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FAIT Rapport du Comité

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POUR UN NOUVEAU CYCLE DE NÉGOCIATIONS EFFICACE :
LES GRANDS ENJEUX DU CANADA À L'OMC

INTRODUCTION

            Le 9 novembre 2001, les ministres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) se sont rendus à Doha, au Qatar, pour la quatrième Conférence ministérielle de l’OMC. Ils en sont ressortis cinq jours plus tard avec un programme de travail approuvé dont la pièce maîtresse est la Déclaration ministérielle de Doha. Ce document de 53 paragraphes établit les objectifs et les calendriers des négociations commerciales, ainsi que le mandat concernant l’étude continue de certains sujets liés au commerce.

            Après l’échec de la Conférence ministérielle de Seattle en 1999,1 le succès de Doha était essentiel pour la remise en train des pourparlers sur la libéralisation mondiale des échanges. Le fait que les ministres du Commerce de 142 pays aient réussi à dégager un consensus sur l’ordre du jour d’un nouveau cycle de négociations à large portée montre avec éloquence à quel point tous reconnaissent les réels avantages d’un meilleur système commercial à base de règles et la nécessité d’oublier leurs intérêts nationaux restreints pour s’intéresser aux besoins de la grande communauté internationale.

            Le Programme pour le développement de Doha — c’est ainsi que l’on appelle le nouveau cycle de négociations commerciales — diffère par sa structure des cycles antérieurs. Abstraction faite de quelques secteurs économiques comme l’agriculture et les textiles, la libéralisation du commerce est en grande partie terminée. Selon les témoignages entendus par le Sous-comité, sauf quelques exceptions importantes, la plupart des tarifs douaniers sont déjà relativement faibles dans les pays industrialisés (de 2 à 5 %). Le nouveau cycle concerne davantage l’accès aux marchés, la procédure et l’élimination des obstacles non tarifaires.

            Selon Bill Dymond (directeur exécutif, Centre de droit et de politique commerciale, Université Carleton), il existe quatre différences principales entre le nouveau cycle et les précédents.

  • Le cycle actuel est un mélange de négociations et de programmes de travail, alors que les précédents étaient exclusivement axés sur les négociations.

  • Alors que les cycles antérieurs étaient axés sur la libéralisation des échanges, le cycle actuel est concentré sur la réglementation du commerce (par exemple sur la définition de l’interface entre l’économie fondée sur le secteur privé et la gouvernance nationale et mondiale). À quelques exceptions près, il ne porte pas sur l’abaissement des obstacles au commerce.

  • Les pays en développement sont maintenant très bien positionnés pour orienter les négociations et ils exigeront des résultats dans les dossiers qui les intéressent le plus, comme celui des obstacles au commerce dans les secteurs du vêtement, des textiles et de l’agriculture.

  • La Déclaration de Doha insiste sur l’assistance technique. Dix des 53 paragraphes de la Déclaration portent sur cet aspect du développement.

            La réussite du lancement des négociations commerciales à Doha repose sur plusieurs facteurs. D’après les témoins, ce sont, entre autres, une meilleure organisation, un rôle plus grand des pays en développement et une transparence améliorée qui ont donné davantage de légitimité aux discussions. Bill Dymond est d’avis que l’impossibilité d’en arriver à un consensus à Seattle avait fait craindre aux pays membres qu’un deuxième échec ne sape la crédibilité de l’organisation. D’autres témoins, comme le représentant du Centre canadien de politiques alternatives, estiment que l’évolution du climat économique après les attentats du 11 septembre et l’emplacement des réunions ont également contribué à ce succès en écartant les manifestations massives.

            La réussite de Doha est aussi attribuable à l’importante série de compromis entre les États-Unis et l’Union européenne (UE). Ayant aplani leurs désaccords sur plusieurs aspects des négociations, notamment l’agriculture et l’environnement, ils ont pu en arriver à un consensus. Cette disposition à accepter le compromis pour faire avancer la libéralisation des échanges a été accueillie comme une preuve que les deux parties étaient convaincues de la valeur des discussions commerciales de l’OMC. Cette volonté ne s’était pas manifestée lors de la rencontre ministérielle de Seattle.

            Le processus de négociation qui découlera de Doha relèvera de l’« engagement unique ». Les points négociés ne peuvent pas être ratifiés individuellement par les pays membres tant qu’un accord n’est pas intervenu sur tous les sujets. Toutefois, les ententes arrêtées lors des premières étapes peuvent être mises en oeuvre à titre provisoire.

            L’OMC s’est fixé un délai ambitieux pour l’achèvement de ce cycle de négociations. La majeure partie des négociations prévues dans le programme de travail doivent être achevées dès janvier 2005, à l’exception des débats concernant le Mémorandum d’accord sur le règlement des différends (MRD), qui doivent se terminer à la fin de mai 2003. Plusieurs témoins estiment que la date limite de 2005 s’avérera probablement trop optimiste. Peter Clark (président, Grey, Clark, Shih and Associates Limited) estime pour sa part que les négociations dureront vraisemblablement près de huit ans, et non pas quatre ou cinq comme on s’y attend.

            Toutefois, Sergio Marchi (représentant permanent et ambassadeur du Canada auprès de l’Office des Nations Unies et de l’Organisation mondiale du commerce) a bon espoir que les négociations commerciales pourront se terminer en 2005. Ainsi souligne-t-il les progrès déjà accomplis : Mexico a été choisi comme lieu de la prochaine Conférence ministérielle prévue en 2003; le nouveau Comité des négociations commerciales a défini les principaux éléments d’une structure et d’un processus de négociation légers et efficaces; enfin, un fonds global d’affectation spéciale pour l’assistance technique liée au commerce et au développement des compétences a été créé. Le fait d’améliorer l’assistance technique dès le début des négociations facilitera l’accélération du rythme des travaux à moyen terme.

            Comme le précise la Déclaration de Doha, le programme de travail et le programme des négociations porteront sur une vaste gamme de sujets. Même si certains des thèmes à négocier touchent directement à la libéralisation du commerce par la réduction des tarifs douaniers, la majeure partie de la Déclaration concerne des problèmes non tarifaires liés au commerce. Afin de mieux comprendre la position des Canadiens à ce sujet et de contribuer à l’élaboration de la politique du gouvernement dans ce domaine, le Sous-comité a examiné un certain nombre des principaux points de discussion évoqués dans la Déclaration.

            Premièrement, le nouveau cycle de négociations a été baptisé à juste titre « Programme de Doha pour le développement ». Les trois quarts de la Déclaration concernent soit des principes à respecter, soit les moyens de servir directement les intérêts des pays en développement. Ceux-ci se trouvent donc, pour la première fois, au centre des négociations de l’OMC. La Déclaration contient un ensemble de mesures conçues pour les aider à profiter du système mondial de commerce et à s’adapter aux règles de l’OMC à un rythme qui correspond à leurs besoins, en s’appuyant sur une assistance technique et un soutien au développement des compétences. Cette insistance sur le développement favorisera les efforts internationaux visant à réduire la pauvreté et aidera à susciter un soutien politique en faveur de l’OMC à l’échelon des pays.

            Des négociations visant à améliorer et à clarifier le mécanisme de règlement des différends de l’OMC ont également été lancées, avec une échéance plus proche (mai 2003). La nouvelle série de pourparlers, outre qu’elle favorisera l’allégement de la procédure et l’amélioration de la transparence du règlement des différends, s’attaquera au grave problème de la non-observance des décisions de l’OMC et permettra, espère-t-on, de trouver des solutions autres que les mesures actuelles axées sur des représailles.

            Troisièmement, les ministres du commerce se sont engagés à mener des négociations visant à clarifier et resserrer les règles en matière d’antidumping, de subventions et de mesures compensatoires. Comme le montre incontestablement l’évolution des dossiers du bois d’œuvre résineux, de l’acier et de quelques autres produits, le Canada a beaucoup à gagner d’un effort concerté pour restreindre l’usage trop protectionniste des recours commerciaux.

            L’un des éléments clés de la Déclaration ministérielle consiste en un accord pour réduire la protection de l’agriculture. Les membres de l’OMC ont convenu de réduire progressivement les subventions à l’exportation, de diminuer considérablement les appuis nationaux qui faussent le commerce et d’améliorer l’accès aux marchés. Ces éléments se retrouvent dans la position de négociation initiale du Canada.

            Cinquièmement, la rencontre de Doha a débouché sur un accord pour établir un échéancier clair des négociations sur les services. Les exportateurs canadiens de services ont besoin d’élargir leur accès au marché mondial, et une amélioration de l’Accord général sur le commerce des services (AGCS) leur serait utile.

            Obtenir des ententes multilatérales dans les domaines de l’investissement et de la politique de concurrence demeure une priorité canadienne importante. Un effort considérable sera toutefois nécessaire d’ici à la Conférence ministérielle de 2003 pour obtenir que les membres de l’OMC s’entendent sur des mesures supplémentaires.

            Septièmement, l’OMC a lancé des négociations sur certains problèmes liés au commerce et à l’environnement (lien entre les ententes environnementales multilatérales et les règles de l’OMC; biens et services sans danger pour l’environnement), et elle en a désigné d’autres (règles d’étiquetage, recours au principe de la précaution) pour discussion au Comité du commerce et de l’environnement.

            Enfin, les participants se sont entendus pour rendre l’OMC plus transparente et ouverte et pour mener des campagnes de communication plus efficaces auprès du public, des organisations non gouvernementales (ONG) et des parlementaires.

            Le Sous-comité a invité des témoins et des intervenants à participer à ses réunions, afin de mieux comprendre le point de vue des Canadiens sur ces questions et sur la nouvelle série de négociations commerciales de façon générale. Le rapport, qui fait suite à l’important rapport sur l’OMC publié en juin 1999 par le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international de la Chambre des communes, qui en résulte commence par un survol historique de l’OMC. Il évoque les avantages qui peuvent découler d’un contexte commercial mondial fondé sur des règles, et libéralisé, ainsi que sur l’importance des accords de l’OMC pour le Canada en particulier. À la suite de cet exposé de fond, chacun des grands sujets liés au commerce évoqués ci-dessus sera examiné.

L’OMC ET SES AVANTAGES

            L’Organisation mondiale du commerce (OMC) est une institution internationale dont les pays membres ont comme objectif commun l’amélioration du commerce international. Elle s’est donné trois moyens d’action : négocier la réduction ou l’élimination des obstacles au commerce, comme les tarifs et les droits de douane; établir un ensemble de règles commerciales et de règles de conduite reconnues; servir d’instance pour l’examen des plaintes de nature commerciale et assurer un mécanisme de résolution des différends.

            Ces trois facettes du mandat de l’OMC sont toutes essentielles à l’instauration d’un commerce plus sûr et plus ouvert. Il est nécessaire d’avoir des règles et un ensemble commun de définitions pour pouvoir négocier la réduction des tarifs douaniers et définir clairement les points de négociation. D’autre part, ces règles et accords n’auraient guère de valeur sans l’existence d’un certain pouvoir pour les appliquer.

            Pour atteindre leur objectif commun, celui d’un commerce libre et fondé sur des règles, les membres de l’OMC procèdent par étapes, dans le cadre de « cycles » de négociation. Les ententes sont conclues au moyen d’un processus fondamentalement démocratique et basé sur le consensus; aucune entente officielle de l’OMC ne peut être conclue sans l’approbation de toutes les parties. Par conséquent, s’il est vrai que le compromis demeure le pivot indispensable de la négociation, les pays membres peuvent dans les faits mettre un terme aux discussions concernant certains sujets par leur simple refus d’y participer.

            Le nombre d’adhérents à l’OMC et à l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) qui l’a précédée a augmenté considérablement depuis la signature du premier Accord en 1948. Au départ, 23 pays y adhéraient, alors que l’OMC compte aujourd’hui 144 États membres. Ceux-ci représentent tout l’éventail économique et politique de la planète, et certains d’entre eux n’ont guère de points communs, si ce n’est qu’ils reconnaissent les avantages d’une élimination des obstacles aux échanges de biens et de services. Les plus récents adhérents sont notamment la Chine, le Taïpei chinois, la Lituanie et la Moldavie. Un certain nombre d’autres pays cherchent à entrer. En 2001, la Yougoslavie, les Bahamas, le Tadjikistan, la Syrie et la Libye ont demandé l’adhésion.

A.     Bref historique de l’OMC

            L’OMC (et le GATT avant elle) existe depuis 1948. Mais une première tentative pour créer une organisation internationale chargée d’encadrer le commerce avait eu lieu deux ans auparavant. L’Organisation internationale du commerce (OIC) devait être une institution spécialisée des Nations Unies qui aurait administré non seulement les règlements concernant le commerce, mais d’autres règles sur l’investissement, l’emploi et les pratiques commerciales.

            Alors que l’OIC faisait encore l’objet de discussions, 23 des 50 signataires initiaux ont commencé à négocier un arrangement sur la réduction des tarifs commerciaux. En 1947, ils ont conclu une entente visant l’élimination ou la réduction de 45 000 tarifs douaniers touchant environ un cinquième du commerce mondial. Conscients qu’il fallait protéger ces concessions négociées, les participants ont adopté un certain nombre de règlements commerciaux tirés de la charte provisoire de l’OIC, dans l’attente d’une ratification de celle-ci.

            C’est ainsi qu’est né le premier ensemble de concessions tarifaires et de règles commerciales, dès lors connu sous le nom de GATT. L’accord a été signé en janvier 1948, et ses 23 premiers adhérents sont devenus les membres fondateurs.

            En revanche, l’OIC ne s’est jamais concrétisée. Sa charte a effectivement été approuvée par les Nations Unies, mais elle n’a pas obtenu la ratification de certains parlements nationaux, notamment de celui des États-Unis. Par conséquent, sans pouvoir s’appuyer sur les règlements de l’OIC, le GATT est resté à la fois un accord international et une organisation provisoire destinée à soutenir cet accord.

            La création de l’OMC en 1994, à la fin du Cycle d’Uruguay, a mis un terme à cette situation. La nouvelle organisation internationale permanente légalement ratifiée a supplanté le GATT à ce titre. Le GATT demeure, mais uniquement sous la forme d’un accord sur les tarifs douaniers et le commerce, qui évolue constamment.

            Avec l’augmentation du nombre de membres et de la gamme des questions débattues, les discussions se sont complexifiées progressivement. Entre 1946 et 1961, cinq séries de négociations commerciales ont eu lieu, qui toutes portaient exclusivement sur la réduction ou l’élimination des tarifs douaniers. Aucune n’a duré plus d’une année.

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             Les séries subséquentes, toutefois, sont devenues plus complexes à mesure que les débats s’étendaient à d’autres aspects du commerce et des règles commerciales. Outre l’avancement des réductions tarifaires, le Kennedy Round, qui a duré de 1964 à 1967, a amorcé des travaux sur les mesures antidumping. Le Tokyo Round, de 1973 à 1979, a mis encore d’autres problèmes sur le tapis, y compris celui des mesures d’urgence à l’importation (sauvegardes), du traitement des subventions et des mesures compensatoires.

            Le cycle le plus récent (Uruguay) des négociations de l’OMC a commencé en 1986 avec un programme ambitieux, qui couvrait pratiquement tous les problèmes de politique commerciale encore en suspens.2 Quinze sujets figuraient à l’ordre du jour, y compris les tarifs, les obstacles non tarifaires, la propriété intellectuelle, l’agriculture, le règlement des différends, les services et l’investissement. Les négociations ont demandé près de deux fois plus de temps que prévu, mais une entente a enfin été conclue en 1994, même si la totalité des questions n’avaient pas été réglées à la satisfaction de toutes les parties.

B.     Avantages de la libéralisation des échanges

            La mise en place par l’OMC d’un contexte commercial multilatéral libre, sûr et équitable comporte de nombreux avantages pour l’ensemble du monde. Le plus important est l’accès aux marchés. En travaillant à l’élimination des obstacles à la libre circulation des produits vers les marchés, l’OMC apporte des avantages à la fois aux producteurs et aux consommateurs. Non seulement les producteurs peuvent soutenir la concurrence sur de nouveaux marchés avec leurs produits finals, mais ils ont aussi accès à de nouveaux fournisseurs. Il en résulte des hausses de revenu et de nouveaux emplois. Les consommateurs y trouvent aussi leur avantage puisque les prix des importations baissent et que la gamme de produits et services disponibles s’élargit.

            L’amélioration de l’accès aux marchés passe par la création d’un contexte commercial protégé et sûr. En assurant la mise en place d’un contexte fondé sur des règles et d’une instance habilitée à rendre des décisions ayant force exécutoire, l’OMC fait en sorte que les pays membres se conforment à leurs engagements et s’abstiennent de mener des activités commerciales illégales, comme exercer des discriminations contre les concurrents étrangers, subventionner injustement la production ou vendre leurs produits en dumping sur les marchés étrangers.3 Les négociations récentes de l’OMC ont contribué à préciser d’autres préoccupations liées au commerce, comme la propriété intellectuelle et la protection des brevets, les règles d’origine, les règles sur l’évaluation des produits à la douane et quelques autres.

            Tout en poursuivant la libéralisation des échanges, les membres de l’OMC ont conservé le droit de protéger les industries nationales qu’ils considèrent comme gravement menacées par la concurrence étrangère ou qu’ils ne souhaitent pas ouvrir au libre-échange. Par exemple, si une augmentation soudaine des importations risque d’entraîner un préjudice grave pour une de ses industries, le pays est autorisé à imposer des restrictions temporaires. Dans le cas de l’Accord général sur le commerce des services (AGCS), les membres ont convenu que les pays pourraient choisir librement quelles industries de service ils ouvriraient aux fournisseurs étrangers. Aucun accès au marché n’est permis sans autorisation explicite. Cela permet au Canada, par exemple, de protéger certains secteurs comme la culture, la santé, l’éducation et d’autres services publics .

            En plus d’offrir un lieu où discuter la libéralisation du commerce dans un contexte fondé sur des règles, l’OMC agit en arbitre indépendant en cas de différend commercial entre des pays membres. C’est là un élément essentiel à la mise en œuvre de toute entente. Le mécanisme impartial de résolution des différends assure que les pays membres respectent leurs engagements et, ce qui est peut-être plus important, assure une protection aux petits pays contre les plus gros. Faute d’une tierce partie objective pour arbitrer, les différends commerciaux entre pays de niveaux économiques inégaux auraient peu de chances d’aboutir à une solution juste et équitable.

            Dans ce contexte, il est important de souligner que les bienfaits d’un commerce mondial accru et d’une meilleure intégration économique n’ont pas profité exclusivement aux pays nantis. L’abaissement des obstacles commerciaux ouvre les riches marchés du monde industrialisé aux pays en développement et leur donne l’occasion de profiter de leurs avantages comparatifs sans s’exposer aux risques liés à la faiblesse relative de leur pouvoir économique de négociation.

            De fait, ces dernières années, l’abaissement des tarifs sur les produits manufacturés dans le monde industrialisé a contribué à l’essor des exportations de produits fabriqués dans les pays en développement, notamment dans les industries de main-d’œuvre. Selon une étude de la Banque mondiale, en 1980, les minéraux représentaient plus de la moitié des exportations des pays en développement, tandis que les produits manufacturés se situaient à 25 % et que les produits agricoles occupaient le reste. En 1998 toutefois, les produits manufacturés avaient atteint 80 %.4

            S’il est vrai que le libre-échange a apporté certains avantages aux pays pauvres, de gros problèmes subsistent. Les tarifs douaniers entre les pays industrialisés sont tombés beaucoup plus rapidement qu’entre les pays en développement, et plus vite aussi qu’entre les deux groupes de pays. La même étude de la Banque mondiale estime que les trois quarts d’une libéralisation plus poussée des échanges de produits manufacturés profiteraient aux pays en développement. Nous y reviendrons plus en détail.

            En terminant, un dernier point, mais il est essentiel : beaucoup de témoins ont laissé entendre que nous ne devions pas nous montrer trop satisfaits des progrès accomplis dans la réduction des tarifs. Comme l’a fait remarquer Clifford Sosnow (membre de la Chambre de commerce du Canada), les produits canadiens continuent de se buter à des tarifs douaniers élevés dans certains secteurs économiques et dans certains pays. Par exemple, le Brésil impose des droits de 34 % sur le matériel de télécommunications canadien, tandis que le Japon taxe nos exportations de canola à un niveau se situant entre 23 et 28 %. M. Sosnow a également réclamé la suppression des « tarifs vexateurs » (d’environ 1 %) qui continuent de s’ajouter aux dépenses des entreprises canadiennes tout en étant d’une utilité presque nulle. Le Sous-comité est d’avis que la réduction des tarifs douaniers mérite une attention urgente et il recommande :

Recommandation 1 :

Que le gouvernement du Canada déploie une action énergique au sein de l’OMC afin que soient éliminés ou réduits sensiblement les droits de douane existants sur les produits industriels.

C.     Croissance du commerce mondial

            La réduction des obstacles au commerce et la mise en place du mécanisme fondé sur des règles qui régit ce commerce sont le résultat d’un processus long et graduel. Même si les nouvelles négociations montrent bien qu’il reste des progrès à faire pour libéraliser encore davantage les échanges, il est clair que les travaux antérieurs ont porté des fruits. Le GATT et l’OMC ont contribué à une hausse en flèche des exportations mondiales au cours des 50 dernières années.

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              En 1950, les exportations de biens et de services à l’échelle planétaire atteignaient les 94 milliards de dollars, soit l’équivalent d’environ 1,9 % du PIB mondial cette année-là. À mesure que les accords du GATT ont réduit ou supprimé les tarifs douaniers et les autres obstacles au commerce, les échanges de biens et de services ont été facilités et le commerce a augmenté. À la fin du Kennedy Round, les exportations représentaient 3 % du PIB mondial.

            Aidé par les prix élevés de l’énergie, qui ont gonflé la valeur des exportations de pétrole, le commerce international a explosé au cours des années 70. En 1980, les exportations représentaient 16,1 % de la production économique mondiale. Lorsque les prix de l’énergie sont tombés, au début des années 80, cette proportion a reculé, pour augmenter de nouveau en 1986, année du lancement du Cycle d’Uruguay. Depuis cette date, la croissance des exportations mondiales a été prodigieuse. De 1986 à 2000, les ventes internationales de biens et de services ont pratiquement triplé et elles représentent aujourd’hui 29 % de la production économique mondiale.

D.     Importance de la libéralisation des échanges pour le Canada

            Le Canada est le sixième pays exportateur. Nos entreprises ont vendu pour environ 277 milliards de dollars de biens et services à l’étranger en 2000, à peine moins que la France ou le Royaume-Uni dont l’économie est à peu près le double de celle du Canada.

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            Compte tenu de la petite taille de l’économie du Canada au regard des autres pays du G-7, la proportion de sa production qui est destinée au marché extérieur est très importante. En 2000, avec des exportations de biens et de services se situant à 46 % de son PIB, le Canada est de loin, parmi les grandes économies du monde, celle où les exportations tiennent le plus de place. Par comparaison, le pays qui se classe au deuxième rang dans le G-7 à cet égard est l’Allemagne, avec des exportations équivalant à environ 30 % de son PIB.

            Aussi, un accès sûr et fiable aux marchés mondiaux est-il essentiel à la croissance et à la prospérité économique du Canada. L’abaissement des obstacles au commerce permet aux producteurs nationaux de pénétrer de nouveaux marchés, de tirer profit de nouvelles chaînes d’approvisionnement et de favoriser la croissance de l’emploi. De fait, selon le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAECI), au Canada aujourd’hui, un emploi sur trois dépend du commerce extérieur.

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            La place des exportations comme source de la croissance économique du Canada ne cesse d’augmenter. De 1991 à 2000, les exportations de marchandises ont affiché une majoration de 183 %. Même si cet accroissement n’était pas également réparti, toutes les provinces ont enregistré une augmentation considérable de leurs échanges au cours de cette période. Les ventes extérieures de marchandises ont plus que doublé dans les dix provinces, et celle qui a connu l’accélération la plus forte, l’Île-du-Prince-Édouard, a vu ses exportations plus que quadrupler.

            Selon une étude du MAECI, les récents efforts de libéralisation du commerce ont joué un rôle important dans l’accroissement rapide des exportations canadiennes.5 Aussi, le Canada a-t-il appuyé fortement les négociations de l’OMC et continue-t-il de réclamer une libéralisation du commerce encore plus poussée, afin de stimuler davantage ses exportations et sa croissance économique.

            L’OMC a non seulement donné un élan économique au Canada en améliorant ses relations commerciales, elle lui a procuré d’autres avantages grâce à son système d’accords. Celui-ci est le fondement de la politique commerciale internationale du Canada et c’est sur lui que reposent en fait ses relations commerciales avec l’UE, le Japon et de nombreux marchés naissants.6

            Mais surtout, étant donné la taille modeste du Canada par rapport aux États-Unis ou à l’UE, le système de commerce international fondé sur des règles est essentiel pour que les grandes puissances économiques n’abusent pas de leur position de supériorité pour soutirer des accords préférentiels, en cas de différend. Ce système assure une sécurité aux entreprises canadiennes qui font du commerce et des investissements à l’étranger. De fait, le Canada doit une bonne partie de sa croissance et de sa prospérité économiques au cadre multilatéral de règles qui facilitent l’accès aux marchés mondiaux en croissance.

PRINCIPAUX ENJEUX DES NÉGOCIATIONS DE L’OMC

COMMERCE ET DÉVELOPPEMENT

A.     Contexte

1.     Relation entre la libéralisation des échanges et le développement

            Il est largement admis que la réduction des obstacles au commerce et l’établissement d’un cadre visant à mieux intégrer les industries nationales dans le marché mondial contribuent à la prospérité des pays pauvres. Grâce à la libéralisation du commerce, les produits fabriqués à meilleur marché dans le monde en développement peuvent être vendus à l’étranger à des prix concurrentiels. Cette capacité de pénétrer les marchés mondiaux augmente la production des pays en développement, ce qui contribue à l’emploi et à la croissance économique.

            Selon un témoin, les échanges commerciaux, et l’OMC en particulier, ont été essentiels à la croissance économique des pays en développement. Jack Mintz (président et directeur général, Institut C.D. Howe) estime que la politique commerciale et l’accès aux marchés constituent un programme d’aide de premier ordre. Il existe, dit-il, trois aspects précis du programme de libéralisation du commerce qui ont contribué à la croissance économique du monde : l’accès aux marchés des pays industrialisés grâce aux divers accords de libéralisation du commerce; l’accès à l’investissement étranger, utile pour le développement des compétences et la productivité de ces pays; et l’accès à des technologies et à des équipements indispensables ainsi qu’à des capacités de gestion.

            Les accords de libre-échange et les possibilités économiques que cela suppose pour les pays en développement ont pris appui sur les progrès réalisés jusqu’à maintenant par l’OMC dans la mise en place d’un contexte commercial sûr, fondé sur des règles. Le fait d’exiger de tous les pays membres qu’ils respectent le même ensemble de règles protège les pays les plus pauvres contre les risques associés à un éventuel différend commercial avec une puissance économique beaucoup plus grande. De plus, le mécanisme de résolution des différends de l’OMC permet à n’importe quel pays de demander une compensation s’il estime avoir été lésé par un partenaire commercial.

            Des règles bien établies et une sécurité accrue stimulent en outre l’investissement étranger direct. L’investissement international dans les entreprises, les usines et les équipements est largement reconnu comme un catalyseur du commerce, ce qui favorise de meilleurs revenus et une prospérité économique plus grande dans le monde en développement.

            Les précédentes séries de négociations du GATT et de l’OMC ont déjà eu un effet considérable sur le niveau des échanges et sur la croissance de nombreux pays en développement. Les exportations mondiales ont augmenté de manière exponentielle depuis les années 50, et les pays en développement qui ont largement ouvert leurs frontières ont généralement connu les plus fortes améliorations de leurs niveaux de vie au cours des années récentes.

            De même, l’affaiblissement des obstacles au commerce a eu un effet majeur sur le type de produits exportés par les pays en développement. L’abaissement des droits de douane sur les produits manufacturés a fait bondir les exportations à valeur ajoutée des pays en développement. En effet, la proportion des exportations agricoles et minières a reculé régulièrement depuis le début des années 80, et le secteur de la fabrication représente maintenant 80 % des exportations du monde en développement.

