JUST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le lundi 29 novembre 2004
¹ | 1530 |
Le président (l'hon. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.)) |
Dr Padraig Darby (directeur adjoint des services cliniques, Programmes de droit et de santé mentale; président, Comité d'éthique de la recherche, Centre de toxicomanie et de santé mentale) |
Le président |
¹ | 1535 |
Me Nicole Dufour (avocate, Service de recherche et législation, Barreau du Québec) |
Me Lucie Joncas (avocate, Barreau du Québec) |
¹ | 1540 |
Le président |
M. Richard Drewry (président, Réseau des affaires juridiques, Association canadienne pour la santé mentale) |
¹ | 1545 |
¹ | 1550 |
Le président |
M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, PCC) |
M. Richard Drewry |
M. Garry Breitkreuz |
M. Richard Drewry |
M. Garry Breitkreuz |
M. Richard Drewry |
Me Lucie Joncas |
¹ | 1555 |
Le président |
Dr Padraig Darby |
Le président |
M. Richard Marceau (Charlesbourg—Haute-Saint-Charles, BQ) |
Me Lucie Joncas |
M. Richard Marceau |
Me Lucie Joncas |
M. Richard Marceau |
º | 1600 |
Dr Padraig Darby |
M. Richard Marceau |
M. Richard Drewry |
M. Richard Marceau |
Me Lucie Joncas |
M. Richard Marceau |
Me Lucie Joncas |
M. Richard Marceau |
Le président |
Mme Penelope Marrett (chef de la direction, Association canadienne pour la santé mentale) |
Le président |
M. Joe Comartin (Windsor—Tecumseh, NPD) |
Dr Padraig Darby |
º | 1605 |
M. Joe Comartin |
Dr Padraig Darby |
M. Joe Comartin |
Me Lucie Joncas |
M. Joe Comartin |
Me Lucie Joncas |
M. Joe Comartin |
M. Richard Drewry |
º | 1610 |
M. Joe Comartin |
M. Richard Drewry |
M. Joe Comartin |
M. Richard Drewry |
Le président |
M. Joe Comartin |
Me Lucie Joncas |
Dr Padraig Darby |
Le président |
L'hon. Paul Harold Macklin (Northumberland—Quinte West, Lib.) |
Dr Padraig Darby |
L'hon. Paul Harold Macklin |
º | 1615 |
Dr Padraig Darby |
L'hon. Paul Harold Macklin |
M. Richard Drewry |
L'hon. Paul Harold Macklin |
M. Richard Drewry |
L'hon. Paul Harold Macklin |
Le président |
M. Rob Moore (Fundy Royal, PCC) |
º | 1620 |
Dr Padraig Darby |
Le président |
Mme Penelope Marrett |
Le président |
M. Richard Marceau |
º | 1625 |
Me Lucie Joncas |
M. Richard Marceau |
Me Lucie Joncas |
M. Richard Marceau |
Me Lucie Joncas |
Le président |
M. Joe Comartin |
Dr Padraig Darby |
M. Joe Comartin |
Dr Padraig Darby |
M. Joe Comartin |
Mme Penelope Marrett |
M. Joe Comartin |
Le président |
M. Mark Warawa (Langley, PCC) |
º | 1630 |
M. Richard Drewry |
M. Mark Warawa |
M. Richard Drewry |
M. Mark Warawa |
M. Richard Drewry |
M. Mark Warawa |
M. Richard Drewry |
M. Mark Warawa |
M. Richard Drewry |
M. Mark Warawa |
M. Richard Drewry |
M. Mark Warawa |
M. Richard Drewry |
M. Mark Warawa |
Le président |
Mme Penelope Marrett |
º | 1635 |
Le président |
L'hon. Paul Harold Macklin |
Dr Padraig Darby |
L'hon. Paul Harold Macklin |
Le président |
M. Richard Marceau |
Le président |
M. Joe Comartin |
Le président |
Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.) |
M. Richard Drewry |
Mme Anita Neville |
M. Richard Drewry |
Mme Anita Neville |
M. Richard Drewry |
Mme Anita Neville |
M. Richard Drewry |
Mme Anita Neville |
Le président |
Mme Penelope Marrett |
º | 1640 |
Le président |
Le président |
L'hon. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.) |
Le président |
M. Garry Breitkreuz |
Le président |
º | 1655 |
M. Garry Breitkreuz |
L'hon. Roy Cullen |
Le président |
M. Garry Breitkreuz |
» | 1700 |
» | 1705 |
Le président |
L'hon. Roy Cullen |
» | 1710 |
Le président |
M. Serge Ménard (Marc-Aurèle-Fortin, BQ) |
» | 1715 |
Le président |
M. Serge Ménard |
» | 1720 |
» | 1725 |
Le président |
M. Garry Breitkreuz |
Le président |
» | 1730 |
Le président |
L'hon. Paul Harold Macklin |
Le président |
Le président |
CANADA
Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile |
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l |
|
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TÉMOIGNAGES
Le lundi 29 novembre 2004
[Enregistrement électronique]
* * *
¹ (1530)
[Traduction]
Le président (l'hon. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.)): La séance du Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile est ouverte. Nous examinerons le projet de loi C-10, Loi modifiant le Code criminel (troubles mentaux) et modifiant d'autres lois en conséquence.
Aujourd'hui, nous entendrons des témoins de trois organismes. Tout d'abord, représentant le Centre de toxicomanie et de santé mentale, nous accueillons Padraig Darby, directeur adjoint des services cliniques, Programmes de droit et de santé mentale et président du Comité d'éthique de la recherche. C'est tout un titre!
[Français]
Nous recevons aussi deux représentantes du Barreau du Québec, Nicole Dufour, avocate au Service de recherche et de législation, ainsi que Lucie Joncas, avocate.
[Traduction]
Puis, de l'Association canadienne pour la santé mentale, nous recevons Penelope Marret, chef de la direction, ainsi que Richard B. Drewry, président du Réseau des affaires juridiques.
Je souhaite la bienvenue à tous nos témoins. Selon notre procédure habituelle, nous allons tout d'abord entendre vos exposés préliminaires, d'une durée de dix minutes environ pour chacun des groupes, puis nous passerons aux questions des membres.
Conformément à l'ordre d'inscription à l'ordre du jour, je vais demander à M. Darby de nous livrer un premier exposé.
Dr Padraig Darby (directeur adjoint des services cliniques, Programmes de droit et de santé mentale; président, Comité d'éthique de la recherche, Centre de toxicomanie et de santé mentale): Bonjour, messieurs et mesdames les membres du comité permanent. Je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui. Je m'exprimerai au nom du Dr Howard Barbaree, le directeur clinique du Programme de droit et de santé mentale.
Pour faire un bref historique, je précise que le Centre de toxicomanie et de santé mentale est le plus important établissement de ce domaine au pays. Le Programme de droit et de santé mentale compte 139 patients hospitalisés qui sont judiciarisés et il fournit des traitements à quelque 260 patients qui relèvent de la Commission ontarienne d'examen. Nous procédons en outre, bon an mal an, à quelque 300 évaluations sur ordonnance du tribunal.
Le Dr Barbaree et Mme Gail Czukar, avocate générale du Centre, ont témoigné devant le comité permanent en 2002, et ils avaient aussi déposé un mémoire. Nous vous soumettons également un mémoire aujourd'hui.
Beaucoup des enjeux débattus en 2002 sont abondamment traités par le projet de loi. Pour être bref, je commenterai seulement deux points très précis aujourd'hui.
Le premier a trait à l'article 672.11, qui statue sur les ordonnances légales d'évaluation psychiatrique des personnes atteintes de troubles mentaux, que ce soit au chapitre de l'aptitude à subir un procès ou de la responsabilité criminelle.
En 2002, nous nous étions déjà prononcés sur l'incompatibilité apparente entre la nécessité de fournir des évaluations dans les meilleurs délais possible dans le cas des personnes souffrant de troubles mentaux traduites en justice et la responsabilité concurrente qui incombe aux ressources hospitalières de maintenir un milieu sûr pour les clients et les membres du personnel.
Dans une décision rendue récemment ici, à Ottawa, Son Honneur le juge Desmarais a déclaré que la détention sous garde des personnes ayant des troubles mentaux en attendant leur évaluation médico-légale contrevient à la Charte. Cette affirmation risque fort d'augmenter encore la pression sur les ressources hospitalières restreintes.
Le CTSM a toujours été un fervent défenseur des droits des délinquants atteints de maladie mentale et de leur droit à des services adéquats. Cependant, la réalité est que les ressources hospitalières sont restreintes et le un nombre de lits limités et, dans ce contexte, nous proposons de demander le consentement de la personne responsable de l'hôpital avant qu'une ordonnance d'évaluation ne soit rendue par un tribunal ou une commission d'examen.
Ma deuxième intervention—je serai encore une fois très bref—concerne l'ajout de nouveaux paragraphes au paragraphe 672.81(2). Ces nouveaux paragraphes autoriseraient la commission d'examen à proroger le délai de l'examen annuel d'une décision de non-responsabilité criminelle jusqu'à un maximum de 24 mois. En sa qualité de défenseur des droits des personnes ayant des troubles mentaux, le Centre de toxicomanie et de santé mentale estime que cette disposition contredit totalement le point de vue exprimé par la Cour suprême dans Winko, Pinet et Tulikorpi. Nous demandons instamment que le projet de loi soit modifié afin que soit maintenue l'exigence afférente à la tenue d'une audience de la commission tous les douze mois.
Les autres propositions formulées dans notre mémoire, de nature technique, ont trait à l'ajournement des audiences portant sur les privations de liberté prévu à l'alinéa 672.81(2)a), de même qu'à une recommandation relative à l'adoption dans le projet de loi du libellé utilisé dans les décisions récentes de la cour mettant en cause l'inaptitude permanente d'un accusé à subir un procès.
Étant donné que le projet de loi offre une solution adéquate à un grand nombre des enjeux que nous avions portés à votre attention en 2002, je me permets de vous présenter un exposé très bref et je pourrai répondre à vos questions le moment venu.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Darby.
[Français]
La présentation du Barreau du Québec sera faite conjointement par Mme Dufour et Mme Joncas. Allez-y.
¹ (1535)
Me Nicole Dufour (avocate, Service de recherche et législation, Barreau du Québec): Bonjour. Je m'appelle Nicole Dufour et je suis avocate au Service de recherche et législation du Barreau du Québec. Je suis accompagnée de Me Lucie Joncas. Le bâtonnier du Barreau du Québec, Me Denis Mondor, vous prie de l'excuser. Ses occupations l'ont retenu à l'extérieur. Ma collègue Me Joncas présentera, au nom du Barreau du Québec, nos commentaires et observations sur le projet de loi.
Cependant, avant de lui céder la parole, si vous me le permettrez, je vais lire quelques petites notes biographiques à son sujet. En plus d'un diplôme en droit, Me Joncas est détentrice d'une maîtrise en droit de la santé de l'Université de Sherbrooke. Son mémoire portait sur les troubles mentaux. Elle exerce le droit criminel depuis 12 ans et elle enseigne la représentation en matière pénale à l'École du Barreau du Québec. Son intérêt pour les questions touchant la santé mentale l'a amenée à faire des conférences, tant au niveau national qu'au niveau international. Elle a participé aux travaux du Comité en droit criminel du Barreau du Québec portant sur l'examen du projet de loi C-10.
Me Lucie Joncas (avocate, Barreau du Québec): Bonjour. D'entrée de jeu, j'aimerais mentionner que le Barreau du Québec est favorable à la mise en oeuvre des modifications apportées au Code criminel par le projet de loi C-10. D'ailleurs, on y retrouve certains des changements préconisés par le Barreau du Québec dans son document de discussion du 8 avril 2002.
À cet effet, je souligne particulièrement le fait que la commission d'examen, dont la juridiction est exercée par le Tribunal administratif du Québec, pourra ordonner une évaluation avant la tenue d'une audition. Or, le Code criminel prévoit, au paragraphe 672.5(8), que lorsque l'intérêt de la justice l'exige ou lorsque l'accusé est déclaré inapte à subir son procès, la commission est tenue, dans le cas où l'accusé n'est pas représenté par un avocat, de lui en désigner un. Pourquoi ne pas appliquer le même principe aux évaluations? Conséquemment, le Barreau du Québec est d'avis que la représentation par avocat devrait également être obligatoire lors de l'application du nouvel article 672.121.
En passant, il serait peut-être opportun de réorganiser la numérotation des articles qui, pour le moins, peut porter à confusion.
En ce qui a trait à la représentation par avocat et l'application de l'article 672.58, le Barreau du Québec reconnaît le caractère essentiel du projet-pilote mis sur pied par le gouvernement fédéral en 2002. D'ailleurs, le Barreau du Québec souhaite que le renouvellement de ce projet se fasse sur une base permanente.
D'autre part, le Barreau du Québec est heureux de constater que les dispositions relatives à la durée maximale n'entreront pas en vigueur à cause des effets pervers qu'elles pourraient avoir. Nous réitérons notre position: il est essentiel que ces dispositions soient abrogées.
Par ailleurs, dans un autre ordre d'idée, tel que nous en faisons part dans notre document, la question de l'aptitude à subir son procès est considérée comme la pierre angulaire du système de justice pénale. Or, on voit que l'alinéa 672.11e) et les paragraphes 672.23(1) et 672.23(2) du Code criminel prévoient seulement que l'accusé doit être apte à subir son procès
[Traduction]
avant le rendu du verdict
[Français]
ou «avant que le verdict soit rendu». Or, il est absolument essentiel que chaque accusé puisse participer au processus sentenciel. Je crois qu'on ne peut pas simplement se fier à l'application de la décision Balliram, qui n'a pas nécessairement autorité dans d'autres provinces puisqu'il s'agit de la décision d'une cour supérieure. Nous souhaiterions que ces deux articles soient amendés pour qu'on puisse lire, non pas
[Traduction]
dans l'attente du rendu d'un verdict
[Français]
mais bien «jusqu'à ce que sentence soit rendue».
