sur le local et le régional, et c'est ce que nous essayons de faire.

[Français]

+-

    Le président: Vous avez 30 secondes. Il faut que l'on aille à notre... [Note de la rédaction: inaudible].

+-

    M. Claude Duplain (Portneuf, Lib.): Je veux savoir si j'ai bien compris. Avec la propriété croisée, il y a la problématique des nouvelles en région, mais vous venez de dire, dans votre dernière réponse, que dans la région de Québec et en région, on n'avait pas d'information locale, que l'information venait de Montréal, et que maintenant on a de l'information. C'est le contraire de ce que vous dites, n'est-ce pas?

+-

    M. Marc-François Bernier: Québec est quand même une capitale, mais jusqu'à tout récemment, dans cette capitale, les gens qui étaient branchés sur le satellite à l'Île d'Orléans ne captaient pas les nouvelles de Québec; ils captaient les nouvelles de Montréal. C'est quand même incroyable, et le changement est tout récent. C'est parce qu'il y a eu des pressions politiques pendant des années de la part du maire de la Ville de Québec et de la communauté urbaine que cela a changé, car ce n'était pas du tout dans la dynamique de l'entreprise que de changer cela. Maintenant, le même problème se répercute dans d'autres régions plus éloignées.

    À cet effet, la question de Radio-Nord est assez intéressante. En ce moment, il y a un conflit chez Radio-Nord. Quand il y a un conflit, tout le monde est dehors et il n'y a plus d'information locale, sauf celle faite par des cadres.

    Il faut faire attention à ces choses-là. Il faut aussi tenir compte de toutes ces particularités dans le portrait.

+-

    M. Alain Gourd: Il y a une avenue de solution, je pense. Je suis aussi président du conseil de l'Association canadienne des radiodiffuseurs, et on a une entente avec Bell ExpressVu pour l'ajout d'un nombre important de stations locales additionnelles. On espère que cette entente sera approuvée le plus tôt possible, parce qu'au-delà de 20 stations s'ajouteront à la diffusion directe par satellite dans différentes régions, y compris au Canada français. On espère que ça va se faire bientôt.

+-

    Le président: Merci.

    J'ai une information à transmettre aux membres du comité.

Á  +-(1120)  

[Traduction]

    Les rapports de l'étude britannique présentés par M. Morrison sont protégés par un droit d'auteur appartenant à la Chambre des lords et à la Chambre des communes du Royaume Uni, ce qui fait que nous n'avons pas le droit de les faire traduire. Le greffier communiquera avec les membres du comité, et ceux qui souhaitent en obtenir une copie n'ont qu'à en aviser le greffier, et nous les ferons suivre.

    La première partie de la séance est levée. Je vous propose de nous arrêter pour cinq minutes et de nous étirer un peu, et nous recommencerons tout de suite après.

Á  +-(1120)  


Á  +-(1128)  

+-

    Le président: La séance reprend avec la deuxième table ronde, sur la propriété étrangère. Nous avons déjà présenté nos experts, mais cette fois, M. Geoff Elliot, vice-président, affaires corporatives de CanWest Global, interviendra.

    Nous commençons avec vous, monsieur Elliot.

+-

    M. Geoffrey Elliot (vice-président, CanWest Global Communications Corp.): Merci beaucoup, monsieur le président, de l'occasion qui m'est offerte d'aborder, au nom de CanWest, le sujet de la propriété étrangère dans la radiodiffusion. Compte tenu de notre expérience, je soupçonne que la position de CanWest peut différer quelque peu de celle d'autres sociétés canadiennes oeuvrant dans le même domaine.

    En guise d'introduction à cette discussion portant sur les règles gouvernant la propriété étrangère, je dois dire que CanWest est propriétaire à part entière des réseaux néo-zélandais TV3 et TV4 et possède en propriété exclusive des stations radio importantes en Nouvelle-Zélande. Notre société détient 57,5 p. 100 des actions de Network TEN, l'un des trois réseaux nationaux d'Australie. CanWest contrôle 45  p. 100 des actions de TV3 en Irlande, le seul réseau traditionnel privé de ce pays. Nous détenons également 30  p. 100 des parts de UTV, située en Irlande du Nord, soit une franchise du réseau commercial britannique ITV.

    À l'heure actuelle, la réglementation canadienne fixe la participation étrangère maximale des sociétés de radiodiffusion canadiennes à un total de 20  p. 100 en investissement direct et 33  p. 100 en investissement indirect, pour un total possible de 46,7  p. 100 de participation avec droit de vote.

    CanWest croit que le moment est venu d'examiner les limites actuelles en matière de propriété étrangère des actions avec droit de vote dans le secteur de la radiodiffusion, en vue de les assouplir ou de les relever.

    L'enjeu réel consiste à offrir aux sociétés canadiennes de radiodiffusion des possibilités accrues d'expansion dans un marché mondial compétitif caractérisé par la convergence des médias, les progrès technologiques rapides et les conglomérations internationales des médias. Comme d'autres l'ont dit ce matin, la technologie et l'Internet font disparaître les frontières et les marchés nationaux protégés pour les médias de tous genres.

    Le marché canadien seul n'offre pas des débouchés d'envergure suffisants pour rivaliser avec la position qu'occupent sur les marchés les conglomérats médiatiques étrangers. Pour assurer leur croissance et leur viabilité, les sociétés médiatiques canadiennes comme CanWest ont besoin d'une plus grande souplesse pour faire des acquisitions stratégiques d'actifs de radiodiffusion situés dans d'autres pays.

    Les limites sur la propriété étrangère dans le secteur de la radiodiffusion empêchent les sociétés canadiennes de forger ces alliances stratégiques aux États-Unis ou ailleurs.

    Les partenariats stratégiques exigent un niveau d'investissement suffisant pour garantir une participation à la direction et à l'orientation stratégique d'une entreprise, ce qui n'est pas la même chose que les investissements de portefeuille que les limites actuelles induisent généralement.

    Il n'est pas nécessaire d'éliminer totalement les limites à la propriété étrangère, même si CanWest ne s'y objecterait pas. Toutefois, à notre avis, si le Canada décide de relever ses limites de propriété étrangère, il faudrait que cela s'accompagne d'un assouplissement comparable des règles aux États-Unis, en Europe et dans d'autres pays comme l'Australie.

    Les États-Unis, la Grande-Bretagne et l'Australie sont tous actifs en ce sens: ou bien ils ont engagé un examen de leurs politiques, ou bien ils étudient présentement une mesure législative visant à assouplir les règles de propriété étrangère dans la radiodiffusion. Le cycle actuel de négociations à l'OMC représente une occasion unique de réaliser des ajustements réciproques de nos politiques. Si nous ratons cette occasion, l'histoire des négociations commerciales nous apprend qu'il faudra attendre une autre décennie avant qu'une autre occasion se présente.

    CanWest propose de relever la limite de propriété étrangère des actions avec droit de vote dans les sociétés de radiodiffusion à 49  p. 100. Ce pourcentage peut être constitué indifféremment de propriété directe ou indirecte, et peut être détenu par un actionnaire unique ou par un grand nombre d'actionnaires, le tout étant sujet à l'adoption d'un régime identique dans d'autres pays, notamment les États-Unis. Un tel régime profiterait de plusieurs façons aux sociétés canadiennes, sans comporter de désavantages, à notre avis.

    Pour le temps qu'il me reste, j'aimerais répondre très brièvement aux questions précises qu'a posées le comité.

    Premièrement, CanWest croit que les limites à la propriété étrangère dans la radiodiffusion sont trop contraignantes. Il est temps d'assouplir les règles, mais il faut le faire de façon mesurée, en parallèle avec une évolution semblable aux États-Unis et dans d'autres marchés qui intéressent l'investissement canadien.

    Au chapitre des pratiques qui ont cours à l'étranger, dans l'Union européenne, je crois qu'il y a les règles nationales et celles de l'Union. Dans le passé, les monopoles d'État et la participation limitée du secteur privé ont contribué à restreindre les choix qui s'offrent aux consommateurs comparativement aux choix dont profitent les Canadiens. Ces règles, y compris des règles en matière de propriété étrangère, sont aujourd'hui progressivement assouplies à l'étranger.

Á  +-(1130)  

    Comme je l'ai dit, CanWest détient actuellement 45  p. 100 de TV3, le seul réseau de télévision traditionnel privé d'Irlande, et nous en gérons aussi l'exploitation. Le directeur général de TV3 est l'ancien gestionnaire de la station Global TV de Winnipeg.

    Quant à votre troisième question, la justification principale d'un assouplissement des règles est de permettre aux radiodiffuseurs canadiens de grandir et d'être concurrentiels dans un marché qui se mondialise. Le marché canadien ne suffit pas. Les Canadiens ont déjà accès à d'innombrables canaux, tant canadiens qu'étrangers, acheminés par câble et par satellite.

    À propos de la quatrième question, d'aucuns prétendent qu'il serait préférable d'assouplir les règles en matière de télécommunications, peut-être même de câblodistribution, tout en maintenant les limites actuelles pour la radiodiffusion. CanWest n'est pas d'accord. Si les câblodistributeurs et les entreprises de télécommunications n'étaient que de simples distributeurs de signaux de radiodiffusion, peut-être serait-il logique de leur réserver un traitement différent.

    Toutefois, BCE possède des systèmes téléphoniques, des systèmes de radiodiffusion directe par satellite, ainsi que le réseau de télévision CTV et une gamme de chaînes de télévision spécialisées. Les câblodistributeurs comme Rogers et Shaw détiennent également un nombre considérable de chaînes de télévision spécialisées. Ils sont tous en concurrence directe avec les radiodiffuseurs traditionnels. Les sociétés de téléphonie, de câblodistribution et de radiodiffusion directe par satellite sont toutes en mesure d'établir des ententes à l'interne et d'offrir à leurs radiodiffuseurs affiliés des services préférentiels. Si nous leur réservions un traitement différent, ces entreprises jouiraient non seulement d'un accès privilégié au capital mais aussi d'un avantage discriminatoire en ce qui a trait aux partenariats stratégiques avec les radiodiffuseurs étrangers. CanWest croit qu'il est essentiel que tout assouplissement des règles relatives à la propriété étrangère s'applique également aux trois secteurs.

    La cinquième question porte sur la diversité des voix. À notre avis, des règles de propriété étrangère assouplies ne devraient avoir aucune incidence, à condition de maintenir les radiodiffuseurs canadiens dans l'obligation de se plier aux autres exigences de la Loi sur la radiodiffusion et du CRTC, nonobstant la propriété.

    Il est intéressant de noter que le Sénat australien se penche sur cette même question, c'est-à-dire le lien entre la propriété étrangère et le contenu australien, dans le cadre de son examen d'un projet de loi qui est présentement à l'étude au Parlement australien. J'aimerais vous lire un court paragraphe de la conclusion du rapport sénatorial.

Á  +-(1135)  

+-

    Le président: Est-ce vraiment un court extrait?

+-

    M. Geoffrey Elliot: Oui, je vous assure, c'est très court.

    Le comité sénatorial australien écrit:

Le Comité est d'avis que, eu égard à l'influence qu'exerce la propriété étrangère, il est raisonnable de croire que les propriétaires étrangers chercheront à maximaliser les profits plutôt qu'à influencer l'opinion publique. En conséquence, on peut s'attendre à ce qu'ils offrent un contenu dont l'objectif est de stimuler le plus possible la demande du consommateur et, du même coup, les revenus publicitaires. Il y a donc un impératif commercial poussant les radiodiffuseurs à assurer un contenu australien. En outre, il est essentiel de rappeler que ce projet de loi

    —c'est-à-dire, le projet de loi australien—

ne modifiera en aucune façon les règles en vigueur concernant le contenu australien. C'est pourquoi le Comité est d'avis que les inquiétudes voulant que l'adoption de ce projet de loi mène à une réduction de la programmation produite localement ne sont pas fondées.

