Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Bienvenue à la 12e réunion du Comité spécial de la Chambre des communes sur l'Afghanistan, créé conformément à l'ordre de la Chambre du 8 décembre 2021.
La réunion d'aujourd'hui se déroule en mode hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 25 novembre 2021.
Je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir suivre les recommandations des autorités de la santé publique ainsi que la directive du Bureau de régie interne du 19 octobre 2021 pour demeurer en santé et en sécurité.
Veuillez me signaler tout problème technique qui pourrait surgir. Il nous faudra peut-être suspendre la séance pendant quelques minutes pour nous assurer que tous nos députés et nos témoins peuvent participer pleinement.
Je souhaite la bienvenue à la ministre de la Défense nationale, Mme Anita Anand.
La ministre est accompagnée de fonctionnaires du ministère de la Défense nationale. Nous accueillons Bill Matthews, sous-ministre de la Défense; le général Wayne Eyre, chef d'état-major des Forces armées canadiennes; le vice-amiral J. Robert Auchterlonie, commandant du Commandement des opérations interarmées du Canada; le major-général Steve Boivin, commandant du Commandement des Forces d'opérations spéciales du Canada, et le lieutenant-général Edward Meinzinger, commandant de l'Aviation royale canadienne.
Soyez les bienvenus.
Madame Anand, je crois comprendre que vous serez ici pour la première heure, et que les fonctionnaires resteront pour la deuxième heure. C'est bien cela?
Merci.
Madame Anand, vous avez cinq minutes pour faire votre déclaration préliminaire, après quoi nous passerons à la période de questions.
Je conseille à tous les députés de respecter leur temps de parole et de se chronométrer au besoin. Je ne tiens pas à devoir vous interrompre au beau milieu d'une conversation importante avec la ministre. Merci.
Sur ce, au nom de tous les membres du Comité, je souhaite de nouveau la bienvenue à la ministre Anand. Vous avez la parole pour cinq minutes. Allez‑y, je vous en prie.
Membres du Comité spécial sur l'Afghanistan, je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui.
[Traduction]
De 2001 à 2014, environ 40 000 membres des Forces armées canadiennes ont servi en Afghanistan. Malheureusement, 158 soldats y ont perdu la vie. Sept ans plus tard, alors que les talibans ont repris le contrôle de la majeure partie du pays, les citoyens canadiens vivant en Afghanistan et des ressortissants afghans qui avaient soutenu le Canada pendant la guerre se sont trouvés dans une situation vulnérable.
[Français]
Nous savions que nous devions agir afin d'aider ceux qui nous ont aidés pendant de nombreuses années.
[Traduction]
En réponse à cette crise, le 23 juillet 2021, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada a lancé des mesures spéciales en matière d'immigration pour les Afghans ayant un lien important ou durable avec le Canada.
[Français]
Ce programme spécial vise à réinstaller 18 000 personnes. C'est l'un des trois programmes visant à réinstaller au moins 40 000 réfugiés afghans.
[Traduction]
Les candidats admissibles sont des personnes qui ont soutenu le Canada pendant la guerre, dont des interprètes, du personnel d'entretien ménager et des cuisiniers.
[Français]
Ils sont tous susceptibles de subir des représailles en raison de leur relation avec les Forces armées canadiennes.
[Traduction]
L'équipe de la Défense a aidé Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, IRCC, en confirmant le lien entre les demandeurs et les Forces armées canadiennes d'après d'anciens relevés d'emploi. De plus, des membres actuels et anciens des forces armées ont aidé à confirmer l'identité des demandeurs qui les avaient nommés comme références. Grâce à ces efforts, nous avons pu soutenir l'initiative ministérielle visant à réinstaller au moins 40 000 Afghans vulnérables.
(1835)
[Français]
Pendant que nous travaillions à confirmer les demandes ici au Canada, des membres des Forces armées canadiennes étaient également déployés en Afghanistan dans le cadre de l'opération Aegis.
Avant même que Kaboul ne passe aux mains des talibans, la situation sur le terrain était extrêmement difficile.
L'ancien gouvernement afghan craignait qu'un exode de la population soit le signe d'un manque de confiance de la part de ses citoyens.
[Traduction]
Les autorités ont limité le nombre d'avions étrangers autorisés à atterrir à l'aéroport international Hamid Karzai, et n'ont pas mis en place les supports bureaucratiques adéquats pour permettre aux civils d'obtenir facilement les documents qu'il leur fallait pour pouvoir quitter le pays. Lorsque les talibans ont pris le pouvoir, la situation est devenue encore plus critique. Très rapidement, un million d'Afghans déplacés à l'intérieur du pays se sont retrouvés coincés dans la capitale, cherchant désespérément à s'échapper. La mission des forces armées a évolué et s'est élargie face à la gravité de la situation sur le terrain.
En plus d'avoir participé au pont aérien de la Coalition et d'avoir piloté 15 des 17 vols d'évacuation à destination du Canada, des militaires canadiens se tenaient à chacune des portes de l'aéroport pour aider à identifier les réfugiés qui devaient se rendre au Canada.
[Français]
Dans certains cas, ils ont dû prendre des décisions difficiles et bouleversantes quant aux personnes qu'ils pouvaient évacuer.
[Traduction]
Nos militaires qui se trouvaient à Kaboul au cours de cette période ont aussi travaillé aux côtés des forces alliées et partenaires pour établir des corridors sécuritaires vers l'aéroport. Ils sont restés aussi longtemps que possible, en dépit des risques non négligeables pour leur sécurité. Le Canada a été l'un des derniers pays à mettre fin à ses efforts d'évacuation. Au total, nous avons pu assurer ou organiser le transport de 3 700 personnes dans le cadre de l'opération AEGIS.
[Français]
Je sais que, pour ceux qui ont servi lors de la guerre, ou ceux qui ont des proches qui l'ont fait, il est particulièrement déchirant de voir que les talibans sont de nouveau au pouvoir.
[Traduction]
En effet, la situation actuelle en Afghanistan est déchirante, mais je veux que les Canadiens sachent que nos forces armées n'ont négligé aucun effort pour aider le plus grand nombre de personnes possible, aussi longtemps qu'elles le pouvaient. Je suis encouragée par ce que le Canada a pu faire et par la façon dont nos forces armées ont changé la vie de millions d'Afghans, tant pendant la guerre que dans les années qui ont suivi.
[Français]
Nous rendons hommage à leur service et à leurs sacrifices, aujourd'hui et tous les jours.
Merci beaucoup, madame la ministre, et merci aux autres fonctionnaires et au chef d'état-major Eyre d'être ici aujourd'hui. Nous vous en sommes très reconnaissants. C'est un sujet difficile.
Madame Anand, lorsque vous êtes devenue ministre de la Défense nationale, avez-vous été informée de l'évacuation de Kaboul?
Lorsque je suis devenue ministre de la Défense nationale, j'ai reçu de nombreuses séances d'information sur toutes nos opérations, et je continue de recevoir des mises à jour et des séances d'information sur toutes nos opérations passées et présentes.
J'étais au courant des leçons tirées de l'opération AEGIS. J'y crois fermement. Nous devons examiner non seulement cette opération, mais toutes, pour voir comment nous pouvons nous améliorer, comment nous pouvons mieux faire et continuer à apprendre de l'histoire. C'est une chose à laquelle le chef d'état-major de la Défense, mon sous-ministre et moi-même croyons fermement.
Avant et pendant l'opération AEGIS, les Forces armées canadiennes offraient régulièrement des séances d'information aux hauts dirigeants de l'équipe de la Défense et d'autres ministères sur la situation en Afghanistan. C'était une approche pangouvernementale. Bien sûr, je n'étais pas ministre à l'époque. Nos forces armées ont participé aux mises à jour générales et aux séances d'information à l'intention de l'ensemble du gouvernement, y compris du ministre Sajjan, qui les a également suivies.
En votre qualité d'ancienne ministre responsable de l'approvisionnement, et dans le cadre d'un effort d'évacuation aussi vaste, qu'a‑t‑on demandé à votre ministère d'acheter pour aider à l'évacuation, et quand la demande a‑t‑elle été présentée?
Je peux dire que nous avons participé activement à ce moment‑là à un certain nombre d'acquisitions majeures au nom du gouvernement du Canada. Je vais demander à mon sous-ministre s'il a quelque chose à ajouter, puisque je n'ai pas participé à ces conversations personnellement.
La seule chose que j'ajouterais, c'est qu'à ce moment‑là, nous étions prêts à examiner la possibilité de noliser des avions et de prévoir des logements. Je vais le confirmer, mais si je me souviens bien, ces services ne se sont pas avérés nécessaires et on a pris d'autres dispositions. Mais il faudrait que je le confirme après la réunion.
Madame la ministre, avez-vous rencontré récemment des représentants du Front national de résistance de l'Afghanistan? Que fait le Canada pour les appuyer, le cas échéant, sur le plan moral ou matériel?
Je n'ai pas rencontré ces personnes à l'heure actuelle, mais je peux garantir à ma collègue que nous continuons d'examiner toutes les options pour nous assurer que les populations vulnérables en Afghanistan sont admissibles à nos efforts de réinstallation.
Je ne peux pas me prononcer sur des cas particuliers, évidemment, mais notre gouvernement travaille avec diligence à trouver des solutions pour les demandeurs du programme d'immigration et du statut de réfugié qui sont actuellement en Afghanistan.
L'intervention des alliés — et je suis heureuse que vous l'ayez soulevée — a été fondamentale pour ce que le Canada a fait. Nous n'étions pas sur le terrain depuis sept ans lorsque l'évacuation a eu lieu. Nous n'avions pas de ressources militaires en Afghanistan.
Néanmoins, nous avons travaillé en étroite collaboration avec nos alliés, côte à côte, pour organiser le pont aérien et veiller à ce qu'il soit en place, et le Canada a joué un rôle très actif aux côtés de nos alliés pour voir à ce que les évacuations aient lieu. Nous avons été en mesure d'évacuer 3 700 ressortissants afghans, ce qui est un chiffre très élevé étant donné que nous n'avions pas de présence militaire sur le terrain.
Je vais demander à mon chef d'état-major s'il a quelque chose à ajouter sur les efforts multilatéraux à cet égard.
Le fait que nous ayons de bonnes relations avec nos alliés, monsieur le président, signifie que cette opération a été bien coordonnée dans une optique multinationale. J'ai des tas de détails et de leçons apprises en ce qui concerne la collaboration avec les alliés, que nous pouvons vous faire parvenir ultérieurement, puisque notre temps ici est limité.
Monsieur le président, je vais parler de notre évaluation du renseignement et de la façon dont cela a évolué après la signature de l'accord de Doha.
Depuis l'annonce du retrait des États-Unis, la situation dans ce pays s'est détériorée, et notre évaluation a évolué en conséquence. Il ne faut pas oublier qu'une grande partie de nos activités de renseignement étaient fondées sur les renseignements fournis par nos alliés, notre capacité de recueillir des données sur le terrain étant plutôt limitée du fait de notre absence sur le terrain.
Au 1er avril 2021, nos services du renseignement ont déterminé que le gouvernement afghan allait sans doute subir une défaite, et au fil du temps, cette défaite est devenue de plus en plus imminente.
Madame la ministre, merci beaucoup de votre présence parmi nous aujourd'hui.
Merci, monsieur le sous-ministre, et merci aux dirigeants des forces armées aussi.
