AGRI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
STANDING COMMITTEE ON AGRICULTURE AND AGRI-FOOD
COMITÉ PERMANENT DE L'AGRICULTURE ET DE L'AGROALIMENTAIRE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 11 mai 1999
Le président (M. John Harvard (Charleswood St. James— Assiniboia)): Chers collègues, nous allons ouvrir la séance. Je suis heureux de voir que vous êtes si nombreux à être à l'heure ce matin. J'imagine que c'est dû au sujet que nous allons traiter et aux témoins à qui nous avons demandé de venir faire un exposé aujourd'hui.
Je ne dirais pas que notre sujet d'aujourd'hui soit optimiste, mais nous n'avons pas l'habitude de traiter de ce genre de biotechnologie qui porte sur le clonage des chèvres et autres sujets connexes. Mais c'est ce dont nous allons parler aujourd'hui. Je suis sûr qu'après les exposés de nos témoins, les membres du comité auront de nombreuses questions à poser.
M. Murray Calder (Dufferin—Peel—Wellington—Grey, Lib.): Êtes-vous le vrai John Harvard ou êtes-vous un clone?
Le président: Je ne pense pas que quiconque puisse souhaiter avoir ma copie.
Au fait, chers collègues, nous nous occuperons de la motion de M. Hilstrom vers 10 h 30, c'est-à-dire dans un peu moins d'une heure et demie.
Nous accueillons aujourd'hui Jeffrey D. Turner, président- directeur général de Nexia Biotechnologies Inc.; Paul Arnison, directeur général de FAAR Biotechnology Group et le Dr Bill Cheliak, directeur général de Pro Gene Sys.
M. Arnison va commencer. Après son exposé, nous aurons une série de questions. À moins que vous ne souhaitiez commencer, monsieur Turner?
M. Jeffrey D. Turner (président-directeur général, Nexia Biotechnologies Inc.): Non, c'est très bien. Je savais qu'on allait procéder de cette façon. Je vous en prie, allez-y.
Le président: Vous travaillez tous ensemble à ce dossier, aussi allons-nous commencer par vous, monsieur Arnison. Bonjour. Asseyez-vous et mettez-vous à l'aise.
M. Paul Arnison (directeur général, FAAR Biotechnology Group): J'ai des diapositives à vous montrer.
Le président: Très bien. Je croyais que vous vouliez rester debout pour parler. Est-ce que je vous fais déjà chevrer? Je ne vais pas essayer de me faire comprendre en assenant des coups de bélier.
M. Paul Arnison: Le projecteur ne semble pas marcher, je vais donc simplement m'en passer.
Bonjour, mesdames et messieurs. Je vous remercie de me permettre de comparaître devant le comité aujourd'hui pour vous parler de culture moléculaire. J'ai demandé à prendre la parole le premier parce que j'ai quelques remarques générales à faire sur la culture moléculaire et que mes collègues qui sont ici aujourd'hui s'occupent plus directement d'aspects particuliers de cette culture.
Je m'occupe également, au nom du gouvernement canadien, d'une conférence qu'il organise sur la culture moléculaire, où je serai l'un des principaux représentants. Je vous en parlerai brièvement plus tard.
À FAAR Biotechnology Group, pour vous donner simplement une idée, nous sommes des consultants au service de l'industrie de la biotechnologie agricole du Canada. Nous donnons des conseils aux organismes gouvernementaux, aux entreprises privées, aux universités et aux particuliers sur des questions telles que la liberté d'entreprise, l'évaluation de la technologie, les entreprises débutantes, les questions de réglementation et tout un ensemble d'aspects variés de la biotechnologie agricole.
• 0910
Qu'entendons-nous par culture moléculaire? Je la définis comme
l'utilisation de plantes, d'animaux, d'insectes et de cultures
cellulaires pour la production à l'échelle commerciale de protéines,
de peptides et d'aliments industriels pour le bétail.
L'idée de culture moléculaire en agriculture n'est pas nouvelle. Voilà des décennies que, avec notre agriculture traditionnelle, nous reproduisons des molécules. Par exemple, le sucre provenant de la canne à sucre est presque une substance pure. À de nombreux égards, l'amélioration génétique des cultures que nous faisons depuis de nombreuses années est une tentative directe de modification de la composition cellulaire des plantes pour obtenir des produits commerciaux. Toutefois, avec les découvertes récentes de ce que nous appelons l'ADN recombinant, la capacité de transférer les gènes d'une espèce de plante à une autre, ou peut- être même d'un animal à une plante, nous permet de transférer l'expression des protéines que nous voulons dans d'autres systèmes.
Ainsi, la culture moléculaire est la capacité de prendre un gène qui représente le code d'un certain produit qui pourrait avoir une valeur commerciale—et ce produit pourrait être une enzyme, un vaccin ou une substance utilisée dans le cadre d'un processus industriel—et de synthétiser ce produit dans un système différent. Ce système peut être beaucoup plus pratique et beaucoup plus viable commercialement, pour ce qui est des coûts.
Si on peut prendre un gène d'une plante et l'exprimer dans une autre pour produire quelque chose, pourquoi se donner la peine de concevoir ces systèmes? Il y a toutes sortes de raisons qui font que cela est intéressant pour l'industrie, pour le commerce et pour nous-mêmes en tant qu'individus.
Tout d'abord, il y a la question des coûts. La plupart de ces nouveaux systèmes de production vont réduire énormément le coût de production de choses qui sont actuellement très onéreuses. Il y a des enzymes, par exemple, qui sont utilisées dans le domaine de la santé, qui sont extraites de tissus et dont la production d'un gramme coûte littéralement des centaines de milliers de dollars. Ceux qui ont besoin de ces enzymes représentent un lourd fardeau pour notre système de soins de santé parce qu'un individu ne peut évidemment pas se payer ces médicaments qui sont essentiellement orphelins.
Avec notre capacité de prendre ces gènes, de les mettre, par exemple, dans une plante pour produire cette substance, nous pouvons réduire le coût de production de ces protéines thérapeutiques, qui est de l'ordre de milliers ou de centaines de milliers de dollars le gramme, à sans doute 10, 20, 25 $ le gramme. Ce sont donc des choses que l'on peut produire en grandes quantités et que l'on peut mettre à la disposition de ces personnes à un coût acceptable.
L'autre avantage que représente l'utilisation des plantes et d'autres systèmes pour produire des protéines utiles est la question de la sécurité. Les plantes n'attrapent pas le sida et ne sont pas porteuses de virus humains. Elles ne sont absolument pas contaminées par des maladies humaines. Il est donc tout à fait sûr d'obtenir un produit pour les soins de santé avec une plante qui ne peut être contaminée accidentellement par une maladie humaine.
Les plantes et les autres systèmes sont incroyablement souples. On peut maintenant produire dans un autre système pratiquement tout ce pour quoi on a trouvé le gène.
L'autre aspect positif est que cela représente une ressource renouvelable. On peut faire pousser des plantes dans un champ, dans une serre ou à l'intérieur d'une petite pièce. Elles constituent une ressource renouvelable. Elles peuvent être produites en permanence à partir de semences et nous pouvons en faire pousser de plus en plus.
Les dépenses en immobilisations nécessaires pour lancer une entreprise, ou quelque chose qui est fait en vue de cette culture moléculaire, sont en fait assez faibles. Cela veut dire qu'il y a énormément d'occasions qui sont offertes à tout le monde, et non pas uniquement aux sociétés multinationales géantes, de mettre au point ces systèmes. Il y a maintenant toute une industrie de petites entreprises qui offrent ces produits à partir de ces systèmes qui exigent relativement peu de capitaux.
Parce qu'il s'agit d'une technologie toute nouvelle, il est possible d'obtenir des brevets pour protéger ses idées et méthodes. Cela est en train de provoquer la croissance d'une industrie parce que les particuliers concernés peuvent mettre au point des choses et les protéger.
Pour vous donner une idée générale des raisons qui font que j'ai demandé à parler le premier, je vous parle un peu des plantes, mais bien sûr tout animal qui peut être transformé peut également être utilisé. Jeff Turner vous dira que son entreprise exprime des gènes utiles pour le lait. Mais d'autres productions animales, comme l'urine ou même les oeufs, peuvent être utilisées.
Les insectes peuvent également servir d'hôtes, surtout les larves de chenille et divers types de plantes et de champignons. Il s'agit encore une fois de semences uniquement, de tubercules, de feuilles ou de toute la plante éventuellement.
• 0915
Je vous ai parlé de certains des avantages des plantes—elles sont
rentables. Comparées à d'autres systèmes, les plantes permettent une
échelle de production qui peut être énorme. Lorsqu'on a obtenu un plan
de canola ou une autre plante que l'on peut cultiver sur une grande
échelle, pour produire un gène dans des semences utiles, on peut
ensuite cultiver une très grande quantité de cette substance
particulière.
Il s'avère que les plantes peuvent fabriquer des protéines complexes venant d'autres systèmes. L'un des inconvénients que présente l'obtention de produits pour les soins de santé destinés aux humains dans les bactéries par la fermentation traditionnelle vient de ce que les bactéries peuvent ne pas être à même de faire certaines modifications biochimiques complexes qui sont nécessaires pour rendre une protéine fonctionnelle. Les possibilités que les plantes, les champignons et les animaux puissent produire et fabriquer la substance qu'on souhaite exactement sous la forme fonctionnelle dont on a besoin sont beaucoup plus grandes.
Soit dit en passant, je veux mentionner que—bien que ses représentants ne soient pas ici aujourd'hui—nous avons une entreprise de culture moléculaire végétale qui est assez avancée. Il s'agit de SemBioSys Genetics Inc. de Calgary, fondée par Maurice Maloney. Elle a actuellement des plantes génétiquement modifiées qui fabriquent des produits qui font l'objet de tests, et on a l'ambition de produire sur une très grande échelle du canola, du lin, et du carthame régulièrement d'ici quelques années.
Ce qui est intéressant lorsqu'on obtient un produit de valeur commerciale dans une graine oléagineuse à l'aide de cette technologie, c'est que le produit que l'on veut est lié aux corps gras de la semence. Pour récupérer le produit, il suffit de broyer les graines, de séparer l'huile de tout le reste en la faisant flotter. L'huile contiendra le produit recherché.
C'est l'une des technologies qui réduit les coûts car lorsqu'il faut obtenir une substance par purification à partir d'un mélange complexe, cela est très coûteux. En utilisant un simple système végétale pour exprimer quelque chose qui est associé à l'huile, on peut récupérer ce produit pour une toute petite partie du coût des systèmes traditionnels.
Ce qui intéresse peut-être davantage les citoyens moyens que nous sommes dans ces technologies, c'est le fait que ces systèmes puissent être utilisés pour le traitement des maladies. En fait, à la conférence qui est organisée par le gouvernement, notre thème est le mariage de l'agriculture et des soins de santé.
Parce que nous avons pu fabriquer des vaccins absorbables dans les plantes, l'idée que l'on puisse exprimer quelque chose d'un fruit qui va protéger d'une maladie a des répercussions énormes pour les soins de santé tant dans nos pays que dans ceux du tiers monde. Par exemple, il y a des vaccins que l'on est en train de produire dans des fruits et qui vont protéger des caries dentaires. Imaginer l'avantage incroyable que représente le fait de donner à manger chaque mois aux enfants une banane qui contient un vaccin contre les caries dentaires, et pas seulement aux enfants canadiens, mais aux enfants du monde entier. Cela représentera des économies énormes pour notre système médical.
Cela ne vaut pas uniquement pour les humains. On pourra produire dans les plantes des vaccins qui pourront être utiles aux animaux. Ainsi, au lieu de donner aux animaux de la luzerne ordinaire, on pourra leur donner une variété de luzerne qui les guérira d'une maladie intestinale.
Il y a toutes sortes d'expériences en cours qui visent diverses maladies, du cancer au diabète en passant par les troubles intestinaux, et il n'y a pas que les vaccins que l'on peut produire. On peut également produire des anticorps et diverses protéines thérapeutiques.
Pour terminer, j'aimerais mentionner qu'Agriculture Canada à London (Ontario) accueille la première conférence internationale d'envergure sur la culture moléculaire cet été, en août et en septembre. Nous avons réuni un groupe de plus de 75 conférenciers, y compris les messieurs qui sont à mes côtés, qui représentent l'avant-garde mondiale en matière de culture moléculaire. Il s'agira d'une première pour le Canada et d'une première pour le gouvernement canadien. Nous vous invitons à envoyer des représentants à cette conférence. J'ai laissé au greffier un disque compact et une cassette qui décrivent la conférence et que vous pourrez regarder et écouter. Nous vous encourageons à y participer.
Merci beaucoup.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Arnison.
Nous allons maintenant donner la parole à M. Turner.
M. Jeffrey Turner: Bonjour.
J'ai cinq diapositives qui vont vous montrer les efforts de Nexia Biotechnologies à Montréal. Comme l'indique le titre de mon exposé—et là encore vous avez sous les yeux des versions en anglais et en français de mon exposé—il comporte deux éléments: il y a les nouveaux produits recombinants, et les produits dont je vais vous parler aujourd'hui sont utilisés dans les industries des soins de santé et dans les industries des fibres à haute performance, et les moyens de produire ces molécules qui sont des animaux d'élevage transgéniques.
La mission de l'entreprise est en fait très simple. Nexia fabrique des protéines recombinantes dans le lait d'animaux d'élevage transgéniques. Comme Paul l'a indiqué, il y a diverses façons de faire des protéines recombinantes, et celle que nous avons choisie consiste à utiliser des animaux laitiers d'élevage car la capacité de produire ainsi des protéines recombinantes est presque illimitée. Pour le coût, comme Paul l'a indiqué—et je vous donnerai des exemples précis—nous pouvons fabriquer des molécules pharmaceutiques pour 5 p. 100 du coût des méthodes employées actuellement, 5 p. 100! Si nous voulons vraiment réduire le coût des médicaments et le fardeau qu'ils représentent pour le système médical, ce type de technologie est vraiment la voie de l'avenir.
