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INDU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent de l'industrie, des ressources naturelles, des sciences et de la technologie


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 24 novembre 2005




¿ 0905
V         M. Ronald Lund (président, Association canadienne des annonceurs)
V         Le président (M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin—Kapuskasing, Lib.))
V         M. Robert Reaume (vice-président, Politique et recherche, Association canadienne des annonceurs)

¿ 0910
V         Le président
V         Mme Tamra Thomson (directrice, Législation et réforme du droit, Association du Barreau canadien)
V         Le président
V         Mme Tamra Thomson
V         Mme Madeleine Renaud (présidente, Section nationale du droit de la concurrence, Association du Barreau canadien)

¿ 0915
V         Le président
V         M. Bradley Trost (Saskatoon—Humboldt, PCC)
V         Le président
V         M. Bradley Trost

¿ 0920
V         Mme Madeleine Renaud
V         M. Bradley Trost
V         M. James Musgrove (conseiller juridique, Lang Michener, Association canadienne des annonceurs)
V         M. Bradley Trost
V         M. James Musgrove
V         M. Bradley Trost
V         M. James Musgrove
V         M. Bradley Trost
V         M. James Musgrove
V         M. Bradley Trost
V         Le président
V         M. Marc Boulianne (Mégantic—L'Érable, BQ)

¿ 0925
V         Mme Madeleine Renaud
V         M. Ronald Lund
V         M. Marc Boulianne
V         Mme Madeleine Renaud

¿ 0930
V         M. Marc Boulianne
V         Mme Madeleine Renaud
V         M. Marc Boulianne
V         Le président
V         L'hon. Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.)
V         Le président
V         L'hon. Marlene Jennings
V         Le président
V         L'hon. Marlene Jennings
V         Le président
V         M. James Musgrove

¿ 0935
V         L'hon. Marlene Jennings
V         M. James Musgrove
V         L'hon. Marlene Jennings
V         M. James Musgrove
V         Mme Madeleine Renaud
V         M. James Musgrove
V         Mme Madeleine Renaud
V         M. James Musgrove
V         Mme Madeleine Renaud
V         Le président
V         M. Michael Chong (Wellington—Halton Hills, PCC)
V         M. James Musgrove

¿ 0940
V         Mme Madeleine Renaud
V         M. Michael Chong
V         Mme Madeleine Renaud
V         M. Michael Chong
V         M. James Musgrove
V         M. Michael Chong
V         M. James Musgrove
V         Le président
V         L'hon. Marlene Jennings

¿ 0945
V         M. James Musgrove
V         L'hon. Marlene Jennings
V         M. James Musgrove
V         L'hon. Marlene Jennings
V         M. James Musgrove
V         M. Ronald Lund
V         L'hon. Marlene Jennings

¿ 0950
V         M. Ronald Lund
V         Le président
V         M. Paul Crête (Montmagny—L'Islet—Kamouraska—Rivière-du-Loup, BQ)
V         Mme Madeleine Renaud
V         M. Paul Crête
V         Mme Madeleine Renaud

¿ 0955
V         M. Paul Crête
V         Mme Madeleine Renaud
V         M. Paul Crête
V         Mme Madeleine Renaud
V         M. Paul Crête
V         Mme Madeleine Renaud
V         M. Paul Crête
V         Le président
V         M. James Musgrove
V         M. Paul Crête
V         M. James Musgrove
V         M. Paul Crête
V         Le président
V         M. James Musgrove
V         Le président
V         M. Michael Chong
V         M. James Musgrove

À 1000
V         Le président
V         Le président
V         M. Derek Nighbor (vice-président, Affaires nationales, Conseil canadien du commerce de détail)
V         Le président
V         M. J. William Rowley (président, Groupe de la politique de la concurrence)

À 1010

À 1015
V         Le président
V         M. J. William Rowley
V         Le président
V         M. Paul Mistele (vice-président, Ontario, Fédération canadienne de l'agriculture)

À 1020
V         Le président
V         M. Bradley Trost
V         M. J. William Rowley

À 1025
V         M. Paul Mistele
V         Le président
V         M. Paul Mistele
V         Le président
V         M. Derek Nighbor
V         Le président
V         M. Marc Boulianne

À 1030
V         M. J. William Rowley
V         M. Marc Boulianne
V         M. J. William Rowley

À 1035
V         Le président
V         M. Lynn Myers (Kitchener—Conestoga, Lib.)
V         M. Paul Mistele
V         M. Lynn Myers
V         M. Paul Mistele

À 1040
V         M. Lynn Myers
V         M. Paul Mistele
V         M. Lynn Myers
V         M. Derek Nighbor
V         M. Lynn Myers
V         M. Derek Nighbor
V         Le président
V         M. Michael Chong

À 1045
V         M. Derek Nighbor
V         M. J. William Rowley

À 1050
V         Le président
V         M. Paul Mistele
V         Le président
V         M. Marc Boulianne
V         M. Paul Mistele
V         M. Clinton Monchuk (analyste des politiques agricoles, Fédération canadienne de l'agriculture)
V         M. Marc Boulianne
V         Le président
V         M. Michael Chong

À 1055
V         Le président
V         M. Paul Mistele
V         Le président










CANADA

Comité permanent de l'industrie, des ressources naturelles, des sciences et de la technologie


NUMÉRO 066 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 24 novembre 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

¿  +(0905)  

[Traduction]

+

    M. Ronald Lund (président, Association canadienne des annonceurs): C'est Bob Reaume qui prendra la parole.

+-

    Le président (M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin—Kapuskasing, Lib.)): Monsieur Reaume, la greffière vous a demandé de limiter vos commentaires à cinq à sept minutes. Si vous n'avez pas le temps de tout dire, parce que je vous aurai interrompu, n'hésitez pas à faire tous les commentaires nécessaires au moment de la période de questions.

+-

    M. Robert Reaume (vice-président, Politique et recherche, Association canadienne des annonceurs): Merci.

    Bonjour.

    Monsieur le président, mesdames et messieurs du comité, nous sommes très heureux d'avoir la possibilité de comparaître de nouveau devant le comité afin de partager notre perspective sur les derniers amendements proposés.

    Nous avons comparu la première fois en mars dernier. Depuis ce temps, un certain nombre d'événements se sont produits concernant le projet de loi C-19. D'abord, mentionnons la présentation au comité du point de vue de M. Peter Hogg par l'intermédiaire du Conseil canadien du commerce de détail. Vous entendrez les représentants du CCCD dans un instant, et nous n'avons certainement pas l'intention de prendre les devants sur nos collègues à cet égard. Toutefois, nous souhaitons aborder brièvement cette question.

    L'opinion exprimée par M. Hogg a confirmé la crainte que l'ACA avait soulevée auparavant, soit que les sanctions administratives pécuniaires constituent une préoccupation grave sur le plan constitutionnel. En effet, M. Hogg, éminent spécialiste en droit constitutionnel, est d'avis que les « SAP modifiées seraient inconstitutionnelles ».

    Il est peu fréquent d'entendre, comme dans le présent cas, une opinion aussi claire et définitive que celle d'un grand constitutionnaliste comme M. Hogg.

    L'ACA n'est pas une organisation juridique. Elle est plutôt préoccupée par l'impact du projet de loi C-19 sur l'économie en général, et sur les annonceurs et l'industrie de la publicité en particulier, que sur le droit constitutionnel. Néanmoins, les préoccupations qui sous-tendent l'opinion de M. Hogg — notamment que ce type de sanction est tout simplement inapproprié dans le contexte d'une poursuite civile — sont similaires à celles qui motivent la crainte de l'ACA à l'égard de cette loi.

    L'ACA soutient depuis le début que cette approche est improductive et injuste. M. Hogg exprime cette préoccupation en termes constitutionnels, mais arrive à la même conclusion — cette loi est inadéquate, car elle touche les annonceurs qui ne commettent aucun acte criminel répréhensible.

    Le deuxième événement qui s'est produit depuis notre dernière comparution concerne les deux amendements du gouvernement proposés au projet de loi C-19. Un amendement vise le montant des amendes dans les cas de complot, et un autre vise les études de marché.

    L'ACA n'a aucune observation en ce qui concerne les amendes proposées dans les cas de complot, mais elle s'inquiète de la question des études de marché. Nous observons d'abord que la loi autorise déjà les études de marché exhaustives. Lorsque six Canadiens présentent une demande; lorsque le commissaire a raison de croire qu'il y a agissements contraires à la loi; ou lorsque le ministre de l'Industrie le demande, le commissaire peut mener une enquête en appliquant tous ses pouvoirs exécutoires.

    Il peut également effectuer des études de marché, sans appliquer les pouvoirs exécutoires, qu'il estime ou non qu'une disposition de la loi ait été violée. Le cabinet peut également soumettre des questions économiques à l'examen du Tribunal de la concurrence en se servant de ses pouvoirs exécutoires. Donc, il existe déjà des pouvoirs considérables permettant de mener des enquêtes sur les agissements des entreprises commerciales.

    Outre la redondance, nous croyons que la proposition d'études de marché contenue dans cet amendement pourrait faire dévier le Bureau de la concurrence de l'objet principal de ses enquêtes, ce qui est contraire à la Loi sur la concurrence. De plus, permettre au Bureau de la concurrence d'appliquer des pouvoirs exécutoires contre les entreprises, dans des circonstances où ni le ministre ni le commissaire n'ont raison de croire à une violation de la loi, équivaut à appliquer la loi à des fins qui ne sont pas les siennes. Cela équivaut aussi à soumettre les entreprises à un très lourd fardeau, de par les coûts directs engagés et l'éloignement de leurs activités courantes.

    Le pouvoir lié aux études de marché est susceptible d'assujettir certaines industries, probablement celles qui exercent des pressions sur les acteurs politiques, à des enquêtes fréquentes. L'industrie pétrolière a fait l'objet d'enquêtes officielles à cinq reprises au cours des cinq dernières années. L'ACA ne croit pas qu'un tel traitement soit approprié pour l'industrie pétrolière, l'industrie publicitaire ou toute autre industrie.

    En effet, il est ironique que le projet de loi propose de supprimer certaines dispositions visant la publicité dans l'industrie, mais réintroduirait ce qui semble être des mesures ciblant l'industrie par le truchement du pouvoir d'exécuter des études de marché.

    Pour ces raisons, l'ACA s'oppose à la proposition d'amender le projet de loi C-19 pour accorder au Bureau de la concurrence le pouvoir d'exécuter des études de marché sans avoir de raison de croire qu'il y a agissement contrevenant à la Loi sur la concurrence.