Nous sommes là pour parler de l'Afghanistan, mais j'aimerais prendre un moment, si vous me le permettez, pour vous remercier, madame la ministre, ainsi que tous ceux qui vous accompagnent — le sous-ministre et les dirigeants des forces armées — pour tout le travail que vous faites pour appuyer nos amis en Ukraine afin de défendre leur souveraineté. Je rappelle que ce faisant, vous les aidez indirectement à défendre notre propre sécurité ici au Canada, la sécurité de l'Europe et la sécurité de nos alliés aujourd'hui et pour l'avenir. Je tiens à vous remercier sincèrement de tout ce que vous avez fait à cet égard.
Lors de nos réunions précédentes, madame la ministre, on a laissé entendre que le Canada traite les réfugiés afghans et les réfugiés ukrainiens différemment. Certains de vos collègues qui sont venus témoigner ont souligné que des facteurs et des défis de taille font qu'il s'agisse de situations très différentes.
Compte tenu du rôle des forces armées en Pologne, je me demande si vous pouvez parler de ces différences d'un point de vue opérationnel.
D'abord et avant tout, j'aimerais souligner qu'il y a des différences importantes entre ces deux situations. Dans chaque cas, les Forces armées canadiennes travaillent avec beaucoup de diligence, avec la responsabilité et le dévouement dont elles font preuve chaque fois qu'il y a une opération. En ma qualité de ministre, je ne saurais être plus reconnaissante, au nom du gouvernement, du courage et du dévouement dont font preuve nos militaires chaque jour dans le cadre d'opérations nationales et internationales, que ce soit en Afghanistan, en Ukraine ou ici, au pays, en cas d'inondations et d'incendies.
Pour répondre directement à votre question, d'abord et avant tout, notre relation avec le gouvernement ukrainien est extrêmement étroite et coopérative. Évidemment, ce n'était pas le cas, et ce ne l'est toujours pas, en Afghanistan, étant donné que les talibans sont reconnus comme une entité terroriste.
Deuxièmement, les Ukrainiens aident activement leurs citoyens à échapper à la terreur que leur inflige Vladimir Poutine, alors que les talibans — comme je l'ai dit, une entité terroriste reconnue — oppriment activement leurs citoyens. Il y a une lutte pour la démocratie en Ukraine, mais ce n'est manifestement pas le cas en Afghanistan.
Ensuite, en Ukraine, il y a des frontières partagées avec de proches alliés. Je pense en particulier à la frontière polonaise. La Pologne est une alliée très proche de l'OTAN. Lorsque nous déployons nos militaires dans le cadre d'une opération pacifique — comme nous l'avons fait en envoyant 150 membres des Forces armées canadiennes en Pologne pour aider à gérer l'afflux de réfugiés —, nous le faisons avec le consentement du pays hôte.
Je dirais que nos efforts en Ukraine sont facilités non seulement par le gouvernement et le leadership là‑bas — comme l'a démontré la visite du premier ministre Trudeau en Ukraine hier —, mais aussi par les alliés de l'OTAN qui entourent certaines régions du pays.
Il y a donc des différences très marquées entre la situation en Afghanistan et en Ukraine, et il ne faut pas les oublier.
J'ajouterais que notre rôle en Pologne est de nature humanitaire. Nous appuyons les forces de défense territoriales polonaises pour la dotation de leurs centres d'accueil.
Certains ont demandé pourquoi nous n'étions pas là dès le début. La réponse toute simple c'est que nous n'étions pas nécessaires. Les Polonais ne l'ont pas demandé. Dès le premier jour de l'invasion, nous étions prêts à envoyer des gens pour les aider. Cependant, dès que les Polonais ont fait appel à nous, nous avons répondu sans hésiter. Ce travail se poursuit.
Madame la ministre, je crois qu'il me reste environ une minute et demie, alors je vais poser ma question et nous verrons jusqu'où nous pourrons aller.
Nous avons entendu divers témoignages au sujet du nombre de personnes qui ont pu prendre l'avion, ainsi que certaines critiques selon lesquelles le Canada aurait pu évacuer plus de gens. Nous comprenons bien entendu que la situation sur le terrain était incroyablement difficile. Nous en avons entendu parler ici, au Comité.
Ma question est la suivante: quel genre de contraintes le personnel militaire, y compris les équipages de notre aviation, ont-ils dû affronter sur le terrain?
Votre question soulève un point très important pour les membres du Comité en ce qui concerne ce qui se passait sur le terrain.
Comme nous le savons, les talibans avançaient très rapidement, beaucoup plus rapidement que prévu. Par conséquent, des milliers d'Afghans convergeaient plus ou moins simultanément vers l'aéroport. Bon nombre d'entre eux, à juste titre, étaient terrifiés. Nos forces armées étaient donc sous pression et elles ont eu des difficultés évidentes à maintenir l'ordre.
Comme je l'ai mentionné dans ma déclaration préliminaire, le gouvernement de l'époque a également imposé des limites au nombre d'aéronefs étrangers autorisés à atterrir. On nous a donné une heure précise — une seule — par jour, que nous pouvions utiliser pour évacuer les ressortissants afghans. Le fait que nous n'avons pas eu de présence militaire sur le terrain depuis 2014, mais que nous avons quand même pu envoyer nos avions pour évacuer les ressortissants afghans — et ce, à hauteur de 3 700 personnes — est absolument remarquable, à mon avis.
Je tiens à remercier nos militaires des sacrifices qu'ils ont faits en bravant les dangers pour aider à évacuer des ressortissants afghans aux côtés de nos alliés.
Je remercie infiniment tous les témoins d'être avec nous aujourd'hui pour participer à cette étude importante.
Comme vous le savez, le Bloc québécois est d'avis que ce comité doit mettre l'accent sur la crise humanitaire actuelle et sur notre réponse immédiate, à très court terme. Évidemment, il y aura des leçons à tirer, mais je vais mettre l'accent sur ce que nous pouvons faire maintenant pour aider non seulement la population afghane, mais aussi tous ceux qui ont apporté leur aide, dont les soldats canadiens, et qui sont encore en Afghanistan.
Madame Anand, vous avez dit que vous n'aviez pas eu de rencontre directe avec les représentants du Front national de résistance de l'Afghanistan, mais y a-t-il des députés de votre caucus, au gouvernement, qui les ont rencontrés?
Ce que je veux savoir, c'est si des membres de votre caucus ont rencontré des représentants du Front national de résistance de l'Afghanistan. J'imagine que vous êtes au courant, si je le suis.
Bien entendu, nous demeurons tout à fait disposés à rencontrer les membres de toute résistance afghane. Je les ai rencontrés moi-même, à titre officieux, mais ce n'était pas dans la Cité parlementaire du gouvernement du Canada.
Je comprends, mais ma question est très simple. Je veux savoir si des membres du caucus libéral ont rencontré des représentants du Front national de résistance de l'Afghanistan.
C'est malheureux, parce que j'ai entendu dire qu'il y avait des membres de votre caucus qui les avaient rencontrés. J'allais donc vous demander si vous aviez parlé à ces députés, mais je crains ne pas pouvoir obtenir d'autre réponse. Cela me surprend, mais je vais passer à un autre sujet.
À ce comité, comme je vous le disais, l'une de mes priorités est de regarder ce que nous pouvons faire maintenant pour le peuple afghan. Les lois canadiennes sur le financement du terrorisme sont un obstacle majeur à l'aide humanitaire sur le terrain.
Votre ministère a-t-il produit un ou plusieurs avis sur l'application de ces lois dans le contexte actuel en Afghanistan?
Madame la ministre, devrions-nous modifier assez rapidement ces lois ou le Code criminel afin de faciliter les choses pour les organisations non gouvernementales, ou ONG, qui veulent aider la population afghane?
C'est ce que nous voulons faire, aider ces gens, mais les ONG nous disent que, en raison du Code criminel canadien, on leur met des bâtons dans les roues.
Les talibans figurent sur la liste des entités terroristes du Code criminel canadien, comme vous l'avez dit. Il n'existe actuellement aucun mécanisme permettant d'exempter les activités humanitaires ou autres activités similaires des mesures antiterroristes prévues à l'alinéa 83.03b) du Code criminel.
Notre gouvernement s'efforce de trouver des moyens de continuer à permettre l'acheminement efficace de l'aide au peuple afghan et la réinstallation des afghans, tout en préservant la sécurité nationale.
Sachez que le Bloc québécois est d'accord pour que les talibans demeurent sur la liste des entités terroristes. L'idée, c'est de permettre aux ONG d'offrir des services humanitaires aux Afghans sans craindre d'être poursuivies. Nous savons que la crise humanitaire qui sévit en Afghanistan est l'une des pires sur la planète présentement, avec celles qui ébranlent le Yémen et d'autres parties du globe.
L'Organisation des Nations unies, ou ONU, a viré son capot de bord, comme on dit en bon québécois, en adoptant la résolution 2615. Cette dernière prévoit le maintien des talibans sur la liste des terroristes, mais ne punit pas les ONG qui font affaire avec eux.
Des ministres venus témoigner devant ce comité nous ont dit qu'ils attendraient nos recommandations au sujet de l'Afghanistan. Sauf votre respect, je suis d'avis que, si tout le monde s'entend pour dire qu'il y a un problème, il n'est pas nécessaire d'attendre la recommandation d'un comité avant d'agir. Nous pourrions agir tout de suite, parce que, en ce moment même, des gens ont besoin d'aide.
A-t-on vraiment besoin de la recommandation d'un comité? J'aimerais avoir votre avis sur la question.
Je vous remercie de la question et de votre intérêt pour ce sujet.
Mon collègue le ministre de la Justice serait mieux placé que moi pour répondre à cette question. En ce moment, je tiens à réitérer que le Canada n'a pas l'intention de reconnaître les talibans comme gouvernement légitime de l'Afghanistan.
Je remercie la ministre et les fonctionnaires d'être venus témoigner devant le Comité, et je remercie tout particulièrement, bien sûr, nos militaires du travail qu'ils font chaque jour pour garantir la sécurité du Canada et du travail incroyable que vous faites à l'étranger, compte tenu des innombrables crises qui sévissent dans le monde.
Par votre entremise, monsieur le président, j'aimerais poser la première question à la ministre. Elle a indiqué que 3 700 Afghans avaient été évacués pendant cette période critique. La ministre pourrait-elle nous dire si tous les vols étaient pleins lors de l'évacuation?
Bien entendu, je n'étais pas ministre à l'époque, mais j'aimerais dire quelque chose de très important à ce sujet. Nos avions étaient là, mais il y avait un facteur limitatif, car nous n'avions qu'un seul créneau par jour pour évacuer les ressortissants afghans. À mon avis, c'est un détail qu'il faut préciser chaque fois que nous parlons d'évacuation.
Monsieur le président, je vous remercie de me donner l'occasion d'ajouter quelques précisions à la déclaration de la ministre.
Je pense que nous devons examiner la situation en deux périodes — avant le 15 août, c'est‑à‑dire avant que Kaboul ne tombe aux mains des talibans, puis après cette date. Avant le 15 août, oui, certains vols n'étaient pas à pleine capacité. La raison était fort simple. En définitive, le gouvernement afghan avait imposé à tous ceux qui quittaient le pays l'obligation d'avoir un passeport afghan valide. Ces Afghans n'ont pas reçu le feu vert de la sécurité afghane à l'aéroport pour pouvoir embarquer à bord de ces vols. C'est la raison pour laquelle certains vols effectués avant le 15 août n'étaient pas remplis au maximum.