Nexia offre deux types de produits. Le premier s'appelle BioSteel, et comprend les séries M et B. Cette matière, le BioSteel, est la marque de commerce de Nexia pour la soie d'araignée obtenue à l'aide d'une molécule recombinante. Si certains d'entre vous ont vu des araignées descendre du plafond—et je n'en vois pas dans cette salle ici aujourd'hui—lorsqu'une araignée descend du plafond elle fait du rappel en produisant une fibre qui est le matériau le plus résistant que l'homme connaisse. Il est quatre fois plus solide que la molécule de plomb de Du Pont, qui s'appelle le kevlar, et vingt fois plus solide que l'acier filé. De ce fait, il y a une demande énorme pour ce matériau.
Mais on ne peut pas cultiver les araignées. Elles sont carnivores et elles ont besoin d'un territoire. Voilà pourquoi nous nous passons de ce matériau depuis un certain temps. Nexia a pu progresser jusqu'à produire en fait ce matériau en laboratoire et les expériences de clonage dont je vais vous parler avec ma diapositive suivante vont vous décrire cette opération.
Le BioSteel (le fil d'acier biologique) est utilisé de deux façons. D'une part pour recoudre les plaies—il s'agit alors de sutures très résistantes, de bandages qui vont en gros pouvoir permettre de réaliser des choses remarquables en clinique—et d'autre part le BioSteel de série B pour les applications industrielles—dans le domaine aérospatial notamment—qui constitue un matériau léger très résistant qui est utile pour la fabrication des stations spatiales, par exemple. La première application militaire de ce matériau est la protection balistique. C'est, comme je l'ai déjà dit, un matériau très résistant, qui supporte plus de 300 000 livres par pouce carré. Pour vous donner une idée de ce que cela représente, un câble de la grosseur de mon pouce pourrait arrêter un avion gros-porteur en vol. C'est donc vraiment un matériau très solide.
On espère que cela va nous permettre de fournir, en collaboration avec diverses organisations militaires d'Amérique du Nord, une armure corporelle souple pour les personnels militaires et policiers. Pour vous donner une idée, un gilet comme celui que je porte aujourd'hui pourrait arrêter une balle entièrement chemisée qui est lancée à 3 000 pieds par seconde. C'est donc une molécule vraiment remarquable et qui n'est pour l'instant pas disponible.
La dernière molécule s'appelle NEX41. Il s'agit d'un médicament générique. Son marché représente actuellement près de 400 millions de dollars par an et nous espérons la commercialiser pour remplacer le médicament actuellement utilisé qui se vend à peu près dix fois plus cher.
• 0925
C'est en effet notre travail sur le BioSteel et notre volonté de
satisfaire les besoins médicaux du BioSteel qui ne l'étaient pas
encore, et également pour les applications industrielles de BioSteel,
que nous avons entrepris de créer un animal transgénique. Plus
précisément, Nexia utilise des animaux génétiquement modifiés pour
produire ces types de molécules. Dans le passé, nous avons utilisé une
méthode appelée la micro-injection ou la micro- injection
pronucléaire. L'été dernier, nous avons utilisé cette technique
relativement peu efficace pour produire le premier animal d'élevage
génétiquement modifié du Canada, une petite chèvre appelée Willow.
Willow, je peux vous le dire, se porte bien et on espère qu'elle va
donner naissance à d'autres animaux cette année.
Mais cette méthodologie est inefficace. Nous cherchions un moyen d'augmenter notre capacité de le faire de façon prévisible et efficace. Pour cela, on a recours à la méthodologie appelée le transfert nucléaire. Plus précisément, avec la micro-injection on obtient environ 5 p. 100 d'animaux qui naissent génétiquement modifiés. Les 95 p. 100 restants sont des animaux normaux.
À l'aide du transfert nucléaire, pratiquement 100 p. 100 des animaux avec lesquels nous travaillons devraient être génétiquement modifiés. C'est très important, car cela va réduire le temps de commercialisation de ces types de produits. C'est très important si vous faites des appareils ou des produits médicaux qui devront être utilisés dans le domaine industriel.
La production de nos trois chèvres clonées a donc beaucoup intéressé, tant au Canada qu'ailleurs dans le monde. Elles représentent une découverte technologique extraordinaire pour le monde. C'était le premier exemple signalé d'un transfert nucléaire ou de chèvres clonées.
Pour faire ce genre de travail, il nous faut un cadre. Cette diapositive représente une partie de notre cadre et vous décrit le genre de choses que Nexia fait ainsi que notre responsabilité envers les patients et le grand public.
Vous pouvez le lire aussi bien que moi. Le premier paragraphe parle des installations. Et je vous invite tous à venir visiter la première installation de bétail transgénique du Canada qui est située à l'extérieur de Montréal. Il s'agit d'un établissement vraiment remarquable qui est le meilleur dans son genre dans le monde entier. Notre pays devrait en être très fier.
Le deuxième vous montre que nous avons un système extraordinaire de réglementation au Canada s'agissant du bien-être et de la santé des animaux. Il s'agit du Conseil canadien de protection des animaux; et Nexia en est volontairement membre et respecte parfaitement ses exigences.
Nous vous parlons ensuite des produits que nous allons développer. Ce que nous fabriquons ne cause aucun problème à l'animal. Si un problème survient, nous arrêtons le projet.
Les deux derniers paragraphes sont particulièrement importants. Nexia ne fait pas d'expériences de clonage humain et fait un maximum d'efforts pour garantir que sa technologie et son savoir-faire ne seront pas utilisés par des individus ou des organisations qui font de telles expériences.
En bref, il y a deux choses que j'aimerais signaler au comité. La première est que notre récent succès avec la production de nos trois chèvres représente en fait un triomphe technique incroyable pour la biotechnologie canadienne. Elle va nous permettre d'être plus efficace sur le marché et d'amener plus rapidement nos produits sur le marché.
L'effet net de cela est que Nexia restera concurrentielle sur le marché mondial et nous estimons qu'il est très important de développer ce genre de technologie qui se fonde sur l'agriculture mais qui évolue vers des produits qui sont nécessaires en médecine et sur le marché des biomatériaux de haute performance.
C'est là pour nous l'occasion de progresser et, à Nexia, nous faisons tout notre possible pour nous assurer que le Canada va continuer à connaître le succès.
Merci.
Le président: Merci, monsieur Turner.
Je crois que nous allons maintenant avoir un bref exposé de M. Cheliak avant de passer aux questions.
Bonjour, monsieur Cheliak.
M. Bill Cheliak (directeur général, Pro Gene Sys): Merci beaucoup, monsieur le président. Je remercie toutes les personnes présentes de m'avoir l'occasion de venir leur parler aujourd'hui de quelques développements très intéressants qui se produisent dans le domaine de la biotechnologie.
L'entreprise pour laquelle je travaille est typique du groupe que Paul a mentionné puisqu'il s'agit d'une petite entreprise, plutôt atypique pour l'industrie de la biotechnologie, très rentable, cotée en bourse. Nous sommes cotés à la bourse de Vancouver et bientôt nous le serons à celle de Toronto.
Nous nous spécialisons dans les produits médicaux destinés à l'industrie de l'aquaculture et de la médecine vétérinaire. Nous avons en gros une présence mondiale mais en fait une très petite entreprise. Notre principal atout est que nous faisons des produits novateurs à partir de l'ADN. Ce sont notamment des vaccins à ADN, dont nous parlerons brièvement aujourd'hui, et des produits thérapeutiques obtenus à l'aide de techniques de culture moléculaire utilisant des insectes.
• 0930
Le premier domaine dont je vais parler est une norme industrielle qui
utilise en fait des insectes comme moyen pour développer des produits
de grande valeur. Nous entendons par produits de grande valeur
essentiellement les vaccins et les produits thérapeutiques que nous
utilisons dans l'industrie aquicole. Et le deuxième domaine est celui
des vaccins à ADN, dont je ne suis pas sûr que le comité a déjà eu
l'occasion d'entendre parler, mais que je vais vous présenter et sur
lequel je laisserai un document à votre intention. Il s'agit
certainement de l'une des découvertes les plus importantes qui se soit
produite en biotechnologie, à mon avis, depuis son origine il y a à
peu près 20 ans, mais plus encore au cours des quatre ou cinq
dernières années. Il ne fait aucun doute que cela va avoir des
répercussions plutôt spectaculaires sur le secteur de l'agriculture et
de l'agroalimentaire.
Je suis sûr que le comité a eu l'occasion d'entendre parler de l'effet de cette technologie sur toutes sortes de choses, qu'il s'agisse du travail de la police et des détectives ou des produits médicaux, et de l'effet qu'elle a sur l'approvisionnement alimentaire. Si vous n'avez pas eu l'occasion de jeter un coup d'oeil sur le magazine Time du 11 janvier 1999, je vous encourage à le faire. On vous dit où en est cette technologie dans un grand nombre de domaines. Et ce qui est peut-être encore plus important, c'est qu'on en fait une évaluation philosophique et technologique.
Certains philosophes et évaluateurs de la technologie laissent entendre que la biotechnologie va avoir un effet aussi important sur la société que l'électricité. Quand on pense à l'électricité, surtout pour ceux d'entre nous qui étaient dans la région d'Ottawa en janvier de l'année dernière, on sait la place essentielle qu'elle occupe dans notre société.
Comme Paul Arnison l'a dit, notre capacité de travailler avec l'ADN a progressé de façon assez spectaculaire au cours de la dernière décennie. Et pour les types de produits que nous développons, notre capacité accrue de comprendre comment les programmes génétiques sont orchestrés dans différentes espèces est peut-être encore plus importante. Tout cela a vraiment été accéléré par les programmes internationaux de grande envergure qui concernent le séquençage des génomes d'un assez grand nombre d'organismes différents, y compris l'homme. La capacité de trouver des gènes et des programmes génétiques intéressants a ensuite provoqué une demande de moyens permettant de les exploiter effectivement, que ce soit pour la recherche ou pour l'utilisation thérapeutique et commerciale. Et c'est ce qui a donné lieu aux concepts de culture moléculaire. Vous avez entendu aujourd'hui M. Turner vous parler de son utilisation avec les chèvres, et Paul vous a cité son utilisation dans les plantes et les organismes des insectes.
La notion de culture moléculaire est en fait une bonne analogie car tout comme on comprend la culture ou l'élevage au sens plus traditionnel, la culture moléculaire permet de récolter des produits pour des usages très particuliers. Au lieu de pommes, de blé ou de poulets, nous récoltons des protéines et des vaccins pour les utiliser dans le domaine médical ou pour d'autres applications.
Dans de nombreux cas, ces systèmes de production se font dans des espèces agricoles déjà domestiquées. Vous avez entendu parler aujourd'hui de ce qui concerne les plantes et les chèvres, mais la plupart des gens ne pensent pas automatiquement aux insectes comme moyen pour obtenir des produits de grande valeur, et surtout aux chenilles. Pour ceux d'entre nous qui ont eu la chance de vivre dans l'ouest du Canada pendant un certain temps, la vision de ces fléaux de force 10 que sont les chenilles de temps à autre, lorsqu'elles recouvrent entièrement des bâtiments, il est sans doute difficile de penser qu'elles puissent devenir des systèmes de bioproduction. Mais elles travaillent en fait exceptionnellement bien.
À la suite de l'exposé de Jeff, la première question qui va sans doute vous venir à l'esprit est de savoir comment diable on peut traire un insecte. La réponse, c'est que ce n'est pas ce qu'on fait. On exploite un autre système qui se présente avec les insectes. Les insectes, comme tous les organismes, tombent malades et ce qui les rend malades, notamment, ce sont les virus. Ce sont en fait eux qui assurent le contrôle de nombreuses populations d'insectes, notamment les chenilles en question.
Depuis 10 ou 15 ans donc, nous avons réussi à utiliser en fait le virus qui atteint ces insectes. J'aimerais vous montrer comment ce virus se défend pour vivre. Il s'agit du virus bacula. Pour ceux qui ne les connaîtraient pas, ce sont des M&M. Leur slogan est: «fond dans la bouche, pas dans les mains.» Je vais vous les faire passer. Vous pouvez les goûter pendant que je vous raconte comment ces virus bacula opèrent, car l'analogie est intéressante.
• 0935
Ces virus bacula ont une couche protectrice assez épaisse
extérieurement. Cela leur permet de supporter les changements
météorologiques, qu'il s'agisse de la pluie, du soleil, de ceci ou
de cela. Lorsqu'un insecte trouve ce virus et le mange, il fond
dans son intestin. Une fois fondu, le virus est libéré et fait ce
qu'il a à faire dans l'insecte. Il est encore trop tôt pour dire de
façon détaillée quelles choses extraordinaires se produisent, mais
le fait est qu'en 24 heures à peu près, le virus s'active et se
revêt à nouveau de son énorme couche protéique. En réalité, à la
fin du cycle, près de 30 p. 100 de la masse de l'insecte est
représentée par cette protéine de couverture. C'est l'un des
systèmes de production les plus solides et efficaces que l'homme
connaisse.
Nous avons réussi à apprendre que le virus n'a pas vraiment besoin de cette protéine de couverture, surtout si nous voulons l'utiliser de façon plus domestiquée. Nous avons pu prendre ces systèmes, c'est-à-dire que nous prenons en fait un gène intéressant et que nous l'implantons dans ces lignes domestiquées ou dans ces variétés et que nous produisons en fait ce matériau directement, soit dans les insectes soit dans des cultures cellulaires. Il y a un assez grand nombre d'industries, certaines au Canada, d'autres aux États-Unis, mais surtout aux États-Unis, qui utilisent ce moyen de façon exclusive pour fabriquer des produits et des vaccins de très grande valeur—par exemple, les peptides antimicrobiens. L'une des choses sans doute les plus intéressantes est que l'un des principaux objectifs, pour ce qui est du travail sur le vaccin du sida, consiste à utiliser ces systèmes de production des insectes exactement de la façon que je vous ai décrite.