    L'obligation d'offrir un contenu canadien à la télévision découle du mandat de la SRC, des règlements du CRTC et des programmes du gouvernement canadien qui subventionnent les projets des producteurs indépendants. D'après nous, aucune modification aux règles de propriété étrangère ne peut changer cette situation. Le relèvement des limites pour la propriété étrangère ne devrait avoir aucune conséquence manifeste pour la promotion ou la diffusion du contenu canadien à la télévision, étant donné le cadre réglementaire que je viens d'expliquer.

    Votre septième question porte sur le coût du capital et l'accès au capital. Les entreprises canadiennes émettent déjà des actions sans droit de vote et des obligations sur les marchés boursiers étrangers, principalement aux États-Unis. Le coût des capitaux d'emprunt dépend bien sûr de la situation financière de l'emprunteur et de la cote dont il jouit auprès des agences d'évaluation du crédit. La véritable conséquence pour les radiodiffuseurs d'un assouplissement des règles canadiennes conjugué à un assouplissement des règles américaines en particulier, serait de créer plus de souplesse pour faciliter la croissance des radiodiffuseurs canadiens à l'échelle internationale.

    Enfin, en réponse à la huitième question, nous croyons que cela ne devrait avoir aucune incidence sur les emplois dans le secteur de la radiodiffusion canadienne, tant et aussi longtemps que le CRTC continuera à réglementer le contenu canadien minimal et à obliger les radiodiffuseurs de se conformer aux autres exigences de la Loi sur la radiodiffusion.

    Je m'arrête là. Merci, monsieur le président.

+-

    Le président: Monsieur Fraser, vous avez la parole.

+-

    M. Matthew Fraser: Monsieur le président, je suis heureux que le comité se penche sur la propriété étrangère des médias qui, à mon avis, est le problème numéro un auquel est confronté non seulement le secteur des médias canadiens, mais le secteur des médias dans presque tous les pays.

    Une vague de déréglementation de la propriété étrangère balaie le monde entier. M. Morrison a cité il y a quelques instants des exemples en Grande-Bretagne. Dans ce pays, le gouvernement de Tony Blair, un gouvernement socialiste comme nous le savons tous, est en train de déréglementer la propriété étrangère. Comme vous l'avez sans doute lu dans le journal, il a rencontré la semaine dernière Sumner Redstone, président de Viacom Inc., qui possède CBS et MTV. C'est un énorme conglomérat de médias américains qui veut investir dans l'industrie de la radiodiffusion britannique. M. Blair l'a rencontré au 10 Downing Street et a été violemment critiqué par plusieurs de ces pairs travaillistes, je crois, notamment Lord Putnam. La question est très controversée là-bas, mais le gouvernement travailliste a malgré tout décidé de déréglementer la propriété étrangère à l'instar d'autres pays.

    J'ai parcouru rapidement l'internet hier soir. En Inde, un journal titrait: «Assouplissement des règles d'investissement étranger pour les médias imprimés». Au Brésil, on pouvait lire: «Le Brésil donne le feu vert aux investissements étrangers dans les médias». Dans d'autres pays, c'est l'inverse. Au Zimbabwe, un journal titrait: «Le gouvernement du Zimbabwe a l'intention d'interdire la propriété étrangère dans les médias privés». Les pays industrialisés semblent ouvrir la porte à la déréglementation de la propriété étrangère, alors que certains autres pays, comme le Zimbabwe, prennent le contre-pied.

    J'aimerais commencer par une notion qui ne vous semblera pas trop professorale, je l'espère. Comme je le dis à mes étudiants, et c'est quelque chose qui s'applique à la propriété étrangère, on ne commence vraiment à comprendre le système de radiodiffusion canadien qu'à partir du moment où l'on maîtrise une notion, la notion d'interfinancement. Une fois qu'on l'a comprise, on a tout appris, on a saisi la totalité du système.

    Qu'est-ce que l'interfinancement? À la base de tout notre système de radiodiffusion au Canada, il y a des radiodiffuseurs et des entreprises de médias qui font de l'argent et des profits en important principalement des produits américains au Canada. Ils font de l'interfinancement, ou ils investissent dans du contenu canadien. Tout le système repose sur ce principe.

    Nous savons que CTV et Global diffusent beaucoup d'émissions américaines aux heures de grande écoute. Cela leur permet de réaliser des bénéfices qu'elles sont tenues en vertu des conditions de leur licence de réinvestir dans du contenu canadien. On désigne cela par l'expression «radiodiffusion simultanée».

    Comme vous le savez, les chaînes de télévision spécialisées du Canada sont associées à des chaînes américaines. Par exemple, Home & Garden reprend ses émissions de Home & Garden aux États-Unis. TSN, le réseau des sports, fonctionne en partenariat avec ESPN qui l'alimente. Je pourrais citer de nombreux autres exemples. Ces chaînes de télévision gagnent de l'argent avec des émissions américaines et sont tenues en vertu de la réglementation de faire de l'interfinancement au Canada. De la même façon, à la télévision payante, TMN, The Movie Network, ou Movie Central dans l'ouest, fonctionnent avec HBO, Home Box Office.

    Même dans l'industrie du livre, la plupart des éditeurs canadiens gagnent de l'argent en distribuant des livres américains au Canada. Ensuite, le mécanisme d'interfinancement leur permet de subventionner des auteurs canadiens.

    Vous vous demandez pourquoi je vous parle d'interfinancement. C'est parce que les règles actuelles sur la propriété étrangère permettent à ce mécanisme de fonctionner correctement. Nous tenons les étrangers à l'écart de nos industries médiatiques. Ils sont limités à des pourcentages minoritaires de 33 et 20 p. 100, et ils ne peuvent pas occuper une position de contrôle dans l'industrie. C'est pour cela que les radiodiffuseurs américains comme HBO sont obligés de passer par des intermédiaires canadiens comme The Movie Network. La réglementation les empêche de s'implanter directement sur notre marché. Par conséquent, leurs émissions comme The Sopranos et Six Feet Under, passent forcément par TMN. TMN gagne de l'argent avec les émissions d'HBO et subventionnent ensuite le contenu canadien grâce au mécanisme d'interfinancement.

    Pourquoi avons-nous des règles de propriété étrangère pour essayer de faire fonctionner ce mécanisme? C'est essentiellement parce que les entreprises canadiennes se comportent de manière prévisible. Autrement dit, elles font ce que les gouvernements et les organismes de réglementation leur disent de faire, essentiellement parce que leurs actifs sont situés en sol canadien et peuvent être saisis si elles ne respectent pas la réglementation.

Á  +-(1140)  

    En fait, cet argument n'est pas si vrai que cela. En réalité, on pourrait même dire qu'il est fallacieux. Personnellement, je soutiens que les entreprises étrangères peuvent se comporter de manière prévisible au Canada alors que les entreprises canadiennes ne se comportent pas souvent de manière prévisible ou souhaitable ici.

    Par exemple, Cineplex Odeon, la chaîne de cinémas au Canada, a appartenu à des intérêts canadiens. Nous savons qu'elle a appartenu pendant des années à la famille Bronfman. À l'époque où Cineplex Odeon appartenait à des Canadiens, est-ce que cette chaîne a servi de tremplin à la production cinématographique canadienne? Pas du tout. On constate au contraire qu'elle a fonctionné comme la plupart des autres chaînes de cinémas d'Amérique du Nord. Autrement dit, les entreprises canadiennes au Canada ne se comportent pas nécessairement comme le souhaiteraient les autorités de réglementation.

    J'ajouterais que le modèle d'interfinancement ne fonctionne pas vraiment, si l'on y réfléchit. Certes, les radiodiffuseurs et les entreprises de médias sont tenus de consacrer un certain pourcentage de leurs recettes à la production de contenu canadien, mais si vous regardez l'historique du lobbying par des groupes d'intérêts, vous constaterez qu'ils ont fait d'énormes pressions auprès du CRTC, qu'ils ont engagé à prix d'or des avocats et des lobbyistes pour essayer de faire réduire ces obligations au lieu de les renforcer. Si le mécanisme d'interfinancement fonctionnait et prospérait, les entreprises de médias canadiennes seraient ravies de faire de l'interfinancement pour encourager le contenu canadien, mais ce n'est pas le cas. Elles essaient au contraire sans cesse de faire reculer et non avancer ces obligations. J'estime donc que la propriété étrangère, dissimulée derrière l'interfinancement, ne fonctionne pas.

    Mon argument suivant—et il sera bref—est que nos règles de propriété étrangère sont, si vous me passez l'expression, hypocrites. Nous avons au Canada une réglementation de la propriété étrangère extrêmement stricte, qui interdit aux étrangers d'avoir une position de contrôle, alors que les entreprises de médias canadiennes sont présentes dans le monde entier. On vient de parler de la présence de CanWest en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Grande-Bretagne et ailleurs. Conrad Black, comme vous le savez, est propriétaire du Chicago Sun-Times aux États-Unis, du Jerusalem Post et du Daily Telegraph au Royaume-Uni. Mortimer Zucherman, de Montréal, est propriétaire du Atlantic Monthly, je crois. Il possède un journal à New York et plusieurs autres revues aux États-Unis. Ken Thomson, Lord Thomson, il va sans dire, a été propriétaire de même que son père de journaux dans le monde entier et notamment au Royaume-Uni. La tradition remonte à Lord Beaverbrook. Ted Rogers a été à une époque l'un des cinq barons du câble aux États-Unis. Il a été l'un des cinq plus gros propriétaires de câble aux États-Unis. La famille Shaw, comme vous le savez, est en train de vendre ses installations de câblodistribution en Floride, et elle a donc été présente aux États-Unis. Or aucun étranger, aucun Américain ne peut exercer un contrôle dominant sur une entreprise de médias canadienne, notamment une entreprise de radiodiffusion.

    Je soutiens que nous devons revoir le marché canadien et comprendre que le Canada fait maintenant partie d'un marché continental. La distinction entre le Canada avec son régime de réglementation distinct et les États-Unis en tant que territoire différent ne tient plus.

    Prenons l'exemple de la télévision et du centre de réalisation cinématographique. Je suis sûr qu'Elizabeth McDonald vous en parlera. Dans ce domaine, il y a actuellement cinq grands centres de production qui profitent culturellement et économiquement des activités de réalisation de films pour la télévision et le cinéma. Ces cinq centres sont Los Angeles, New York, Toronto, Vancouver et Montréal. Autrement dit, le Canada en a trois sur ces cinq. Nos trois plus grandes villes au Canada profitent de l'industrie de réalisation cinématographique et télévisuelle nord-américaine. Ce n'est pas Dallas, ce n'est pas Atlanta, ce n'est pas Seattle, ce n'est pas St. Louis, ce n'est pas Detroit, ce n'est pas Boston, c'est Toronto, Vancouver et Montréal. Je soutiens que nous devons reconsidérer la façon dont nous menons ce débat en comprenant que nous ne sommes pas simplement des participants, mais aussi des bénéficiaires de cette économie.

    Quelqu'un va me répondre: oui mais qu'en est-il des restrictions américaines sur la propriété étrangère? Est-ce qu'ils ne plafonnent pas la propriété étrangère à 25  p. 100 pour la radiodiffusion? C'est vrai. Le marché américain est entièrement ouvert à tous les aspects des industries des médias et des loisirs. Nous avons eu des Canadiens. Les Bronfman ont contrôlé le studio de Hollywood. Nous connaissons le cas de Vivendi, qui est basé à Paris et qui a été propriétaire de Universal Studios pendant une brève période. Ted Rogers est présent dans la télévision par câble.

Á  +-(1145)  

    N'importe quel étranger peut acheter n'importe quel segment des industries américaines du loisir et des médias, à l'exception des radiodiffuseurs en direct, autrement dit les réseaux de télévision. C'est une réglementation qui remonte aux années 30, pour une raison historique bien précise. C'était la période anticommuniste, et le gouvernement de l'époque craignait qu'un réseau de télévision américain puisse tomber entre les mains d'un communiste—les prétendus étrangers. De nos jours, les États-Unis ont peur qu'un Saddam Hussein s'empare de CBS, ce genre de choses. Il y a donc une sorte de souci historique de la sécurité nationale aux États-Unis.