Après le 15 août, peu de temps après la remise en service du pont aérien, certains vols initiaux n'étaient pas remplis au maximum, parce que nous venions tout juste de nous établir avec nos troupes au sol. Il a été difficile de trouver suffisamment de Canadiens admissibles dans la très, très petite période dont nous disposions.
Je dirais cependant que, dans la dernière partie, nous avons certainement compensé les vols qui n'étaient pas remplis au maximum en ajoutant beaucoup plus de passagers que le nombre pour lequel les aéronefs étaient conçus. Il y avait 534 Afghans à l'arrière d'un C‑17 conçu pour 200 personnes. C'est le genre de mesures que nos militaires ont prises sur le terrain pour faire sortir le plus d'Afghans possible.
J'aimerais ajouter quelque chose, si vous me le permettez.
Il ne faut pas oublier que les Forces armées canadiennes ont dû tenir compte d'un certain nombre de facteurs pour charger ces avions, notamment les conditions météorologiques, le carburant, le fret et le poids, qui variaient tous en fonction des différents types d'aéronefs que nous avions au sol, à savoir le CC‑130J Hercules, le CC‑150 Polaris et le CC‑177 Globemaster.
Encore une fois, c'est grâce au personnel des Forces armées canadiennes qu'on a pu faire un travail exceptionnel. Ce sont des professionnels hautement qualifiés qui travaillaient sous une pression extrême dans un environnement instable et imprévisible, et je suis très fière de leur travail.
S'il y a eu des sièges vides, c'est parce que les gens n'ont pas été en mesure d'obtenir les passeports requis, en raison des changements apportés aux règles. Par la suite, les vols ont été surchargés pour compenser ces chiffres. C'est l'essentiel de ce que je comprends.
Au moment de l'évacuation, le Canada a‑t‑il évacué des Afghans qui avaient franchi les portes de l'aéroport, mais qui ne figuraient pas sur les listes de personnes recommandées par Affaires mondiales Canada ou sur les listes d'Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada?
Monsieur le président, la réponse est oui. La situation au sol était fluide. Une des leçons que nous en avons tirées, c'est l'avantage de déléguer des pouvoirs aux échelons inférieurs.
Nos commandants et nos jeunes leaders sur le terrain ont parfois décidé d'embarquer des Afghans qui ne figuraient pas sur la liste parce qu'ils faisaient partie d'une communauté vulnérable ou parce qu'il y avait tout lieu de croire qu'ils avaient effectivement un lien avec le Canada. C'est le genre de décisions que nos gens sur le terrain prenaient de manière très réussie.
Merci, monsieur le président, de me permettre de me joindre à vous.
Je vais me faire l'écho du commentaire du chef d'état-major et, pour renforcer l'argument de la ministre, juste pour revenir là‑dessus, il y avait deux phases différentes. Le fait est que...
À titre de précision, nous faisions partie d'un pont aérien de la coalition à l'époque. Donc, non seulement nous amenions du personnel autorisé par le Canada, mais aussi du fret et du personnel autorisé par les alliés. Par conséquent, pour ce qui est de ces chiffres, nous avons fait venir des personnes admissibles au Canada tout en servant de pont aérien à la coalition.
Dans les premiers vols qui ont suivi la chute de Kaboul, il y avait à bord de l'avion du personnel autorisé par le Canada et du personnel allié, ainsi que des Afghans qui se rendaient dans notre pays. Ce n'était pas seulement notre personnel.
Oui. C'est ce que nous ont dit des témoins qui étaient particulièrement préoccupés par le fait que de nombreuses personnes recensées par le Canada n'ont pas pu embarquer. J'essayais donc d'obtenir des précisions à ce sujet.
Madame la ministre, je voudrais vous donner l'occasion de clarifier quelque chose. La première question que je vous ai posée ce soir, c'est si vous avez rencontré les représentants du Front national de résistance de l'Afghanistan, et vous avez répondu dans la négative. Cependant, en réponse à mon collègue M. Brunelle-Duceppe, vous avez dit que vous les aviez rencontrés, bien qu'à titre officieux.
Je ne les ai pas rencontrés. J'étais dans la même salle à une conférence où il y avait des membres du mouvement de résistance afghan. Nous n'avons pas parlé. J'ai entendu l'un d'eux présenter de l'information sur la situation en Afghanistan, mais je n'ai eu aucun entretien personnel avec qui que ce soit.
Une fois que les États-Unis et l'OTAN ont annoncé leur retrait en avril 2021, quelle était l'évaluation canadienne à ce moment‑là? Pendant combien de temps le Canada pensait‑il que les forces de sécurité afghanes allaient pouvoir maintenir des territoires clés, y compris Kaboul?
Je vais commencer par quelques commentaires généraux et demander au chef d'état-major, qui était en poste à l'époque, de vous en dire davantage.
Comme vous le savez peut-être, à partir du 4 août 2021, nos forces armées ont commencé à fournir le transport aérien stratégique que j'ai décrit. Ces efforts ont permis d'évacuer avec succès 3 700 ressortissants afghans. La situation sur le terrain était volatile, très difficile et très intense. La chute de Kaboul s'est produite beaucoup plus rapidement que prévu.
Monsieur le président, je vais revenir à ma déclaration précédente. Le 1er avril, nous avons auguré que si les forces occidentales se retiraient, les talibans allaient probablement vaincre de façon décisive la défense nationale et les forces de sécurité afghanes, capturer la plupart des grands centres urbains et reprendre le contrôle sur la plus grande partie de l'Afghanistan. Tout cela est devenu imminent à l'approche du 15 août.
Le 8 juillet, nous avons calculé que nous avions un maximum de six mois. La suite des événements a prouvé que c'était beaucoup moins que cela.
Ai‑je raison de dire qu'en avril 2021, l'évaluation était qu'ils ne seraient pas en mesure de tenir le coup, mais le 8 juillet, vous dites que c'était très évident. C'est bien cela?
C'était de plus en plus évident. Bien sûr, avec l'évaluation du renseignement, il n'y a pas de 100 % qui vaille. Personne ne peut prédire l'avenir avec une certitude absolue. Nous nous contentons de calculer les probabilités en fonction des évaluations des services de renseignement.
On nous a dit, et ce n'est pas la première fois, que les Forces armées canadiennes n'étaient pas sur le terrain en Afghanistan dans les mois qui ont précédé les événements. Mais nous avons également entendu des témoignages selon lesquels une équipe de renseignement avait été déployée là‑bas pendant plusieurs mois auparavant pour une reconnaissance du terrain. Selon les témoignages, elle offrait régulièrement des séances d'information à l'ambassade. Cependant, l'ancien ambassadeur nous a dit qu'il n'avait pas eu de séance d'information et qu'il ne savait rien, essentiellement, jusqu'au jour même.
Tout au long de 2020 et 2021, le Commandement du renseignement des Forces canadiennes a fourni des mises à jour régulières sur la situation en Afghanistan. Depuis février 2021, les analystes du renseignement canadiens et alliés se sont régulièrement rencontrés pour les besoins de coordination face à la détérioration de la situation. De la mi‑juillet à la mi‑août, le Commandement du renseignement a offert des séances d'information quotidiennes sur l'Afghanistan au chef d'état-major de la défense par intérim de l'époque, qui était alors sous-ministre et plus tard ministre de la Défense nationale.
Le chef d'état-major pourra vous en dire plus long.
Monsieur le président, pour répondre à la question précise, nous avons reçu à la fin du mois de mars une demande d'aide d'Affaires mondiales Canada pour mettre en place ce que l'on appelle une « équipe consultative stratégique » à l'ambassade pour se concentrer uniquement sur la sécurité de l'ambassade. Cette équipe était en place. Elle est arrivée le 24 avril. Son rôle consistait à fournir des indications, des avertissements et des conseils au chef de mission sur une base quotidienne afin de le tenir au courant des décisions prises en matière de sécurité, etc.
Très rapidement, nous avons entendu des témoignages selon lesquels l'ambassadeur et le personnel sont partis trop rapidement. Ils auraient pu rester ne serait‑ce que quelques jours de plus pour aider plus de gens à sortir. Le vol qu'ils ont pris n'était qu'à moitié plein. Pouvez-vous le confirmer?
Je dirais simplement que la situation sur le terrain se détériorait rapidement. Les efforts d'évacuation du Canada dépendaient du contrôle militaire américain de l'aéroport. Nous sommes restés le plus longtemps possible, et nous avons évacué le plus grand nombre de personnes possible, face à une situation qui s'est rapidement détériorée sur le plan de la sécurité. En fait, le Canada a été l'un des derniers à quitter le pays et à cesser ses opérations avant que l'armée américaine ne termine son retrait le 30 août.
Je vous souhaite la bienvenue, madame la ministre, ainsi qu'au sous-ministre et aux représentants des forces armées.
Le Canada est reconnu comme un leader pour ce qui est d'apporter des services humanitaires aux gens qui en ont besoin. Les Forces canadiennes sont présentes en Afghanistan depuis à peu près 13 années consécutives. Elles ont fait un travail extraordinaire. Des soldats ont payé de leur vie pour servir le Canada, l'Afghanistan et la cause humanitaire en général.
Madame la ministre, à part leur mission militaire, quel rôle les Forces canadiennes ont-elles joué pour faciliter l'accès aux services humanitaires pour les gens qui en ont besoin, particulièrement pour les femmes et les filles?
De plus, au cours de ces 13 années, des soldats ont été brutalement tués ou blessés. Qu'avons-nous accompli après tous ces sacrifices et toutes ces années passées là-bas?
Je vous remercie beaucoup de la question et de vos commentaires.
Premièrement, je voudrais dire que c'est une bonne question, parce que le travail des Forces armées canadiennes est très important, pas seulement en ce qui concerne leur contribution militaire, mais aussi en raison des avantages qu'elles ont procurés à la population en général.
Toute une génération d'hommes et de femmes en Afghanistan a pu participer à des processus politiques démocratiques. Une presse dynamique et libre a prospéré, racontant des histoires afghanes et demandant des comptes au gouvernement, comme nous nous y attendons dans une démocratie. Une génération de filles et de garçons a eu l'occasion d'aller à l'école primaire et secondaire, puis à l'université. Des niveaux de vie plus élevés avec une réduction de la mortalité maternelle et infantile ont prolongé l'espérance de vie. Un plus grand nombre de mères et de bébés ont survécu à l'accouchement grâce à des sages-femmes formées et à des soins prénatals et postnatals. Les droits des femmes et des minorités se sont considérablement améliorés.
Les Forces armées canadiennes ont contribué à tout cela, et nous devons leur demeurer reconnaissants.
[Français]
Outre les leaders des Forces armées canadiennes qui m'accompagnent aujourd'hui, nous devons remercier les membres des Forces canadiennes pour les efforts considérables qu'ils ont fournis pendant la guerre.
La question qui a été posée est primordiale pour nous, qui avons servi dans ce pays.
[Traduction]
C'est une réponse très personnelle que nous devons donner à la question de savoir si cela en valait la peine. Notre sacrifice dans ce pays en valait‑il la peine?
Lorsque j'en parle à nos militaires, c'est une période très chargée d'émotion parce que nous sommes nombreux à avoir perdu des amis, des collègues et des subordonnés dans ce pays. Nous avons fait tout ce que vous, les élus de ce pays, nous avez demandé de faire. Nous avons donné à ce pays 20 ans pour en faire un meilleur endroit. Nous avons constaté des progrès sur le terrain. Nous avons vu une génération d'Afghans éduqués et branchés au monde extérieur.