Ce qu'il est important de préciser, c'est que, contrairement à certains autres systèmes dont nous avons entendu parler aujourd'hui, les plantes notamment, cela ne change en fait pas l'insecte ni la cellule elle-même de façon permanente. Il s'agit d'une chose tout à fait transitoire. Nous ne faisons qu'utiliser l'insecte ou la cellule pour fabriquer ce produit.
Soit dit en passant, ces virus sont utilisés dans des programmes de lutte antiparasitaire plus naturelle, plus biologique. Ce sont en fait des produits homologués au Canada, aux États-Unis et dans le reste du monde qui les utilisent pour la lutte antiparasitaire.
Il y a un autre exemple d'utilisation possible de cette idée de culture moléculaire: pour les vaccins à ADN. Pendant des décennies d'études, ou plutôt des siècles, nous avons appris qu'il n'y a en fait qu'un ou deux gènes dans un organisme malade, qu'il s'agisse d'un virus ou d'une bactérie, qui cause en fait la réaction de notre système immunitaire. Avec les programmes de séquençage des gènes qui sont en cours d'exécution, et dont nous avons parlé brièvement un peu plus tôt, nous avons en fait réussi à identifier la plupart de ces gènes qui causent la réaction de notre système immunitaire.
Il y a plusieurs années, il a été prouvé que l'on pouvait tout à fait prendre un gène dans un organisme pathogène, par exemple la polio, et l'implanter dans un porteur spécial, que nous appelons un plasmide, que nous implantons dans un hôte. En l'occurrence il s'agissait d'une souris, mais on l'utilise de façon beaucoup plus générale—et je vous parlerai de cela dans un instant—et nous avons réussi à faire que cette souris exprime le gène très brièvement pendant une semaine ou deux afin de stimuler son système immunitaire. C'est ce qu'on a pu observer en 1993 pour la première fois. Cela a provoqué une révolution assez importante. C'est ce que l'on a appelé la troisième révolution de la technologie des vaccins.
Une fois que les immunologistes et les professionnels de la santé ont commencé à comprendre les répercussions de cette opération, en parallèle avec les programmes de séquençage et de compréhension du fonctionnement des programmes génétiques, nous avons pu adapter les vaccins pour que l'hôte, que ce soit vous- même, un poisson ou une vache, ou même votre chien ou votre chat, fabrique en fait lui-même le vaccin, au lieu que ce soit un autre système qui le fasse, un insecte, une culture cellulaire ou une plante, par exemple.
Il s'avère également que parce que le système immunitaire de l'hôte fait cette opération, il fait en réalité un bien meilleur travail que si on vous présentait le vaccin conventionnel à l'aide du virus tué de la polio, de la diphtérie, du tétanos ou autres.
• 0940
Je ne sais combien d'entre vous ont dû aller voir leur médecin
parce qu'ils se sont fait une entaille d'une façon ou d'une autre
et que celui-ci leur a demandé s'ils avaient eu leur rappel de DPT
dans les 12 derniers mois. Vous répondez que vous ne savez pas. Le
problème avec les vaccins conventionnels est qu'ils perdent de leur
force. Ces nouveaux types de vaccins, en raison de la façon dont
ils agissent sur le système immunitaire, semblent pouvoir offrir
une immunité qui va durer toute la vie; il suffirait donc d'être
vacciné une seule fois.
Je l'ai dit, c'est un exemple d'un hôte qui peut évoluer jusqu'à l'idée de la culture moléculaire, afin de parvenir à modifier et stimuler notre système immunitaire.
En résumé, j'aimerais dire que notre capacité de travailler avec l'ADN offre des possibilités pour une toute nouvelle génération de ce que l'on appelle les industries biologiques du savoir, ou bio-industries. La société de Jeff en est un bon exemple.
Une meilleure compréhension de l'orchestration des programmes génétiques dans les organismes allant de pair avec des systèmes nouveaux qui peuvent exprimer des gènes intéressants, donne lieu à cette idée de culture moléculaire, qui est une idée très puissante. Les industries comme la nôtre sont en fait à l'avant-garde de la fabrication de produits due à l'explosion de nos connaissances et à notre capacité de procéder à des essais cliniques en vue d'autoriser et d'homologuer prochainement certains de ces produits pour l'usage commercial. Ils sont de très loin beaucoup moins dangereux que les technologies conventionnelles.
Comme vous l'avez vu aujourd'hui, il y a plusieurs systèmes qui ne dépendent pas de modifications génétiques permanentes de l'hôte. Ils utilisent au contraire l'hôte comme moyen d'arriver à une fin, qu'il s'agisse de la production d'une protéine ou de la stimulation d'un système immunitaire.
Les industries comme celles de Paul et de Jeff, et comme la mienne, permettent en fait au Canada de créer des richesses grâce aux énormes investissements qui sont réalisés dans le monde entier pour nous permettre de comprendre la génétique, la technologie génétique et tout le domaine de la biotechnologie.
Je dirais encore, qu'à mon avis, de telles initiatives vont permettre au Canada de participer, et dans certains cas de mener, le développement technique, la commercialisation et les débats éthiques et sociétaux qui entourent le recours à ces technologies.
Je vous remercie.
Le président: En vous écoutant, monsieur Cheliak, je pensais aux Canadiens qui dans le passé s'en allait pour la fin de semaine au bord d'un lac et qui voyaient leurs loisirs gâchés par les moustiques, les mouches et le reste. Après une expérience de ce genre, ceux qui venaient de la vivre voulaient supprimer tous ces insectes. Mais voulez-vous dire qu'il ne faudrait pas les supprimer, qu'ils pourraient être utiles pour vos travaux?
M. Bill Cheliak: Pour nos travaux, il est clair que tout organisme est un organisme très précieux.
Une voix: Espérons pouvoir en exporter quelques-uns.
Le président: Oui, vers l'Ontario.
De toute façon, ils représentent un potentiel. Peut-être qu'on va pouvoir commencer à faire de l'argent avec des moustiques et des mouches.
M. Bill Cheliak: Indépendamment des babioles et des ornements de pelouse que l'on voit ici et là.
Le président: Oui, vous avez raison.
Monsieur Hilstrom, vous avez sept minutes.
M. Howard Hilstrom (Selkirk—Interlake, Réf.): Merci, monsieur le président.
Les compagnies chimiques font déjà de l'argent avec les moustiques et les mouches—en tout cas dans mon élevage.
Les auteurs scientifiques pourraient certainement glaner beaucoup d'informations auprès de vous pour en faire des émissions télévisées de science fiction. Ça ressemble un peu à la course spatiale où les pays sont en concurrence pour être les premiers et pour tirer de la technologie les plus gros avantages.
Je ne connais pas trop de biologistes moléculaires ou d'autres spécialistes du même genre au Parlement—c'est à vous messieurs qu'on laisse les aspects techniques—mais en tant que politiciens, nous devons nous occuper d'autres questions. Notamment du coût de ces nouveaux produits pour les agriculteurs. Ces vaccins dont vous parler... Si on pouvait ne vacciner qu'une fois, sans devoir recommencer, cela se traduirait par des économies pour les agriculteurs et des économies relatives aux dommages que subit la viande, etc.
M. Bill Cheliak: Surtout dans l'industrie aquicole, comme vous pouvez fort bien l'imaginer, il est plutôt difficile d'essayer de regrouper toute une population de poissons. Dans ce secteur par exemple, il faudrait que le vaccin reste valable pendant toute la durée de vie du poisson. On ne peut pas vraiment procéder à des rappels dans ce cas.
• 0945
Pour ce qui est de l'industrie de l'élevage du bétail, vous
avez tout à fait raison, on pourrait nettement réduire le nombre
des rappels et des autres injections que doivent subir les animaux.
On pourrait procéder à ces vaccinations par voie orale, par
l'intermédiaire d'une plante, ou sous forme de vaccin à ADN pour
obtenir une immunité qui dure toute la vie de l'animal.
M. Howard Hilstrom: Est-ce qu'il vous faut craindre quoi que ce soit lorsqu'on mange une tomate qui possède un gène de poisson?
M. Paul Arnison: À mon avis, non. Si vous pouvez manger du poisson, alors vous pouvez manger une tomate qui contient un gène de poisson.
M. Howard Hilstrom: D'accord, merci beaucoup.
L'une des choses importantes dont nous devons nous occuper, et nous sommes des politiciens, nous devons donc étudier les dossiers et en débattre—est l'aspect éthique d'une grande partie de ces recherches scientifiques. Qui établit le code d'éthique dans vos divers cabinets de consultants ou dans vos entreprises de technologie?
M. Bill Cheliak: En ce qui concerne l'éthique de ce dont nous nous occupons, nous sommes encadrés par le Conseil canadien de protection des animaux. Comme Jeffrey l'a indiqué, nous nous occupons beaucoup des organismes de réglementation, qu'il s'agisse de la Direction générale de la protection de la santé au Canada, de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, de l'USDA, de la FDA, ou des organismes équivalents de la Communauté européenne. C'est à eux que nous rendons des comptes.
M. Howard Hilstrom: Y a-t-il suffisamment de poids et de contrepoids dans la recherche qui se fait actuellement, indépendamment des États qui agissent à leur guise et ne suivent aucune règle internationale? Y a-t-il suffisamment de poids et de contrepoids dans un pays comme le Canada?
M. Bill Cheliak: Dans les pays développés comme le Canada, il ne fait aucun doute que l'éthique reçoit la plus grande attention. Toutefois, et cela n'est qu'une opinion personnelle, cette technologie est différente de la bombe nucléaire. Il n'y a pas besoin d'infrastructures énormes pour cette technologie; on peut très souvent la réaliser dans un évier de cuisine. Il y a donc toujours la possibilité que des États qui agissent à leur guise, comme vous le laissez entendre, puissent utiliser à mauvais escient cette technologie.
M. Howard Hilstrom: La dernière question que j'aimerais vous poser et qui vient de ce que l'on fait parler les politiciens mais aussi d'autres personnes... On a certainement eu une semaine de Radio-Canada et de David Suzuki qui a eu de quoi faire très peur aux Canadiens; c'est du moins le cas de la plupart des Manitobains que je connais. Ce matin à la télévision, un député parlait de la crainte de ne plus pouvoir manger du canola en toute sécurité. Cela ne s'appuie sur aucune donnée scientifique; on ne fait que semer la panique.
J'aimerais vous demander ce qu'il faut faire lorsqu'on s'adresse au grand public pour s'assurer qu'il comprend parfaitement toute cette question? Il semble que l'on ne fasse pas suffisamment pour contrecarrer ceux qui sèment la panique. Estimez- vous qu'il devrait y avoir une équipe scientifique qui soit constituée par l'industrie pour que, chaque fois que l'un de ces articles qui évoquent Frankenstein paraît dans un journal, elle puisse contre-attaquer en donnant les faits scientifiques précis? Pensez-vous qu'une équipe de ce genre serait utile?
M. Jeffrey Turner: Il existe une telle organisation dans le monde. Elle s'appelle l'Organisation de l'industrie de la biotechnologie. Elle représente environ 2 500 entreprises du monde entier—la plupart de nos entreprises en sont membres—et s'occupe de toutes les inquiétudes que suscite la biotechnologie. Même si c'est une grosse organisation, elle est loin d'être suffisante pour répondre aux besoins. Nous devons certainement transmettre l'importance et la sécurité de cette technologie, mais c'est quelque chose que l'industrie ne peut faire seule.
M. Howard Hilstrom: Notre niveau de vie va nettement augmenter avec la conception de cette technologie et son évolution et je n'y vois que des avantages. Il y aura de temps en temps des aspects négatifs, mais dans la mesure où on y remédie, ça me suffit.
M. Jeffrey Turner: En effet, pour prendre un exemple dans le domaine agricole que beaucoup d'entre vous comprendront—les technologies de reproduction—lorsqu'on a proposé l'insémination artificielle pour les bovins laitiers, il y a eu un débat énorme qui a fait rage pendant des années. À l'heure actuelle, à peu près toutes les vaches du Canada sont inséminées de façon artificielle.
Le président: Merci.
Madame Alarie.
[Français]
Mme Hélène Alarie (Louis-Hébert, BQ): Vos exposés étaient vraiment très intéressants. Lorsque j'étais enfant, mon père, qui était bactériologiste, me parlait de la possibilité d'une guerre microbiologique. Ça me donnait le frisson parce qu'il me semblait inimaginable que des organismes aussi petits puissent détruire le monde.
• 0950
En vous écoutant ce matin, je n'ai pas le même frisson. Si j'ai le
frisson, c'est parce que j'ai le rhume. Je dois toutefois avouer que
cette révolution technologique comporte des aspects quand même très
bouleversants.
Ma question s'inscrit dans le même ordre d'idées que celle de mon collègue. Je reviens à la question d'un code d'éthique, lequel inclurait peut-être même des règles d'étiquetage des produits afin d'avertir les consommateurs. La ligne de conduite qu'a adoptée Nexia me semble très bonne. Vous avez mentionné que vous étiez un membre volontaire du Conseil canadien de protection des animaux, ce qui signifie que vous n'êtes pas obligés de vous soumettre à ses règles, mais que vous le faites de votre propre gré. J'éprouve certaines inquiétudes parce que je crois qu'il devrait y avoir un code d'éthique non pas uniquement canadien, mais à l'échelle internationale.
Est-ce que nous, les députés, faisons des pressions suffisantes à cette fin ou si nous devrions les accroître afin qu'on en arrive là?
[Traduction]
M. Jeffrey Turner: J'estime que des organisations comme le Conseil canadien de protection des animaux font preuve d'un leadership incroyable.