    Le troisième événement survenu depuis notre dernière comparution devant le comité concerne les divers amendements qui ont été proposés dans cette loi par des parties autres que le gouvernement. Divers amendements proposés permettraient de dissiper nos craintes concernant les SAP nettement exagérées et les prétendues ordonnances de dédommagement. Nous sommes heureux que les membres du comité aient entendu nos craintes à ce sujet et nous les invitons à adopter ces amendements.

    Par ailleurs, d'autres amendements proposés pourraient augmenter le montant des SAP au-delà de 10 millions de dollars. À cet égard, nous ne pouvons que réitérer nos craintes initiales et y ajouter les arguments constitutionnels de M. Hogg. Si, en principe, le montant de 10 millions de dollars pour les SAP était une erreur, un montant supplémentaire, en plus de tout le reste, serait encore pire. L'ACA presse le comité de rejeter ces propositions.

    En résumé, les modifications de 1999 à la Loi sur la concurrence étaient importantes et fondamentales. Mais depuis ce temps, nous n'avons eu qu'une poignée de cas, et encore moins de décisions contestées, pour étoffer les dispositions de 1999. L'ACA est d'avis qu'il est bien trop tôt pour déterminer de manière raisonnable que les dispositions civiles visant les pratiques publicitaires trompeuses doivent être remaniées.

    En fait, la criminalisation des pratiques publicitaires trompeuses — comme le prévoit le projet de loi — serait contraire à l'esprit des dispositions civiles visant ces pratiques, édictées il y a cinq ans à peine. Cette démarche ne servira à rien d'utile, elle pourrait bien nuire au marché concurrentiel et est probablement inconstitutionnelle.

    Enfin, il est très inquiétant de constater que, malgré le cri d'alarme pratiquement unanime lancé au sujet des propositions initiales par les entreprises et l'industrie, y compris des organismes comme l'Association du Barreau canadien, le Conseil canadien du commerce de détail, la Chambre de commerce du Canada, le Conseil canadien des chefs d'entreprise et plusieurs autres, de nouveaux amendements proposés à la dernière minute pourraient contribuer à un environnement encore plus difficile pour les entreprises du Canada.

    Nous vous pressons de ne pas mettre en oeuvre ces changements.

    Nous souhaitons bonne chance au comité dans ses délibérations et nous vous remercions de nous avoir permis de présenter notre point de vue. Nous serons heureux de répondre à vos nouvelles questions.

    Merci.

¿  +-(0910)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Reaume.

    Madeleine Renaud, est-ce vous qui allez prendre la parole ou Tamra Thomson?

+-

    Mme Tamra Thomson (directrice, Législation et réforme du droit, Association du Barreau canadien): Je commencerai, puis maître Renaud poursuivra.

+-

    Le président: Merci, madame Thomson. Vous avez la parole.

+-

    Mme Tamra Thomson: Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs du comité.

    L'Association du Barreau canadien est heureuse aujourd'hui de comparaître une deuxième fois pour discuter du projet de loi C-19. Il y a presque un an, nous déposions au comité un mémoire exhaustif sur la question. Aujourd'hui, nous allons aborder certains des amendements déposés récemment en comité.

    L'Association du Barreau canadien est une association nationale représentant plus de 34 000 membres — à savoir des avocats, des juristes et des professeurs de droit — partout au Canada. Environ 1 400 de ceux-ci sont également membres de notre section du droit de la concurrence. C'est en leur nom que nous comparaissons aujourd'hui.

    Parmi les objectifs principaux de l'ABC, il y a l'amélioration de la loi et de l'administration de la justice. C'est avec ces objectifs à l'esprit que nous avons analysé les amendements que nous voulons aborder avec vous aujourd'hui.

    Je demanderais à maître Renaud de vous expliquer le fond de ces amendements.

[Français]

+-

    Mme Madeleine Renaud (présidente, Section nationale du droit de la concurrence, Association du Barreau canadien): Bonjour, monsieur le président et honorables députés.

[Traduction]

    Merci de nous donner l'occasion de présenter le point de vue de notre section sur les amendements proposés au projet de loi C-19.

    En guise d'introduction, sachez que les membres de notre section s'inquiètent du fait que de nouveaux amendements à très grande portée ont été déposés si tard en cours de route, sans consultation publique préalable. La Loi sur la concurrence établit les règles de fond pour les entreprises canadiennes, et toute révision à la loi peut avoir des conséquences profondes et imprévues pour l'économie en général et pour la productivité et l'efficacité canadiennes en particulier. Toute modification à la Loi sur la concurrence doit se faire après profonde réflexion, et après que les intéressés aient eu l'occasion d'étudier les changements proposés et de les commenter.

    Puisque les amendements proposés au projet de loi n'ont été rendus publics que très récemment, notre section n'a pas eu suffisamment de temps pour les analyser. Nous souhaitons, néanmoins, vous faire part brièvement de nos commentaires à l'égard de plusieurs des propositions dont vous avez été saisis.

    En bref, nous sommes d'avis que les propositions d'amendement ne conviennent pas en ce moment, du simple fait qu'elles modifieront fondamentalement la Loi sur la concurrence et qu'elles ne sont étayées par aucune preuve ou analyse établissant leur utilité.

    Pour ce qui est de la proposition d'accorder au commissaire le pouvoir de mener des études de marché, notre section est d'avis que rien ne démontre concrètement que ce pouvoir améliorerait de quelque façon l'économie canadienne. Nous sommes également d'avis que ce pouvoir imposera vraisemblablement un fardeau inutile aux entreprises et contribuables canadiens, puisque l'expérience a démontré le coût élevé d'études de ce genre. Nous sommes également d'avis que rien ne justifie d'octroyer des pouvoirs aussi peu définis au commissaire, s'il n'a aucune raison de croire que certains agissements ont contrevenu à la loi, puisque le commissaire détient déjà de vastes pouvoirs dans un cas comme celui-là.

    En bref, notre section est d'avis que le pouvoir d'effectuer des études de marché ne représente pas un ajout approprié à la loi.

    Plusieurs des amendements proposés touchent l'article 45 de la loi, celui sur les complots. De façon générale, notre section est d'avis que c'est à la lumière des doléances sérieuses présentées par les intervenants intéressés sur la réforme de la législation canadienne en matière de complot, que le Bureau de la concurrence a décidé l'année dernière qu'il lui restait encore du travail à faire avant qu'il puisse recommander des changements à l'article 45. Le Bureau de la concurrence a donc entrepris des études plus approfondies sur la question, dont les résultats ne sont pas encore disponibles. À notre avis, toute modification à l'article 45 devrait attendre les conclusions de l'étude du bureau sur la question.

    Le gouvernement propose de faire passer l'amende prévue à l'article 45 de 10 millions de dollars — le montant actuel — à 25 millions de dollars. Cet amendement est motivé par l'augmentation des prix de l'essence, mais il n'existe pas de preuve de complot chez les fournisseurs. Tout au contraire. Les études menées par le bureau au cours des trois dernières années n'ont constaté aucune preuve de complot. Tout comme pour les autres modifications proposées à l'article 45, notre section recommande que la proposition d'augmenter l'amende soit étudiée dans le cadre de la consultation en cours concernant les modifications à l'article 45.

¿  +-(0915)  

[Français]

    On propose aussi d'amender l'article 45 pour enlever le terme « indûment », ce qui aurait pour effet de criminaliser toute entente qui réduit la concurrence. Ce faisant, on écarterait plus d'un siècle de jurisprudence et de théorie économique et on criminaliserait une foule d'ententes qui n'ont pas d'impact significatif sur la concurrence, ce qui n'est pas souhaitable, selon la section.

    Pour contrebalancer l'élimination du terme « indûment », on propose d'ajouter un moyen de défense qui permettrait à l'accusé d'établir que l'entente en cause est à l'avantage de la société et contribuerait à la diminution des prix. Selon la section, ce critère n'est pas approprié pour faire la distinction entre les ententes anticoncurrentielles qui méritent une sanction criminelle et celles qui n'ont pas d'effet significatif sur la concurrence.

    Finalement, la section s'interroge aussi sur la constitutionnalité des modifications proposées, notamment en regard de la Charte des droits et libertés.

    Selon la section, trois autres points dans les amendements proposés posent des problèmes. D'abord, la proposition d'amender la définition d'agissements anticoncurrentiels aux fins de l'abus de position dominante comme étant toute pratique visant à imposer des modalités contractuelles inéquitables diminuera l'efficacité de l'article 79, en changeant l'objet de la disposition. Elle ne protégera plus la concurrence, mais seulement les concurrents.

    Deuxièmement, l'amendement visant à obliger l'entreprise qui se livre à des pratiques commerciales trompeuses ou abus de position dominante à se départir de tous les profits réalisés en plus de verser une sanction pécuniaire administrative renforce le caractère criminel de ces sanctions et accentue d'autant les doutes quant à leur constitutionnalité.

    Enfin, permettre à des parties privées d'intenter des recours en vertu des articles 75, 77, 78, 79 et de réclamer des dommages modifie considérablement la structure de la loi et mérite de faire l'objet d'une consultation élargie.

[Traduction]

    Quant aux autres propositions d'amendement, notre section n'a pas eu suffisamment de temps pour les étudier, mais le manque de commentaires de notre part ne devrait pas être interprété comme un appui à l'égard de ces propositions.

    Monsieur le président, voilà ce que j'avais à dire au nom de la Section nationale du droit de la concurrence.

+-

    Le président: Merci, maître Renaud et maître Thomson.

    Nous allons maintenant passer aux questions. Comme certains de nos témoins ont été retardés par la tempête, nous les accueillerons au fur et à mesure qu'ils arriveront. Nous commençons par Brad, qui sera suivi de Mark et puis de Lynn.

    Brad, allez-y.

+-

    M. Bradley Trost (Saskatoon—Humboldt, PCC): Merci, monsieur le président.

    Ceci est sans doute notre dernière séance de comité, et je trouve ironique de constater que j'ai enfin la possibilité de poser les premières questions pour le Parti conservateur.

+-

    Le président: Je me réjouis pour vous.