    Je crois savoir que les Américains seraient d'accord pour renégocier cette réglementation en vue de la lever dans le cas de ses partenaires commerciaux, notamment ses partenaires amicaux, et c'est pourquoi je suggérerais que le Canada entame des négociations bilatérales ou multilatérales avec les États-Unis pour établir un régime de réciprocité sur les restrictions de propriété. Autrement dit, les Américains doivent effectivement lever cette restriction visant ce dernier volet de leur industrie pour permettre à un Izzy Asper ou à BCE de s'installer là-bas s'ils trouvent les ressources nécessaires pour acheter CBS ou NBC, ou s'implanter dans le secteur de la radiodiffusion, ce qui n'est pas le cas maintenant. À mon avis, la solution serait de négocier une formule de réciprocité avec les Américains à cet égard.

    Ma dernière remarque concernera la câblodistribution dont on discute dans les journaux. Je trouve que c'est une absurdité totale. Je ne comprends pas pourquoi le gouvernement canadien, ou en tout le cas le ministère du Patrimoine résiste. Allan Rock, ministre de l'Industrie, et les hauts fonctionnaires du ministère du Patrimoine canadien devraient savoir que la politique de convergence de 1996 a en fait encourager très fortement les compagnies de télévision et de téléphone à se concurrencer en tant qu'entités de convergence, les compagnies de télévision par câble offrant un service de téléphone et les grandes compagnies de téléphone proposant un service vidéo—c'est-à-dire un service de télévision. Je suis donc stupéfait de voir le gouvernement prendre le contre-pied sur ce point, puisqu'un ministère ou un ministre ne veut pas que la télévision par câble puisse passer sous propriété étrangère alors que, si ces compagnies de télévision sont censées concurrencer les grandes compagnies de téléphone dans le contexte de la politique de convergence, elles ne pourront pas avoir accès aux capitaux étrangers de la même façon que ces compagnies de téléphone.

    Je comprends très bien que Bell Canada ou BCE ne soit pas d'accord pour que leurs concurrents aient accès à des capitaux étrangers, car ces sociétés savent très bien que tant que leurs concurrents comme Sprint, AT&T, Rogers et les autres grandes compagnies de câblodistribution n'auront pas accès à ces capitaux étrangers, elles se casseront les dents.

    Mes deux conclusions seront: la réciprocité avec les États-Unis pour la propriété des médias et l'inclusion de la télévision par câble au même titre que tout le reste dans la déréglementation de la propriété.

    Merci.

Á  +-(1150)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Fraser.

    Monsieur Courtois.

[Français]

+-

    M. Bernard Courtois: Merci, monsieur le président.

    Pour nous, la question de la propriété étrangère est complexe. Je vais illustrer notre propos et démontrer pourquoi c'est une question complexe pour notre entreprise et, selon nous, pour le Canada, en vous mentionnant trois réalités.

    La première, c'est que les entreprises de téléphone sont en concurrence avec les entreprises de câble. La deuxième réalité, c'est que des technologies qui offraient précédemment des services différents continuent d'évoluer pour offrir des services qui sont en concurrence directe les uns avec les autres. La troisième réalité, c'est que lorsqu'on offre la télévision par un système de câble ou par l'intermédiaire de fils téléphoniques ou par satellite, on est dans une entreprise de contenu et non dans une entreprise de transport.

[Traduction]

    Pour en revenir à ces trois réalités, les compagnies de téléphone concurrencent directement les entreprises de câble. La voie est claire, particulièrement au Canada, soit dit en passant. Le Canada est dans une situation très avantageuse comparativement à d'autres pays, mais les deux types d'entreprises se concurrencent clairement pour essayer d'offrir leurs services de téléphonie, d'Internet et de télévision à la même clientèle.

    Les technologies continuent d'évoluer. La numérisation se poursuit, et va faire en sorte que de plus en plus des technologies naguère distinctes vont se chevaucher pour offrir des services qui vont se concurrencer directement.

    Il y a évidemment la télévision par câble qui sert à fournir un service de modem câblé et qui concurrence directement le DSL et les autres services Internet ou compagnies de téléphone, et ces services DSL vont pour leur part être de plus en plus capables de transmettre des signaux vidéos et de concurrencer la télévision par câble.

    Nous avons au Canada des entreprises de téléphone qui détiennent des licences de câblodistribution ou qui en ont demandées pour faire passer ce genre de services sur les fils téléphoniques. Aliant, MTS, Sask Tel ont des licences de câblodistribution et TELUS en a demandé une.

    À l'inverse, EastLink, au Canada Atlantique, offre un service téléphonique sur son réseau de câblodistribution, et aux États-Unis Cox et AT&T proposent d'importants services téléphoniques. La question n'est donc pas de savoir si les autres câblodistributeurs du Canada vont pouvoir faire la même chose, mais simplement quand.

    De même, dans le domaine de la transmission sans fil, il serait peut-être bon que je précise que le téléphone à écran de la téléphonie mobile, qui est maintenant numérisé, est un peu l'équivalent de l'ordinateur individuel que nous avions tous il y a une vingtaine d'années. Il y a vingt ans, nous n'aurions jamais pu imaginer que notre ordinateur personnel, qui nous servait à rédiger péniblement des courriels et peut-être quelques tableaux de calcul, pourrait avoir une fonction multimédia. Le web n'existait même pas. Mais aujourd'hui, sur ce même ordinateur individuel, on peut regarder des vidéos, jouer à des jeux interactifs, télécharger de la musique. Le téléphone mobile est en train de suivre plus ou moins le même genre d'évolution, et bientôt on se posera des questions sur les gens qui prendront leur téléphone mobile comme ils le font aujourd'hui pour jouer à Who Wants to be a Millionaire?, mais à l'avenir, la question que ces gens-là se poseront, ça sera: «Est-ce que je vais regarder les informations sur CNN ou sur CTV?»

    La troisième réalité, c'est que quand on propose un service de télévision non seulement par satellite, mais par câble ou par lignes téléphoniques, on est une entreprise de contenu et non de télécommunications. Dans la Loi sur les télécommunications, on dit qu'un télécommunicateur est un télécommunicateur public, et cette notion de «carrier» en anglais, comme je l'ai dit lors d'une précédente comparution ici, est une notion juridique qui remonte à l'époque des canaux, des chemins de fer et des transports routiers d'avant l'automobile, l'époque des véhicules tirés par des chevaux.

    Selon une notion juridique bien établie, une entreprise de télécommunications ne peut pas choisir le contenu de ce qu'elle transporte, ni influencer ce contenu, alors que quand nous transmettons des images télévisées sur notre réseau téléphonique ou câblé, nous faisons quelque chose de très différent. Nous établissons des bouquets de télévision numérique, et le client choisit, en discutant avec nous du prix et de tout le reste, un bouquet d'émissions sportives, un forfait information, une chaîne historique, etc.

    Pour transposer cela au système téléphonique, et vous donner une idée de la différence, si nous offrions l'équivalent de la télévision par câble sur notre réseau téléphonique, quand vous prendriez votre téléphone pour appeler votre mère ou un ami, vous seriez obligé de discuter avec la compagnie de téléphone pour savoir si vous allez parler de la Coupe Grey ou des informations d'hier soir. Vous n'imagineriez même pas que vous êtes dans le même monde. C'est vous dire à quel point les deux fonctions sont différentes. Et dans un monde où il peut y avoir des centaines de canaux et de canaux numériques, le prestataire de service va avoir toutes sortes de façons d'influencer les clients, en jouant sur ce qu'ils peuvent voir, ce qui est plus économique, comment s'est présenté, ce qui est acheminé.

    Quand les gens parlent de séparation structurelle pour distinguer le contenu du support, il faut bien qu'ils comprennent que ce dont ils parlent, et c'est de séparer le service de modem par câble du service de télévision par câble ou de séparer les services par câble des services de télévision par câble, ou dans notre cas de séparer la télévision des fils téléphoniques de la compagnie de téléphone. Or, ce sont des choses qui utilisent la même infrastructure. Une telle séparation entraînerait des coûts énormes au niveau de l'innovation et de la productivité, et au niveau de tout le réseau canadien.

Á  +-(1155)  

    Ce sont là mes remarques initiales, monsieur le président, simplement pour bien énoncer ces réalités concrètes.

    Merci.

+-

    Le président: Monsieur Courtois, il y a une chose qui m'a échappée dans votre exposé. Voulez-vous dire qu'en raison de ces arguments que vous nous avez présentés vous avez des réserves sur la propriété étrangère? Vous ne nous avez pas dit si votre société était favorable ou non à un assouplissement des règles.

+-

    M. Bernard Courtois: Si j'ai fait ces remarques et présenter ces réalités, c'était pour vous faire comprendre qu'à notre avis la solution n'est pas simple. On ne peut pas dire qu'on va laisser de côté les règles dans un cas et les conserver pour le reste. C'est pour cela qu'une entreprise comme la nôtre estime qu'il n'y a pas de solution évidente et simple.

    Ce que nous disons à votre comité, c'est qu'à notre avis il faut conserver un contrôle canadien sur les entreprises de radiodiffusion, qu'il s'agisse d'une compagnie de téléphone qui fait de la câblodistribution sur le réseau téléphonique ou d'un réseau de télévision par câble. C'est une question de contrôle, pas une question de propriété.

    M. Elliott a parlé au nom de CanWest Global de la possibilité d'assouplir la réglementation de la propriété en conservant un contrôle canadien et en négociant à l'échelle internationale pour s'assurer que le Canada obtienne quelque chose en échange. Cela ouvrirait la porte à plus... Quel que soit le segment de l'industrie pour lequel on le ferait, cela permettrait de résoudre certains problèmes liés au degré de propriété.

    Je ne suis donc pas en désaccord avec ce qu'ils ont dit. Cela me semble conforme aux principes que nous avons avancés. Mais si l'on va plus loin et qu'on renonce au contrôle, je crois que les réponses à beaucoup de vos questions seront très différentes.

    Si vous renoncez au contrôle, vous allez établir un marché nord-américain du contenu. Vous allez réduire considérablement la diversité des voix. Vous allez entraîner des répercussions considérables sur l'industrie du contenu au Canada.

  +-(1200)  

+-

    Le président: Excusez-moi, quelle distinction faites-vous entre contrôle et propriété, et en quoi considérez-vous que les deux sont distincts?

+-

    M. Bernard Courtois: Pour l'instant, nous avons une exigence de contrôle canadien et nous fixons le pourcentage de propriété étrangère. On peut très bien modifier le pourcentage de propriété étrangère sans modifier les exigences de contrôle. Dans le cas d'une entreprise comme CanWest, qui est contrôlée par une famille, on peut contrôler une entreprise tout en conservant un important pourcentage de propriété étrangère si cette propriété est diversifiée. Avec plus de 49 p. 100, l'exigence de contrôle canadien, on est passé de 33 p. 100 à 49 p. 100. Il faut bien comprendre les nombres ici. On parle de 33 p. 100 au niveau de la société de portefeuille et 20 p. 100 au niveau de la société exploitante. Cela pourrait vous donner un total de 47 p. 100. Mais si vous pouviez avoir 49 p. 100 au niveau de la société de portefeuille et 49 p. 100 au niveau de la société exploitante, vous auriez 74 p. 100 de propriété étrangère et vous exigeriez encore un contrôle canadien.

    À BCE, nous n'avons pas de proposition. Nous continuons d'examiner ces questions complexes. Nous ne proposons pas de changement particulier, mais nous soulignons que l'élément essentiel à prendre en considération, c'est le contrôle, et que c'est là que vous avez peut-être une certaine marge de manoeuvre pour ce pourcentage de propriété étrangère.

+-

    Le président: Mme McDonald.

+-

    Mme Elizabeth McDonald: Merci, monsieur le président.

    Avant de faire mes brèves remarques sur la propriété étrangère, je tiens à rectifier un ou deux des commentaires du professeur Fraser. Je regrette de devoir le faire. Je n'aime pas faire ce genre de chose dans une tribune publique, surtout qu'il nous a déjà fait bénéficier de ses conseils d'expert à plusieurs reprises.

    Enfin, tout d'abord...

+-

    Le président: Peut-être qu'il cessera ses discours.