Nous nous sommes dévoués cœur et âme à ce pays, alors il est douloureux de voir ce qui s'est passé. Comme je l'ai dit, chacun d'entre nous a une question personnelle à se poser: cela en valait‑il la peine?
Je suis fier et heureux d'entendre ce que vous et madame la ministre avez dit.
Je vais vous poser une brève question.
[Français]
Madame la ministre, à la suite de l'évacuation de 2021 et compte tenu des événements en Ukraine, le président Macron et d'autres préconisent non seulement le renforcement des moyens de défense de l'Europe pour qu'ils soient complémentaires à ceux de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, ou OTAN, mais aussi l'atteinte de l'autonomie stratégique dans le domaine de la sécurité, entre autres domaines.
Pouvez-vous nous dire de quelle façon le budget de 2022 nous permettra de veiller au maintien du multilatéralisme et au rôle que joue le Canada dans l'OTAN?
Madame la ministre, vous êtes ministre de la Défense nationale. Selon ce que je comprends, vous n'avez pas rencontré de membres du Front national de résistance de l'Afghanistan. En revanche, savez-vous si des membres de votre gouvernement, des membres de votre caucus, les ont rencontrés?
En fait, il est facile de répondre à la question. Si vous êtes au courant, vous répondez par oui et, si vous ne l'êtes pas, vous répondez par non.
Vous êtes donc en train de me dire que la ministre de la Défense nationale ne sait pas si des députés de son propre gouvernement ont rencontré des représentants du Front national de résistance de l'Afghanistan, alors que, moi, simple député du Bloc québécois représentant la circonscription de Lac‑Saint‑Jean, je suis au courant que des membres de votre caucus les ont rencontrés.
Je dirais que, dans le cadre de l'opération Aegis, nous nous sommes arrangés pour évacuer 3 700 ressortissants afghans. C'est le fruit des efforts que le ministère de la Défense nationale a déployés de concert avec nos alliés.
Si vous me dites qu'il s'agit d'une question de sécurité nationale, je vais arrêter de poser mes questions, mais il faut que vous me le disiez. Il ne faut pas que vous esquiviez la question.
Ainsi, moi, je suis au courant que des membres de votre caucus les ont rencontrés, mais vous, la ministre de la Défense nationale, vous n'êtes pas au courant.
Tantôt, madame la ministre, en réponse à l'une de mes questions portant sur les ONG, vous avez dit que les talibans resteraient sur la liste des entités terroristes pour de bon, et je suis d'accord avec vous.
Selon vous, devrions-nous modifier le Code criminel pour aider les ONG sur le terrain?
Comme je l'ai déjà dit lorsque j'ai répondu à cette question, il est important de rappeler ceci.
[Traduction]
Les talibans figurent déjà sur la liste des entités terroristes inscrites en vertu du Code criminel. Pour le moment, il n'y a aucune intention de les reconnaître comme le gouvernement légitime de l'Afghanistan.
La ministre pourrait-elle nous dire combien d'Afghans son ministère a recensés comme ayant une relation durable avec le Canada et devant être évacués au Canada?
Excusez-moi, mais ma question portait sur le nombre de personnes que vous avez recensées pour l'évacuation, le nombre que vous souhaitiez évacuer, et non celui des personnes que vous avez en fait évacuées.
Les derniers chiffres que j'ai — et corrigez-moi si je me trompe, mon général —, c'est que 3 800 noms ont été validés par le ministère de la Défense nationale et transmis à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada.
Notre chef d'état-major a peut-être des renseignements plus récents.
Ces chiffres sont exacts, monsieur le président. Nous avons reçu quelque 7 500 requêtes d'Afghans qui étaient intéressés, dont seuls environ 3 800 avaient une relation durable avec les Forces armées canadiennes selon ce que nous avons pu corroborer.
Monsieur le président, je n'ai pas ces chiffres sous les yeux. Les chiffres dont nous parlons remontent au 1er avril de cette année. Il importe de noter que depuis l'évacuation, nous continuons de recevoir des demandes à ce jour.
Dans ce cas, je me demande si les fonctionnaires pourraient faire parvenir au Comité les chiffres pour toute la période. Combien de personnes ont été recensées avant la chute de Kaboul? Combien après la chute de Kaboul? Combien ont été évacuées au cours des deux périodes de 2021 — entre le 4 et le 15 août et entre le 15 et le 26 août — et par la suite? Pourrions-nous obtenir cette ventilation? Pourrions-nous avoir toute cette information?
J'aimerais aussi savoir combien de personnes ont été laissées pour compte. Est‑ce que les fonctionnaires ou le ministère font le suivi du nombre de personnes qui ont été recommandées à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada? Combien d'entre elles ont par la suite été évacuées ou ont quitté l'Afghanistan pour demeurer saines et sauves?
Très rapidement, je ne suis pas sûr que nous ayons le degré de détail que recherche la députée, mais pour ce qui est des 3 800 demandes corroborées, 900 personnes ont été acceptées, en plus de leurs familles. Ce sont les chiffres que j'ai. Je n'ai pas d'information sur le nombre de gens que les membres de la famille viendraient ajouter aux 900.
Tout d'abord, je remercie le général Eyre, le vice-amiral Auchterlonie, le général Meinzinger et le général Boivin. Je vous connais tous les quatre très bien et j'ai eu le plaisir et l'honneur de servir avec vous. Je sais que vous continuez de servir les Forces armées canadiennes, le Canada et ses militaires, et tout le monde vous tient en grande estime.
Général Meizinger, je vous souhaite en passant une excellente retraite. Vous aurez sûrement plus de temps pour vos matchs de hockey.
J'aimerais commencer par vous faire un commentaire pour le compte rendu, madame la ministre. Je ne suis pas d'accord avec ce que vous avez dit tantôt, lorsque vous avez comparé ce qui se passe en Ukraine et en Afghanistan et affirmé qu'il n'y a pas de lutte pour la démocratie en cours en Afghanistan, alors que cette lutte existe bel et bien dans ce pays.
Je tiens à préciser qu'il y a un conflit en cours et que le gouvernement légitime au pouvoir, une démocratie, se bat pour sa souveraineté. Il est vrai qu'il y a eu une certaine ambiguïté dans mes observations précédentes, et je tiens à préciser que je le reconnais volontiers. Bien sûr que oui. Je vous remercie de l'avoir soulevé et de m'avoir donné l'occasion d'apporter cette précision.
C'était une approche pangouvernementale. Le ministère de la Défense nationale a travaillé en étroite collaboration, main dans la main, avec Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, ainsi qu'avec Affaires mondiales Canada pour mener à bien l'évacuation du plus grand nombre possible de ressortissants afghans.
Comme notre chef d'état-major était sur le terrain à l'époque, je vais lui demander s'il a quelque chose à ajouter.
Le 27 juillet, nous avons reçu une demande d'Affaires mondiales et Immigration sollicitant que nous prêtions main-forte à cette opération. Le ministère de la Défense et nos forces armées y ont donc répondu.
Oui. Je sais parfaitement que le ministère de la Défense était d'accord. Ma question à la ministre était de savoir quel était le ministère responsable.
À titre d'information, lorsque les représentants d'Affaires mondiales ont comparu devant nous lundi dernier, ils ont dit très clairement que, conformément à la loi, c'est leur ministère qui est responsable de ce genre d'évacuation.
Ma prochaine question s'adresse aux militaires ici présents. Vous avez dit que l'équipe consultative stratégique est intervenue à des fins de sécurité, le 1er avril, si je ne m'abuse.
Quelle était la composition de cette équipe? S'agissait‑il d'une combinaison de personnel des forces spéciales ou de la Force régulière?
Monsieur le président, pour des raisons de sécurité opérationnelle, nous n'allons pas révéler la composition exacte de l'équipe, mais je vais céder la parole au commandant du Commandement des forces d'opérations spéciales, le major-général Steve Boivin, pour qu'il nous dise ce qu'il peut sans nous compromettre.
Nous avons déployé l'équipe consultative stratégique le 24 avril pour aider l'ambassadeur et mettre en place un plan d'urgence pour l'éventuelle évacuation de l'ambassade du Canada.
Ces équipes ont des tâches qui varient pour s'adapter dans chaque cas à la situation et à la mission assignée au Commandement des Forces d'opérations spéciales du Canada. Nous envoyons une équipe de la taille qui convient, dotée des capacités nécessaires pour accomplir la tâche qui nous est confiée. Dans le cas qui nous occupe, il s'agissait d'une toute petite équipe que l'on pouvait compter sur les doigts.
Madame la ministre, d'abord et avant tout, je tiens à vous remercier, vous et l'ensemble des forces armées, de vos efforts inlassables. Ce n'était pas une situation facile, comme vous l'avez mentionné plus tôt. Nous n'avions pas de ressources importantes sur le terrain, mais nous avons pu compter sur l'appui de nos alliés, car nous n'avons pas joué un rôle actif en Afghanistan depuis quelques années.
En parlant de ressources limitées, et compte tenu de la situation à l'époque, pouvez-vous nous dire comment le Canada a maximisé le nombre de personnes évacuées? J'aimerais bien entendre ce que vous ou l'un de vos dirigeants ici présents avez à dire à ce sujet.
Pour commencer, c'est un renseignement très important que vous demandez par les temps qui courent. Pour déterminer combien de passagers pouvaient être embarqués à bord d'un avion, notre équipage de l'Aviation royale canadienne devait tenir compte d'un certain nombre de facteurs — j'en ai déjà mentionné quelques-uns — pour s'assurer que les ressortissants afghans en question puissent arriver à destination.
La priorité absolue, pour équilibrer les facteurs que j'ai mentionnés plus tôt, était la sécurité des personnes transportées. Je pense que nous pouvons tous apprécier ici le degré de rigueur qu'il faut pour s'assurer que chaque vol se déroule en toute sécurité. À l'origine, nos aéronefs étaient conçus pour transporter en toute sécurité un certain nombre maximal de passagers. Nous avons modifié cette configuration pour accueillir le plus de personnes possible tout en tenant compte de facteurs comme le type d'aéronef, les conditions météorologiques et la situation au sol, pour ne citer que quelques-uns.
Ce sont tous des aspects auxquels le général Eyre a également fait allusion, mais je vais lui demander s'il a quelque chose à ajouter.
Monsieur le président, permettez-moi tout d'abord de dire que le fait que nous avons pu sauver 3 700 personnes en projetant la puissance de combat du Canada dans un environnement contesté à l'autre bout du monde, où nous n'avions pas de présence militaire depuis sept ans, est assez extraordinaire quand on y pense.
Comment avons-nous réussi? Primo, nous avons tiré parti de notre capacité de transport aérien stratégique, en particulier des C‑17.
Secundo, grâce à nos communications stratégiques, nous avons pu surveiller la situation et transmettre des renseignements de minute en minute et d'heure en heure aux quatre coins du monde.
Tertio, nous avons pu compter sur le réseau incroyable de partenaires et d'alliés que nous avons dans le monde entier et du personnel intégré qui occupent des postes de leadership dans des endroits comme le quartier général du commandement central des États-Unis et du côté du bureau des chefs d'état-major interarmées au Pentagone. Avec l'aide de notre groupe de travail au Koweït, nous avons hébergé bon nombre des Afghans que nous avons pu évacuer. Nous avions du personnel au centre d'opérations aériennes combinées — le CAOC, comme nous l'appelons — au Qatar. La mise à profit de ce réseau nous a permis de travailler très efficacement avec nos alliés et de nous assurer que tout était bien coordonné.