2.     Les problèmes de développement à l’OMC

            Même si la libéralisation du commerce par le truchement de l’OMC procure des bienfaits considérables au monde en développement, il y a encore de grands défis à relever. Bien que plus de 100 des membres sont des pays en développement, les accords conclus jusqu’ici ont porté principalement sur des questions qui représentent une priorité plus élevée pour les pays développés.

            Par exemple, les pays les plus pauvres maintiennent que les négociations commerciales du Cycle d’Uruguay leur ont donné peu d’avantages commerciaux en échange de leur adhésion à certains accords (sur la propriété intellectuelle, par exemple) qui peuvent en fait leur avoir fait plus de tort que de bien. Beaucoup d’entre eux soutiennent que les dispositions en matière de libéralisation commerciale adoptées dans le cadre de ces négociations ne se sont pas traduites par un meilleur accès aux marchés.

            Certes, à l’échelle mondiale, le tarif moyen de la nation la plus favorisée sur les biens industriels est tombé d’environ 40 %, après la Seconde Guerre mondiale, à quelque 4 % aujourd’hui. Toutefois, cette baisse concerne surtout des produits exportés par des pays riches à d’autres pays riches. Le droit de douane moyen des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sur les produits manufacturés en provenance des pays pauvres serait quatre fois plus élevé que celui sur les importations en provenance des pays riches.

            D’après Kathleen Macmillan (présidente, International Trade Policy Consultants Inc.), le système commercial mondial serait menacé par l’écart entre les barrières commerciales dressées entre les pays développés et les pays en développement. Les pays du Sud perdent patience, dit-elle, devant ce qu’ils considèrent comme des politiques commerciales hypocrites imposés par le Nord. Les pays pauvres estiment que les pays riches protègent leurs industries dans les secteurs où les pays en développement ont un avantage concurrentiel certain. Ces pays soulignent que les tarifs douaniers pratiqués par les pays développés restent particulièrement élevés dans certains secteurs précis à fort coefficient de main-d’œuvre, comme les textiles, l’habillement, les produits alimentaires et la chaussure. De plus, le niveau des tarifs augmente souvent avec le degré de transformation, ce qui décourage le travail qui ajoute de la valeur aux marchandises de base.

            Les pays en développement, affirme Mme Macmillan, sont d’avis que, même lorsque le Nord améliore effectivement l’accès aux marchés, il le fait de façon sélective puisqu’il cible uniquement les pays les moins avancés. D’après les estimations de la Banque mondiale, la libéralisation des marchés mondiaux et la suppression des subventions destinées aux industries sensibles évoquées plus haut pourraient ajouter 1 500 milliards de dollars aux revenus du monde en développement. Par comparaison, comme l’a rappelé Mme Macmillan, à l’heure actuelle, environ 50 milliards de dollars sont versés annuellement aux pays en développement, par le truchement de divers programmes d’aide.

            La nécessité d’atténuer la disparité en matière de puissance et de développement entre le Nord et le Sud a également été soulignée par Gerry Barr (président et directeur général, Conseil canadien pour la coopération internationale). Ce déséquilibre « scandaleux », a-t-il ajouté, ne pourra être corrigé qu’en améliorant les bienfaits du commerce pour les pays en développement. Cela exigerait que le Canada, et d’autres pays comparables, joue un rôle de leader en accordant des concessions non réciproques pour répondre aux demandes d’accès de ces pays.

            Le Sous-comité, comme le gouvernement du Canada, estime que la prochaine série de négociations devrait servir à favoriser la croissance et le développement dans le monde grâce à une amélioration de l’accès aux marchés, à un renforcement des règles multilatérales régissant le commerce international et à l’abaissement des appuis et des protections qui faussent le commerce. En même temps, il reconnaît que les efforts pour libéraliser le commerce doivent être complétés par d’autres mesures visant à assurer une répartition plus équitable des avantages du libre-échange.

B.     Programme de développement de Doha

            Même s’ils n’ont pas profité de la libéralisation du commerce dans la même mesure que le monde industrialisé, les pays en développement semblent convaincus de ses mérites. Attirés par le système fondé sur des règles et désireux d’accéder aux marchés occidentaux, ils cherchent à adhérer à l’OMC.

            De fait, ils font entendre leur voix plus que jamais. Selon Peter Clark, ils ont réussi après l’échec de Seattle à convaincre l’OMC qu’il était important de résoudre leurs problèmes. Depuis la fin des années 90, ces pays font valoir leurs nombreux intérêts de façon plus dynamique, en s’appuyant sur la montée des protestations antipauvreté et antimondialisation et sur l’insuccès de la rencontre ministérielle de Seattle.

            C’est pourquoi la nouvelle série de négociations place les enjeux et les préoccupations des pays en développement au cœur de ses travaux. La communauté internationale, par la Déclaration de Doha, a convenu d’un train de mesures visant à rendre ces pays mieux à même de profiter du système commercial mondial et de s’adapter aux obligations de l’OMC à un rythme plus en rapport avec leurs besoins de développement.

            Les témoins approuvent l’accent mis sur le développement dans la Déclaration de Doha. Pour beaucoup, le Canada a non seulement la responsabilité mais le devoir moral de négocier les problèmes qui préoccupent les pays démunis. Sergio Marchi estime que cette décision de chercher à combler l’écart entre pays riches et pays pauvres est sans doute la plus importante qui ait été prise à Doha. D’après lui, le Programme de développement de Doha devrait stimuler la croissance et réduire la pauvreté dans les pays en développement.

1.     Principaux problèmes de développement abordés dans la
        Déclaration de Doha

            Le train de mesures annoncé dans la Déclaration ministérielle représente une longue série de réponses aux besoins des pays en développement en général. De fait, plus des trois quarts de la Déclaration concernent soit des principes à respecter, soit les moyens de servir directement les intérêts du monde en développement. Pour Sergio Marchi, les points les plus importants sont : un traitement « spécial et différencié » pour la mise en oeuvre des obligations dans le cadre de l’OMC — celles qui découleront du prochain cycle de négociations ou celles restées en souffrance lors des cycles antérieurs; un soutien accru sous forme d’assistance technique; un accès amélioré aux marchés des pays développés pour les produits agricoles et les produits manufacturés à forte main-d’œuvre; enfin, un accès amélioré aux médicaments génériques en cas d’urgence sanitaire (accord sur les ADPIC et la santé publique). Ces questions seront développées plus bas.

            La Déclaration de Doha profite aussi aux pays en développement « par omission ». En effet, les négociations sur l’investissement, la concurrence, les marchés d’État et la facilitation des échanges ont été reportées à 2003. Selon M. Marchi, certains pays en développement s’opposent au lancement de négociations sur ces questions dites « de Singapour ». De plus, la Déclaration ne contient aucun engagement en matière de commerce et de main-d’œuvre. Jack Mintz nous a rappelé que les pays en développement considéraient les ententes sur l’environnement et sur la main-d’œuvre comme une forme de protectionnisme de la part du monde développé. Cette omission peut donc être considérée comme une victoire. Les pays défavorisés préfèrent généralement discuter de main-d’œuvre et de protection de l’environnement dans le cadre d’institutions et d’accords n’ayant rien à voir avec l’OMC.

a)     Accès aux marchés

            Les pays en développement devraient tirer des avantages considérables des négociations de l’OMC sur la réduction des tarifs et l’accès aux marchés. Les produits agricoles et les produits manufacturés à forte main-d’œuvre, comme les textiles, représentent au bas mot 70 % des exportations des pays les plus pauvres. Pourtant, nous l’avons dit, ce sont les secteurs où le protectionnisme du monde industrialisé est le plus répandu.

            Kathleen Macmillan voudrait que le Sous-comité appuie la réduction des tarifs sur les productions des pays en développement. Selon d’autres témoins, le monde industrialisé n’a peut-être d’autre choix que d’accorder des concessions importantes. Bill Dymond est d’avis que les pays en développement ont les moyens d’entraver les négociations de l’OMC et que le monde développé serait incapable de poursuivre sans eux, faute d’un consensus suffisant. Clifford Sosnow partage cette opinion. Pour empêcher l’actuel cycle de négociations d’échouer complètement, estime-t-il, les pays en développement doivent recevoir l’assurance qu’ils accéderont aux marchés des pays développés.

            Dans le cas des textiles et des vêtements, cette amélioration de l’accès s’ajouterait aux engagements découlant du Cycle d’Uruguay. Ces derniers sont appliqués graduellement jusqu’à la date butoir de janvier 2005. En particulier, les « tarifs de pointe », qui protègent les industries les plus sensibles des pays importateurs, doivent être réduits, et les quotas sur les importations de textiles, éliminés. Les pays en développement avaient déjà demandé une libéralisation du commerce des textiles, mais certains pays, comme le Canada et les États-Unis, la leur avaient refusée.

            Les témoins diffèrent d’avis à ce sujet. Plusieurs partagent l’opinion des pays en développement et taxent les pays riches d’hypocrisie, parce qu’ils réclament la libéralisation du commerce dans les secteurs où ils sont compétitifs tout en demeurant farouchement protectionnistes ailleurs. Sergio Marchi prévoit que le Canada et d’autres pays développés seront fortement pressés d’ouvrir leurs marchés plus rapidement dans des secteurs comme le vêtement et les textiles.

            Par contre, la Fédération canadienne du vêtement (FCV) a plaidé contre l’élimination brutale des droits de douane et des quotas d’importation sur les marchandises en provenance de ces pays. Ce genre de mesure, pense-t-elle, risque de nuire à l’industrie canadienne. Elliot Lifson (président, Fédération canadienne du vêtement) soutient que des concessions unilatérales gêneraient considérablement certains secteurs de l’industrie nationale du vêtement, dont elles compromettraient les efforts d’ajustement à la libéralisation des marchés déjà en cours.

            Alors que si la Fédération canadienne du vêtement s’oppose à l’accélération de l’accès à nos marchés par les pays en développement, en raison des risques que cela représenterait pour sa propre industrie, Jack Mintz, pour sa part, met le gouvernement canadien en garde contre l’emploi d’aides pour faciliter la transition. Selon lui, le fait d’offrir un appui transitoire aux industries canadiennes affectées par la libéralisation des échanges (laquelle est destinée à aider les pays en développement) pourrait compromettre le processus d’ajustement au Canada et ralentir le déplacement des ressources d’une industrie à l’autre.

            Ann Weston (vice-présidente, Institut Nord-Sud) estime nécessaire de clarifier le débat. Selon elle, une information économique, objective et claire est essentielle à la résolution de ce problème. Le ministre fédéral des Finances, a-t-elle rappelé, a le mandat de demander au Tribunal canadien du commerce extérieur une analyse détaillée des effets économiques qu’aurait une libéralisation dans des secteurs sensibles comme les textiles et le vêtement.

            D’autre part, les pays en développement demandent aussi une importante réduction des obstacles au commerce dans l’agroalimentaire. À cet égard, toutefois, les avis des témoins sont moins divergents. Étant donné que l’industrie alimentaire canadienne est l’une des moins subventionnées du monde développé, la plupart des témoins souhaitent que le Canada plaide à l’OMC pour une réduction plus poussée des soutiens agricoles qui faussent le commerce.

            D’après les Producteurs laitiers du Canada, il ne faudrait pas croire qu’une ouverture totale du commerce international résoudrait les problèmes des pays en développement en matière d’agriculture et d’aménagement rural. Yves Leduc (directeur adjoint, département du commerce international, Producteurs laitiers du Canada) estime que les pays en développement ont besoin de marchés stables pour réussir et que cette stabilité n’est pas manifeste dans les marchés mondiaux actuels. De plus, dit-il, les agriculteurs des pays en développement doivent recevoir les outils nécessaires pour faire contrepoids aux intérêts des grandes puissances dans les domaines de la transformation et du détail.

            Gerry Barr nous a appris que certains pays en développement avaient réclamé l’adjonction d’une « catégorie développement » dans l’Accord sur l’agriculture de l’OMC. Cette proposition, qui a été déposée à Genève et dont le Comité du commerce agricole est déjà saisi, demande que les pays en développement soient autorisés : à consentir des soutiens plus importants à leurs agriculteurs; à exclure certains produits essentiels à la sécurité alimentaire de leurs engagements en matière d’accès aux marchés; et à protéger leurs secteurs agricoles contre toute augmentation subite des importations. M. Barr exhorte le Canada à mieux appuyer cette idée. Le Sous-comité recommande :

Recommandation 2 :

Que le Canada analyse soigneusement l’actuelle proposition visant à ajouter une « catégorie développement » dans l’Accord sur l’agriculture de l’OMC et qu’il rende ses conclusions publiques.

            Le Sous-comité reconnaît qu’un meilleur accès aux marchés est nécessaire à la croissance économique des régions les plus pauvres du monde. Il admet aussi que la libéralisation des échanges intervenue à la suite des cycles antérieurs de l’OMC a favorisé les industries du monde développé et que le Canada se doit de faire des concessions importantes pour ouvrir ses marchés aux échanges et à la concurrence de tous les pays. Il recommande :

Recommandation 3 :

Que le Canada joue un rôle de chef de file dans la promotion de l’accès des pays en développement aux marchés du monde industrialisé et qu’à cette fin il fasse des concessions unilatérales pour améliorer l’accès au marché canadien des produits provenant de ces pays. Que le gouvernement fédéral réfléchisse aussi à la nécessité de fournir une aide transitoire aux industries et aux travailleurs touchés par cette mesure.

b)     Traitement spécial et différencié

            Les paragraphes 12 et 44 de la Déclaration de Doha portent sur le traitement spécial et différencié des pays en développement, et plus précisément sur le prolongement des délais qui leur sont accordés pour mettre en œuvre les accords de l’OMC. À Doha, une décision a été prise sur 48 questions en suspens, afin d’aider ces pays dans leur mise en œuvre des accords existants de l’OMC.

            De plus, les membres ont réaffirmé leur résolution d’accorder aux pays en développement un traitement spécial et différencié analogue pour la mise en œuvre des accords subséquents, notamment tous ceux qui pourraient découler du Programme de développement de Doha. Les actuelles dispositions concernant le traitement différencié seront examinées au cours de la prochaine série de négociations, en vue de les renforcer et de les rendre plus précises, plus effectives et plus opérationnelles.

            Selon certains témoins, les pays en développement espèrent que la Déclaration de Doha produira des résultats substantiels à cet égard. Ces pays citent souvent l’AGCS, dans lequel ils voient un bon exemple de prise en compte des besoins différents du monde en développement.

            Pour Ann Weston et d’autres témoins, le vaste défi du développement économique des pays les plus défavorisés est essentiellement une question de besoins spéciaux et différenciés. À ses yeux, de nombreux pays, y compris le Canada, envisagent le développement sous un angle étroit, axé principalement sur l’assistance technique liée au commerce. Elle juge cette aide fort utile, mais elle plaide instamment pour une interprétation large de l’expression « besoins spéciaux et différenciés », une interprétation qui n’impose pas une approche uniforme « de haut en bas » des accords de l’OMC, mais qui établisse plutôt une entente « de bas en haut » tenant compte des différences entre les pays. Une telle entente non seulement créerait un contexte favorable aux entreprises nationales des pays en développement, mais elle ouvrirait un accès réel aux marchés occidentaux.

            Plusieurs témoins se sont dits favorables à un traitement spécial pour les pays pauvres. Toutefois, Sandra Marsden (présidente, Institut canadien du sucre) rappelle que certains pays, qui globalement pourraient être considérés comme en développement, possèdent des industries nationales spécifiques exceptionnellement fortes et bien développées. Selon elle, il ne serait pas approprié d’accorder un traitement spécial à de tels « pays en transition ».

            Pour le Sous-comité, le traitement spécial et différencié doit constituer l’une des pierres angulaires de la politique de développement du Canada. Il souscrit à l’opinion du Conseil canadien pour la coopération internationale voulant que ces modalités spéciales servent de principes directeurs dans la mise en œuvre du programme de Doha. Mais il accepte aussi l’appel à la prudence concernant la négociation des critères du traitement spécial, afin que seuls y aient droit les pays qui en ont un besoin légitime. Le Sous-comité recommande :

Recommandation 4 :

Que le gouvernement fédéral défende énergiquement les dispositions de traitement spécial et différencié pour les pays en développement, qui accordent à ces derniers des délais plus longs pour la mise en oeuvre des ententes de l’OMC et que, lorsqu’il défendra cette position à l’OMC, il favorise en outre l’établissement de règles claires et équitables concernant la façon dont sera déterminé le droit à ce traitement, afin que les pays ne puissent pas s’en prévaloir sans que cela soit justifié.

c)     Assistance technique liée au commerce

            Un des problèmes constants des pays en développement tient au fait que leur pauvreté relative gêne leur participation au processus de libéralisation des échanges. Les coûts associés aux politiques intérieures et aux réformes juridiques destinées à assurer leur conformité avec les règles de l’OMC, de même que les dépenses à engager pour former des négociateurs commerciaux et envoyer des représentants aux rencontres de l’OMC à travers le monde, peuvent constituer pour eux un formidable obstacle.

            Selon de nombreux témoins, si leurs obligations dans le cadre de l’OMC sont les mêmes, les pays ne sont pas tous capables de respecter les accords, voire de créer les systèmes pour le faire. Selon Peter Clark, il faut donc accorder aux pays en développement une assistance technique améliorée et de meilleurs moyens de renforcer leurs capacités. En effet, beaucoup de ces pays n’ont ni les ressources, ni les institutions ni l’expérience nécessaires pour participer activement aux négociations de l’OMC.

            Robert Keyes (président et directeur général, Conseil canadien pour le commerce international) est d’avis que l’OMC, la Banque mondiale, le FMI et les autres institutions internationales doivent coopérer à un « programme pour la cohérence » afin d’aider les pays en développement à acquérir la capacité de négocier et d’appliquer les accords commerciaux.

            Kathleen Macmillan souscrit à cette opinion, soulignant que, à moins que des pays riches comme le Canada n’améliorent l’équilibre existant entre les pays en développement et les pays développés, l’OMC pourrait perdre sa renommée d’institution multilatérale efficace.

            Le Canada a déjà pris un certain nombre de mesures pour aider les pays en développement à s’intégrer dans le système commercial international :

  • plus de 300 millions de dollars pour apporter à des pays en développement une aide directe liée au commerce, ainsi qu’un appui indirect à la Division de la coopération technique de l’OMC;

  • une contribution de 1,7 million de dollars en faveur du Cadre intégré, un programme de coordination des activités de six organisations internationales (Banque mondiale, FMI, OMC, Centre du commerce international, Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement et Programme des Nations Unies pour le développement) en matière d’aide technique liée au commerce et de renforcement des capacités;

  • près de 2 millions de dollars à l’appui du Centre consultatif sur le droit de l’OMC, qui aide les pays en développement en matière de règlement des différends;une aide attribuée à d’éventuels nouveaux pays membres de l’OMC qui cherchent à satisfaire à des conditions d’adhésion détaillées;

  • tout récemment, une contribution de 1,3 million de dollars au titre d’une assistance technique liée au commerce pour les pays en développement de l’OMC, à l’appui des engagements pris à Doha;

            Néanmoins, plusieurs témoins insistent pour dire que le Canada peut faire plus. Tout en approuvant les appuis financiers en faveur du renforcement des capacités en matière de politique commerciale, certains d’entre eux, comme le Conseil canadien pour le commerce international, exhortent le Canada à offrir davantage de moyens de renforcement des capacités et d’assistance technique pour aider les pays en développement à élaborer eux-mêmes leurs propres politiques. Ainsi, ceux-ci seront mieux à même de représenter leurs propres intérêts sur la scène internationale et de faire en sorte que les prochaines négociations commerciales donnent des résultats plus équitables.

            Le Sous-comité estime qu’une représentation adéquate de tous les membres est indispensable au maintien de l’efficacité et de la légitimité de l’OMC. En outre, en aidant les pays en développement à renforcer leurs capacités, nous leur permettrons d’en arriver à un degré suffisant d’autodétermination et de faire valoir les politiques commerciales qu’ils jugent utiles à leurs propres intérêts. Nous recommandons :

Recommandation 5 :

Que le gouvernement fédéral joue un rôle de chef de file dans la prestation aux pays en développement d’une assistance technique liée au commerce et que, dans le but de trouver le meilleur moyen de le faire, il s’engage également à accroître sa contribution aux programmes de renforcement des capacités.

    d)     ADPIC et santé publique

            En plus de la principale Déclaration ministérielle qui traite des questions de développement décrites ci-dessus, un second accord a été signé à Doha en novembre 2001 — la Déclaration sur l’Accord sur les ADPIC et la santé publique. Cette Déclaration définit la relation entre l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) et l’accès aux médicaments des pays en développement.

            L’Accord sur les ADPIC est un sujet de discorde pour les pays en développement depuis sa mise en oeuvre aux négociations du Cycle d’Uruguay. Selon Mark Boudreau (directeur principal, Politique et recherche, Manufacturiers et Exportateurs du Canada), la façon dont les pays en développement peuvent obtenir les médicaments pour traiter des pandémies comme le VIH/sida, la tuberculose et le paludisme est au cœur du débat.

            Par la Déclaration de Doha sur l’Accord sur les ADPIC et la santé publique, tous les pays membres de l’OMC se sont engagés à accorder aux pays en développement plus de liberté pour passer outre aux brevets relatifs aux médicaments coûteux lorsqu’ils sont aux prises avec une crise de santé publique. La Déclaration sur les ADPIC confirme et clarifie le droit des pays pauvres à imposer des mesures comme l’homologation obligatoire afin de produire des médicaments sans le consentement du titulaire du brevet et d’ainsi obtenir à coût moindre les médicaments dont ils ont absolument besoin. En outre, les pays les moins avancés ont dix ans de plus pour se conformer à leurs obligations en vertu de l’entente sur les ADPIC.

            L’Association canadienne des fabricants de produits pharmaceutiques (ACFPP) a bien accueilli la Déclaration sur les ADPIC dans le Programme de Doha pour le développement. L’ACFPP fait observer que le système de commerce international devrait faciliter plutôt que restreindre l’accès aux médicaments des pays en développement. Étant donné l’urgent besoin de médicaments dans de nombreux pays en développement, Jim Keon (président, Association canadienne des fabricants de produits pharmaceutiques) encourage le gouvernement canadien à donner priorité à l’interprétation la plus favorable à cette Déclaration.

            Plusieurs témoins, dont Mark Boudreau des Manufacturiers et Exportateurs du Canada, conviennent que les problèmes de santé publique dans les pays en développement sont très graves, mais ils ont également mis le Sous-comité en garde contre les dangers que représente l’amoindrissement de la protection de la propriété intellectuelle. M. Boudreau estime que la protection de la propriété intellectuelle est dans l’intérêt de toutes les nations, car les règles sont nécessaires pour encourager la recherche et le développement de nouveaux traitements contre des maladies mortelles. Il croit en outre que la protection de la propriété intellectuelle est importante pour établir un climat accueillant dans les pays en développement. Si les entreprises ne peuvent être assurées que leurs inventions seront protégées dans certains marchés, elles les éviteront.

            Gerry Barr a attiré l’attention du Sous-comité sur l’inquiétude que suscite toujours la Déclaration sur les ADPIC. Les pays en développement ont reçu l’assurance qu’ils pourraient passer outre aux brevets et produire les médicaments génériques nécessaires pour faire face à des urgences sanitaires. Cependant, dans le cas des pays qui ne sont pas en mesure de produire ces médicaments, rien n’indique qu’ils pourront les importer de pays qui ont la capacité de production requise. M. Barr a insisté sur le fait que cette situation serait très préjudiciable aux PMA. Il a suggéré que le Canada se fasse le défenseur de cette cause.

            Le Sous-comité estime qu’il ne faut pas interdire aux pays qui n’ont pas la capacité de production requise de se procurer les médicaments génériques dont ils ont besoin en cas d’urgence sanitaire. Il note qu’en vertu de la Déclaration sur l’Accord sur les ADPIC et la santé publique, le Conseil des ADPIC de l’OMC doit étudier la question et faire rapport au Conseil général d’ici la fin de 2002. Le Sous-comité recommande :

Recommandation 6 :

Que le Canada maintienne sa politique actuelle à l’OMC, laquelle consiste à s’opposer à toute modification des dispositions actuelles relatives à l’homologation obligatoire qui empêcherait les pays en développement sans capacité de fabrication adéquate d’importer des médicaments génériques en cas d’urgence en matière de santé publique. Le Canada devrait aussi promouvoir l’établissement d’un fonds international spécial qui servirait à aider les pays en développement qui ne le peuvent pas à se procurer ces médicaments.

C.     Considérations concernant les pays les moins avancés (PMA)

            En plus d’insister généralement sur les questions propres au développement, la Déclaration ministérielle de Doha renferme des dispositions spécifiques destinées aux PMA. Ces dispositions visent à favoriser le développement économique et à alléger la pauvreté dans ces pays en facilitant leur intégration dans le système de commerce multilatéral mondial.

            Quarante-neuf pays sont inscrits sur la liste des PMA. Brian Morrisey (directeur général, Direction générale de la politique économique, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international) a rappelé au Sous-comité que ce sont là les pays les plus pauvres de la terre. Dans bien des cas, les habitants vivent avec moins d’un dollar US par jour. Ces pays représentent environ 10 % de la population mondiale, mais seulement 0,5 % du commerce international — une proportion qui diminue depuis quelques années.

            L’inscription sur la liste des PMA est faite par le Comité sur la politique de développement des Nations Unies à partir de trois critères de base. Le plus important de ces critères indique que la production économique annuelle du pays doit être inférieure à 900 $US par habitant. Les PMA sont également en retard par rapport à certains critères de l’index de la qualité de vie et de l’index de la vulnérabilité économique. Pour s’affranchir du statut de PMA, un pays doit dépasser deux de ces trois critères. À ce jour, seul le Botswana y est parvenu.

            Étant donné le taux actuel de croissance économique des PMA, les Nations Unies estiment que seulement quatre pays (Bhutan, Laos, Lesotho et Soudan) sont en mesure de s’affranchir du statut de PMA au cours des 25 prochaines années. Un cinquième, le Bangladesh, devrait y arriver d’ici 25 à 50 ans. Le Sous-comité croit que le commerce et les investissements sont des facteurs critiques pour accélérer ce processus et, du même coup, réduire la pauvreté dans les PMA.

            Les dispositions spécifiques concernant les PMA se trouvent aux paragraphes 42 et 43 de la Déclaration ministérielle de Doha. La Déclaration rappelle la nécessité de faciliter et d’accélérer le processus d’accession à l’OMC pour ces pays afin qu’ils puissent profiter des avantages de la libéralisation des échanges. Pour les y aider, la Déclaration appuie également le Cadre intégré pour l’assistance technique liée au commerce pour les PMA et appelle les membres de l’OMC à accroître leur appui financier à ce programme.

            Par-dessus tout, la Déclaration engage les pays membres à offrir un accès sans tarifs douaniers et sans contingents pour les marchandises provenant des PMA. De même, elle invite à examiner toute autre mesure destinée à améliorer l’accès de ces marchandises aux marchés.

1.     Accès sans tarifs douaniers et sans contingents

            Fort de l’engagement de l’OMC à continuer d’améliorer l’accès au marché pour les PMA, le gouvernement du Canada a récemment proposé d’éliminer unilatéralement les tarifs douaniers et les contingents sur les importations de marchandises en provenance des PMA, à l’exception de quelques produits agricoles à offre réglementée. Cette proposition aiderait le Canada à s’acquitter de ses obligations en vertu de la Déclaration de Doha, mais elle constitue en plus une facette de l’initiative fédérale visant à promouvoir la croissance économique et à combattre la pauvreté dans les pays en développement.

            Le gouvernement fédéral est conscient que l’aide au développement des pays les plus pauvres est insuffisante en soi pour alléger la pauvreté et promouvoir le développement économique durable à long terme. Les pays en développement qui ont réussi à combattre la pauvreté sont les mêmes qui ont fondé leur croissance économique sur la multiplication des échanges commerciaux. Par conséquent, en éliminant les tarifs douaniers et les contingents, le gouvernement fédéral espère créer des occasions d’accroître les investissements, les échanges commerciaux et la croissance économique et de réduire la pauvreté dans les PMA. Brian Morrisey estime que cette initiative d’élimination des barrières commerciales représente une extension du rôle que s’est donné le Canada d’améliorer le sort des pauvres de la planète.