+-

    Mme Elizabeth McDonald: Je vais essayer de rester dans le domaine public.

    Pour rectifier l'impression que Toronto, Vancouver et Montréal seraient de grands centres de production comme Los Angeles et New York, je préciserais que M. Fraser parle de la production de services. C'est là qu'on réalise les productions au Canada dans le contexte d'une stratégie industrielle, mais les avantages économiques—les droits d'auteur—vont à des sociétés américaines. Si vous citez Toronto, Vancouver et Montréal, vous pourriez aussi bien mentionner Sydney et Prague. N'oublions personne.

    Par ailleurs, il y a eu un recul de 35 à 40 p. 100 cette année à Vancouver, et aussi à Montréal. À Toronto, la situation est stable. S'il y a eu une forte hausse l'an dernier, c'est parce qu'il y a eu des problèmes syndicaux en Californie. En fait, une bonne partie de ces emplois était liée à la Californie. Effectivement, nous sommes actifs dans ce domaine. Mais ce n'est pas le contenu que nous contrôlons de toute façon, donc il y a un amalgame ici . Il faut le dire clairement. C'est plus une question de stratégie industrielle que de contenu.

    Par ailleurs, je voudrais parler au nom d'un des mes 400 membres, Alliance Atlantis. Elle ne s'occupe que de production, je crois, avec une dramatique canadienne, 11th Hour, et une autre réalisée en collaboration avec Keatley MacLeod, Cold Squad. Je crois que le droit d'auteur appartient à Julia Keatley ou qu'il est partagé. En fait, dans bien des domaines, Alliance Atlantis fait très peu de choses sur le plan du contenu canadien. Ils achètent en fait à des compagnies canadiennes.

    On donne l'impression que nous n'avons qu'une seule grande société. Or, il y en a plusieurs, dont Corus, propriétaire de Nelvana, Breakthrough, Big Sound, Minds Eye—ce sont toutes des entreprises en plein essor. Ce ne sont pas toutes des petites entreprise artisanales, mais des PME dynamiques et en plein essor. D'après ce que je sais de l'histoire du Canada, les petites et moyennes entreprises ont joué un rôle important dans le développement du pays.

    La question de la propriété canadienne nous préoccupe beaucoup. Et notre inquiétude s'est accentuée la semaine dernière quand M. Rock a annoncé une révision de la propriété étrangère. J'étais au Sommet sur l'innovation et j'ai lu soigneusement les documents, et nous avons eu l'impression que cette révision de la propriété étrangère ne concernait que les télécommunications. Or, on semble maintenant se demander si elle n'englobe pas aussi l'industrie de la câblodistribution. Aux dernières nouvelles, je pensais que c'était quelque chose qui relevait de la Loi sur la radiodiffusion, mais je ne suis pas avocate, contrairement à certains de mes distingués collègues.

    Je comprends l'agitation de BCE face à ce problème, mais je tiens à bien vous faire comprendre les préoccupations des gens qui créent de la programmation canadienne. Le problème, c'est que si on sépare le réseau de distribution, nous pensons que cela va avoir des répercussions sur le contenu. En fait, le contenu représente le coeur et l'âme de la radiodiffusion au Canada. Nous affirmons donc que la politique du gouvernement doit continuer à garantir l'expression canadienne sur les ondes canadiennes.

    Ce qui nous inquiète notamment à propos de la propriété étrangère et du contrôle, c'est que nous ne savons pas ce que ces organismes vont exiger une fois qu'ils auront pris pied dans nos conseils d'administration. Que vont dire ces actionnaires quand nous allons commencer à discuter de la programmation canadienne, du type d'émissions canadiennes, etc.? Nous parlons ici dans le contexte de la Loi sur la radiodiffusion et la question fondamentale est de savoir si l'on va conserver une place pour les voix et les histoires canadiennes. Ce que nous craignons, c'est que ces changements dans les règles de propriété étrangère ne contribuent à étouffer ou à affaiblir ces voix.

    Je crois qu'il faut vraiment répondre à ces questions. En voici quelques-unes. Si l'on assouplit les règles de propriété étrangère, quelles seront les conséquences pour la diversité des voix qui s'expriment au Canada? Eh bien, voyez ce qui est advenu de la diversité des voix aux États-Unis quand on a supprimé les règles d'exclusivité de distribution. Les entreprises indépendantes ont pratiquement disparu aux États-Unis.

  +-(1205)  

    Je dirais aussi qu'il faut être très prudent lorsqu'on parle de pays étrangers comme l'Australie. Il y a une différence énorme entre le système de radiodiffusion canadien, qui est unique, et celui de l'Australie. Il y a des différences entre notre système et celui du Royaume-Uni et même de l'Irlande.

    Notre différence tient à notre particularité géographique. Je pense que la plupart des Canadiens veulent rester Canadiens. Nous l'avons vu l'an dernier, après les Olympiques, où nous avons battu les équipes de hockey masculine et féminine américaines, que les Canadiens nous font fête lorsque nous gagnons. Je ne crois pas que nous voulons abandonner notre système de radiodiffusion. Si nous abandonnons notre système, c'est notre pays qui est menacé.

    On parle aujourd'hui ce que les jeunes font. Je vis moi-même avec un jeune de 15 ans et un autre qui en a 22. Et M. Fraser a bien raison de dire que leurs sources d'information viennent de l'Internet. Mais ils regardent la télévision; ils regardent même beaucoup la télévision. Ils la regardent à l'ordinateur, chez eux. Mais ils veulent la certitude d'avoir accès aux perspectives canadiennes. Ils sont de plus en plus curieux de les connaître, et dans une large mesure, ils sont mieux informés que nous tous.

    Ils s'inquiètent même des sources d'information et ils sont probablement plus critiques à leur égard. Même s'ils ont ces sources très diverses, ils s'interrogent aussi sur la validité de ces sources, ce que je ne faisais pas moi-même dans mon temps, et chose certaine, j'étais pourtant la personne la plus scolarisée de ma famille depuis bien des générations.

    Je crois que nous devons vraiment prendre du recul et nous interroger sur les effets de ces mesures et tâcher de faire la part des choses. Je suis heureuse de voir que BCE examine la question très sérieusement, qu'elle comprend enfin que son entreprise est productrice de contenu. La production de contenu au Canada est particulièrement difficile parce que c'est la géographie qui est à l'origine de tant de signaux. La géographie a façonné le Canada. Nous avons créé un système très délicat et nous tenons à son essence parce que si nous le démantelons, nous ne pourrons pas le rebâtir.

    Si nous mettons en péril la faculté que nous avons de faire connaître la perspective canadienne, nous mettons en péril non seulement cette faculté mais aussi notre rôle culturel. Il faut comprendre que dans notre pays, de 1997 à 2001, l'industrie de la production cinématographique et télévisuelle du Canada a connu une croissance plus rapide que l'ensemble de l'économie canadienne, soit un rythme de 7,3 p. 100. Même si cela résulte en partie de certaines années où Hollywood était actif chez nous, c'est également attribuable au fait que les radiodiffuseurs établis et les services spécialisés canadiens ont accru leurs activités. Au cours de la même période, la croissance de l'emploi dans notre secteur a été importante, soit 8,2 p. 100, ce qui est six fois plus que dans le secteur de la télévision et de la radio et plus de trois fois plus que dans toutes les autres industries confondues.

    Je crois qu'il faut être prudent lorsque nous posons la question de la propriété étrangère accrue—et la question du contrôle étranger aussi, ce qui va de soi—et le genre de promesses que nous sommes disposés à faire. Nous devons nous assurer que si nous créons un cloisonnement culturel, nous comprenons vraiment ce que cela veut dire et ce que nous pourrons faire. Si nous acceptons ces promesses, nous devons nous assurer qu'elles seront tenues. S'agit-il seulement de promesses à court terme? Et qu'en coûtera-t-il à des pays comme le Canada à long terme?

    Merci.

  +-(1210)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, madame McDonald.

    C'était un groupe de témoins très intéressant, c'est certain—et tout aussi intéressant que le premier.

    Monsieur Abbott.

+-

    M. Jim Abbott: En effet, monsieur le président, ce groupe de témoins était extrêmement intéressant. Je répondrai à Mme McDonald que la réalité économique est telle que, si nous voulons entendre des voix canadiennes et voir la perspective canadienne, cela ne sera possible que grâce à l'interfinancement.

    Je suis résolument d'accord avec M. Fraser à ce sujet parce que la seule autre solution, c'est d'obliger le contribuable à financer à 100 p. 100 ces voix canadiennes et ces perspectives canadiennes.

+-

    Mme Elizabeth McDonald: Monsieur Abbott, je ne dis pas que l'interfinancement ne devrait pas exister. Il n'est pas anormal non plus dans d'autres industries ou entreprises que l'on prenne l'argent qu'on a gagné avec un produit pour investir dans d'autres produits. C'est une pratique d'affaires parfaitement normale. Je dirai aussi que des programmes comme le Fonds canadien de télévision qui favorisent un certain genre de produits culturels ne représentent en fait que 14 p. 100 de la production générale, et une bonne partie de ces produits sont financés par des crédits d'impôt, ce qui se fait dans d'autres industries, dont on peut démontrer qu'elles rapportent en fait beaucoup plus parce qu'on garde ainsi des Canadiens au travail, etc.

    La question de l'interfinancement n'a rien à voir avec la propriété étrangère. C'est une question intéressante qui est soulevée dans de nombreux débats sur un grand nombre de questions, mais c'est sur cela que porte maintenant le débat sur la propriété étrangère. Il s'agit de savoir qui possède et contrôle les entreprises canadiennes, non pas à quelle source les gens achètent leurs produits. Je crois donc qu'il faut séparer ces deux questions et s'assurer d'employer les termes qui conviennent. L'interfinancement a toujours existé, mais je crois que nous agissons toujours dans ce secteur comme si nous étions les seuls à en faire, qu'il n'y a pas d'autres industries dans notre pays où l'argent entre par une porte et sert à financer un autre produit, et toutes ces entreprises réussissent dans l'ensemble.

    Je suis d'accord avec vous. C'est une réalité de l'existence. Je ne réclame pas un soutien à 100 p. 100 des contribuables. Par contre, je crois que nous devons nous demander si nous voulons vraiment conserver ce système canadien qui est distinct et qu'il faut s'interroger sur les sauvegardes et les structures que nous devons avoir pour conserver ce système. Tout le monde vous le dira, si vous êtes propriétaire à 75 p. 100 de la maison que j'habite, il est sûr que vous aurez votre mot à dire sur la manière dont je décore cette maison, dont j'y vis, etc. C'est un fait.

    Je pense que nous devons être prudents, si nous cédons la propriété de ces entreprises, et savoir ce que cela veut dire. Je dis: soyez prudents. Je dis aussi que si vous renoncez à votre système de radiodiffusion et que vous ne saisissez pas les ramifications d'un tel acte, il sera très difficile pour mes fils de sauver ce navire en perdition dans 20 ans.

+-

    M. Jim Abbott: Mais je répondrai à tous les témoins qu'il est totalement impossible de séparer les télécommunications de la radiodiffusion aujourd'hui. On envisage d'élargir la propriété étrangère, et le ministre de l'Industrie a dit qu'il y songerait, mais la ministre du Patrimoine a dit qu'elle ne voulait rien savoir, si je l'ai bien comprise, et cela est folie pure. C'est une chose impensable.

    Voyez le cas de Shaw, qui est un télécommunicateur—un canal, pour employer l'exemple de M. Courtois—, cette entreprise possède également Corus. Mais je dirais aussi à Bell, à BCE, qu'en sa qualité d'entreprise de télécommunications, elle est évidemment assujettie à la Loi sur la radiodiffusion aussi. Il est tout simplement impossible de cloisonner la propriété étrangère dans le cas de ces deux entreprises. J'espère que le ministre du Patrimoine acceptera de coopérer avec le ministre de l'Industrie et que les deux comités compétents tiendront une audience commune sur cette question.