Si vous désirez plus de précisions, le vice-amiral Auchterlonie ici présent a géré bon nombre de ces échanges heure par heure, mais le temps nous limite peut-être.
Pour faire suite aux propos du chef d'état-major, je crois qu'il a mentionné les points essentiels. Le fait d'avoir des gens intégrés parmi les alliés et les autorités pertinentes, de disposer du transport aérien stratégique nécessaire et la disponibilité opérationnelle de nos forces sont autant de facteurs qui nous ont permis de réussir.
J'aimerais souligner deux points importants. Nous avons pu déployer des gens très rapidement, à la vitesse qu'exige une situation de crise. Nous avons suivi l'évolution de la crise sur plusieurs semaines, puis nous nous sommes assurés d'avoir des gens sur le terrain travaillant en collaboration avec nos alliés.
Nous aurons peut-être le temps d'approfondir la question une fois que la ministre sera partie, mais je pense qu'il est essentiel de faire la distinction entre les deux périodes. Lorsque nous étions en plein branle-bas de combat pour évacuer les gens après la chute de Kaboul, le personnel sur le terrain avait les pouvoirs nécessaires pour exécuter la mission. C'est un major au sol à l'aéroport de Kaboul et un jeune commandant de bord qui ont décidé d'embarquer 534 personnes à bord du C‑17. Ce n'était pas ma décision à moi; c'était délégué au niveau le plus inférieur. Le jeune commandant de bord du C‑17 et un jeune co‑pilote ont pris la décision de sauver 535 personnes.
Merci beaucoup, monsieur Sidhu. Votre temps est écoulé.
Au nom des membres du Comité, j'aimerais remercier la ministre Anand d'être venue et d'avoir eu une conversation aussi importante. Merci beaucoup. Je l'apprécie.
Nous allons suspendre la séance pendant quelques minutes.
Nous reprenons nos travaux. Nous allons poursuivre avec notre deuxième groupe de témoins.
Je tiens à vous remercier, général Eyre, votre équipe de direction et le sous-ministre d'être restés avec nous pour la prochaine heure afin de poursuivre cette importante conversation avec nos députés. Tout s'est très bien passé pendant la première heure. J'espère continuer sur le même ton et que l'on respecte le temps et les opinions de chacun.
Monsieur Ruff, vous avez six minutes. Allez‑y, je vous en prie.
J'aimerais revenir sur la question de l'équipe consultative stratégique. Il ne s'agit pas tant de cela, mais plutôt de l'ambassade et de sa protection.
Ma question s'adresse peut-être davantage à vous, vice-amiral Auchterlonie. Quand avons-nous retiré notre personnel militaire de la mission de protéger l'ambassade à Kaboul?
Je pense que cela revient à ce que nous disions plus tôt. Le fait est que, comme le chef d'état-major l'a fait valoir, nous avons mis en place l'équipe consultative stratégique ainsi que... L'équipe était donc à Kaboul, tout comme l'équipe de protection de la force.
Je parle de la première tâche de l'équipe de protection de la force que nous avions à l'ambassade, à l'époque, qui s'occupait de la protection de l'ambassade au service de l'ambassadeur. Est‑ce que c'est passé d'être... vous savez, ce petit chiffre que l'on peut compter sur les doigts? Je ne veux pas entrer dans les détails.
Monsieur le président, j'étais sur le terrain en Afghanistan, en 2014, quand nous avons mis le drapeau en berne au quartier général de la FIAS et que les Canadiens sont partis. C'est à ce moment‑là que l'opération Addenda a été mise sur pied pour assurer la protection de l'ambassade du Canada.
Je ne sais pas exactement en quelle année nous avons transféré cette responsabilité à une entreprise de sécurité privée. Je crois que c'était en 2017‑2018, mais nous pourrons prendre note de la question et...
Compte tenu des leçons tirées de l'expérience dont la ministre a parlé et qui sont appliquées depuis, qui s'est occupé de la partie prise en charge par les FAC du processus découlant de ces leçons? Est‑ce que c'était l'EMIS et le COIC? Qui l'a dirigée?
Monsieur le président, vous devez savoir que nous effectuons des analyses après action à chaque niveau. Les FOSCAN ont effectué leur propre analyse après action. Le COIC a fait la sienne, et nous en avons fait une des Forces armées canadiennes sous la direction de l'EMIS.
Serait‑il possible d'obtenir un exemplaire de ce rapport, même si cela doit probablement être approuvé, quoique certains membres du Comité aient les autorisations de sécurité appropriées?
Y a‑t‑il eu une rencontre interministérielle — cette question s'adresse peut-être davantage au sous-ministre — au sujet des leçons tirées de l'expérience ou du processus après action?
Je sais qu'il y a des discussions au sujet des leçons tirées de l'expérience. Je vous ferai savoir s'il existe un compte rendu officiel de ces leçons. Il y a évidemment un dialogue. Je ne sais pas si la forme en est aussi officielle que ce que le chef a dit, mais il est peut-être au courant.
Nous verrons ce que nous pouvons faire pour revenir sur cette question.
Je pense que ma question s'adresse au sous-ministre, mais peut-être, en fait, aux militaires. Quel a été l'impact du déclenchement des élections au beau milieu de cette évacuation? Qu'est‑ce qui a changé?
Monsieur le président, pendant la période électorale, le ministre a conservé ses pouvoirs, et rien n'a donc changé du côté des demandes d'autorisation et des séances d'information quotidiennes.
Il était probablement plus difficile de communiquer et de discuter publiquement de la situation en raison d'un contrôle plus strict de l'information. Cela dit, il y a eu un certain nombre de séances d'information techniques sans indication de la source. C'était l'amiral Auchterlonie qui présidait le plus souvent ces réunions. Nous en avons fait une avec indication de la source peu après la fin des mesures d'évacuation. C'est moi qui ai fait le breffage, et celui‑là avec indication de la source.
J'en viens à ce qui se passe en ce moment. Ma question s'adresse au général Eyre ou au général Boivin, compte tenu du temps que vous avez passé sur le terrain.
Êtes-vous surpris du comportement horrible ou haineux des talibans, notamment à l'égard des femmes, des enfants et des minorités visibles, comme on le voit en ce moment?
Monsieur le président, étant donné ce que nous avons vu quand nous servions ensemble à Kandahar, je ne suis pas surpris. Leurs méthodes n'ont pas changé depuis l'époque où ils dirigeaient le pays dans les années 1990.
J'ai le même sentiment que le chef d'état-major de la défense. Je ne suis absolument pas surpris de leur comportement. Ils sont fidèles à leurs antécédents.
Ma dernière question s'adresse à vous, général Eyre.
Où avons-nous échoué? Vous étiez le commandant de l'ELMO et l'un des premiers sur le terrain en Afghanistan.
J'ai déclaré publiquement que nous n'avions manifestement pas su préparer les forces de sécurité afghanes. Nous avons fait de notre mieux pendant notre mandat. Qu'en pensez-vous personnellement? Où donc avons-nous échoué pour que l'Afghanistan ne retombe entre les mains des talibans?
Monsieur le président, je réfléchis à cette question depuis 15 ans, depuis ma nomination en 2007. Il y aurait bien des raisons, mais je ne suis pas sûr que la question « où avons-nous échoué » soit la bonne, parce que nous avons fourni une excellente formation et un excellent équipement.
Je vous recommande un livre intéressant intitulé A Question of Command , de Mark Moyar. Il traite de l'importance du leadership dans les opérations de contre-insurrection et d'insurrection et explique comment les élites d'un pays doivent s'approprier le combat. On y explique comment les élites doivent diriger et donner l'exemple à tous. Compte tenu de la corruption endémique qui sévissait alors dans le pays, il était difficile pour les élites d'être crédibles aux yeux du citoyen moyen.
Ce n'est que mon opinion personnelle, mais c'est le fruit d'une longue réflexion.
Merci, monsieur le président, et merci à vous tous de comparaître devant le Comité.
Merci à tous les Canadiens qui servent dans les forces armées, du travail qu'ils font ici pour les Canadiens et partout dans le monde.
Je crois que nous aurions tous aimé que le Canada puisse évacuer plus de gens. Le Canada a évacué 3 700 personnes, et je tiens à vous remercier d'avoir veillé à ce que nous puissions les faire sortir du pays. Merci à tous les gens de la Défense nationale qui ont appuyé le pont aérien d'évacuation.
Il est important que les membres du Comité comprennent la réalité et les obstacles du terrain quand on se dit qu'on aurait dû rester plus longtemps ou anticiper les vols d'évacuation.
Pourriez-vous nous parler de quelques difficultés et obstacles auxquels vous avez été confrontés?
Monsieur le président, si je comprends bien la question, il s'agit de savoir si nous aurions pu rester plus longtemps pour faire plus de vols d'évacuation.
Nous avons commencé très peu de temps après que la demande a été faite. Compte tenu de ce qu'on appelle les « rampes d'atterrissage » et les « créneaux horaires », le nombre de créneaux attribués au Canada limitait le nombre de vols que nous pouvions offrir.
Quant à rester plus longtemps, la détérioration de la sécurité sur le terrain et le fait que nos alliés, les États-Unis, avaient décidé de se retirer le 30 août nous ont obligés à mettre fin aux opérations d'évacuation dès le 26 août parce que, après cette date, le périmètre de sécurité autour de l'aéroport international de Kaboul serait réduit.
Il faut comprendre que le périmètre de sécurité entourant l'aérodrome était de 14 ou 15 kilomètres et qu'il exigeait beaucoup d'effectifs. C'était une opération très dangereuse que de démanteler un périmètre de sécurité en étant encerclés, d'assurer la sécurité de nos propres soldats et de les faire sortir. Je dirais simplement que personne ne veut être le dernier à partir quand il n'y a plus de périmètre de sécurité.
Le 26 était le dernier jour où nous pouvions, en collaboration avec nos alliés, procéder à des opérations d'évacuation. En fait, nous avons fait sortir des Afghans le 27, mais en raison d'une médiocre coordination. C'était cela, la réalité du terrain.
En date du 23 août, le Canada avait obtenu une heure d'atterrissage garantie chaque jour. Combien d'heures d'atterrissage avait‑on accordées à chacun des autres pays alliés participant au pont aérien?
C'est une très bonne question. Le fait est que notre capacité était limitée par la disponibilité des créneaux horaires à l'aéroport international Hamid Karzaï, avant et après la chute de Kaboul. Nous avions un créneau avant et un autre après, que nous avons coordonnés après la chute de Kaboul.
Nous participions au pont aérien allié, dans le cadre duquel on nous avait attribué un créneau horaire. Nous avons profité de ce créneau pour procéder à des évacuations en collaboration avec nos alliés. Comme nous avions des gens déployés à l'avant au CAOC, au Qatar, nous avons pu ajuster notre horaire pour pouvoir partir plus tard dans la journée après nos premiers vols. Compte tenu de la protection de nos forces et de la température, qui était plus basse au milieu de la nuit, nous avons changé nos créneaux au milieu de la nuit pour évacuer plus de gens, parce que la densité de l'air est plus élevée le soir et qu'on pouvait organiser plus de vols au milieu de la nuit.
Cela a pu être coordonné parce que nous avions des gens au Qatar et qu'il y avait une liaison sur le terrain et avec nos alliés au Qatar.
Cette opération a bénéficié d'un soutien pangouvernemental. Comment le ministère de la Défense nationale a‑t‑il collaboré avec d'autres ministères comme Affaires mondiales Canada et Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada pour évacuer les Afghans?