            De nombreux témoins du Sous-comité approuvent la position adoptée par le gouvernement fédéral. Plusieurs, notamment Rohinton Medhora (vice-président, Direction générale des programmes et des partenariats, Centre de recherches pour le développement international), jugent que la proposition canadienne d’ouvrir les marchés aux PMA est un geste louable pour porter les efforts de développement du Canada au-delà de l’aide internationale. Sharon Maloney (vice-présidente, Conseil canadien du commerce de détail) appuie également l’initiative canadienne et a déclaré que la meilleure façon de venir en aide aux pays en développement consiste à créer des emplois. Selon elle, non seulement les PMA profiteraient des nouvelles occasions d’affaires, mais les consommateurs canadiens pourraient acheter des biens à meilleurs prix. Résumant son point de vue, Peter Clark a affirmé qu’il est « déraisonnable, injuste et immoral de continuer à imposer des tarifs douaniers à ces pays ».

            L’élimination des tarifs douaniers et des contingents sur les importations en provenance des PMA permettrait au Canada de joindre les rangs des pays développés qui ont déjà procédé à des concessions unilatérales similaires. Le Sous-comité a appris que la Nouvelle-Zélande et la Norvège ont déjà donné aux PMA libre accès à tous leurs marchés, tandis que l’Union européenne a accordé un accès semblable à tous les produits, à l’exception du riz, des bananes et du sucre, pour lesquels les barrières commerciales seront supprimées graduellement.

            Des témoins ont affirmé que si les dispositions européennes concernant l’accès aux marchés semblent être plus généreuses que la proposition canadienne, les barrières non tarifaires de l’Union européenne sont néanmoins plus strictes. Elliot Lifson a mentionné les règles du Canada sur le lieu d’origine des marchandises importées des PMA, jugeant qu’elles sont sensiblement plus généreuses que celles appliquées par l’Union européenne. Selon lui, ces règles font que la proposition d’accès au marché canadien est plus large que celle de l’Union européenne.

            Gerry Shannon (consultant principal en matière de politiques gouvernementales) est d’accord et ajoute que contrairement aux récentes études internationales sur le sujet, le Canada n’est pas à la traîne des autres pays développés quant il s’agit d’ouvrir ses marchés aux PMA. Il a mentionné les règles sur le lieu d’origine de l’Union européenne et les quotas des États-Unis sur le sucre comme exemple de barrières commerciales non tarifaires qui ont plus d’impact sur la capacité d’exportation des PMA que les contraintes tarifaires du Canada.

            La Fédération canadienne du vêtement a rappelé cependant que les tarifs douaniers préférentiels accordés aux PMA, combinés aux règles généreuses du Canada sur le lieu d’origine, pourraient encourager le transbordement de marchandises depuis les pays auxquels les contingents continuent de s’appliquer, par l’entremise des pays qui bénéficient de tarifs préférentiels. M. Lifson exhorte le gouvernement canadien à adopter des règles sur le lieu d’origine similaires à celles des autres pays afin d’éviter qu’un tel scénario se concrétise.

            L’Institut canadien des textiles (ICT) s’est dit aussi préoccupé par le transbordement de marchandises. Dans son mémoire au Sous-comité, l’ICT indique que des règles strictes sur le lieu d’origine, comme celles de l’Union européenne, sont essentielles pour éviter le transbordement de marchandises des pays en développement vers les PMA. L’ICT juge que l’absence de règles sur le lieu d’origine dans la proposition canadienne est une grave omission.

            Sur les 49 PMA, le Canada a déterminé que 47 ont droit à un traitement de faveur en vertu des tarifs douaniers pour les PMA (TDPMA). Les TDPMA offrent déjà à ces pays de meilleurs tarifs que ceux appliqués en vertu du tarif de la nation la plus favorisée (NPF). Les deux exceptions sont le Sénégal, qui n’est devenu un PMA que tout récemment, et le Burma, qui est exclu pour des raisons politiques.

            Jack Kivenko (membre, Fédération canadienne du vêtement) doute de la justesse des critères utilisés pour déterminer quel pays est un PMA. Il a averti le Sous-comité que, si le Canada mettait en oeuvre la proposition concernant l’ouverture du marché canadien, il lui serait difficile de ne pas offrir des concessions similaires aux autres pays pauvres.

            Grâce aux TDPMA, le Canada offre à ces 47 PMA le libre accès à 90 % de ses lignes tarifaires. Cependant, une bonne proportion des importations des PMA au Canada tombent dans les 10 % où des restrictions commerciales sont en vigueur. En particulier, dans les secteurs du vêtement, du textile et de la chaussure, il existe encore d’importantes barrières commerciales. Des tarifs douaniers s’appliquent aussi à certains produits agricoles, notamment le sucre raffiné, les carottes miniatures et les substituts de tabac. En tout, environ 54 % des importations des PMA sont encore visées par des tarifs douaniers, qui ajoutent en moyenne 19 % au prix des marchandises.

            Le Canada impose aussi des contingents tarifaires (CT) à certains produits agricoles des PMA, notamment le bœuf et le veau, le blé, l’orge et les produits dérivés, ainsi que la margarine. Les PMA peuvent exporter en franchise sur les marchés canadiens jusqu’à concurrence d’un seuil, après quoi le tarif de la nation la plus favorisée s’applique. À ce jour, les importations au Canada de ces produits n’ont pas dépassé le seuil des CT.

            Des contingents d’importation existent également pour certains textiles et vêtements produits par des PMA. Cependant, par l’entremise de l’Accord de l’OMC sur les textiles et les vêtements, le Canada s’est déjà engagé à éliminer ces contingents d’ici janvier 2005, en plus de réduire les tarifs douaniers sur ces produits.

            Étant donné cet engagement, certains témoins ont remis en question la nécessité d’accélérer un processus qui éliminerait déjà les contingents sur les textiles et les vêtements provenant des PMA d’ici deux ans et demi. La Fédération canadienne du vêtement croit qu’une telle initiative présenterait peu d’avantages pour les PMA et perturberait le processus d’adaptation déjà en cours dans l’industrie canadienne, prévu pour janvier 2005.

            En effet, même sans l’accès amélioré offert aux PMA en vertu de l’Accord de l’OMC sur les textiles et les vêtements, la Fédération canadienne du vêtement s’est demandé si le marché canadien est suffisamment grand pour offrir des avantages réels aux PMA. D’après Jack Kivenko, compte tenu de la taille relative des économies américaine et européenne, le marché canadien est trop petit pour offrir des avantages réels aux PMA. Il estime que la proposition canadienne ne réussirait pas à aider ces pays, mais parviendrait seulement à nuire à l’industrie canadienne.

            Pour sa part, Gerry Shannon a déclaré que, selon son analyse de la proposition canadienne, l’élimination des tarifs douaniers et des contingents ne procurerait que des avantages minimes aux PMA. Si certains pays, comme le Bangladesh, peuvent compter sur une forte capacité de production et pourraient tirer profit d’un accès accru au marché canadien, M. Shannon a fait remarquer que la plupart des PMA n’en sont pas rendus là.

            Le Sous-comité a appris que les pays dont les exportations de textiles et de vêtements au Canada sont encore contingentées ne sont généralement pas en mesure d’atteindre leur quota, encore moins d’accroître substantiellement leurs exportations dans un marché nouvellement libéralisé. Cependant, la Fédération canadienne du vêtement a rappelé au Sous-comité que les industries du textile et du vêtement sont parmi les plus mobiles et pourraient facilement déménager dans un pays en développement afin de profiter temporairement des tarifs douaniers préférentiels et de l’absence de quotas.

            Elliot Lifson estime que, dans bien des cas, les entreprises de textiles et de vêtement sont présentes dans les PMA parce que les contingents et les tarifs douaniers préférentiels ont détourné la production d’entreprises plus efficaces. D’après M. Lifson, une fois que les contingents seront supprimés, la production reviendra dans les pays les plus productifs. Ce point de vue est appuyé par une étude de Gerry Shannon qui a constaté que la libéralisation des marchés des textiles et des vêtements pourrait aider la Chine à dominer le marché et éliminer les producteurs de textiles et de vêtements des pays en développement, sauf les meilleurs.

            John Alleruzzo (Syndicat du vêtement, textile et autres industries) était également de cet avis, rappelant que les grandes marques de vêtements cherchent sans cesse de nouveaux endroits où les coûts de production sont moins élevés. Il a averti que la libéralisation des marchés du textile et du vêtement ferait baisser les salaires et les normes du travail dans les pays en développement, car ces pays lutteraient pour attirer les entreprises et les investissements.

            Brian Morrisey a admis que les PMA partagent la crainte que l’ouverture des marchés n’apporte pas d’avantages à long terme, mais provoque plutôt le déménagement temporaire des entreprises à l’extérieur d’autres pays en développement. Il a cependant insisté sur le fait que l’impact à long terme de ce type de concession unilatérale de la part du Canada et d’autres pays développés dépend d’une multitude de facteurs, notamment de la réaction des investisseurs internationaux et des politiques que les PMA pourront adopter pour tirer profit des occasions ainsi créées.

            Ce point vue est partagé par Rohinton Medhora, selon qui le défi pour les PMA est de savoir tirer le maximum de ces initiatives d’ouverture des marchés. M. Medhora a souligné que la capacité de production dépend d’un grand nombre de facteurs, notamment des politiques et programmes gouvernementaux, du risque perçu par les investisseurs et des projets d’amélioration des infrastructures.

            Selon Gerry Shannon, donner aux PMA un accès plus large aux marchés canadiens ne garantit pas qu’un plus grand nombre de marchandises franchiront nos frontières. Il a insisté sur le fait que le Canada doit augmenter son soutien pour aider à bâtir la capacité des PMA, notant que l’accès aux marchés est inutile si les pays n’ont rien à vendre ou ne possèdent pas l’infrastructure nécessaire pour soutenir la production.

            Si quelques témoins estiment que la proposition canadienne d’ouvrir les marchés n’aboutirait pas à des avantages concrets, d’autres jugent que la proposition n’est pas assez audacieuse. D’après Stephanie Jones (vice-présidente, Approvisionnements, Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires), en continuant de protéger le marché canadien des produits agricoles à offre réglementée, le gouvernement fédéral envoie des messages contradictoires aux PMA et compromet en quelque sorte la sincérité de toute son initiative de développement.

            Gerry Shannon partage cette opinion. D’après lui, le Canada pourra difficilement insister auprès des pays en développement pour qu’ils transforment en profondeur leurs structures nationales et laissent les forces du marché agir, tout en continuant d’affirmer que les secteurs à offre réglementée sont différents. Il a suggéré qu’à mesure que les négociations de l’OMC progressent, il sera de plus en plus ardu pour le Canada de défendre sa position.

            Nous sommes d’accord avec la politique du gouvernement fédéral — étendre l’accès libre et sans tarifs douaniers ou contingents aux produits des PMA peut favoriser la croissance économique de ces pays grâce à la multiplication des échanges commerciaux. Un accès accru aux marchés aidera les PMA à augmenter leur production dans les domaines où ils détiennent un avantage concurrentiel. Comme complément à l’aide au développement, l’accès accru aux marchés peut améliorer les conditions économiques et réduire la pauvreté.

            Le Sous-comité sait que le Canada n’est pas un partenaire commercial important des PMA. En outre, plusieurs témoignages ont fait état de l’absence d’analyse véritable des coûts et avantages de l’initiative fédérale, en ce qui a trait aux répercussions tant sur les industries du textile et du vêtement que sur les PMA. Cependant, nous sommes d’avis qu’en éliminant les barrières commerciales nationales avec ces pays, le Canada peut contribuer à aplanir les difficultés que les PMA doivent surmonter sur le chemin de la croissance économique et de la prospérité. Le Sous-comité recommande :

Recommandation 7 :

Que le gouvernement du Canada élimine unilatéralement les tarifs douaniers et les contingents qui limitent encore les importations en provenance des pays les moins avancés, à l’exception des produits agricoles à offre réglementée. En outre, le gouvernement fédéral doit s’efforcer de décourager le transbordement de marchandises depuis les pays auxquels des contingents continuent de s’appliquer. Cette ouverture du marché devrait être réalisée le plus tôt possible, et au plus tard le 31 décembre 2002.

            Le Sous-comité a entendu plusieurs témoins lui dire que le coût économique de l’élimination des tarifs douaniers et des contingents est assez bas. Les importations des PMA ne représentent en effet qu’une infime fraction de tous les échanges commerciaux du Canada. En 2000, la valeur totale des marchandises importées au Canada en provenance des PMA s’établissait à 367 millions de dollars — soit un dixième de 1 % du total des importations.

            Cependant, Brian Morrisey reconnaît que la proposition canadienne aurait un impact économique cumulatif minime, mais il signale que certains secteurs de l’économie où les barrières commerciales sont nombreuses seraient plus durement touchés — surtout les industries du vêtements et du textile ainsi que certaines industries agricoles.

            Ses affirmations ont été confirmées par l’Institut canadien des textiles. Dans son mémoire, l’ICT admet que les importations de textiles des PMA ne représentent qu’une infime fraction du total des importations canadiennes, soit environ 0,5 %. Or, il rappelle que cela ne signifie pas que l’abolition des tarifs douaniers sur ces importations n’aura pas un effet négatif sur l’industrie canadienne.

            D’autres témoins se sont moins inquiétés de l’impact sur ces industrie. Ainsi, Gerry Shannon a déclaré que, selon ses recherches, l’effet sur l’industrie canadienne du textile et du vêtement sera minime. Expliquant les résultats d’une étude récente qu’il a réalisée pour l’Agence canadienne de développement international, M. Shannon a affirmé que l’impact de l’élimination des tarifs douaniers et des contingents sur l’industrie canadienne du vêtement serait relativement faible, et qu’aucune aide transitoire ne serait requise.

            Rohinton Medhora a indiqué que les importations de textiles et de vêtements des PMA est relativement modeste jusqu’à ce jour. Le Sous-comité a appris que la plupart des PMA ne sont pas touchés par les contingents en vigueur, ce qui dissipe les risques d’une augmentation soudaine des importations. En outre, Peter Clark a expliqué au Sous-comité que lorsque le Canada a adopté son système de tarifs préférentiels en 1974, il avait ajouté une clause d’exception pour supprimer le tarif préférentiel si jamais on constatait qu’une augmentation soudaine des importations nuisait à l’industrie canadienne.

            Par contre, Peter Clark a rappelé au Sous-comité qu’une bonne partie des employés des industries du textile et du vêtement sont des néo-Canadiens qui occupent un premier emploi. M. Clark juge que ces industries contribuent énormément à l’intégration des nouveaux immigrés dans la société et l’économie canadiennes.

            Des témoins ont dit au Sous-comité que, comme les échanges entre le Canada et les pays les moins avancés sont relativement peu nombreux, l’élimination des obstacles au commerce avec ces pays aura peu de conséquences pour l’économie canadienne. Les effets ressentis seront concentrés dans une poignée de secteurs d’activité, principalement dans les industries du vêtement et du textile, et toucheront peut-être aussi certains produits agricoles.

            Le Sous-comité reconnaît que l’industrie du textile et du vêtement supportera une part disproportionnée des coûts liés à la proposition du gouvernement fédéral. De plus, dans le cas des nouveaux immigrants, ce sont les moins préparés qui supporteront ces coûts. Par conséquent, nous recommandons :

Recommandation 8 :

Que, comme certains secteurs d’activité supporteront une part disproportionnée des coûts économiques liés à la proposition du gouvernement du Canada d’ouvrir le marché canadien aux pays les moins avancés, le gouvernement fédéral offre une aide transitoire aux industries et aux travailleurs de ces secteurs qui seront touchés.

RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS

A.     Contexte

            Les procédures de règlement des différends de l’OMC, fondée sur des règles, sont énoncées dans le Mémorandum d’accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends (Mémorandum d’accord sur le règlement des différends ou MRD7). Issu du cycle des négociations commerciales multilatérales de l’Uruguay (1986-1994), le MRD est en vigueur depuis le 1er janvier 1995. Il marque une amélioration certaine par rapport à ce qui était en place auparavant, un amalgame relativement inefficace d’outils de règlement des différends découlant de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1947 (GATT). Par exemple, il est maintenant beaucoup plus difficile pour les membres d’empêcher la formation des groupes spéciaux et l’adoption des rapports. Fondé sur la règle de droit, le MRD donne à tout membre de l’OMC — sans égard à sa taille ou à sa puissance — la capacité de contester les pratiques commerciales déloyales d’un autre membre. Globalement, l’OMC semble s’être dotée d’un mécanisme de règlement des différends raisonnablement clair, bien établi et efficace.

            Le gouvernement du Canada souscrit tout à fait au mécanisme de règlement des différends fondé sur des règles de l’OMC qu’il considère comme un facteur de stabilité et d’égalité dans le domaine du commerce international8. Il estime que la première étape de règlement d’un différend doit être la consultation et la négociation, mais que les mesures de règlement des différends de l’OMC demeurent un dernier recours nécessaire qui confère une certaine prévisibilité aux relations commerciales mondiales. La constitution d’une jurisprudence ne peut que contribuer à une plus grande stabilité.

            D’après le gouvernement, le système fonctionne bien, certes, mais il est toujours possible d’y apporter des changements de fond utiles. Le gouvernement pense notamment que, pour simplifier l’ensemble du processus, il serait important de chercher comment raccourcir les délais de règlement des différends, alléger la charge de travail des membres de groupes spéciaux et réduire les coûts financiers et administratifs des opérations de règlement des différends pour les membres et les institutions de l’OMC.

            Dans l’ensemble, les personnes qui composaient la table ronde sur le règlement des différends étaient assez satisfaites du MRD9. Elles estiment pour la plupart que le processus de règlement des différends atteint les buts visés, que les rapports finals des groupes de règlement des différends sont bien mis en application (mis à part quelques exceptions notoires) et que les pays développés comme les pays en voie de développement se prévalent des recours prévus. Lawrence Herman (avocat spécialisé en commerce international, Cassels, Brock and Blackwell) a signalé qu’une bonne partie des différends concernant des pays en développement étaient réglés par la voie du processus initial de consultations de l’OMC (et non par des procédures), mais Jon Johnson (avocat spécialisé en commerce international, Goodmans) a fait remarquer que les délais de règlement à l’OMC étaient très courts comparativement à ceux que l’on observe dans les tribunaux canadiens ou dans les affaires qui relèvent du Chapitre 11 de l’ALENA et que la qualité de la jurisprudence de l’OMC était excellente. Il a cependant ajouté que l’on pourrait rendre cette jurisprudence plus succincte et facile à comprendre et ainsi moins lourde pour les parties concernées, en particulier les pays en développement, et les analystes intéressés. M. Herman trouve que la pratique qui consiste à répéter intégralement les arguments des parties aboutit à des décisions inutilement longues qui font souvent des centaines de pages.

            Claude Carrière (directeur général, Politique commerciale I, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international) a noté une tendance croissante de la part du Canada à opter pour le mécanisme de règlement des différends de l’OMC de préférence à celui de l’ALENA parce que la procédure est plus automatique, qu’elle ne peut pas être bloquée par l’autre partie et qu’elle est plus facile à utiliser. Enfin, un représentant de l’Institut C. D. Howe a fait remarquer qu’un système reposant sur des règles était nettement avantageux pour le Canada.

            Le MRD fonctionne depuis sept ans, et les appels à une réforme et une révision du processus se font de plus en plus nombreux. On sent notamment la nécessité d’en clarifier les règles, de modifier la composition des groupes spéciaux et la taille de l’Organe d’appel, de réduire l’arriéré, d’accroître l’observation des décisions, de décourager les parties à des différends non résolus de prendre des mesures de rétorsion, de diminuer les procédures inutiles et d’accroître la transparence du processus.

            En 1994, durant le Cycle d’Uruguay, la Conférence ministérielle décidait de réexaminer au complet les règles et procédures de règlement des différends de l’OMC avant le 31 juillet 1999 pour déterminer ensuite l’opportunité de maintenir, de modifier ou d’abroger le MRD. L’échéance est passée sans que des mesures officielles aient été prises10, mais des projets de réforme ont été préparés par divers groupes de pays. La réforme du MRD fait l’objet d’un débat qui devient houleux. Un des grands sujets de discorde est le souhait des pays développés de raccourcir les délais accordés, délais que les pays en développement qui disposent de ressources limitées ont déjà beaucoup de mal à respecter.

            Lors de la quatrième Conférence ministérielle qui a eu lieu au Qatar, les membres de l’OMC sont convenus de s’attaquer aux questions liées au MRD en vue de mettre en application des améliorations et clarifications tangibles peu de temps après mai 2003. Ainsi, les négociations entourant le MRD sont indépendantes des autres négociations. Aucun projet de réforme de fond du MRD n’a encore été adopté. Le paragraphe 30 de la Déclaration ministérielle de Doha du 14 novembre 2001 est ainsi libellé :

Nous convenons de négociations sur les améliorations et clarifications à apporter au Mémorandum d’accord sur le règlement des différends. Les négociations devraient être fondées sur les travaux effectués jusqu’ici ainsi que sur toutes propositions additionnelles des Membres, et viser à convenir d’améliorations et de clarifications au plus tard en mai 2003, date à laquelle nous prendrons des mesures pour faire en sorte que les résultats entrent en vigueur ensuite dès que possible.

Comme on le verra plus loin, le gouvernement du Canada tient à contribuer à ce projet de réforme controversé, et a déjà commencé à le faire.

B.     Principaux enjeux du mécanisme de règlement des différends

1.     Indemnisation ou rétorsion en réponse aux rapports des groupes spéciaux

            Comme Jon Johnson l’a fait remarquer au Sous-comité, la mise en application des rapports des groupes spéciaux constitue l’élément qui menace le plus le système de règlement des différends. Il arrive en effet parfois que des gouvernements qui ont perdu la partie et se trouvent ainsi dans l’obligation de modifier leurs politiques ou programmes préfèrent s’exposer à des mesures de rétorsion plutôt que d’obtempérer. D’après Daniel Drache, cela se produit en général quand le gouvernement concerné estime que l’intérêt public l’emporte sur les pratiques de l’OMC.

            Les cas de refus de respecter la décision d’un groupe spécial entraînant l’imposition de mesures de rétorsion sont relativement rares, mais certains cas récents ont fait la manchette (on pense par exemple à l’affaire des bananes qui a opposé les États-Unis et l’Union européenne, aux différends sur les hormones bovines entre les États-Unis et le Canada, d’une part, et l’Union européenne, d’autre part, ou encore à l’affaire des avions entre le Canada et le Brésil). Le problème n’est pas anodin, car ce type de défiance compromet la crédibilité de l’ensemble du système de règlement des différends.

            Claude Carrière a signalé que le MRD prévoyait deux solutions en cas de non-observation d’une décision : ou le membre de l’OMC incriminé offre au pays plaignant réparation ou ce dernier demande l’autorisation d’imposer des mesures de rétorsion. Ces mesures prennent généralement la forme de sanctions commerciales de portée limitée comme le relèvement des droits de douane ou l’imposition de surtaxes sur les produits importés en provenance du pays coupable. Il reste que, ces tactiques ayant tendance à accroître les barrières commerciales au lieu de les éliminer, elles ne contribuent pas à faire avancer le système vers la libéralisation des échanges. Au demeurant, l’escalade des droits de douane imposés en guise de mesure de rétorsion finit souvent par pénaliser les entreprises et les consommateurs du pays plaignant qui normalement souhaiteraient importer les produits en question. Les tensions entre partenaires commerciaux s’en trouvent inévitablement amplifiées.

            Tout en offrant tous les avantages des sanctions commerciales, l’indemnisation semble logiquement constituer une façon plus juste et moins néfaste pour les échanges de faire respecter les décisions des groupes spéciaux. Or, si cette formule est plus avantageuse que l’imposition de mesures de rétorsion, certains estiment que l’indemnisation ne peut pas à elle seule régler le problème, surtout dans les cas de non-observation d’une décision. Comme l’a indiqué Jon Johnson, un des problèmes que présente cette solution tient au fait qu’elle ne peut pas être imposée. Le pays délinquant doit consentir à indemniser le pays lésé, car personne ne peut le forcer à le faire.

            M. Johnson fait aussi remarquer qu’en se satisfaisant trop souvent d’une indemnisation, on risque d’encourager les pays coupables à conserver les mesures non conformes, ce qui irait à l’encontre de l’objectif premier de la résolution des différends.

            Ce qu’il importe de se demander c’est si le recours à des mesures de rétorsion constitue une façon convenable de réagir à la non-observation11 ou s’il existe des solutions de rechange plus favorables aux échanges. M. Carrière a bien posé la question : quelles modifications peut-on apporter au système pour encourager davantage les gouvernements à trouver des solutions aux différends commerciaux qui stimulent les échanges au lieu de leur nuire?

            On peut envisager plusieurs solutions. Par exemple, le perdant dans un différend pourrait offrir au pays qui a eu gain de cause une forme de libéralisation des échanges compensatoire dans un autre secteur. C’est la solution que privilégie Mark Boudreau de l’association Manufacturiers et Exportateurs du Canada, pour qui il faudrait faire de la libéralisation des échanges — et non des sanctions — le principal mécanisme d’exécution des décisions de l’OMC. Cependant, comme l’a fait remarquer M. Carrière, cette solution présente le grand inconvénient que cette forme de compensation serait forcément offerte sur la base du principe de la nation la plus favorisée (NPF), ce qui veut dire qu’une fois offerte à un pays, elle doit être offerte à tous les autres. Il faudrait donc s’entendre pour modifier les règles.

            Lawrence Herman, Serge Fréchette (avocat, Thomas & Davies) et Neil Jahnke (président, Canadian Cattlemen’s Association) proposent pour leur part d’imaginer un système permettant au pays ayant eu gain de cause de demander à un groupe spécial d’arbitrage de lui octroyer une indemnisation financière. Il faudrait cependant pour cela que les États-Unis et l’Union européenne — qui dominent toujours les décisons à l’OMC — acceptent une telle modification du MRD. Il faudrait en outre déterminer s’il y a création d’une subvention dans les cas où l’indemnité financière en question serait dirigée vers le secteur d’activité lésé. Enfin, les pays contrevenants n’ont pas tous les moyens de cette forme d’indemnisation. Selon M. Fréchette, les membres de l’OMC vont devoir se pencher sur la question et trouver des solutions innovatrices, éventuellement multiples, selon les circonstances.

            Jon Johnson pense qu’il serait utile d’étudier la jurisprudence et l’issue de ces cas pour déterminer d’abord la portée réelle du problème de non-observation des décisions et ses causes. D’après lui, une règle devrait imposer le remboursement intégral des droits antidumping et des droits compensateurs non conformes aux conditions de l’OMC.

            Après mûre réflexion, le Sous-comité conclut que tout pays qui refuse de réviser des politiques non conformes aux exigences de l’OMC devrait être tenu d’offrir une certaine forme de réparation au pays qui a gain de cause à l’issue de l’étude d’un différend commercial. Cette solution pratique présente l’avantage d’éviter les inconvénients que comportent les mesures de rétorsion pour les échanges. Par conséquent, nous recommandons :

Recommandation 9 :

Que le gouvernement du Canada sollicite activement l’appui des autres membres de l’OMC en vue d’une révision du Mémorandum d’accord sur le règlement des différends qui rendrait les réparations obligatoires dans les cas de non-observation des décisions d’un groupe spécial lorsque le pays lésé le demande en remplacement de la suspension de concessions équivalentes. Les droits antidumping et les droits compensatoires non conformes devraient être intégralement remboursés.

2.     Clarification des lignes directrices qui régissent la mise en
        application des décisions de l’OMC

            Nous aborderons maintenant le problème dit de l’« ordre chronologique ». Le GATT comportait un mécanisme de règlement des différends assez rudimentaire qui aboutissait rarement à des décisions faisant autorité. Le MRD, lui, permet assez facilement de trancher, mais c’est la mise en application des décisions qui fait problème.

            Les difficultés tiennent d’abord à l’interaction des articles 21.3 et 21.5 du MRD. Lorsqu’un membre de l’OMC perd une cause devant un groupe spécial ou devant l’Organe d’appel, il faut déterminer combien de temps il a pour se conformer aux décisions rendues. L’article 21.3 prévoit le recours à l’arbitrage au besoin pour déterminer le délai imparti, mais cet arbitrage doit avoir lieu avant que toute mesure soit prise et il ne porte pas sur les moyens que la partie perdante entend prendre pour se conformer à la décision. L’article 21.5 porte sur la question de savoir si la partie perdante a en fait pris les mesures voulues, détermination qui peut être soumise à l’arbitrage après que la partie perdante a mis en application des mesures censées répondre aux recommandations du groupe spécial. Jon Johnson estime qu’il serait utile que la procédure d’arbitrage prévue à l’article 21.3 puisse aussi porter sur les moyens pris pour assurer la conformité et sur le délai accordé. On pourrait ainsi régler les différends sur l’observation des recommandations d’un groupe spécial relativement tôt dans le processus au lieu d’étudier la totalité de la question plus tardivement aux termes de l’article 21.5.