    J'ai une dernière question. Au risque de gêner M. Elliot, il se trouve qu'il représente la seule entreprise qui est visée par cette question. Prenons CanWest Global, CHUM, Shaw, Rogers, Québécor, il s'agit d'entreprises qui sont détenues par très peu d'actionnaires. N'est-il pas exact que si nous élargissons la propriété étrangère, les propriétaires de ces entreprises détenus par peu d'actionnaires en retireront des avantages extraordinaires? Autrement dit, étant donné que les capitaux d'investissement sont limités au Canada du fait même de la nature de notre pays, si l'on permet aux propriétaires des cinq entreprises que j'ai nommées de s'ouvrir aux capitaux étrangers—et ces entreprises tournent avec des gains, elles tournent aussi avec des profits sur remise de dette et la plus-value de l'actif—, ils profiteraient énormément si l'on élargissait la propriété étrangère parce que, ainsi, leur avoir qui est très considérable, se chiffrant à plusieurs milliards de dollars, trouverait soudainement preneur.

  +-(1215)  

+-

    M. Geoffrey Elliot: Monsieur Abbott, il me semble que la réponse à votre question varierait selon le genre d'entreprise dont il est question, et il faudrait savoir si les familles qui contrôlent ces entreprises seraient disposées à partager le contrôle et l'avoir qu'elles ont maintenant.

    Dans le cas de CanWest, je crois savoir que la famille Asper a des actions personnelles dans cette entreprise qui valent à peu près la moitié de l'avoir total, et il est peut-être possible de contrôler une telle entreprise avec moins de cela. Je ne sais pas. Il y a aussi dans cette entreprise une structure de vote multiple qui est telle que les actions dont dispose la famille lui donnent une part des actions votantes de CanWest qui est de loin supérieure à ce que lui garantit son avoir.

    Je peux imaginer des cas où la famille pourrait conclure un partenariat stratégique avec une entreprise de radiodiffusion étrangère ou un autre investisseur en échangeant une part de son avoir.

+-

    Le président: Monsieur Fraser, allez-y.

+-

    M. Matthew Fraser: C'est une distinction très intéressante que vous soulevez entre les entreprises à peu d'actionnaires et les sociétés cotées en bourse comme BCE, par exemple, où le contrôle n'est pas exercé. C'est une distinction importante parce que cela explique la position de BCE sur la propriété étrangère. Il est vrai que Ted Rogers possède quelque chose comme 90 p. 100 des votes dans son entreprise. J'imagine que M. Asper est l'actionnaire majoritaire de son entreprise. Certains détiennent une participation majoritaire avec moins de 50 p. 100 des actions. Mais ces entreprises familiales pourraient profiter de l'accès aux capitaux étrangers parce que s'il y a injection de capitaux étrangers et que cela hausse la demande pour les actions, cela pourrait faire augmenter le prix des actions. Donc la propriété étrangère pourrait non seulement comporter des avantages du fait qu'on hausse la capitalisation d'entreprise, mais cela pourrait aussi avoir un effet d'inflation sur le cours des actions lui-même.

    Dans le cas de BCE, c'est quelque peu différent. Bell Canada est une société cotée en bourse, et par conséquent, si l'on abroge les restrictions concernant la propriété étrangère, sa situation ne sera pas la même que celle, par exemple, de Ted Rogers. Ted Rogers décidera s'il veut céder le contrôle de son entreprise ou non; même chose pour Izzy Asper, J.R. Shaw et Pierre Péladeau. BCE est une entreprise différente. Tout étranger peut venir chez nous et simplement acheter l'entreprise, et si vous comparez la taille de BCE à celle des entreprises téléphoniques américaines, cela se fait très facilement. Voilà pourquoi les dirigeants de Bell Canada s'opposent à l'abrogation des règles régissant la propriété étrangère parce qu'ils savent que leur entreprise est vulnérable, parce qu'elle pourrait devenir la proie d'une prise de contrôle par une entreprise américaine ou étrangère. Les dirigeants de Bell Canada agissent donc dans leur intérêt parce qu'ils contrôlent l'entreprise maintenant, et si l'on assouplit les règles sur la propriété étrangère, ils pourraient être forcés de vendre. C'est la première raison.

    La deuxième raison, bien sûr, est celle que j'ai expliquée il y a quelques minutes, et c'est qu'en conservant un plafond bas pour la propriété étrangère, ils savent que l'accès limité aux capitaux étrangers de leurs principaux concurrents, comme Sprint, AT&T Canada et Rogers, les privera de ces profits et ils pourraient par conséquent dégringoler en bourse.

  +-(1220)  

+-

    Le président: En guise de commentaire sur ce que vous venez de dire, monsieur Abbott, je me dois de vous faire part de l'explication que m'a donnée la ministre du Patrimoine, à savoir qu'étant donné que cette étude est en marche depuis près de deux ans, que nous avions fait savoir très clairement que nous allions étudier la question de la propriété étrangère et que ce sont les mêmes témoins qui comparaissent devant les deux comités de toute façon, elle a pensé que le mélange des deux calendriers ne ferait que créer de la confusion dans l'esprit des gens. Qui plus est, je crois savoir que notre collègue, Mme Girard-Bujold, a proposé une motion au comité de l'industrie pour tenir une audience commune, motion qui a été rejetée.

    Nous avons annoncé il y a près de six mois que nous allions étudier la question de la propriété étrangère. Nous avions dit que nous allions entendre ces témoins-ci. J'espère qu'on ne créera pas de confusion dans l'esprit des gens si les deux comités parviennent à leur conclusion au même moment. Chose certaine, c'est l'explication que la ministre m'a donnée, à savoir qu'étant donné que les deux comités entendent les mêmes témoins au même moment, cela pourra certainement créer de la confusion.

    Madame Girard-Bujold, c'est à vous.

[Français]

+-

    Mme Jocelyne Girard-Bujold: Merci, monsieur le président.

    Je constate que, comme le disait M. Courtois, ce problème-là n'est pas facile. Je siège aussi au Comité de l'industrie. Après les Fêtes, on va commencer à étudier la proposition de M. Rock.

    En ce qui a trait à ce qu'a dit Mme McDonald quant à la possibilité de hausser la participation étrangère, je pense qu'il va falloir s'assurer de l'identité canadienne et québécoise. C'est très important. Il faudra faire la distinction, ce qui sera important pour garder notre identité.

    C'est toujours une question d'affaires. Si on parle aujourd'hui d'une augmentation, c'est pour une question d'affaires. Je comprends que BCE dise ne pas vouloir une augmentation de la participation étrangère, alors que Global, je pense, est en faveur de cela. Il y a vraiment un équilibre présentement et il va falloir être au courant de toutes les implications, mais M. Fraser nous a donné un autre son de cloche. 

    La proposition de M. Rock vise à augmenter de 20 p. 100 à 33 p. 100 la participation étrangère. Vous dites également qu'il va falloir que les Canadiens aient la majorité à l'intérieur de ces propriétés. Vous avez dit aussi que vous êtes déjà impliqués dans plusieurs pays: l'Australie, l'Irlande, la Nouvelle-Zélande, etc.

    Présentement, quelle est la participation étrangère à l'intérieur de CanWest Global Communications?

[Traduction]

+-

    M. Geoffrey Elliot: Excusez-moi, je ne suis pas sûr d'avoir bien compris la question.

[Français]

+-

    Mme Jocelyne Girard-Bujold: De façon directe, parce qu'il y a la façon directe et la façon indirecte.

[Traduction]

+-

    M. Geoffrey Elliot: Je ne connais pas la proportion exacte, mais c'est une proportion assez petite du total. Nous vendons des actions en effet à la bourse de New York, mais les actions vendues à la bourse de New York sont des actions non votantes. Donc en ce qui concerne les actions votantes, j'imagine que le pourcentage actuel de propriété étrangère dans CanWest est assez petit.

[Français]

+-

    Mme Jocelyne Girard-Bujold: Allez-y.

+-

    M. Alain Gourd: Mon collègue Bernard Courtois a parlé du contrôle canadien en disant qu'il y a peut-être une possibilité de trouver des formules différentes au niveau de la propriété étrangère. Je voudrais illustrer la question du contrôle canadien en utilisant l'exemple du Canada français et du Québec, si vous me le permettez, d'abord en distribution et ensuite en programmation.

    En distribution, certains suggèrent que, vu que des Canadiens peuvent avoir le contrôle d'entreprises étrangères, comme aux États-Unis, les intérêts étrangers tels que les intérêts américains devraient avoir le contrôle d'entreprises de distribution au Canada. Cela me fait penser à la fable Le pot de terre et le pot de fer. Nous, en Amérique du Nord, sommes le pot de terre; nous ne sommes pas le pot de fer. Sans le nommer, on sait que le plus grand système de câble au Québec a une attitude de coupures unilatérales des services de programmation, y compris des services francophones comme RDS, Canal Évasion—chez nous—et Super Écran chez Astral Media, à telle enseigne qu'Astral a refusé de continuer à distribuer Family Channel. La question est devant le CRTC. D'un côté, cela illustre le point soulevé par M. Fraser, qui disait que des entreprises canadiennes peuvent se donner des préférences indues, même si elles sont canadiennes. D'un autre côté, si le contrôle de cette entreprise était à Dallas, au Texas—à l'extérieur des frontières du Canada—est-ce qu'il serait plus facile de régler le problème? Je ne le pense pas.

    Pour ce qui est de la programmation télévisuelle, je suis d'accord avec Mme McDonald. Si la politique d'acquisition des contenus se décide à Los Angeles, est-il plus facile de vendre des contenus canadiens-français à Los Angeles ou à Montréal?

    Certains peuvent dire qu'il y a une réglementation du CRTC qui dit qu'il faut qu'il y ait un minimum de 60 p. 100 dans l'ensemble de la grille et de 50 p. 100 en temps primé, mais la plupart des entreprises de télévision conventionnelles, comme TVA et TQS, où on a des intérêts, diffusent plus que le minimum. Si, soudainement, TVA et TQS étaient contrôlées par des intérêts étrangers anglophones, comme des intérêts américains, n'y aurait-il pas une tentation, de la part des propriétaires américains, de réduire la quantité du contenu québécois au strict minimum pour insérer des produits américains traduits en français? Personnellement, je crois que oui.

  +-(1225)  

+-

    Mme Jocelyne Girard-Bujold: Dans le passé, il y a eu des précédents qui nous ont prouvé qu'il leur serait très facile de le faire. C'est pour cette raison que lorsque je serai au Comité de l'industrie, je vais examiner cela de près. Je ne suis pas prête à vous dire que je suis automatiquement d'accord pour rehausser la participation étrangère.

    Merci.

[Traduction]

+-

    Le président: Monsieur Harvard, allez-y.

+-

    M. John Harvard: Merci, monsieur le président.

    Je devrais peut-être m'adresser à M. Fraser. Matthew, je vous dirai d'emblée qu'il y a un peu du nationaliste culturel en moi. Je ne suis pas isolationniste, mais je ne suis pas non plus un grand continentaliste. J'ai du mal à dire que la propriété de la radiodiffusion n'a aucune importance parce que je crois pour ma part que la radiodiffusion n'est pas un bien comme un autre. Ce n'est pas comme le blé ou les robes. Il y a un élément qui est particulièrement important dans la radiodiffusion, et cela tient au fait qu'elle relève du domaine culturel. Je crois que la radiodiffusion doit contribuer à l'identité canadienne et la fierté nationale du Canada.

    Vous avez dit que le Royaume-Uni, l'Inde et le Brésil ouvraient leur marché, ou du moins envisageaient d'ouvrir leur marché à la propriété étrangère. Je ne suis pas trop sûr ce que cela signifie si ce n'est que l'on confirme par là que les États-Unis sont la première puissance économique du monde. Ce n'est pas seulement une super puissance militaire, mais c'est aussi la première économie du monde, et la radiodiffusion et les télécommunications sont des domaines qui ont grand besoin de capitaux. Je ne suis pas surpris de les voir se tourner vers les marchés étrangers, particulièrement vers les États-Unis d'Amérique parce que c'est là que l'on trouve de l'argent.