Monsieur le président, l'une des réussites ou l'un des points à retenir de cette opération, ce sont les réunions quotidiennes du groupe de travail interministériel des sous-ministres adjoints. Sinon tous les jours, du moins presque tous les deux jours, il fallait assurer cette coordination au niveau du sous-ministre et du chef d'état-major de la défense. Nous avions aussi une bonne coordination sur le terrain. Il serait bon de maintenir ce degré de coopération interministérielle.
Je suis heureux de dire que la situation s'est encore améliorée depuis le début de la crise en Ukraine.
Monsieur le président, j'aimerais simplement ajouter que je suis extrêmement fier du travail que les nôtres ont fait au cours de cette crise, et ce, dans des conditions très difficiles. L'un de nos soldats sur le terrain, qui avait connu, je crois, 10 ou 12 déploiements en Afghanistan et en Irak et qui avait vu des choses assez horribles, nous a dit que ces deux semaines avaient été les plus intenses et les plus éprouvantes de sa vie. Le travail que les nôtres ont fait sur le terrain est tout simplement exceptionnel.
Je veux chaudement remercier tous les témoins qui sont avec nous aujourd'hui. Je les remercie également du service qu'ils rendent au pays.
Nous savons à quel point les membres des Forces armées canadiennes ont à cœur le bien-être de la population afghane, surtout celui des frères d'armes qui ont aidé les soldats canadiens sur le terrain. Encore une fois, je les remercie d'être là. Ils sont de tout coeur avec le peuple afghan et cela ne fait pas de doute.
L'opération Aegis a pour objectif d'évacuer les Afghans qui ont des liens importants ou durables avec le gouvernement du Canada. C'est un peu la description de la mission.
Général Eyre, au bénéfice de tous ceux qui nous écoutent, quels sont les critères qui servent à établir ces liens comme étant importants et durables?
Monsieur le président, permettez-moi d'abord de préciser l'objet de l'opération Aegis. Il ne s'agissait pas seulement d'évacuer des Afghans, mais aussi des citoyens canadiens et des Canadiens admissibles. Je précise que le nombre de personnes inscrites au registre consulaire des Canadiens à l'étranger a augmenté de façon exponentielle dans les jours qui ont suivi la chute de Kaboul. Je n'ai pas les chiffres exacts ici, mais nous avions prévu un certain nombre de personnes, et le nombre de gens désireux d'être évacués a augmenté de façon exponentielle.
Quant au critère d'une relation durable, il tenait à la déclaration de témoins ayant servi avec des militaires. J'ai moi-même reçu de nombreux courriels d'Afghans ayant servi et travaillé avec moi, et je me suis porté garant de leur crédibilité. Oui, ils ont servi avec des Canadiens. Oui, ils ont servi auprès des Forces canadiennes. La confirmation « cette personne a effectivement servi avec moi pendant cette période » constituait la base de vérification — à laquelle s'ajoutaient les relevés d'emploi.
Il faut aussi comprendre que certains de nos relevés d'emploi, parfois sous forme numérisée, avaient entre 10 et 15 ans et qu'il était difficile de les récupérer. C'était donc une combinaison de renseignements de ce genre — des dossiers et des attestations personnelles.
Je vous remercie infiniment, général Eyre, de cette réponse, qui apporte des précisions intéressantes.
Plusieurs groupes de vétérans ont servi en Afghanistan. Certains ont réussi à aider leurs frères d'armes, alors que d'autres ont dû abandonner leurs efforts, car la situation était devenue trop difficile.
Avez-vous eu des contacts avec ces groupes de vétérans? Certains d'entre eux ont comparu devant le Comité et nous ont dit à quel point la situation était difficile pour eux, même en ce qui a trait à leur santé mentale. En effet, des promesses ont été faites à leurs frères d'armes en Afghanistan, et, malheureusement, ils n'ont pas été en mesure de tous les sortir de là.
Si vous avez eu des contacts avec ces groupes, pourriez-vous nous en parler un peu?
Monsieur le président, j'ai personnellement communiqué avec un certain nombre de membres de ces groupes. Moi aussi, j'ai éprouvé de la détresse lorsque des Afghans ayant servi à mes côtés ont communiqué avec moi et que je n'ai pas été en mesure de les aider comme je l'aurais voulu. À titre de chef d'état-major de la Défense, j'ai dû faire très attention de ne pas me placer en conflit d'intérêts et de ne pas accorder de priorité ou de préséance aux Afghans que je connaissais. C'était une situation pénible.
Au cours de cette opération, nous avons été inondés de demandes concernant des Afghans aux identités déterminées dans des endroits déterminés. Des gens influents, des gens de différents milieux de la société canadienne, nous ont contactés et, en fait, ils ont submergé nos systèmes de communication de leurs demandes au nom d'Afghans qu'ils voulaient sauver. La gestion de l'information a été compliquée, parce que les systèmes ont été engorgés.
Général Eyre, quand un interprète ou n'importe quel étranger collabore avec le Canada pour appuyer nos opérations militaires, j'imagine que cette personne fait l'objet de vérifications quand même assez importantes de la part des Forces armées canadiennes.
Monsieur le président, les interprètes étaient habilités à des degrés divers selon le rôle que nous leur demandions de jouer. Certains obtenaient une autorisation de sécurité complète en fonction de leur rôle et des renseignements auxquels ils auraient accès. Pour d'autres, embauchés localement, la présélection était moins stricte. Ils n'avaient pas autant accès au renseignement de sécurité.
Je vais céder la parole au vice-amiral Auchterlonie, qui dirige actuellement nos opérations courantes et qui pourra vous en parler plus en détail.
Selon ce que je comprends, des vérifications sont faites en fonction des rôles que les gens sont appelés à jouer au sein des Forces armées canadiennes.
À la suite du conflit, cette information a-t-elle été transmise à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, ou IRCC?
Monsieur le président, une partie de cette information, si elle existait toujours dans un formulaire, faisait partie du processus de confirmation dont le résultat était communiqué à IRCC.
Il faut également souligner que beaucoup de ces interprètes n'ont pas travaillé uniquement pour le Canada. Beaucoup ont travaillé pour d'autres pays également, surtout après notre retrait en 2014. D'autres pays ont aussi eu avec eux des relations durables.
Les fonctionnaires pourraient-ils nous dire combien d'Afghans et de membres de leurs familles ont eu des relations durables avec le Canada selon les chiffres du ministère? Puis‑je avoir une réponse à cette première question?
Je vais commencer, et le général pourra me corriger s'il a de meilleurs renseignements.
Je crois savoir que 3 800 demandes ont été confirmées par la Défense nationale et les FAC, puis transmises à IRCC. Neuf cents de ces 3 800 personnes ont été acceptées par IRCC, et cela signifie que les membres de leurs familles répondant aux critères ont été acceptés aussi. C'est la plus récente information dont je dispose.
Je suppose — mais, là aussi, la question concerne IRCC — que leurs dossiers sont en cours de traitement ou d'évaluation, à moins qu'ils n'aient pas été acceptés. Cela appartient à IRCC.
Selon la procédure, chaque Afghan doit communiquer avec le ministère pour obtenir confirmation. Le MDN fournit ce qu'il a et peut confirmer le statut du demandeur, après quoi c'est entre les mains d'IRCC.
Excusez-moi, je voulais dire 2 900 tout à l'heure, pas 3 100.
Des personnes qui ont communiqué avec moi ont reçu de votre ministère la confirmation d'une relation durable et un courriel indiquant que leur dossier était entre les mains d'IRCC depuis novembre. Il semble qu'IRCC n'ait même pas de confirmation qu'il a reçu ces documents.
Des représentants d'AMC nous ont dit la même chose la semaine dernière. AMC a acheminé des dossiers à IRCC, et, cette semaine, j'ai appris que des fonctionnaires demandaient aux demandeurs de demander à AMC de réacheminer le dossier.
Je suis très inquiète de constater que les dossiers de ces gens, dont votre ministère a confirmé la relation durable avec le Canada et qui devraient être mis en sécurité au Canada, sont maintenant perdus dans les limbes de l'administration. Je ne sais pas ce qu'IRCC en a fait, et on ne sait même pas si ces dossiers lui sont parvenus. Et ces gens n'ont aucun moyen de connaître la décision qui a été prise à leur égard.
Ne trouvez-vous pas cela inquiétant, et le ministère fait‑il un suivi auprès d'IRCC au sujet des dossiers laissés pour compte?
Tout ce que je peux dire pour l'instant, monsieur le président, c'est que, lorsque le dossier a été confirmé par le MDN et par les FAC, il passe par le processus d'IRCC. Je ne peux rien dire de ce processus ni vous informer de la situation de tel ou tel dossier.
Cette situation est un peu désespérante, parce que des représentants d'AMC nous ont dit qu'ils avaient fait leurs recommandations et que, lorsque des demandeurs communiquent avec IRCC, on invite ces derniers à demander à AMC d'envoyer à nouveau ces recommandations. On se demande bien où se trouve le dossier.
Quant aux dossiers acheminés par le MDN, je me demande s'ils ont effectivement été transmis à IRCC ou s'ils ont été perdus à IRCC.
Ma question pour le ministère est donc la suivante: allez-vous faire un suivi auprès d'IRCC pour vous assurer que les dossiers que vous avez transmis ne sont pas perdus dans le système?
Monsieur le président, c'est un processus qui relève d'IRCC, et il vaut mieux laisser à IRCC le soin de répondre à la question de savoir comment il traite ces demandes.
C'est désespérant, parce qu'il me semble, à tous égards, qu'IRCC... Je ne sais pas ce qu'il advient de ces dossiers à IRCC, et les gens n'ont aucun moyen de savoir s'ils pourront ou non recevoir une invitation si IRCC ne donne pas suite.
Depuis l'évacuation, votre ministère discute-t‑il avec ses homologues des pays alliés des moyens de continuer à collaborer pour garantir la sécurité des Afghans?
Je vois. Je suis également consternée par cette réponse.
Vous pourriez peut-être me donner une réponse rapide. Si on vous le demandait, seriez-vous en mesure de participer et de fournir un soutien pour garantir la sécurité d'autres Afghans?
Monsieur le président, cela dépendrait de la nature de la demande, de l'endroit en question, du nombre de personnes, de la situation en matière de sécurité...
Toutes les demandes d'aide doivent faire l'objet d'une évaluation. Quelle est la nature de la demande? Quelle est la situation en matière de sécurité? Qu'est‑ce qu'on nous demande et quelles sont les solutions possibles?
Merci aux témoins non seulement d'être présents parmi nous, mais aussi des incroyables services rendus au Canada.
Je voulais revenir sur une question de mon collègue, M. Ruff.
Nous savons que le gouvernement s'est mis en mode intérimaire le 15 août, lorsque les élections ont été déclenchées. Par la suite, y a‑t‑il eu des changements dans les mesures prises ou dans la coordination?
Non, les séances d'information que nous donnons se sont poursuivies tous les jours. La coordination interministérielle s'est poursuivie tous les jours également. L'impact le plus important s'est fait sentir sur la possibilité de communiquer publiquement.
Lorsqu'une élection est déclenchée, on entre en « mode intermédiaire », et c'est ce qui limite les communications publiques. C'est plus limité qu'en temps normal.
Des représentants du HCR ont déclaré devant le Comité que, en janvier 2021, ils avaient prévenu le gouvernement que Kaboul allait tomber. Votre ministère en a‑t‑il été informé?