            Il y a ensuite le principal problème d’ordre chronologique. Quand un groupe spécial conclut qu’un membre de l’OMC contrevient à ses obligations, celui-ci peut adopter une nouvelle mesure pour remplacer la mesure incriminée. L’article 21.5 prévoit une procédure rapide de règlement des différends sur la conformité de la nouvelle mesure avec la décision du groupe spécial, mais ne précise pas les délais et les étapes de la procédure. On y dit simplement que le groupe spécial (le groupe spécial initial lorsque c’est possible) doit faire rapport dans les 90 jours. Cela a pour effet de retarder la mise en application de la décision initiale, et cette série de procédures pourrait théoriquement donner lieu à une boucle sans fin qui permettrait au pays délinquant de se soustraire indéfiniment à son obligation de conformité.

            Le libellé de l’article 21.5 est à ce point ambigu qu’on ne sait pas s’il est possible d’en appeler de la décision d’un groupe spécial relativement à une mesure de remplacement auprès de l’Organe d’appel. S’il était possible, ce type d’appel retarderait encore davantage l’application de la décision initiale. Il y a déjà eu plusieurs appels de décisions rendues par des groupes spéciaux en matière de conformité, mais il s’agissait dans tous les cas de procédures ad hoc, car il n’existe aucune directive claire à ce sujet.

            Il existe par ailleurs une incompatibilité apparente entre l’article 22 — qui porte sur la suspension d’obligations (rétorsion) — et l’article 21.5. Le MRD n’autorise pas un pays à prendre des mesures de rétorsion de son propre chef; ainsi, aux termes de l’article 22.2, le pays plaignant doit demander l’autorisation de prendre des mesures de rétorsion et ne peut être autorisé à le faire que si les parties concernées ont tenu des consultations sur la compensation dans les 20 jours suivant le délai imparti pour l’application de la décision du groupe spécial. Cela paraît incompatible avec l’article 21.5, lequel permet l’ouverture d’une nouvelle procédure de règlement des différends relativement à la mesure de remplacement. Il serait donc possible de contester une mesure en même temps que l’on cherche à obtenir compensation ou à imposer des mesures de rétorsion. La chronologie des événements est nébuleuse : on ne sait pas si, pour invoquer l’article 22, il faut d’abord qu’un groupe spécial ait déterminé que la mesure incriminée n’est pas conforme aux termes de l’article 21.5.

            Cette question d’ordre chronologique est une source constante de frictions entre les États-Unis et l’Union européenne. Les premiers affirment qu’il est possible de prendre des mesures de rétorsion même en l’absence de décision de la part d’un groupe spécial quant au respect d’une décision par le pays concerné. L’Union européenne estime pour sa part qu’il faut d’abord qu’un groupe spécial ait établi la non-observation d’une décision pour qu’un pays puisse solliciter l’autorisation de prendre des mesures de rétorsion. Le Canada partage le point de vue de l’UE sur cette question.

            L’UE a déposé à l’OMC, le 13 mars 2002, un projet de modification du MRD dans lequel elle indique que le problème de l’ordre chronologique est moins urgent à régler qu’avant parce qu’on a maintenant recours à des solutions au cas par cas pour régler les différends en la matière. Ces solutions reposent généralement sur le principe que l’examen de l’observation d’une décision aux termes de l’article 21.5 doit être terminé pour qu’un pays puisse invoquer l’article 22 et imposer des mesures de rétorsion. Pour l’UE, toute solution « officielle » du problème doit tenir compte de cette méthode de règlement ad hoc. Bien que l’UE ne considère pas urgent de régler le problème, de nombreux pays estiment au contraire que la question demeure prioritaire.

            Pour sa part, le gouvernement du Canada tient particulièrement à clarifier la procédure que doivent suivre les membres de l’OMC en cas de désaccord sur l’application d’une décision d’un groupe spécial avant de solliciter de l’Organe de règlement des différends (ORD)12 l’autorisation d’imposer des mesures de rétorsion, autrement dit sur l’interrelation des articles 21.5 et 22 du MRD. Les ententes à l’amiable auxquelles on s’en remet actuellement dépendent de la bonne volonté des parties et ne sont pas toujours fiables. Le Canada fait partie d’un groupe de 14 pays membres de l’OMC qui ont formulé des propositions précises en vue de clarifier les directives concernant la mise en application des décisions et le recours à des mesures de rétorsion. Nous recommandons :

Recommandation 10 :

Que le gouvernement fédéral cherche à obtenir un consensus à l’OMC sur une clarification des lignes directrices relatives à la mise en application des décisions de l’OMC. Il devrait en particulier recommander aux membres de l’OMC d’appuyer les révisions du MRD qui auraient pour effet d’élargir la portée de l’arbitrage aux termes de l’article 21.3 et de clarifier le rapport entre les articles 21.5 et 22 de manière à résoudre les problèmes d’ordre chronologique courants.

3.     Consultation ou procédures

            Il est manifestement dans l’intérêt de tous d’éviter les procédures en cas de différends entre membres de l’OMC. On ne devrait entamer des procédures qu’en dernier recours. On a d’ailleurs constaté que les résultats des consultations préliminaires sont souvent identiques aux décisions rendues plus tard par les groupes spéciaux.

            Le MRD force les parties à tenter d’abord de résoudre le différend par des consultations; d’ailleurs, les pays concernés peuvent toujours, à quelque moment du processus que ce soit, s’entendre pour régler le problème à l’amiable. D’après Lawrence Herman, le tiers environ des différends sont réglés dans la période de consultation de 60 jours qui est imposée.

            Cela n’empêche pas un recours excessif aux procédures, en particulier de la part des membres dont les ressources et l’expérience leur permettent de se prévaloir souvent des mécanismes de règlement des différends. Pour certains, le nombre de cas en souffrance constitue un fardeau administratif accablant pour l’ORD, et la situation ne peut pas durer. Ces observateurs pensent que la solution la plus simple à l’excédent de travail et à l’arriéré de cas consiste à encourager les pays à privilégier la consultation pour régler leurs différends quand à l’observation des décisions des groupes spéciaux et à réserver les procédures aux cas stratégiquement significatifs.

            Dans un effort pour accélérer le processus et maintenir l’arriéré au minimum, les États-Unis et l’Union européenne ont discuté de l’opportunité d’instituer, hors du cadre de l’OMC, un nouveau mécanisme multilatéral de règlement des différends fondé sur la médiation. Une telle solution risquerait cependant de susciter des problèmes juridiques et techniques ardus : imaginons par exemple que les États-Unis et l’UE s’entendent sur une solution obtenue par la médiation, mais qu’un autre membre de l’OMC s’y oppose et soumette la question de son côté au mécanisme de règlement des différends de l’OMC. L’UE craint que cela ne finisse par saper le processus de l’OMC.

            Le Sous-comité a été saisi directement des mêmes préoccupations. Jon Johnson propose que l’ORD institue un processus de médiation plus strict qui forcerait les parties au litige à prendre des mesures concrètes pour régler le différend. Lawrence Herman a abondé dans le même sens quand il a recommandé que l’on profite des négociations pour améliorer les mécanismes d’utilisation du processus de consultation en y adjoignant des procédures de médiation et de bons offices. Le Sous-comité, frappé par la grande sagesse de cette proposition, recommande :

Recommandation 11 :

Que, pour améliorer l’efficacité du système de règlement des différends de l’OMC, le gouvernement du Canada encourage activement les membres de l’OMC à mettre en application un processus interne de médiation strict permettant un règlement rapide des différends, faute de quoi il importerait d’envisager les possibilités de médiation externe.

4.     Composition et procédures des groupes spéciaux et de l’Organe
        d’appel

            Le processus de règlement des différends comporte plusieurs aspects auxquels il importe de réfléchir. Vaudrait-il la peine, par exemple, que l’OMC opte pour un bassin permanent de membres de groupes spéciaux pour accélérer la constitution d’un groupe spécial? Jon Johnson trouve satisfaisante la formule actuelle avec des groupes spéciaux de trois membres, car la sélection des membres n’est pas indûment longue. Il ne voit pas la nécessité de constituer une liste permanente. Il considère en revanche qu’il serait utile d’adopter des règles de preuve. En effet, actuellement, l’exposé de la preuve a lieu un peu au petit bonheur au gré du déroulement des procédures. C’est un peu la même chose au niveau de la communication des éléments de preuve de la partie adverse.

            L’Union européenne a soumis, en mars 2002, une proposition en règle à l’OMC dans laquelle elle prônait l’adoption d’un système de membres permanents des groupes spéciaux pour répondre à la demande excessive qui semble parfois se produire. Ces membres permanents seraient au moins une vingtaine, ils ne seraient pas au service d’un gouvernement et ils pourraient être nommés par l’ORD pour un mandat non renouvelable de six ans. L’OMC assumerait les frais des membres des groupes spéciaux.

            On reproche souvent aux groupes spéciaux d’être composés surtout de représentants de pays développés. La Sous-commission de la promotion et de la protection des droits de l’homme des Nations Unies a souligné dans son rapport de mars 2001 la tendance actuelle à nommer, comme membres des groupes spéciaux, des fonctionnaires et même des représentants diplomatiques de membres de l’OMC en poste à Genève. Elle considère cette pratique comme un défaut grave qui compromet la crédibilité de l’ORD parce que les fonctionnaires en question proviennent généralement de pays développés, le plus souvent les seuls qui ont les moyens de rémunérer les personnes en question. Certains pays en développement ne peuvent pas se permettre d’envoyer des représentants permanents en mission auprès de l’OMC à Genève. Il a été proposé qu’au lieu de nommer les membres des groupes spéciaux au cas par cas sous la surveillance du Secrétariat de l’OMC, l’on nomme ceux-ci de la même manière que les membres de l’Organe d’appel, pour un mandat donné.

            Par ailleurs, les opinions de chacun des membres des groupes spéciaux sont données sous couvert d’anonymat. Les décisions des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel ne comportent pas d’opinion dissidente, ce qui donne l’impression que la décision fait toujours l’unanimité. Or, les opinions dissidentes constituent un élément constitutif fondamental du droit judiciaire.

            Il y a aussi la question du renvoi des décisions. L’Organe d’appel doit souvent intervenir pour corriger des erreurs évidentes commises par les groupes spéciaux, mais il arrive qu’il soit impuissant, par exemple s’il décèle un défaut dans la démarche adoptée par un groupe spécial mais que celui-ci ne tire pas de conclusion de fait. Le Canada s’est trouvé dans cette situation dans l’affaire de l’amiante. Jon Johnson propose une procédure de renvoi analogue à celle qui est prévue au chapitre 19 de l’ALENA, où il serait possible d’ordonner à un groupe spécial de réexaminer un cas à la lumière de directives établies par l’Organe d’appel.

            Pour sa part, l’Organe d’appel joue un rôle crucial dans l’intégrité du processus de règlement des différends. À son sujet aussi on recommande des changements. Certains observateurs estiment que le délai de 60 ou 90 jours dont dispose l’Organe d’appel pour mener son examen est insuffisant et en veulent pour preuve la tendance récente de celui-ci à dépasser ses échéances. D’autres proposent en outre d’élargir le champ d’action de l’Organe d’appel pour lui permettre d’entendre non seulement les appels motivés par des questions de droit et d’interprétation juridique, comme maintenant, mais aussi ceux qui visent à corriger de sérieuses erreurs factuelles.

            Pour faciliter la mise en application des décisions des groupes spéciaux de l’OMC, il a été proposé que ceux-ci rendent des décisions au libellé moins vague et hésitent moins à dire aux parties concernées comment elles peuvent satisfaire à leurs recommandations. Pour sa part, Jon Johnson ne pense pas que les décisions des groupes spéciaux évolueront en ce sens.

            Il importe enfin de réfléchir à la taille même de l’Organe d’appel, actuellement composé de sept membres très occupés. Faut-il accroître ses effectifs ou le doter de membres permanents? Claude Carrière semble penser qu’il ne serait pas déraisonnable de porter à neuf le nombre des membres.

            Conscient de la nécessité de favoriser l’efficacité des organes de résolution des différends de l’OMC, le Sous-comité recommande :

Recommandation 12 :

Que le gouvernement fédéral presse les membres de l’OMC d’examiner la composition des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel de même que l’opportunité d’instituer des règles de preuve et de permettre les opinions dissidentes. En outre, il faudrait envisager d’habiliter l’Organe d’appel à ordonner le renvoi d’une décision pour faciliter le redressement des erreurs commises par les groupes spéciaux.

5.     Transparence et accessibilité

            Le degré d’ouverture et de transparence de l’OMC continue de susciter des critiques. La transparence du processus de règlement des différends, notamment laisse encore beaucoup à désirer. Cependant, comme Claude Carrière l’a expliqué, la majorité des membres de l’OMC ne sont pas particulièrement pressés de régler ce problème délicat. Cela dit, il y a quand même eu des progrès tangibles ces dernières années. Le site de l’OMC (www.wto.org) en témoigne éloquemment : on peut y consulter en ligne la majorité des documents officiels de l’OMC. Du temps du GATT, la plupart des documents officiels étaient à diffusion restreinte.

            Il reste cependant que rien ne force les pays membres à rendre publics les mémoires qu’ils destinent aux audiences des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel. C’est pourtant ce qu’on réclame généralement dans les évaluations de la transparence de l’OMC, de même que l’ouverture des audiences au grand public.

            Il ne fait aucun doute que la fréquence et l’importance de ces demandes vont s’accroître à mesure que le grand public sera de plus en plus conscient de l’impact des décisions de l’OMC. Une plus grande ouverture va cependant exiger l’adoption de dispositions spéciales pour protéger les informations commerciales confidentielles. Comme l’ont fait remarquer Claude Carrière et Jon Johnson, l’absence de règles sur la confidentialité des informations commerciales pose des problèmes. M. Johnson est d’avis que les délibérations des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel devraient être publiques, sous réserve des mesures nécessaires pour assurer la protection des renseignements confidentiels. S’appuyant sur le caractère public des travaux de nos tribunaux judiciaires et de nombreux tribunaux administratifs du Canada et de la plupart des autres pays, il est d’avis que l’ouverture des audiences des groupes spéciaux et de

            l’Organe d’appel au public contribuerait à une plus grande transparence et apaiserait dans une certaine mesure ceux qui reprochent à l’OMC le secret dont elle entoure le processus de règlement des différends.

            Le Canada figure parmi les pays qui considèrent comme prioritaire l’adoption de réformes visant à accroître la transparence de l’OMC. Avec une plus grande ouverture des audiences et une plus grande distribution des documents, il serait plus facile de renforcer la confiance de la population dans le système multilatéral d’échanges commerciaux en général. Le Canada encourage d’autres pays à suivre son exemple et à rendre publics les mémoires aux groupes spéciaux, et il souscrit à des modifications du MRD forçant tous les pays de l’OMC à rendre leur argumentation publique. Ces mesures contribueraient à dissiper les mythes qui entourent les procédures commerciales et permettraient aux membres du grand public de suivre les différends qui les concernent directement.

            Lawrence Herman a formulé des idées analogues lorsqu’ils a comparu devant le Sous-comité et pense que les autres pays aussi doivent rendre leurs documents publics. Un représentant des Producteurs Laitiers du Canada a demandé que les associations commerciales aient accès aux délibérations des groupes spéciaux, proposition à laquelle souscrit également le porte-parole du Centre canadien de politiques alternatives (qui craint que les décisions prises lors d’audiences à huis clos à Genève n’entraînent des modifications de la politique canadienne). Warren Allmand (président, Centre international des droits de la personne et du développement démocratique) a fait remarquer que les travaux des groupes spéciaux se déroulent toujours à huis clos. Bob Friesen (Fédération canadienne de l’agriculture) réclame lui aussi l’accès aux délibérations de l’ORD et aux mémoires soumis aux groupes spéciaux et à l’Organe d’appel de l’OMC. Impressionné par le bien-fondé de ces avis, le Sous-comité recommande :

Recommandation 13 :

Que, pour conférer une plus grande transparence au système de règlement des différends de l’OMC, le gouvernement fédéral lance une véritable campagne en vue d’obtenir des membres de l’OMC qu’ils acceptent d’ouvrir la procédure de règlement des différends au public et de donner un caractère public aux mémoires qu’ils soumettent aux groupes spéciaux de règlement des différends.

            Toujours au sujet de l’importante question de l’accessibilité, il importe de noter que seuls les membres de l’OMC — des gouvernements nationaux — peuvent entamer des procédures aux termes du MRD. Les industries exportatrices et la société civile doivent d’abord s’adresser à leur gouvernement pour signaler les problèmes qu’elles souhaitent voir réglés. Les vues sur la participation de particuliers et d’organisations au processus de règlement des différends de l’OMC sont partagées et peuvent être groupées en trois catégories :

  • Seuls les membres de l’OMC devraient pouvoir se prévaloir du système de règlement des différends, car le système risque autrement de s’embourber, ou de crouler sous les contradictions et les confrontations. Au demeurant, la participation de nouveaux intervenants (en dehors des États) serait onéreuse, sur les plans financier et administratif, pour les membres et les institutions de l’OMC.

  • Les membres de l’OMC devraient être les participants directs, les parties aux différends, mais d’autres intervenants devraient être autorisés à exprimer leurs vues officiellement et à participer au processus, peut-être à titre d’observateurs.

  • Il faut autoriser la participation directe d’intervenants autres que les États parce qu’ils sont directement touchés par les décisions et qu’ils possèdent des connaissances et une expérience extrêmement utiles.

            Les groupes spéciaux ont clairement le droit de demander des informations et des renseignements spécialisés à qui bon leur semble, particuliers ou organisations. La situation n’est pas aussi claire dans le cas de l’Organe d’appel, lequel fait parfois appel à des intervenants autres que des États à titre officieux et de façon irrégulière en acceptant des mémoires d’amicus curiae dans les cas où il a besoin d’informations détaillées sur un sujet donné. Certains estiment que l’Organe d’appel outrepasse ainsi son mandat, lequel consiste à s’assurer que les groupes spéciaux appliquent correctement le droit de l’OMC. On soutient qu’il faudrait élargir le mandat de l’Organe d’appel de manière que celui-ci puisse agir davantage comme un tribunal et donc faire son travail plus efficacement. On se demande aussi s’il ne vaudrait pas mieux élaborer une procédure normalisée au sujet des mémoires d’amicus curiae.

            L’Union européenne a été le premier membre de l’OMC à soumettre une proposition à ce sujet, en mars 2002. L’UE propose qu’un groupe spécial de l’Organe d’appel soit habilité à autoriser les mémoires d’amicus curiae non sollicités lorsque ceux-ci ont un rapport direct avec les éléments factuels ou juridiques en cause. Un projet de procédure à suivre pour les parties qui veulent demander le droit de faire valoir leurs vues a été remis à l’OMC. Cependant, comme on l’a dit à propos de la transparence, de nombreux autres membres de l’OMC continuent de s’opposer à la participation directe de groupes non gouvernementaux au processus de règlement des différends.

            Pour sa part, le gouvernement du Canada estime important de préserver le caractère intergouvernemental du système de règlement des différends de l’OMC, mais il serait d’accord pour que d’autres intervenants jouent un rôle plus grand dans les travaux, éventuellement à titre d’observateurs. Il accepterait d’examiner la participation actuelle de ces intervenants dans le processus de règlement des différends pour déterminer si elle porte atteinte à son caractère intergouvernemental. Il hésiterait à accorder à ces intervenants une place à part entière dans le processus sans avoir au préalable effectué un examen en profondeur des répercussions éventuelles d’un tel changement sur les membres et les institutions de l’OMC, notamment sur les plans administratif et financier. Il faudrait par ailleurs régler des questions juridiques fondamentales — par exemple quant à la façon de déterminer le droit de comparaître et le poids à accorder au témoignage de chaque intervenant — et penser aux répercussions de la participation de ces intervenants sur les calendriers et la charge de travail des membres des groupes spéciaux.

            Un témoin, Warren Allmand, a noté que le processus de règlement des différends ne prévoyait pas de droit d’intervention pour apporter un élément d’équilibre ou d’autres éléments aux délibérations. Les règles des Nations Unies concernant la participation des ONG et de la société civile ne s’appliquent pas, et les représentants d’autres organisations internationales et d’experts (par exemple des experts de l’Organisation mondiale de la santé dans le cas de l’amiante) devraient avoir le droit d’intervenir. M. Allmand estime que l’on devrait pouvoir faire appel des décisions des groupes spéciaux auprès d’un tribunal judiciaire (et non simplement auprès d’un tribunal du commerce qui ne connaît bien que les questions commerciales) qui prendrait en considération les implications des décisions.

            D’autres témoins ont parlé de la difficulté de réaliser des progrès à ce sujet et des inconvénients d’une plus grande accessibilité du processus. Claude Carrière a signalé qu’il était difficile de multiplier les mécanismes de poids et contrepoids dans le MRD sans alourdir indûment la procédure. Il a dit aussi que peu de pays tenaient vraiment à élaborer des règles officielles sur la question de l’accessibilité parce que le règlement des différends demeure un processus d’État à État. Pour Lawrence Herman, il faut faire preuve de prudence dans l’étude de la question de l’accessibilité. D’après lui, il faut se garder de donner officiellement accès au système de règlement des différends aux particuliers ou aux organisations, même par la voie de mémoires d’amicus curiae, car cela risquerait de paralyser un système déjà débordé. Il vaudrait bien mieux, pense-t-il, améliorer la transparence. Jon Johnson n’a rien contre les mémoires d’amicus curiae, mais croit que leur recevabilité et leur étude devraient relever exclusivement du groupe spécial concerné ou de l’Organe d’appel.

            Après avoir bien étudié la question de l’accessibilité des procédures de résolution des différends, le Sous-comité recommande :

Recommandation 14 :

Que le gouvernement du Canada exerce des pressions en vue de faire instituer, à l’OMC, une procédure officielle de présentation de mémoires d’amicus curiae, mais que la recevabilité et l’étude de ces mémoires relèvent exclusivement du groupe spécial concerné ou de l’Organe d’appel.

6.     Participation des pays en développement

            Faut-il accorder un traitement particulier aux pays en développement? La procédure de règlement des différends de l’OMC est de plus en plus complexe et exige des ressources de plus en plus importantes. Le processus est très lent et chaque étape exige la présence de représentants des pays concernés et la production de documents. Les pays riches comme le Canada, les États-Unis et l’Union européenne sont ceux qui ont le plus recours à la procédure, en grande partie parce qu’ils ont les ressources et l’expérience requises. Ils ne manquent pas de bons avocats, sont bien au fait des intérêts de leurs exportateurs qui les tiennent au courant et possèdent des réseaux mondiaux de représentants diplomatiques et commerciaux qui leur fournissent une information utile et à jour. Ils disposent d’une foule d’experts pour étayer leur position et peaufiner leurs arguments. D’autres membres de l’OMC constatent qu’ils ont du mal à profiter pleinement — voire un peu — du système pour faire valoir leurs intérêts du fait qu’ils manquent de ressources et d’expertise. C’est le cas en particulier des pays en développement qui n’ont pas les moyens de recruter et de former du personnel spécialisé dans le règlement des différends commerciaux ou d’acquitter les honoraires élevés des cabinets d’avocats internationaux qui pourraient les aider à préparer leur dossier. Ils ont aussi du mal à trouver l’information dont ils ont besoin pour préparer une cause et la défendre devant l’OMC.

            Aux termes du MRD, le Secrétariat de l’OMC doit fournir sur demande des avis juridiques et de l’aide aux pays en développement au sujet du règlement des griefs. On signale cependant que ces avis sont très limités et souvent excessivement prudents par crainte de conflits d’intérêts. En outre, cette aide n’est offerte qu’une fois qu’un pays a décidé d’entamer des procédures. Il est donc impossible de conseiller les pays en question sur les chances de succès de leur cause. On constate donc que ces services sont le plus souvent utilisés lorsque les pays en développement sont mis en cause dans des recours intentés contre eux par d’autres pays.

            Il a été proposé que cette aide soit offerte en tout temps et qu’elle soit indépendante des fonctions courantes du Secrétariat, proposition qui est devenue réalité avec la création récente du Centre consultatif sur la législation de l’OMC à Genève13. Le Centre a été créé le 17 juillet 2001 et en est encore dans la phase de démarrage, mais il est entièrement opérationnel. Il se compose actuellement d’un directeur général, d’un chef de bureau et de six avocats et fournit gratuitement des avis juridiques sur le droit de l’OMC aux pays en développement et pays en transition qui en sont membres et à tous les pays les moins avancés, jusqu’à concurrence d’un nombre d’heures maximal à déterminer par le conseil de direction. Il offre aussi, à ses membres et aux pays les moins avancés, une aide juridique pendant toute la durée d’une procédure de règlement des différends à l’OMC à des conditions favorables.

            Le gouvernement du Canada estime que tous les membres de l’OMC doivent bénéficier d’un accès juste et équitable au processus de règlement des différends de l’OMC. Il est d’accord pour que l’on fasse des efforts spéciaux pour fournir aux pays en développement et aux économies en transition membres de l’OMC qui en ont besoin faute de fonds et d’expertise suffisants, les ressources et l’aide technique voulues. Cela est particulièrement important dans le cas des pays les moins avancés.

MESURES ANTIDUMPING, SUBVENTIONS ET MESURES COMPENSATOIRES

A.     Contexte

            Tout examen des recours commerciaux dont les pays peuvent se prévaloir doit comporter une distinction entre l’utilisation légitime des mesures antidumping, des subventions et des mesures compensatoires et celle qui ne l’est pas. L’utilisation de ces recours commerciaux a pris l’allure d’une industrie en pleine croissance et le moment semble bien choisi pour clarifier les règles.

            L’abus des mesures antidumping, en particulier, pose un problème de plus en plus grave pour le système commercial international. Les règles de l’OMC permettent actuellement aux pays membres de se protéger contre l’invasion de produits vendus à un prix inférieur au prix coûtant ou à des prix inférieurs à ceux qui sont pratiqués sur le marché intérieur, mais il peut y avoir (et il y a) abus de ce droit sous la forme de protectionnisme commercial. Une plus grande clarté et une plus grande transparence des règles antidumping et d’autres recours commerciaux s’imposent de toute urgence si on veut prévenir les abus.

            Jusque dans les années 90, le recours à des mesures antidumping a surtout été le fait des pays développés. Plus récemment, cependant, de nombreux autres pays ont commencé à faire obstacle aux importations en adoptant de nouvelles lois antidumping. Malheureusement, tous les pays n’ont pas interprété de la même manière les règles de l’OMC (à savoir l’Accord antidumping de 1995), de sorte que les différends entre membres se font plus nombreux. Les pays en développement, en particulier, ont tout à attendre du succès éventuel des efforts de réforme mis en œuvre pour restreindre l’utilisation des mesures antidumping.

B.     La Conférence de Doha

            On a cherché, lors du Tokyo Round et du Cycle d’Uruguay à négocier des codes antidumping en vue de contraindre quelque peu l’utilisation des mesures antidumping, mais les progrès ont été minimes. Le fait que les États-Unis ont toujours considéré comme sacré le pouvoir de se prévaloir de recours commerciaux face à des pratiques commerciales « déloyales » a été une entrave aux progrès. À la Conférence ministérielle de l’OMC à Seattle en 1999, les Américains ont refusé d’essayer de clarifier les règles antidumping pour que tous les pays soient assujettis aux mêmes règles du jeu.

            La question des recours commerciaux demeure extrêmement sensible au sud de la frontière (p. ex., la loi sur la Trade Promotion Authority actuellement à l’étude renferme certaines conditions se rapportant notamment aux recours commerciaux). Heureusement, les États-Unis ont joué un rôle prépondérant à Doha en inscrivant les mesures antidumping à l’ordre du jour. À Doha, les ministres ont décidé de procéder à des négociations sur les subventions et sur la façon de s’y prendre en ce qui concerne et les subventions et les mesures antidumping.