D'autre part, nous avons attiré votre attention, à la première page de notre document daté du 16 novembre 2004, sur le fait que la version anglaise de l'alinéa 672.11e) et celle du nouvel article 672.851 utilisent l'expression
[Traduction]
suspension d'instance
[Français]
qui est traduit par «suspension d'instance». Or, «suspension d'instance» ne signifie pas «arrêt des procédures». Je pense que pour se conformer à la terminologie de la Cour suprême qui, dans le cadre de la décision Demers, a utilisé l'expression «arrêt des procédures», on devrait modifier cette disposition. D'ailleurs, le Barreau profite de l'occasion pour mentionner que cette terminologie devrait être uniformisée dans le Code criminel. Je fais référence plus particulièrement à l'article 579.
Pour ce qui est du reste, je tiens à remercier le comité de l'attention qu'il portera aux préoccupations du Barreau du Québec. Je demeure disponible pour répondre à toutes les questions.
¹ (1540)
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup.
Je donne maintenant la parole à l'Association canadienne pour la santé mentale, dont le porte-parole sera M. Drewry. Nous vous écoutons.
M. Richard Drewry (président, Réseau des affaires juridiques, Association canadienne pour la santé mentale): Merci beaucoup, monsieur le président.
Bonjour, mesdames et messieurs. Je me nomme Richard Drewry, et je suis président du Réseau des affaires juridiques de l'Association canadienne pour la santé mentale. Je suis très heureux de m'adresser à vous aujourd'hui, et l'Association apprécie grandement cette occasion. Je suis accompagné par la chef de la direction, bureau national de l'ACSM, Mme Penny Marrett.
L'Association canadienne pour la santé mentale a été fondée en 1918. Il s'agit du seul organisme bénévole caritatif au pays voué à la fois à la santé et aux maladies mentales. Sa vision, «Des personnes mentalement saines dans une société saine», encadre toutes nos activités. Notre mission est de promouvoir la santé mentale de tous et de favoriser la résilience et le rétablissement de personnes atteintes de maladie mentale.
L'ACSM se fait le porte-parole d'un groupe de la société dont la participation à l'élaboration des politiques publiques est somme toute très récente. Nous sommes de fervents défenseurs d'une contribution accrue de toutes les parties intéressées des milieux de la santé et de la maladie mentale à l'élaboration des politiques publiques, et notamment de ceux qui consomment les services.
Nous ne connaissons pas encore l'ampleur des retombées des événements du 11 septembre 2001 sur l'ensemble de la société canadienne. Nous constatons un surcroît de prudence, si ce n'est de méfiance. On se surveille les uns les autres comme a jamais auparavant. Les gouvernements ne cessent de rallonger la liste des exigences de sécurité, qui prennent toutes sortes de formes, pour nous prémunir contre la répétition d'une telle tragédie. Après avoir examiné le projet de loi à l'examen, l'Association canadienne pour la santé mentale souhaite vivement que le comité veillera à ce qu'il protège l'équilibre nécessaire entre l'intérêt public et les droits individuels.
Le nombre de détenus souffrant de troubles mentaux est si élevé que l'on pourrait affirmer que les prisons canadiennes représentent actuellement le plus gros établissement psychiatrique au pays! L'offre de traitements et de services communautaires est loin de suffire à la demande, dans toutes les communautés canadiennes. L'Association canadienne pour la santé mentale craint que le nombre de prisonniers souffrant de troubles mentaux continuera d'augmenter si on ne fait rien pour combler la pénurie de traitements et de services communautaires.
Jamais une loi, soit-elle excellente, ne suffira à elle seule à faire disparaître ni même à atténuer pour la peine les difficultés uniques des accusés NCR et autres personnes souffrant de troubles mentaux qui ont des démêlés avec la justice. S'ils ne sont pas résolus, les problèmes systémiques des régimes de prestation des soins de santé mentale finiront toujours par entraver toute velléité d'amélioration du système de traitement des délinquants atteints de maladie mentale. Ce qui manque cruellement, et qui n'a jamais existé du plus loin que nous pouvons porter notre regard, c'est la prestation de traitements adéquats aux personnes qui en ont besoin.
D'une façon générale, l'Association canadienne pour la santé mentale souscrit aux dispositions du projet de loi C-10, mais nous avons quelques recommandations précises à formuler.
Premièrement, pour ce qui est du paragraphe 16(1), l'ACSM endosse l'exigence afférente à la désignation d'un avocat à l'audience d'un accusé. Il est cependant prescrit que la désignation peut être faite au moment de l'audience. Or, ces cas sont souvent d'une complexité inouïe et les enjeux d'une importance capitale, et l'intervention de l'avocat désigné au moment de l'audience s'en trouve par conséquent fort limitée. Nous recommandons de modifier l'amendement et de prévoir un délai raisonnable pour la désignation d'un avocat avant l'audience.
Deuxièmement, nous avons des réserves relativement au paragraphe 16(3). Cette disposition modifie le paragraphe 672.5(16) afin de permettre à une victime qui en fait la demande de lire une déclaration lors d'une audience et d'obliger le tribunal ou la commission d’examen à s’enquérir auprès du poursuivant ou de la victime si elle a été informée de la possibilité de rédiger une telle déclaration. Si on s'en tient à la définition voulant qu'un accusé NCR ne soit pas coupable dans les faits, qu'il ne comprend pas la portée de ses gestes et qu'il n'avait par conséquent pas l'intention de commettre un acte criminel, on est en droit de s'interroger sur la pertinence d'une déclaration de la victime dans ces affaires. Pourquoi proposer de donner le droit aux victimes de lire une telle déclaration au lieu de la soumettre par écrit? Et pourquoi est-il devenu obligatoire pour le tribunal ou la commission d'examen de chercher à savoir si la victime a été informée de ses droits à cet égard?
¹ (1545)
Certes, il peut être tout à fait à propos dans certains cas très précis d'informer une personne accusée des répercussions de ses activités, mais il existe des moyens beaucoup plus efficaces de le faire que d'imputer la tâche à la victime. Les déclarations des victimes ont bel et bien leur place dans certains cas, mais la loi devrait exiger que leur teneur soit conforme aux critères énoncés à l'article 672.54.
Troisièmement, le paragraphe 27(2) prévoit la prorogation du délai d'examen d'une décision de 12 à 24 mois si l'accusé y consent ou s'il a été déclaré non criminellement responsable d'une infraction grave contre la personne, qu'il est hospitalisé et qu'aucune amélioration de sa condition n'est à prévoir. L'ACSM est convaincue que c'est la nature de l'infraction qui devrait commander le moment de la révision de la décision. Cette façon de faire insinue une notion de punition dans les procédures. Dans l'affaire Winko, la Cour suprême souligne à diverses reprises que l'examen obligatoire tous les ans représente un élément cardinal du maintien de la validité constitutionnelle du projet de loi C-30.
Quatrièmement, l'article 29 abroge le paragraphe 672.83(2) du Code qui, par voie de conséquence et par référence au paragraphe 672.52(3) du Code, exige que la commission d'examen énonce les motifs d'une décision dans le procès-verbal d'instance et qu'elle en distribue une copie à toutes les parties. Il est extrêmement important qu'une commission d'examen énonce les motifs de sa décision. Sinon, comment construire une contestation efficace? L'ACSM recommande de supprimer l'amendement.
Cinquièmement—dans notre document d'information, on fait référence à l'article 31, mais c'est une erreur typographique; on aurait dû lire article 33. Selon cette disposition, la commission d'examen peut tenir une audience pour déterminer si elle doit ordonner une suspension d'audience dans le cas où un verdict d'inaptitude à subir son procès a été rendu à l'égard d'un accusé. L'ACSM appuie inconditionnellement cette disposition.
Sixièmement, le paragraphe 34(2) semble autoriser une commission d'examen à ordonner le transfèrement d'un accusé qui n'est pas détenu ailleurs au Canada à des fins de réinsertion sociale, de rétablissement ou de traitement. Nous recommandons la plus grande prudence dans ce domaine. Il est entendu qu'un accusé qui n'est pas détenu n'est pas considéré dangereux. Il apparaît donc tout à fait inattendu de permettre à une autorité non compétente—de permettre à une commission d'examen d'ordonner le transfèrement d'une telle personne là où elle le juge approprié.
Septièmement, l'article 39 abroge l'article 747 du Code, lequel stipule la détention dans un établissement de traitement au début de la peine d'emprisonnement lorsque la cour a décrété que le délinquant se trouve en phase aiguë d'une maladie mentale et que le traitement «immédiat de celui-ci s’impose d’urgence pour empêcher [...] que survienne une détérioration sérieuse de sa santé physique ou mentale».
L'ACSM n'a jamais compris pourquoi cette disposition n'a jamais été adoptée, et pourquoi on en propose actuellement l'abrogation. Sans les pouvoirs conférés par l'article 747, il nous semble que les tribunaux n'auront d'autre choix que d'ordonner la détention du délinquant dans une prison conventionnelle. Or, nous estimons que les chances sont très faibles qu'un délinquant puisse recevoir les traitements dont il a besoin dans un tel endroit. Si le problème avec cet article en est un de financement, la solution n'est pas de l'abroger mais de trouver des fonds pour financer un programme pertinent.
L'Association canadienne pour la santé mentale a deux recommandations d'ordre général. Premièrement, l'ACSM recommande au comité d'appuyer l'élaboration et la mise en oeuvre d'une stratégie pancanadienne en matière de maladie et de santé mentale, qui porterait notamment sur les traitements et les services à offrir aux accusés non criminellement responsables et à ceux qui sont inculpés.
Deuxièmement, l'ACSM recommande de faire l'intégration complète de tous les traitements et services dont ont besoin les personnes atteintes de maladie mentale et d'autres troubles graves de santé mentale, y compris les prestataires de soins de santé mentale. C'est la seule façon de faire en sorte que les troubles de l'esprit soient traités à l'instar des autres troubles qui affectent le reste du corps et, parallèlement, que les autres services qui ne sont pas de nature médicale soient intégrés et accessibles.
¹ (1550)
Nous estimons que l'application de ce projet de loi sera impossible si le gouvernement fédéral ne prend pas d'engagement financier à long terme visant à rendre accessibles aux accusés et aux inculpés NCR les traitements et les services nécessaires et appropriés, au moment où ils en ont besoin. Le fédéral doit aussi s'entendre avec d'autres ordres de gouvernement afin qu'ils s'engagent à fournir en temps opportun les traitements et services dont ont besoin les accusés NCR qui relèvent des systèmes juridiques provinciaux et territoriaux.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Drewry.
Nous allons maintenant passer à la première série de questions, pour des périodes de sept minutes.
Monsieur Breitkreuz.
M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, PCC): Merci beaucoup, monsieur le président. Merci à vous qui êtes venus témoigner devant notre comité.
Si notre système juridique perd de vue ce qui justifie son existence, à savoir la protection de la société, je crois qu'il perdra de son efficacité. Je ne sais pas si vous êtes d'accord avec moi, mais c'est ce que je pense. À mes yeux, les lois devraient toujours être articulées autour des répercussions sur les victimes. Je suis donc assez étonné quand j'entends certains d'entre vous essayer de nous convaincre qu'il ne faudrait pas donner la parole aux victimes lors des audiences.
J'aimerais obtenir votre avis à tous sur cette question. Est-ce que, selon vous, le projet de loi C-10 protège suffisamment les droits des victimes qui ont subi des préjudices par suite d'un acte d'une personne atteinte de maladie mentale, et faut-il y apporter un amendement qui autoriserait les victimes à recevoir un avis d'audience? J'attends les commentaires de chacun de vous à cet égard.
M. Richard Drewry: Monsieur Breitkreuz, j'aimerais tout d'abord souligner que l'ACSM convient de la nécessité de protéger la société contre le danger, sans égard à la source—que l'auteur soit une personne atteinte de maladie mentale ou non, cela importe peu.
Ma réponse s'inspire de l'analyse que je fais de l'utilité réelle d'une déclaration de la victime dans un contexte aussi tragique. Selon l'essence même du motif de défense fondé sur la maladie mentale, pour qu'il soit reçu, ou pour qu'une personne soit déclarée inapte à subir un procès, il faut démontrer qu'elle n'a jamais eu l'intention de perpétrer l'infraction dont elle est accusée.
Dans cet esprit, lorsque l'on prétend qu'une déclaration de la victime peut constituer un antidote à une éventuelle récidive, je crois pour ma part que c'est loin d'être certain. Je ne crois pas qu'une telle pratique ait quelque vertu de ce genre.
Si le but est d'aider les victimes à comprendre, ou encore d'aider les délinquants à saisir la portée de leurs gestes, alors cela peut être justifié. Mais si l'intention est d'empêcher que cette conduite ne se reproduise dans l'avenir, sauf le respect que je vous dois, je ne vois aucune utilité pratique à exiger une déclaration de la victime.
M. Garry Breitkreuz: Avant que les autres ne répondent, j'aimerais vous demander si cette déclaration peut avoir un effet sur le traitement de la personne atteinte de maladie mentale?
M. Richard Drewry: Elle pourrait avoir un impact au moment de la réinsertion sociale, ce à quoi je ne m'oppose aucunement.