+-

    M. Bradley Trost: Merci.

    Avant de poser mes questions, je voudrais revenir à ce que vous avez dit au sujet du fait que vous n'aviez pas eu assez de temps. Vous, avocats professionnels, vous traitez de ce genre de choses chaque jour, et vous connaissez de façon beaucoup plus intime que des gens comme moi la loi. Autrement dit, le jury que nous formons ici ne regroupe pas de spécialistes du droit de la concurrence. Nous avons parmi nous des représentants des ingénieurs, des géophysiciens, et toutes sortes d'autres professions. Si vous, spécialistes, affirmez ne pas avoir eu suffisamment de temps pour bien comprendre la question, de grâce, ayez de la sympathie à l'égard des pauvres députés comme nous qui tentons de nous pencher sur 50 différents sujets et devons bien comprendre ce qui ferait ou ne ferait pas une bonne loi. Cela dit, passons à mes commentaires.

    Les membres du comité de ce côté-ci de la table ont souvent posé des questions au sujet des preuves, etc., et l'une des choses qui m'intéresse beaucoup, c'est ce que vous avez dit au sujet de la possibilité d'effectuer ou pas des études de marché dans d'autres pays; vous avez également dit que ces études s'avéraient assez coûteuses en temps et en argent. Avez-vous des exemples précis à nous donner, puisque des exemples concrets sont toujours plus utiles? Je sais que c'est une question très vaste, et que nous n'avons pas véritablement défini dans l'amendement ce que nous entendions par études de marché, mais pouvez-vous nous donner des exemples de ce qui se fait dans d'autres pays puisque vous avez affirmé qu'elles coûtaient assez cher?

¿  +-(0920)  

+-

    Mme Madeleine Renaud: Je ne sais pas combien elles coûtent dans d'autres pays, mais je sais qu'avant que l'on adopte des modifications à la loi en 1986, la Commission sur les pratiques restrictives du commerce avait mené une enquête sur l'industrie du pétrole, et que cette enquête avait duré plusieurs années et coûté très cher. Je pourrais vous faire parvenir les chiffres, si vous voulez.

+-

    M. Bradley Trost: Mais les enquêtes précédentes dans l'industrie pétrolière pourraient illustrer brillamment ce que cela pourrait impliquer — et cela ne s'appliquerait pas uniquement à l'industrie du pétrole. N'importe quelle industrie régionale qui ferait l'objet d'une expédition de pêche ou n'importe quel secteur que le gouvernement voudrait cibler pour des fins politiques pourrait devenir une victime à cause de cet amendement.

+-

    M. James Musgrove (conseiller juridique, Lang Michener, Association canadienne des annonceurs): Si vous me permettez d'intervenir, c'est exact. Toute étude pourrait s'appliquer à n'importe quelle industrie. On pourrait songer à des industries très en vue, qui attirent l'attention du public. Prenons l'industrie du pétrole: les événements découlant des ouragans au début de l'automne illustrent parfaitement mes propos: si le pouvoir dont il est question existait, il aurait pu être invoqué à ce moment-là. Et pourtant, l'essence est redescendue aujourd'hui à 83 cents le litre.

    On vient d'introduire récemment ces pouvoirs au Royaume-Uni. Je ne sais pas quel coût ils représentent, mais pour en avoir parlé à des collègues à moi là-bas, je ne vois vraiment pas pourquoi ceux d'entre nous qui font du droit privé s'y opposeraient. D'après ce que m'ont expliqué mes amis au Royaume-Uni, cela représente une occasion en or pour nous de faire de l'argent, puisque toutes les industries auront besoin d'avocats et dépenseront en honoraires des centaines de milliers de livres.

    Mais qui sait? Comme vous le disiez, nous n'en connaîtrons pas exactement la structure, de sorte que nous ne savons pas combien une étude de marché pourra coûter. Mais il est raisonnable de penser que chaque enquête pourra aller chercher des millions de dollars.

+-

    M. Bradley Trost: Il y a aussi autre chose qui m'a semblé intéressant: on a dit que cela détournerait les ressources actuelles du Bureau de la concurrence. Autrement dit, il faudrait soit détourner les ressources utilisées actuellement à d'autres projets au Bureau de la concurrence, soit augmenter considérablement son personnel. Ai-je bien compris?

+-

    M. James Musgrove: Pour pouvoir effectuer de nouvelles tâches, il faut soit retirer des ressources d'anciens projets, soit ajouter de nouvelles ressources. Il n'y a pas de solution magique.

+-

    M. Bradley Trost: J'ai une autre question. Ici encore une réponse générale me satisfera puisque nous savons tous que ce projet de loi ne sera pas adopté. Quel message le milieu des affaires, vos clients et l'association tirent-ils de cette mesure, à titre indicatif pour l'avenir, même si le projet de loi n'est pas adopté? Dans quelle mesure le projet de loi influencera-t-il leurs décisions? Sous réserve des résultats de l'élection, on pourrait croire que nous sommes tous prêts à aller de l'avant. Le milieu des affaires s'adapte parfois par anticipation.

    La possibilité que M. Chavez, au Venezuela, nationalise le secteur minier accroît la pression, même s'il renonce à le faire. J'aimerais donc savoir si l'industrie ou des clients envisagent déjà de modifier leur comportement, même si le projet de loi n'est pas adopté en définitive, parce qu'il reflète l'intention du gouvernement ou des bureaucrates au Bureau de la concurrence?

+-

    M. James Musgrove: Je vais essayer de répondre à votre question même si je ne suis pas certain de la comprendre parfaitement et que je ne suis pas certain de pouvoir vous aider. Nous parlons ici d'études de marché. Je ne connais aucun...

+-

    M. Bradley Trost: Ma question porte à la fois sur les études de marché et les SAP.

+-

    M. James Musgrove: Comme l'a dit maître Renaud, la loi est la clé de voûte de notre système économique. Elle prescrit les règles de la concurrence. Quand on change les règles du jeu, comme nous l'avons fait il y a quelques années quand nous avons permis l'accès privé à certaines des pratiques faisant l'objet d'examens, par exemple, cela modifie le cadre incitatif. Il devient plus risqué de faire certaines choses que l'ensemble des économistes jugent habituellement acceptables. Chaque fois que l'on procède à de tels changements, on accroît les risques et cela décourage certaines activités.

    C'est un continuum mais je ne peux pas vous dire... Dans ma pratique privée, je n'ai jamais eu de client qui m'ait dit qu'il ne fera pas telle ou telle chose parce qu'il est question que la loi soit modifiée.

    Je crois que c'était là votre question.

+-

    M. Bradley Trost: Cela me suffit.

+-

    Le président: Nous aurons peut-être le temps de vous inscrire au prochain tour.

    Marc, s'il vous plaît, suivi de Lynn.

[Français]

+-

    M. Marc Boulianne (Mégantic—L'Érable, BQ): Merci, monsieur le président. Bienvenue aux deux groupes de témoins.

    Nous avons entendu plusieurs organismes et à mon avis, il y a une contradiction dans les témoignages. Les représentants de l'Association canadienne de l'immeuble nous ont dit la dernière fois ne pas vouloir d'enquête parce que selon eux, il s'agissait au départ d'une chose négative.

    Dans votre rapport, surtout dans le cas du premier groupe, vous dites ne pas vouloir faire d'étude exhaustive sans qu'il y ait de raison de croire qu'un agissement contrevenant à la loi est en cause.

    La commissaire de la concurrence a comparu à quelques reprises. Je me rappelle qu'elle nous a donné l'exemple d'au moins quatre cas de plaintes n'ayant donné aucun résultat. Elle nous a dit que c'était dû au fait que le Bureau de la concurrence ne disposait pas du pouvoir suffisant. Or, l'intention de la loi est de lui conférer certains pouvoirs. L'étude en fait partie.

    Je pose la question aux deux groupes. Qu'est-ce qui vous fait peur dans le fait d'avoir une étude qui pourrait éventuellement vous servir ainsi qu'à l'image de votre organisme? Mis à part les arguments que vous présentez, je ne vois réellement pas ce qui pourrait empêcher que cela fonctionne. Tout le monde a peur de cette étude exhaustive, même la Chambre de commerce. Qu'est-ce que vous craignez ne pas voir fonctionner?

¿  +-(0925)  

+-

    Mme Madeleine Renaud: J'imagine que la question s'adresse davantage à l'Association canadienne des annonceurs qu'à l'Association du Barreau canadien. Ces dispositions ne font pas peur aux avocats, c'est certain. La question que vous posez est intéressante. La commissaire a déjà des pouvoirs assez étendus en vertu de la Loi sur la concurrence. L'amendement proposé à l'égard des études de marché prévoit uniquement que la commissaire peut se servir des pouvoirs dont elle dispose déjà en vertu de l'article 11, à savoir faire témoigner des gens et les forcer à déposer des documents ainsi que des informations.

    Je ne vois pas en quoi cela lui donnerait plus de pouvoir, puisque la loi n'en prévoit pas. Ceci donne à la commissaire le pouvoir de déclencher une enquête ou une étude de marché même si elle n'a pas de motif raisonnable de croire qu'il y a contravention à la loi. On se demande à quoi cela peut servir.

    Vous demandez ce qui fait peur aux gens. C'est que cela donne à entendre que le Bureau de la concurrence peut juger qu'il y a un problème au sein d'une industrie, avant même d'avoir commencé une étude à ce sujet. De plus, pour avoir participé à des enquêtes déclenchées en vertu des pouvoirs de contrainte du commissaire, je peux vous dire que ce processus est vraiment très coûteux pour les entreprises, surtout que se pencher sur ces cas s'avère souvent inutile.

    Je ne sais pas si Me Musgrove a autre chose à ajouter.

[Traduction]

+-

    M. Ronald Lund: Je n'avais pas entendu les commentaires du commissaire mais je pense que cela répond bien à la question, à savoir, d'abord, comme l'a dit l'Association du Barreau, il existe à l'heure actuelle des pouvoirs suffisants pour que les enquêtes nécessaires soient faites. La réponse à votre question plutôt hypothétique est la suivante: pourquoi les policiers ne pourraient-ils pas faire leur enquête si vous n'avez rien à craindre? Pourquoi les gens ne pourraient-ils pas pénétrer chez vous? Je pense qu'il y a une atteinte incroyable aux droits. À mon avis, les commentaires du commissaire au sujet de l'accroissement des pouvoirs qui rendrait possible la poursuite de ces gens confirment en fait ce que dit l'Association du Barreau, c'est-à-dire que si l'on soupçonne quelque irrégularité, il y aura enquête. Nous trouvons cela très préoccupant.

[Français]

+-

    M. Marc Boulianne: Lorsque quelque chose semble illégal ou anormal, n'est-ce pas justement le rôle de la commissaire de la concurrence de se servir des outils à sa disposition pour faire enquête?