Monsieur le président, je n'étais pas au courant du breffage du HCR, mais, comme je l'ai dit tout à l'heure, personne ne peut rien prévoir avec une certitude absolue. J'ai expliqué tout à l'heure comment fonctionne notre propre évaluation du renseignement.
À votre connaissance, parmi les interprètes qui ont présenté une demande dans le cadre de ces programmes, y en a‑t‑il qui ont servi notre pays et qui ont été considérés comme présentant un risque pour la sécurité par votre ministère?
Nous savons que nos homologues britanniques ont évacué environ 11 000 personnes de l'Afghanistan. Nous savons aussi, d'après des témoignages entendus ici, que nous avons évacué — je crois — environ 3 700 personnes. Pouvez-vous nous expliquer la différence entre nous et nos homologues? Pourquoi cet écart dans les chiffres?
Monsieur le président, je crois qu'il est important de rappeler que, quand nous nous sommes retirés en 2014, d'autres alliés sont restés sur le terrain. Les Britanniques et les Américains y étaient depuis longtemps. Ils étaient également très présents à l'aéroport international de Kaboul après la chute de la ville, ce qui n'était pas notre cas.
Notre retrait en 2014 a eu des conséquences, et c'en est une.
Je dois dire que, comparativement à certains de nos alliés, comme les Français et les Allemands, nos chiffres par habitant étaient beaucoup plus élevés. Je vais demander à l'amiral Auchterlonie d'intervenir, parce que nous en avons parlé aujourd'hui, justement.
C'est l'essentiel. Le fait est que nous avons travaillé avec nos alliés tout au long du processus, mais je peux vous parler de l'importance de notre présence sur le terrain. Nous n'étions plus là depuis 2014, mais nous avons rappelé les nôtres pour aider à l'évacuation. Puis, lorsque Kaboul est tombée, nous avons évacué l'ambassade comme prévu.
En fait, je pourrais m'étendre sur ce sujet si vous le désirez.
L'année dernière, après la fin de l'opération Aegis, le Toronto Sun a publié un article intitulé « PMO, Global Affairs hold off deployed [Canadian Armed Forces] Kabul ». On y expliquait qu'une équipe d'évacuation de non-combattants, composée de 17 personnes, attendait au Koweït, mais qu'elle n'avait jamais reçu l'ordre d'aller en Afghanistan. Les militaires des FAC avaient dit: « Nous voulons y aller et faire ce qu'il faut, mais le gouvernement ne nous laissera pas faire. »
Est‑il exact qu'une équipe d'évacuation de non-combattants a été déployée au Koweït, mais qu'elle ne s'est jamais rendue en Afghanistan? Dans l'affirmative, pourquoi ne s'y est-elle pas rendue?
Monsieur le président, je n'ai pas eu connaissance de cet article.
Nous avons procédé à une opération d'évacuation de non-combattants avec nos troupes sur le terrain à Kaboul. Peut-être, et c'est de la spéculation, que...
En fait, dans le cadre de cette opération, nous avions diverses capacités en place. Une équipe du nom de Force opérationnelle Arrowhead, qui travaillait pour moi, a mené une opération controversée d'évacuation de non-combattants à Kaboul. Il y en avait une autre qui travaillait pour le commandant des forces d'opérations spéciales.
Merci, monsieur le président et merci au chef d'état-major de la Défense, le général Eyre.
Vous avez parlé tout à l'heure des conséquences du retrait des Forces armées canadiennes en 2014 et de ses répercussions sur l'évacuation. En comparaison de nos alliés — il est facile de comparer des chiffres —, vous avez dit que, tout bien considéré, nous avons travaillé très efficacement, étant donné que nous n'avions pas autant de ressources sur le terrain, puisque nous n'avions pas le même type de présence que nos alliés.
Vice-amiral Auchterlonie, vous avez fourni certains détails de l'opération, et nous avons manqué de temps tout à l'heure.
J'aimerais vraiment avoir d'autres détails sur cette opération et sur les menaces qui pèsent sur notre personnel et sur nos ressources sur le terrain et savoir comment vous avez finalement réussi à agir efficacement. Je pense qu'il est important que le Comité le sache.
Les conditions sur le terrain étaient précaires, chaotiques et désespérées. Je crois que vous le savez très bien. Et c'est dans cet environnement chaotique que nos troupes ont travaillé.
Pour en revenir aux deux phases d'opération, avant la chute de Kaboul, nous avons travaillé à réunir les conditions de l'évacuation. Une fois Kaboul tombée, nous avons dû procéder à une évacuation controversée de non-combattants.
Revenons‑en à la chute de Kaboul. Nous avons parlé des données de renseignement stratégique que nous avons recueillies. C'est à mon avis assez cohérent — c'était la même chose pour tous les alliés. En avril, nous envisagions un délai de six mois, et puis, à mesure que l'échéance se rapprochait, nous avons compris que Kaboul allait tomber. Mais je pense que tout le monde, y compris les talibans, a été surpris de la rapidité de la chute.
Cela dit, je voudrais vous parler du renseignement tactique sur le terrain. Nous avons pu procéder à l'évacuation de notre ambassade, et nous étions le seul des pays alliés à pouvoir le faire grâce à nos capacités de renseignement tactique sur le terrain, à nos troupes et à la puissance aérienne nécessaires. La seule raison de notre absence après la chute de Kaboul, c'est que notre ambassade a été la seule à être évacuée grâce aux renseignements dont nous disposions, à nos capacités au sol et à notre puissance aérienne. Nos alliés n'ont pas pu le faire. Ils ont laissé des forces importantes sur le terrain parce qu'ils n'ont pas pu les évacuer assez rapidement. Ils l'auraient fait, s'ils l'avaient pu.
Passons maintenant à la deuxième partie, l'évacuation controversée de non-combattants, en collaboration avec nos alliés. Je rappelle que nous avons rétabli nos capacités le 19 août et que les vols ont commencé le jour même. Notre premier avion était plein. Il y avait des alliés à bord. Il y avait du personnel canadien admissible. Il y avait des Afghans d'autres pays, ainsi que du fret, parce que nous participions au pont aérien allié. À mesure que nous avons intensifié les opérations, que nos gens et nos capacités ont été intégrés, nous avons pu faire entrer de plus en plus de Canadiens admissibles dans l'aéroport. Nous avons alors commencé à remplir les avions, et c'est ce que vous avez vu durant cette période. Entre le 19 et le 26 août, nous avons évacué près de 3 000 personnes, en permettant aux nôtres sur le terrain de prendre des décisions difficiles.
Le dernier point que j'aimerais rappeler, c'est que les gens sur le terrain ont travaillé sans relâche, 24 heures sur 24, sept jours sur sept, pendant plus d'une semaine, pour que nous puissions évacuer le plus de monde possible après la chute de Kaboul. Il faut vraiment les féliciter pour les efforts qu'ils ont déployés, et je parle non seulement des forces spéciales, mais aussi de ma propre force opérationnelle, ainsi que des équipages, qui ont travaillé sans relâche pour sauver le plus grand nombre possible d'Afghans.
Est‑ce que quelqu'un d'autre veut ajouter quelque chose?
Je comprends que la situation était très complexe. Pour maintenir ce périmètre de sécurité de 14 kilomètres, il a fallu énormément de détermination, de travail acharné et de ténacité.
Si vous avez quelque chose à ajouter, je vous en serais reconnaissant.
Je crois important de souligner que nous avons porté une attention très particulière aux données de renseignement tactique.
Rappelez-vous l'attentat-suicide d'Abbey Gate, qui a entraîné la mort d'un certain nombre d'Américains — 13, je crois. Des militaires des Forces canadiennes se trouvaient précisément à cet endroit 24 heures auparavant. La frappe a eu lieu après que nous avions commencé à réduire nos activités d'évacuation. Cela montre l'importance du renseignement tactique et à quel point la situation était dangereuse. À l'époque, un certain nombre de militaires se trouvant dans les environs ont pu fournir rapidement des premiers soins aux blessés.
J'aimerais profiter de l'occasion pour remercier à nouveau les forces armées. Cette période a été difficile à n'en pas douter, et je tiens à exprimer ma reconnaissance pour le travail acharné qui a été accompli dans cette situation très tendue.
Vous savez tout de même que ce groupe a libéré un certain nombre de provinces.
À titre de chef d'état-major de la défense au sein des forces armées d'un pays qui a envoyé des soldats en Afghanistan, j'imagine que vous disposez quand même de certains renseignements.
Selon vous, ce groupe peut-il être considéré comme un joueur mineur ou est-ce un joueur important dans le conflit actuel mettant en cause les talibans et les groupes d'Al‑Qaïda sur le terrain?
Nous avons une connaissance générale de la situation en Afghanistan et des groupes comme celui dont vous parlez. Par contre, nous ne pourrions pas évaluer leur capacité militaire ni leur crédibilité. Nous avons réaffecté beaucoup de ressources en matière de renseignement dans le cadre des opérations courantes. Une évaluation ne serait pas très utile en ce moment.
Je vous remercie beaucoup. Cela fait du bien d'obtenir des réponses claires.
J'aimerais poser une dernière question.
Vous faites probablement affaire avec des ONG ou, du moins, vous avez certainement parlé avec des représentants d'ONG sur le terrain.
Encore une fois, je ne veux pas vous amener sur le terrain politique, mais avez-vous entendu dire que des ONG avaient eu de la difficulté à acheminer de l'aide humanitaire à cause du Code criminel canadien?
Est‑ce que le ministère s'inquiéterait du fait que le Canada procède à des analyses biométriques des Afghans, soit dans des pays tiers, soit après leur arrivée au Canada?
Monsieur le président, il faudrait que je me renseigne à ce sujet. Toute collecte de données biométriques se ferait à la demande d'un autre ministère. Malheureusement, je n'ai pas de réponse utile à vous donner à ce sujet.
J'aimerais beaucoup que vous fassiez parvenir cette information par écrit au Comité.
La raison de ma question est qu'IRCC dira que cela ne lui incombe pas et que, pour des raisons de l'ordre de la sécurité nationale, cela incombe à la Défense et à d'autres. Et nous nous retrouverons dans une situation où chacun refile la responsabilité à l'autre, mais j'aimerais savoir ce qui peut être fait et comment, et si le Canada peut travailler en collaboration avec les pays alliés pour concrétiser cet objectif? Parce que si, d'après les chiffres que nous avons reçus, seulement 900 des 3 800 dossiers que vous avez acheminés à IRCC ont été traités — je l'espère, mais peut-être que non... je ne sais pas ce qui est arrivé aux autres.
Concernant les documents exigibles, compte tenu de la collaboration nécessaire, il y a des gens qui, dans la situation actuelle, sont passés dans la clandestinité et brûlent leurs documents. Il est donc presque impossible d'exiger qu'ils soumettent ces documents.
Je comprends qu'il y a la sécurité nationale, mais je crois aussi que nous devons intervenir pour déterminer ce qu'il faut faire et comment nous pouvons procéder. J'aimerais donc avoir votre avis sur ce que le Canada peut faire pour aider à garantir la sécurité d'un plus grand nombre d'Afghans.
Merci beaucoup de la question. En fait, il y en a plus d'une.
Premièrement, avons-nous la capacité de le faire? Je vais répondre tout de suite à la question concernant l'Ukraine.
À l'heure actuelle, les Forces armées canadiennes apportent leur appui à IRCC au Centre des opérations biométriques du Canada à Varsovie. Nous collaborons avec Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada pour faciliter les opérations biométriques relatives aux visas des Ukrainiens qui viennent au Canada. Avons-nous la capacité? Oui. En fait, d'après mon expérience du travail du personnel conjoint en 2015 avec les réfugiés syriens, nous l'avons fait dans un pays tiers.