M. Garry Breitkreuz: De là toute son importance.
M. Richard Drewry: Je ne dis pas que je ne suis pas d'accord avec vous, mais je dis que l'intention serait mieux servie par d'autres moyens que la présence et le témoignage de la victime.
Me Lucie Joncas: Si vous me permettez. Je sais que le comité a beaucoup réfléchi à ce point précis. Le Barreau du Québec n'écarte pas complètement la possibilité qu'une victime témoigne lors du procès, mais ce témoignage doit alors avoir des visées curatives, non punitives. Selon nous, la déclaration de la victime doit faire référence à des événements récents, afin que la décision rendue soit la moins contraignante possible pour la personne reconnue non responsable. Bref, nous reconnaissons que la victime doit être entendue, mais il faut considérer par ailleurs que si son témoignage est seulement mis en preuve, il ne pourra y avoir de contre-interrogatoire. Cet aspect nous pose un problème.
Autre point important, il faut en tenir compte seulement pour l'application de l'alinéa 672.54b), et pour aucune autre raison.
¹ (1555)
Le président: Monsieur Darby.
Dr Padraig Darby: Docteur Darby, monsieur le président. Je suis psychiatre. Je m'occupe de patients qui relèvent de la commission d'examen, en plus de siéger à cette commission. J'ai donc une double perspective sur la question.
Bien que le Centre de toxicomanie et de santé mentale n'ait pas encore arrêté une position officielle, je ne peux que constater le conflit réelle qui existe entre la nécessité d'entendre les victimes qui peuvent avoir subi des préjudices graves et l'objectif fondamental de l'article 672.54, qui vise la réinsertion des accusés dans la société.
L'article 672.54 exige la prise en compte de quatre facteurs. Le premier est la protection du public, et il serait souhaitable que les commissions d'examen s'en préoccupent avant de rendre une décision. Comme l'a évoqué ma prédécesseure, l'objectif fondamental de ce texte de loi est de réinsérer les accusés dans la société, parce qu'ils ont été déclarés non responsables de l'infraction qu'ils sont réputés avoir commis. À mon sens, c'est une question d'équilibre.
Selon mon expérience de la psychiatrie, je crains que des déclarations de la victime— surtout celles qui sont très intenses—20 ans après la commission d'une infraction désignée n'entraînent une charge émotive beaucoup trop forte compte tenu de l'état courant de l'accusé.
Le président: Merci, monsieur Breitkreuz.
[Français]
Monsieur Marceau, vous disposez de sept minutes.
M. Richard Marceau (Charlesbourg—Haute-Saint-Charles, BQ): Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur présence.
Maître Joncas, vous avez dit que le Barreau du Québec était d'avis qu'il devrait y avoir représentation obligatoire par les avocats. Le fait que ce ne soit pas obligatoire cause-t-il des problèmes aujourd'hui, et si oui, de quel ordre sont-ils?
Me Lucie Joncas: Le fait que des personnes qui sont déclarées non responsables ne soient pas représentées par des avocats constitue effectivement un problème majeur de société. L'aptitude à subir son procès est évaluée de façon ponctuelle et peut varier dans le temps. C'est un peu comme le diabète. La situation est très différente selon que l'on prend de l'insuline ou que l'on n'en prend pas. On parle de la tranche de la société la plus vulnérable. Les conséquences des décisions des commissions d'examen sont très importantes. À notre avis, chaque individu devrait être représenté.
Heureusement, le gouvernement fédéral a débloqué certains fonds en 2002 pour s'attaquer à ce problème. Malheureusement, le code n'est toujours pas appliqué, même dans les situations où la nomination d'un avocat est obligatoire, c'est-à-dire lorsque la question de l'aptitude est soulevée. Or, selon moi, en ce qui a trait au nouvel article qui permettra à la commission d'ordonner des évaluations, il serait tout à fait opportun que chaque individu puisse être entendu sur la qualité de l'expert, de la personne qui va l'évaluer. Il devrait y avoir un débat à ce niveau, afin que l'on puisse voir si, sur une base externe, quelqu'un pourrait être évalué par un professionnel de son choix. À mon avis, on devrait discuter de cela.
Pour qu'un individu soit déclaré non responsable ou inapte, il faudrait soit que cela soit le cas—ce serait obligatoire—soit que ce soit dans le meilleur intérêt de la justice. En fait, dans tous les cas, c'est dans le meilleur intérêt de la justice, surtout s'il y a d'autres intervenants, comme la victime. Il répugne au droit de laisser l'accusé ou l'individu déclaré non responsable contre-interroger la victime. Il serait vraiment approprié dans ce contexte qu'une personne neutre représente l'accusé.
M. Richard Marceau: Les gens qui souffrent de troubles mentaux n'ont-ils pas souvent des difficultés d'ordre pécuniaire et, si c'est le cas, qui paierait pour la représentation obligatoire?
Me Lucie Joncas: Si ces gens vivent dans l'indigence, ils devraient évidemment être admissibles à l'aide juridique. D'ailleurs, le projet-pilote du gouvernement fédéral est venu s'attaquer à ce problème en nommant, au Québec, six avocats permanents qui ne font que représenter des gens devant le Tribunal administratif du Québec
M. Richard Marceau: Merci beaucoup.
Docteur Darby, je suis convaincu que vous avez lu les témoignages d'autres personnes qui ont comparu devant ce comité. Un des points qui ont été soulevés a été celui du manque d'effectifs, de psychiatres qualifiés entre autres, dans les régions éloignées, ce qui peut évidemment causer de gros problèmes d'évaluation.
Il a été suggéré, notamment par ce comité en 2000, si ma mémoire est fidèle, de permettre à d'autres personnes que des psychiatres qualifiés de faire l'évaluation en question. Selon vous, le comité devrait-il évaluer cette option?
º (1600)
[Traduction]
Dr Padraig Darby: Oui, je crois que oui. Notre Centre a fait des propositions à ce sujet en 2002, et le Dr Barbaree, un psychologue, avait proposé que les psychologues, et éventuellement d'autres professionnels du domaine de la santé mentale, soient autorisés à effectuer des évaluations de l'aptitude. Selon ce que j'en ai compris, le gouvernement était préoccupé notamment par le fait que si une personne est déclarée inapte et qu'une ordonnance de traitement est recommandée, un psychologue ne pourrait de toute évidence se prononcer sur une médication susceptible de rendre cette personne apte. Cependant, il est certain que du point de vue de l'optimisation des ressources, il faut autoriser les psychologues et d'autres professionnels dûment qualifiés à réaliser des évaluations de l'aptitude ou des risques pour le compte des commissions d'examen.
[Français]
M. Richard Marceau: Merci.
Monsieur Drewry, pouvez-vous aussi répondre à cette question?
[Traduction]
M. Richard Drewry: Je suis loin d'être qualifié pour distinguer un psychologue d'un psychiatre. Cette distinction est assez floue pour moi en ce moment. Je me range à l'avis du Dr Darby à cet égard, du moins dans le contexte.
[Français]
M. Richard Marceau: Maître Joncas, voulez-vous intervenir?
Me Lucie Joncas: Si c'est possible.
Le comité de législation s'est posé cette question. Notre inquiétude est la suivante: il s'agit souvent de poser un diagnostic et d'avoir accès aux soins et aux traitements. Il nous semble essentiel qu'en première ligne, un professionnel de la santé, comme un médecin ou un psychiatre, voie l'individu.
M. Richard Marceau: Si je comprends, faire appel à un psychologue ne serait pas une bonne idée, selon vous. Que pensez-vous de l'idée d'avoir recours à un médecin oeuvrant en médecine familiale?
Me Lucie Joncas: Le code prévoit que les évaluations peuvent être faites par des médecins, pas nécessairement par des psychiatres, si je comprends bien. Par ailleurs, la tâche de poser un diagnostic est réservée aux médecins. La difficulté d'obtenir des soins étant évidente, on souhaite que les gens soient vus par des professionnels de la santé. Il peut y avoir également des problèmes de santé mentale qui ont une source organique ou physique. Nous sommes préoccupés par cette situation, et la position du Barreau du Québec est qu'en première ligne, un psychiatre devrait faire l'évaluation tant pour ce qui a trait aux aptitudes qu'à la responsabilité.
Il y a peut-être une certaine ouverture en ce qui a trait à une évaluation qui est faite par la suite relativement à l'application des alinéas 672.54a), 672.54b) ou 672.54c), mais le Barreau croit fermement qu'il devrait s'agir, en première ligne, d'un professionnel de la santé, tel un médecin ou un psychiatre.
M. Richard Marceau: Me reste-t-il du temps, monsieur le président?
Le président: Non. Mme Marrett veut s'exprimer sur la question.
[Traduction]
Mme Penelope Marrett (chef de la direction, Association canadienne pour la santé mentale): Merci.
Il est impératif de bien dissocier ce qui constituent les problèmes ruraux, les problèmes urbains et, bien entendu, les problèmes des régions éloignées. Pour beaucoup de ceux qui vivent en région éloignée, c'est un exploit de trouver un professionnel de la santé, dans quelque domaine que ce soit. C'est pourquoi il faut assouplir les règles, ce qui suppose bien entendu qu'il faudra offrir la formation nécessaire.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Marceau.
[Traduction]
Monsieur Comartin, vous avez sept minutes.
M. Joe Comartin (Windsor—Tecumseh, NPD): Je vais poursuivre sur la même question.
Docteur Darby, si nous assouplissions les règles pour que les psychologues, notamment, puissent procéder à ces évaluations, pouvez-vous nous suggérer des critères qui permettront de juger de sa formation? Existe-t-il des modèles sur lesquels nous pourrions nous inspirer pour formuler ces critères?
Dr Padraig Darby: Tout commentaire de ma part concernant la formation des psychologues m'engage sur un terrain trop glissant, et surtout du fait que le Dr Barbaree est lui-même psychologue. Ce que je sais, c'est qu'aux États-Unis, par exemple, les évaluations de l'aptitude à subir un procès devant un tribunal sont en grande majorité confiées à des psychologues. C'est pourquoi je n'ai aucune difficulté à imaginer un système dans lequel des psychologues dûment formés pourraient au moins effectuer les évaluations de l'aptitude. Très manifestement, la question des critères à satisfaire en matière d'ordonnance de traitement est d'un autre ordre.
º (1605)
M. Joe Comartin: Outre les psychologues et, comme M. Marceau l'a suggéré, les médecins de famille ou non spécialistes peut-être, pourrions-nous nous tourner vers d'autres domaines d'expertise?
Dr Padraig Darby: En règle générale, les évaluations de l'aptitude ne posent aucun problème particulier, et je suis convaincu qu'avec la formation adéquate, d'autres professionnels de la santé pourraient s'en tirer sans peine. Je pense notamment aux travailleurs sociaux, aux infirmières, aux ergothérapeutes et à biens d'autres professionnels qui ont reçu la formation nécessaire dans le domaine juridique et sur les critères d'évaluation de l'aptitude.
M. Joe Comartin: Madame Joncas,
[Français]
si je comprends bien, vous considérez qu'il y a un problème à l'égard de
[Traduction]
l'aspect curatif. Si l'évaluation était faite—je reviens à ce que Mme Marrett a dit au sujet des régions éloignées, qui vaut aussi pour les territoires ruraux les plus isolés, concernant la difficulté d'accéder à une évaluation... Si les professionnels autres que les psychiatres pouvaient uniquement faire des évaluations, est-ce que vous vous objecteriez toujours?
Me Lucie Joncas: Nous pensons que certaines conditions médicales ne peuvent être évaluées par un psychologue. Prenons l'exemple—excusez-moi, mon vocabulaire est limité en anglais—de quelqu'un qui souffre d'un traumatisme crânien, ou d'un problème physique quelconque qui fait en sorte qu'on ne peut le déclarer responsable. Ces troubles ne peuvent être évalués. Nous sommes assez réticents à ce qu'un professionnel de la santé puisse appliquer l'article 672.58 et également en ce qui a trait aux ordonnances de traitement. Nous craignons que le psychologue n'ait pas toutes les compétences requises pour poser un diagnostic fondé lors de l'évaluation.
M. Joe Comartin: Au Canada, et en Amérique du Nord en général je crois, les cas de traumatismes crâniens sont confiés en majorité aux neuropsychologues, pas aux psychiatres.
Me Lucie Joncas: Je suis avocate. De toute évidence, je ne suis pas la mieux placée pour répondre aux questions relatives aux compétences médicales. Je ne me sens pas à l'aise de vous dire quelle serait la formation souhaitée et comment le Code devrait disposer à cet égard.
M. Joe Comartin: Je partage vos préoccupations.
Monsieur Drewry, je reviens à la déclaration de la victime. Si je comprends bien votre position, on devrait les utiliser beaucoup moins. J'essaie de saisir dans quelle situation au juste il faudrait y avoir recours.
Avant que vous ne répondiez, j'aimerais ajouter que, à mon sens, notre préoccupation concerne les situations où une personne qui en arrive à l'étape de sa libération et désire faire savoir aux victimes qu'elle comprend tout ce qu'elle leur a fait subir. Par ailleurs, parce qu'il arrive que le délinquant ait des liens avec la victime—ce peut être un membre de la famille—nous devons entendre de la bouche de la victime ce qui selon elle sera l'effet de la libération du délinquant sur sa famille.
Je sais que je soulève beaucoup de questions, mais j'aimerais que vous me disiez quand la déclaration de la victime est opportune, selon vous.