+-

    Mme Madeleine Renaud: Lorsque qu'elle reçoit une plainte et qu'elle a des raisons de croire qu'un comportement contrevenant à la loi est en cause, la commissaire est déjà pleinement habilitée à procéder à une enquête en vertu de la loi.

    L'amendement qui est soumis à votre étude donne à la commissaire le pouvoir de déclencher une étude de marché portant sur un secteur ou un sous-secteur de l'économie sans qu'elle soit pour autant convaincue qu'il y a un problème dans cette industrie. J'ajouterai, si vous le permettez, que cet amendement ne dit pas ce qu'il adviendra du résultat de cette étude. Mènera-t-il à un rapport, à des accusations? Que va-t-on faire des informations recueillies par la commissaire?

    C'est très semblable à un pouvoir de lapider. Celui-ci, en plus de ne mener à rien, est dangereux pour les gens. Comme vient de le dire M. Lund, de l'Association canadienne des annonceurs, c'est comme si un jour, l'envie prenait à la police de venir voir ce qui ce passe chez vous.

¿  +-(0930)  

+-

    M. Marc Boulianne: Ce n'est pas tout à fait cela. Quoi qu'il en soit, le comité n'est pas d'accord sur ce point.

    Quelle distinction faites-vous entre une étude exhaustive et une enquête?

+-

    Mme Madeleine Renaud: Une enquête sert à vérifier, en vertu d'une disposition de la loi, s'il y a un problème. Par exemple, on enquête pour savoir s'il y a, dans une industrie donnée, un complot entre les parties pouvant mener à des accusations en vertu de l'article 45.

    Par ailleurs, dans le cadre de l'amendement, on ne sait pas vraiment à quoi mènerait une étude exhaustive. C'est ce que je vous ai dit.

+-

    M. Marc Boulianne: Merci, monsieur le président.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci, Marc.

    Marlene a la parole, suivie de Michael.

[Français]

+-

    L'hon. Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Merci. Combien de temps ai-je à ma disposition, monsieur le président?

[Traduction]

+-

    Le président: Vous avez cinq minutes, à peu près.

[Français]

+-

    L'hon. Marlene Jennings: Merci beaucoup pour vos présentations.

    À l'instar de mon collègue M. Boulianne, mes questions porteront sur les études de marché ainsi que sur les amendements susceptibles de donner à la commissaire de nouveaux pouvoirs en plus d'élargir ceux qu'elle a déjà. En vertu de l'article 11 de la loi actuelle, elle peut contraindre des compagnies à divulguer certaines informations qui seraient normalement confidentielles. Or, d'après ce que je connais de la loi actuelle, la commissaire ne peut pas utiliser ce pouvoir lorsqu'elle effectue une étude de marché, par exemple.

    Je n'ai pas d'objection à ce que le bureau effectue des études de marché. Pour moi, une étude est complètement différente d'une enquête. On mène une enquête précisément lorsqu'on croit être en présence d'irrégularités, d'infractions à la loi. Dans ces cas, il est tout à fait justifié que la commissaire dispose de pouvoirs de contrainte, et ainsi de suite.

    Par ailleurs, à mon avis, une étude sert à étudier un marché ou une réalité donnée. Je pose donc les questions suivantes. Le Bureau de la concurrence devrait-il avoir en effet le pouvoir d'exiger que des documents soient déposés? Le cas échéant, devrait-il y avoir des dispositions visant à protéger les intérêts des parties ayant été contraintes à soumettre ces documents? Je m'interroge également sur les impacts que peuvent avoir les études. Certaines sont en cours présentement. Je présume que les compagnies ayant fait l'objet d'une enquête émanant du Bureau de la concurrence sont en mesure de dire combien il en a coûté à leur industrie. Cela nous permettrait d'établir des comparaisons en vue de préciser combien coûteraient les études.

    On nous parle de modèles appliqués en Grande-Bretagne et au sein de l'Union européenne. Or, leur bassin de population fait en sorte que les entreprises sont beaucoup plus imposantes et nombreuses qu'au Canada. Cela me préoccupe. Dans la grande majorité des secteurs, notre économie repose sur les petites et moyennes entreprises. Même en faisant abstraction d'un éventuel élargissement des pouvoirs, cette question est déjà pour moi une préoccupation.

    J'aimerais donc savoir s'il est arrivé à certains d'entre vous de représenter des compagnies dans le cadre d'études ou d'enquêtes, sans que des renseignements confidentiels ne soient divulgués. Je crois qu'il serait très utile à mes collègues de savoir ce genre de chose.

[Traduction]

+-

    Le président: Prenons le temps d'entendre la réponse. Ce sera tout de suite votre tour, quoi qu'il en soit.

+-

    L'hon. Marlene Jennings: Nous sommes si peu nombreux...

+-

    Le président: Nous vous redonnerons la parole.

    Allez-y.

+-

    M. James Musgrove: Je me demande si je peux commenter certains des points soulevés.

    Personne ne dit que les pouvoirs existants sont inappropriés — du moins personne ne l'a dit aujourd'hui — lorsqu'il y a lieu de croire qu'il y a eu infraction à la loi. Ces pouvoirs existent et je peux vous dire que la cible de l'enquête subit des coûts de plus de 2 millions de dollars et de moins de 10 millions de dollars. Voilà la fourchette. Cela dépend de la portée de l'enquête mais les coûts sont significatifs. En fait, il s'agit d'une enquête criminelle. Les personnes visées doivent se défendre.

    Les mêmes pouvoirs s'appliqueraient à ces études de marché. À quoi s'élèveraient exactement les coûts de toute façon? C'est difficile de le préciser, mais ils ne seraient pas négligeables. Il faut préparer des documents et examiner d'autres documents; il faut donner des réponses très réfléchies parce qu'il est important d'être absolument exacts, bien entendu, puisqu'on ne sait jamais comment ces données pourraient être utilisées contre vous à l'avenir. C'est la vie.

¿  +-(0935)  

+-

    L'hon. Marlene Jennings: Puis-je vous interrompre un instant?

    Est-ce que je me trompe si je dis qu'en vertu du système actuel, le commissaire est habilité à réaliser une étude de marché sans utiliser...

+-

    M. James Musgrove: Sans recourir à cette contrainte légale, c'est exact.

+-

    L'hon. Marlene Jennings: Exactement. Alors ma question est la suivante. Si le commissaire a déjà ce pouvoir et qu'il a en fait réalisé des études de marché où la divulgation de renseignements est volontaires, à quoi s'élèvent alors les coûts des entreprises?

+-

    M. James Musgrove: Je ne peux pas vous le dire parce que je n'ai pas eu connaissance directe de pareils cas. Ils ne sont pas très fréquents. Je crois qu'ils seraient inférieurs à ce qu'ils seraient si l'on utilisait les contraintes légales. On peut l'extrapoler mais je ne peux pas vous répondre en m'appuyant sur ma propre expérience.

    Je ne sais pas, Madeleine, si vous pouvez répondre.

+-

    Mme Madeleine Renaud: Je ne sais pas si le commissaire a actuellement le pouvoir de réaliser des études de marché. C'est peut-être une lacune dans mes connaissances. Je ne crois pas qu'elle...

+-

    M. James Musgrove: Mais, par exemple, les cinq études réalisées sur le prix de l'essence au cours des dernières années... L'examen est informel; c'est un examen...

+-

    Mme Madeleine Renaud: Non, les études ont été réalisées à la suite de plaintes.

+-

    M. James Musgrove: Certaines d'entre elles...

    Une voix: Il doit y avoir plaintes d'abord.

+-

    Mme Madeleine Renaud: Oui, en vertu du système actuel...

+-

    Le président: Il doit d'abord y avoir une plainte.

    Je vous redonnerai la parole plus tard, Marlene. Nous passons maintenant à Michael puis ce sera de nouveau votre tour.

    Michael Chong, suivi de Paul.

+-

    M. Michael Chong (Wellington—Halton Hills, PCC): Merci, monsieur le président.

    J'aimerais poser des questions plutôt générales.

    Ma question s'adresse à l'ensemble des témoins. Vous pourriez peut-être nous faire un court historique de la loi au cours des dernières décennies pour que nous puissions la mettre en perspective.

    La loi précédente, la Loi contre les coalitions, a d'abord été adoptée pendant la première grande guerre, il y a une centaine d'années. Vous pourriez peut-être expliquer au comité — je ne sais pas si vous êtes en mesure de le faire ou non — et si vous ne pouvez faire un historique qui remonte aussi loin, vous pourriez peut-être nous parler des changements apportés plus récemment à la Loi sur la concurrence et nous expliquer la raison d'être des modifications.

+-

    M. James Musgrove: Je vais commencer. Je ferai de mon mieux.

    D'importantes modifications ont été apportées à la loi au milieu des années 1970 et au milieu des années 1980 après des examens très détaillés de la question et notamment le rapport Skeoch McDonald, rapport du Conseil économique du Canada paru en 1979 — modifications destinées à moderniser la loi pour qu'elle cesse d'être une loi criminelle et devienne un cadre économique plus moderne. Par exemple, les monopoles étaient interdits en vertu du Code criminel et il était donc impossible de travailler avec cette loi-là.

    Ces modifications ont instauré une série de pratiques pouvant faire l'objet d'un examen dont nous avons déjà parlé et qui sont assujetties à l'accès privé et notamment le refus de vendre, les ventes liées, etc. Les modifications comportaient une disposition civile sur la création de monopoles appelée abus de position dominante qui a depuis donné lieu à un certain nombre de poursuites intentées par le commissaire. Les modifications comportaient l'instauration d'un régime civil pour les fusions, partie importante de la loi, et certaines fusions sont maintenant bloquées ou restructurées, ce qui est un phénomène nouveau qui date du milieu des années 1980.

    Ainsi, les modifications apportées à la loi à l'époque étaient importantes et ont donné vie à la loi. Avant cela, la loi n'était utilisée que pour sanctionner les ententes délictueuses et la pratique de prix imposés. Sauf pour ces deux catégories d'actes criminels, on trouvait peu de choses dans la loi.

    À la même époque, la loi a été scindée de sorte que le Bureau de la concurrence est devenu l'organisme d'exécution de la loi — l'entité chargée des enquêtes et de l'exécution — et ce qu'on a appelé le Tribunal de la concurrence a été institué pour trancher les litiges. Avant, tout était regroupé au sein de la Commission sur les pratiques restrictives du commerce, ce qui était anticonstitutionnel et qui créait des problèmes puisque cette commission faisait les enquêtes et jugeait les causes.