Comme je l'ai dit, à l'heure actuelle au Canada, il n'est pas obligatoire pour les industries qui utilisent des animaux d'être membres de cette organisation. Peut-être qu'à l'avenir, tous les animaux qui seront utilisés de cette façon pourront relever de la compétence de ce conseil. Ce serait une initiative importante.
[Français]
Mme Hélène Alarie: Durant la saison hivernale, nous sommes allés au Japon. Nous étions accompagnés de M. Borotsik et du ministre. Les gens qui importent beaucoup d'huile de canola du Canada étaient inquiets des modifications transgéniques que subissent les produits. Ils allaient même jusqu'à se demander s'ils ne devaient pas diminuer leurs importations.
Les Européens éprouvent aussi beaucoup de réticence face aux produits génétiquement modifiés et à toutes sortes de techniques de biotechnologie. Comment peut-on apaiser leurs craintes? Au fond, leurs réactions sont peut-être fondées sur un manque d'information. Ces pays représentent des marchés très importants, et leurs citoyens sont des gens avertis.
Je n'arrive pas à comprendre que ces produits présentent de nombreux avantages alors qu'on a de la difficulté à les faire accepter par certains pays.
[Traduction]
M. Paul Arnison: La première chose que je dirais pour répondre à votre question c'est que malheureusement on a tendance à ne pas savoir à quel saint se vouer lorsque de nombreuses questions d'ordre émotif et politique ont été mises de l'avant au cours de la semaine écoulée. Le Canada a un excellent système de réglementation gouvernemental. Il n'y a aucun doute que les produits dont on a autorisé la commercialisation dans notre pays sont absolument sûrs et ont été testés.
Donc, toute information que vous entendez dans la presse ou ailleurs est simplement fausse. Le Canada est un modèle dans le monde pour son système de réglementation qui est chargé de décider de la sécurité des produits.
Comme vous le suggérez, là où nous devons faire du travail, c'est lorsqu'il s'agit de faire savoir au public que ces produits ont été testés. Ce sont des tests scientifiques; ils ne se fondent pas sur des craintes irrationnelles. Nous devons faire valoir cela. Malheureusement, étant donné que c'est une industrie nouvelle, la biotechnologie est sensible aux techniques de désinformation et d'alarmisme de la part de ceux qui souhaitent porter atteinte à cette industrie pour toutes sortes de raisons différentes.
On m'a dit que c'était la même chose lorsque la radio est apparue; le public en avait peur. Lorsque diverses technologies sont apparues, lorsque le grand public n'en connaît pas les avantages et ne sait pas comment on a obtenu ces produits, que le gouvernement garantit qu'ils sont sûrs, il est très difficile de venir à bout d'une remarque faite par quelqu'un et qui ne s'appuie sur aucun fait réel, qui sape la confiance du public. Nous devons donc continuer nos efforts par l'intermédiaire de ces organisations, du gouvernement afin d'éduquer et de faire valoir la sécurité des produits et le fondement scientifique de leur développement.
[Français]
Mme Hélène Alarie: Comment se situe le Canada face à la lutte antiparasitaire et en fonction des moyens dont il dispose? Est-ce qu'on est en retard ou en position avantageuse par rapport aux autres pays?
M. Paul Arnison: Vous demandiez où se situe le Canada avec ses programmes antiparasitaires? Le Canada, les États-Unis et les autres pays que l'on pourrait appeler avancés ont accès à la même technologie. Par exemple, pour les plantes que nous avons modifiées génétiquement afin qu'elles résistent aux parasites, ces produits sont disponibles en Amérique du Nord et en Europe; le Canada est donc à l'avant-garde.
Il nous faut aussi tirer les leçons de l'expérience si nous arrivons à surmonter certains de ces petits contretemps que l'on a connus dans l'industrie de la biotechnologie. Il y a là une occasion énorme que le Canada ne peut pas manquer en succombant à ces détracteurs. Nous sommes à l'avant-garde de la biotechnologie, avec les autres grands pays industrialisés, et nous devons continuer nos efforts pour y rester. Il y a là une occasion extraordinaire pour que le Canada devienne un chef de file, surtout pour les technologies telles que la culture moléculaire.
Je vais vous illustrer cela par quelques chiffres. Si nous pouvions mettre au point un produit antiparasitaire comme ceux que nous avons actuellement sur le marché qui réduisent les dommages causés par les insectes et les quantités de produits chimiques que nous devons mettre sur les plantes, ce produit aurait une valeur de 7 à 10 milliards de dollars.
Cependant, si nous prenons les technologies que ces messieurs sont en train de mettre au point concernant les produits destinés au secteur médical, nous avons un marché potentiel de 100 milliards de dollars pour ces produits que nous pourrions mettre au point au Canada. Si nous ne saisissons pas cette occasion, que nous n'investissons pas et que nous ne développons pas cette technologie aussi rapidement que possible, nous nous plaçons en situation de désavantage pour l'avenir.
Le président: Merci.
Monsieur Coderre, vous avez sept minutes.
J'aimerais que M. Calder assume la présidence un instant.
Allez-y.
[Français]
M. Denis Coderre (Bourassa, Lib.): Merci, monsieur le président. Je partagerai mon temps avec mon clone de gauche, Paul Bonwick.
Je dois vous féliciter, monsieur Turner. On sait que vous êtes un chercheur et...
[Traduction]
Une voix: J'invoque le Règlement au sujet du cheval...
M. Denis Coderre: Ça n'a rien à voir avec le cheval canadien.
[Français]
Comme je le disais, vous êtes un éminent scientifique et vous avez été professeur à l'Université McGill de Montréal. Comme vous avez décidé de demeurer à Montréal, vous êtes peut-être la preuve qu'il n'y a pas un exode de cerveaux à n'en plus finir. J'aimerais savoir pourquoi vous avez décidé de vous installer à Montréal et si votre entreprise a bénéficié de financement de la part du gouvernement fédéral ou d'autres paliers de gouvernement.
[Traduction]
M. Jeffrey Turner: Ce sont plusieurs réponses que vous me demandez. À mon avis, Montréal est l'endroit idéal au Canada pour faire de la recherche en biotechnologie. L'intérêt du gouvernement fédéral... Le gouvernement du Québec a certainement compris que cette technologie progresse, que ces occasions de produit vont de l'avant. Il y a un intérêt général pour tout cela qui se traduit dans la réalité par des choses comme les crédits d'impôt à l'investissement. C'est ce qui a permis à Montréal d'obtenir une place prépondérante au Canada et dans le monde.
La structure dont nous bénéficions en fait pour faire de la R-D à Montréal et dans d'autres régions du Québec d'ailleurs, mais plus précisément à Montréal, fait l'envie du monde. Je le dis parce que j'ai beaucoup voyagé en Asie, en Europe et dans toute l'Amérique du Nord et elle est extraordinaire.
Pour ce qui est de l'exode des cerveaux, c'est un problème important qu'il nous faut essayer de régler. Il y a de gros marchés dans le monde qui souhaitent s'approprier les Canadiens doués. C'est une chose qui se produit effectivement assez fréquemment.
[Français]
M. Denis Coderre: Merci. Comme tous les gens assis à cette table, vous avez deux défis à relever, monsieur Turner: d'une part, contrôler d'une certaine façon la technologie, parce que j'ai le pressentiment que la technologie va beaucoup plus vite que la science; d'autre part, gagner la confiance du public, d'où découle toute la notion de l'éthique.
J'aimerais vous poser une question personnelle, monsieur Turner. Jusqu'où êtes-vous prêt à aller dans le développement des biotechnologies? Est-ce que vous vous êtes fixé une limite? Est-ce que vous avez identifié un point que vous ne franchirez pas?
[Traduction]
M. Jeffrey Turner: Bien franchement, nous avons une mission très sérieuse en tant qu'entreprise. Mais comme vous avez mentionné le côté personnel, étant donné que c'est moi qui ai fondé l'entreprise, les parts de l'entreprise constituent mon centre d'intérêt.
Nous avons pris un engagement à l'égard de deux groupes importants qui sont intéressés par nos produits. Il y a d'une part un grand nombre de besoins médicaux qui sont liés aux biomatériaux et qui n'ont pas été satisfaits. Nous avons l'intention d'essayer de satisfaire ces besoins pour réduire la souffrance et prolonger la vie. Il y a d'autre part le domaine de la haute technologie et des matériaux qui vont nous permettre de faire progresser notre ingénierie. Il y a là des possibilités variées.
• 1000
Nexia s'occupe de modifications génétiques des animaux
laitiers et c'est uniquement dans ce domaine que nous travaillons.
Cela circonscrit donc notre programme en ce qui concerne la
technologie.
[Français]
M. Denis Coderre: Lorsqu'on manipule les gènes et qu'on établit une nouvelle mutation, on peut évidemment créer des récoltes beaucoup plus solides qui permettront notamment aux producteurs de s'assurer qu'ils pourront mieux se protéger. Cependant, ces créations ou mutations peuvent aussi faire surgir de nouvelles maladies. Je disais tout à l'heure que la technologie allait plus vite que la science. Si nous ne disposons pas de toutes les mesures de contrôle nécessaires, y compris d'un code d'éthique, nous risquons de provoquer certaines maladies. On a entendu toutes sortes d'histoires d'horreur au sujet de centres de microbiologie, notamment celui d'Atlanta où on aurait effectué des mutations virales et provoqué le sida et toutes sortes d'autres choses. Est-ce que je me trompe?
Je veux bien qu'on crée des choses pour se doter d'une meilleure protection face aux nouvelles maladies ou d'une meilleure solidité, mais il ne faudrait pas négliger la question des allergies dont peut souffrir un individu face à tel ou tel produit. Autrement dit, est-ce qu'on pourrait créer des arachides que pourrait consommer un individu qui souffre d'une allergie aux arachides?
Afin que tout le monde soit bien protégé, le gouvernement fédéral devrait-il nommer un commissaire à l'éthique qui va s'assurer que, dans le fond,
[Traduction]
tout est possible, n'est-ce pas?
[Français]
Devrions-nous confier une telle responsabilité à une personne de l'extérieur afin que nous soyons tous protégés?
Mon ami Bonwick posera par la suite une question.
[Traduction]
M. Paul Arnison: Pour répondre à votre première remarque, à mon avis, la technologie ne va pas plus vite que la science. La technologie que vous voyez aujourd'hui est le reflet des développements scientifiques des vingt dernières années. Donc, scientifiquement, nous connaissons davantage de choses et nous sommes beaucoup plus avancés que les applications qui sont faites pour proposer des articles sur le marché.
Ce que vous voyez aujourd'hui est le résultat de nombreuses années de travail en génétique moléculaire qui se concrétise par des produits commerciaux. Il y a sans doute un écart de 10 ans au moins entre une découverte et le moment où elle se traduit par une technologie qui produit un article pour le commerce.
La plupart des choses que vous avez mentionnées concernant les possibilités de maladies, d'allergies et le reste ne sont pas nouvelles. Elles ne sont pas nouvelles et elles ne sont pas non plus liées précisément à la biotechnologie. Si vous mangez un aliment quelconque, vous pourriez y être allergique. Comme vous l'avez dit, de nombreuses personnes sont allergiques aux cacahuètes, et cela n'a rien à voir avec l'amélioration génétique des cacahuètes ou autre chose. C'est notre constitution génétique individuelle qui nous rend allergique à un aliment donné.
La plupart de ceux qui font peur à la population en lui parlant du caractère biotechnologique... Il semble qu'il n'y ait pas de garanties, qu'il n'y ait jamais eu aucun test pour aucun de ces produits. Je vous assure que les organismes de réglementation et du gouvernement surveillent de très près toute usine qui fait des modifications génétiques ou tout produit modifié génétiquement qui se présente et ils procèdent à des tests pour vérifier que ces produits sont sans danger. Il n'y a donc là aucun doute.
Comme vous le savez, les individus ont des réactions différentes aux aliments que nous jugeons normalement sûrs. Les pommes de terre peuvent devenir dangereuses si vous les laissez accumuler des alcaloïdes.
Il n'y a donc aucune raison de considérer un produit de la biotechnologie différemment de n'importe quel autre produit alimentaire. Il est traité de la même façon; on évalue sa sécurité de la même façon.
Le président: Merci.
Je rappelle aux témoins de ne pas oublier que nous sommes limités par le temps.
M. Coderre a déjà épuisé ses sept minutes. Il a offert du temps à M. Bonwick, qui dit qu'il doit aller dans sa circonscription avec le premier ministre. Le comité est-il prêt à accorder trois minutes à M. Bonwick?
M. Paul Bonwick (Simcoe—Grey, Lib.): Merci, monsieur le président.
Ma question n'est certainement pas de nature émotive, mais relève plutôt d'un manque de compréhension.
• 1005
Tandis que vous procédez à des améliorations génétiques, et je
crois que vous avez même utilisé le terme de «récolte» de gènes,
pour créer en réalité des hybrides, de meilleurs produits, la
science prend-elle complètement en compte, et peut-elle le faire,
la possibilité de créer des virus hybrides en parallèle, des
maladies hybrides?
Nous connaissons à l'heure actuelle des maladies, des virus dont nous n'avions aucune idée il y a 50 ans. Tandis qu'on évolue d'un côté, est-ce que l'on n'est pas en train de subir une évolution parallèle avec les virus et les maladies de l'autre côté, et comprendrons-nous toutes les implications de cette situation?
M. Bill Cheliak: L'une des choses qui est typique de l'industrie de la biotechnologie, qu'il s'agisse de l'aspect de la sécurité des aliments ou d'un aspect médical, c'est que l'examen que subissent ces produits est certainement beaucoup plus important ou rigoureux que celui que l'on faisait pour les aliments ou les produits traditionnels. Que je sache, on n'a jamais vraiment évalué le lait en soi, et pourtant il y a une partie importante de la population qui a une intolérance au lactose, pour qui ce produit entraîne des gênes assez importantes.