C.     Le point de vue du Canada

            Don Stephenson (directeur général, Politique commerciale II, Services Investissement et Propriété intellectuelle), a indiqué au Sous-comité que la position du gouvernement du Canada sur les recours commerciaux est raisonnable : il souhaite conserver le droit de s’en prévaloir dans un but légitime, mais désire corriger les abus. Le Canada entend faire valoir son point de vue tout en unissant ses efforts à ceux de l’Europe, des États-Unis et d’autres pays développés pour obtenir des engagements plus fermes de la part des pays en développement au sujet de la garantie d’une procédure régulière et de la transparence dans l’administration des règles applicables aux recours commerciaux. M. Stephenson a fait observer que, pour leur part, les pays en développement utiliseraient toute concession à cet égard pour exercer des pressions afin que l’utilisation de ces mesures dans les pays développés soit soumise à de plus nombreuses disciplines.

            Peter Clark de Grey, Clark, Shih and Associates Ltd. condamne tous les systèmes antidumping, les qualifiant de « capricieux et arbitraires », ceux du Canada et des États-Unis étant les pires. Il a fait remarquer que le Canada a toujours traité l’antidumping comme une loi fiscale, par opposition à un instrument commercial international. Selon M. Clark, une approche différente des mesures antidumping s’impose.

            Dans leur mémoire au Sous-comité, les Manufacturiers et Exportateurs du Canada (MEC) réclament une refonte du code antidumping de l’OMC pour prévenir les abus protectionnistes. Ils voudraient que l’on redéfinisse le terme « antidumping » afin que des droits ne soient perçus que dans les cas où des pratiques ayant un effet de distorsion sur les marchés ont été constatées. Un représentant de cet organisme, M. Mark Boudreau, s’est même prononcé en faveur d’une convergence des processus de recours commercial dans les pays membres de l’OMC.

            Clifford Sosnow de la Chambre de commerce du Canada a lui aussi critiqué le système actuel et indiqué qu’il ferait bon accueil à toute discussion à l’OMC qui déboucherait sur « un système de règles plus claires, plus équitables et plus efficientes » concernant l’utilisation de recours commerciaux. À son avis, le recours à des mesures antidumping et compensatoires est une forme de protectionnisme déguisé.

            Le Sous-comité croit qu’une refonte des règles de l’OMC relatives aux recours commerciaux pour contenir les abus protectionnistes s’impose de toute urgence. Nous sommes également d’avis que les préoccupations de M. Clark au sujet du système antidumping canadien sont d’une importance suffisante pour justifier un examen exhaustif. Le Sous-comité recommande :

Recommandation 15 :

Que le gouvernement fédéral demande la clarification et le renforcement des règles de l’OMC applicables aux recours commerciaux dans le but explicite de mettre un frein à la multiplication perturbatrice des abus protectionnistes. Il lui faudrait mettre spécialement l’accent sur la réforme des règles antidumping de l’OMC en vue d’imposer les contraintes nécessaires au protectionnisme commercial.

Recommandation 16 :

Que le gouvernement du Canada entreprenne un examen en profondeur de ses propres règles antidumping, y compris tout changement jugé nécessaire à l’issue des négociations de l’OMC.

AGRICULTURE

A.     L’absurdité de la protection agricole

                Comme William Miner (associé principal, Centre des politiques de commerce et de droit, Université Carleton) l’a si bien dit au Sous-comité, la liste des sujets de dissension dans le commerce des produits agricoles est interminable. Le règlement de toutes les questions de politique agro-commerciale nécessitera des règles et des engagements multilatéraux.

                Les subventions à l’exportation et le soutien des prix intérieurs dans d’autres pays ont sur les marchés un effet de distorsion qui crée une demande de protection des importations. Ce genre d’intervention a pour résultat des surplus de production, des prix mondiaux artificiellement bas et inconstants et une augmentation injustifiée du coût des aliments pour les consommateurs du pays. Les pays développés sont les principaux coupables de telles interventions.

                Sergio Marchi a fait savoir au Sous-comité que, selon les calculs de l’OCDE, les pays les plus riches consacrent plus de 250 milliards de dollars US par année aux subventions, dont 80 % proviennent de l’Union européenne, des États-Unis et du Japon. Il s’agit là d’un chiffre absurde puisqu’il représente plus de 35 % de la valeur de la production agricole.

                William Miner a indiqué que les généreuses subventions agricoles accordées par les Européens et les Américains (p. ex., pour les céréales) posent un problème en ce sens qu’elles finissent par être capitalisées dans la structure des coûts de l’industrie (p. ex., augmentation de la valeur des terres), d’où des répercussions négatives sur la compétitivité de l’industrie qui en est bénéficiaire. À court terme, les pays qui offrent ce genre de soutien auront de la difficulté à s’adapter à la perte des subventions lorsque les prix grimperont pour atteindre des niveaux mondiaux. La situation à long terme le préoccupe moins. À cet égard, Jack Mintz de l’Institut C.D. Howe a donné l’exemple de la Nouvelle-Zélande qui a pris unilatéralement des mesures pour éliminer les subventions nationales — après une difficile transition, la production agricole a fait un énorme bond et on y trouve aujourd’hui des fermes d’élevage de moutons beaucoup plus grandes.

L’OMC devra également entamer des négociations en vue de réduire le soutien interne et d’améliorer l’accès aux marchés.

B.     Mesures prises jusqu’ici par l’OMC à l’égard de l’agriculture

                C’est lors des négociations commerciales du Cycle d’Uruguay (1986-1994) que les pays membres de l’OMC ont réussi pour la première fois à véritablement réduire le niveau des mesures de soutien à l’agriculture qui faussent les échanges et à instituer un système de règles sur le commerce des produits agricoles. En effet, jusque-là, les règles du GATT n’avaient pas pu endiguer le protectionnisme croissant dans le secteur de l’agriculture, particulièrement au niveau des subventions à l’exportation et des subventions intérieures.

                Durant le Cycle d’Uruguay, des questions agricoles ont été abordées dans l’Accord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires de même que dans la Décision ministérielle concernant les pays les moins avancés et les pays en développement importateurs nets de produits alimentaires. Cet accord avait pour but de décourager les membres de l’OMC de pratiquer un protectionnisme déguisé sous le couvert de règlements sur la santé et la sécurité en exigeant que toutes les interdictions ou quarantaines soient fondées sur des données scientifiques éprouvées ou des normes internationales généralement acceptées. Le texte le plus important est cependant l’Accord sur l’agriculture de 1993.

                L’Accord sur l’agriculture a renforcé les règles régissant le commerce des produits agricoles, ce qui devait permettre d’instituer un système commercial juste orienté vers le marché et aboutir à une plus grande prévisibilité et une plus grande stabilité pour les pays importateurs comme pour les pays exportateurs. À cette fin, l’Accord force les pays membres à s’engager à abaisser les barrières protectionnistes dans trois domaines : le soutien interne, la concurrence à l’exportation et l’accès aux marchés.

                Les mesures de soutien interne (comme les subventions à la production) doivent faire l’objet d’une réduction de 20 % en moyenne dans les pays développés et de 13 % dans les pays en développement. Cependant, le degré de réduction de certains types de soutiens précis dépend de la nature de la mesure. Dans le jargon de l’OMC, les subventions sont classées selon une série de « catégories » de couleur. Initialement, celles-ci avaient été choisies par analogie avec des feux de circulation : les mesures de la « catégorie rouge » (« stop ») étaient carrément interdites; celles de la « catégorie orange » (« ralentir ») devaient être réduites et celles de la « catégorie verte » étaient autorisées parce qu’elles étaient pratiquement sans conséquence pour les échanges.

                L’Accord sur l’agriculture n’identifie aucune subvention de la « catégorie rouge », mais il interdit aux pays membres d’offrir des mesures de soutien dont le niveau dépasse les engagements pris en matière de réduction des subventions de la « catégorie orange ». L’Accord a aussi établi une quatrième catégorie (« bleue ») à la demande des négociateurs de l’Union européenne et des États-Unis qui réclamaient une plus grande souplesse dans l’application des nouvelles règles internationales à leurs politiques agricoles respectives. Les mesures de la « catégorie bleue » confèrent une exemption aux mesures de la « catégorie orange » qui relèvent de programmes de limitation de la production.

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              Les mesures concernant les subventions à l’exportation sont similaires à celles qui visent l’accès aux marchés. Les pays développés s’engagent à réduire leurs dépenses à ce chapitre de 36 % par rapport au niveau de référence (1986-1990) sur une période de six ans. Pour les pays en développement, la réduction est de 24 % sur dix ans.

            Sur le plan de l’accès aux marchés, les pays membres ont convenu de remplacer les mesures à la frontière non tarifaires (contingents d’importation) par des droits de douane qui assurent sensiblement le même niveau de protection. Ces nouveaux droits de douane font l’objet d’une réduction graduelle tenant compte des besoins différents des pays en développement et des pays développés. Les pays développés doivent réduire leurs droits de douane de 36 % en moyenne sur six ans, tandis que les pays en développement se sont engagés à les abaisser progressivement de 24 % au total sur une période de dix ans. En outre, l’Accord prévoit l’établissement de contingents tarifaires assurant un accès minimal afin de protéger les importations qui représentent une très faible proportion de la consommation intérieure annuelle.

            L’OMC a créé en 1995 le Comité de l’agriculture, qui est chargé de surveiller la mise en œuvre des engagements et offre aux pays membres une tribune où débattre des questions relatives à l’Accord. Le Comité se réunit officiellement quatre fois par an et contrôle le calendrier de mise en œuvre de l’Accord.

            L’Accord sur l’agriculture n’est que la première phase de la réforme du commerce des produits agricoles. Aux termes de l’article 20 de l’Accord, les membres de l’OMC s’engagent à poursuivre des pourparlers sur la réduction des mesures de soutien et de protection. Cette obligation, souvent appelée le « programme incorporé », constitue le fondement d’une nouvelle série de négociations sur l’agriculture amorcées en mars 2000, lesquelles durent encore. Durant la première phase de ces négociations, d’une durée de 12 mois, les pays participants ont soumis des propositions exposant les divers éléments de leur position.

            La seconde phase, en cours, comporte une discussion plus détaillée des enjeux et des choix en matière de réforme. La Déclaration ministérielle de Doha précise les objectifs et le calendrier de ces négociations. On en parle plus en détail dans les paragraphes qui suivent.

C.     La Conférence de Doha et l’agriculture

            Lors de la quatrième Conférence ministérielle de l’OMC tenue à Doha (en novembre 2001), les pays membres ont convenu de se fonder sur les progrès réalisés dans l’Accord sur l’agriculture pour établir les objectifs et le calendrier de la seconde phase des négociations concernant le « programme incorporé ».

Faisant fond sur les travaux accomplis à ce jour et sans préjuger du résultat des négociations, nous nous engageons à mener des négociations globales visant à : des améliorations substantielles de l’accès aux marchés; des réductions de toutes les formes de subventions à l’exportation, en vue de leur retrait progressif; et des réductions substantielles du soutien interne ayant des effets de distorsion des échanges. — Déclaration ministérielle de Doha, article 13.

    `        La Déclaration prévoit en outre des échéances claires afin de limiter les négociations à une période de trois ans. Un cadre provisoire (modalités) pour la conclusion des négociations doit être prêt d’ici la fin de mars 2003. L’objectif est d’élaborer des lignes directrices ou des règles régissant le commerce. Dans le cas de l’élimination des subventions à l’exportation, par exemple, cela veut dire qu’il faudra évaluer en quoi au juste consiste l’objectif, quel type de règles appliquer, comment calculer les subventions existantes et quelle formule il faut utiliser pour réduire les subventions. Les annexes provisoires énonçant les engagements additionnels des pays en vue de la libéralisation des échanges dans le secteur agricole doivent être soumises d’ici la Conférence ministérielle de 2003, à l’échéance de la « clause de paix » qui protège actuellement les subventions à l’agriculture contre les actions en règlement des différends.

            Suzanne Vinet (négociatrice principale en agriculture, Direction des politiques de commerce international, Direction générale des services à l’industrie et au marché, ministère de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire) a signalé au Sous-comité que même si cette date est d’une importance critique — à ce moment-là, les pays devraient avoir une idée de l’indemnisation (en remplacement des subventions) que les agriculteurs pourraient s’attendre à recevoir —, il est fort probable que les modalités ou le cadre provisoire ne seront pas jugés satisfaisants et que les progrès seront passés en revue au cours de la Conférence ministérielle suivante, à la fin de 2003. Figurent au nombre des facteurs clés qui pourraient influer sur les progrès au cours de l’année qui vient : le « Farm Bill » américain, de nouvelles modifications à la politique agricole de l’Union européenne et les mesures que prendra l’OMC pour donner suite aux préoccupations des pays en développement et veiller à ce qu’ils tirent parti de cette série de négociations. Les négociations dans le secteur de l’agriculture doivent se terminer le 1er janvier 2005, en même temps que d’autres négociations de l’OMC.

            La Déclaration confirme l’article 20 de l’Accord sur l’agriculture de l’OMC en insistant sur la nécessité d’offrir aux pays en développement un « traitement spécial et différencié » de manière à leur permettre « de tenir effectivement compte de leurs besoins de développement, notamment en matière de sécurité alimentaire et de développement rural ».

            Il ne fait aucun doute que la Conférence de Doha a débouché sur d’ambitieux objectifs dans le secteur agricole. Elle a été véritablement marquante puisque les membres de l’OMC se sont engagés pour la première fois à négocier une élimination progressive des subventions à l’exportation. Ils se sont engagés également à réduire considérablement le soutien interne qui fausse les échanges et à grandement améliorer l’accès aux marchés.

            La décision d’inclure dans la Déclaration ministérielle de Doha des dispositions portant explicitement sur l’agriculture est le résultat d’un compromis. L’Union européenne a toujours été très protectionniste dans ses politiques agricoles et a accepté d’aborder le sujet dans les négociations seulement en échange de l’inscription au programme des questions environnementales.

             Cependant, l’Union européenne a aussi réussi à faire insérer la formule suivante dans l’article 13 de la Déclaration : « sans préjuger du résultat des négociations, nous nous engageons à mener des négociations globales ». On se demande donc maintenant quelles sont les chances d’obtenir de l’Europe des concessions significatives relativement aux subventions à l’agriculture. D’après le bilan que fait l’Union européenne de la conférence de Doha, « il n’existe aucun engagement aujourd’hui à négocier la suppression pure et simple des subventions à l’exportation ».

              En outre, la politique de l’Union européenne relative au commerce des produits agricoles reflète depuis longtemps la conception européenne de l’agriculture selon laquelle cette activité représente bien plus que la simple production de denrées alimentaires. On accorde là-bas une grande valeur aux mesures conçues pour assurer la survie des petites exploitations, et pour protéger la salubrité des aliments et de l’environnement. La Déclaration ministérielle de l’OMC confirme l’article 20 de l’Accord sur l’agriculture de l’OMC en précisant que ces considérations, qui ne sont pas d’ordre commercial, « seront prises en compte dans les négociations comme il est prévu dans l’Accord sur l’agriculture ».

               Si l’Europe est le plus ardent partisan du protectionnisme agricole, la position des États-Unis à ce sujet n’est pas claire. Les États-Unis sont un exportateur net de produits agricoles et sont donc généralement en faveur de la libéralisation. Cela ne les empêche cependant pas de conserver un certain nombre de politiques protectionnistes qui pourraient compromettre le prochain cycle de négociations commerciales.

D.     Questions clés du point de vue du Canada

            La rencontre ministérielle de Doha a permis au Canada d’atteindre son objectif premier, à savoir la promesse d’une nouvelle série de négociations commerciales multilatérales de portée plus large. En effet, seule une série de négociations d’aussi vaste portée peut mener aux compromis nécessaires entre pays membres de l’OMC pour vraiment faire progresser la libéralisation du commerce des produits agricoles. L’inverse est également vrai. Comme Sergio Marchi l’a rappelé au Sous-comité, il faudrait que les pays qui choisiraient de prendre leurs distances par rapport à l’engagement pris à Doha d’éliminer graduellement ces subventions sachent qu’une telle décision pourrait nuire considérablement aux progrès dans d’autres secteurs de négociation.

            Les trois objectifs visés à Doha (élimination des subventions à l’exportation, forte réduction du soutien interne et amélioration de l’accès aux marchés) sont très proches de ceux que le Canada s’était fixés en prévision de la Conférence ministérielle de Seattle en 1999. Le gouvernement canadien est d’avis qu’en réduisant les mesures de soutien et de protection élevée appliquées par un petit nombre de pays développés, on permettra aux producteurs non subventionnés du monde entier (y compris les pays en développement) d’actualiser leur potentiel agricole. Cependant, comme Suzanne Vinet le signalait, ce sont les détails qui posent problème et il y aura une longue période de mise en œuvre après que les négociations auront pris fin.

            Il ne fait aucun doute que le Canada souhaite l’application de « règles du jeu équitables » dans le secteur de l’agriculture, un objectif auquel souscrivent de nombreux pays en développement. L’objectif est de permettre aux agriculteurs canadiens de livrer concurrence sur un pied d’égalité à d’autres agriculteurs et non au Trésor du pays où ils vivent. Étant donné que le Canada est un important exportateur et importateur de produits agricoles et que son marché intérieur est bien établi, il a tout à espérer d’un meilleur accès aux marchés mondiaux, d’un renforcement des règles internationales sur le commerce des produits agricoles et d’une concurrence plus efficace à l’échelle mondiale. En 1999, le George Morris Centre de Guelph, en Ontario, en arrivait à la conclusion que l’élimination des tarifs sur une période de dix ans représenterait à elle seule 2,5 milliards de dollars de plus pour l’industrie agricole chaque année.

            Tous les témoins interrogés par le Sous-comité appuient dans ses grandes lignes la position initiale du gouvernement fédéral sur la négociation de l’élimination des subventions à l’exportation et de la réduction à grande échelle du soutien interne. Les avis étaient plus partagés quant au troisième élément de la position du gouvernement, soit l’accès aux marchés.

            Mark Boudreau des Manufacturiers et Exportateurs du Canada a exhorté les négociateurs de l’OMC à « tendre vers un marché agricole mondial sans subventions à la production ni obstacles au commerce. Il n’y a aucune raison pour que le secteur agricole soit traité différemment du secteur de la production manufacturière ou du secteur des services. Les négociateurs devraient chercher à réduire de moitié les droits de douane généraux sur les produits agricoles et à réduire plus substantiellement les droits de douane les plus élevés, afin d’éliminer tôt ou tard toutes les subventions à la production agricole. »

            Clifford Sosnow de la Chambre de commerce du Canada a appuyé la position du gouvernement fédéral sur l’agriculture à la table des négociations. Il s’est dit d’avis que l’élimination des obstacles que constituent les subventions serait avantageuse et pour le Canada et pour les pays en développement; en fait, la libéralisation du commerce des produits agricoles est l’un des principaux moyens de faire avancer le Programme de Doha pour le développement.

            Jack Mintz appuierait les changements, coordonnés à l’échelle internationale, qui élimineraient bon nombre des subventions du secteur de l’agriculture. Tous les pays s’en porteraient mieux, mais il doute que les Américains ou les Européens soient prêts à renoncer aux subventions de sorte que les choses pourraient traîner en longueur. M. Mintz a aussi fait remarquer que d’importants ajustements s’imposeraient si le Canada agissait unilatéralement pour éliminer toutes les subventions. Toutefois, si tous les pays coordonnaient leurs efforts, les prix des produits agricoles enregistreraient une augmentation qui compenserait la perte des revenus liés aux subventions, d’où la moins grande nécessité d’ajustements.

1.      Élimination des subventions à l’exportation

            Les témoins qui s’intéressent à l’agriculture ont été unanimes à reconnaître les mérites de l’élimination des subventions à l’exportation — ils semblaient tous appuyer la position initiale du gouvernement fédéral. Ces subventions, d’origine européenne surtout, mais dont 24 autres pays peuvent également se prévaloir14, faussent d’une manière flagrante les échanges internationaux.

            Un témoin, Mike Dungate (directeur général, Producteurs de poulet du Canada), a fait observer qu’il est tout à fait en faveur de l’élimination des subventions à l’exportation, mais les chances qu’elles soient éliminées dans le cadre des prochaines négociations sont minces. Sa solution consisterait à en limiter l’utilisation, à un pourcentage peut-être de la production agricole des pays.

            Il y a un autre aspect dont il faut tenir compte dans toute discussion des subventions à l’exportation, à savoir l’utilisation de crédits à l’exportation, de programmes de promotion des exportations et de programmes d’aide alimentaire prenant la forme de subventions déguisées. Bob Friesen et Larry Hill (Commission canadienne du blé) ont attiré l’attention du Sous-comité sur ces instruments15 et recommandé qu’on en interdise l’utilisation.

            M. Hill a aussi dit catégoriquement que l’aide accordée par la Commission canadienne du blé (CCB) n’est pas une subvention à l’exportation, qu’il faut maintenir les garanties gouvernementales et la capacité de la CCB de fonctionner comme une organisation commerciale et que l’article 17 de l’OMC autorise explicitement l’existence d’un guichet unique pour l’exportation. Ces questions ont également été abordées par William Miner qui a soutenu que les travaux de l’OMC aboutiront vraisemblablement à l’imposition de disciplines concernant le commerce d’État et les crédits à l’exportation.

            Le Sous-comité est convaincu que la communauté internationale aurait tout intérêt à se débarrasser de toutes les subventions à l’exportation directes et déguisées et recommande :

Recommandation 17 :

Que le gouvernement fédéral obtienne le consensus de l’OMC pour que l’Accord sur l’agriculture prévoie l’élimination immédiate des subventions à l’exportation dans le secteur de l’agriculture. Le gouvernement devrait encourager l’OMC à examiner l’usage que font les pays des crédits à l’exportation, de la promotion des exportations et de l’aide alimentaire pour s’assurer que ceux-ci ne représentent pas l’équivalent de subventions.

2.     Réduction à grande échelle du soutien interne

            Des négociations à l’OMC seront nécessaires aussi si l’on veut réaliser des progrès dans la réduction du soutien interne. Le plus grand défi consistera à limiter le soutien offert par les États-Unis sous la forme de subventions aux agriculteurs et à contenir le système américain de subventions intérieures. Pour reprendre les propos de Peter Clark, l’aide financière versée aux agriculteurs des États-Unis est dictée par la politique plutôt que par l’économie et constitue un mode de vie dans ce pays.

            William Miner a signalé que les Américains ont augmenté considérablement leur soutien agricole au cours des trois ou quatre dernières années, au point où le niveau de soutien est vraisemblablement le même (voire supérieur) à qu’il était au milieu des années 80. Qui plus est, les États-Unis essaient toujours de structurer leur aide financière sous la forme de secours d’urgence, d’un soutien du revenu et de filets protecteurs. Il s’agit de programmes de soutien découplé du revenu (qui ne sont pas directement liés à la production) de sorte qu’il est difficile de les contester (même s’ils ont en réalité un effet de distorsion sur la production) et ils demeurent en deçà des engagements contractés par les États-Unis lors du Cycle d’Uruguay. Selon M. Clark, la seule solution qui s’offre consiste à s’opposer aux États-Unis (p. ex., à l’aide de lois antidumping).

            D’après M. Miner, la générosité des subventions américaines (qui ont un effet de distorsion sur la production et les échanges) et les menaces constantes de limitation des importations des produits de base brandies par les Américains posent un grave problème pour les agriculteurs canadiens. Une réforme efficace du régime commercial devrait garantir des règles du jeu plus équitables aux producteurs canadiens et amoindrir les risques de production pour le marché des exportations.

            Le Sénat américain étudie actuellement un projet de loi agricole (S. 1628, Agriculture, Conservation and Rural Enhancement Act) qui pourrait, au dire des sénateurs républicains et de l’Administration américaine, aller à l’encontre des engagements existants envers l’OMC. Ce projet de loi fait suite à une autre mesure déjà adoptée à la Chambre des représentants en octobre. Il ferait augmenter de 73,5 milliards de dollars en dix ans les dépenses liées à la politique agricole. Des paiements contracycliques — qui augmentent lorsque les cours des produits tombent et que la production grimpe — seraient versés aux agriculteurs.

            Ces paiements contracycliques appartiendraient à la « catégorie orange » et feraient donc l’objet d’engagements visant leur réduction. En outre, il y a fort à parier que quelle que soit la version du projet de loi adoptée (celle du Sénat ou celle de la Chambre des représentants), les fonds additionnels prévus porteraient l’aide américaine à l’agriculture au delà du plafond de 19,1 milliards de dollars convenu lors du Cycle d’Uruguay.

            Selon Suzanne Vinet, les États-Unis doivent faire preuve de leadership si on veut en arriver à un accord. Une loi agricole qui irait à l’encontre du but recherché ne servirait à rien. Le gouvernement fédéral continue d’espérer que des modifications favorables seront apportées au projet de loi et qu’une intervention énergique de l’OMC indiquera aux Américains la voie à suivre.

            Plusieurs témoins ont fait des recommandations précises pour restreindre l’utilisation d’un soutien interne ayant un effet de distorsion sur la production et le commerce. Larry Hill a proposé trois changements importants : l’imposition de limites officielles aux dépenses totales liées à l’aide à l’agriculture, l’élimination de la catégorie bleue et le plafonnement des subventions de la catégorie verte ayant un effet minime de distorsion sur le commerce. Neil Jahnke de la Canadian Cattlemen’s Association a pour sa part proposé une réduction du niveau des dépenses permises au titre du soutien interne et l’élimination de la catégorie bleue de subventions intérieures. De même, Bob Friesen a proposé de plafonner le soutien interne, qui correspondrait à un certain pourcentage de la valeur de la production à la ferme, de supprimer l’exemption des programmes de la catégorie bleue de l’application des limites imposées aux dépenses, et de clarifier et resserrer les programmes de la catégorie verte. Liam McCreery (président, Canadian Agri-Food Trade Alliance) a fait ressortir la nécessité de véritables réductions des programmes de soutien interne qui ont un effet de distorsion sur les échanges par produit. Mike Dungate, des Producteurs de poulet du Canada, a recommandé l’imposition d’un plafond de 10 % à la catégorie orange. Le Sous-comité trouve qu’un grand nombre de ces propositions sont parfaitement logiques et recommande :

Recommandation 18 :

Que l’on modifie l’Accord sur l’agriculture de l’OMC en vue de réduire substantiellement le soutien interne ayant des effets de distorsion sur la production ou les échanges. À cette fin, que l’on envisage sérieusement de fixer un plafond aux niveaux de soutien qui faussent la production ou les échanges, d’éliminer la catégorie bleue de subventions intérieures et de clarifier les programmes d’aide de la catégorie verte pour veiller à ce qu’ils ne faussent pas la production ou les échanges.

3.     Accès aux marchés

            Des négociations à l’OMC sur l’accès aux marchés sont nécessaires si nous voulons enregistrer des gains sur les marchés clés de l’Asie, du Moyen-Orient et de l’Europe et dans certains secteurs (p. ex., produits du sucre). Les droits de douane sur les produits agricoles demeurent élevés et certains produits continuent à faire l’objet de contingents tarifaires prohibitifs.

            Un certain nombre de témoins ont réclamé des réductions des obstacles à l’accès aux marchés. Neil Jahnke a proposé que tous les taux de droit applicables dans la limite du contingent soient éliminés, que d’autres droits de douane soient considérablement réduits, que des règles claires et obligatoires régissent l’administration des contingents tarifaires et que l’augmentation maximale soit accordée pour les engagements en matière d’accès minimal.

            Liam McCreery et Sandra Marsden ont également réclamé des mesures énergiques pour améliorer l’accès aux marchés. M. McCreery a demandé des réductions substantielles de tous les droits de douane, d’importantes augmentations des engagements d’accès minimal et des accords zéro-zéro dans les secteurs de produits de commerce international qui s’y prêtent. Quant à Mme Marsden, même si elle souscrit de manière générale à l’approche tripolaire des négociations adoptée par le gouvernement canadien, a indiqué que la position du Canada sur l’accès aux marchés n’était pas suffisamment ferme. En raison de la dépendance de l’industrie du sucre et des produits provenant du sucre à l’égard du marché américain qui est protégé, l’Institut canadien du sucre souhaiterait que les négociations sur l’accès aux marchés englobent toutes les formes de protection.