    Voilà pourquoi nous avons créé le régime actuel. Nous avions les enquêteurs et le tribunal civil et puis, bien entendu, nous pouvions nous adresser aux cours pénales pour les affaires criminelles. Ensuite, vers la fin des années 1990, nous avons créé le nouveau régime civil pour ce qui est de la publicité trompeuse. Jusqu'alors, tous les cas de publicité trompeuse relevaient du Code criminel. C'est alors qu'on a décidé que la publicité trompeuse n'était pas un acte criminel qualifié et qu'il serait souhaitable d'avoir une façon plus rapide et plus efficace de traiter les publicitaires honnêtes qui auraient pu commettre une erreur. Le régime criminel a été maintenu pour les véritables fraudeurs. C'est la structure qui existe maintenant depuis 25 ans. Je ne sais pas si je peux remonter plus loin que cela dans le temps.

    Madeleine, souhaitez-vous compléter ma réponse?

¿  +-(0940)  

+-

    Mme Madeleine Renaud: J'ajouterais à ce qu'a dit M. Musgrove que quand la loi est devenue une loi civile plutôt que criminelle, les législateurs ont voulu maintenir les dispositions criminelles pour les agissements que les économistes jugeaient réellement préjudiciables pour l'économie afin de les interdire de façon aussi détaillée que possible. Toutes les dispositions civiles, non pénales — où les agissements sont parfois bénéfiques et parfois préjudiciables — ne devaient interdire que les agissements lorsqu'ils étaient préjudiciables et avaient un effet négatif sur la concurrence. La seule sanction prévue était une ordonnance d'interdiction, une ordonnance imposant d'abandonner telle ou telle pratique, parce qu'on a alors jugé qu'imposer des sanctions, dont des amendes, ne serait pas approprié lorsque la pratique visée était ambiguë.

+-

    M. Michael Chong: Les deux études réalisées dans les années 1970 et qui ont précédé les modifications apportées à la Loi sur la concurrence ont été réalisées par le gouvernement du Canada.

+-

    Mme Madeleine Renaud: Oui.

+-

    M. Michael Chong: Pour quelles raisons modifie-t-on maintenant la loi? A-t-on réalisé des études détaillées?

+-

    M. James Musgrove: Le Bureau de la concurrence a bien entendu réalisé diverses études et divers examens dont certains découlent du travail initial fait par votre comité ou à la demande de ce dernier. Il existe au Bureau de la concurrence un service qui travaille en permanence sur d'éventuelles modifications, c'est-à-dire qu'il examine la loi et qu'il propose des changements. Je suis de l'extérieur du gouvernement et en tant qu'avocat en pratique privée, j'estime que les changements semblent découler du travail fait au sein du Bureau de la concurrence et par ce comité, surtout.

+-

    M. Michael Chong: Les études réalisées dans les années 1970 et 1980 et qui ont mené à des modifications importantes à la loi comportaient-elles des données qui justifient ces modifications? Autrement dit, ces études incluaient-elles une analyse quantitative du marché qui aurait révélé l'importance de procéder à ces changements importants?

+-

    M. James Musgrove: Les changements découlent pour l'essentiel du témoignage d'experts dans le domaine de l'économie et du milieu des affaires. Les volumes sont très épais. Je ne les ai pas parcourus depuis quelque temps. La réponse est donc oui mais ne me demandez pas de citer quoi que ce soit.

+-

    Le président: Marlene, suivie de Paul.

+-

    L'hon. Marlene Jennings: J'essaie toujours de comprendre. Je croyais comprendre et maintenant tout s'embrouille à écouter les témoins.

    À l'heure actuelle, la commissaire peut entreprendre toutes les études qu'elle souhaite sauf que, s'il ne s'agit pas d'une enquête faisant suite à une plainte faite par au moins six personnes, par exemple, elle n'est pas habilitée à invoquer l'article 11 qui lui permet de contraindre les entreprises du secteur qu'elle examine à produire certains documents. Disons qu'il s'agit d'une enquête. Si elle décide de faire une étude, elle peut étudier ce qu'elle veut mais elle ne peut pas contraindre la production de documents.

    Vous avez dit craindre que la commissaire puisse entreprendre une étude et décider en cours de route qu'il ne s'agit plus d'une étude mais bien d'une enquête portant sur des allégations d'actes fautifs où tous les droits garantis par la charte interviennent comme c'est le cas au ministère du Revenu... L'ARC peut faire une vérification et, si dans le cadre de cette vérification, elle en vient à croire qu'il y a des indications d'activité criminelle, ou autre chose, toutes les garanties de la charte jouent et la nature de la vérification change du tout au tout.

    Est-ce ce que vous craignez, que la disposition ne précise pas clairement à quel moment les particuliers peuvent se prévaloir des garanties — et quand je parle de particuliers, j'inclus les entreprises — si l'on tente de les contraindre de divulguer de l'information dans le cadre d'une étude qui ne serait pas normalement une procédure criminelle?

¿  +-(0945)  

+-

    M. James Musgrove: Permettez-moi de commencer, mais n'hésitez pas à intervenir, Madeleine.

    À supposer que six personnes présentent une plainte, si la commissaire a des raisons de croire qu'il y a eu violation de la loi ou si le ministre lui demande de faire enquête, elle peut se prévaloir des pouvoir prévus à l'article 11.

+-

    L'hon. Marlene Jennings: Je comprends.

+-

    M. James Musgrove: Elle ne peut cependant pas invoquer ces pouvoirs si elle n'a pas de raison de croire qu'il y a eu violation de la loi.

    Vous avez cependant raison. Elle peut demander certaines choses et elle peut demander que cela soit fait de façon volontaire.

+-

    L'hon. Marlene Jennings: C'est juste.

+-

    M. James Musgrove: Comme je l'ai dit plus tôt, je n'ai pas agi comme conseiller juridique dans ce genre d'affaire, de sorte que je n'ai pas une expérience personnelle du fonctionnement du système, mais je pense que c'est en gros la façon dont il fonctionne. C'est le système qui existe à l'heure actuelle.

    Je crois que ce qui inquiète ceux d'entre nous qui sont en pratique privée et ce qui inquiète également l'ACA que je représente aujourd'hui, c'est que si l'on accorde ces pouvoirs exécutoires, c'est comme si l'on disait à quelqu'un: « Vous n'avez rien fait de mal, mais remettez-nous tout ce que vous avez pour que nous nous en assurions. » Cela va à l'encontre de la présomption voulant qu'une personne ait droit à sa vie privée jusqu'à ce qu'on ait des raisons de croire qu'elle a fait quelque chose de répréhensible.

    Nous savons très bien que les enquêtes de ce genre vont être très coûteuses.

    Si ces pouvoirs avaient existé cet automne lorsque les prix de l'essence ont augmenté en flèche, se trouve-t-il quelqu'un dans cette pièce pour croire que l'industrie n'aurait pas fait l'objet d'une sixième enquête officielle sans pourtant que rien ne laisse croire qu'elle avait quelque chose à se reprocher? Nous savons que ces pouvoirs seraient invoqués chaque fois que des pressions s'exercent même si les industries visées n'ont rien à se reprocher. Nous en sommes convaincus. Voilà ce qui nous inquiète.

+-

    M. Ronald Lund: Permettez-moi d'ajouter ceci. Nous n'acceptons pas l'idée voulant qu'il s'agisse simplement d'une étude. L'organisme ou la société visé serait tenu de considérer qu'il s'agit d'une enquête. Il ne s'agira pas de quelques questions seulement. L'organisme ou l'entreprise devra agir comme s'il s'agissait d'une enquête.

    En outre, et cela revient à ce que vous disiez, une loi est habituellement adoptée pour corriger un problème qui se pose. Nous sommes d'avis et je crois que c'est aussi l'avis de la plupart des autres organismes comme l'Association du Barreau canadien et le Conseil canadien du commerce de détail que le système en place fonctionne bien. Nous nous demandons vraiment pourquoi des mesures aussi draconiennes sont nécessaires d'autant plus qu'on dit simplement aux gens que s'ils n'ont rien à cacher, ils n'ont pas à s'inquiéter. Cela inquiète beaucoup l'industrie parce que les erreurs peuvent être très coûteuses.

+-

    L'hon. Marlene Jennings: Je comprends, mais ce système est déjà en place dans certaines provinces et territoires.

    Vous nous dites donc que dans les provinces et les territoires où la divulgation est volontaire ainsi que dans les provinces et les territoires où cette divulgation est obligatoire, les entreprises qui font l'objet d'une étude de marché considèrent qu'il s'agit d'une enquête criminelle?

¿  +-(0950)  

+-

    M. Ronald Lund: Comme je ne suis pas avocat de formation, je ne sais jamais expliquer ce qui se fait ailleurs. Étant Canadien, j'ai toujours été particulièrement fier du fait que nos solutions trouvées au Canada semblent bien nous servir sans me soucier des pouvoirs qui existent dans d'autres pays. Je ne sais donc pas quelles sont nos dispositions comparativement à celles d'autres pays. Tout ce que je sais c'est qu'en l'absence d'un nombre massif de plaintes, ce que nous faisons semble donner d'assez bons résultats. En outre, le régime que nous avons mis en place en ce qui a trait à la publicité, je pense particulièrement aux Normes canadiennes de la publicité et aux mécanismes de règlement des différends commerciaux, et j'estime qu'ils fonctionnent très bien. C'est l'une des choses qui disparaîtrait si une telle loi était adoptée.

+-

    Le président: D'accord, merci, Marlene.

    Paul, s'il vous plaît.

[Français]

+-

    M. Paul Crête (Montmagny—L'Islet—Kamouraska—Rivière-du-Loup, BQ): Madame Jennings, je vous remercie d'avoir abordé ce sujet.

    Nous nous sommes rendus compte, en tant que législateurs, qu'il manquait un outil important. Vous dites le contraire de ce que le ministre nous disait à la Chambre. C'est également le contraire de ce que la commissaire nous disait, à savoir qu'elle n'avait généralement pas de pouvoir d'enquête lui permettant d'être proactive et de savoir ce qui se passe dans un... D'ailleurs, son prédécesseur avait dit la même chose que nous.

    Or, nous souhaitons ajouter à une loi comportant une approche punitive légale, qui est celle de l'esprit, une composante proactive qui permettrait de procéder à des évaluations de situation. Il ne faut jamais oublier que cette loi n'est pas faite pour les entreprises, mais pour protéger les consommateurs et leur permettre d'avoir accès à un système de concurrence adéquat. On s'est rendu compte, en vertu de l'exemple du secteur pétrolier — mais cela pourrait être dans d'autres —, qu'on a besoin d'une approche qui n'est pas punitive.