    Je reviens à la question de savoir qui possède une entreprise de radiodiffusion ou qui possède un réseau de radiodiffusion, et je crois que la question est importante. Je ne crois pas que les propriétaires soient des eunuques culturels, et je ne crois pas non plus qu'il s'agisse de nihilistes culturels. Je crois qu'il y a des choses en eux qui révèlent leur nationalité, leur citoyenneté et leur fierté nationale. Je crois qu'il y a une différence entre Izzy Asper de CanWest Global et Michael Eisner de Disney. Bien sûr, tous les deux sont des hommes d'affaires; oui, les deux veulent rentabiliser leurs entreprises. Mais si je dois investir chez l'un ou chez l'autre, je vais investir chez Izzy Asper—et ce n'est pas parce qu'il est de Winnipeg comme moi. Izzy Asper, par exemple, est extrêmement attaché à sa ville natale de Winnipeg—Dieu le bénisse. Il a pris beaucoup d'argent qu'il a gagné dans son entreprise—et il a gagné une fortune colossale—et il a réinvesti dans sa ville natale. J'ignore ce qu'il en est, mais peut-être que Michael Eisner en a fait autant à Los Angeles.

    Quand je vous écoute, vous et Geoff Elliot—qui travaille pour Izzy Asper—, je vois l'aspect rentabilité de l'industrie. Mais je pense que vous n'avez pas accordé assez d'attention aux autres valeurs qui sont si essentielles dans le système de radiodiffusion. On ne parle que d'affaires; on ne parle que d'argent. Oui, les affaires sont importantes; et oui, à mon avis, le mot profit n'a rien d'ignoble. Au bout du compte, il faut gagner de l'argent. Mais on a une responsabilité envers les gens et une responsabilité envers son pays. Quand je vous écoute, j'ai le sentiment que vous n'avez pas une vue équilibrée des choses, pas du tout. Vous parlez trop d'argent.

    Voilà mon sermon—mon homélie pour la journée.

  +-(1230)  

+-

    Le président: Est-ce que vous vous contentez de cette homélie, ou voulez-vous des commentaires?

+-

    M. John Harvard: Je veux des commentaires. Je veux que Matthew me réfute.

    Réfutez-moi.

+-

    M. Matthew Fraser: Je voudrais faire trois brèves remarques. Je veux parler de culture, et tout d'abord, de deux paradoxes. Le premier, c'est le paradoxe de l'interfinancement. Le deuxième, c'est ce que les économistes appellent le paradoxe du champion national. Ensuite, je voudrais vous parler du phénomène de votre marché naturel.

    Le paradoxe de l'interfinancement dans le secteur culturel au Canada, dont Elizabeth a dit à juste titre qu'il existait aussi dans d'autres secteurs, c'est que nous faisons de l'interfinancement dans notre secteur avec les produits mêmes auxquels nous semblons être hostiles, à—savoir les produits américains. Au Canada anglais, nous sommes dans une situation où nous faisons de l'interfinancement de notre production intérieure à un niveau tout à fait modeste avec des produits venant des États-Unis. Ces produits sont le véritable problème. Voilà le paradoxe de l'interfinancement.

    Le paradoxe du champion national, c'est l'affaire d'Alliance Atlantis. Nous formons d'énormes sociétés canadiennes, ou plutôt, nous les rendons énormes parce que nous, c'est-à-dire les autorités de réglementation et les décideurs, pointons le doigt vers elles en disant: «Faites le bien.» Une société comme Alliance Atlantis a bénéficié de centaines de millions de dollars en subventions au cours des 20 dernières années. Elle a fait beaucoup de bien. Mais le problème avec les champions nationaux, dont Bell Canada est un autre exemple, c'est que tôt ou tard, ils s'éloignent du bien pour s'orienter vers le marché. Autrement dit, ils lâchent les subventions en faveur des actionnaires.

    Si l'on regarde ce qu'a fait Alliance Atlantis au cours des dernières années, on voit qu'après 20 ans de bonnes actions et de production à l'interne de dramatiques canadiennes, la société envoie maintenant un nouveau message: «Nous nous retirons de la production télévisuelle intérieure qui exerce une ponction excessive sur notre trésorerie, et nous nous orientons vers une production destinée aux marchés internationaux, en particulier aux marchés américains.» Et effectivement, Alliance Atlantis produit l'émission la plus prisée aux heures de grande écoute de la télévision américaine, intitulée CSI: Crime Scene Investigation. La société a deux émissions classées parmi les 10 premières. L'autre s'appelle, je crois, CSI: Miami.

    Le paradoxe du champion national au Canada, c'est qu'on injecte d'énormes subventions dans ces sociétés pour qu'elles fassent du bien dans l'intérêt du Canada, mais tôt ou tard, elles nous abandonnent, parce qu'elles suivent les marchés.

    Mon troisième argument concerne le marché culturel naturel. Alain Gourd a raison de parler du marché canadien français. Comme il l'a dit, c'est un exemple de marché totalement autoréglementé, dans la mesure où les télédiffuseurs dépassent le minimum requis dans leur programmation. Et pourquoi le font-ils? Essentiellement pour deux raisons. L'idiome culturel au Canada français est particulier, et la population y est très attachée. Quand vous avez une émission aux heures de grande écoute comme La Petite Vie, ou une autre émission à grand succès, vous allez chercher environ trois millions de téléspectateurs par soirée.

    C'est bien cela, n'est-ce pas, Alain?

    La moitié d'une population de six ou sept millions d'habitants regarde l'émission. On constate donc un attachement considérable à ces productions locales, pour des raisons culturelles.

    La deuxième raison, c'est qu'il existe un vedettariat extrêmement prisé, principalement parce que les vedettes francophones canadiennes ne peuvent pas aller à Hollywood, pour des raisons linguistiques évidentes. Au Canada anglais, malheureusement—ou heureusement pour les vedettes—, nous exportons nos meilleurs talents, comme Mike Myers et Jim Carey. Nos plus grandes vedettes vont travailler aux États-Unis, alors que les vedettes québécoises restent sur place, si bien qu'il n'y a pas besoin de réglementation.

  +-(1235)  

+-

    Le président: Je dois vous signaler que nous devons lever la séance à 13 heures. Les députés ont d'autres obligations, moi aussi. Pourriez-vous accélérer les questions et réponses, s'il vous plaît.

    À vous, monsieur Gourd.

+-

    M. Alain Gourd: Je serai très bref.

    J'aimerais partir de la réponse que j'ai donnée sur le Canada français pour essayer de voir si la situation est semblable au Canada anglais, puisque j'ai le plaisir de travailler sur les deux marchés.

    Quand j'ai fait référence au câblodistributeur Vidéotron, à TVA et à TQS, je voulais insister sur l'importance du contrôle au Canada français. Comme le contrôle se trouve dans un autre pays, les produits de cet autre pays, traduits en français, s'insinuent inévitablement dans la programmation.

    Est-ce qu'on peut en tirer une leçon pour le Canada anglais? Lorsque j'ai fait mes débuts dans la télédiffusion francophone en 1973 ce qui vous donne une idée de mon âge, les émissions vedettes au Québec étaient La Petite Maison dans la prairie, Le Monde de Disney, Bonanza en français, Dallas, en français...

    Il y a eu un tournant à cause de l'importance des médias écrits, car M. Péladeau senior a lancé de nombreux magazines pour faire la promotion du vedettariat; le contrôle était très important. Il était sur place, sur le marché local et vivait au contact des vedettes, des télédiffuseurs, etc. Je me souviens qu'il est venu me proposer des partenariats, puisque j'étais télédiffuseur.

    Si nous passons maintenant au Canada anglais, l'ACR réfléchissait à l'époque à la façon d'améliorer le contenu canadien de CTV, par exemple, ou des autres réseaux de télévision anglophones. Dans 50 ans, serons-nous encore dans la même situation, malgré le régime fiscal, les subventions et tout le reste?

    J'en viens à m'interroger sur ce qui va advenir des médias imprimés—et c'est là l'un des avantages de la propriété croisée: est-ce que l'Association canadienne des radiodiffuseurs ne pourrait pas s'entendre avec l'Association canadienne des journaux pour que les journaux canadiens fassent davantage de place à la promotion des films canadiens et des émissions canadiennes de télévision? Si le conglomérat de médias est contrôlé à partir de Los Angeles, sera-t-il plus sensible à nos besoins que si nous pouvons répondre à la demande ici même au Canada, avec un conglomérat canadien? Même si c'est difficile à quantifier, je crois que l'essentiel est d'assurer un contrôle au sein même de la communauté.

+-

    Le président: Nous allons vérifier si vous faites désormais la promotion des vedettes canadiennes dans le Globe and Mail.

+-

    M. Alain Gourd: Absolument, mais je pense qu'il faudrait d'abord une entente entre associations.

+-

    Le président: Je vois.

+-

    M. Alain Gourd: Il faudrait une entente entre tous les radiodiffuseurs et tous les journaux.

+-

    Le président: D'accord.

    À vous, monsieur Elliot.

+-

    M. Geoffrey Elliot: Merci, monsieur le président.

    J'aimerais revenir sur ce qu'ont dit M. Harvard et un intervenant précédent.

    Tout d'abord, pour quel motif est-ce que nous essayons d'obtenir un assouplissement des règles canadiennes? Ce n'est pas parce que nous voulons brader les actifs canadiens; c'est parce que nous voulons prendre de l'expansion au niveau international.

    J'ai énuméré divers investissements de CanWest dans des réseaux de télévision étrangers. Il est étonnant que nous ne soyons pas présents aux États-Unis, alors que nous sommes présents en Australie, au Royaume-Uni, en Irlande et en Nouvelle-Zélande. Si nous n'avons pas de pied-à-terre aux États-Unis, c'est pour une bonne raison: c'est parce que nous n'avons pas trouvé de façon de nous y rendre. Tout dépend essentiellement de notre aptitude à occuper une position stratégique dans des stations ou des chaînes de télévision susceptibles d'être vendues aux États-Unis en conformité des règles américaines de propriété étrangère.

    Nous ne voulons pas de propriété à 100 p. 100. Nous voulons non pas détenir des placements de portefeuille, mais effectuer des investissements stratégiques qui nous permettent au moins de participer à la gestion, mais pas obligatoirement de faire une prise de contrôle. C'est à peu près la démarche que nous avons faite au niveau international.

    Vous remarquerez également que si CanWest fait figure de grosse société médiatique dans le contexte canadien, elle ne se classe qu'aux environs du 43e rang à l'échelle mondiale. Nous évoluons dans un contexte médiatique mondial caractérisé par la création de conglomérats géants qui sont tous plus ou moins en concurrence directe avec nous sur le marché canadien grâce à la pénétration de leurs produits sur notre marché. Si nous voulons préserver notre présence en tant que société médiatique importante, nous allons devoir nous renforcer.

    Les perspectives d'expansion dans le contexte canadien des médias électroniques ou imprimés sont à peu près inexistantes, puisque nous sommes déjà là, et la seule possibilité de croissance ne peut être envisagée que sur le plan international. Ce que nous voulons dire, c'est que nos chances de succès dans la définition d'une stratégie internationale de croissance dépendent d'un meilleur accès aux marchés étrangers pour nos investissements.

    Certains ont évoqué une distinction entre la propriété et le contenu. En vérité, si l'on regarde le contenu des télédiffuseurs avec lesquels nous sommes associés dans différents pays, on trouvera bien peu d'allusion au Canada dans les programmations de TV3 en Irlande, de UTV en Irlande du Nord, de TV3 et TV4 en Nouvelle-Zélande ou de Network Ten en Australie, notamment parce que ces réseaux sont exploités par une gestion locale dans le contexte d'une réglementation locale, mais aussi parce qu'ils doivent faire preuve d'un souci très local dans leur programmation.

    D'où proviennent les revenus des stations de télévision? Des annonceurs publicitaires, ce qui signifie qu'elles doivent avoir une bonne idée de ce que les consommateurs veulent voir à la télévision ou entendre à la radio. Si les consommateurs s'intéressent particulièrement à un produit local, c'est ce produit qu'il va falloir leur fournir. Il est certain que nous n'avons aucune idée du contenu des émissions de nouvelles et d'information, à part leur titre, et le choix de ce contenu ne nous intéresse pas.