            David Barlow (Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires) a critiqué la position initiale de négociation du Canada sur l’accès aux marchés qui, selon lui, n’est pas assez ambitieuse. Le Canada demande des améliorations de l’accès aux marchés, mais cherche à conserver des barrières importantes — sous la forme de droits de douane égaux ou supérieurs à 100 % — dans un certain nombre de secteurs où il y a gestion de l’offre (p. ex., produits laitiers et volaille). Selon Stephanie Jones, qui fait partie de la même association, un plan décennal de transition dynamique pour ouvrir le marché canadien aux importations de produits laitiers et de volaille devrait comporter les caractéristiques suivantes : augmentation progressive des niveaux d’accès à l’importation de dix points de pourcentage par année; renforcement des engagements de l’OMC pour que les obligations relatives à l’accès à l’importation soient claires et contraignantes; élimination des contingents tarifaires attribués par pays et d’autres restrictions; et réduction annuelle de 10 % de tous les droits de douane.

            Bob Friesen a insisté sur la nécessité pour tous les membres de l’OMC d’offrir le même niveau d’accès minimal, cet accès étant fondé sur des règles claires et précises. Les pays qui comme le Canada accordent déjà un accès supérieur au minimum habituel ne devraient pas être tenus d’offrir un meilleur accès à leurs marchés. Tous les autres pays devraient respecter le niveau minimum convenu. La Fédération canadienne de l’agriculture préconise elle aussi l’élimination des droits de douane à l’intérieur des contingents tarifaires; l’assurance d’un accès aux marchés par produit; l’élimination de la progressivité tarifaire en fonction de la valeur ajoutée; de même que la réduction maximale de tous les droits de douane uniques (qui ne protègent pas un contingent tarifaire).

            Mike Dungate craint lui aussi que certains pays ne s’en tiennent pas aux lignes directrices relatives à l’accès minimal aux marchés. Il a exhorté les membres de l’OMC à s’entendre sur un niveau d’accès minimal de 5 % (c’est-à-dire qu’il faudrait veiller à ce que tous les membres offrent un tel accès16) en se fondant sur une période de consommation plus récente17 tout en maintenant les taux de droit hors contingent et en fixant à zéro le taux de droit intra-contingent. L’essentiel pour les Producteurs de poulet du Canada serait d’obtenir un contingent tarifaire effectif aux prochaines négociations.

            Enfin, Yves Leduc des Producteurs laitiers du Canada a indiqué au Sous-comité que l’accès aux marchés était un élément de la plus haute importance et il a attiré son attention sur la crédibilité de la position du Canada (c’est-à-dire imposer à tous les pays les mêmes exigences en ce qui concerne l’accès minimal). Essentiellement, le taux devrait être fixé à 5 % comme il l’avait été lors du Cycle d’Uruguay.

            Il ressort de l’examen des différents points de vue présentés au sujet de l’accès aux marchés que les témoins sont partagés, car certains souhaiteraient imposer des engagements en matière d’accès minimal de 5 % aux membres de l’OMC, tandis que d’autres sont en faveur d’un relâchement considérable des restrictions à l’importation. Dans un effort pour combler au moins en partie l’écart entre ces deux visions concurrentes de la protection des importations et parce qu’il reconnaît la nécessité de « règles du jeu équitables », le Sous-comité recommande :

Recommandation 19 :

Que, pour améliorer l’accès aux marchés dans le cadre des négociations de l’OMC sur l’agriculture, le gouvernement du Canada prône l’établissement d’exigences en matière d’accès minimal de 5 % par produit en utilisant comme base de comparaison la période de consommation la plus récente possible. Des règles claires et obligatoires devraient régir l’administration des contingents tarifaires. En outre, il faudrait éliminer tous les taux de droit intra-contingent et réduire considérablement ceux qui ne protègent pas un contingent tarifaire. Il y aurait lieu également de procéder à des augmentations progressives négociées du niveau d’accès à l’importation, parallèlement à la mise en œuvre et à l’application de nouvelles règles sur l’accès aux marchés.

            Quant aux mérites du maintien des régimes de gestion de l’offre, le Sous-comité a entendu des témoignages quelque peu contradictoires. À Doha et avant la Conférence ministérielle de novembre 2001, le gouvernement canadien avait dit clairement que les décisions au sujet de la production et de la commercialisation des produits canadiens (p. ex., la gestion de l’offre et la Commission canadienne du blé) devraient continuer à être prises chez nous.

            Suzanne Vinet nous a indiqué que la position du Canada, telle qu’elle a été définie en août 1999, est de conserver intact le système actuel de gestion de l’offre, puisqu’il fonctionne bien. Sergio Marchi s’est dit du même avis et a indiqué que, selon le gouvernement, la capacité du Canada d’utiliser la gestion de l’offre dans le secteur de l’agriculture est tout à fait compatible avec nos obligations envers l’OMC. Notre forme de production agricole s’apparente à celle d’autres pays. En outre, il n’est pas question de gestion de l’offre dans le document de Doha. M. Marchi a fait observer que si les pays souhaitent aborder cette question dans le cadre des négociations, c’est leur prérogative.

            Les Producteurs laitiers du Canada tiennent eux aussi à préserver le système actuel, car la gestion de l’offre est avantageuse pour les producteurs et les transformateurs et ne coûte rien aux gouvernements.

            Bob Friesen craint que nos concurrents arrivent à déréglementer les structures de commercialisation ordonnée du Canada sans qu’aucune limite ne leur soit imposée en ce qui concerne le recours aux subventions. Si ses craintes se concrétisaient, notre secteur agricole au complet s’en ressentirait.

            D’autres témoins n’étaient pas aussi convaincus des mérites de la gestion de l’offre. Selon Bill Dymond, les droits de douane de l’ordre de 200 à 300 % dans les secteurs des produits laitiers et de la volaille représentent un transfert massif de revenus des consommateurs aux producteurs, et des contribuables aux producteurs, ce qui est ridicule lorsque la valeur du contingent de production est supérieure à celle d’autres immobilisations qui entrent dans la production. Souhaitons-nous soustraire la gestion de l’offre aux négociations, maintenir ces transferts de revenu et assumer les coûts économiques énormes de cette politique à effet de distorsion? Par exemple, nous laissons échapper des possibilités de valorisation des produits (à preuve, McCain’s au Nouveau-Brunswick ne peut pas obtenir la quantité de fromage nécessaire pour ses pizzas à des prix plus bas). Nous paierons un jour le prix d’une telle politique à la table des négociations.

            William Miner a fait observer en ce qui concerne l’avenir de la gestion de l’offre que la valeur des contingents dans les secteurs des produits laitiers et de la volaille avait augmenté considérablement. Cela a cependant une incidence sur la position concurrentielle au moment où le pays commence à s’ouvrir à la concurrence (un marché continental se dessine dans le secteur à gestion de l’offre). Il faudra s’attendre à ce que les droits de douane sur les produits réglementés diminuent quelque peu, d’où la remise en question des coûts plus bas.

Enfin, Jack Mintz s’est prononcé en faveur de l’élimination de la gestion de l’offre au Canada.

4.     Sécurité alimentaire

            Plusieurs autres questions agricoles ont été abordées durant les audiences du Sous-comité. Par exemple, un certain nombre de groupes ont dit souhaiter que l’Accord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires ne soit pas revu au cours des prochaines négociations, tandis que Mike Dungate a donné à entendre que le Canada souhaiterait qu’il soit rouvert pour restreindre le recours aux obstacles non tarifaires.

            Neil Jahnke a fait ressortir la nécessité de normes techniques, de l’approbation des organismes génétiquement modifiés, de l’étiquetage des produits et des prescriptions en matière de sécurité alimentaire fondées sur des normes scientifiques approuvées internationalement. Le Sous-comité apprécie ces commentaires, d’autant plus qu’ils reprennent ceux que renferme notre rapport sur les relations économiques entre le Canada et l’Europe mentionné précédemment.

SERVICES

A.     Contexte

            Les services, le secteur le plus vaste et le plus dynamique des économies des pays tant développés qu’en développement, représentent plus de 20 % de tout le commerce mondial (1999). Ils sont donc importants de par leur nature, mais ce sont aussi de précieux intrants de la plupart des marchandises. Nous avons toutes les raisons de croire que le commerce des services demeurera à l’échelle mondiale le secteur à plus forte croissance.

            Le secteur des services, qui représente en gros les deux tiers du PIB du Canada et des exportations annuelles de 43 milliards de dollars, est une composante clé et en plein essor de l’économie canadienne. Globalement, les services sont à l’origine de près des trois quarts des emplois au Canada. De plus, ce secteur a été le moteur de la transformation de l’économie canadienne en une économie du savoir.

            Le commerce des services revêt une importance considérable pour le Canada, les exportations du secteur ayant enregistré une augmentation de 7,1 % en 1999 pour atteindre 49 milliards de dollars. Les États-Unis sont le premier marché des produits canadiens, mais nos exportations de services sont plus diversifiées. Pour ce qui est de nos importations, elles ont augmenté de 5,6 % en 1999 pour se chiffrer à plus de 55 milliards de dollars.

            On croit généralement qu’une libéralisation accrue du commerce des services pourrait entraîner des gains économiques substantiels. À titre de 12e exportateur mondial de services, le Canada pourrait tirer grandement profit d’un meilleur accès aux marchés étrangers. Le gouvernement canadien est résolu à accroître le commerce des services de façon à stimuler la croissance de son économie et l’emploi pour les Canadiens.

B.     L’OMC et les services

            Les services ne sont que depuis peu l’objet de négociations commerciales multilatérales. L’Accord général sur le commerce des services (AGCS) de 1995 fut le premier à établir un ensemble exhaustif de règles multilatérales juridiquement exécutoires sur le commerce mondial des services. Cet accord étend au commerce mondial des services les traditionnels principes du traitement national (aucune discrimination envers les producteurs étrangers par comparaison aux producteurs nationaux) et de la nation la plus favorisée (aucune discrimination envers certains membres de l’OMC par comparaison à d’autres) que renferme le GATT.

            En vertu de l’AGCS, aucun pays ne peut être forcé à libéraliser un service ou un secteur particulier, même s’il décidait de demander la suppression d’obstacles sur d’autres marchés. Comme Peter Clark l’a indiqué au Sous-comité, alors que le GATT (produits) prévoit des listes « négatives » (les parties incluent les secteurs et activités qu’elles souhaitent soustraire à l’application de l’accord), l’AGCS (services) prévoit des listes « positives » d’engagements que les parties souhaitent prendre (c’est-à-dire que tout est exclu à moins d’être précisément inclus). Autrement dit, les membres de l’OMC ne sont tenus d’appliquer les nouvelles règles de l’AGCS qu’aux secteurs de service de leur choix. L’inconvénient de cette approche, c’est que dans un certain nombre de secteurs de service, très peu de pays se sont engagés à ouvrir leurs marchés. Autre fait important à signaler, les services « fournis dans l’exercice du pouvoir gouvernemental », qui incluent un grand nombre des services publics fournis au Canada, ne sont pas couverts par l’AGCS.

            Les négociations sur la modification de l’accord sur les services, décidées lors du Cycle d’Uruguay, sont en cours depuis février 2000. Les pourparlers sur l’Accord général sur le commerce des services faisaient partie du programme incorporé de l’OMC (tout comme les négociations sur l’agriculture) et avaient pour objet une libéralisation accrue par le biais de l’élargissement des engagements relativement faibles pris antérieurement par les membres de l’OMC.

            À la Conférence ministérielle de Doha, les pays membres de l’OMC ont convenu de poursuivre les négociations sur les services (c’est-à-dire amélioration de l’accès aux marchés et plus grande libéralisation du commerce des services) en s’en tenant à un échéancier précis. Ainsi, ils déposeront d’ici au 30 juin 2002 leurs demandes préliminaires sur les engagements particuliers qu’ils attendent d’autres pays en vue de la libéralisation de certains secteurs de service. Ils devront par ailleurs déposer d’ici au 31 mars 2003 leurs offres préliminaires concernant les secteurs qu’ils sont prêts à libéraliser. Le Canada et d’autres membres de l’OMC ont réaffirmé à cette occasion le droit de chaque pays de réglementer l’offre de services.

C.     Opinions sur la position du Canada en matière de services

            Le gouvernement canadien aimerait offrir à ses exportateurs de services (notamment les PME) de plus grandes possibilités sur les marchés émergents. Les secteurs ciblés comprennent les services professionnels, les services d’affaires, les services financiers, les télécommunications, les services informatiques, les services environnementaux et les services de transport. Un meilleur accès aux marchés étrangers devrait permettre aux entreprises de services canadiennes de profiter d’économies d’échelle, tandis qu’une concurrence accrue sur le marché intérieur devrait se traduire pour les consommateurs canadiens par des prix plus bas, un choix plus vaste et une meilleure qualité.

            Toutefois, les autorités canadiennes doivent aussi déterminer les secteurs de service qu’elles sont prêtes à libéraliser. Des représentants officiels ont déclaré publiquement que le résultat des négociations de l’AGCS ne compromettra pas la capacité du Canada de protéger d’importants intérêts nationaux dans des secteurs comme la santé, l’éducation et les services sociaux. Don Stephenson du MAECI a indiqué au Sous-comité que le Canada est déjà l’une des économies dont le secteur des services est le plus ouvert, mais qu’il s’était engagé dans sa position initiale sur l’AGCS à ne pas négocier sur la santé, les systèmes d’éducation publique ou les services sociaux. Les provinces canadiennes pourront ainsi continuer à adopter des mesures qui limitent l’accès des étrangers à leur marché.

            M. Stephenson a poursuivi en disant que bon nombre des craintes que les ONG éprouvent au sujet des services publics ont moins à voir avec le commerce qu’avec la privatisation rampante de ces services et d’autres changements d’orientation. Cependant, le représentant du Centre canadien de politiques alternatives (CCPA) n’était pas du même avis. Bruce Campbell a fait observer que son groupe est surtout préoccupé par la menace que représente l’AGCS pour les services publics (éducation, santé, services sociaux, gestion des eaux, etc.) et pour la réglementation nationale dans l’intérêt public.

            En ce qui concerne le premier point, le CCPA est préoccupé par ce que M. Campbell appelle la « constante pression à sens unique » vers la privatisation et la commercialisation, l’AGCS décourageant toute tentative de renversement du processus lorsque les services ont été privatisés (c’est-à-dire lorsqu’on s’aperçoit que ce n’était pas une bonne décision). Il a soutenu que la prétendue exemption pour les services publics (fournis dans l’exercice du pouvoir gouvernemental) comporte d’importantes lacunes, puisqu’elle n’engloberait pas de nombreux services publics si elle était interprétée dans son sens le plus étroit. Il faut ajouter à cela le fait que les services publics canadiens sont financés à l’aide de fonds privés et publics, que leur prestation suppose souvent une concurrence avec des intérêts privés et que personne n’a encore jusqu’à maintenant défini ce qui est sensé être ou ne pas être inclus.

            Le représentant du CCPA a également exhorté le gouvernement du Canada à entreprendre un examen en profondeur du cadre de réglementation canadien pour voir quelle pourrait être l’incidence des négociations de l’AGCS. Le gouvernement devrait plus précisément évaluer soigneusement les répercussions sur les soins de santé des engagements actuels découlant de l’AGCS. M. Campbell a fait observer qu’il y a une contradiction inhérente entre le désir du gouvernement de promouvoir les possibilités d’exportation des services canadiens (y compris les services de santé) sur des marchés extérieurs plus ouverts et le désir d’interdire l’accès au régime de santé du Canada aux professionnels de la santé étrangers. Il a exhorté le gouvernement à ne prendre aucun engagement dans les secteurs de l’éducation, de la santé, des services sociaux, de l’eau et de divers autres services publics importants.

            Jim Knight (directeur exécutif, Fédération canadienne des municipalités) a fait état de préoccupations similaires, au sujet notamment de la possibilité que l’AGCS compromette la capacité de réglementation des municipalités à l’intérieur de leur sphère de compétences (p. ex. pour protéger l’environnement, fournir des services et assurer l’approvisionnement en eau potable) ou de prestation de services publics lorsque des éléments commerciaux entrent en jeu. Les représentants du MAECI ont réussi à apaiser une grande partie des craintes de la Fédération et cherché à la convaincre que le pouvoir de réglementation des municipalités ne serait pas menacé. Malgré tout, M. Knight demeure convaincu que certaines activités municipales pourraient donner lieu à des contestations en vertu des accords sur le commerce international, et la FCM croit qu’il faut régler la question avant de poursuivre les négociations.

            David Robinson (directeur exécutif adjoint, Association canadienne des professeures et professeurs d’université) a fait observer que les mesures de protection actuellement prévues par l’AGCS pour l’éducation et d’autres services publics étaient inadéquates. Il s’est reporté à un avis juridique du cabinet international d’avocats Gottlieb & Pearson qui contredit l’allégation du gouvernement fédéral selon laquelle l’éducation publique déborde le cadre de l’AGCS puisque les services « fournis dans l’exercice du pouvoir gouvernemental » sont exclus de l’accord. D’après M. Robinson, les services d’éducation fournis au Canada ne bénéficient pas pleinement de cette exclusion générale puisqu’ils supposent un financement privé et sont fournis par un éventail d’organismes publics, à but non lucratif et à but lucratif. L’association qu’il représente a fait quatre demandes : protection permanente des services publics dans l’AGCS; aucun nouvel engagement aux termes de l’AGCS au chapitre de l’éducation; aucun engagement pour ce qui est de la formation commerciale et des services éducatifs; et examen par le gouvernement du Canada de l’incidence sur l’éducation des engagements pris dans d’autres secteurs de service (p. ex. services de télécommunications, bibliothèques, recherche et développement, services professionnels).

            Enfin, M. Campbell a fait part au Sous-comité de ses préoccupations à propos de l’incidence de l’AGCS sur la démocratie. Il s’est opposé plus précisément au fait que les décisions de l’OMC qui influent sur les politiques canadiennes sont prises à huis clos, au loin.

            Nous sommes sensibles aux préoccupations du CCPA, de la FCM et d’autres Canadiens à propos de l’incidence sur la fourniture des services publics au Canada de l’AGCS et des négociations parallèles sur les services. L’interaction des négociations commerciales internationales et du cadre de réglementation national mérite aussi un examen attentif. Étant donné la nature du commerce des services, la réglementation nationale peut accroître ou limiter la capacité des entreprises de services de fournir leurs services sur un marché étranger. Le gouvernement a un rôle essentiel à jouer auprès des Canadiens qu’il doit tenir au courant de l’incidence que les négociations commerciales pourraient avoir sur leur vie quotidienne. Nous recommandons donc :

Recommandation 20 :

Que le gouvernement fédéral effectue un examen de l’incidence des engagements actuels aux termes de l’AGCS sur la prestation effective par les gouvernements canadiens de services de santé, d’éducation et sociaux et sur la réglementation qui les régit, et qu’il en publie les résultats. Cette étude devrait être mise à jour lorsque les négociations sur les services sous l’égide de l’OMC seront sur le point d’aboutir.

CULTURE

            La préservation et la promotion de l’identité culturelle demeurent un objectif clé pour un grand nombre de membres de l’OMC. Lorsqu’ils concluent des accords commerciaux, les pays souhaitent souvent conserver la liberté de poursuivre les objectifs de leur politique culturelle. Le Canada ne fait certes pas exception à la règle. Le gouvernement fédéral demeure d’avis que la culture est plus qu’un bien, qu’elle aide à promouvoir un sens de l’identité et qu’elle mérite donc d’être protégée. La politique culturelle canadienne a toujours visé l’équilibre entre l’importance des exportations culturelles et le désir d’enrichir la culture canadienne en territoire national.

            Les États-Unis, la superpuissance culturelle du monde, ont des vues tout à fait opposées. Ce qui peut passer pour une industrie culturelle au Canada a tendance a être perçu comme une industrie du divertissement aux États-Unis. C’est pourquoi l’Administration américaine voudrait que les biens et services culturels soient traités comme n’importe quel autre bien ou service. En fait, au printemps 2001, les États-Unis ont présenté aux négociateurs de l’OMC et de la ZLEA des propositions qui dénotent leur désir de mettre carrément la culture et les politiques culturelles sur la table des négociations.

            À l’OMC, les négociations sur la culture se déroulent essentiellement dans le cadre de l’AGCS qui laisse aux pays membres le choix d’inclure les services culturels dans les discussions s’ils le souhaitent. Il ne faut pas s’étonner que seule une petite minorité de pays se soient engagés lors des négociations du Cycle d’Uruguay à libéraliser le commerce des services culturels. Cependant, le moment est venu de renégocier l’AGCS.

            Selon Sergio Marchi, la question de la culture et du commerce est relativement nouvelle, mais son importance va continuer de s’accroître. C’est pourquoi le gouvernement fédéral s’est efforcé d’expliquer qu’il ne fallait pas assimiler à une forme de protectionnisme commercial les initiatives mises en œuvre pour préserver et promouvoir l’identité culturelle.

            Don Stephenson a indiqué au Sous-comité que le gouvernement du Canada jouit d’une latitude assez grande pour protéger la diversité culturelle du Canada dans le cadre des négociations de l’OMC. Le gouvernement fédéral, tout comme les gouvernements de nombreux autres pays membres de l’OMC aux vues similaires, n’a pas l’intention de prendre quelque engagement que ce soit qui restreindrait sa capacité d’atteindre les objectifs de sa politique culturelle tant que n’aura pas été créé un nouvel instrument international visant à préserver le droit des pays de promouvoir et de préserver leur diversité culturelle.

            Le nouvel instrument international sur la diversité culturelle (NIIDC), dont l’élaboration devrait prendre quelques années, vise à établir des règles claires quant aux mesures qui pourraient être utilisées pour promouvoir la diversité culturelle. L’objectif premier du NIIDC est de préserver le droit des pays de promouvoir leur culture tout en respectant les règles du système commercial international et en garantissant l’existence de marchés pour les exportations culturelles.

            Le gouvernement canadien cherche actuellement à obtenir un consensus national et international sur l’importance de la diversité culturelle et la nécessité d’un NIIDC sur certaines tribunes comme le Réseau international sur la politique culturelle (RIPC), l’UNESCO, l’Organisation des États américains, la Francophonie et l’OMC.

            Outre M. Stephenson, deux autres représentants des industries culturelles ont témoigné devant le Sous-comité. Robert Pilon (vice-président exécutif, Coalition pour la diversité culturelle) a fait remarquer que les services culturels comme les films, les livres ou les enregistrements sonores ne s’apparentent à aucune marchandise ni à aucun bien, parce qu’ils n’ont pas une valeur économique uniquement. Ils doivent donc être traités différemment, a-t-il soutenu, de tous les autres biens et services. M. Pilon a fait observer que la menace réelle se matérialiserait si la position américaine sur la culture devait l’emporter aux négociations de l’AGCS. À son avis, le Canada devra renoncer à ses politiques culturelles actuelles si la culture devait être assujettie aux règles qui régissent les accords commerciaux internationaux.

            M. Pilon a indiqué que son organisme appuie la position du gouvernement fédéral selon laquelle aucun nouvel engagement ne devrait être pris relativement à la culture tant qu’un NIIDC ne sera pas en place. Le NIIDC définirait les principes associés à la diversité culturelle et garantirait le droit des pays d’adopter leur propre politique culturelle. M. Pilon a souligné les efforts du Canada pour conclure une alliance de pays aux vues similaires étant donné la nécessité de considérer comme clairement distincts les biens et services culturels et de conclure un accord international les régissant à l’extérieur de l’OMC, lequel pourrait en quelque sorte être relié à l’AGCS.

            La Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN) a soutenu qu’à l’heure actuelle, les traités commerciaux que le Canada a signés ne protègent pas la culture canadienne, comme en témoigne le fait que les États-Unis ont réussi à contester à l’OMC notre politique sur les périodiques à tirage dédoublé. D’après la SOCAN, la décision défavorable au Canada montre que l’OMC n’a pas réussi à adopter un régime de règles commerciales qui traiterait les industries culturelles différemment d’autres biens industriels ou services commerciaux.

            Le groupe a fait trois recommandations au Comité. Tout d’abord, il a proposé que la structure ascendante soit maintenue et qu’aucun engagement ne soit offert en ce qui concerne les services dans le cadre de l’AGCS. Ensuite, il faudrait adopter une structure ascendante similaire dans le cadre de tout accord sur l’investissement pour s’assurer que ne puisse être pris aucun engagement interdisant au Canada d’adopter des mesures pour préserver et promouvoir la diversité culturelle, notamment sa capacité d’établir et de maintenir des exigences relatives au contenu canadien. Enfin, la SOCAN a dit craindre que, si des progrès ne sont pas faits rapidement relativement au NIIDC, les décisions prises aux négociations de l’OMC sur les services pourraient restreindre les options du Canada. Elle a par conséquent exhorté le gouvernement fédéral à adopter un instrument international sur la diversité culturelle dans les plus brefs délais.

Le Sous-comité recommande :

Recommandation 21 :

Que le gouvernement du Canada se donne les moyens de préserver et de promouvoir la diversité culturelle en accélérant ses efforts pour obtenir le nouvel instrument international sur la diversité culturelle dont il souhaite l’adoption.

INVESTISSEMENT ET POLITIQUE DE LA CONCURRENCE

A.     Investissement

1.     Importance de la protection des investisseurs et de l’investissement

            On convient généralement que l’investissement étranger direct (IED) est une composante essentielle de la croissance économique et de la prospérité mondiales. Les pays qui imposent des restrictions à l’IED risquent de perdre les avantages (p. ex., une croissance économique plus rapide, une augmentation de la base de capitaux, de nouvelles technologies et des salaires plus élevés) que peut procurer l’investissement étranger. En outre, la production se fait de plus en plus à l’échelle internationale, et l’investissement et le commerce sont aujourd’hui considérés comme des activités complémentaires dans l’effort des firmes pour servir leurs marchés étrangers. De fait, plus du tiers des exportations mondiales se font désormais entre les diverses entités des sociétés multinationales.

            L’investissement étranger est également une question de première importance pour le Canada. De 1996 à 2000, le Canada a été chaque année un exportateur net de capital d’investissement. En 2000, le total de son investissement direct à l’étranger a atteint 301 milliards de dollars, contre 292 milliards d’entrées d’IED. Être exportateur net à ce chapitre signifie que nous aurions beaucoup à gagner de règles facilitant et protégeant l’exportation de capitaux, notamment dans les économies dépourvues de régime juridique adéquat et élevant des barrières à l’investissement.

            Le Sous-comité a entendu des témoignages éloquents sur l’importance de l’investissement. Robert Keyes a fait valoir que l’investissement revêt une importance critique pour le monde des affaires en ce qu’il ouvre souvent la voie à des échanges commerciaux et constitue un moyen de transférer de la technologie et de développer des compétences.

            Les pays en développement auraient eux aussi tout à gagner d’un accord international sur l’investissement. Les entrées d’IED peuvent être extrêmement bénéfiques à ces pays grâce à l’arrivée de capitaux, de technologie et d’un savoir-faire stimulant la croissance économique. Leur participation donnerait au monde le signal très clair qu’ils sont favorables à l’IED et qu’ils n’exerceront aucune discrimination envers les étrangers dans ce domaine.

2.     L’OMC et l’investissement

            Au sein de l’OMC, les obligations liées à l’investissement sont essentiellement définies dans l’Accord sur les mesures concernant les investissements (MIC) et l’Accord général sur le commerce des services (AGCS). Le premier interdit aux membres de l’OMC d’imposer des prescriptions de résultats (p. ex., d’approvisionnement intérieur) aux entrées d’IED. Plusieurs pays en développement ont cependant eu du mal à satisfaire l’exigence de l’OMC voulant que les mesures non conformes aux MIC soient éliminées pour le 1er janvier 2000 et ils ont demandé des prorogations.

            L’AGCS, en revanche, contient un certain nombre de conditions liées à l’investissement qui ont un effet sur la prestation des services sur les marchés étrangers. Il s’agit notamment de l’exigence de transparence ainsi que des obligations de la nation la plus favorisée, de l’ouverture de l’accès aux marchés et d’engagements de traitement national.

