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AGRI Rapport du Comité

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OPINION DISSIDENTE DU BLOC QUÉBÉCOIS

FÉVRIER 2000

Introduction

Le Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire de la Chambre des communes a tenté de répondre à la crise actuelle du revenu agricole au Canada par la tenue d'une série d'audiences publiques dans les Prairies. Bien que le travail du Comité et de ses membres ait été important et sérieux, le Bloc Québécois refuse toutefois de s'associer au rapport du Comité. Notre dissidence s'explique principalement en deux points : d'abord le titre du rapport ne correspond pas à ce qu'il contient et, enfin, la nature de certaines recommandations, fondées uniquement sur la situation qui a cours dans les Prairies, est plus que discutable.

Un rapport biaisé dont le titre ne reflète pas le contenu

À la lecture du titre du rapport Stratégie pour un filet de sécurité du revenu plus solide et mieux adapté aux besoins des agriculteurs, le Bloc Québécois considère que le rapport se devait de brosser un tableau complet du secteur agricole au Québec et au Canada. Pour ce faire, il se devait d'entendre des témoins du Québec et de toutes les provinces. Or, il n'en n'a pas été ainsi. Nous avons soulevé cette question lors des séances du Comité mais, nous avons essuyé une fin de non-recevoir.

Le rapport, dans son analyse de la situation économique, ne se concentre que sur la condition des agriculteurs des Prairies alors que les recommandations qui en découlent ont un caractère général. Nous ne remettons pas en cause la réalité et l'urgence de se prononcer sur la crise du revenu que vivent les agriculteurs des Prairies. Mais, ce rapport en passant sous silence la condition des agriculteurs du Québec et des autres provinces donne à entendre que la situation pour ces derniers est merveilleuse. Faut-il comprendre de tout cela, comme le précise le titre du rapport, que « les besoins des agriculteurs » ne sont que ceux des agriculteurs des Prairies? Faut-il comprendre que ce rapport est une nouvelle initiative électoraliste pour permettre aux libéraux de repartir à la conquête de l'Ouest? Le Bloc Québécois voudrait rappeler que la crise actuelle dans le revenu agricole ne concerne pas uniquement les agriculteurs des Prairies. Mais la condition des agriculteurs est plus visible et urgente pour ces provinces, car celles-ci sont très spécialisées dans le domaine des céréales et des oléagineux dont les prix se sont effondrés récemment.

D'autre part, en se basant sur le titre du document, ce rapport se veut un exposé pour une « stratégie » c'est-à-dire pour un ensemble d'objectifs opérationnels choisis pour mettre en oeuvre une politique préalablement définie1. Dans ce contexte, pourquoi ne fait-on aucune allusion dans ce rapport à la condition des producteurs porcins et ovins du Québec, qui subissent encore les conséquences de la chute de leur revenu agricole? Pourquoi l'ensemble des objectifs choisis pour mettre en oeuvre une politique préalablement définie ne concerne-t-il que les provinces des Prairies? Sans doute parce que la politique préalablement définie est de permettre aux libéraux d'aller chercher une poignée de votes dans l'Ouest.

Enfin, par cette opinion dissidente, le Bloc Québécois veut démontrer que le gouvernement fédéral est responsable de la situation actuelle en ayant créé de toutes pièces le programme de l'ACRA, plus visible qu'utile pour les agriculteurs qui subissent une crise de revenu. À l'annonce de l'ACRA, les agriculteurs et le Bloc Québécois n'ont eu de cesse de dénoncer les déficiences du programme mais les libéraux ont fait fi de nos critiques. Maintenant, le présent rapport propose de revoir en profondeur les critères de fonctionnement de l'ACRA. L'opinion dissidente du Bloc Québécois est donc un constat d'échec cuisant,

démontrant que l'ACRA dans sa forme originelle n'a jamais été conçue pour répondre aux besoins des agriculteurs. Mais en ayant attendu avant d'accepter cette réalité, les libéraux sont responsables de la dégradation de la situation économique du monde agricole au point où la survie de nombreux agriculteurs est aujourd'hui en cause.

La nature des recommandations

Le Bloc Québécois a étudié avec attention l'ensemble des recommandations. Au-delà des bonnes intentions, la recommandation 1 ne définit aucun des critères qui devraient être utilisés pour identifier les catastrophes naturelles.

La recommandation 5 est inadmissible. Premièrement, le Bloc Québécois ne comprend pas pourquoi cette recommandation apparaît au rapport alors qu'elle est fortement et rigoureusement critiquée dans les paragraphes 19 à 22 du rapport. Il semble qu'elle n'ait été retenue que parce qu'elle satisfaisait les agriculteurs des Prairies. Deuxièmement, une telle recommandation reviendrait à mettre en place un programme non-ciblé. Cela signifie qu'il faudrait des fonds supplémentaires afin que les agriculteurs qui en ont vraiment besoin obtiennent réellement une aide. Enfin, un programme de soutien du revenu agricole, basé sur les superficies cultivées plutôt que sur le rendement des exploitations, serait un véritable gâchis de fonds. L'allocation des fonds publics ne se ferait pas selon des critères économiques (le rendement) mais suivant des critères géométriques (la superficie). Ainsi il faudrait donner beaucoup de fonds publics à ceux qui n'en n'ont pas besoin pour que ceux qui en ont effectivement besoin, comme les petites fermes, aient droit à un niveau d'aide décent.

La recommandation 6, qui propose de bonifier la participation des gouvernements (provinciaux et fédéral) au Compte de stabilisation du revenu net, pose également le problème de l'affectation des fonds. Il ne faut pas que cette augmentation de la contribution se fasse au détriment des contributions aux autres programmes de soutien du revenu agricole.

Le Bloc Québécois, même si ce n'est pas la coutume dans une opinion dissidente, aimerait préciser que la recommandation 8 est une très bonne initiative. Toutefois, il serait grand temps de passer aux actes et de faire en sorte que la réalité des fermes familiales soit prise en considération dans les programmes de soutien au revenu agricole.

Conclusion

Le Bloc Québécois est déçu par le manque d'ouverture du gouvernement alors qu'il y a urgence d'agir. Tous les agriculteurs vivent des difficultés économiques et non pas seulement ceux des Prairies. Mais le gouvernement, avec ce rapport a davantage cherché à faire une opération électoraliste que de mettre en place des solutions à la crise actuelle. Plus grave encore, ce rapport propose des recommandations générales mais en se fondant uniquement sur la situation des provinces des Prairies. Cela ne signifie pas pour autant que certaines propositions ne soient pas pertinentes. Mais, quand on a la prétention de proposer une Stratégie pour un filet de sécurité du revenu plus solide et mieux adapté aux besoins des agriculteurs la moindre des choses est de consulter tous les agriculteurs de tous les coins du Canada et du Québec.


1# Nouveau Petit Robert, page 2149, 1re c., 2e définition.