Pour les produits du domaine de la santé, si on avait évalué la technologie des vaccins conventionnels lorsqu'elle a été lancée au début du siècle par rapport aux normes que nous utilisons aujourd'hui pour les vaccins à ADN, par exemple, elle n'aurait absolument jamais pu aller de l'avant.
M. Paul Bonwick: Mais là n'est pas ma question, cependant. Je ne vous demandais pas d'analyser les autres secteurs, ce qui s'est passer autrefois. Ma question est que tandis que vous procédez à des modifications, tandis que vous améliorez génétiquement les hybrides, la science est-elle tout à fait à même d'évaluer ou de comprendre les répercussions des virus et des maladies hybrides qui pourraient apparaître en parallèle? Est-ce une inquiétude que l'on peut à juste titre avoir?
M. Bill Cheliak: Certainement; cela ne fait aucun doute. Oui, nous pouvons reconnaître cela et nous avons des contrôles en place pour évaluer les choses sous l'angle de la sécurité.
Le président: Merci, monsieur Bonwick.
Monsieur Proctor, vous avez cinq minutes.
M. Dick Proctor (Palliser, NPD): Merci beaucoup, monsieur le président. Bonjour.
Malgré toutes les choses excitantes que vous nous racontez, il semble qu'il y ait de moins en moins de rapport entre vous et les consommateurs sur le sujet. Nous en voyons de nombreuses preuves. Que fait l'industrie pour surmonter cette réticence des consommateurs à l'égard des produits génétiquement modifiés?
M. Paul Arnison: Je dirais que les inquiétudes qui ont été exprimées récemment en Europe et ailleurs, et maintenant au Canada, ont progressé peut-être un peu plus rapidement que l'industrie n'était prête à présenter la documentation voulue. Mais la réponse à votre question est que nous devons éduquer et des efforts sont faits, comme l'a dit Jeff, par diverses organisations biotechnologiques, par des groupes universitaires et par des gens qui font des articles sérieux dans les journaux. Le National Post, par exemple, a présenté diverses opinions.
Le problème vient en partie de ce que des journalistes peu scrupuleux ont déclaré diverses choses pour faire du sensationnalisme avec ces problèmes, pour diverses raisons, afin d'alarmer la population. L'industrie essaie de présenter les faits, il y a plusieurs tribunes qui permettent de le faire.
La conférence que le gouvernement et nous organisons en est une et c'est d'ailleurs dans cette optique que nous l'avons prévue. La conférence sur la culture moléculaire est un véhicule excellent pour révéler au grand public ces technologies, pour permettre à ceux qui représentent les deux points de vue, c'est-à-dire ceux qui ont des inquiétudes et ceux qui veulent promouvoir l'industrie, de rencontrer les chefs de file du secteur pour leur poser des questions et obtenir l'information présentée et transmise impartialement, comme vous le faites aujourd'hui.
M. Dick Proctor: Cette conférence de London est donc organisée conjointement par le gouvernement et l'industrie?
M. Paul Arnison: Non, ce sont les services d'Agriculture Canada de London qui accueillent la conférence. La participation de l'industrie se fait sous forme de cadeaux divers, comme le font la plupart des entreprises pour diverses conférences; elles offrent de petites sommes d'argent pour contribuer au programme, mais la conférence est organisée par le gouvernement.
M. Dick Proctor: À ce propos cependant, il me semble qu'en Europe, par exemple, où l'on a peut-être davantage discuté des organismes génétiquement modifiés que sur notre continent, la résistance augmente au lieu de diminuer, même au vu de l'information factuelle qu'offre les scientifiques, ceux qui prennent part à cette entreprise.
M. Bill Cheliak: Nous avons passé pas mal de temps en Europe récemment et je crois que nous avons entendu ce que pensent une minorité très bruyante et non la majorité de la population. Au Royaume-Uni en particulier, c'est un débat très braillard qui ne montre qu'un côté de la médaille. Je crois que c'est très regrettable pour n'importe quel pays.
J'encourage le comité à envisager en fait de lancer un débat éthique, un débat vraiment ciblé et éthique avec des experts reconnus du domaine, qu'il s'agisse de spécialistes de l'éthique ou des problèmes sociétaux, ou des scientifiques, pour discuter en fait de ces points et de ces questions. Le fait d'avoir l'opinion d'un côté seulement, quel qu'il soit, qu'il s'agisse des défenseurs acharnés de l'industrie ou des détracteurs acharnés de la technologie, n'est sain pour personne. À mon avis donc, l'une des meilleures choses que d'on puisse faire serait de lancer un véritable débat qui permette de faire progresser le dossier et d'exprimer les inquiétudes non seulement des consommateurs, mais également des éthiciens et des scientifiques.
M. Dick Proctor: Il me reste une dernière question seulement, monsieur Harvard.
Je crois que vous avez dit tous les trois qu'on allait faire des économies de coût énormes avec la culture moléculaire. Comment peut-on garantir aux consommateurs, ou dans quelle mesure peut-on leur offrir des garanties, que toutes ces économies vont en fait leur être transférées?
Car M. Turner a déjà indiqué qu'en tant que fondateur de Nexia, il s'inquiète des résultats financiers de l'entreprise. Monsieur Turner, avez-vous beaucoup de concurrents dans votre domaine qui vont faire en sorte que le prix va rester concurrentiel ou êtes-vous le seul...?
M. Jeffrey Turner: Dans ce domaine particulier, dans le domaine pharmaceutique, comme vous le savez, il y a tout un ensemble de règlements au Canada qui régissent le prix de ces types de médicaments. Nous sommes une entreprise qui fait du développement de produits. Nous produisons la marchandise en vrac. Nous ne la commercialisons pas. Il n'y a aucune garantie que cette technologie ou les avantages qu'elle présente soient transmis au public. C'est en partie notre travail commun, notre travail et votre travail en même temps, de faire en sorte que les garanties et les avantages de cette technologie aillent à tous les Canadiens et à toutes les personnes qui souffrent dans le monde.
En ce qui concerne les biomatériaux à haute performance, c'est le même genre de choses. Nous allons vendre ces matériaux à des groupes un peu partout dans le monde et cela va certainement profiter à notre entreprise et à tous les gens qui travaillent avec nous, ainsi qu'aux diverses sphères de compétences auxquelles nous payons de l'impôt.
Le président: Merci.
Monsieur Borotsik.
M. Rick Borotsik (Brandon—Souris, PC): Merci, monsieur le président. Ça fait beaucoup de choses à digérer d'un coup. Peut- être d'ailleurs que le terme de «digérer» n'est pas indiqué en l'occurrence.
Tout d'abord, sur le sujet de la minorité bruyante dont Dick a parlé, la réalité veut qu'il y ait une minorité bruyante qui réussit en fait à avoir des répercussions assez incroyables sur l'industrie. On pourrait donner comme exemple un peu ridicule celui de l'industrie du phoque de Terre-Neuve, où une minorité très bruyante a finalement fait qu'un écosystème connaisse de très graves problèmes.
Le fait est que cette minorité bruyante existe aussi en ce qui concerne la biotechnologie et les OGM et toutes ces choses extraordinaires dont vous nous avez parlé tous les trois, messieurs. Soit dit en passant, ceux qui sont assis autour de cette table sont en général tout à fait favorables à ce qui se passe au Canada dans le domaine de l'industrie biotechnologique, mais la réalité veut qu'il y ait des gens qui assènent toutes sortes d'informations fausses, un assez grand nombre d'informations, et il me semble qu'il n'y ait personne pour essayer de les contrer.
Il a été question d'une organisation de l'industrie de la biotechnologie. Je n'en ai jamais entendu parler. Bien franchement, il y a toutes sortes d'autres organismes dont j'entends parler qui vont me donner des informations fausses. Que peut faire l'industrie? En fait, monsieur Turner, vous avez dit que l'industrie ne pouvait pas agir seule. Quelle est la réponse? Nous ne pouvons pas nous permettre de perdre ce que nous avons actuellement au Canada et qui représente un progrès très important de l'économie scientifique. Que peut faire le gouvernement en ce moment précis pour être utile à cet égard, monsieur Turner?
M. Jeffrey Turner: En bref, une société technique inculte constitue un handicap lorsqu'il s'agit de ces questions. Il faut être informé. On peut prendre des décisions en connaissance de cause si on a entendu toutes les parties concernées et si on a reçu la formation voulue dans le système scolaire.
M. Rick Borotsik: Pouvez-vous préciser? Vous parlez de société inculte... pas inculte, je regrette, mais vous avez raison.
M. Jeffrey Turner: Non, je veux dire...
M. Rick Borotsik: Vous avez raison. Il y a beaucoup trop de gens qui ne comprennent pas ce dont vous parlez et sans doute même la plupart des gens qui sont assis autour de cette table en ce moment. Qu'est-ce que...?
• 1015
Je regarde les gens d'en face. J'essaie de prendre le sujet au
sérieux. Il nous faut mettre en place un processus d'éducation pour
que le public comprenne que ce n'est pas le Frankenstein de l'avenir;
que ce sont en fait les radios du passé, les vaccins du passé. Comment
faire? Suggérez-vous que cela se fasse par le système d'éducation?
M. Jeffrey Turner: Vous avez posé deux questions. Premièrement, je crois qu'il est essentiel d'avoir une société qui connaisse les questions techniques pour que l'on puisse aller de l'avant au cours du prochain millénaire. Deuxièmement, cela se fait déjà. J'ai trois enfants et mon fils qui est en deuxième année du secondaire sait ce que c'est que l'ADN; il est au courant de toutes ces choses. Il est en fait très important que la toute nouvelle génération soit au courant de choses comme la biotechnologie, l'informatique, etc. et on est en train de la former. Il faut continuer à financer ce secteur pour que les décideurs de l'avenir, ceux qui seront assis autour de cette table dans 20 ans, soient en fait beaucoup mieux formés que nous tous.
M. Rick Borotsik: Malheureusement, monsieur Turner, nous avons à faire face à une société qui n'a pas cet avantage. Et ce sont les gens qui la constituent qui vont entendre ces informations fausses. Je ne pense pas que nous puissions nous permettre d'attendre une génération, c'est-à-dire que cette toute nouvelle génération arrive avec l'information voulue. Dans l'intervalle, nous ne pouvons pas nous mettre la tête dans le sable. Nous savons que nous sommes attaqués sur plusieurs fronts; le canola est un exemple tout à fait évident de ce qui se produit, et cela est arrivé tout récemment, lorsque des informations fausses sont lancées.
De quelle utilité le gouvernement peut-il être? Vous avez dit que l'industrie ne pouvait pas agir seule. Y a-t-il quelque chose que nous puissions faire? Devrait-il y avoir un centre d'échange pour l'information? Vous avez parlé de ce panel, de cette discussion entre les scientifiques de tout bord. Est-ce suffisant? Est-ce que cela suffit pour que le public en entende parler actuellement? Ou est-ce que les alarmistes dont M. Hilstrom a parlé sont les seuls qui vont se faire entendre?
M. Bill Cheliak: Il est certainement plus facile de semer l'alarme et de tirer profit de la peur de l'inconnu de chacun. Mais sans débat ouvert où toutes les parties ont des chances égales de prendre part à la discussion, et les scientifiques... Vous savez, je suis un scientifique et sans doute 80 p. 100 des personnes qui sont ici n'ont pas compris ce dont je parlais. C'est un véritable problème.
M. Rick Borotsik: Les seuls qui ont compris sont sans doute les trois qui sont à ce bout de la table, ça je puis vous le garantir.
M. Bill Cheliak: C'est comme la reine Isabelle qui disait: «Je n'ai pas compris et je ne comprends même pas ceux qui comprennent.» Mais il faut qu'il y ait un moyen d'instaurer un débat beaucoup plus ouvert. Nous avons évidemment une discussion très partiale dans notre pays qui n'est bonne pour personne. Et que cela se passe au Canada ou plus généralement en Amérique du Nord, ou particulièrement au Royaume-Uni, il est clair que c'est un problème. Il y a là un rôle que peuvent jouer les gouvernements: encourager la discussion, une discussion ouverte entre toutes les parties intéressées car il ne s'agit pas de donner la préférence à l'une d'elles dans ce débat, mais il faut encourager cette discussion car elle doit avoir lieu.
J'aurais bien aimé avoir la possibilité qu'a eue M. Suzuki la semaine dernière, c'est-à-dire disposer de huit heures d'antenne pour les consacrer précisément aux questions de biotechnologie.
Le président: Je tiens à rappeler aux membres du comité, et plus particulièrement peut-être à M. Borotsik, que notre comité a fait une recommandation il y a exactement un an sur la question de la divulgation de l'information et de la meilleure information du public. Le comité a fait la recommandation suivante, je la cite à l'intention des témoins:
-
Le comité recommande qu'un centre d'échange indépendant soit créé
pour l'information concernant les nouveaux produits de la
biotechnologie agricole.
La semaine dernière, nous avons eu une réponse du gouvernement car la recommandation est allée au gouvernement et la réponse indique entre autres:
-
Le gouvernement appuie l'idée d'améliorer et de mieux coordonner
les sources d'information fiables. La structure et la faisabilité
d'un centre d'échange de l'information indépendant seront étudiées
dans le cadre des efforts généraux de communication qui seront
faits avec la nouvelle stratégie canadienne pour la biotechnologie.
M. Rick Borotsik: J'invoque le Règlement. Je connaissais cela parfaitement. En fait, je l'ai ici. Ce que je voulais, c'était l'entendre de la part de l'industrie, et ce n'est pas ce que j'ai entendu, monsieur le président, malheureusement.
M. Bill Cheliak: Monsieur le président, le Comité consultatif canadien sur la biotechnologie, qui relève du portefeuille de M. Manley, est en ce moment précis en train de solliciter ses membres et il pourrait fort bien constituer l'endroit indiqué pour une telle discussion ou l'instance à qui confier une telle tâche.
Le président: Merci.
Monsieur Calder, cinq minutes.