    Enfin, je voudrais dire un dernier mot de la philanthropie. Nous sommes en faveur de la philanthropie, et non pas uniquement à Winnipeg, mais partout où nous sommes présents. Les 4 millions de dollars que nous consacrons chaque année à des causes philanthropiques au Canada sont répartis uniformément dans toutes les régions du pays, même si Winnipeg en obtient aussi sa juste part.

  +-(1240)  

+-

    Le président: Nous allons terminer par les questions de M. Bonwick et de Mme Lill, mais auparavant, j'aimerais revenir sur l'un de vos commentaires, monsieur Elliot, qui m'a intéressé. Vous dites que l'un des avantages de l'assouplissement des règles sur la propriété étrangère serait de vous permettre d'obtenir les capitaux nécessaires pour pénétrer des marchés comme celui des États-Unis.

    On pourrait peut-être vous demander ceci—et vous pouvez répondre non pas immédiatement, mais au cours de vos explications: S'il s'agit de préserver le contenu canadien... Et je ne veux pas dire qu'il y a un lien entre la propriété étrangère et le contrôle étranger, ou entre la propriété canadienne et le contrôle canadien; nous essayons simplement de tirer les choses au clair. Mais s'il y en a un, est-ce que ce devrait être la priorité, par rapport aux autres aspects de la pénétration sur le marché américain? Est-ce que les Canadiens préféreraient renoncer au marché américain s'ils ont la certitude de préserver l'autre élément, qui est beaucoup plus important?

    Madame McDonald.

+-

    Mme Elizabeth McDonald: J'aimerais parler du moment où nous renonçons à une éventuelle propriété. Vous vous souvenez peut-être que lorsque Flora MacDonald était ministre des Communications, nous avons essayé de mettre en place une politique de distribution dans le secteur du cinéma. Cette démarche a suscité un vif intérêt chez nos collègues californiens, et la plupart des grands studios américains ont obtenu une clause des droits acquis.

    Je considère donc qu'avant d'accorder de telles clauses des droits acquis à des propriétaires étrangers ou de les inviter dans notre pays, il faudrait aller voir dans les salles canadiennes combien de films canadiens y sont projetés. Nous avons peut-être de la chance à Ottawa. Une des salles locales présente encore Bollywood Hollywood, mais ce film n'en a pu pour longtemps, grâce à l'arrivée de James Bond.

    Mais il faut faire attention à ce que cela signifie. Après tout, nous étions tous certains de pouvoir réserver des écrans pour les films canadiens tout en donnant satisfaction à nos amis d'Hollywood. Pourtant, les choses ne se sont passées ainsi.

    Je ne sais pas si vous êtes déjà allés à Disney World, où on peut observer un système appartenant intégralement à une firme. À Disney World, quand on séjourne dans un hôtel Disney, on fait partie d'une chaîne qui possède ABC, ISPN, etc. et on peut voir ce qu'il est advenu au câblodiffuseur local. Toutes les chaînes jusqu'à la soixantième appartiennent à la même firme et le système est à peu près fermé. Celui qui veut voir une chaîne canadienne devra s'en passer, mais même pour voir The Today Show de NBC, il faut faire preuve d'une grande détermination.

    En conséquence, je pense qu'il faut être très prudent avant de s'engager en matière de distribution. On pourrait très facilement se retrouver dans une situation semblable à celle des cinémas, ou seuls 2 p. 100 des écrans restent disponibles pour les films canadiens. La proportion est même sans doute inférieure au Canada anglais; je crois que le chiffre de 2 p. 100 comprend le Canada français. Faute de prudence, on risque de tout perdre ou de se retrouver dans une situation où il y aurait du contenu canadien, mais sans qu'on puisse jamais le trouver.

    Soyons sur nos gardes. Dans ce débat, on entend beaucoup parler de la modification des règles sur la propriétaire étrangère aux États-Unis, que nous connaissons bien. Pourtant, on a oublié certains éléments, notamment un, qui a été mentionné tout à l'heure. Au Royaume-Uni, le marché est déjà ouvert à de grandes sociétés comme Vivendi and Bertelsmann, dans la mesure où elles ont les ressources économiques pour acheter les productions dans le contexte actuel, et le marché britannique accueille de grosses multinationales du fait de son appartenance à l'Union européenne.

    Mais il y a autre chose, dont personne ne parle: Pour la première fois, le gouvernement britannique se préoccupe des niveaux de contenu et s'inquiète de savoir si les productions britanniques ont encore leur place. C'est très intéressant. Je ne sais plus qui a dit que les Britanniques avaient 20 ans de retard, mais j'ai fait une conférence à l'Université de Sheffield cette année et j'en avais fait une un an auparavant. À ce moment-là, on me disait que «les productions britanniques n'auraient jamais de difficulté», mais maintenant, on commence à se préoccuper de ce qui va advenir des émissions de télévision et des films britanniques, car il n'est plus certain que ces niveaux de propriété soient suffisants, et même si tout le monde regarde Coronation Street, peut-être que dans dix ans, on regardera à la place la série Friends ou l'émission qui l'aura alors remplacée.

    Même au Royaume-Uni, où cette orientation a été prise, on trouve des situations préoccupantes. Je pense qu'il faut être prudent avant de s'engager, et ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain.

  +-(1245)  

+-

    Le président: Merci.

    Passons à M. Bonwick puis à Mme  Lill.

+-

    M. Paul Bonwick: Merci, monsieur le président.

    Pendant cette séance, et plus encore pendant la précédente, j'ai remarqué qu'on a cité l'exemple du modèle britannique en termes généraux et sur des points particuliers. En ce qui concerne notre comité, il me semble important de reconnaître que le marché britannique est différent.

    Pensons par exemple à la concurrence que subit la langue anglaise au Royaume-Uni par rapport au Canada, au nombre des canaux disponibles, beaucoup moins nombreux au Royaume-Uni qu'au Canada. La population britannique est deux fois plus nombreuse que la population canadienne. Et surtout, les Britanniques ont l'Europe à leur porte, avec sa mosaïque culturelle très diverse, tandis que nous avons à notre porte les États-Unis, qui se montrent très sélectifs en matière d'accueil.

    J'aimerais bien qu'on m'aide, car je suis assez perplexe. À mon avis, il y a deux problèmes différents. Le premier, c'est l'investissement par opposition au contenu et au contrôle. On a tendance à associer le contrôle à l'investissement. Si l'on reconnaît que des règles s'appliquent et que le statu quo va être préservé ou amélioré en ce qui concerne le contenu canadien, je suis un peu perplexe. Expliquez-moi pourquoi quelqu'un qui possède 10 p. 100 de l'actif plutôt que 42 p. 100 ou 33 p. 100 va pouvoir agir différemment s'il doit se conformer aux mêmes règles en matière de contenu canadien.

    J'aimerais avoir des explications sur l'investissement par rapport au contrôle du contenu. Peut-être pourrez-vous m'expliquer en quoi le fait d'attirer des investissements étrangers dans le secteur de la télédiffusion risque d'être préjudiciable au paysage audiovisuel canadien, si les investisseurs étrangers doivent se conformer aux mêmes règles que les investisseurs canadiens.

    Deuxièmement, expliquez-moi comment une augmentation du niveau d'investissement étranger va améliorer le niveau de service offert aux Canadiens.

    Il y a deux affirmations que j'aimerais contester. Elizabeth, vous avez parlé de promesses en disant espérer qu'elles seraient tenues. Pour autant que je sache, il ne s'agit pas de faire des promesses, mais de respecter la loi.

    Vous avez dit aussi qu'il fallait être déterminé pour trouver une chaîne n'appartenant pas à la firme. À mon avis, c'est pour aller à pied d'ici au Musée des civilisations qu'il faut être déterminé, et non pas pour rester dans sa chambre et appuyer soixante et une fois sur le bouton de la télécommande.

  +-(1250)  

+-

    Mme Elizabeth McDonald: Tout d'abord, je parlais du respect de la loi. En ce qui concerne l'application uniforme des règles, le processus réglementaire est un processus ouvert. Si nous optons pour une plus grande propriété étrangère, vous allez penser que les mêmes règles vont s'appliquer, mais vous imaginez les règles telles qu'elles sont aujourd'hui.

    En 1999, j'ai participé à une audience de révision de la politique canadienne de télévision. On voulait favoriser la télévision canadienne; les télédiffuseurs allaient se montrer plus responsables et diffuser davantage de productions canadiennes. On disait que pour la télévision canadienne, la solution consistait à s'afficher plus canadienne.

    Depuis lors—et quitte à contredire le président du CRTC—, on a assisté à une diminution sensible de la programmation de dramatiques canadiennes. Vous en avez certainement entendu parler. Vous avez certainement entendu mes confrères de l'ACTRA, de la Guilde des réalisateurs et de la Writers Guild. Vous avez certainement entendu les discours de M. Dalfen sur les effets de cette politique modifiée. Le problème, c'est qu'en fonction des conditions de la licence, il ne pourra rien faire pendant cinq ans sinon forcer, espérer et prier, et ensuite, nous nous retrouverons lors d'une autre audience.

    C'est dur d'être le porte-parole des producteurs indépendants. Nous sommes essentiellement le porte-parole de ceux qui sont en relation d'affaires avec les télédiffuseurs. Les gens hésitent à s'exprimer devant cette tribune, car ils craignent d'en subir les conséquences dans leurs relations commerciales, et ils s'en remettent donc à nous. Nous ne sommes pas simplement un organisme de réglementation. Nous consacrons la moitié de notre temps à des relations de travail et nous donnons des cours de formation. Nous ne disposons pas d'une armée d'avocats pour régler tous les problèmes.

    Ce que vous dites est vrai si les mêmes règles s'appliquent, mais pouvez-vous me garantir que les règles dont nous parlons actuellement en matière de niveau de contenu canadien vont rester en place? J'espère de tout coeur que celles qui s'appliquent aux dramatiques canadiennes vont être améliorées, mais pouvez-vous me le garantir? C'est tout le problème du processus de réglementation.

+-

    M. Paul Bonwick: Je ne peux pas vous le garantir. C'est ce qu'on appelle la démocratie.

+-

    Mme Elizabeth McDonald: Ce n'est pas vraiment une question de démocratie. Les gens ne votent pas sur ces questions. En fait, c'est une audience, où comparaissent différents groupes. Tout dépend des pouvoirs dont on dispose à ce moment-là, et de la conjoncture économique.

    Rien n'est donc garanti. On ne peut présumer que les règles actuelles existeront encore et qu'il n'y a pas à s'en préoccuper. En 1999, le CRTC présumait que sa politique serait bonne et qu'il y aurait davantage de dramatiques canadiennes. Je sais, pour m'être entretenu avec les membres du conseil, qu'ils sont étonnés de la façon dont la situation a évolué.

+-

    Mr. Paul Bonwick: Monsieur le président, si on me demande....

+-

    Le président: Laissons les députés.... Je pense qu'il vaut donner la parole à Mme Lill. Nous devons terminer à 13 heures, Paul.

+-

    M. Paul Bonwick: Je le comprends, Clifford, mais je constate aussi que vous accordez des tours plus longs en début de séance alors qu'à la fin, vous limitez les tours «à quatre minutes».

+-

    Le président: Non. Vous avez eu le temps de vous exprimer comme tous les autres pendant les questions.

+-

    M. Paul Bonwick: Ce n'est pas vrai.

+-

    Le président: Je vous demande pardon, nous allons demander au greffier de vérifier la durée des interventions. Ce que vous dites est très injuste. Je vous ai laissé parler, vous avez pu poser toutes vos questions et il faut permettre à nos invités de répondre.

    Monsieur Courtois.

+-

    M. Bernard Courtois: Si le contrôle était exercé par des étrangers, on aurait peut-être les réponses à certaines questions. Prenons la diversité des points de vue exprimés au Canada quand il est question de contenu et de marchés. Si Time Warner ou AT&T Broadband achète des compagnies de câblodiffusion canadienne, ou si CBS, NBC et ABC s'implantent au Canada, on aura un marché nord-américain. Ce secteur d'activité permet d'importantes économies d'échelle, et le nombre des sources d'information va diminuer. Quand on parle de diversité de points de vue, on parle de diversité des sources.