M. Richard Drewry: Je suis tout à fait d'accord sur la grande valeur pour les victimes de toute information concernant ce qui advient du délinquant, en raison des répercussions potentielles sur leur propre avenir. Cela me semble évident. Notre principale réserve vient de ce que l'autorisation donnée à une victime de lire une déclaration lors de l'audience apporte une dimension dont nous voyons mal la pertinence. La théâtralité, si on peut dire, de ces déclarations ne me semble pas du tout convenir à la situation. Il est évident que la victime suscite la sympathie de tous. C'est indéniable. Si la déclaration avait un quelconque bénéfice sur le traitement des accusés NCR, nous n'aurions pas d'objection à ce qu'on y ait recours, ou si la victime lisait sa déclaration devant la cour et que ce geste avait une valeur thérapeutique pour l'accusé NCR. Le problème est que nous ne voyons pas comment il pourrait en être ainsi. À notre avis, ce serait un rare phénomène.
º (1610)
M. Joe Comartin: Et qu'en est-il de la valeur thérapeutique du point de vue de la victime? Il existe des cas démontrés...
M. Richard Drewry: Je vois où voulez en venir. Je n'ai rien à ajouter. Je ne suis pas psychiatre, et je serais mauvais juge de la situation. Mais le gros bon sens me porte à croire que ce pourrait être utile dans certaines circonstances.
M. Joe Comartin: En réalité, comme notre rôle concerne la rédaction des dispositions législatives, nous voulons savoir comment déterminer si c'est utile pour la victime ou pour l'accusé.
M. Richard Drewry: Selon moi, la lacune dans le projet de loi vient de ce qu'il exige qu'on donne le droit aux victimes de lire une déclaration. C'est une erreur. Il n'est assurément pas opportun de permettre à une victime de dire tout ce qu'elle veut dans sa déclaration. Selon le libellé actuel, il n'y a pas de restrictions à la teneur de la déclaration. C'est ce que j'en comprends. La cour ou la commission d'examen est tenue seulement de voir à ce que la déclaration soit conforme aux critères énoncés dans l'article 672.54. Ce n'est pas juste, selon nous.
Le président: Avez-vous une question courte?
M. Joe Comartin: Non. Je voulais simplement entendre les commentaires de Me Joncas et du Dr Darby sur ce point. Je veux savoir en fait à quel endroit de la loi faut-il traiter des déclarations des victimes et quels critères devraient présider à leur autorisation?
Me Lucie Joncas: Je l'ai déjà dit, le Barreau reconnaît la valeur certaine pour les victimes de bien comprendre le système de justice et de sentir qu'elles en font partie, de comprendre ce qui se passe. Nous estimons que les victimes devraient pouvoir se prononcer sur ce qui à leurs yeux peut assurer leur protection. Je vois mal comment nous pourrions imposer quelque restriction sur cet aspect, mais il appartient à la commission d'examen de déterminer ce qui est juste.
Dr Padraig Darby: Une possibilité—je ne sais même pas si elle mérite qu'on s'y attarde—serait d'imposer une durée maximale pour la lecture de la déclaration de la victime devant la commission d'examen. Je crois avoir vu que l'un des présidents d'une commission d'examen du Canada, peut-être le président de la commission d'examen de la C.-B., a proposé que la lecture de la déclaration de la victime devrait être limitée à l'instruction préliminaire, pour éviter qu'elle ne se prolonge à l'infini.
Le président: Merci, monsieur Comartin.
Monsieur Macklin, vous avez sept minutes.
L'hon. Paul Harold Macklin (Northumberland—Quinte West, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je remercie nos témoins de leur présence.
Docteur Darby, j'aimerais revenir sur deux ou trois points que vous avez évoqués, pour les approfondir. Vous avez affirmé notamment que l'audience de la commission d'examen devrait avoir lieu tous les ans, qu'il ne faut pas permettre, comme c'est le cas actuellement dans le projet de loi, la prolongation de ce délai jusqu'à deux ans. Si vous êtes en face d'une personne atteinte souffrant d'une grave maladie du cerveau et qui, peu importe les soins qu'on lui donne, n'a aucune chance de guérir—et je sais que cette situation concerne une petite partie seulement des gens visés par cet article—ne pensez-vous pas que nous devrions à tout le moins minimiser les obligations de l'accusé dans ces circonstances, et par conséquent autoriser la prolongation du délai jusqu'à deux ans?
Dr Padraig Darby: Vous m'excuserez mon excès d'optimisme, mais je suis porté à penser que, même en présence d'un diagnostic à ce jour incurable, l'hôpital dispose encore de quelques moyens pour réduire les risques de façon sécuritaire. C'est pourquoi il faut, une année après, examiner les libertés accordés à l'accusé NCR. Cela ne changera rien au diagnostic, mais je suis d'avis, et c'est aussi l'opinion de mes collègues de l'hôpital si je ne me trompe, que l'accusé NCR devrait avoir droit à une audience une fois par année, afin que l'on arrive à une décision la moins coûteuse et la moins restrictive possible dans les circonstances.
L'hon. Paul Harold Macklin: Vous avez aussi parlé de la nécessité d'obtenir le consentement du responsable de l'hôpital, peu importe la source du renvoi. Mais dans la réalité, ne serait-il pas exagéré d'assortir le processus d'examen d'une telle exigence, et surtout quand les places sont limitées et qu'il n'y a pas vraiment de choix? Cette mesure ne risque-t-elle pas d'entraîner des refus et, par conséquent, de rendre encore plus difficile l'intervention auprès de ces individus?
º (1615)
Dr Padraig Darby: Absolument. C'est très compliqué. Le problème est énorme, qu'il s'agisse des cas renvoyés par les tribunaux ou par les commissions d'examen. Il est évident que les personnes atteintes de maladies mentales graves ne devraient pas être détenues sans recevoir un traitement efficace. Mais il arrive souvent que la difficulté soit imputable en partie au fait que le système correctionnel, ne disposant d'aucun traitement efficace, on s'imagine qu'il faut passer tout de suite à l'action, et que le transfert à l'hôpital doit se faire immédiatement. De façon plus réaliste, toutefois, il faut comprendre que, peu importe le financement dont on dispose, il y a un nombre limité de lits disponibles. Je pense qu'il est impossible de mettre sur pied un système où l'on pourrait garantir qu'il y aura toujours un lit disponible. C'est pourquoi nous avons suggéré d'exiger au préalable le consentement de la personne responsable de l'hôpital.
L'hon. Paul Harold Macklin: Merci.
Monsieur Drewry, vous avez déclaré que l'infraction ne devrait avoir aucune incidence sur la fréquence de l'examen. Que pensez-vous de ce processus d'examen? Croyez-vous qu'il devrait avoir lieu tous les 12 mois? Ou croyez-vous que l'on devrait donner la possibilité de le prolonger jusqu'à deux ans?
M. Richard Drewry: Je vais répondre à cette question dans un moment.
Peu importe le résultat, cela ne devrait pas dépendre de la nature de l'infraction. C'est plutôt motivé, notamment, par le fait que la personne concernée a commis ce que l'on appelle un «sévice grave à la personne». Si on jette un coup d'oeil à la définition de cette infraction, on constate qu'elle est très large. Elle englobe la presque totalité, à mon sens, des actes de violence.
Je ne vois pas le lien entre le fait qu'un sévice grave à la personne ait été commis et l'éventualité qu'un examen ait lieu tous les 12 mois plutôt que tous les 24 mois. Je ne pense pas qu'il devrait y avoir un lien.
Pour ce qui est du principe général, oui, s'il y a des cas où il serait absolument inutile de tenir un examen tous les 12 mois, je ne vois aucune objection à prolonger le délai. Mais, à mon avis, il s'agit plutôt d'une question d'ordre médical.
L'hon. Paul Harold Macklin: Je crois que c'est justement ce que le docteur veut dire. Il suggère que nous semblons éprouver beaucoup de difficulté à affirmer qu'il pourrait ne pas exister de traitement ou de revirement de la situation susceptible, dans une certaine mesure, de permettre à une personne de reprendre sa place dans la collectivité avec moins de restrictions.
M. Richard Drewry: Je ne pense pas que l'on doive restreindre ce type d'accusé NCR à des audiences tous les 24 mois. Des développements sur le plan médical peuvent se produire, et certaines personnes risquent d'échapper à l'attention et de rester en détention plus longtemps qu'elles ne le devraient. À mon avis, lorsque l'on a le moindre doute, il faudrait s'en tenir à l'examen automatique tous les 12 mois.
Soit dit en passant, la Cour Suprême du Canada a trouvé cela assez important pour vouloir maintenir les dispositions initiales du projet de loi C-30. Je ne sais pas si on peut aller plus loin encore en essayant de repousser la limite des 12 mois ou non. Nous demandons instamment que l'on fasse preuve de beaucoup de prudence à cet égard.
L'hon. Paul Harold Macklin: Je pense que la loi comporte aussi des suggestions relatives aux mesures de précaution en ce qui concerne les conditions dans lesquelles cela pourrait être fait, et ces conditions sont assez limitiatives.
Merci.
Le président: Merci, monsieur Macklin.
Monsieur Moore, vous disposez de trois minutes.
M. Rob Moore (Fundy Royal, PCC): Dans le système de justice pénale et les dispositions relatives à la détermination de la peine, et même dans les situations comme celle-ci où il est question de troubles mentaux, les facteurs primordiaux comprennent notamment la dissuasion, dans la mesure du possible, afin de s'assurer qu'un crime semblable à celui qui a été commis ne se reproduira pas, et surtout, par le même auteur.
Un autre facteur est la possibilité de guérison pour la victime de ce crime. Nous parlons aujourd'hui d'actes ayant entraîné potentiellement des préjudices à des victimes. Je suis un peu surpris d'entendre certaines réactions concernant les déclarations de la victime. Je pense qu'elles sont importantes et qu'il faut les encourager, mais j'ai entendu, surtout M. Drewry, dire que dans certaines situations elles ne seraient pas utiles, et seraient même plutôt inappropriées ou susceptibles d'influencer indûment le jury.
Je ne peux m'empêcher de penser que lorsque l'on considère la situation dans son ensemble, et ce qui arrive à une personne ayant commis une infraction, il faut également tenir compte de ce qu'a subi la victime. Il faut se rappeler, aussi, que lorsqu'un accusé relève des dispositions dont nous discutons aujourd'hui, la victime se voit refuser le droit d'obtenir un procès et réparation pour les torts subis. La victime peut aussi ressentir un déni de justice lorsqu'elle réalise que son agresseur—qu'elle peut fort bien ne pas connaître, parce que la victime sait seulement qu'elle a été maltraitée—donc, que son agresseur, en raison de ce que l'on perçoit comme une échappatoire dans la loi, ne sera pas pénalisé et suivra une autre filière.
Docteur Darby, vous avez mentionné que vous travaillez à la fois avec les victimes et les contrevenants. J'aimerais que vous m'expliquiez quelles sont les répercussions sur le bien-être psychologique ou l'état mental des victimes lorsqu'elles se voient forcées de suivre un processus comme celui-ci plutôt que la voie normale, et lorsqu'elles constatent que leur agresseur sera traité d'une manière différente de ce qu'elles avaient prévu. Ma question est la suivante : quelles sont les répercussions sur la victime lorsque l'on adopte un processus comme celui-ci?
º (1620)
Dr Padraig Darby: J'ai bien peur de ne pas posséder les compétences nécessaires pour vous répondre. Je me suis peut-être mal exprimé, mais je n'ai pas dit que je travaillais avec les victimes. Je travaille avec des patients qui relèvent du système des commissions d'examen, et je suis membre de commissions d'examen dans divers hôpitaux, mais je ne travaille pas directement avec les victimes.
Il serait très difficile de décrire de façon générale les répercussions que pourrait avoir sur une victime le fait de voir un contrevenant suivre la filière NCR plutôt que celle du système judiciaire. Je pense que ces répercussions dépendent d'une foule de facteurs personnels.
Je suis d'accord avec vous que la victime puisse avoir l'impression dans le cas d'un verdict de non-responsabilité criminelle que l'accusé échappe de quelque manière aux conséquences de ses actes. Mais je suis fermement convaincu que cela dépend, malheureusement, d'une méconnaissance des fondements du système qui s'applique en cas de non-responsabilité criminelle lorsque l'on peut établir que la personne n'était pas responsable de ses actes au moment où elle a commis l'infraction et, par conséquent, les principes de la dissuasion individuelle ou de la dissuasion du public ne s'appliquent pas vraiment de la même manière dans le système destiné aux accusés non criminellement responsables.
Il est vrai que j'ai été témoin de cas où les familles des victimes assistaient à l'audience et il leur a été très bénéfique d'observer le déroulement du processus de la commission d'examen, parce qu'ainsi elles ont pu mieux comprendre les fondements du système. En revanche, d'autres personnes développent un ressentiment à l'idée que l'accusé NCR poursuit tranquillement son existence alors que la leur a subi des répercussions négatives importantes.
Le président: Madame Marrett, avez-vous quelque chose à ajouter?
Mme Penelope Marrett: Dans ce contexte, beaucoup d'entre vous sont probablement au courant qu'il y a eu plusieurs affaires de ce genre d'un bout à l'autre du pays.
Ici même, à Ottawa, il y a plusieurs années, certains d'entre vous se rappellent peut-être de l'incident au cours duquel Brian Smith a été tué. Dans cette affaire, si on essaie de déterminer qui pourrait être considéré comme la victime, il s'agit de la femme de Brian et de sa famille. Si on considère ce que Alana a fait—au début, elle était très en colère, mais elle a commencé à comprendre que le contrevenant était atteint de schizophrénie, qu'il ne recevait aucun traitement et qu'il avait besoin d'aide—par la suite, elle a changé complètement d'attitude et est devenue très coopérative à bien des égards en ce qui concerne les besoins en matière de traitement et de services des personnes atteintes de maladie mentale.