            Bien que l’investissement dans le secteur des services soit couvert par des règles de l’OMC, il n’existe à l’heure actuelle aucun accord multilatéral exhaustif équivalent sur l’investissement touchant les marchandises. Au milieu des années 90, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a tenté, mais sans succès, de négocier un Accord multilatéral sur l’investissement (AMI) pour ses membres. Depuis, divers pays se sont dits intéressés à formuler un accord international sur l’investissement au sein de l’OMC, mais aucun consensus n’est encore apparu. Cette initiative devra obtenir un meilleur appui, notamment parmi les pays en développement, pour que des négociations puissent démarrer.

            L’investissement est l’un des nouveaux éléments qui pourraient fort bien être intégrés aux négociations multilatérales en cours. À la Conférence ministérielle de Doha de novembre 2001, les membres de l’OMC ont convenu du bien-fondé de l’élaboration de cadres multilatéraux sur l’investissement et ont décidé d’établir des programmes de travail à ce sujet au sein du Groupe de travail sur le commerce et l’investissement. La décision de lancer des négociations officielles, sur la base du consensus habituel à l’OMC, pourrait être prise lors de la cinquième Conférence ministérielle de l’OMC en 2003.

            Les propositions d’investissements dont discute actuellement le Groupe de travail sur le commerce et l’investissement de l’OMC sont nettement différentes de celles contenues dans le malheureux AMI de l’OCDE et ne contiennent aucune disposition sur le règlement des différends entre États et investisseurs. Les discussions au sein de l’OMC ont porté sur les règles suivantes qu’on pourrait éventuellement inclure dans un accord : non-discrimination, transparence, prescriptions de résultats, incitatifs, transferts de fonds et mesures de protection des investissements. Des engagements touchant le traitement national et l’accès aux marchés pourraient être obtenus de la même manière que dans le processus de l’AGCS.

3.     Élaboration d’une position canadienne

            Étant donné que le Canada est un exportateur net de capital d’investissement, il n’est guère étonnant que des témoins aient plaidé en faveur de la protection de l’investissement. Don Stephenson du MAECI a fait observer que le gouvernement du Canada approuvait l’inclusion de l’investissement dans le programme de négociation de l’OMC, même si les négociations comme telles ne débuteront pas avant l’année 2003. Le MAECI aimerait que différentes questions soient réglées par suite d’un accord international : la transparence dans les règlements sur l’investissement; un traitement non discriminatoire accordé aux investisseurs canadiens à l’étranger; un droit pour le Canada (et les autres pays) d’adopter des règlements dans l’intérêt public; et des mécanismes propres à assurer que tous les membres de l’OMC, y compris les pays en développement, bénéficient des avantages de l’IED.

            Clifford Sosnow a signalé qu’il était absolument nécessaire que les investissements soient traités équitablement (pour donner confiance aux gens d’affaires) et protégés par la règle de droit. Il a indiqué qu’on devait pouvoir s’en remettre à un accord ou à l’arbitrage international.

            Jack Mintz, de l’Institut C.D. Howe, a fait valoir la nécessité de mesures de protection de l’investissement afin d’empêcher les gouvernements de traiter les investisseurs injustement après que le capital a été absorbé et que les investissements stratégiques ont été faits. S’il faut exproprier, on devrait verser une compensation équitable. Il a cependant observé que, dans le climat actuel, parvenir à un accord multilatéral sur l’investissement n’est pas une tâche facile. On ferait peut-être mieux de chercher à obtenir des résultats semblables au moyen d’accords régionaux comme celui de la Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA).

            Mark Boudreau, des Manufacturiers et Exportateurs du Canada, s’est aussi montré pessimiste quant à la possibilité de parvenir à un accord de l’OMC sur l’investissement au cours du présent cycle de négociations, pessimisme qu’il attribue à la grande taille du forum de négociation.

            Au cours de sa deuxième comparution devant le Comité, M. Sosnow, représentant la Chambre de commerce du Canada, s’est dit déçu du fait que les négociations sur l’investissement aient été reportées à 2003 au plus tôt. La Chambre de commerce est fortement en faveur d’un renforcement des disciplines qui régissent l’investissement, et M. Sosnow encourage le gouvernement fédéral à travailler énergiquement à forger un consensus au sein de l’OMC sur l’amorce des négociations.

            Enfin, Sergio Marchi a indiqué au Sous-comité qu’on s’était entendu à Genève pour exclure les dispositions sur les différends entre États et investisseurs. Il ne connaît aucun pays désireux de faire inclure de telles dispositions, les membres de l’OMC préférant conserver leur souveraineté.

            La question des différends entre États et investisseurs, qui découle du chapitre de l’ALENA sur l’investissement, continue de préoccuper la Fédération canadienne des municipalités (FCM). Cette dernière craint que l’acceptation judiciaire croissante des décisions municipales n’amène les investisseurs à recourir de plus en plus aux tribunaux commerciaux pour obtenir des dommages-intérêts.

            Certes, la grande majorité des investissements externes du Canada jouit d’une protection adéquate grâce à des accords tels que l’ALENA, l’Accord de libre-échange entre le Canada et le Chili, l’Accord de libre-échange entre le Canada et le Costa Rica, et les accords bilatéraux de protection de l’investissement étranger. D’autres pays ont également conclu des accords régionaux de libéralisation des échanges, et il existe plus de 1 800 ententes bilatérales de protection de l’investissement à l’échelle mondiale. De manière générale, ces traités bilatéraux fournissent les mêmes protections qu’un accord multilatéral.

            Toutefois, le Sous-comité est d’avis qu’il est dans l’intérêt véritable du Canada d’appuyer un accord exhaustif sur le plan multilatéral. Un tel accord permettrait, entre autres d’établir une norme uniforme quant à la protection minimale des investissements, de rationaliser les traités bilatéraux existants et d’en étendre l’application aux pays avec lesquels le Canada n’a pas négocié d’accord bilatéral. Nous recommandons par conséquent :

Recommandation 22 :

Que le gouvernement du Canada s’applique à dégager un consensus au sein de l’OMC quant à l’importance d’instituer un accord international global pour protéger l’investissement dont seraient exclues les dispositions touchant les relations investisseur-État.

            B.     Politique de la concurrence

            Il existe actuellement tout un éventail de mesures privées pouvant restreindre l’accès aux marchés ou déboucher sur une concurrence déloyale. Une politique de la concurrence a pour objectif de veiller à ce que les pratiques internes et externes des entreprises (fixation des prix, fusions, abus de position dominante) n’entravent pas la concurrence.

            Bien que des progrès non négligeables aient déjà été réalisés à l’OMC pour éliminer les obstacles au commerce imposés par les gouvernements aux frontières, on n’a pas encore accordé la même attention aux effets négatifs sur le commerce des pratiques privées des entreprises à l’intérieur des pays. Le besoin d’un accord international de l’OMC sur la politique de la concurrence traduit donc le souci d’assurer que les pratiques anticoncurrentielles des entreprises ne freinent pas le commerce, et que les producteurs et les consommateurs puissent tirer pleinement parti des bienfaits de marchés concurrentiels. En fin de compte, l’objectif de la communauté internationale est de maximiser les avantages de la libéralisation des échanges.

            Une autre raison pour que l’OMC se penche sur les questions de concurrence est que l’application du droit de la concurrence revêt un caractère de plus en plus international. Les autorités en matière de concurrence consacrent une partie de plus en plus grande de leur temps et de leurs efforts aux cartels internationaux et aux fusions nécessitant un examen intergouvernemental.

            L’argument inverse est que le problème de la conduite anticoncurrentielle des entreprises privées est grandement exagéré et que ces comportements seraient fortement atténués par une véritable libéralisation des échanges. Les opposants à un cadre multilatéral en matière de concurrence font valoir que l’imposition intempestive de restrictions anticoncurrentielles aux entreprises, par l’application de règles de l’OMC à cet égard, serait peu souhaitable. Il faut également prendre en compte le fait qu’il n’existe encore aucun consensus international sur la portée et l’application adéquate d’une politique de la concurrence.

            Il semble que l’appui à des règles sur la concurrence est en train de devenir évident au sein de l’OMC, où pays en développement et pays émergents commencent à reconnaître qu’un cadre international pourrait favoriser à la fois l’adoption de telles règles et l’application du droit national de la concurrence. La réalité actuelle est que bon nombre de ces pays ne possèdent tout simplement pas de lois efficaces en la matière. Et même ceux qui en possèdent constatent souvent des différences sensibles dans leur impact réel.

            La politique de la concurrence est l’un des éléments nouveaux qui pourraient être inclus dans les négociations multilatérales en cours. À la Conférence ministérielle de Doha de novembre 2001, les membres de l’OMC ont convenu du bien-fondé de l’élaboration de cadres multilatéraux sur la concurrence et ont décidé d’établir des programmes de travail à ce sujet au sein du Groupe de travail du commerce et de la politique de la concurrence. La décision de lancer des négociations officielles, sur la base du consensus à l’OMC, pourrait être prise lors de la cinquième Conférence ministérielle de l’OMC en 2003.

            Le gouvernement du Canada estime que la dépendance actuelle envers des accords bilatéraux de coopération en matière de concurrence doit cesser et être remplacée (pour des raisons d’efficience et de champ d’application) par un accord-cadre de l’OMC. À l’OMC, le Canada a proposé officiellement une politique-cadre qui porterait sur les éléments suivants : adoption par chaque pays d’une législation sérieuse sur la concurrence; engagements de transparence, de non-discrimination et d’équité procédurale; promotion active par l’instance de protection de la concurrence; adoption d’approches communes à l’égard des cartels internationaux; mécanismes pour améliorer la coopération entre les instances de protection de la concurrence; et prestation d’une assistance technique aux pays en développement. En vertu de cette proposition, la politique de la concurrence resterait en-dehors du processus de règlement des différends de l’OMC.

            Don Stephenson a indiqué au Sous-comité que pour réaliser les pleins avantages de la libéralisation des échanges, on doit mettre en place des lois et règlements efficaces sur la concurrence. Toutefois, ces conditions préalables n’existent pas dans bon nombre d’États membres de l’OMC, de sorte qu’on ne peut guère s’étonner de l’absence de consensus sur des normes minimales à inscrire dans une législation sur la concurrence.

            Mark Boudreau des Manufacturiers et Exportateurs canadiens s’est dit pessimiste quant à la possibilité de conclure un accord sur la politique de la concurrence. Il ne voyait pas l’utilité, pour l’instant, d’une intervention de l’OMC dans les affaires des entreprises privées, et il a fait observer qu’on imposerait peut-être à l’OMC un fardeau trop lourd en lui demandant d’inclure la concurrence dans son cadre de négociation.

            Clifford Sosnow, de la Chambre de commerce du Canada, a indiqué au Sous-comité que la politique de la concurrence est une question extrêmement controversée, non seulement au Canada, mais également aux États-Unis et en Europe. Il dit que les milieux d’affaires canadiens continuent à débattre de ce dossier et qu’il n’est même pas évident qu’on appuie l’assujettissement des normes juridiques en matière de concurrence à des règles de l’OMC. La Chambre de commerce exhorte le gouvernement fédéral à consacrer davantage d’énergie aux trois autres « nouvelles » questions (l’investissement, les marchés publics et la facilitation des échanges), où les chances de succès sont bien meilleures.

LE COMMERCE ET L’ENVIRONNEMENT

A.     Contexte

            La libéralisation des échanges résultant des négociations de l’OMC peut avoir une incidence positive ou négative sur la protection de l’environnement. On a dit au Sous-comité que les deux éléments peuvent se renforcer mutuellement dans les cas où des mesures de protection et des subventions qui faussent le commerce encouragent une surproduction de biens dommageables pour l’environnement. David Runnalls (président, Institut international du développement durable) a déclaré au Sous-comité qu’il serait très difficile pour les pays en développement en particulier de parvenir à un certain degré de développement durable sans le capital associé à un accès plus large aux marchés du monde industrialisé.

            Toutefois, la libéralisation des échanges peut accroître la dégradation environnementale. M. Runnalls a indiqué que le simple fait d’élargir l’accès aux marchés ne garantit pas des résultats précis. La libéralisation des échanges peut en effet accentuer la détérioration de l’environnement, notamment dans les pays en développement, si l’on ne met pas aussi en place des politiques visant à le protéger.

            C’est au début des années 70 que les questions environnementales ont commencé à être étudiées aux fins de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT). On s’intéressait surtout à l’époque aux répercussions des politiques de protection de l’environnement sur le commerce international. Ce secteur de recherche concerne l’une des grandes questions qui se posent aujourd’hui au sujet des liens entre le commerce et l’environnement, à savoir que les mesures de protection de l’environnement peuvent effectivement devenir des obstacles au commerce et constituer une forme de protectionnisme.

            Désireux d’étudier plus à fond les questions environnementales, les ministres ont approuvé, à la réunion finale des négociations du Cycle d’Uruguay, la création d’un comité. Établi en 1994, le Comité du commerce et de l’environnement (CCE) a pour mission d’« établir le rapport entre les mesures commerciales et les mesures environnementales afin de promouvoir le développement durable » et de présenter des recommandations.

            Le CCE a fourni des études intéressantes sur le commerce et l’environnement et s’est avéré un forum utile pour partager l’information et définir les enjeux. Cependant, on n’est guère parvenu, en prévision de la prochaine série de pourparlers commerciaux, à mettre des préoccupations environnementales précises sur la table de négociation à l’OMC.

            Certains témoins entendus par le Sous-comité n’étaient pas déçus de cette apparente absence de progrès. Selon plusieurs, y compris Elizabeth May (directrice exécutive, Sierra Club du Canada), l’OMC n’est pas l’endroit indiqué pour régler les problèmes et conflits en matière d’environnement. Ces témoins soutiennent que les négociateurs commerciaux n’ont pas les compétences requises pour s’occuper adéquatement des préoccupations environnementales et prendre d’importantes décisions sur des politiques d’intérêt public (comme la protection de l’environnement). En outre, cette lacune de l’OMC au chapitre de l’environnement est perçue comme agissant indûment sur le résultat des différends commerciaux touchant des enjeux environnementaux.

            Le fait qu’il n’y ait pas eu davantage de progrès dans la prise en compte des considérations environnementales à la table de négociation est largement attribuable aux profondes divergences de vues sur la protection de l’environnement entre le monde industrialisé et les pays en développement. Les pays relativement riches, notamment de l’Union européenne, ont fait de l’environnement une véritable priorité, mais ce point de vue n’est pas partagé par tous les pays. Jack Mintz, de l’Institut C.D. Howe, a rappelé au Sous-comité que les pays moins développés craignent l’imposition de normes environnementales car ils y voient une autre forme de protectionnisme commercial utilisée par les pays industrialisés.

            Par ailleurs, le coût des technologies et des améliorations environnementales peut être prohibitif pour les pays pauvres. Les pays en développement disposent rarement des ressources nécessaires pour faire de la recherche-développement en matière d’environnement. En outre, rares sont ceux qui croient qu’ils devraient sacrifier leurs chances de croissance pour aider à régler les problèmes de pollution mondiale causés en grande partie par le mode de vie des pays riches.

B.     Éléments nouveaux à Doha

             Bien que de nombreux pays soient depuis toujours réticents à entamer des négociations sur l’environnement à l’OMC, le programme de négociation lancé à Doha comporte une poignée de sujets liés au commerce et à l’environnement. L’inscription de questions environnementales à l’ordre du jour des négociations représente une victoire considérable pour l’Union européenne, qui en est le plus ardent défenseur.

              Avant la réunion de Qatar, en novembre, l’Union européenne avait exigé un mandat de négociation explicite pour examiner et clarifier les règles en matière de commerce et d’environnement, mais elle s’était heurtée à l’opposition presque unanime des pays en développement, relayés en cela par certains pays développés comme les États-Unis.

              Toutefois, un compromis est intervenu à Doha. À condition que l’Union européenne s’engage à aborder le sujet des négociations agricoles, il a été convenu que les prochaines négociations de l’OMC engloberaient deux grands enjeux environnementaux : les barrières commerciales touchant les biens et services de protection de l’environnement, et la conciliation des accords multilatéraux sur l’environnement avec les règles de l’OMC.

                Même si l’inclusion des questions environnementales dans le nouveau cycle de négociation a été une décision de dernière minute, le Sous-comité s’est fait dire que les chances de parvenir à un accord sur l’environnement sont relativement grandes. David Runnalls a indiqué au Comité que la dimension politique de l’environnement est telle que l’UE, et peut-être même les États-Unis, ne peuvent mener à terme le processus sans un accord contenant d’importantes concessions au chapitre de l’environnement. C’est particulièrement le cas en Europe, où les mesures écologiques ont de plus en plus la faveur du public. Les négociateurs de l’UE seront pressés par leurs mandants de conclure un accord sur ce sujet.

                Dans le cadre du compromis entre l’UE et les États-Unis, les négociations commerciales axées précisément sur l’environnement seront limitées aux deux questions mentionnées plus haut. Toutefois, la Déclaration de Doha appelle également le Comité du commerce et de l’environnement à faire porter ses travaux de recherche sur des préoccupations particulières, dont l’étiquetage écologique et l’effet des mesures environnementales sur l’accès aux marchés.

                Les témoins entendus par le Sous-comité appuient généralement l’idée d’explorer davantage la relation entre les accords commerciaux de l’OMC et l’environnement. Toutefois, certains ont exprimé des inquiétudes quant à la façon dont se déroulent ces discussions. Selon Elizabeth May, les discussions du CCE seront inévitablement biaisées en faveur des préoccupations commerciales car elles servent d’abord à déterminer si les accords environnementaux perturbent les activités commerciales, et non l’inverse. Elle soutient que des analyses de ce genre jettent le doute sur la légitimité d’accords comme le Protocole de Montréal, par exemple, simplement du fait qu’on demande s’ils sont valides du point de vue de l’OMC.

                Par ailleurs, Howard Mann (consultant et avocat en droit commercial) a signalé une disparité entre les points de négociation définis dans la Déclaration de Doha et le travail du CCE. Comme l’indique le paragraphe 32 de la Déclaration, les discussions du CCE peuvent aboutir à des recommandations à l’intention de l’OMC, mais cette dernière n’est aucunement obligée de négocier à cet égard des mesures contraignantes. Par contraste, a fait remarquer M. Mann, des mesures contraignantes seront négociées sur un certain nombre de sujets, comme les barrières non tarifaires, qui n’ont pas d’incidence directe sur l’environnement.

1.     Nouvelles négociations

a)     Accords multilatéraux sur l’environnement

            La relation entre les règles de l’OMC et les obligations commerciales énoncées dans les accords multilatéraux sur l’environnement (AME) est depuis longtemps un sujet de préoccupation pour un certain nombre de pays. À l’heure actuelle, un pays qui impose des restrictions commerciales dans le cadre d’un AME doit prouver qu’elles bénéficient d’une exemption aux termes de l’article 20 du GATT, et de ce fait, qu’elles ne contreviennent pas aux règles de l’OMC. Les prochaines négociations visent à clarifier cette relation.

            Un AME est un accord qui intervient entre deux pays ou plus au sujet d’un aspect de la protection de l’environnement. À l’heure actuelle, il en existe environ 200, dont l’Accord de Kyoto et le Protocole de Montréal. Toutefois, 20 seulement d’entre eux contiennent des dispositions en matière de commerce. Même si les AME n’ont jamais donné lieu à des différends commerciaux dans le cadre de l’OMC, la relation incertaine entre les deux ensembles de règles constitue un sujet de préoccupation croissant, d’où l’appel à des éclaircissements.

            Les négociations se limiteront à la relation qui existe entre les obligations proprement commerciales des AME et les règles existantes de l’OMC. Elles ne porteront pas sur les mesures qu’un gouvernement peut prendre en marge des AME. Suivant le texte de la Déclaration, les résultats de ces négociations ne lieraient que les pays à la fois signataires d’un AME et membres de l’OMC. En d’autres termes, un pays qui n’a pas signé d’AME ne serait pas touché par les résultats des négociations.

            On croit généralement que ces négociations pourraient donner deux types de résultats. D’abord, la clarification pourrait accorder aux AME contenant des obligations commerciales une certaine protection contre le mécanisme de règlement des différends de l’OMC. Ensuite, les règles de l’OMC pourraient encadrer jusqu’à un certain point les AME.

            Don Stephenson, du MAECI, se réjouit de l’inclusion de cet élément dans le programme de négociation. Selon lui, les négociations sur la relation entre les règles de l’OMC et les obligations commerciales des AME contribueront notablement à une gestion cohérente des dossiers environnementaux et commerciaux.

            Mais de nombreux autres témoins sont loin d’être convaincus qu’une tentative de concilier les AME et les règles de l’OMC pourrait donner de bons résultats, compte tenu de l’énorme différence de poids entre les deux éléments. De fait, des témoins ont souligné que des négociations sur ce sujet ne serviraient qu’à décourager fortement certains pays de négocier des accords environnementaux futurs. Étant donné que les négociations sur l’environnement à l’OMC ne lieraient que les pays signataires à la fois des accords de l’OMC et d’un AME, la participation à des accords environnementaux constituerait une entrave parce qu’en réalité, les pays non participants obtiendraient des droits commerciaux plus importants.

            Pour Elizabeth May, le simple fait de demander si les AME sont prohibés dans le cadre du GATT ou de l’OMC a suffi à empêcher la signature d’accords environnementaux assortis de mécanismes d’exécution des obligations commerciales. Elle a signalé qu’aucun nouvel accord environnemental comportant des mécanismes d’exécution n’a été signé depuis que l’OMC a abordé la question de la légalité de ces mécanismes. Elle a aussi fait observer que la position du Canada semble avoir évolué considérablement : son rôle de chef de file lors de la négociation du Protocole de Montréal sur la couche d’ozone, lorsqu’il a fait en sorte que des sanctions commerciales y soient inscrites, est très éloignée de sa position de Kyoto, voulant que l’accord ne contienne aucune sanction commerciale.

            En règle générale, les témoins semblaient convenir qu’il n’était pas nécessaire de traiter de la relation entre l’OMC et les AME lors des négociations commerciales à venir. Howard Mann a déclaré que les décisions récentes de l’Organe d’appel de l’OMC étaient généralement en faveur des préoccupations environnementales. Il a souligné que le droit de l’OMC avait évolué considérablement ces dernières années et que son Organe d’appel avait déjà traité la question de la relation entre les accords environnementaux et le droit commercial de manière passablement constructive. D’après M. Mann, dans l’esprit du public, ce débat est un reliquat des débats qui ont eu lieu à la fin des années 80 et au début des années 90, lorsque la jurisprudence de l’OMC et du GATT était très différente de ce qu’elle est aujourd’hui.

            D’autres témoins ont fait écho à la position de M. Mann voulant que le Canada élimine de la plateforme de Doha la question des AME par rapport à l’OMC. David Runnalls a dit que l’OMC avait déjà traité la question par le truchement de son Organe d’appel et que la réouverture d’un tel dossier était « dangereuse et inutile ». Il a rappelé au Sous-comité que la question des AME et de l’OMC s’est retrouvée dans le programme de Doha par suite d’une série de compromis qu’il a comparée à une « grosse partie de poker ». Il a ajouté que lorsque des discussions débutent de cette façon et sont menées par des négociateurs n’ayant pour ainsi dire aucune expérience des préoccupations environnementales, le résultat laisse souvent à désirer, car on fait inévitablement des concessions sur les enjeux en discussion.

            Le Sous-comité reconnaît que si certains craignent la mise en négociation de cette question, l’inclusion des questions environnementales dans le programme de négociation constitue néanmoins, selon les termes de Don Stephenson, un « progrès décisif pour l’environnement ». Le Sous-comité croit donc qu’il serait prématuré de rejeter cette avancée en refusant de négocier. Toutefois, à la lumière des témoignages reçus, le Sous-comité recommande :

Recommandation 23 :

Que le gouvernement fédéral examine instamment les décisions récentes de l’Organe d’appel de l’OMC liées à l’environnement, en vue de déterminer dans quelle mesure la jurisprudence de l’OMC a évolué et s’il y a un besoin pressant de négociations sur la relation entre les obligations commerciales contenues dans les accords multilatéraux en matière d’environnement et les règles de l’OMC.

b)     Commerce des biens et services pour la protection de
         l’environnement

            À Doha, les ministres ont également convenu d’entamer des négociations sur la réduction des barrières tarifaires et non tarifaires au commerce des biens et services pour la protection de l’environnement. Cet accord traite expressément des produits servant à protéger l’environnement, qu’il s’agisse de systèmes d’élimination des déchets, de dispositifs de prévention et d’assainissement comme les épurateurs industriels, de matériel de traitement de l’eau ou de convertisseurs catalytiques pour les automobiles.

            Les témoins considèrent pour la plupart qu’il s’agit là d’un pas en avant. Don Stephenson a salué l’inclusion de ce sujet de négociation en faisant valoir que l’environnement serait mieux protégé grâce à un meilleur accès aux technologies appropriées. De même, les Manufacturiers et Exportateurs du Canada ont indiqué dans leur mémoire qu’ils seraient en faveur d’une action modeste de l’OMC en vue d’éliminer les droits de douane sur les biens et services associés aux dispositifs antipollution.

            On a fait valoir au Sous-comité que la réduction des droits de douane sur les biens et services pour la protection de l’environnement offrait de bons débouchés à l’industrie canadienne de l’environnement. Christopher Henderson (membre exécutif de l’Association canadienne des industries de l’environnement) a signalé au Sous-comité que, selon Statistique Canada, les industries de l’environnement au Canada employaient environ 220 000 personnes en 1998. Cette année-là, les revenus de ces industries se sont élevés à 22 milliards de dollars, dont environ 90 % provenaient de ventes à l’intérieur du pays.

            M. Henderson a indiqué que le marché interne pour les produits environnementaux avait plafonné et que les producteurs devaient se tourner vers les marchés d’exportation afin de poursuivre leur expansion. À l’heure actuelle, la part du Canada dans le marché mondial des biens et services pour la protection de l’environnement n’est que de 2,5 %. Il existe de vastes possibilités en Amérique latine dans les domaines de l’assainissement de l’air, de l’élimination des déchets, et des infrastructures, ainsi que de l’amélioration des équipements municipaux grâce, entre autres à des usines de traitement des eaux dans des pays qui manquent d’eau.

            Le Sous-comité croit que la libéralisation du commerce des biens d’environnement peut améliorer la protection et l’assainissement de l’environnement à l’échelle mondiale grâce à la réduction des coûts et à une plus grande disponibilité des produits et services nécessaires. Outre les avantages accrus découlant d’une libéralisation des échanges, cela créera également des occasions de croissance pour les entreprises canadiennes. Toutefois, le Sous-comité s’est fait dire également que la capacité des entreprises canadiennes de fournir un service après vente et des services de suivi est limitée par les barrières au commerce des services, y compris au mouvement des personnes. Nous recommandons :

Recommandation 24 :

Que le Canada cherche activement, au sein de l’OMC, à réduire les obstacles au commerce dans l’industrie des biens et services pour la protection de l’environnement. En négociant cette position à l’OMC, le Canada devrait garder présentes à l’esprit les limites que les obstacles au commerce des services peuvent imposer à la capacité des entreprises canadiennes de fournir le soutien technique nécessaire et le service après vente pour leurs produits environnementaux.

            Les témoins étaient généralement réceptifs à l’idée de négociations commerciales sur les produits environnementaux, mais certains se sont dits préoccupés par les implications plus vastes de ces discussions. Par exemple, la Fédération canadienne des municipalités a indiqué que les négociations sur l’environnement à l’OMC, de même que les négociations sur le commerce des services, pourraient avoir pour effet de limiter la capacité des administrations municipales de réglementer et de fournir des services publics, en particulier lorsque entrent en jeu des partenariats entre les secteurs public et privé ou d’autres éléments de nature commerciale.

            Un autre sujet important lié aux nouvelles négociations sur les biens et services pour la protection de l’environnement est la question de savoir si ces négociations ouvrent la voie à la vente privée d’eau en vrac18. Le Sous-comité a demandé aux témoins des éclaircissements à ce sujet, mais les témoignages n’ont malheureusement pas été concluants.

            Howard Mann, avocat en droit de l’environnement et du commerce, a reconnu qu’il ne pouvait envisager toutes les répercussions sur la vente d’eau des négociations touchant les biens et services pour la protection de l’environnement. Il a signalé que les prochaines négociations sur le commerce des services pourraient forcer la multinationalisation ou la bilatéralisation des services d’eau là où l’eau franchit des frontières. Il a cependant souligné que tout dépendra de l’issue de l’actuel cycle de négociations.