    Or, dans ce texte, je ne vois pas pourquoi une entreprise serait punie ou que cela lui nuirait dans le marché des actions. Des évaluateurs sont venus nous dire le contraire; des articles de journaux aussi.

    Êtes-vous conscient qu'il manque cet outil actuellement? En effet, on n'est pas capable d'obtenir des hypothèses de propositions pour faire en sorte qu'un marché fonctionne mieux, sans qu'il y ait une faille à l'application de la loi. Par ce volet, on ne cherche pas à trouver une façon de rendre la loi plus punitive, on demande que la loi permettre qu'on soit proactif, qu'on puisse mettre des choses de l'avant sans qu'il y ait cet aspect punitif.

+-

    Mme Madeleine Renaud: Un des problèmes que je soulignais tout à l'heure est que, selon l'amendement proposé, il n'y a aucun encadrement à ce pouvoir. L'amendement donne le pouvoir à la commissaire d'entreprendre une enquête et de forcer la production d'informations. Par contre, il est complètement silencieux quant à ce qui arrive par la suite. Qu'arrive-t-il si la commissaire fait une enquête et découvre, par exemple, qu'il y a des infractions à la loi. A-t-elle le pouvoir de se transformer en police et déposer des accusations?

    Vous parlez d'un meilleur fonctionnement des marchés, mais quel est le pouvoir? Nous sommes en train de transformer ce qui est essentiellement « la police de la concurrence » en organisme de réglementation. Est-ce que c'est ce que vise le pouvoir d'enquête? Vous demandez ce qu'on doit faire pour que les marchés fonctionnent mieux, mais il n'y a pas de conclusion à son pouvoir.

+-

    M. Paul Crête: Je trouve votre réaction intéressante. En outre, je pense que le comité sera toujours ouvert à l'idée de faire des ajustements à la proposition pour la clarifier. Il est évident que nous voulons ajouter quelque chose qui permettra de photographier des situations, sans avoir à faire une enquête criminelle. Il s'agit d'une image. Au lieu de faire une plainte pour un acte criminel, on pourrait simplement photographier la maison de sorte à voir la réalité, afin d'être en mesure de savoir exactement comment fonctionne le marché.

    Dans le secteur pétrolier, par exemple, le même phénomène se répète tous les deux ans: on augmente le prix, on atteint un petit plafond, on attend que l'opinion publique se calme, et on repart à la hausse. Cela pénalise l'ensemble de l'économie. On demande de donner au bureau un pouvoir d'étude afin qu'il soit en mesure d'établir l'état de la situation d'un marché, sans pour autant qu'il y ait aucun aspect négatif à cela. Je crois que personne ne va penser que, parce que la commissaire fait une étude sur un secteur donné, cela pénalisera le secteur en question. Ce peut être tout simplement pour bien le comprendre et pour pouvoir poser les gestes pertinents par la suite.

+-

    Mme Madeleine Renaud: Faisons un parallèle. En matière criminelle, la police fait enquête quand il y a des infractions. Finalement, cette enquête mène à des accusations, s'il y a lieu. Quand on veut savoir ce qui se passe dans un domaine, on fait une enquête du coroner. Or, ce n'est pas le même organisme qui fait tout cela.

¿  +-(0955)  

+-

    M. Paul Crête: L'enquête du coroner repose toujours sur quelque chose de criminel quand même.

+-

    Mme Madeleine Renaud: Pas forcément. Au Québec, on n'a pas le pouvoir d'attribuer la responsabilité. Ici, dans la proposition, il n'a rien d'encadré.

+-

    M. Paul Crête: Poursuivons avec votre exemple. Je comprends qu'il faut qu'un événement se soit produit ou qu'il y ait une plainte pour qu'il y ait une enquête du coroner.

+-

    Mme Madeleine Renaud: La décision de faire une enquête du coroner est basée sur quelque chose.

+-

    M. Paul Crête: Sur un phénomène.

+-

    Mme Madeleine Renaud: J'imagine que la commissaire ne fera pas des enquêtes sur n'importe quoi simplement pour le plaisir.

+-

    M. Paul Crête: On a posé des questions à répétition à la Chambre des communes et ici pour savoir pourquoi on ne faisait pas une évaluation du secteur pétrolier, par exemple. On nous a répondu année après année qu'on ne pouvait pas le faire parce que la loi ne le permettait pas.

    Finalement, face au phénomène scandaleux qui s'est produit aux mois d'août et septembre, on a décidé de bouger à ce sujet. Je pense que le texte est intéressant. Il ne faut pas penser que c'est une façon de pénaliser des secteurs. Rien ne dit que ce sera incriminant. Si nous devons apporter des précisions à ce sujet, nous sommes prêts à les examiner. Néanmoins, l'outil additionnel me paraît essentiel.

+-

    Le président: Quelqu'un a-t-il un commentaire à faire?

[Traduction]

+-

    M. James Musgrove: Si vous me permettez de répondre brièvement, je préciserai que le rôle du commissaire est de mener des enquêtes et de faire respecter la loi. C'est là un rôle important mais si vous lui donnez aussi la responsabilité de réaliser une vaste étude du marché, il finira par y avoir confusion des rôles, ce qui serait très préoccupant.

+-

    M. Paul Crête: Pourquoi?

+-

    M. James Musgrove: Parce que, comme l'a expliqué Madeleine, la commissaire fera enquête et cela à grands frais et pourra ensuite découvrir une erreur et décider qu'elle intentera une poursuite. L'un se confond dans l'autre. Il s'agit de rôles distincts.

    Ensuite, vous parlez d'un terrible problème dans le secteur du pétrole. Nous savons que le secteur pétrolier a fait de nombreuses fois l'objet d'enquêtes. D'ailleurs, l'enquête sur ce secteur dont nous avons parlé plus tôt a été un véritable paradigme de l'horreur que peuvent devenir ces enquêtes sur le marché et pourtant on n'a rien trouvé à reprocher au secteur. Ce qui s'est produit à l'automne, à la suite des ouragans et de la contraction de la capacité de raffinage, témoigne du fait que le marché a fait exactement ce qu'il devait faire et non pas ce qu'il ne devait pas faire. Il a fonctionné comme il doit fonctionner: les prix augmentent lorsqu'il y a contraction de l'offre et les prix redescendent quand l'offre se rétablit. Le marché fonctionne comme il doit. Mais nous savons que si ces pouvoirs relatifs aux études de marché existaient déjà, le secteur du pétrole serait maintenant au beau milieu d'une enquête coûtant plusieurs millions de dollars, sans raison valable.

[Français]

+-

    M. Paul Crête: Comment pouvez-vous dire que le marché a fonctionné correctement? Comment peut-on dire cela quand l'argent a été détourné de l'ensemble de l'économie? Je ne dis pas que c'est un vol ou qu'il y a collusion, je ne dis rien de cela. Je dis qu'il y a eu un phénomène de marché qu'il faudrait absolument éviter dans l'avenir, parce qu'on a frôlé la situation catastrophique que représente une récession économique à cause de cela. Il faut que le gouvernement ait des outils pour faire face à des situations semblables.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci, Paul.

    Y a-t-il d'autres commentaires?

+-

    M. James Musgrove: Merci.

    Je me contenterai de faire un constat de désaccord sur ce point.

    Il y a eu contraction de l'offre. Lorsqu'il y a moins d'offre et plus de demande, les prix augmentent; quand l'offre se rétablit, les prix se mettent à baisser. C'est ainsi que le marché assure la répartition de ressources rares.

    Nous devrons faire un constat de désaccord.

+-

    Le président: Merci, monsieur Musgrove.

    D'accord, il reste quelques minutes que Michael pourra prendre pour conclure cette première heure de séance.

+-

    M. Michael Chong: Merci, monsieur le président.

    J'aimerais poser une question toute différente de celles que j'ai déjà posées. Croyez-vous qu'il existe des tendances monopolistiques dans les principaux secteurs de l'économie canadienne? Je pense plus particulièrement à l'agriculture qui a été frappée il y a quelques années par la fermeture de la frontière. Cette situation a bien fait ressortir le fait que les secteurs secondaire et tertiaire étaient quasi inexistants au Canada et que, là où ils existent, une ou deux grandes entreprises de transformation contrôlaient tout le marché. Je ne sais pas si c'est uniquement le fait d'un seul secteur de l'agriculture.

    Je crois que certains s'inquiètent de l'existence de pareilles tendances. J'aimerais savoir s'il y a un problème et si vous croyez que la loi existante suffit pour corriger la situation, ou encore si vous croyez que la situation échappe à la portée des lois existantes?

+-

    M. James Musgrove: D'abord, j'aimerais dire qu'il n'existe aucun problème dans le secteur de la publicité. Je sais que je suis là pour parler au nom de ce secteur mais c'est en réalité un secteur où la concurrence est vive.

    Permettez-moi de répondre, si possible, à la question plus large. Notre économie est assez petite comparativement à notre plus proche voisin, c'est un secret de polichinelle. Nous comptons moins d'acteurs, de sorte que pour réaliser des économies d'échelle, les entreprises doivent avoir une taille suffisante leur permettant de mener efficacement leurs activités sur le marché mondial. Nous sommes aussi avantagés du fait qu'il y a concurrence en provenance des États-Unis et d'autres régions du monde.

    Or, vous avez cité l'exemple des secteurs frappés par la fermeture de la frontière et de certains débouchés pour les produits agricoles, où tout à coup le marché est devenu beaucoup plus étriqué qu'auparavant et, du moins pendant un certain temps, il y a eu moins de concurrents. Je ne suis pas expert en la matière mais je soupçonne qu'il y a eu de véritables problèmes parce qu'il existe un marché naturel, le marché nord-américain, voire un marché encore plus large, et puis tout à coup, en raison de problèmes commerciaux, le marché se rétrécit et le nombre de concurrents est réduit. Je ne vais pas commenter un secteur en particulier mais, en théorie et en pratique, oui, cela peut créer des problèmes.

À  +-(1000)  

+-

    Le président: Merci.

    Michael, vous aurez l'occasion de poser des questions au prochain tour.

    Merci de votre participation.

    Je vais suspendre la séance pendant une minute afin que nos témoins du Conseil canadien du commerce de détail, du Groupe de la politique de la concurrence et de la Fédération canadienne de l'agriculture puissent prendre place autour de la table.

    Je remercie nos témoins de l'Association canadienne des annonceurs et de l'Association du Barreau canadien.