Donc, je pense que les circonstances sont souvent très diverses, et que les victimes d'une infraction lorsqu'elles commencent à mieux comprendre ce qui s'est passé et à mieux connaître la situation du contrevenant, en arrivent en réalité à souhaiter que l'on apporte des changements dans le système afin que les accusés puissent obtenir le traitement et les services dont ils ont besoin avant que des choses semblables puissent se produire.
Le président: Merci.
Merci, monsieur Moore.
Mr. Marceau for three minutes.
[Français]
M. Richard Marceau: Merci beaucoup, monsieur le président.
Maître Joncas, la recommandation 9 du rapport du Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile, qui a été rédigé avant le projet de loi C-10, se terminait ainsi, et je cite:
Le Comité recommande aussi que le Code criminel soit modifié afin que le défaut volontaire de se conformer à une décision d’un tribunal ou d’une commission d’examen devienne une infraction. |
Cette suggestion a été mise de côté par le gouvernement, tel qu'on peut le constater à la lecture du projet de loi que nous étudions actuellement.
Croyez-vous que le gouvernement a eu raison de ne pas créer une telle infraction, ou pensez-vous plutôt qu'il aurait été préférable d'accepter la proposition du comité?
º (1625)
Me Lucie Joncas: Je crois que la commission d'examen a des outils pour modifier les conditions de remise en liberté lorsqu'il y a bris de conditions. Si celles-ci ne sont pas respectées, les policiers peuvent arrêter l'individu et le remettre en liberté sur sommation, ou le ramener à l'hôpital d'où émanent les conditions.
Il y a déjà suffisamment de recours prévus par le Code criminel pour modifier les conditions de remise en liberté s'il y a un problème de respect de ces conditions.
M. Richard Marceau: Si je vous comprends bien, ce serait redondant.
Me Lucie Joncas: Les outils nécessaires sont déjà présents. Il est important qu'ils le soient pour que les décisions des commissions d'examen soient respectées.
M. Richard Marceau: Un des problèmes qui ont été évoqués lors d'une rencontre précédente de ce comité est celui des gens qui déménagent d'une province à une autre. Ce peut être le cas, par exemple, de quelqu'un qui doit se soumettre à une commission d'examen du Québec située à Gatineau et qui déménage à Ottawa.
Selon votre expérience, y a-t-il un problème de suivi lorsque quelqu'un déménage d'un endroit à un autre au Canada?
Me Lucie Joncas: Selon mon expérience, on peut imposer comme condition d'informer la commission d'examen de tout changement d'adresse. Toutefois, je n'ai pas eu connaissance d'un dossier où cela ait été problématique.
Le président: Merci, monsieur Marceau.
Monsieur Comartin, vous disposez de trois minutes.
[Traduction]
M. Joe Comartin: Merci, monsieur le président.
Pour en revenir à la déclaration de la victime, ma question s'adresse à n'importe quel témoin ici présent, savez-vous s'il existe des recherches qui permettraient aux membres du comité de savoir combien de personnes, en pourcentage, se prévalent de la possibilité de présenter une déclaration de la victime?
Deuxièmement, pour en revenir aux répercussions de la déclaration de la victime sur la victime elle-même, existe-t-il des études au Canada, aux États-Unis ou en Europe occidentale concernant l'impact de la capacité de la victime à présenter sa déclaration?
Dr Padraig Darby: Je ne suis au courant d'aucune recherche dans ce domaine, quoique, comme je l'ai dit à M. Moore, je ne suis pas un spécialiste du domaine. Depuis que je suis membre d'une commission d'examen—je ne me souviens plus exactement—deux ou trois ans, je n'ai aucune idée du nombre de personnes ayant accepté de présenter une déclaration de la victime depuis que les dispositions autorisent de le faire. Mais, d'après mon expérience dans des commissions d'examen, ce n'est qu'une très faible minorité de victimes qui acceptent de présenter une déclaration ou qui sont invitées à le faire par le ministère public.
M. Joe Comartin: Semble-t-il y avoir une certaine correspondance entre la gravité du préjudice infligé à la victime et le pourcentage de personnes qui répondent?
Dr Padraig Darby: Sincèrement, je ne suis pas en mesure de vous donner une réponse valable. Je pense que ces chiffres sont probablement trop insignifiants pour que l'on puisse s'en servir pour en tirer des conclusions.
M. Joe Comartin: Monsieur Drewry ou madame Marrett, êtes-vous au courant s'il existe des recherches sur le sujet?
Mme Penelope Marrett: Pas à ma connaissance, mais je vous promets que je vais vérifier et vous revenir là-dessus.
M. Joe Comartin: Vous pourriez simplement communiquer avec la greffière du comité, et elle nous transmettra l'information. Merci.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Comartin.
Monsieur Warawa, vous avez trois minutes.
M. Mark Warawa (Langley, PCC): Merci, monsieur le président.
Ma première question s'adresse à M. Drewry. Vous avez dit que la présentation des déclarations des victimes n'est pas particulièrement utile, et qu'elle revêt un caractère théâtral. Est-ce que vous faites cette affirmation en vous plaçant du point de vue de l'accusé NCR, c'est-à-dire que ces déclarations ne sont pas utiles dans le traitement des cas des personnes non criminellement responsables?
º (1630)
M. Richard Drewry: Si vous me le permettez. C'est un grave problème, et nous ne voulons d'aucune manière discréditer ce que vous ou M. Breitkreuz ou encore M. Moore avez dit sur la question. Nous aimerions bien avoir la solution, mais il nous semble que le but de l'audition relative à la décision devrait être de déterminer ce qui va arriver à cette personne ayant été reconnue non coupable parce qu'elle n'est pas criminellement responsable. Nous sommes d'avis que, dans la plupart des cas, la déclaration de la victime ne sera d'aucune utilité et même que souvent elle aura des effets négatifs.
M. Mark Warawa: Pour qui?
M. Richard Drewry: Pour les deux parties. C'est presque ironique, la façon dont la loi est libellée. En effet, la loi dit que la victime peut présenter une déclaration, et elle n'impose aucune restriction ni aucun cadre à cette déclaration. Elle dit en outre que la commission d'examen ne peut considérer que certains aspects de cette déclaration. Est-ce que la victime va nécessairement comprendre en quoi consiste le processus?
M. Mark Warawa: Monsieur Drewry, j'ai cru comprendre que vous et le Dr Darby n'êtes pas des spécialistes de la question, c'est-à-dire de ce qui concerne les victimes, et qu'il arrive rarement que vous ayez à entendre ce genre de déclarations. Maintenant, vous êtes en train de me dire qu'il n'est pas utile que les victimes s'engagent dans ce processus.
M. Richard Drewry: Je ne vois pas comment ce pourrait l'être.
M. Mark Warawa: Mais vous ne possédez aucune compétence en la matière, et cela ne se produit que rarement.
M. Richard Drewry: Non, je n'en ai pas fait l'expérience personnellement, et je ne pense pas que quiconque possède cette expertise. Je suis d'accord avec le Dr Darby. Je ne pense pas qu'il existe d'études sur la question.
M. Mark Warawa: Alors, pourquoi faites-vous cette affirmation si vous ne possédez pas d'expertise en la matière?
M. Richard Drewry: Je ne fais que vous donner mon point de vue en me fondant sur le gros bon sens. Je ne parle pas à titre d'expert sur le sujet. En ce qui nous concerne, le but de l'audition relative à la décision est de déterminer comment traiter la personne qui se trouve devant le tribunal ou la commission d'examen.
M. Mark Warawa: Qui se trouve être l'accusé et la personne non criminellement responsable.
M. Richard Drewry: Oui.
M. Mark Warawa: Il ne s'agit pas de la victime.
M. Richard Drewry: C'est exact.
M. Mark Warawa: Voici qui m'amène à mon deuxième commentaire. Je crois que c'est votre point de vue. C'est le point de vue de ceux qui s'occupent de l'accusé NCR et pas nécessairement de la victime. Lorsqu'il est question d'une victime, et cela ne se produit pas si souvent, la situation peut être perçue comme revêtant un caractère théâtral. Peut-être qu'effectivement l'exercice peut permettre de manifester de l'émotivité, mais je pense que le qualifier de théâtral est un peu fort.
De nombreux témoins se sont exprimés devant nous et moi et mes collègues avons entendu divers points de vue. Les membres des commissions d'examen qui s'occupent des accusés NCR ont fait des commentaires assez semblables comme quoi ces déclarations pourraient ne pas être utiles pour les accusés. Lors de notre dernière réunion, nous avons même entendu que cela pourrait être stressant et représenter une source de stress additionnelle. Par conséquent, on pourrait peut-être décider que la déclaration de la victime pourrait être faite sans que l'accusé NCR soit présent. Cette déclaration pourrait être présentée devant la commission d'examen. Je ne fais que vous communiquer une suggestion qui nous a été faite.
Des représentants de la police ont déclaré qu'ils trouvaient cette déclaration utile, tandis que les membres des commissions d'examen sont de l'avis contraire.
Lors de notre dernière réunion, nous avons entendu un témoin très intéressant. Il s'agit de la femme d'un accusé NCR qui avait trouvé la déclaration de la victime très utile, à la fois pour son mari, qui avait tué leur fils—ce fut très utile pour lui, le mari, l'accusé NCR—et aussi pour elle, en tant que victime, et cela a contribué à leur guérison à tous les deux.
Vos commentaires sont très importants, aujourd'hui, mais je pense qu'il est aussi de la plus haute importance que l'on puisse entendre toutes les parties lorsqu'il se produit un événement, une infraction. En ce qui concerne la victime, je suppose que vous avez une certaine expérience de la justice réparatrice selon laquelle il est très utile pour une victime de pouvoir communiquer dans quelle mesure cet événement l'a affectée. Dans le contexte de la guérison et de la compréhension, cette déclaration pourrait être utile pour la personne qui représente l'autre partie.
Si je comprends bien, vous adoptez le point de vue de l'accusé NCR, et non celui de la victime.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Warawa.
Maintenant... à moins que quelqu'un ne veuille réagir à ces commentaires. Personne?
Madame Marrett, avez-vous dit...
Mme Penelope Marrett: Juste une minute.
Je regarde autour de moi, et je me demande combien parmi nous ont déjà vécu des expériences en rapport avec la santé mentale et les troubles mentaux. Je ne peux m'empêcher de penser que certains groupes locaux ont mis sur pied des programmes pour les personnes ayant été les victimes dans certaines situations.
Tout dépend probablement davantage de circonstances particulières que de règles générales. C'est probablement la partie la plus difficile de notre travail. Dans bien des circonstances, ce n'est peut-être pas utile; dans d'autres, en revanche, ce pourrait l'être. Comme dans tout autre cas, il faut probablement envisager les choses du point de vue de la situation individuelle, plutôt que de recommander une approche très générale de la déclaration.
Merci.
º (1635)
Le président: Merci, madame Marrett.
Monsieur Macklin, vous avez trois minutes.
L'hon. Paul Harold Macklin: Merci.
Je tiens à clarifier un point. Docteur Darby, dans le dernier paragraphe de votre mémoire, vous faites référence à une recommandation voulant que le projet de loi adopte le libellé utilisé dans l'affaire R c. Demers. Je voulais simplement savoir à quoi vous faisiez allusion. Est-ce que vous voulez parler d'un accusé inapte de façon permanente ou d'un accusé qui ne sera vraisemblablement pas déclaré apte, ou alors proposez-vous un autre concept? Sur quoi exactement souhaitez-vous attirer notre attention?
Dr Padraig Darby: Dans notre interprétation du projet de loi, nous avons compris que l'accusé «inapte» ne serait «vraisemblablement pas déclaré apte», mais dans l'affaire Demers le libellé s'énonce comme suit: «lorsque la preuve démontre clairement que l'accusé n'acquerra jamais l'aptitude nécessaire». Ce libellé nous est apparu beaucoup plus clair et rigoureux, comme quoi l'accusé inapte ne serait jamais déclaré apte.
Le libellé proposé dans le projet de loi «ne sera vraisemblablement pas déclaré apte» risque de poser de sérieux problèmes aux psychiatres qui voudraient se prononcer sur la question.
L'hon. Paul Harold Macklin: Très bien. Merci. Vous répondez à ma question.
Le président: Merci, monsieur Macklin.
Monsieur Marceau.
[Français]
M. Richard Marceau: Non, ce n'est pas nécessaire, monsieur le président, merci.
[Traduction]
Le président: Monsieur Comartin.
[Français]
M. Joe Comartin: Non, merci.
[Traduction]
Le président: Madame Neville.
Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.): Merci, monsieur le président.
J'aimerais obtenir rapidement quelques précisions, monsieur Drewry. À la fin de votre exposé, vous faites deux recommandations—la première vise l'adoption d'une stratégie pancanadienne pour les personnes atteintes de troubles mentaux ou de handicaps intellectuels, et l'autre suggère la mise en place d'un éventail de traitements et d'une approche intégrée, si j'ai bien compris. Mais je ne suis pas sûre que vous ayez précisé si vous visiez plus particulièrement les accusés non criminellement responsables ou alors toute la population en général?
M. Richard Drewry: La population en général.
Mme Anita Neville: Merci.
M. Richard Drewry: En réalité, les deux.
Mme Anita Neville: Je vous demande pardon?
M. Richard Drewry: À mon avis, il y a autant de contrevenants atteints de troubles mentaux qui ne sont pas en prison parce qu'ils ont été déclarés non criminellement responsables, qu'il y en a d'emprisonnés. Je pense que le problème est aussi vaste que la population des accusés NCR. Et les études montrent qu'un pourcentage très élevé des détenus ordinaires, si on peut les appeler comme ça, qui sont en prison souffrent d'une forme quelconque de trouble mental. Mais ces déclarations visaient à inclure tout autant les contrevenants NCR que les condamnés qui sont atteints de troubles mentaux et détenus dans un pénitencier ou une prison.