M. Murray Calder: Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais en fait parler de l'aspect éducation. Étant donné notre situation démographique actuelle... En dehors de mon mandat de député, tout comme Howard, je suis agriculteur et le grand public voit encore maintenant l'agriculteur comme un bon vieux portant salopette et chapeau de paille et mâchant un brin de paille.
Une voix: Où est votre chapeau?
M. Murray Calder: Je l'ai laissé à la maison il y a 45 ans.
Par ailleurs, ce n'est qu'un peu plus de 2 p. 100 la population qui se livre à l'agriculture et sur ces 2 p. 100, un peu plus d'un demi pour cent assure 75 p. 100 de la production. En gros, en ce qui concerne l'aspect éducation, cela veut dire que nous avons un petit peu plus de 99 p. 100 de la population qui n'a rien à voir avec ce dont nous parlons ici aujourd'hui.
Je vais maintenant vous parler de certaines choses que j'ai lues. Vous parlez de clonage, d'ADN identique. Paul, j'imagine que le citoyen moyen, l'homme de la rue ne saurait certainement pas ce que représente le motif de votre cravate en dehors du fait que c'est un dessin très compliqué. On parle de constitutions génétiques, de gènes d'araignée, de gènes de produit, d'animaux transgéniques, d'organismes génétiquement modifiés, et le grand public voit ça comme une pollution génétique et une alimentation à la Frankenstein. Voilà ce qu'il voit. Ce dont on parle en fait, c'est de la guerre des étoiles à la ferme.
Ceci étant, quel genre de structure d'enseignement mettriez- vous en place—car c'est de cela qu'il s'agit, nous voulons faire une recommandation au gouvernement—pour faire comprendre à 99 p. 100 de la population que nous avons vraiment besoin de cela, étant donné que d'ici 2050, nous serons 10 milliards de personnes sur la terre et qu'il nous faudra multiplier par deux et demi notre production? Il nous faudra y parvenir dans les 50 et quelques prochaines années.
Comment éduquer le public chez nous? Et ensuite comment procéder lorsque ce sera fait? Car il faudra agir sur deux fronts, et aussi éduquer la population à l'échelle internationale, car nous faisons face à des différends commerciaux avec l'UE et les États- Unis dans le cadre de l'OMC.
Il s'agit donc d'un problème énorme que celui dont nous parlons. Comment l'industrie, comment vous en tant que représentants de l'industrie—car cela vous touche—comment devons- nous résoudre le problème?
M. Paul Arnison: Je dirais tout d'abord que ce qui est évident d'après ce qui s'est passé récemment du fait de cette attaque de la biotechnologie... Il est clair que les moyens conventionnels, la télévision et la radio, sont sans doute les véhicules d'où la plus grande partie du public canadien tire son information, et dans une moindre mesure sans doute il y a aussi la lecture des journaux. Ce qu'il nous faut, c'est un système juste, qui donne des chances égales et un accès égal à tous. Comme nous l'avons dit, nous adorerions disposer de huit heures d'antenne à Radio-Canada pour regrouper des représentants de l'industrie et des universités afin de pouvoir prendre la parole pour éduquer la population s'agissant de la biotechnologie et disposer ainsi d'une tribune qui représente un point de vue équilibré.
L'un des problèmes que nous avons en tant que représentants de l'industrie, c'est que le grand public est parfois suspicieux à l'égard de certaines personnes. L'industrie elle-même est souvent considérée avec suspicion. Ce qu'il nous faut, ce sont des agriculteurs, des gens qui vivent sur la terre, des gens qui connaissent les avantages de ces produits. Nous avons besoin de ces types d'organisations, d'organisations qui pourraient être prêtes également à participer à des programmes d'éducation.
Il faut que le milieu universitaire participe davantage au Canada. Il faut que les universitaires quittent l'université pour venir à la radio. Les seuls qui semblent se faire entendre, dans le milieu universitaire, sont les détracteurs. Nous n'entendons pas beaucoup de choses de la part de ceux qui font la recherche fondamentale qui sous-tend la biotechnologie.
M. Murray Calder: Mais le problème que nous avons maintenant, c'est que les 99 et quelques pour cent de la population ne font pas tout à fait confiance au demi pour cent qui s'en occupe effectivement. J'imagine donc qu'il va falloir aussi intégrer à cette structure d'éducation une association de consommateurs, car ils représentent les 99 p. 100 en question. Comment les intégrer?
M. Paul Arnison: Il faut aussi les inviter à participer et ils doivent être éduqués pour ne pas répondre uniquement aux alarmes eux aussi, car ils y sont sensibles.
M. Murray Calder: La BST est un très bel exemple. C'est une expérience que j'ai vécue au cours de la première législature du gouvernement. En fait, si vous prenez Monsanto, par exemple, ses responsables s'occupent des résultats au lieu d'essayer de voir quelle va être la réaction du consommateur. Ce n'est pas uniquement que les consommateurs résistent à cela, mais aussi que cela allait avoir des ramifications importantes pour l'industrie laitière également par la même occasion car les producteurs laitiers n'auraient pas pu vendre leur produit parce que le consommateur ne l'aurait pas jugé sûr.
C'est donc là que réside le problème, dans l'éducation. Comment faire participer les consommateurs dans une telle situation?
M. Jeffrey Turner: Ce que vous dites est tout à fait vrai, si les consommateurs n'achètent pas le produit, on cessera de le fabriquer. Je crois que c'est très important. À mon avis, si la BST n'est pas tout à fait bienvenue au Canada, c'est parce que le consommateur n'en tire aucun profit.
Vous avez dit plus tôt que le grand public manque de connaissances et a peur. Le public sait-il en général que toutes les pommes McIntosh qui ont été consommées dans l'histoire canadienne viennent d'un arbre qui a été cloné pendant de très nombreuses années? Les pommes McIntosh ont donc été obtenues grâce à la technologie du clonage et le public ne s'en inquiète pas; tout le monde mange des pommes. Il est très difficile de simplement éduquer la population et je crois que votre idée des groupes de consommateurs est très importante en raison des attributs de la technologie. C'est ce dont il nous faudra nous occuper.
Le président: Votre temps de parole est épuisé.
Monsieur Arnison, vous avez parlé des détracteurs. Vous avez dit que vous voyez toujours les détracteurs à la télévision mais jamais les défenseurs. Je croyais que c'était une chose qui n'arrivait qu'aux politiciens. Je sais que chaque fois que je regarde la télévision, ce sont toujours les autres qui ont l'antenne.
Monsieur Hilstrom.
M. Howard Hilstrom: Merci, monsieur le président.
Je vais vous aider un peu messieurs, et toute l'industrie aussi, car plus tard au cours de la journée, on va écrire une lettre à Radio-Canada pour l'encourager à préparer une émission de télévision. Si vous n'arrivez pas à obtenir huit heures, vous en aurez peut-être au moins quatre ou cinq, en tout cas le maximum que nous pourrons obtenir. Je vais essayer de vous aider à faire pression sur notre ministre de la Culture et du Patrimoine pour faire en sorte que cela se produise. Je crois que c'est assez important pour justifier une telle chose.
Lorsqu'on a parlé de la STbr, il était scientifiquement prouvé qu'elle ne présentait aucun problème et nous avons en effet reçu les professeurs de l'Université de Guelph qui nous l'ont dit à la dernière réunion du comité. Mais dans le cas de l'industrie laitière, il semble que ce soit des questions d'ordre commercial qui importent.
L'industrie laitière nous a dit que les importations de lait nature des États-Unis sont utilisées au maximum du fait que les consommateurs canadiens passent la frontière avec ce lait. Si les consommateurs canadiens sont si inquiets de la STbr, pourquoi vont- ils chercher ce lait de l'autre côté de la frontière, aux États- Unis, faisant ainsi que l'on atteint le maximum du quota? C'est le genre de discours politique que l'on nous tient au Canada, et il concerne en fait davantage le commerce que la science proprement dite. C'est certainement à cela qu'il nous faut riposter.
Pour l'aspect politique de la question, c'est certainement ce que nous devons faire en tant que politiciens. Nous avons vu une attaque massive contre l'AMI qui n'était certainement pas fondée sur des motifs raisonnables, et la question n'a certainement pas été suffisamment débattue. On a parlé du problème de la BST.
Ma question va donc encore une fois porter sur l'aspect technique. Dans les discussions de la dernière semaine à peu près, il a été question des brevets—de ce que l'on peut breveter et de ce que l'on ne peut pas breveter. On a dit que si l'on créait quelque chose de nouveau, ou que l'on procédait à une combinaison nouvelle de quelque chose qui existe déjà, on ne pouvait pas breveter la chose en question. Puis il a été question de breveter l'identification d'un gène humain. Devrait-on autoriser une entreprise à breveter un gène humain qui existe déjà lorsqu'il s'agit simplement de l'identifier grâce à la technologie? Pourriez- vous parler un peu des brevets?
M. Paul Arnison: Certainement. C'est l'un des sujets sur lesquels on nous demande des conseils. Pour répondre à votre question générale, toute composition de matière ou toute invention qui répond aux critères des brevets et constitue une invention devrait être brevetée et il n'y a pas de raison que les gènes humains ou les autres gènes, par exemple, soient exclus. Il n'y a aucune raison à cela.
À l'heure actuelle, au Canada, il n'est pas possible d'obtenir des brevets pour les formes de vie elles-mêmes, en dehors des micro-organismes, alors que les autres pays industrialisés vous autorisent à obtenir un brevet pour une plante génétiquement modifiée, par exemple, ou même pour un animal génétiquement modifié. C'est un débat qui continue au sein du système de délivrance des brevets.
M. Howard Hilstrom: Votre industrie a-t-elle eu la chance de faire connaître son point de vue sur les questions de commerce mondial au gouvernement tandis qu'il s'occupe de mettre au point sa position de négociation pour les discussions commerciales imminentes? Avez-vous participé à cette opération, monsieur Arnison?
M. Paul Arnison: Je n'y ai pas participé directement, mais des gens que je connais l'ont fait...
M. Howard Hilstrom: L'industrie prend donc part au débat, si peu cela soit-il, et ce n'est pas si peu que de représenter cent millions ou je ne sais trop combien.
M. Paul Arnison: Oui, elle participe.
• 1030
Pour revenir aux brevets, il y a les questions de ce que l'on
appelle la liberté d'entreprise. Pour certaines inventions, il est
possible d'obtenir un brevet. Comme vous le savez, les brevets
garantissent à l'inventeur une certaine protection et ils stimulent
en gros le commerce et l'industrie, parce qu'ils permettent à une
organisation d'avoir un certain temps pour promouvoir et développer
son produit. Les brevets sont donc tout à fait essentiels et très
importants pour les industries axées sur la technologie; ils sont
même indispensables.
M. Howard Hilstrom: Le milieu scientifique canadien est-il dans une position concurrentielle et est-il aussi avancé que tous les autres milieux scientifiques du monde? Quel serait le plus gros obstacle qui pourrait empêcher actuellement notre communauté scientifique de conserver cette position dans le monde scientifique?
M. Paul Arnison: Je crois que le plus gros obstacle est de ne pas permettre à ces technologies d'être protégées dans notre propre pays et de ne pas permettre aux Canadiens d'être concurrentiels.
Le président: J'allais clore le débat avec une question sur les brevets, mais peut-être serait-il indiqué que je la pose maintenant avant de passer la parole à Mme Ur.
Les compagnies pharmaceutiques, monsieur Arnison, ont droit à une protection de 20 ans grâce aux brevets. La biotechnologie bénéficie-t-elle de cette même protection de 20 ans?
M. Paul Arnison: Non. Le temps dont vous disposez dépend dans une certaine mesure du moment où l'invention a été signalée, mais il s'agit de 17 ans.
M. Jeffrey Turner: Dans la réalité, les produits en question sont dépassés au bout d'un certain temps. La période de 17 ans dans le domaine biotechnologique correspond donc à une durée de vie.
Le président: Mais en même temps, monsieur Turner, avec ce genre de protection, peut-on obtenir les coûts faibles dont vous ou vos collègues avez parlé? Lorsqu'on pense à la protection de 20 ans que permet un brevet pour les produits pharmaceutiques et les prix qui sont appliqués, on ne nous fait pas vraiment faire des affaires pour la plupart des médicaments. Qu'en serait-il des nouveaux produits de la biotechnologie?
M. Jeffrey Turner: La même chose. Qu'un produit donné comme l'insuline soit fabriqué de façon conventionnelle ou grâce à la biotechnologie, c'est le même médicament et il est normal qu'il soit traité de la même façon.
Le président: Madame Ur.
M. Howard Hilstrom: Monsieur le président, me permettez-vous d'interrompre? Vous avez dit qu'à 10 h 30 nous allions nous occuper de cette motion.
Le président: J'essayais de glisser autres minutes de questions.
M. Howard Hilstrom: Tant qu'on a le temps.
Le président: Oui.
Ce n'est pas à Mme Ur, mais à M. McGuire. Il nous reste quatre personnes. Nous devrions terminer à 10 h 40. Nous avons M. McGuire, Mme Ur, M. Murray et M. McCormick. Je ne sais trop que dire. Faites comme vous voudrez.
Monsieur McGuire, puis Mme Ur.
M. Joe McGuire (Egmont, Lib.): Ma question est très brève.
Dans le Calgary Herald d'aujourd'hui, on dit que les animaux clonés risquent beaucoup plus de souffrir d'anomalies extrêmes et fatales que ceux qui ont deux parents. On citait dans l'article en question un scientifique de l'Oregon. Cette déclaration est-elle exacte?
M. Paul Arnison: Vous avez dit qu'un animal cloné risquait davantage de souffrir...
M. Joe McGuire: Ils risquent davantage de souffrir d'anomalies extrêmes et fatales. On pense que cela est dû au processus des empreintes.