            La Fédération canadienne des municipalités (FCM) a également exprimé des préoccupations au sujet de la vente d’eau dans le contexte de l’AGCS. Elle reconnaît que les ventes d’eau en vrac et les services d’eau ne font pas partie actuellement des engagements du Canada dans le cadre de l’AGCS, mais elle craint que les dispositions issues du nouveau cycle n’autorisent la vente d’eau en vrac. Dans son mémoire au Sous-comité, la FCM a demandé des garanties que les services d’approvisionnement en eau soient toujours exclus des engagements aux termes de l’AGCS.

            Différentes interprétations du libellé de la Déclaration de Doha ont donné lieu à des conclusions diamétralement opposées quant à la situation des ventes d’eau en vrac et des services d’approvisionnement en eau dans le contexte du prochain cycle de négociations. Le Sous-comité n’est toujours pas convaincu que les négociations obligeront le Canada à ouvrir ses réserves d’eau aux marchés de la concurrence. Par contre, il est conscient que de nombreux Canadiens ne veulent tolérer aucune ambiguïté à ce sujet. Nous recommandons :

Recommandation 25 :

Que, afin d’éliminer toute ambiguïté au sujet des exportations d’eau en vrac, le gouvernement fédéral explique clairement aux Canadiens comment, selon son interprétation juridique du mandat de négociation de Doha, celui-ci ne compromet pas sa position qu’aucune exportation de cette nature en provenance du Canada n’est autorisée. En outre, les négociateurs canadiens devraient veiller à ce qu’il n’y ait aucune ambiguïté sur la position du Canada à cet égard au cours du prochain cycle de négociations commerciales. Enfin, à la conclusion des négociations, le gouvernement fédéral devrait communiquer à tous les Canadiens son interprétation juridique de tout accord négocié, afin qu’il y ait le moins possible de malentendus.

2.     Discussions sur l’environnement

            Par suite de la Déclaration de Doha, les AME et les biens et services pour la protection de l’environnement figurent à l’ordre du jour du prochain cycle de négociations commerciales. Plusieurs autres questions liées à l’environnement seront abordées dans le cadre des discussions du Comité du commerce et de l’environnement (CCE) de l’OMC.

                    a)     L’étiquetage écologique

            C’est le cas entre autres de l’étiquetage écologique, c’est-à-dire le fait d’indiquer sur les produits qu’ils répondent à certaines normes environnementales. Le débat sur l’« éco-étiquetage » dans le cadre de l’OMC s’étend aux étiquettes se rapportant non seulement au produit lui-même, mais au procédé de fabrication. Il pourrait s’agir, par exemple, d’indications relatives au bien-être des animaux ou d’ordre socio-éthique. Le Comité de l’OMC a reçu l’instruction d’étudier l’impact de l’éco-étiquetage sur le commerce et de voir si les règles de l’OMC entravent les politiques nationales en la matière. Cette question est aussi abordée dans les discussions parallèles du Comité des obstacles techniques au commerce de l’OMC.

            Sur ce point, les témoignages ont été peu nombreux. Cela pourrait tenir en partie au fait que les discussions du CCE ont des répercussions limitées. Comme on l’a déjà mentionné, le CCE a le pouvoir de faire des recommandations à l’OMC, mais il ne peut agir directement sur les négociations commerciales comme telles.

            Les témoins qui se sont exprimés à ce sujet sont demeurés circonspects. Elizabeth May, du Sierra Club, croit qu’à ce chapitre, l’OMC « cherche des solutions à un problème inexistant ». Mme May a indiqué que la solution à cette question et à d’autres débats environnementaux consiste à accroître la force relative des mécanismes globaux de gouvernance environnementale, afin de renforcer la confiance dans ces organisations.

    b)     Définition de scénarios « gagnants partout »

            Parmi les autres sujets que le CCE est chargé d’étudier, il y a l’effet des règlements environnementaux sur l’accès aux marchés et la définition de scénarios « gagnants partout ». Concernant l’accès aux marchés, il s’agira de trouver le juste milieu entre les objectifs commerciaux et les objectifs environnementaux tout en tenant compte des préoccupations des pays les moins avancés. Quant aux scénarios « gagnants », il s’agit de trouver des cas où l’élimination des restrictions ou des distorsions commerciales peut bénéficier à la fois au commerce, au développement et à l’environnement.

            Le Sous-comité a pris connaissance de deux domaines particuliers où il existe des possibilités de scénarios gagnants. Dans le premier cas, il s’agit des subventions qui sont nuisibles pour l’environnement. David Runnalls a indiqué au Sous-comité qu’il existe d’« innombrables » subventions de cette nature intégrées aux politiques de la plupart des gouvernements. À son avis, non seulement ces subventions sont dommageables pour l’environnement, mais elles ont un effet de distorsion sur le commerce et sont prohibées dans le cadre l’OMC. Tant les économistes du commerce que les environnementalistes verraient d’un bon œil un effort concerté en vue de recenser et d’éliminer ces subventions.

            M. Runnalls a également fait valoir que tout nouvel accord dans le domaine agricole pourrait avoir une incidence importante sur l’environnement, et que le lien entre la production agricole et la bonne intendance de l’environnement constituerait sans doute une position de négociation pour l’UE. M. Runnalls a reconnu l’existence d’arguments en faveur de subventions agricoles sans effet nuisible sur l’environnement, mais il a signalé qu’il serait très difficile de distinguer entre subventions nuisibles et non nuisibles. À son avis, il pourrait s’agir d’un des principaux défis pour le Canada dans ce cycle de négociations commerciales.

3.     Autres préoccupations environnementales liées à la Déclaration de Doha

            On a signalé au Sous-comité que seuls les paragraphes 31 et 32 de la Déclaration de Doha portent précisément sur les questions environnementales, mais qu’ils ne constituent qu’une toute petite partie des références à l’environnement dans la Déclaration. Les témoins ont en effet informé le Comité du fait qu’un certain nombre d’autres paragraphes mettent implicitement des questions environnementales sur le tapis.

            Il y a, entre autres le paragraphe 6, lequel, selon Howard Mann, « […] réitère la suprématie du droit commercial sur le droit environnemental interne. Autrement dit, une mesure environnementale qui a une incidence quelconque sur le commerce […] devra en tous points respecter le droit commercial, quel qu’en soit l’état par suite des négociations de Doha. Il s’agit donc d’une clause de suprématie inscrite au tout début de la Déclaration ministérielle de Doha.19 »

            Plusieurs autres articles de la Déclaration ont pour effet de mettre des questions environnementales sur le tapis. On a, entre autres mentionné au Comité les paragraphes 13 et 14 sur l’agriculture, 15 et 16 sur les services et l’accès aux marchés, 17 sur les droits de propriété intellectuelle, 20-22 sur l’investissement, et 28 sur les pêches.

            On a fait observer au Sous-comité que toutes les lois de protection de l’environnement étaient également assujetties de manière implicite aux négociations, car elles entrent dans la catégorie des barrières non tarifaires au commerce. Howard Mann a remarqué que même si les décisions récentes de l’Organe d’appel de l’OMC ont été accueillies favorablement par les environnementalistes, du fait d’une interprétation relativement large des préoccupations environnementales, un certain nombre de pays aimeraient supprimer ces avancées lors des négociations du présent cycle sur les barrières non tarifaires.

TRANSPARENCE ET COMMUNICATIONS

A.     Contexte

            Comme l’indique le document d’information sur la Réunion ministérielle de Doha, la « transparence désigne la visibilité et la clarté des lois, des règlements et des procédures20 ». La transparence est un enjeu tant au niveau de l’établissement des politiques commerciales nationales qu’au niveau institutionnel (à l’OMC par exemple). Au niveau national, le gouvernement du Canada avait, avant Doha, consulté ses citoyens pour obtenir leur avis. Selon Warren Allmand, plus de documents ont été rendus publics que par le passé. Le gouvernement prépare également une stratégie de consultation qui permettrait de faire participer les entreprises, les groupes d’intérêt public et le grand public. Les travaux de notre Sous-comité sont perçus comme une première étape du processus de consultation.

            Le rôle des provinces dans la prise des décisions est un des points qui ont été soulevés au sujet des consultations fédérales sur l’OMC. Ce rôle s’élargit dès lors que les négociations de l’OMC abordent des domaines de compétence provinciale (p.ex., services, marchés d’État, investissement). Peter Clark a loué le processus actuel de consultation entre l’administration fédérale et les provinces et celui qui est en place au niveau ministériel. Cependant, il a critiqué l’absence d’interaction entre le Parlement du Canada et les provinces au sujet de l’OMC et la participation insuffisante des parlementaires à la prise des décisions du gouvernement fédéral concernant l’OMC en général.

            Selon le Sous-comité, il est essentiel que le gouvernement du Canada cherche activement à connaître l’opinion des provinces, d’autant que les administrations fédérales sont tenues (en vertu de l’article 24, paragraphe 12, du GATT) de veiller à ce que les décisions prises pendant les négociations et qui touchent les provinces soient mises en oeuvre à l’échelle nationale. En effet, une fois les négociations terminées, les provinces doivent adopter les lois appropriées dans les domaines qui leur sont dévolus aux termes de la Constitution canadienne.

            Aux fins du présent rapport, cependant, la question clé demeure la relation entre l’OMC et le public international, c’est-à-dire les particuliers, les ONG et les parlementaires.

Avant la Conférence ministérielle de novembre 2001 à Doha, l’OMC avait adopté certaines mesures pour accroître la transparence de ses activités :

  • en diffusant sur le Web la plupart des documents officiels après six mois;

  • en diffusant sur le Web les propositions des pays membres relativement à l’agriculture et aux services;

  • en organisant des symposiums pour permettre l’échange de points de vue et d’information avec les organisations non gouvernementales (ONG).

            Réagissant aux reproches que ces mesures étaient insuffisantes, les pays membres se sont entendus sur le paragraphe 10 de la Déclaration ministérielle, aux termes duquel l’OMC s’engage à accroître la transparence de ses activités. Elle atteindra cet objectif en diffusant l’information plus efficacement et plus rapidement et en élargissant son programme de communication.

            Sur ce dernier point, l’OMC s’est engagé à Doha à améliorer le dialogue avec le public (communication). Les efforts pour assurer la participation (p. ex., le symposium de deux jours tenu à Genève en juillet 2001 consacré aux problèmes auxquels se heurte le système commercial multilatéral), promouvoir une meilleure compréhension de l’OMC et expliquer les avantages d’un système commercial multilatéral doté de règles se poursuivront et s’amélioreront.

B.     Points de vue contradictoires sur la transparence à l’externe

            Certes, la transparence fait des progrès, mais elle demeure une problématique car aucun consensus n’existe quant aux prochaines étapes à franchir. Plusieurs pays s’inquiètent de la menace que représente une plus grande ouverture pour la nature intergouvernementale de l’OMC.

            Les avis sont clairement partagés en ce qui concerne la transparence de l’OMC. D’une part, certains soutiennent qu’une plus grande ouverture nuirait à la confidentialité qu’exigent souvent les négociations internationales, ce qui risquerait de compromettre les discussions. Ils prétendent également qu’une plus grande ouverture pourrait donner une trop grande influence à certains groupes (plus particulièrement dans les pays développés) et diminuer le caractère intergouvernemental de l’OMC. Selon Warren Allmand (Droits et Démocratie), bien des pays membres de l’OMC qui sont opposés à la transparence ne sont même pas des démocraties.

            D’autre part, d’aucuns croient que l’institution devrait faire preuve de plus d’ouverture afin d’être davantage responsable envers le public et d’être plus sensible à ses préoccupations face au commerce et à la libéralisation du commerce. D’après ce point de vue et compte tenu de ces préoccupations, l’intervention directe des groupes représentant de larges secteurs de la société dans l’établissement des politiques commerciales serait utile.

            Le gouvernement canadien est un fervent partisan d’une plus grande transparence pour l’OMC, faisant remarquer que l’organisation elle-même bénéficierait d’une plus grande ouverture et « que donner plus de visibilité à l’OMC permettra au public d’apprécier les avantages de la libéralisation du commerce et de mieux comprendre les règles claires et équitables qui servent d’assise au système du commerce international21 ». Sergio Marchi a même affirmé au Sous-comité que l’avenir de l’OMC dépendait de l’augmentation de la transparence.

            En vue d’accroître davantage la transparence, le Canada a proposé de lever les restrictions sur la diffusion des documents de l’OMC après trois mois et de mettre en circulation les documents de travail du Secrétariat de l’OMC, les contributions des membres, les projets d’ordres du jour, les compte rendus des réunions et les notes de discussion; de diffuser sur le Web les examens de la politique commerciale des divers membres de l’OMC; de publier les mémoires présentés dans les dossiers de règlement des différends; et de créer un organisme de consultation sans pouvoir exécutoire qui fournirait des conseils éclairés aux membres de l’OMC.

            Le Canada est également un ardent défenseur d’un programme de communication élargi qui mettrait l’accent sur la tenue de réunions, de symposiums et d’ateliers avec les ONG. Il a fait valoir qu’une partie du budget du Secrétariat de l’OMC devrait servir au financement continu d’initiatives de communication.

            M. Allmand déplore que l’OMC continue d’avoir des problèmes sérieux de transparence et de communication. Il a fait remarquer qu’il faut distinguer les différents types de réunions de l’OMC lorsqu’on aborde la question de la transparence : les conférences ministérielles très médiatisées, où il y a plus de transparence22; les négociations après Doha, pour lesquelles très peu d’information est disponible; et les groupes spéciaux de règlement des différends, dont les décisions peuvent avoir des répercussions importantes sur l’économie, la santé et l’environnement des pays, pour lesquels il existe peu d’information sur le processus et le contenu des délibérations.

C.     Consultation avec les parlementaires

            En vue d’accroître les activités de communication de l’OMC23, le Canada a proposé d’organiser des réunions officieuses (peut-être une fois par année) entre les parlementaires des pays membres de l’OMC et le personnel de l’OMC. Ce genre de rencontre permettrait aux parlementaires de participer aux débats sur les politiques commerciales internationales, jugées par le gouvernement du Canada comme étant cruciales en raison du recoupement accru entre les politiques commerciales et les politiques économiques et sociales des États.

            L’OMC appuie ce genre d’interaction, son directeur général (Mike Moore) étant très favorable à la participation accrue des parlementaires du fait qu’ils sont les représentants de la société.

            Fergus Watt (directeur exécutif, Mouvement canadien pour une fédération mondiale) a souligné que les parlementaires canadiens ont toujours été au premier rang pour ce qui est d’améliorer la transparence de l’OMC en proposant que l’organisation ait une dimension parlementaire. Les parlementaires s’intéressent de plus en plus aux travaux de l’OMC. À Seattle, 120 parlementaires ont réclamé la création d’un organe permanent au même titre que l’OMC. Cet appel a été suivi de deux réunions parlementaires en 2001 : une réunion a été organisée en avril par le Parlement européen et en juin, l’Union interparlementaire a tenu une conférence à Genève sur le rôle que jouent les parlements dans la définition des priorités du commerce international.

            À Doha, plus de 90 parlementaires24 (dont sept Canadiens) se sont réunis et ont publié une déclaration dans laquelle ils prônent une plus grande participation des parlementaires. Ils n’ont pas réussi, cependant, à faire inscrire une référence à cette participation dans la Déclaration de Doha.

            D’autres symposiums sont prévus, notamment une conférence commune de l’Union interparlementaire et du Parlement européen sur les questions commerciales en 2002 et un symposium de trois jours réunissant des parlementaires et des représentants des citoyens (le premier en date) organisé par l’OMC en avril 2002, où l’on discutera de développement ainsi que du fonctionnement et du financement de l’OMC.

            Il n’est pas encore clair quel serait le meilleur mandat ou la meilleure structure à donner à d’éventuelles réunions périodiques avec des parlementaires. M. Watt a indiqué qu’il y a deux visions concurrentes de la structure et des fonctions d’une assemblée de parlementaires. La première est celle du modèle de l’Union interparlementaire (UI), établie à Genève, qui serait l’hôte des réunions (l’UI a déjà le statut d’observateur à l’OMC). Le modèle de l’UI est celui que préfère l’OMC. De nombreux parlementaires européens et canadiens ont également proposé une assemblée parlementaire de l’OMC plus permanente, analogue à l’assemblée des parlementaires de l’OTAN ou à l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.

            M. Watt est convaincu que, étant donné les pouvoirs de l’OMC et son influence sur les pays, il est essentiel de mettre sur pied un organisme parlementaire fort pour donner le point de vue politique et agir comme forum pour les débats publics sur les dossiers de l’OMC. Organe consultatif et délibérant seulement, un tel organisme suivrait les négociations, prendrait position sur des dossiers et donnerait son avis à titre d’organisme ou ses membres feraient rapport à leur pays respectif. Nous sommes d’avis que seule une assemblée parlementaire permanente serait en mesure de s’acquitter de cette tâche efficacement. Le Sous-comité recommande :

Recommandation 26 :

Que le gouvernement du Canada multiplie ses efforts en vue de dégager un consensus à l’OMC sur la création d’un mécanisme parlementaire permanent de l’OMC afin d’associer plus étroitement les parlementaires et les élus au travail de l’OMC, et d’établir une communication entre l’OMC, les citoyens et le public. La constitution d’un tel mécanisme comporte trois éléments : la structure et le financement du mécanisme, la représentation, et le lien organisationnel qui le lierait à l’OMC.

D.    Transparence à l’interne et prise de décisions efficace à l’OMC

            Pendant la séance du Sous-comité sur la transparence et la communication de l’OMC, Warren Allmand a affirmé que le processus de négociation de Doha avait nuit aux pays en développement car « les hommes verts » (les amis du président de l’OMC, Stuart Harbinson, nommés animateurs) avaient remplacé « le foyer d’attente » où seuls quelques pays en développement avaient été consultés. Selon le témoin, les « amis du président » n’ont pas tenu compte des opinions des pays en développement les plus pauvres dans la rédaction du texte définitif des négociations de l’OMC.

            Ce point de vue va à l’encontre de celui du gouvernement du Canada. Dans un discours prononcé en décembre 2001 devant les Manufacturiers et Exportateurs du Québec, le ministre du Commerce international a attribué en bonne partie le succès de la réunion de Doha à l’efficacité du processus de préparation interne de l’OMC : « Cette fois-ci, il s’est agi d’un processus inclusif, dans lequel chaque participant avait voix au chapitre, et chaque participant avait l’occasion de soumettre ses questions à la table. Il y a eu littéralement des dizaines de réunions entre les ambassadeurs à Genève, portant sur la liste de griefs au sujet du Cycle de l’Uruguay — les ‘questions de mise en œuvre’ — et sur tout autre sujet que les membres souhaitaient aborder à Doha.25 »

            Cette déclaration confirme la position du gouvernement fédéral en réponse aux recommandations du rapport du Sous-comité sur les relations économiques entre le Canada et l’Europe. Dans ce rapport, nous réclamions de l’OMC un processus de prise de décisions plus efficace. Dans sa réponse, le MAECI remarque que le Secrétariat de l’OMC déploie « des efforts concertés pour rendre les consultations internes qui précèdent la plupart des décisions prises par les membres aussi transparentes et inclusives que possible. Depuis la troisième Conférence ministérielle de l’OMC (Seattle), ces efforts ont été très bien accueillis puisqu’ils répondent aux préoccupations de certains membres au sujet des procédures de prise de décisions à l’OMC26 ». Pour obtenir une perspective plus large et tisser des liens avec d’autres institutions internationales, il faudrait envisager de faire participer d’autres organisations internationales clés, comme l’Organisation internationale du Travail et le Programme des Nations Unies pour l’environnement, aux négociations de l’OMC.

            Malgré cette interprétation positive des événements de Doha et compte tenu du témoignage reçu, le Sous-comité demeure préoccupé par l’absence d’un mode de prise de décisions efficace et efficient à l’OMC. D’autres options pourraient éventuellement être préférables, mais celle-ci mérite qu’on s’y attarde : former un petit comité de direction, officieux, composé d’environ 20 représentants des pays membres de l’OMC27. Ce comité serait chargé d’établir un consensus sur les questions commerciales pendant les moments critiques où des décisions importantes doivent être prises.

            Selon nous, l’OMC doit revoir la façon dont elle prend ses décisions administratives internes. Par exemple, la longue et difficile procédure pour choisir l’actuel directeur général actuel de l’OMC a créé quelques frictions au sein de l’organisation. Il faut mettre bon ordre à cette situation. Pour résoudre le problème du contenu et du mode de prise de décisions, le Sous-comité recommande :

Recommandation 27 :

Que le gouvernement du Canada réexamine la recommandation 14 du Sous-comité contenue dans son rapport de juin 2001 sur les relations économiques entre le Canada et l’Europe (Traverser l’Atlantique : Élargir les relations économiques entre le Canada et l’Europe) et que, en collaboration avec les pays ayant les mêmes visées que lui, il encourage l’OMC à se doter de procédures de prise de décisions plus officielles, efficientes et efficaces. Il faudrait établir des procédures distinctes pour les décisions administratives (qui concernent par exemple les processus internes) et pour celles concernant les enjeux commerciaux.

Recommandation 28 :

Que le gouvernement fédéral propose aux membres de l’OMC que l’Organisation internationale du Travail et le Programme des Nations Unies pour l’environnement soient autorisés à fournir directement leurs avis d’experts pendant les négociations.

UN DERNIER MOT

            Lors de sa comparution devant le Sous-comité, Pierre Laliberté (économiste principal, Congrès du travail du Canada) a fait remarquer que les pays non démocratiques étaient ceux qui ne respectaient pas les droits fondamentaux de leurs citoyens. À son avis, ces pays ne devraient pas pouvoir compter sur les mêmes privilèges commerciaux et économiques que ceux qui respectent ces principes. Essentiellement, il a préconisé l’instauration de la conditionnalité à l’OMC, de manière à ce que les pays n’aient pas droit aux avantages du libre-échange, lorsqu’ils violent les droits démocratiques et les droits dans le domaine du travail. Le Sous-comité souhaiterait que cette proposition soit examinée plus avant et il recommande :

Recommandation 29 :

Que le gouvernement du Canada fasse la promotion de l’introduction dans les accords de l’OMC de dispositions visant à lier la possibilité pour les pays de profiter de leur appartenance à l’OMC à la preuve qu’ils respectent les droits relatifs à la démocratie.


1       Dans un exposé présenté en décembre 2001 au Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international de la Chambre des
     
    communes, Don Stephenson (directeur général, Politique commerciale II, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international) a
      
   attribué cet échec à trois facteurs sous-jacents : l’absence de soutien des pays en développement; l’absence de consensus parmi les pays
     
    industrialisés (surtout les États-Unis et l’Union européenne) concernant l’ordre du jour des négociations; et l’absence de leadership américain.
      
   Au cours des préparatifs de la Conférence de Doha, ces trois problèmes ont été résolus de façon satisfaisante grâce à un processus préparatoire
     
    efficace et transparent et au leadership américain dans certains domaines (l’antidumping, les ADPC et la santé).

2       Site Web de l’OMC.

3       Le « dumping » consiste à vendre un produit sur un marché d’exportation à un prix moindre que le coût de production ou à un
         prix moindre que celui pratiqué sur le marché intérieur.

4       Globalization, Growth and Poverty : Building an Inclusive World Economy, 2002.

5       Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, Explication de la croissance des exportations
         canadiennes de 1983 à 1997, 1998.

6       Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, Objectifs du Canada pour la quatrième Conférence ministérielle
      
   de l’OMC, 24 octobre 2001.

7       On peut consulter le Mémorandum d’accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends sur Internet à l’adresse suivante :
      
   http://www.wto.org/french/tratop_f/dispu_f/dsu_f.htm.

8       La position du Canada est énoncée dans un document d’information du MAECI daté d’août 2001 sur le système de règlement des différends que l’on
      
   peut consulter sur Internet à l’adresse suivante :
http://www.dfait-maeci.gc.ca/tna-nac/dsu-info-f.asp.

         On trouvera des informations complémentaires dans un document de travail de mai 1999 intitulé Perspectives canadiennes concernant l’examen du
      
   mémorandum d’accord rédigé pour les consultations sectorielles relatives à l’OMC et à la ZLEA à l’adresse suivante :

      
   http://www.dfait-maeci.gc.ca/tna-nac/discussion/dsu-f.asp.

9       L’un des membres de la table ronde, Daniel Drache (directeur, Centre Robarts d’études canadiennes) n’était pas de cet avis, estimant que le MRD est
      
   un instrument bien primitif pour régler des différends commerciaux au niveau international.

10      Le Secrétariat de l’OMC est d’avis que le MRD doit demeurer et faire partie intégrante de l’entente internationale portant création de l’OMC,
      
   même en l’absence de nouvelle décision en ce sens.

11     Pour certains pays, le recours à des mesures de rétorsion peut être désastreux.

12    L’ORD est responsable de l’administration générale du MRD (voir l’annexe A).

13    On trouvera des renseignements détaillés sur le Centre sur son site Internet à l’adresse suivante : http://www.acwl.ch/ .

14    L’Union européenne et les États-Unis interviennent à eux seuls pour 94 % de toutes les subventions à l’exportation.

15    M. Friesen a mentionné les 110 millions de dollars supplémentaires pour le financement des programmes d’accès aux marchés prévus par le
        « U.S. Farm Bill ».

16    Selon Mike Dungate, les membres de l’OMC n’offrent en moyenne que 67 % de l’accès minimal.

17    La période de comparaison qui a servi au calcul du taux d’accès de 5 % correspond aux années 1986 à 1988.

18    Le point de vue selon lequel le paragraphe 2 de l’article 31 de la Déclaration de Doha pourrait permettre la vente d’eau en vrac a été
        évoqué publiquement, entre autres par Maude Marlow, présidente du Conseil des Canadiens. Mme Barlow soutient que la réduction des
        barrières au commerce des biens et services pour la protection de l’environnement rendra illégales les restrictions sur l’exportation d’eau
        en vrac à des fins commerciales. Cette position est en nette contradiction avec celle de Bill Dymond, directeur exécutif du Centre de droit
        et de politique commerciale à l’université Carleton et l’Université d’Ottawa, qui insiste sur le fait qu’un permis du gouvernement fédéral est
        nécessaire pour permettre la vente d’eau au Canada, et sans lequel aucune exportation ne peut avoir lieu.

19    H. Mann, témoignage sur l’environnement.

20    Transparence — Document d’information, document du MAECI préparé en prévision de la Réunion ministérielle de Doha de
        novembre 2001, p. 1. (http://www.dfait-maeci.gc.ca/tna-nac/Transp-Info-f.asp)

21    Transparence — Document d’information, p. 3 (http://www.dfait-maeci.gc.ca/tna-nac/Transp-Info-f.asp).

22    À Doha, selon M. Allmand, il y a eu chaque jour une séance d’information et un échange d’information par téléconférence d’une ou deux
        heures avec les groupes qui ne pouvaient être présents. Malheureusement, peu d’ONG ont pu y assister et la participation des citoyens a été
        empêchée dès le départ. En outre, beaucoup de pays en développement ont jugé que le processus de consensus (consultation sur le projet de texte,
        nomination des amis du président — les hommes verts — comme animateurs) n’avait pas été transparent, et que leurs opinions n’avaient pas toujours
        été prises en compte dans le texte de la Déclaration.

23    Tous les pays ne sont pas des démocraties dotées d’un parlement. Pour eux, M. Allmand envisage une participation directe de leurs citoyens à une
        assemblée de l’OMC. La consultation et la supervision devraient, par conséquent, se faire en deux temps.

24    Cette réunion a été organisée par l’Union interparlementaire et un comité du Parlement européen.

25    Notes pour une allocution de l’honorable Pierre Pettigrew, ministre du Commerce international, devant les Manufacturiers
        et Exportateurs du Québec :Les lendemains de Doha : un gain pourle,monde; 3 décembre 2001
        (http://webapps.dfait-aeci.gc.ca/minpub/Publication.asp?FileSpec=/Min_Pub_Docs/104748.htm& bPrint=False&Year=&Language=F).

26    Réponse du gouvernement au cinquième rapport du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce
        international (Traverser l’Atlantique : Élargir les relations économiques entre le Canada et l’Europe) ministère des
        Affaires étrangères et du Commerce international, 2001, p. 14.

27    Pour plus de détails sur ce modèle, consulter l’article « Decision-making in the WTO » de Jeffrey J. Schott et Jayashree Watal,
        paru dans International Economics Policy Briefs, Institute for International Economics, mars 2000.