Mme Anita Neville: Vous êtes en train de nous dire qu'il n'existe aucune stratégie globale à l'heure actuelle ni aucun éventail de services à la disposition de ceux qui...
M. Richard Drewry: Je n'ai pas dit qu'il n'en existait aucune. La B.C. Community Legal Assistance Society, est venue témoigner la semaine dernière je crois... leur conseiller juridique, qui ne fait rien d'autre que représenter les accusés NCR devant les commissions d'examen et les tribunaux, si j'ai bien compris, semble dire qu'il est très courant que des personnes détenues ne peuvent être libérées dans la collectivité parce qu'il n'existe aucun lieu d'hébergement, ni aucune ressource de stabilisation économique pour elles.
Ce programme qui est inhérent à la loi risque d'être très onéreux, peu importe quel sera le palier de gouvernement chargé de le mettre en oeuvre. Et la suggestion voulant que l'on adopte l'approche la moins restrictive, alors que nous ne disposons d'aucun financement destiné à faciliter la réinsertion des personnes dans la collectivité, est pour moi la clé de tout le problème. Il ne s'agit pas vraiment de la loi. Je ne pense pas que toutes ces distinctions subtiles et ainsi de suite nous conduiront au coeur du problème. Le problème consiste plutôt à déterminer si nous serons en mesure de traiter ces personnes une fois que nous les aurons mises en détention ou soumises à une certaine forme de contrôle.
Mme Anita Neville: Merci beaucoup.
Le président: Madame Marrett, vous vouliez faire un commentaire, je crois.
Mme Penelope Marrett: Pour renchérir un peu sur ce qu'a dit M. Drewry, nous demandons l'adoption de stratégies destinées au grand public aussi afin de nous assurer que toutes les personnes en ayant besoin pourront recevoir le traitement et les services requis, qu'elles aient été accusées ou non, et qu'elles soient des accusés NCR ou non.
º (1640)
Le président: Merci, madame Neville.
Chers collègues, avez-vous d'autres questions?
Sinon, je vais remercier les témoins de s'être déplacés pour venir nous prêter leur assistance.
[Français]
Je vous remercie beaucoup de votre aide.
[Traduction]
Je vais suspendre la séance durant cinq minutes le temps de permettre aux témoins de se retirer, et nous poursuivrons à huis clos les travaux du comité.
Merci.
[La séance se poursuit à huis clos]
º (1640)
º (1654)
[La séance publique reprend]
Le président: Lorsque nous avons suspendu les débats, mercredi dernier, nous étions en train de discuter des motions proposées par M. Breitkreuz. Nous reprenons là où nous en étions.
Oui, monsieur Cullen.
L'hon. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Je me demandais seulement quelle forme prendrait la séance, parce que je sais que M. Breitkreuz souhaite faire une brève déclaration concernant la motion, et je me sens obligé de lui répondre. Allons-nous tenir une discussion? Quelle forme prendra le débat sur cette motion?
Le président: Monsieur Breitkreuz.
M. Garry Breitkreuz: J'aurais besoin de sept à dix minutes. Je ne sais pas si quelqu'un d'autre voudra s'exprimer.
Le président: Je pense que M. Cullen est en train de nous demander discrètement si nous nous préparons à une obstruction systématique ou si nous allons pouvoir aller de l'avant.
º (1655)
M. Garry Breitkreuz: Ce n'est pas moi qui ai planifié la dernière. C'était les Libéraux.
L'hon. Roy Cullen: Oui, mais en me remettant la modification dix minutes avant la fin de la réunion...
Le président: Poursuivons sur cette lancée, monsieur Breitkreuz. Vous vouliez continuer à débattre de cette question.
M. Garry Breitkreuz: Oui. Merci, monsieur le président.
Chers collègues, pour poursuivre là où nous en étions mercredi dernier, j'aimerais ajouter quelques renseignements utiles. J'ai l'intention de parler de mes deux modifications en même temps.
Mais avant de le faire, je voudrais vous lire quelque chose que j'ai reçu aujourd'hui. Il s'agit d'un courrier électronique, et je n'ai pas la permission de vous divulguer les noms, mais je tiens à ce que cela figure au compte rendu. C'est un message que m'adresse un chef de police de l'Ontario. Il se lit comme suit:
Il ne faudrait pas oublier les hommes et les femmes de la police autochtone qui exercent leur mandat dans les réserves de ce pays, avec des ressources pratiquement inexistantes et qui se retrouvent souvent à travailler en solitaire en raison des conditions de travail ridicules qui leur sont imposées et d'une pénurie de personnel qui ne serait tolérée nulle part ailleurs dans ce pays. |
Pour la majorité d'entre eux, le registre des armes à feu n'a représenté qu'un affront de plus à deux égards. Premièrement, il n'a pas amélioré d'un iota leur capacité de combattre les crimes de violence, et deuxièmement, il n'a pas tenu compte des droits des chasseurs autochtones respectueux de la loi. Il a même porté atteinte à leurs droits et les a transformés en criminels parce qu'ils refusaient de se plier à une loi qui fait abstraction de leur mode de vie et qui n'a tout simplement aucun sens. Pour une fraction des sommes qui ont été gaspillées dans ce registre, le Canada aurait pu faire beaucoup de choses pour que la profession de policier autochtone devienne un choix de carrière valable pour les jeunes autochtones. |
Et il termine en disant: «Continuez de faire du bon travail». C'est là un exemple concret de ce que je tente de réaliser avec mes motions.
J'aimerais vous parler d'un sondage tenu en mai 2004, à l'échelle nationale, sur cette question. Ça ne date pas de très longtemps. Permettez-moi de vous lire cette citation:
Une majorité importante de Canadiens (76,7 p. 100) approuvent l'abolition du registre canadien des armes à feu, ce qui permettrait au gouvernement fédéral de combattre les crimes de violence en consacrant davantage de ressources à d'autres priorités en matière d'application de la loi. |
Il s'agit d'un sondage réalisé à l'échelle nationale.
Ce weekend, j'ai également appris que la GRC de la Saskatchewan a besoin de 60 agents, et que toutes les provinces manquent d'effectifs. Durant la fin de semaine, nous avons achevé l'analyse des plus récentes demandes d'accès à l'information présentées au Centre des armes à feu Canada. C'est un élément crucial, monsieur le président. Après avoir dépensé plus de 1 milliard de dollars, le CAFC signale que 5 059 780 armes à feu n'ont sont toujours pas été vérifiées dans le registre des armes des Libéraux. C'est environ les trois quart des armes qui n'ont toujours pas été vérifiées, et nous avons déjà investi 1 milliard de dollars. Il faut maintenant revenir en arrière, et j'ignore combien il en coûtera pour vérifier toutes ces armes. Ce qui va se passer est tout simplement époustouflant.
En août 1999, l'une des principales demandes de l'Association canadienne des policiers était que «l'exactitude des renseignements consignés dans la base de données du registre des armes à feu soit vérifiée». Ils ont dit: «Nous exigeons qu'elle soit vérifiée». Cinq ans plus tard, ça n'a toujours pas été fait.
Comment peut-on vérifier avec exactitude une arme à feu au téléphone? Le Centre des armes à feu Canada affirme avoir vérifié 98 683 armes au téléphone. On ne peut pas «vérifier»; il est impossible de jeter un coup d'oeil à une arme au téléphone. Tant pis pour les demandes de vérification exigées par la police—et, en passant, 98 000 armes, ce n'est qu'une goutte d'eau dans l'océan.
Le 17 novembre 2004, le Centre des armes à feu Canada a émis son bulletin spécial numéro 61 pour la police dans lequel il déclarait ce qui suit:
Le Centre des armes à feu Canada (CAFC) a mis sur pied un réseau de vérificateurs constitué de plus de 5 000 vérificateurs autorisés chargés d'aider les entreprises et les particuliers qui doivent faire vérifier leurs armes à feu. |
Et cependant, en réponse à ma demande en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, j'ai appris qu'en date du 19 octobre 2004, seulement 1 654 bénévoles sur le nombre de plus de 5 000 prévus avaient effectivement vérifié une arme à feu au cours de l'année écoulée. Dans sa réponse à ma demande d'accès à l'information, le Centre des armes à feu a également révélé qu'il reçoit beaucoup de plaintes concernant l'efficacité de ce réseau des vérificateurs. Par exemple, on a enregistré 62 plaintes comme quoi «il n'y a pas de vérificateur dans la région»; 28 plaintes comme quoi «le vérificateur a été contacté, mais sans succès»; 35 plaintes comme quoi le numéro de téléphone du vérificateur ne fonctionne pas; 68 plaintes comme quoi le vérificateur ne possède pas les connaissances requises. Et ainsi de suite.
En conclusion, j'aimerais faire quelques commentaires illustrant la manière dont cet éléphant blanc d'un milliard de dollars est administré. Il suffit de penser à la question du registre des armes à feu en tant que parlementaire et contribuable plutôt qu'en tant que membre d'un parti politique. Je vous le demande avec insistance.
» (1700)
Si le gouvernement est mis au courant du problème, que devrait-il faire? Il devrait faire enquête afin de connaître la nature et l'ampleur du problème, et ensuite il devrait prévoir des mesures correctives appropriées et adopter une loi en conséquence.
Et que s'est-il passé dans le cas de ce registre des armes à feu? Le gouvernement est parti de l'hypothèse que toute personne respectueuse de la loi et possédant une arme à feu représente un problème. Ensuite, en se fondant sur cette hypothèse fausse au départ, le gouvernement n'a effectué aucune analyse de la nature et de la portée réelle du véritable problème lié aux armes à feu. En conséquence, le projet de loi C-68, la Loi sur les armes à feu, visait le mauvais objectif.
Quelle est l'origine de 99,99 p. 100 des problèmes liés aux armes à feu au Canada? Ce sont les criminels. Le gouvernement savait déjà cela en 1994, mais il a décidé néanmoins de viser les propriétaires d'armes à feu respectueux des lois.
Monsieur le président, il y a un objectif. Cet objectif aurait dû être l'utilisation des armes à feu à des fins criminelles et la criminalité, et je pensais que nous allions nous concentrer là-dessus. Et puis, tout d'un coup, au lieu de nous concentrer sur les criminels, nous nous sommes mis à regarder à côté et à englober aussi les citoyens respectueux des lois, et c'est encore aujourd'hui le centre d'attention du registre des armes à feu tout entier. Il n'a pour ainsi dire aucun effet sur les criminels.
Statistique Canada a signalé récemment qu'en 2003, 69 p. 100 des meurtres avaient été commis par des criminels reconnus. Cinq de ces criminels avaient déjà été condamnés pour meurtre. En 1991, la GRC a rapporté que 176 000 criminels condamnés s'étaient vu interdire par les tribunaux de posséder une arme et imposer des ordonnances d'interdiction, et qu'il y avait en outre 37 000 autres ordonnances d'interdiction en vigueur à l'échelle du Canada, et 2 241 à l'échelle de la province.
Que fait la Loi sur les armes à feu à ce sujet? Elle ne fait rien pour trouver l'adresse des criminels condamnés et des personnes dont on détient la preuve qu'elles sont dangereuses; elle ne fait rien pour trouver tous ces gens. Au contraire, elle fait le suivi de deux millions de propriétaires d'armes à feu respectueux des lois, et ces personnes sont tenues de signaler leur changement d'adresse un mois à l'avance au gouvernement. Donc, les personnes qui représentent le problème n'ont de compte à rendre à personne—et de fait, le gouvernement n'effleure même pas la question; il dit que cela reviendrait à violer leurs droits—mais en revanche, le gouvernement affirme qu'il peut inspecter tout domicile et emprisonner la personne qui n'aurait pas fait son changement d'adresse. C'est complètement à côté de la plaque.
Ce programme autorise le gouvernement à vérifier si des criminels violents condamnés—et plus de 250 000 d'entre eux ont été reconnus comme tels—ont acquis... Ce programme ne s'adresse tout simplement pas aux bonnes personnes. J'aimerais demander aux membres de ce comité, où est la logique dans tout ça? Il n'y a aucune logique.
Il y a une autre chose qui cloche avec la Loi sur les armes à feu. La semaine dernière, le commissaire aux armes à feu a déclaré à la Chambre que depuis le 1er décembre 1998:
... 12 074 permis d'armes à feu ont été refusés ou révoqués pour motif de violence, d'ordonnances d'interdiction, d'utilisation d'une arme à feu à des fins criminelles et pour d'autres motifs relatifs à la sécurité publique. |
Que se passera-t-il avec ces 12 000 personnes que l'on vient d'identifier comme étant trop dangereuses pour posséder une arme à feu? On a dépensé des centaines de millions de dollars pour les identifier. La Loi sur les armes à feu ne tient absolument aucun compte de ces personnes. Le gouvernement ne fait aucune vérification en vue de s'assurer qu'elles ont bien rendu leurs armes. Elles n'ont plus aucune obligation de fournir leur changement d'adresse, et tout d'un coup, elles sortent du système. Par ailleurs, on n'a plus aucun pouvoir d'aller inspecter leur domicile afin de vérifier si elles ont acquis de nouvelles armes. Est-ce que vous voyez le manque de logique? C'est complètement irrationnel.
Quel est le taux de réussite de la stratégie du gouvernement consistant à cibler les propriétaires d'armes à feu respectueux des lois plutôt que de s'occuper du vrai problème, c'est-à-dire les criminels condamnés? Il se chiffre à 12 000 permis d'armes à feu ayant été refusés ou révoqués sur deux millions de demandes. C'est un taux de 0,6 p. 100. Le taux représente la moitié de ce qu'il était avant l'adoption de la Loi sur les armes à feu—parce que nous possédions un système d'attribution de permis depuis la fin des années 70.