M. Paul Arnison: Non. C'est tout simplement faux.
M. Joe McGuire: C'est tout simplement faux. Pouvez-vous préciser?
M. Paul Arnison: Un animal cloné est la copie conforme d'un autre animal et il est donc identique sur le plan génétique. S'il se trouve que l'autre animal est un hybride de deux parents, tous les clones sont des hybrides des deux mêmes parents. Ils sont tout simplement génétiquement identiques, un point c'est tout. Il s'agit uniquement de faire davantage d'animaux qui sont identiques. Ces animaux ne seront absolument pas différents de l'animal original. Si l'animal original avait un problème quelconque, alors, les clones auront le même problème. Mais si l'animal original allait tout à fait bien, il n'y a aucune raison que le processus de clonage change quoi que ce soit à ces animaux.
M. Joe McGuire: Pour les plantes génétiquement modifiées et le pollen qui provient de ces plantes, est-il possible qu'il y ait contamination d'autres plantes par la pollinisation croisée?
M. Paul Arnison: Oui. Il est possible de transférer des gènes aux espèces compatibles ou aux espèces semblables, mais il y a une chose que le grand public ne sait peut-être pas, c'est que l'industrie, les scientifiques et les autres personnes qui s'occupent de ce type de recherche connaissent ces problèmes. Et il y a de nombreuses technologies qui sont en cours de développement maintenant au niveau moléculaire qui vont en gros éliminer ces problèmes dans les prochaines années. Les plantes qui seront alors cultivées dans les champs seront circonscrites génétiquement et elles n'auront plus la capacité de faire de la pollinisation croisée avec d'autres plantes.
M. Joe McGuire: Mais à l'heure actuelle elles le peuvent.
M. Paul Arnison: À l'heure actuelle oui, mais il n'y a pas de danger particulier à ce que cela se fasse.
Le président: Madame Ur.
Mme Rose-Marie Ur (Lambton—Kent—Middlesex, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je lisais un peu l'information qui a été distribuée avant la réunion et quelqu'un de Santé Canada a dit que nous avons environ 100 chercheurs, techniciens et évaluateurs qui étudient à peu près une dizaine de demandes concernant de nouveaux aliments chaque année. On ne pense pas que le nombre de ces personnes va augmenter alors que le gouvernement compte 3 500 employés pour les tests et les homologations pharmaceutiques. Il est clair que ce n'est pas une très grande priorité. Pourquoi y a-t-il une telle différence d'effectif? Est-ce parce que la biotechnologie est nouvelle et en pleine évolution?
M. Paul Arnison: C'est parce qu'elle est relativement nouvelle et en pleine évolution. Je suis sûr que le gouvernement mettra le personnel voulu en place lorsque les produits se présenteront.
Mme Rose-Marie Ur: Contrairement aux autres pays, le Canada n'a pas de politique particulière pour le clonage. Est-ce parce que c'est nouveau au Canada?
M. Paul Arnison: Je doute que ce soit parce que c'est nouveau au Canada. Si nous n'avons pas de politique pour le clonage, c'est parce qu'elle n'a pas encore été proposée.
M. Bill Cheliak: Quels autres pays ont des politiques pour le clonage?
Mme Rose-Marie Ur: Je ne sais pas, je lisais simplement l'information qui nous a été distribuée. On dit: «Contrairement aux autres pays qui ont des politiques particulières pour le clonage, le Canada n'en a pas.» Ailleurs on dit: «Il n'existe pas encore de loi canadienne contre le clonage humain? Non. Le mieux que l'on puisse faire, c'est un moratoire volontaire pour cette opération.» Il me semble que c'est un peu léger comparé aux autres pays.
M. Bill Cheliak: Il s'agit donc précisément du clonage des humains. J'imagine que la législation n'a simplement pas été rédigée dans ce sens.
Je ne connais pas d'autres pays qui aient une législation précise concernant le clonage, si c'est ainsi que vous voulez l'appeler, en dehors des moratoires volontaires.
Mme Rose-Marie Ur: Dans un autre article que j'ai lu, on dit:
-
Malgré ce que vous avez peut-être entendu, ce n'est pas de la
nécessité que naît l'invention, mais de la possibilité. La
technologie se développe dans des directions imprévisibles en
fonction de ce que l'on peut faire et non de ce que l'on devrait
faire. Il y a ainsi des scientifiques canadiens qui font des clones
de chèvres. C'est certainement une découverte, mais personne ne
sait à quoi elle va mener.
Dans un autre article, on dit que peu importe ce que l'on fait avec la biotechnologie, «... le génie génétique ne contribuera pas de façon importante à résoudre les deux gros problèmes que pose la production alimentaire future: comment réduire son incidence énorme et croissante sur l'environnement et comment arriver à un système de distribution qui permette à tous les gens de la terre de se nourrir.» Nous avons actuellement 800 millions de personnes qui ont faim, malgré la surproduction mondiale d'aliments. C'est pourquoi nous sommes ici à ce Comité de l'agriculture.
En un mot comme en mille, pourquoi faisons-nous cela?
M. Jeffrey Turner: Je peux proposer une réponse très brève. L'araignée n'a pas à aller forer des puits de pétrole au large de la côte est du Canada pour faire sa toile, et en utilisant la biotechnologie, on devrait réduire de beaucoup les empreintes que l'on laisse pour de nombreux produits.
Mme Rose-Marie Ur: C'est une chose... Certains d'entre vous ont comparé la radio et le four à micro-ondes aux aliments. C'est comparer deux choses qui ne peuvent l'être. Vous pourrez peut-être vendre de la soie d'araignée, mais ce n'est pas tout à fait la même chose que de vendre quelque chose que vous allez consommer vous- même. Je pense donc que c'était un peu désinvolte de comparer ces deux choses. Vous vous exposez à des oppositions en faisant ce genre de comparaisons.
M. Jeffrey Turner: Non, ma comparaison venait du fait que vous avez mentionné diverses questions environnementales qui étaient liées à la fabrication—aux pratiques agricoles. Je disais simplement que l'on essayait de s'orienter vers quelque chose qui allait être durable sur le plan environnemental.
Mme Rose-Marie Ur: Mais vous vous êtes servi de l'approche de la soie de l'araignée, par exemple, qui n'est pas un produit que l'on consomme, pour gagner la confiance du consommateur et passer ensuite à d'autres aspects. Je l'ai déjà dit auparavant, lorsque nous avons eu des réunions sur la biotechnologie: on parle de produits non alimentaires pour montrer aux consommateurs que cela se produit et que c'est bénéfique.
M. Paul Arnison: Vous avez sans doute raison de dire qu'à l'heure actuelle ce sont des facteurs politiques qui l'emportent sans doute sur d'autres facteurs lorsqu'il s'agit de savoir qui va recevoir la nourriture qui lui est nécessaire dans notre monde. Nous avons certainement la possibilité de fournir davantage d'aliments que ceux qui arrivent à ceux qui en ont besoin. Mais les produits de la biotechnologie vont être des produits améliorés qui permettront au Canada d'être plus concurrentiel sur le marché à l'avenir et qui seront utiles en définitive. Ainsi, dire qu'ils n'auront pas de répercussion sur l'alimentation est simplement faux.
Le président: Merci.
Je prie les autres membres du comité de m'excuser. Il nous faut passer à autre chose. Nous devons nous occuper de cette motion et nous n'avons tout simplement pas le temps de le faire.
Je tiens à remercier MM. Arnison, Turner et Cheliak d'être venus. Je crois que vous nous avez dévidé une histoire intéressante aujourd'hui. Je suis sûr que nous en entendrons bien davantage parler à l'avenir. Merci d'être venus.
La salle est réservée à un autre comité à 11 heures; il ne nous reste donc pas beaucoup de temps. Mais il y a deux des motions dont nous n'avons pas à nous occuper. À titre d'information, nous nous occuperons des motions de Mme Alarie—et c'est là un avis de motion—jeudi. Merci, madame Alarie.
Nous allons maintenant nous occuper de la motion de M. Hilstrom. Nous allons lui donner l'occasion de nous expliquer pourquoi il la propose et nous verrons ensuite quel sort nous lui réservons.
M. Howard Hilstrom: Merci, monsieur le président.
Avant la dernière législature, le ministre de l'Agriculture et le ministre responsable de la Commission canadienne du blé étaient la même personne. De ce fait, nous avons toujours eu l'occasion de lui poser des questions sur divers sujets. Les deux sont maintenant dissociés et nous n'avons pas eu l'occasion de faire venir le ministre des Ressources naturelles et le ministre chargé de la Commission canadienne du blé.
Il est clair que le ministre des Ressources naturelles et la Commission canadienne du blé constituent un joueur très important en ce qui concerne le revenu de tous les agriculteurs canadiens. Le programme ACRA ne fonctionne pas aussi bien que prévu et il va aussi en être question, c'est-à-dire qu'il s'agira encore une fois du revenu, des agriculteurs et de la Commission canadienne du blé.
Les coopératives de la nouvelle génération sont une autre question d'actualité. Nous voyons la Commission canadienne du blé et les entreprises essayer de lancer ces coopératives de la nouvelle génération sans vraiment s'entendre sur ce qui se produit. Notre comité doit comprendre tout ce qui est à l'origine de cela car les problèmes vont se multiplier à la longue.
Une entreprise d'éthanol qui vient de l'Ontario veut se lancer dans la production du blé dans les Prairies pour construire une usine d'éthanol.
Voilà donc les raisons de ma motion et il y a aussi le fait que l'agriculture dans l'ouest du Canada se bat depuis de nombreuses années sur la question de la confiance que les agriculteurs ont dans la Commission canadienne du blé. Certains ont une confiance aveugle et il n'y a dans ce cas aucun problème. Mais il y en a d'autres qui viennent du Missouri et qui veulent avoir l'occasion de discuter en toute indépendance avec le ministre. Ils veulent lui poser des questions qui permettraient d'augmenter cette confiance des agriculteurs lorsqu'ils auront les réponses.
• 1045
Monsieur le président, voilà les raisons qui font que nous devrions
demander au ministre des Ressources naturelles et à la Commission
canadienne du blé de comparaître. C'est essentiel pour défendre les
intérêts des agriculteurs et il est important qu'on puisse discuter
avec leurs représentants en ce moment crucial avant que la Chambre ne
reprenne ses séances et que le débat sur le revenu ne continue.
Merci, monsieur le président.
Le président: J'aimerais dire quelques petites choses en ma qualité de président et je donnerais ensuite la parole aux membres du comité.
Tout d'abord, M. Hilstrom a mentionné plusieurs questions qui concernent le ministre des Ressources naturelles, questions qui dépassent la portée de celles qui sont mentionnées dans la motion.
Monsieur Hilstrom, si le Comité des ressources naturelles souhaite faire venir M. Goodale pour lui parler de ces problèmes, c'est certainement son droit.
En ce qui concerne votre motion, j'ai pris la liberté, la semaine dernière, de parler à la Commission du blé. Elle serait très heureuse de comparaître pour vous expliquer sa version de l'histoire.
Il ne faut pas oublier que Prairie Pasta a déjà demandé cet exemption à la Commission du blé. De nombreuses discussions ont déjà eu lieu entre les deux parties mais rien n'a été résolu. Je comprends donc pourquoi les représentants de Prairie Pasta ne sont pas heureux, du moins jusqu'ici, de la décision de la Commission du blé.
Il ne faut pas non plus oublier que la Commission du blé est un organisme qui appartient aux agriculteurs. Ce sont maintenant eux qui gèrent la commission. Et ce sont les agriculteurs qui devront décider s'ils doivent ou non rendre les règles moins strictes pour pouvoir accorder l'exemption souhaitée par Prairie Pasta.
Monsieur McCormick.
M. Larry McCormick (Hastings—Frontenac—Lennox and Addington, Lib.): Merci, monsieur le président.
Cette proposition mérite certainement qu'on l'étudie. Je ne suis pas d'accord avec le président lorsqu'il s'agit de demander au ministre chargé de la Commission canadienne du blé de comparaître. Je ne crois pas que nous devions le faire pour l'instant, monsieur le président, car cela se passe entre la Commission du blé et les Prairie Pasta Producers, comme vous le dites.
Je n'ai rien contre le ministre. Je dis que le ministre devrait comparaître devant nous à l'avenir, mais pas dans ce cadre. Je suggérerais donc que l'on fasse venir le ministre à une date ultérieure; il peut bien sûr comparaître devant le Comité des ressources naturelles. Mais je crois que nous pouvons lui demander de venir plus tard à titre de ministre chargé de la responsabilité spéciale de la Commission du blé.
Si cela se passe entre la Commission canadienne du blé et les producteurs de pâtes, il faut que cela reste ainsi. Je crois que je pourrais appuyer cette motion si on s'en tenait à ces deux organismes. On ne peut pas faire venir tous les groupes qui souhaitent comparaître. C'est ce qui se passe avec la proposition dont nous sommes saisis aujourd'hui. Je ne suis pas contre les entreprises ou les groupes divers que d'autres membres mettent sur la liste. Mais où va-t-on? Combien d'heures pouvons-nous siéger et combien de personnes pouvons-nous faire venir dans le cadre de notre mandat?
Le président: Monsieur Borotsik.
M. Rick Borotsik: Merci, monsieur le président.
Je n'arrive pas à croire ce que je viens d'entendre. Notre comité traite de l'avenir de l'agriculture. Bien franchement, nous avons entendu la dernière fois le ministre de l'Agriculture dire que la transformation à valeur ajoutée était une partie importante de l'avenir de l'agriculture. Et je dois maintenant vous présenter des excuses pour avoir parlé des «Canadiens de l'Ouest» ou de «l'ouest du Canada». Bien franchement, c'est de cela qu'il s'agit ici. La Commission canadienne du blé est une commission du blé pour l'ouest du Canada; ce n'est pas une institution nationale à proprement parler. Elle s'occupe de l'agriculture du Canada de l'Ouest, qui est assez importante pour l'économie de notre pays.