    Permettez-moi d'illustrer mon propos par l'exemple des Olympiques. Chacun peut choisir de se conformer aux exigences en matière de contenu canadien en employant son argent ici ou là. Les Olympiques coûtent cher, et donnent donc lieu à une source de couverture unique. On peut regarder les Olympiques sur une chaîne canadienne ou sur une chaîne américaine, et même si la compétition se déroule au même moment et au même endroit, on aura l'impression de ne pas regarder les mêmes Jeux Olympiques. Les chaînes américaines se concentreront sur des athlètes différents, avec des perspectives différentes et des récits différents. Dans notre hypothèse, des forces irrésistibles vont imposer un signal unique provenant des mêmes sources uniques; il y aura donc une diminution des sources.

    Voilà ce que j'ai dit à propos du contrôle. En ce qui concerne le système de distribution, si on se retrouve avec un grand nombre de chaînes numériques, il sera essentiel, pour se faire voir, d'avoir un produit rentable susceptible d'intéresser les distributeurs.

    Supposons que vous soyez installé à New York et que vous deviez une faveur à votre ami d' Hollywood, ou que vous soyez en affaires avec lui et qu'il vous propose une nouvelle chaîne spécialisée. Il aura une bien meilleure chance d'obtenir une bonne discussion possible avec vous que quelqu'un de Toronto dont vous n'aurez jamais entendu parler, à qui vous ne devez rien, et qui viendra vous proposez une nouvelle chaîne numérique. Voilà le genre de chose dont je voulais parler.

  +-(1255)  

+-

    Le président: Monsieur Fraser, à vous la parole.

+-

    M. Matthew Fraser: Si l'on suit la logique de M. Courtois, Izzy Asper devrait être contraint à vendre Network Ten en Australie parce qu'il canadianise la réseau de radiodiffusion australien. Conrad Black devrait être forcé à céder le Daily Telegraph au Royaume-Uni et le Chicago Sun-Times, et ainsi de suite. Il n'y a pas de lien direct entre l'identité du propriétaire et le contenu radiodiffusé.

    Prenons l'exemple du marché québécois. M. Gourd a dit que si les radiodiffuseurs francophones du Québec étaient contrôlés par une entreprise basée à Dallas, les productions pourraient être différentes. Cela est complètement faux. Je présume que des radiodiffuseurs américains basés à Dallas voudraient réaliser des profits sur le marché québécois et la meilleure façon de faire de l'argent dans le marché québécois, de maximiser les bénéfices, c'est de diffuser des programmes comme La Petite Vie. Si ces radiodiffuseurs négligent ces stratégies commerciales, ils risquent de perdre de l'argent et d'être contraints à se retirer de ce marché.

+-

    M. Alain Gourd: Désolé, je ne suis pas d'accord. On m'a cité. Si, dans le marché québécois, une entreprise américaine était propriétaire de TVA ou de TQS, elle diffuserait La Petite Vie; elle présenterait les programmes canadiens français les plus populaires. Cependant, s'il s'agissait d'émissions de qualité moyenne, ces radiodiffuseurs présenteraient le minimum de contenu canadien et diffuseraient des programmes américains traduits en français. C'est ce que je crois. D'autres ne seront peut-être pas d'accord, mais j'en suis convaincu.

    La situation est pareille au Canada anglais. Nous allons ajouter une troisième dramatique, outre Cold Squad et 11th hour et nous en avons une quatrième en cours de préparation pour après Noël. Nous avons le choix de nous spécialiser en téléromans, en sports ou en télévision conventionnelle. Nous privilégions les dramatiques, mais lorsque l'on songe à des dramatiques telles que 11th hour, nous visons uniquement le marché canadien, ce qui nous ramène à ce que Bernard disait. Si j'appartiens à une entreprise américaine, je vais donner à cette dramatique une perspective continentale, ce qui signifie que je ferai peut-être des dramatiques américaines et que j'insérerai ensuite, ici et là, d'autres types de programmation pour assurer le contenu canadien. Voilà ce que je crois.

+-

    Le président: Madame Lill.

+-

    Mme Wendy Lill: Merci.

    J'ai trouvé cette séance très intéressante. De nombreuses autres sont prévues pour les deux semaines à venir. Nous discuterons plus à fond des droits de propriété des étrangers et de la concentration des médias.

    Je suis d'accord avec Elizabeth McDonald au sujet de l'importance de l'appartenance. En cédant la propriété du réseau de radiodiffusion, on cède sa souveraineté. Il y a une raison pour laquelle nous avons instauré ce système, il y a de nombreuses années. La Loi sur les télécommunications et la Loi sur la radiodiffusion ont toutes été conçues pour une raison bien précise.

    Je crois qu'il est important que notre comité continue de jeter un regard sur le trajet parcouru, de se demander pourquoi nous avons établi les organismes de réglementation que nous avons actuellement, et de se demander pourquoi ils existent. Il est évident qu'ils sont là pour protéger l'identité et le contenu canadiens.

    Chose intéressante, Matthew Fraser dit qu'il n'y a pas de lien direct entre l'identité du propriétaire et le contenu. De votre côté, vous dites, à juste titre, que le fait que les Américains soient propriétaires des réseaux de distribution de films signifie que le pourcentage de films canadiens projetés dans nos cinémas est infime. C'est un exemple manifeste de ce qui se produit lorsqu'on n'a pas la mainmise sur les droits de propriété des réseaux de distribution.

    On a cité les propos qu'a tenus M. Asper à Winnipeg. Je n'étais pas là. Vous avez probablement répété cela aujourd'hui, monsieur Elliot, que vous voudriez que la limite permise des droits de propriété étrangers, pour une participation avec droit de vote à l'obtention d'un permis de radiodiffusion, passe à 49 p. 100. Qui est propriétaire du réseau dans cette situation?

    Si, par exemple, Time Warner acquiert 49 p. 100 des actions de CanWest Global et que M. Asper, éventuellement, est propriétaire de 51 p. 100, je ne sais pas qui décide. Cela pourrait ne pas se produire dans 10 ans ou dans deux ans. Le fait est que 49 p. 100, c'est un gros morceau. Dans les faits, ne serait-ce pas l'entreprise américaine qui a le contrôle?

    Je ne sais pas si vous pensez que cela est important. M. Harvard souligne qu'on n'arrête pas de lui parler des impératifs commerciaux. Un peu plus tôt, j'ai dit la même chose, à savoir que j'entends parler des impératifs commerciaux. Mais le fond de la question, c'est que nous ne sommes pas ici pour en discuter. Aucun d'entre nous, même ceux qui comme moi sont du Nouveau Parti démocratique, ne s'opposent à l'idée de faire des bénéfices. Cela dit, nous sommes ici pour dire qu'il faut absolument que le contenu canadien soit protégé. Je ne fais pas confiance à Time Warner pour protéger le contenu canadien. M. Courtois vient d'ailleurs de le souligner.

    Une fois de plus, si les propriétaires étrangers ont la mainmise, estimez-vous que le contenu canadien et notre souveraineté continuent d'être protégés? Et, à partir de là, quelle importance cela a-t-il?

·  +-(1300)  

+-

    Le vice-président (M. Paul Bonwick): Je sais que d'autres personnes veulent prendre la parole, mais je tiens à signaler que M. Lincoln a dû s'excuser. Il doit assister à une réunion à 13 heures sur le budget de ce comité même, je crois. Il m'a demandé de présenter ses excuses d'avoir dû s'absenter.

    Le premier intervenant sera M. Elliot.

+-

    M. Geoffrey Elliot: Merci beaucoup, monsieur le président.

    On a beaucoup parlé de la mainmise par opposition à une augmentation de la propriété étrangère admissible. Je crois que personne ne préconise et nous ne préconisons certes pas que l'on cède la mainmise. Cède-t-on la mainmise à 49 p. 100, à 29 p. 100, à 39 p. 100 ou à 51 p. 100? Eh bien, cela dépend beaucoup de la structure de l'entreprise concernée. Plus particulièrement, dans le secteur de la radiodiffusion, et dans le cas de notre entreprise, où il y a des actions à droit de vote multiple, les choses ne sont pas si simples.

    Je tiens à le répéter: nous ne parlons pas de vendre à des étrangers l'avoir de CanWest. Je ne suis pas sûr que M. Asper trouve intéressant de vendre des actions à 6 $ l'une, prix auquel elles se transigent en ce moment. Nous parlons en réalité d'obtenir l'accès aux marchés étrangers grâce à la capacité, en matière d'investissement, d'acquérir des intérêts stratégiques. Un intérêt stratégique permet de participer à la gestion mais ne donne pas nécessairement la mainmise. C'est de cela que nous parlons.

+-

    Le vice-président (M. Paul Bonwick): Monsieur Fraser, à vous.

+-

    M. Matthew Fraser: Oui, pour ce qui est des liens dont vous parlez entre la propriété et le contenu, je suis d'accord avec l'exemple que donne Elizabeth McDonald au sujet de l'industrie du long métrage, qui a échoué au Canada. Comme je l'ai dit dans mes observations liminaires, au Canada, nous étions dans la situation où l'un des grands réseaux cinématographiques, Cinéplex-Odéon, appartenait à une entreprise canadienne, Seagram. Il y a un grand distributeur, Alliance Atlantis, qui détient, grosso modo, de 14 à 20 p. 100 du marché. Pourtant, il n'y a pas eu d'explosion de l'industrie canadienne du cinéma pendant cette période. La propriété canadienne ne se traduit pas toujours par une explosion du contenu canadien, pas plus que la propriété étrangère ne signifie un rejet du contenu canadien.

    Permettez-moi une brève remarque. Je trouve que nous nous orientons déjà vers la situation où les principaux radiodiffuseurs du Canada sont déjà en train de se jumeler à des radiodiffuseurs américains pour le marché nord-américain. CTV a une entente de production avec ABC, qui appartient à Disney. Que M. Elliot me reprenne si je me trompe: Global TV a une entente de production avec Fox, si j'ai bien compris. Nous constatons déjà la nord-américanisation des activités des réseaux de radiodiffusion au Canada.

    N'oublions pas que la Société Radio-Canada reçoit environ un milliard de dollars en subventions tous les ans. Cela rendra toujours le marché canadien distinct des autres marchés.

·  -(1305)  

+-

    Le vice-président (M. Paul Bonwick (Simcoe—Grey, Lib.)): Monsieur Courtois, vouliez-vous...

+-

    M. Alain Gourd: Si vous le permettez, je vais intervenir, puisqu'on parle de nous.

    Oui, il est tout à fait vrai que nous avons une entente de production avec Disney, mais nous en avons une avec Time Warner et avec de nombreux autres également. Notre politique est de n'être absolument sous le contrôle d'aucun fournisseur étranger. Nous aimons traiter avec une diversité de fournisseurs afin de n'être contrôlés par aucun d'entre eux.

    Je voudrais également parler de la comparaison entre l'Australie et le Canada. Je crois qu'il y a une grande différence dans le cas du Canada. Nous jouxtons les États-Unis. La production américaine nous parvient par les ondes hertziennes, par des satellites comme EcoStar et DIRECTV. Je ne soulèverai même pas la question des marchés noir et gris. Les émissions américaines sont disponibles par câblodistribution.

    Il y a une grande distance, à la fois géographique et culturelle, entre l'Australie et les États-Unis, du fait de la distance. Oui, nous sommes à l'ère de la mondialisation, mais ces distances culturelles et géographiques continuent de jouer un rôle. Par conséquent, les pressions qu'exercent les États-Unis sur l'Australie existent bel et bien, mais je crois qu'elles sont beaucoup plus fortes au Canada.

-

    Le vice-président (M. Paul Bonwick): Avez-vous quelque chose à ajouter, monsieur Courtois?

    Merci. Voilà qui met fin à la séance d'aujourd'hui. Merci beaucoup à tous d'avoir pris le temps nécessaire.