J'ai également mentionné mercredi dernier que l'on dépenserait cette année, directement ou indirectement, 119,7 millions $ pour des programmes sur les armes à feu non aboutis. Cet argent devrait servir à répondre à des priorités de la police et de la sécurité publique. C'est mon argument, et c'est le moins que l'on puisse faire. Ces deux dernières années, j'ai demandé au gouvernement 26 fois combien il comptait dépenser pour la mise en oeuvre complète du registre des armes à feu, et il a refusé de répondre 26 fois. Je pense qu'il s'agit d'une question très importante. Aux dernières nouvelles, il restait encore 59 articles de la loi et des règlements à mettre en vigueur. Il faut se rappeler que cette loi a été adoptée en 1995. Cela fait presque 10 ans maintenant, et il y a encore 59 articles qui n'ont pas été appliqués.
Et puis, il y a la question des centaines de milliers de propriétaires d'armes à feu qui n'ont pas de permis et les huit millions d'armes à feu qui ne sont toujours pas enregistrées. L'enregistrement des armes à feu au Nunavut est stoppé par une injonction judiciaire depuis deux ans. Des dizaines de contestations judiciaires sont en cours, et le ministère de la Justice les qualifie de poursuites pouvant avoir une incidence majeure.
» (1705)
Les Libéraux ne se sont pas conformés aux recommandations que la vérificatrice générale avait faites il y a deux ou trois ans de présenter au Parlement les prévisions des coûts rattachés à l'exécution de la loi ainsi qu'à la conformité. D'après le Service de recherche de la bibliothèque du Parlement, ce volet a ajouté des centaines de millions de dollars aux coûts du programme, et cependant, ces sommes n'ont pas été déclarées au Parlement comme telles. Par conséquent, les coûts économiques et l'analyse coûts-avantages ont été décrétés secret ministériel. Il est impossible d'obtenir cette information, de sorte que nous ne savons même pas combien il en coûte et ce que nous obtenons en contrepartie.
En fin de compte, monsieur le président, je demande, pour conclure, que le gouvernement cesse sa politique de l'autruche. Le moment est venu de faire ce que la majorité des Canadiens, ou 76 p. 100 des Canadiens, veulent que nous fassions, et de rediriger ces sommes gaspillées dans le registre des armes à feu au bénéfice d'activités prioritaires pour les services de police de première ligne.
Je vous remercie de votre patience. J'ignore combien de personnes auront changé d'avis après mon exposé, mais je suis persuadé, monsieur le président, de toucher à l'essentiel de la manière dont nous devrions dépenser l'argent des contribuables.
Merci.
Le président: Merci, monsieur Breitkreuz.
Monsieur Cullen.
L'hon. Roy Cullen: Merci, monsieur le président.
Je ne peux qu'admirer la ténacité de mon collègue dans sa lutte contre le registre des armes à feu, le Centre des armes à feu et l'enregistrement des armes à feu, mais je me dois d'ajouter quelque chose, pour le compte rendu, à ce que vient de dire M. Breitkreuz.
Premièrement, je suis sûr que personne autour de cette table n'est très heureux des dépassements de coûts encourus par le Centre des armes à feu, et nous ne cherchons pas d'excuses à ce sujet. Cependant, nous avons pris des mesures. Nous avons transféré le Centre des armes à feu à Sécurité publique et Protection civile Canada. Nous avons mis en place une nouvelle équipe de direction et elle s'est attaquée à la réduction des coûts; elle gère la situation et elle obtient des résultats.
Comme je l'ai dit, cette année nos prévisions budgétaires sont de 100 millions de dollars, soit la moitié de celles de 2000-2001. Nous prévoyons que l'an prochain nos coûts nets seront de 85 millions de dollars par année et le budget relatif au registre des armes à feu est plafonné à 25 millions ou moins. Par ailleurs, une fois que les revenus seront complètement stabilisés, nous croyons pouvoir maintenir un rythme d'environ 55 millions de dollars par année. Donc, nous avons pris des mesures correctives afin de régler les problèmes financiers du registre des armes à feu. On a dépensé beaucoup d'argent pour ce programme, et nous n'en sommes pas très heureux non plus. Mais le gouvernement a pris les moyens nécessaires.
Pour ce qui est des autres commentaires et de la citation d'un chef de police autochtone, tout ce que je peux dire c'est que l'Association canadienne des chefs de police n'a pas cessé d'accorder son appui au registre des armes à feu, et en fait, pas plus tard que l'année dernière, l'Association a adopté une résolution à l'appui du registre des armes à feu. Ce fut une étape majeure, vraiment.
En ce qui concerne le sondage réalisé auprès des Canadiens, monsieur Breitkreuz, je ne sais pas d'où vous tenez vos statistiques, mais un sondage réalisé en janvier 2003 a révélé que 74 p. 100 des Canadiens sont en faveur de la loi sur le contrôle des armes à feu.
Pour ce qui est du nombre d'armes à feu enregistrées, je le répète, je ne sais pas d'où vous viennent vos chiffres, mais les données les plus fiables que nous avons suggèrent qu'il y a deux millions de détenteurs de permis d'armes à feu, soit 90 p. 100 de la population, selon nos estimations.
En ce qui concerne l'enregistrement, il y a sept millions d'armes à feu enregistrées, ce qui correspond d'assez près à 90 p. 100 de la population totale, comme vous le savez. Chaque jour, le registre des armes à feu reçoit près de 2 000 demandes de la part des policiers—et pas seulement en raison du débordement du CIPC. En effet, les interrogations du CIPC sont beaucoup plus nombreuses que cela, et il s'agit de demandes d'information de la part des policiers, et il semble qu'ils trouvent le système utile.
J'aurais cru que vous auriez trouvé que c'était une bonne nouvelle que 12 000 demandes de permis pour des armes à feu individuelles ont été refusées, étant donné que des évaluations ont été faites et que l'on a établi que ces particuliers ne sont pas suffisamment responsables pour qu'on leur accorde un permis.
Vous avez tout à fait raison lorsque vous dites que les criminels n'enregistrent pas leurs armes à feu. Le gouvernement n'a jamais prétendu que les armes à feu ou le contrôle des armes à feu serait la réponse à tous les maux; c'est un outil utile et la police affirme qu'elle s'en sert. Les policiers sont sur la première ligne et les personnes qui doivent travailler avec nous. Ils souhaitent que le programme soit géré de manière rentable eux aussi. Mais notre gouvernement a aussi indiqué son intention d'imposer des sanctions plus sévères aux crimes perpétrés avec une arme et il s'est engagé à soutenir la police dans sa lutte contre le crime à main armée et la contrebande des armes. De toute évidence, ces engagements ont trouvé un écho dans ma circonscription; puisqu'il s'y commet beaucoup de crimes à main armée et nous savons que bon nombre de ces armes proviennent du marché noir, et ainsi de suite.
On a enregistré une baisse significative du taux d'homicides commis à l'aide de fusils de chasse et d'armes d'épaule. Je le répète, le gouvernement n'attribue pas la totalité de ce genre de diminution au registre des armes à feu ou encore au contrôle des armes à feu, mais nous sommes persuadés qu'il y a contribué de quelque manière.
» (1710)
J'ai presque terminé, monsieur le président.
Pour ce qui est de redéployer les ressources, il faut tenir compte de l'aspect technique de la question comme quoi c'est irrecevable sur le plan de la procédure, mais sur le fond, nous comprenons tous que l'application de la loi nécessite des ressources. Permettez-moi seulement de vous rappeler les sommes qui ont été récemment accordées à la GRC : dans le budget de 2000, nous avons annoncé qu'un montant de 584 millions était accordé à la GRC sur trois ans; dans le budget de 2001, nous avons annoncé le versement d'un montant de 1,6 milliard de dollars pour les efforts consentis par la GRC au titre de la sécurité nationale; et dans le budget de 2003, nous avons fourni presque 100 millions de dollars afin d'achever complètement la mise en oeuvre du projet d'identification en temps réel de la GRC et en vue d'améliorer le système national d'identification des empreintes digitales. En ce moment même, nous collaborons avec la GRC pour l'avancement de ses programmes.
Les ressources représentent toujours un problème, qu'il s'agisse de la GRC ou de l'Agence des services frontaliers du Canada. Malheureusement, nous vivons dans un univers où les ressources sont limitées, mais nous avons l'intention de faire notre possible pour que la GRC dispose de tous les moyens nécessaires pour lutter contre le crime organisé et les éléments criminels auxquels elle a à faire face.
Je suppose que nous pourrions continuer comme cela pendant longtemps. J'ai essayé de limiter mes remarques à quelques-uns des points que vous avez soulignés, et il est à espérer que cela figure au compte rendu. Nos deux points de vue sont consignés au compte rendu. Je ne pense pas que vous arriviez à me convaincre ou que moi j'arrive à vous convaincre, et réciproquement, pour ce qui est de tous les autres membres du comité. Je voulais seulement que ces arguments figurent au compte rendu.
Le président: Merci, monsieur Cullen.
Monsieur Serge Ménard.
[Français]
M. Serge Ménard (Marc-Aurèle-Fortin, BQ): Je voudrais exposer brièvement les raisons pour lesquelles le Bloc québécois est opposé à la résolution du Parti conservateur.
D'entrée de jeu, je me dis étonné de voir que le Parti conservateur, chaque fois que nous parlons de criminalité, est préoccupé par les victimes. Que cela soit une de ses préoccupations majeures est tout à son honneur. Il ne cesse de nous rappeler, par exemple lorsqu'on parle de réhabilitation, qu'il faut penser aux victimes et il ne cesse de nous proposer des mesures en ce sens. Or, j'exerce le droit criminel depuis 1966, tant du côté de la Couronne que de celui de la défense, et j'ai été en outre ministre de la Sécurité publique. Je peux donc vous dire que dans les milieux qui s'occupent de la criminalité, je ne connais pas de mesure qui ait un plus grand effet pour diminuer le nombre de victimes du crime le plus important, qui entraîne des pertes de vie.
Je note aussi, à l'instar de l'honorable Roy Cullen, qu'il semble bien que nous n'ayons pas consulté les mêmes statistiques en ce qui concerne l'appui des Canadiens. En janvier 2003, soit un mois après la publication du rapport de la vérificatrice générale—qui était plutôt dévastateur pour ce qui est de la gestion du programme d'enregistrement des armes à feu—74 p. 100 des Canadiens étaient encore en faveur des actuelles mesures législatives sur le contrôle des armes à feu.
Bien entendu, le Bloc québécois déplore et a déploré le gaspillage qui a eu lieu dans le cadre de l'application de ce programme, que nous considérons nécessaire et important. Cela étant dit, je constate que bien des Canadiens raisonnent comme nous: bien qu'ils déplorent le gaspillage, ils reconnaissent les effets positifs du programme.
D'abord, le programme est largement utilisé par les policiers. On me dit que jusqu'à 2 000 requêtes par jour sont effectuées. Je sais ce que cela signifie, en pratique, pour certains policiers. Lorsque dans des cas de violence, ils sont appelés à se rendre sur les lieux, qu'il s'agisse d'un domicile—dans des cas de violence conjugale, par exemple—ou d'un commerce, ils sont très heureux de pouvoir savoir dès le départ s'il y a des armes à feu sur les lieux. De plus, cela leur permet de résoudre certains crimes. Le fait de pouvoir identifier le dernier propriétaire d'une arme ayant servi lors d'un crime constitue une piste.
L'Association canadiennedes chefs de police s'est dite en faveur de la poursuite du programme. L'Association canadienne des policiers et policières elle-même s'est elle aussi dite favorable à son maintien. Je reconnais qu'il y a une exception, dont vous parlez beaucoup, et c'est le cas de la Saskatchewan. Il reste qu'une très grande part des policiers canadiens, que ce soit les dirigeants—de façon quasi unanime—ou les simples policiers, appuie le programme. Ne peut-on pas dire ici que ce sont les experts qui nous conseillent de poursuivre ce programme?
Je reconnais que vous avez fait un travail intelligent et nécessaire quant à l'examen des statistiques portant sur une longue période qui vous ont été fournies. Le fait que le taux de crimes violents et de crimes commis avec des armes à feu diminue d'année en année depuis 1970 ou 1971 constitue à nos yeux une réussite pour notre société. Vous avez signalé, avec raison à mon avis, que les statistiques n'étaient peut-être pas convaincantes, à savoir que le programme aurait par lui-même entraîné une chute de ce taux. Enfin, il est quand même bon de constater qu'il n'a pas nui à cette tendance, étant donné que ce mouvement à la baisse a continué.
Il y a cependant des cas où le programme est important, notamment les homicides commis avec une carabine. On parle ici de l'une de vos préoccupations majeures. Vous dites souvent, et bien des gens nous le répètent, que cela n'empêchera pas les vrais criminels de se procurer des armes, et c'est vrai. Hélas, la majorité des homicides ne sont pas commis par de vrais criminels. Pourquoi les gens tuent-ils? Il y a beaucoup d'autres raisons. Aux États-Unis, notamment, le taux d'homicide est trois fois et demie plus élevé qu'au Canada. D'ailleurs, on semble oublier qu'il est aussi trois fois et demie plus élevé que celui de l'ensemble des pays industrialisés.
Chaque cinq ans, un organisme fait des sondages. Je n'ai pas encore trouvé la référence exacte, mais je connais la situation, étant donné que je la suis de près depuis au moins 20 ans.
De combien de temps est-ce que je dispose, monsieur le président?