• 1050
J'appuierai donc la motion de M. Howard bien que je la juge
très limitée. Je ne crois pas que l'on doive s'occuper simplement
de l'affaire Prairie Pasta. On devrait voir avec M. Goodale la
question plus générale de l'intégration de la transformation à
valeur ajoutée dans la philosophie et la politique non seulement du
gouvernement mais aussi de la Commission canadienne du blé.
Cela représente un facteur énorme pour l'agriculture canadienne. Ne pas inviter le ministre responsable de la Commission canadienne du blé reviendrait à bafouer notre comité. Nous devons l'entendre sur cet aspect de la question.
Monsieur le président, au pire des cas, j'appuierais cette motion telle qu'elle est présentée. Voilà un exemple de transformation à valeur ajoutée que l'on n'encourage pas avec cette politique. Si cela continue à se produire, d'autres entreprises du même genre qui pourraient être lancées dans l'ouest du Canada ne verront pas le jour.
Monsieur le président, je crois très fermement que M. Goodale devrait comparaître devant le comité. S'il comparaît en personne, je pense que nous pourrons pousser un peu plus loin la discussion philosophique et politique. Ensuite, nous devrions faire venir Prairie Pasta et la Commission canadienne du blé, comme vous l'avez suggéré, monsieur le président. Ne pas le faire reviendrait à bafouer notre comité.
Le président: Monsieur Coderre.
[Français]
M. Denis Coderre: Monsieur le président, il faudrait se demander si de telles questions relèvent du Comité de l'agriculture. Propose-t-on que son rôle commence à ressembler à celui d'un conseiller matrimonial? Est-ce qu'on devrait amener tout le monde à la même table pour tenter de trouver un terrain d'entente quand les deux parties ne s'entendent pas?
J'aimerais rappeler à mon collègue Borotsik qu'on s'intéresse grandement à tout ce qui touche à la valeur ajoutée, ainsi qu'aux produits à valeur ajoutée. Comme vous le savez, si on commence cela, ça n'arrêtera plus. Mon opposition ne vient pas du fait que c'est un dossier qui touche particulièrement l'Ouest. Il y a aussi des dossiers qui touchent particulièrement l'Est. D'ailleurs, la motion proposée par Mme Alarie, que nous étudierons jeudi, en fait foi. On devrait presque se demander si cette motion-là ne porte pas sur un point de vue précis. On pourrait changer les règles de fonctionnement de notre propre comité, dire qu'il ne sera désormais plus nécessaire de déposer une motion et éviter qu'à chaque fois qu'un problème particulier d'ordre géographique ou géopolitique est soulevé par le président d'une compagnie de telle ou telle région, on essaie de compter des points sur le plan politique. On pourrait convenir qu'il sera désormais du ressort du Comité de l'agriculture d'accueillir de tels témoins. Il faudrait alors multiplier le nombre de séances de notre comité et augmenter bien des choses afin de pouvoir étudier toutes ces questions.
Il semble exister un problème entre la Commission canadienne du blé et les usines de pâtes des Prairies. Je ne m'oppose pas vraiment à ce que leurs représentants viennent comparaître parce qu'à chaque fois que nous avons éprouvé des problèmes au Québec, le Québec a accepté d'entendre des témoins.
Je voulais simplement porter ces difficultés à votre attention. Je proposerai un amendement à cette motion en vue de supprimer le nom du ministre des Ressources naturelles et ministre responsable de la Commission canadienne du blé, et de le remplacer par ceux des représentants de la Commission canadienne du blé.
[Traduction]
Le président: Quelqu'un appuie-t-il l'amendement?
M. Murray Calder: J'appuie l'amendement.
M. Leon E. Benoit (Lakeland, Réf.): J'invoque le Règlement, monsieur le président. Il me semble qu'on ne devrait pas accepter cet amendement car il ôte à la motion son intention première.
M. Howard Hilstrom: Monsieur le président, la motion précise que le ministre est celui à qui l'on doit demander de venir ici. Le ministre des Ressources naturelles a des responsabilités particulières à l'égard de la Commission canadienne du blé. Une motion voulant que l'on supprime son nom de la première ne peut être acceptable.
Le président: Je ne prétends pas être expert en matière de procédure. Le greffier me dit qu'elle est acceptable.
M. Howard Hilstrom: J'aimerais que vous demandiez confirmation au greffier.
Le président: Le greffier dit que l'objet de la motion n'est pas changé, que ce n'est qu'un représentant qui est changé et qu'elle est donc acceptable.
Quelqu'un souhaite-t-il débattre de l'amendement?
• 1055
Puis-je demander à M. Hilstrom, l'auteur de la motion
originale, un mot de précision? Je suppose que lorsque vous parlez
de «Prairie Pasta», vous voulez parler de David Schnell, qui est le
président de Prairie Pasta; c'est le monsieur que vous aimeriez
faire venir.
M. Howard Hilstrom: L'entreprise pourrait envoyer n'importe quel représentant. C'est à nous de discuter avec l'entreprise et avec le greffier pour savoir qui va venir.
Le président: Je pense que M. Schnell serait sans doute un assez bon porte-parole pour l'organisation. Ne pensez-vous pas?
Monsieur Borotsik, vous vouliez dire quelque chose. Ce sera ensuite au tour de M. Steckle.
M. Rick Borotsik: Cela concerne l'amendement. Je le répète, je n'étais pas satisfait de la motion telle qu'elle était présentée puisqu'elle ne parlait que de Prairie Pasta précisément. Je crois qu'il est très important qu'à un certain moment, monsieur le président, M. Goodale, qui est le ministre responsable de la Commission canadienne du blé, comparaisse devant le comité pour nous indiquer quelle orientation il voit pour ce genre de transformation à valeur ajoutée à l'avenir. C'est dans ce sens que j'aurais aimé que la motion soit libellée dès le départ. Nous l'avons maintenant un peu diluée et ce sont la Commission canadienne du blé et Prairie Pasta qui vont comparaître; mais c'est bon, je l'accepte. J'aimerais cependant que M. Goodale comparaisse devant le comité dans un avenir pas trop lointain pour nous donner, à nous qui constituons le Comité de l'agriculture, des indications sur ce qu'il entrevoit, du fait de ses responsabilités, pour notre pays et pour l'agriculture.
Le président: Monsieur Steckle.
M. Paul Steckle (Huron—Bruce, Lib.): Monsieur le président, M. Borotsik a frappé juste. Je ne crois pas que nous voulions nous limiter à Prairie Pasta.
J'aimerais vous demander, monsieur Hilstrom, si les Prairie Pasta Producers sont un groupe d'agriculteurs, d'entrepreneurs de l'ouest du Canada ou s'ils sont américains?
M. Howard Hilstrom: Il faut que je précise deux choses.
M. Paul Steckle: J'aimerais savoir ce que j'appuie avant de...
M. Howard Hilstrom: Si les Prairie Pasta Producers sont cités, c'est uniquement parce qu'ils sont représentatifs d'un nouveau phénomène qui se produit dans l'Ouest, c'est-à-dire les coopératives de la nouvelle génération, des coopératives fermées qui ne se vendent qu'à elles-mêmes et qui donnent à l'autre bout un produit à valeur ajoutée. Voilà pourquoi on devrait les faire comparaître.
La discussion sur...
M. Paul Steckle: Mais ils sont canadiens, n'est-ce pas? Ce sont des Canadiens...
M. Howard Hilstrom: Les Prairie Pasta Producers sont un regroupement d'agriculteurs d'un peu partout aux États-Unis et au Canada qui font du blé dur. Le blé dur est le blé que l'on ne peut vraiment faire pousser que...
M. Paul Steckle: Je sais, mais...
M. Howard Hilstrom: Voilà la constitution du groupe.
M. Paul Steckle: ... est-ce que c'est une valeur ajoutée qui va profiter au Canada ou aux Américains? Voilà ce que je...
M. Howard Hilstrom: Ils envisageaient éventuellement de construire l'usine au Canada, mais si ça n'est pas économique de fabriquer un produit à valeur ajoutée au Canada, ils mettront l'usine aux États-Unis si c'est plus économique là-bas. C'est de cela que nous discutons ici. Ce n'est pas de Prairie Pasta à proprement parler, qui n'est qu'une entreprise qui essaie de faire quelque chose; c'est de l'idée des coopératives de la nouvelle génération, d'un groupe donné de producteurs de blé dur qui sont regroupés dans une affaire internationale. C'est de cela dont nous nous occupons.
M. Paul Steckle: La deuxième partie de ma question était de savoir quelles implications cela a pour la Commission du blé? Pourquoi la Commission du blé rechignerait-elle à une rencontre?
Le président: Monsieur Steckle, la chose a été discutée.
M. Howard Hilstrom: Il ne s'agit pas de savoir pourquoi la Commission du blé ne veut pas de rencontre; il s'agit de savoir pourquoi le ministre Goodale pourrait ne pas souhaiter venir ici.
Le président: Monsieur Calder.
M. Murray Calder: Merci beaucoup, monsieur le président.
Ça me paraît une question très simple. Il s'agit de mécanique. Nous venons d'avoir une toute nouvelle Commission canadienne du blé améliorée qui compte dix agriculteurs élus. Et vous, Howard, vous avez dit que vous vouliez que les agriculteurs prennent en main la Commission canadienne du blé pour la gérer. La motion que vous présentez signifie que chaque fois qu'il y aura un problème avec la Commission canadienne du blé, vous allez la contourner pour faire intervenir le ministre. Donnez-lui une chance.
M. Howard Hilstrom: En réalité, monsieur Calder, la Commission canadienne du blé n'est pas gérée par les agriculteurs; elle est gérée conjointement par le gouvernement et les agriculteurs.
M. Murray Calder: Non. Vous essayez d'établir un précédent très dangereux ici...
M. Howard Hilstrom: Non.
M. Murray Calder: ... et je ne suis pas d'accord avec ça. C'est pourquoi la motion amendée, en ce qui me concerne en tout cas... S'il y a un problème avec les représentants de Pasta, avec la Commission canadienne du blé et vice versa, faites-les venir tous les deux à la table et nous en discuterons devant le comité.
M. Howard Hilstrom: Monsieur le président, les agriculteurs élus à la Commission canadienne du blé ne peuvent agir que dans les limites de la législation qui leur confère leurs pouvoirs et leurs responsabilités. Le ministre se situe au-dessus et en dehors de la commission.
Le président: Nous n'avons pratiquement plus de temps. Monsieur Proctor.
M. Dick Proctor: À écouter cette discussion, monsieur le président, il me semble que l'on soit à peu près d'accord de faire comparaître, comme l'a dit l'intervenant précédent, des représentants de Prairie Pasta et des responsables de la Commission canadienne du blé sur ce sujet particulier. Mais la question plus générale qu'a soulevée M. Borotsik veut qu'il soit nécessaire que le ministre responsable de la Commission du blé comparaisse devant le comité pour en discuter. Je proposerais donc que nous...
Une voix: C'est moi qui vais le proposer.
M. Dick Proctor: Vous ne pouvez pas; vous avez déjà pris la parole sur le sujet.
Le président: Vous n'avez pas été au bout de votre pensée, monsieur Proctor.
M. Dick Proctor: Je proposerais deux séances: une avec Prairie Pasta et la Commission canadienne du blé et l'autre, où l'on traitera du sujet plus général, avec le ministre responsable de la Commission canadienne du blé pour qu'il nous dise ce qu'il en est des produits à valeur ajoutée.
Le président: Chers collègues, il est 11 heures; en principe, nous ne disposons donc plus de temps. Je vais laisser à M. McGuire le mot de la fin. Mais je vous rappelle, et ce sont simplement des renseignements que je vous donne là, que si vous avez des motions de ce genre, vous devriez les soumettre au comité de direction pour qu'on puisse en discuter à cette tribune-là. Nous avions prévu 20 minutes; je pensais que ce serait amplement suffisant, or nous voilà 20 minutes plus tard et nous n'avons même pas encore voté sur l'amendement.
M. Joe McGuire: Très brièvement, monsieur le président, je partage les inquiétudes de M. Coderre. Si c'est le comité qui fixe lui-même son programme, je suis d'accord avec les inquiétudes de M. Coderre sur l'orientation que nous sommes en train de prendre. Aujourd'hui il s'agit d'une usine de pâtes et du ministre, et la semaine prochaine ce sera un transformateur du Québec. La semaine suivante, ce pourrait être une entreprise du Manitoba ou de l'Ontario. J'aimerais poser la question de façon générale: le comité va-t-il commencer à s'occuper de ces cas particuliers? Est- ce le rôle du comité ou non?
Je ne pense pas que le rôle du comité consiste à régler les problèmes particuliers qui se posent partout dans le pays. Si nous entreprenions de le faire, il nous faudrait siéger dix jours par semaine.
Le président: Je crois que M. McGuire a raison car je ne sais pas si l'amendement va être adopté. S'il l'est, j'espère que l'on ne va pas le considérer comme un précédent qui ferait que chaque fois qu'il y a un différend entre la Commission du blé ou un autre organisme et d'autres personnes, on peut appeler Ottawa pour venir faire valoir ses arguments à une tribune publique.
L'amendement veut en gros que l'on invite un représentant de la Commission du blé et un représentant de Prairie Pasta pour discuter du problème qui se pose entre Prairie Pasta et la Commission du blé, et non pas le ministre.
(L'amendement est adopté avec dissidence)
Le président: Nous allons maintenant voter sur la motion principale modifiée.
(La motion est adoptée)
M. Rick Borotsik: Monsieur le président, j'aimerais signaler tout de suite que je vais déposer un avis de motion selon lequel je déposerai une motion jeudi, dans les deux langues officielles, afin d'inviter le ministre responsable de la Commission canadienne du blé à comparaître devant le comité. Je déposerai cette motion aujourd'hui dans les deux langues officielles. Merci.
Le président: Un instant. Est-ce acceptable? Est-ce que le délai de 48 heures commence à courir maintenant?
Une voix: Oui.
Le président: La séance est levée.