    La séance est suspendue pour une minute.

À  +-(1000)  


À  +-(1005)  

+-

    Le président: Le Comité permanent de l'industrie, des ressources naturelles, des sciences et de la technologie reprend ses travaux en ce 24 novembre.

    Le comité poursuit son examen du projet de loi C-19.

    Je vais répéter mon mot d'introduction. D'abord, je remercie tous les témoins qui comparaissent aujourd'hui. Sachez que votre témoignage d'aujourd'hui sera consigné pour mémoire que les élections soient ou non déclenchées lundi. Le prochain gouvernement ou le prochain comité pourra utiliser votre témoignage. Je soupçonne que le projet de loi sera redéposé lors d'une future législature et donc rien ne sera perdu.

    Le Conseil canadien du commerce de détail s'est rendu malgré l'arrivée tardive de leur vol et je vous remercie tous d'être venus alimenter notre réflexion, ainsi que les témoins de la Fédération canadienne de l'agriculture et du Groupe de la politique de la concurrence.

    Nous entendrons d'abord les représentants du Conseil canadien du commerce de détail.

    La greffière vous a sans doute indiqué que vous aurez entre cinq et sept minutes pour votre exposé liminaire pour qu'il y ait suffisamment de temps pour les questions. Si vous ne réussissez pas à tout dire parce que j'ai dû vous interrompre, n'hésitez pas à rajouter ce que vous vouliez dire à vos réponses.

    Vous pouvez y aller, monsieur Nighbor. 

+-

    M. Derek Nighbor (vice-président, Affaires nationales, Conseil canadien du commerce de détail): Merci, monsieur le président. Je tiens tout d'abord à remercier les membres du comité et vous-même d'avoir permis au Conseil canadien du commerce de détail de revenir devant vous pour vous présenter les vues de nos 9 000 et quelque membres sur les amendements apportés au projet de loi C-19.

    Je tiens également à remercier les personnes qui sont autour de la table pour l'intérêt qu'elles portent à ce dossier et pour l'attention qu'elles ont accordé aux nombreuses lettres qui leur ont été envoyées par les membres du CCCD, lettres faisant état des graves inquiétudes que soulève ce projet de loi chez nos membres. Si bien intentionné soit-il, le projet de loi à notre avis n'atteint manifestement pas l'objet escompté.

    Comme vous le savez, le Conseil canadien du commerce de détail est le porte-parole du secteur du détail au Canada. Nous sommes une association sans but lucratif qui compte plus de 9 000 membres, parmi lesquels on retrouve tant des petits détaillants que des gros et des moyens. Il convient de souligner que 90 p. 100 de nos membres sont des membres indépendants et qui possèdent leur propre commerce. Il est également important de faire remarquer que les détaillants qui se joignent au CCCD sont le plus souvent des détaillants dynamiques et responsables qui travaillent fort, qui sont respectueux des lois et qui participent activement à la vie de leurs collectivités respectives.

    Le mémoire que nous avons pour étayer notre exposé vous a été remis à l'avance, dans les deux langues officielles, et je tiens à remercier la greffière pour son aide à cet égard.

    Monsieur le président, le CCCD a toujours de graves inquiétudes relativement à la hausse massive des sanctions administratives pécunières qui est proposée, notamment la proposition visant à faire passer de 200 000 $ à 15 millions de dollars la sanction pécunière pour pratiques de commercialisation trompeuses, qui sont définies de façon plutôt vague.

    Nous sommes d'autant plus inquiets que ces sanctions s'élevant à plusieurs millions de dollars s'appliqueront aux infractions civiles et qui, bien souvent, sont le fait de l'ignorance ou de l'inadvertance. À l'heure actuelle, le Bureau de la concurrence n'a pas à préciser d'entrée de jeux s'il a l'intention de recourir à la procédure pénale ou à la procédure civile dans la poursuite d'une affaire. Il s'agit là d'une menace considérable pour les détaillants, d'autant plus que, dans le cas d'une poursuite au civil, non seulement les sanctions proposées s'élèvent à plusieurs millions de dollars, mais il n'y a aucune protection au regard de la charte, aucune présomption d'innocence, aucune obligation de la part de la poursuite de divulguer tous les éléments de preuve, aucun droit au silence ni aucun recours si l'inculpé est trouvé innocent. Selon Peter Hogg, l'accroissement massif des sanctions administratives pécunières ne résistera pas à une contestation en vertu de la charte, et le CCCD est du même avis.

    En ce qui concerne les amendements que nous examinons aujourd'hui, celui qui nous inquiète le plus est l'amendement proposé par le gouvernement en vue de prévoir une disposition relative aux études de marché. Presque tous les témoins qu'a entendus le Bureau de la concurrence lors des consultations publiques qu'il a tenues en 2003 ont été unanimes à décrier cette mesure, si bien qu'elle n'a pas été incluse dans le projet de loi C-19. Le CCCD est d'avis que le Bureau de la concurrence dispose déjà de pouvoirs d'enquête suffisants, et il ne croit pas que le Bureau ait fait la preuve qu'il a besoin d'un pouvoir aussi vaste.

    Soyons clairs: le Conseil canadien du commerce de détail est pour les pratiques commerciales loyales et la protection efficace des consommateurs; nous nous attendons à rien de moins de la part de nos membres. Au cours de la dernière année, le CCCD a collaboré étroitement à la nouvelle Loi sur la protection des consommateurs qu'a proposée le gouvernement de l'Ontario. Nous collaborons depuis longtemps avec le Bureau de la concurrence sur divers dossiers, depuis la fiabilité des lecteurs optiques jusqu'aux allégations relatives au prix régulier. Nous avons une excellente relation de travail avec le Bureau et nous nous attendons à continuer à maintenir cette relation, quoiqu'il arrive de ce projet de loi.

    Si le pouvoir d'effectuer des études de marché nous préoccupe, c'est parce que, mis à part le fait qu'il a été proposé à la onzième heure, il ouvre manifestement la voie à des enquêtes de type exploratoire de la part du Bureau. Ainsi, le Bureau aurait les pouvoirs aussi bien de la police, et ce, sans qu'il soit obligé d'obtenir un mandat de perquisition, et du juge. Exiger que la tenue d'une enquête soit publiée dans la Gazette ne contribuera guère à la reddition de compte, mais cela pourrait très certainement paralyser l'activité d'une entreprise ou d'un secteur, alors que l'enquête pourrait ne rien révéler d'inapproprié. Comme je l'ai déjà indiqué, 90 p. 100 de nos membres sont de petits commerçants indépendants. Ce ne sont pas des gens qui ont leurs propres services juridiques, ni un gros service de marketing. Ce ne sont pas des gens qui ont le temps ou les ressources financières nécessaires pour résister à des études invasives ou fantaisistes de la part du Bureau.

    Le CCCD demeure préoccupé par cette disposition sur les études de marché, qui à son avis est d'une portée beaucoup trop large, qui ne comprend aucune mesure de reddition de compte et qui pourrait avoir un effet paralysant sur certains secteurs de notre économie, y compris sur les petits détaillants, secteur vital de notre économie qui d'après certains membres de votre comité serait avantagés par cette disposition. Le CCCD est plutôt d'avis qu'elle comporte un risque juridique et financier important pour les petites entreprises.

    Monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, nous vous remercions de cette occasion d'exprimer nos vues.

+-

    Le président: Merci beaucoup pour cet exposé très concis.

    M. Rowley, du Groupe de la politique de la concurrence.

+-

    M. J. William Rowley (président, Groupe de la politique de la concurrence): Merci, mnsieur le président.

    J'ai déposé des notes d'allocution dans les deux langues, et qui ont été distribuées je crois. J'ai pensé que je pourrais aujourd'hui vous parlez de trois sujets de préoccupation, à savoir de l'abus de position dominante et des SAP, des études de marché ainsi que d'un amendement visant à retrancher le terme « indûment » de l'infraction de complot.

    Mais auparavant, je me suis dit qu'il serait peut-être utile de vous parler un peu de mes antécédents. J'exerce le droit depuis 35 ans. Et j'ai commencé comme adjoint spécial auprès du directeur des enquêtes et de la recherche de l'époque, dans les années1960 pendant que j'étais toujours à la faculté de droit. Et j'ai continué à exercer dans ce domaine, à l'échelle tant nationale qu'internationale. J'ai été président du comité anti-trust de l'Association internationale du barreau, et je continue à diriger le forum sur la politique de la concurrence à l'échelle mondiale de l'Association internationale du barreau. J'ai eu l'avantage de prendre connaissance des lois sur la concurrence dans les divers pays du monde et de leur application.

    Par ailleurs, il est important que votre comité sache — et je ne doute pas qu'il en soit conscient — que le droit de la concurrence est quelque chose d'assez nouveau. Le Canada a une longue et riche tradition en la matière, mais ce n'est pas le cas de la plupart des pays. Au cours des 15 dernières années environ, une centaine de lois sur la concurrence ont été adoptées dans divers pays du monde. Il y a 15 ans, le nombre de ces lois ne dépassaient pas dix. C'est donc un phénomène récent. Le Canada, les États-Unis et, plus tardivement, l'Union européene se sont dotés il y a longtemps de lois sur la concurrence. Je vais donc expliquer où nous nous situons par rapport aux lois des autres pays du monde et par rapport à certaines des nouvelles lois qui ont été adoptées.

    Je vais tout d'abord m'attarder sur l'abus de position dominante et les SAP. L'établissement de sanctions administratives pécuniaires a essentiellement eu pour effet de tout bouleverser le système. À mon avis, et bien d'autres sont aussi de cet avis, le Canada peut s'enorgueillir d'avoir un bijou de loi sur la concurrence et de son approche relativement à la politique de la concurrence. Je songe notamment ici à l'instauration en 1976 des pratiques susceptibles d'examen en vue de décriminaliser des pans importants de l'activité de distribution, c'est-à-dire de l'activité visant à mettre un produit sur le marché.

    En 1986, la monopolisation, qui auparavant était une infraction pénale, a été ajoutée à la liste des pratiques susceptibles d'examen. L'idée était de rechercher les mesures correctives nécessaires. Autrement dit, puisque toutes ces pratiques, y comprises celles énumérées sous la rubrique d'abus, étaient dans 95 p. 100 des cas soient favorables à la concurrence soient neutres sur le plan de la concurrence, il n'y a pas lieu d'en faire une infraction. Lorsqu'elles sont utilisées à mauvaise escient, comme cela arrive à l'occasion, il devrait être possible de les faire cesser. Voilà ce que nous avons, et voilà ce qui fonctionne.