» (1715)
Le président: La seule limite est notre patience.
M. Serge Ménard: Ça ne semble pas trop vous mettre à l'épreuve.
Chaque cinq ans, cet organisme cherche à établir des comparaisons entre les pays industrialisés en matière de criminalité. Dernièrement, on a commencé à inclure à la liste les anciens pays d'Europe de l'Est, qui avaient été exclus par le passé. Il est très difficile d'établir ce genre de comparaison parce que les pays ne qualifient pas tous les crimes de la même façon. Ils procèdent par sondages, comme dans le cas des sondages d'opinion. Ils procèdent par échantillonnage et demandent simplement aux gens s'ils ont été victimes d'un acte criminel au cours des cinq dernières années.
Cela nous procure une bonne base pour comparer la criminalité dans les différents pays développés. Quand je parle de pays développés, je parle évidemment de toute l'Europe de l'Ouest, de l'Australie, de la Nouvelle-Zélande, de l'Amérique du Nord et, de plus en plus, comme je vous l'ai dit, de certains pays de l'Est. La Russie, pour des raisons qu'on peut imaginer, est exclue. Ses statistiques ne sont pas fiables. Or, on constate que la criminalité est à peu près la même dans tous les pays développés, sauf dans un cas: celui des homicides.
» (1720)
Aux États-Unis, les armes à feu sont faciles d'accès. Aux États-Unis, un grand nombre de querelles se règlent avec des armes à feu. Le taux d'homicide est, de façon générale, trois fois et demie plus élevé aux États-Unis. Par contre, pour ce qui est du taux d'homicides commis avec des armes à feu aux États-Unis, il est un peu plus de huit fois plus élevé que celui du Canada. En effet, on parle de 4 habitants sur 100 000 aux États-Unis et de 0,48 habitants sur 100 000 au Canada. Pour ce qui est des meurtres de conjoints—on ne parle pas ici d'actes commis par des bandits, mais plutôt de crimes passionnels—le taux est de 0,48 habitants sur 100 000 aux États-Unis et de 0,09 habitants sur 100 000 au Canada.
Tout d'abord, je pense que le programme d'enregistrement des armes à feu peut avoir un effet dissuasif sur certains bandits qui, bien que considérés comme les plus impulsifs et les moins organisés, représentent un danger réel: les gangs de rue. Ils constituent le plus grand danger depuis que nous avons cassé les reins d'une des grandes organisations criminelles au Québec. Il reste que, comme me le faisait remarquer un procureur de la Couronne, la lutte au crime organisé est, comme le ménage, toujours à recommencer. Quoi qu'il en soit, ces gangs sont maintenant le danger numéro un. En compliquant l'accès aux armes à feu, on fait oeuvre utile: on retarde l'acquisition de ces armes.
D'après ce que je comprends, il y aurait quelque chose de presque mythique dans le fait de posséder des armes à feu. Vous en faites état très souvent et de façon fort éloquente. Il y aurait un rapport essentiel entre l'arme et l'exercice de la liberté du possesseur; ainsi, advenant que la protection sociale disparaisse, on pourrait encore faire appel aux armes à feu pour se protéger. On fait notamment allusion aux fermiers qui, tout honnêtes citoyens qu'ils sont, sont attachés à leurs armes à feu. Est-ce que je fais erreur en pensant que les fermiers doivent être au moins aussi attachés à leurs tracteurs qu'à leurs armes à feu? Pourtant, ils n'hésitent pas à enregistrer leurs tracteurs. Souvenez-vous de votre jeunesse, lorsque vous n'aviez pas encore le droit de conduire, et dites-moi s'il y quelque chose de plus mythique que le fait de pouvoir enfin circuler sur des roues, avec toutes les possibilités que cela implique.
Pourquoi n'avez-vous pas la même réaction? Pourquoi ne vous demandez-vous pas à quoi sert l'enregistrement des véhicules? À mon avis, on a commencé à le pratiquer parce qu'il était très facile d'échapper à ses responsabilités lorsqu'on frappait une personne, qu'on commettait un crime et qu'on s'en allait ensuite. On a donc imposé les plaques, que les gens étaient obligés d'afficher. C'est bien plus exigeant que pour les armes à feu, étant donné qu'on doit les installer. Pour ma part, je ne vois pas une grande différence entre la nécessité d'enregistrer un véhicule motorisé et celle d'enregistrer une arme à feu.
Je pense aussi aux Amérindiens, même si dans leur cas, on a accordé certains privilèges. Je me dis qu'un autochtone faisant le tour de ses trappes en motoneige, fusil au dos, a à sa disposition deux instruments hérités de l'homme blanc. Lequel est le plus dangereux? Lequel est enregistré?
En fin de compte, le fait que ce programme reçoive l'appui non seulement des policiers mais aussi des organismes publics de santé est très significatif. Ce sont eux qui se chargent des victimes de l'abus des armes à feu. Ici, on ne parle pas nécessairement de victimes du crime organisé ou de grands bandits: ces gens ont les moyens de s'acheter illégalement des armes à feu et ce genre d'obstacle n'est pas ce qui les arrête. Je pense que cela s'applique tout particulièrement aux États-Unis.
Il est vrai que ce système a coûté cher. À mon avis, il a coûté trop cher. Un autre aspect est néanmoins important, et je parle ici de la formation, donc de l'examen, de la sensibilisation au danger des armes à feu et à l'entreposage sécuritaire de ces dernières. Cette formation se donne au moment où on va chercher son permis.
Je ne connais pas toutes les raisons pour lesquelles il y a eu du gaspillage et, bien que ce programme ait indéniablement coûté trop cher, je dois dire qu'à mon avis, une partie de l'augmentation des coûts est due aux campagnes systématiques des lobbies des armes à feu visant à bloquer le système à des moments stratégiques.
Nous avons entendu parler de certaines instructions qui ont été données, par exemple d'attendre jusqu'à la dernière minute. En tant que ministre de la Sécurité publique et donc responsable de la Sûreté du Québec—cette dernière étant l'organisme qui met le programme en application—j'étais responsable de l'enregistrement des armes à feu dans cette province. Je sais par conséquent qu'un grand nombre des difficultés provenaient des programmes informatiques. Il est évident que certaines d'entre elles n'étaient pas dues aux actions des lobbies des armes à feu. Il y avait, par exemple, le fait que les premiers formulaires à être offerts étaient impossibles à lire. Nous avons cru au début que le problème était relié à une mauvaise traduction; or, les formulaires étaient tout aussi incompréhensibles en anglais qu'en français. Personne n'arrivait à répondre à toutes les questions. Tous ces formulaires étaient refusés et devaient être retournés, ce qui, bien entendu, augmentait les retards, et ainsi de suite. Ce genre de choses faisait état d'une piètre administration.
Maintenant, le système est mis en place et commence à fonctionner raisonnablement bien. Il me semble que le plus grand gaspillage consisterait à annihiler l'investissement qui a été fait. Nous avons aujourd'hui un système performant qui donne des résultats et qui confirme le fait que l'usage des armes à feu est à la baisse.
On ne vit pas dans la même province, et je comprends que les choses ne sont pas pareilles en Saskatchewan. Il reste que d'après ce que j'ai compris, la population des neuf autres provinces appuie le programme. Cela nous distingue de nos voisins du Sud, qui habitent un pays où on abuse régulièrement des armes à feu.
Si vous avez bâti une maison qui vous a coûté trop cher, la pire solution est, à mon avis, d'y mettre le feu pour la détruire, à moins, évidemment, que vous ayez l'intention de frauder votre compagnie d'assurance. Si elle vous a coûté trop cher, assurez-vous au moins d'en profiter.
Nous avons maintenant un système qui nous place dans une certaine catégorie de civilisation et qui reçoit l'appui de tous les experts de ce domaine, experts que vous invoquez souvent quand vous demandez qu'on durcisse les dispositions prises contre les criminels. Les policiers lui accordent leur entier appui; les organismes de santé publique et le grand public l'appuient également. Pour ces motifs, nous allons voter contre votre résolution. Nous sommes convaincus que vous avez très bien défendu votre position et que vous avez fait preuve d'un talent exceptionnel pour ce qui est de défendre vos idées. En outre, vous étiez remarquablement bien préparés, mieux que moi, je le reconnais.
» (1725)
[Traduction]
Le président: Thank you Mr. Ménard.
Sommes-nous prêts pour les questions?
Oui, monsieur Breitkreuz.
M. Garry Breitkreuz: J'aurais une seule remarque assez brève.
Je pourrais contredire chacun de vos arguments, je suppose, et vous montrer que ce système n'est pas rentable. Je suis vraiment attristé et déçu que les Libéraux, les membres du NPD et les bloquistes ne souhaitent pas aller au fond des choses. Je voulais seulement que cela figure aussi au compte rendu.
Pas un seul argument n'a été avancé pour démontrer que le registre est rentable.
Le président: Très bien.
La motion est que le crédit 20 pour le ministère du Solliciteur général (Sécurité publique et Protection civile) destiné au Centre canadien des armes à feu et d'un montant de 82 080 000 $ soit réduit de 20 millions de dollars.
Tous ceux qui sont en faveur de cette motion?
Une voix: Je voudrais que ce soit un vote par appel nominal?
Le président: Oui, nous pouvons tenir un vote enregistré.
(La motion est rejetée par 7 voix contre 4)
» (1730)
Le président: Étant donné que la motion a été rejetée, il s'ensuit que la motion no 2 sera rejetée aussi, parce qu'elle dépend de l'adoption de la première.
Puis-je faire rapport à la Chambre? Le comité peut décider de faire rapport à la Chambre ou de...
L'hon. Paul Harold Macklin: Monsieur, je pense que nous devrions faire rapport.
Le président: Dans ce cas, nous allons devoir nous prononcer sur tous ces crédits.
Est-ce que les crédits 1, 5, 10, 15, 20, 25, 30, 35, et 50 sous la rubrique Justice; et les crédits 1, 5, 10, 15, 20, 25, 30, 35, 40, 45, 50, 55, 60, 65, 70, et 75 sous la rubrique Solliciteur général (Sécurité publique et Protection civile) et le crédit 55 sous la rubrique Conseil Privé, moins les montants accordés à titre de montants provisoires sont adoptés?
ç | JUSTICE |
Ministère |
ç | Crédit 1—Dépenses de fonctionnement..........533 850 000 $ |
ç | Crédit 5—Subventions et contributions..........389 604 000 $ |
Commission canadienne des droits de la personne |
ç | Crédit 10—Dépenses de programmes..........18 270 000 $ |
Tribunal canadien des droits de la personne |
ç | Vote 15—Dépenses de programmes..........3 895 000 $ |
Commissaire à la magistrature fédérale |
ç | Crédit 20—Dépenses de programmes..........7 970 000 $ |
ç | Crédit 25—Conseil canadien de la magistrature—Dépenses de programmes..........1 575 000 $ |
Service d'administration des tribunaux |
ç | Crédit 30—Dépenses de programmes..........47 662 000 $ |
Commission du droit du Canada |
ç | Crédit 35—Dépenses de programmes..........2 966 000 $ |
Cour suprême du Canada |
ç | Crédit 50—Dépenses de programmes..........20 137 000 $ |
(Les crédits 1, 5, 10, 15, 20, 25, 30, 35, et 50 sont adoptés avec dissidence)
SOLLICITEUR GÉNÉRAL (SÉCURITÉ PUBLIQUE ET PROTECTION CIVILE) |
Ministère |
ç | Crédit 1—Dépenses de fonctionnement..........100 944 000 $ |
ç | Crédit 5—Subventions et contributions..........301 793 000 $ |
Agence des services frontaliers du Canada |
ç | Crédit 10—Dépenses de fonctionnement..........546 584 000 $ |
ç | Crédit 15—Dépenses en immobilisations..........23 349 000 $ |
Centre des armes à feu Canada |
Crédit 20—Dépenses de fonctionnement..........82 080 000 $ |
ç | Crédit 25—Contributions..........14 500 000 $ |
Service canadien du renseignement de sécurité |
ç | Crédit 30—Dépenses de programmes..........269 911 000 $ |
Services correctionnels |
ç | Crédit 35—Service pénitentiaire et Service correctionnel du Canada—Dépenses de fonctionnement..........1 261 054 000 |
ç | Crédit 40—Service pénitentiaire et Service correctionnel du Canada—Dépenses en immobilisations..........136 712 000 $ |
Commission nationale des libérations conditionnelles |
ç | Crédit 45—Dépenses de programmes..........29 076 000 $ |
Bureau de l'enquêteur correctionnel |
ç | Crédit 50—Dépenses de programmes..........2 558 000 $ |
Gendarmerie royale du Canada |
ç | Crédit 55—Dépenses de fonctionnement..........1 231 710 000 $ |
ç | Crédit 60—Dépenses en immobilisations..........196 334 000 $ |
ç | Crédit 65—Subventions et contributions..........37 425 000 $ |
Comité externe d'examen de la GRC |
ç | Crédit 70—Dépenses de programmes..........769 000 $ |
Commission des plaintes du public contre la GRC |
ç | Crédit 75—Dépenses de programmes..........4 177 000 $ |
(Les crédits 1, 5, 10, 15, 20, 25, 30, 35, 40, 45, 50, 55, 60, 65, 70, et 75 sont adoptés avec dissidence)
CONSEIL PRIVÉ |
Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité |
ç | Crédit 55—Dépenses de programmes..........2 206 000 $ |
(Le crédit 55 est adopté avec dissidence)
Le président: Autorisez-vous le président à faire rapport des crédits adoptés à la Chambre?
Des voix: Adopté.
Le président: Merci. Voilà qui termine les travaux du comité.
La séance est levée.