Je suppose que l'essentiel ici est que nous le faisons actuellement à Varsovie avec un allié coopératif. Nous avons le consentement du pays hôte et de nos partenaires de Varsovie — les Polonais — pour le faire. IRCC en assume le leadership, et nous lui apportons notre soutien.
Avons-nous la capacité? Oui. À titre spéculatif, je pourrais dire qu'il faudrait obtenir le consentement du pays hôte pour pouvoir le faire dans un troisième pays, mais ce n'est probablement pas à ce ministère que la question devrait être posée.
Je remercie le sous-ministre et les généraux de comparaître devant notre comité.
Comme vous le savez, le Canada a payé cher la guerre en Afghanistan. Quelque 40 000 militaires sont passés par ce théâtre d'opérations. Cette guerre a fait 158 morts parmi les Forces armées canadiennes, outre un diplomate tué et plus de 2 000 Canadiens blessés — dont certains ont subi des blessures horribles.
Entre 2011 et 2014, des commandants militaires de l'OTAN, dont des commandants canadiens, ont assuré à leurs assemblées législatives élues respectives que la mission de formation se déroulait bien. Ils ont assuré à la population qu'ils faisaient d'énormes progrès au regard de la pierre angulaire de la stratégie militaire en Afghanistan, à savoir le développement d'une armée nationale afghane et d'une force policière nationale afghane, capables de défendre le pays.
Le Canada a formé l'armée nationale afghane et la police nationale afghane. Environ un millier de militaires des Forces armées canadiennes ont participé à cette mission de formation durant cette période.
Les événements du mois d'août dernier montrent clairement que l'armée nationale et la police nationale afghanes étaient très mal formées. Les « Afghanistan Papers », qui ont été publiés par le Washington Post juste avant la pandémie et qui n'ont pas reçu suffisamment d'attention en raison précisément de la pandémie, montrent clairement que, à l'époque, les membres du personnel militaire de l'OTAN sur le terrain n'avaient pas la même vision de la mission de formation. L'armée et la police afghanes étaient, selon eux, « démotivées, mal entraînées, corrompues et truffées de déserteurs et d'agents infiltrés », c'est-à-dire tout le contraire de ce que disaient les commandants militaires de l'OTAN à l'époque.
Certains d'entre vous ont participé à cette mission de formation de l'OTAN. À l'époque, étiez-vous convaincus que la mission de formation se déroulait très bien, comme l'ont dit à l'époque le général Mattis et le général John Allen? Ou bien aviez-vous déjà constaté à quel point la mission était problématique?
Monsieur le président, c'est une excellente question et, oui, j'ai participé à l'époque, comme d'autres ici présents, à une mission de formation de l'OTAN en Afghanistan.
Selon mes notes de l'époque, les forces de sécurité nationale afghanes manquaient d'un certain nombre de choses — notamment en matière de logistique, de planification et d'autonomie; de planification globale et de capacité à prévoir et à soutenir des opérations; de gestion du personnel et de capacité à bien gérer la progression, la rémunération et le bien-être de leurs employés.
Pouvaient-elles se battre? Cela dépendait du leadership. J'ai vu des unités afghanes au combat qui s'en sont très bien tirées grâce à leurs commandants. Elles se sont battues et l'ont emporté sur l'ennemi. Dans d'autres cas — et je reviens à ce que j'ai dit à l'instant —, s'il n'y avait pas de leadership, elles ne se battaient pas, non.
Comme dans toute guerre, l'élément décisif est le leadership, la volonté de gagner, le désir de l'emporter, et je pense que c'est ce qui manquait.
Mais, oui, la formation donnée était valable, et l'équipement fourni était de bonne qualité.
Je terminerai en disant qu'il semble y avoir un décalage entre ce qui, à l'époque, a été dit aux comités parlementaires du Canada et aux membres du Congrès américain par leurs militaires respectifs sur le déroulement de la mission de formation et ce que les militaires sur le terrain disaient à ce moment‑là à leurs supérieurs.
J'espère qu'on en a tiré des leçons, parce qu'il est évident que les militaires sur le terrain avaient raison et que leurs officiers supérieurs, qui ont dit quelque chose de très différent au Parlement et au Congrès, avaient tort, et je crois que les événements du mois d'août dernier l'ont prouvé.
La chute de Kaboul a été une surprise pour la majeure partie du monde. En avez-vous été surpris ou l'aviez-vous pressentie? Dans l'affirmative, depuis quand — des mois, des semaines, des jours, des heures?
Quelle a été la réaction, et comment s'est organisée la coordination entre le commandant sur le terrain, le quartier général et les autres forces alliées?
Monsieur le président, voilà une autre excellente question, qui renvoie à celle du renseignement, dont nous avons parlé tout à l'heure. Il devenait de plus en plus évident que le gouvernement afghan ne tiendrait pas le coup, mais nous n'étions pas certains du moment où les choses basculeraient.
On peut toujours faire des analogies historiques, c'est toujours utile. En 1989, lorsque l'Union soviétique s'est retirée, beaucoup ont cru que l'Afghanistan tomberait aussitôt, mais le gouvernement a tenu bon pendant trois ans parce que l'argent continuait de suivre. En 1842, les choses ont changé du jour au lendemain, et Kaboul s'est retournée contre les Britanniques. Les analogies historiques dans ce cas ne nous aident pas vraiment.
Cependant, compte tenu du nombre de troupes gouvernementales de retour à Kaboul, on avait l'impression, en effet, qu'il serait possible de garder la capitale plus longtemps que ce n'a été le cas.
Et, effectivement, il y a eu une certaine surprise, même si les données de renseignement indiquaient que c'était inévitable, mais je crois par ailleurs que les talibans ont été surpris, eux aussi, par la rapidité de leur victoire, et nous avons des données à cet égard également.
Je pense que nous aurions tous souhaité que le Canada ait pu évacuer plus de personnes. Je vais profiter de cette occasion pour remercier les membres des Forces armées canadiennes ainsi que tous ceux et toutes celles, à la Défense nationale, particulièrement ceux et celles qui sont présents ici, qui ont soutenu l'effort d'évacuation par pont aérien.
Je pense qu'il en vaut la peine que nous tentions de comprendre la réalité sur le terrain et les obstacles qui existaient à l'époque, dans l'éventualité où nous voudrions rester plus longtemps sur le terrain ou procéder plus tôt à la planification des vols d'évacuation.
Je suis très fier de nos membres et du travail qu'ils ont accompli pendant cette crise.
[Traduction]
Qu'aurions-nous pu faire d'autre? Ou de mieux?
Eh bien, j'ai parlé tout à l'heure de notre capacité de transport aérien stratégique. Il y a 15 ans, lorsque nous n'avions pas cette capacité, nous n'aurions pas pu mener cette opération. Je pense que cette capacité change la donne.
Aucune question n'a été posée au commandant de la force aérienne, le lieutenant-général Al Meinzinger, mais je vais lui demander d'intervenir pour parler de notre capacité de transport aérien stratégique, parce que c'est très important dans ce que nous avons fait en Afghanistan, dans ce que nous faisons pour aider l'Ukraine aujourd'hui et dans ce que nous faisons pour soutenir des opérations partout dans le monde.
J'aime bien l'expression « changer la donne ». Ce que nous avons investi il y a 10 ou 15 ans pour acquérir une flotte de C‑17 a vraiment contribué à nous doter d'une armée mondiale. Je repense à la mission au Mali...
[Français]
il y a trois ans
(2030)
[Traduction]
... où nous avons été en mesure de déployer une force opérationnelle dans le désert, en grande partie grâce à notre flotte de C‑17. Le transport aérien stratégique dans ce contexte s'est révélé inestimable.
J'aimerais simplement ajouter quelque chose à ce qui a été dit au sujet de l'équipe. Je ne pourrais pas être plus fier des équipages et du personnel de maintenance de retour au Koweït, qui ont travaillé le plus souvent 24 heures sur 24, sept jours sur sept pendant deux semaines pour réaliser cette mission. Tout le monde a mis l'épaule à la roue, et nous devrions tous en être fiers.
Tout d'abord, au nom des membres du Comité, je tiens à remercier le sous-ministre Matthews de son dévouement et de sa présence parmi nous aujourd'hui. Je lui en suis reconnaissant.
Je m'adresse maintenant aux chefs militaires de notre pays. Je vais commencer par le chef d'état-major de la défense, le général Eyre. Merci, général, de votre présence parmi nous et merci de vos sacrifices et de votre engagement, ainsi que de l'engagement de tous les hauts gradés et des hommes et des femmes en uniforme qui défendent notre pays, le Canada.
Nous avons aussi reçu le vice-amiral Auchterlonie. Je vous remercie également d'être parmi nous, et merci des services rendus à la nation, des sacrifices consentis et de votre engagement.
Nous avions également avec nous, virtuellement, le major-général Boivin. Je tiens à vous remercier, major-général, au nom des membres du Comité. Merci des services rendus à la nation et de votre engagement envers notre grand pays.
Je m'adresse pour terminer au lieutenant-général Meinzinger. Merci d'avoir conclu la conversation et merci de votre engagement et des sacrifices que vous et les membres de votre équipe avez consentis.
Bien sûr, si ma collègue Mme Findlay veut le porter à mon attention, parce que c'est ma députée, mais j'ai effectivement remercié le major-général Boivin.
Je ne sais pas si le Comité peut accepter cette demande.
Compte tenu de ce que nous ont dit les représentants du ministère de la Défense nationale, pourrions-nous demander à IRCC de confirmer qu'il a bien reçu les 3 800 demandes transmises par le MDN et de nous dire combien de ces demandes ont donné lieu à une invitation et à un numéro G, combien de ces personnes sont arrivées au Canada et quand le reste des 2 900 demandes pourrait être traité?
Est‑il possible de demander au Comité, par l'entremise de la greffière, de soumettre cette demande à IRCC... Je ne sais pas si j'ai besoin d'une motion à cet égard. Si c'est le cas, j'en ferai une motion.
Monsieur Baker, avant de vous donner la parole, pourrions-nous permettre au sous-ministre et aux militaires de prendre congé? Cela n'a rien à voir avec eux.
Nous vous en sommes reconnaissants et nous vous remercions de votre temps et de vos efforts aujourd'hui.
Nous sommes saisis d'une motion. Et nous avons encore le quorum.
Monsieur Baker et monsieur Sidhu, je vois que vous avez levé la main.
Monsieur le président, pourriez-vous m'aider à comprendre? La demande concerne IRCC, qui ne relève pas de nos préoccupations actuelles. Puis‑je vous demander de consulter notre greffière pour savoir si cette demande est recevable?
Le Comité a sa propre destinée, monsieur Baker, et nous pouvons proposer tout ce que nous voulons. La décision dépend de la présence d'une majorité des membres du Comité.
Monsieur Brunelle‑Duceppe, je vais vous revenir. M. Sidhu avait déjà levé la main.
J'invoque le Règlement. C'est inexact, monsieur le président. Les motions présentées oralement, en raison des services d'interprétation disponibles partout dans les comités et au Sénat, peuvent être présentées dans la langue choisie par les députés.
Même si cette motion a été déposée en anglais, j'ai pu prendre connaissance de son contenu au moyen de l'interprétation. Tout va bien et je demande que nous nous prononcions sur cette motion.