    Dans les cas d'abus de position dominante, la distinction est très mince. Les consommateurs du Canada et du monde souhaitent que la concurrence soit la plus vive possible à l'échelle internationale afin d'optimiser nos ressources et de faire en sorte que les produits soient amenés sur le marché au plus bas coût possible. Il arrive à l'occasion qu'un participant au marché qui se trouve en position de dominance abuse de cette position. Au cours des 20 dernières années, il n'y a eu que neuf cas d'abus de position dominante au Canada. Au cours des dix dernières années, il n'y a en eu que neuf aux États-Unis — je parle ici d'affaires au niveau fédéral. Les cas sont donc très rares.

    Si vous le permettez, je voudrais vous lire deux citations, puisque dans le témoignage précédent, il a été question de savoir ce qui était à l'origine de tout ceci. Dans les propositions visant à en arriver à une nouvelle politique canadienne sur la concurrence, la première étape... le gouvernement du Canada a publié un document sur la question à l'époque. Je voudrais vous en citer un extrait qui serait utile à mon avis:

Le Conseil économique, qui avait décidé de recommandé de s'attaquer à ces problèmes par la voie civile plutôt que par la voie pénale, a tenu à souligner que ces pratiques peuvent être utilisées de façon constructive et qu'aucune d'entre elles ne devrait être considérée comme une infraction ni être interdite en tant que telle...

À  +-(1010)  

    Dix ans plus tard, quand nous avons introduit le concept d'abus de position dominante, les trois plus éminents professeurs de droit de la concurrence au Canada, les professeurs Dunlop, Trebilcock et McQueen, ont publié un ouvrage. Dans cet ouvrage intituléCanadian Competition Policy: A Legal and Economic Analysis, ils parlaient de l'abus en ces termes:

ç Dans tous les exemples énumérés à l'article 50,

    — le numéro a changé maintenant —

il est clair que l'objet ou l'intention du comportement est un élément essentiel qui permet de le qualifier d'anticoncurrentiel.

    Et je veux bien insister sur ce qui suit:

On reconnaît ainsi que, dans bien des cas, le comportement en tant que tel devrait être considéré comme favorable à la concurrence ou neutre sur le plan de la concurrence et que c'est son objet qui fait en sorte que le comportement est inadmissible.

    Voilà le problème. Quand on prévoit des sanctions qui peuvent s'élever à 15 millions de dollars pour un comportement qui pourrait être favorable à la concurrence ou ne pas l'être, on se trouve à freiner énormément la concurrence, ce qui pourrait empêcher les consommateurs canadiens d'avoir les plus bas prix possible.

    Je voudrais dire quelques mots au sujet...

À  +-(1015)  

+-

    Le président: Je ne veux pas vous interrompre, puisque pour bien profiter de toute votre expérience il nous faudrait sans doute vous accorder bien plus de temps, mais nous n'avons malheureusement qu'un temps limité. Je vous invite donc à conclure. Assurez-vous simplement d'inclure dans les réponses que vous ferez aux questions qui vous seront posées les points que vous n'aurez pas eu l'occasion d'aborder.

    Je vous laisse continuer encore un petit peu, monsieur Rowley.

+-

    M. J. William Rowley: Je comprends parfaitement. Je ne veux pas trop prendre du temps du comité. Je veux simplement dire quelques mots au sujet des études de marché.

    Il serait utile de citer un exemple qui n'a rien de théorique, celui de la dernière grande étude de marché qui a amené le Parlement du Canada à conclure à l'inutilité de ce genre d'exercices, celui de l'enquête sur les prix de l'essence. Je vais simplement citer quelques autres faits, puis je me tairai et j'attendrai de répondre aux questions.

    Les faits qui sont consignés dans le rapport publié en 1986 sont fascinants. L'enquête avait commencé en 1973, 13 ans plus tôt. Des perquisitions et des saisies avaient été effectuées en 1973, 1974 et 1978. Des interrogatoires sous serment ont été faits en 1975. En 1981, le directeur a présenté à la commission un rapport de plaintes en sept volumes. Dans ce rapport, il alléguait qu'il y avait eu une fraude de 12 milliards de dollars et il fondait sa conclusion sur une centaine de volumes de preuves. Tous les journaux ont fait leurs choux gras de cette fraude de 12 milliards de dollars.

    Puis, la commission a tenu des audiences en 1982 et 1983, où elle a entendu 200 témoins en 200 jours; il y avait pour 50 000 pages de transcription et 1 800 pièces, dont une comprenait 100 volumes. Dans son rapport de 1986, la commission a conclu que le directeur avait eu tort et que le secteur se portait bien et qu'il était concurrentiel.

    Le coût de tout cela est estimé à 50 millions de dollars. En dollars d'aujourd'hui, cela ferait 150 millions de dollars. La Commission d'enquête sur les longs métrages d'il y a 2 ans a coûté quelque 25 millions de dollars. Tout cela coûte cher.

+-

    Le président: Merci, monsieur Rowley. Nous vous sommes reconnaissants de nous avoir fait profiter de votre expérience.

    Nous accueillons de la Fédération canadienne de l'agriculture, M. Paul Mistele.

+-

    M. Paul Mistele (vice-président, Ontario, Fédération canadienne de l'agriculture): Merci.

    Je tiens à remercier le comité de me donner l'occasion de prendre la parole ce matin au nom des agriculteurs du Canada tout entier.

    La Fédération canadienne de l'agriculture est une organisation cadre qui représente plus de 200 000 familles agricoles canadiennes d'un océan à l'autre. Les agriculteurs sont des modèles d'efficience et de concurrence dans l'économie canadienne. Au cours des dernières décennies, les agriculteurs canadiens ont accru leur production, leurs exportations, leur productivité, leur coût par unité, etc. Ils doivent se mesurer à des centaines de milliers de concurrents à l'échelle tant nationale qu'internationale. Ainsi, les consommateurs canadiens ont droit à des paniers alimentaires qui sont de la meilleure qualité qui soit dans le monde et qui coûtent le moins cher.

    Malgré ces progrès, les revenus agricoles continuent à baisser. Tous les producteurs canadiens souhaitent notamment s'assurer un revenu acceptable sur le marché. Cela est devenu extrêmement difficile dans les conditions actuelles. Si les agriculteurs doivent se mesurer à des milliers de concurrents, leurs partenaires de la chaîne de production ne sont pas soumis au même modèle de concurrence. Tant en amont qu'en aval, il s'agit de grandes entreprises qui exercent un monopole local. Ce rapport de force inégal fait en sorte que les prix sont fixés par les partenaires et que les agriculteurs n'ont d'autre choix que les accepter. La présence de monopoles dans une chaîne de valeur, que ce soit du côté de l'offre ou du côté de la demande, n'est ni efficiente ni avantageuse pour l'économie canadienne.

    La concurrence et la Loi sur la concurrence sont des outils qui permettent d'assurer l'efficience et d'optimiser les bienfaits pour l'économie canadienne. Ce que demande aujourd'hui la Fédération canadienne de l'agriculture, c'est simplement que l'on applique la Loi sur la concurrence de façon équitable, que l'on maintienne les principes de la concurrence afin d'en arriver à une économie efficiente et que l'on permette aux agriculteurs canadiens d'être dans une position de force plus avantageuse sur le marché.

    La FCA demande trois choses. Premièrement, elle appuie les amendements visant à accroître le montant des sanctions administratives pécunières prévues aux articles 74 et 78, relativement aux pratiques trompeuses et à l'abus de position dominante. Il y a toutefois deux autres articles, les articles 75 et 77, « Refus de vendre » et « Ventes liées et limitation du marché », qui sont aussi des mesures importantes pour prévenir le comportement anticoncurrentiel. Nous demandons au comité de veiller à ce que les SAP s'appliquent également aux comportements anticoncurrentiels visés par les articles 75 et 77.

    La Loi sur la concurrence vise principalement le consommateur, si bien qu'elle s'intéresse presque exclusivement aux comportements anticoncurrentiels des fournisseurs. La compression de la marge bénéficiaire, l'exclusivité, le refus de vendre, la limitation du marché et l'abus de position dominante sont autant de pratiques anticoncurrentielles auxquelles se livrent les acteurs dominants et qui ont des répercussions importantes sur la concurrence et sur l'efficience de notre économie. Nous demandons au comité de faire en sorte que les principes de la Loi sur la concurrence s'appliquent également aux fournisseurs et aux acheteurs et que, chaque fois qu'il y est question de « fournisseurs » et d'« offre », on rajoute les termes « acheteurs » et « demande ».

    Enfin, nous demandons au comité d'appuyer la proposition relative aux études de marché. Le gouvernement pourrait ainsi faire enquête sur l'état de la concurrence et le fonctionnement des marchés dans un secteur en particulier de l'économie canadienne. Il faut bien connaître l'état de l'économie. Ce n'est que prudence. Sinon, en proposant des solutions et des améliorations, le gouvernement serait semblable à l'aveugle qui conduit d'autres aveugles. Lorsque l'on n'a pas toute l'information voulue, lorsque certains en savent plus que d'autres, cela conduit à des pertes d'efficience. Il est essentiel de bien connaître notre économie pour pouvoir prendre de solides décisions pour l'avenir.

    Nous remercions le comité de nous avoir permis de lui présenter nos vues. Je le répète, les agriculteurs canadiens ne demandent qu'à obtenir un revenu acceptable du marché. En défendant les principes de la concurrence et de la Loi sur la concurrence afin d'obtenir des gains d'efficience dans l'économie canadienne, on aidera les agriculteurs à réaliser cet objectif.

    Merci beaucoup d'avoir bien voulu nous écouter.

À  +-(1020)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Mistele, pour votre exposé concis.

    Nous allons commencer par Brad, puis nous donnerons la parole à Marc.

+-

    M. Bradley Trost: Je serai bref, monsieur le président.

    Je tiens à vous remercier, messieurs, d'être venus témoigner. J'ai quelques observations à faire. Je n'ai pas vraiment beaucoup de questions, puisque les témoignages ont tendance à se ressembler.

    J'ai un commentaire à l'intention du Conseil canadien du commerce de détail. J'ai trouvé assez intéressant que vous ayez fait remarquer que vos membres sont surtout des petites entreprises. Les gens s'imaginent que les comportements anticoncurrentiels ne concernent que les grandes entreprises. Ayant vécu et travaillé au nord du 60e parallèle, où finalement l'économie est massivement... Les petits détaillants du Nord du Canada pourraient très bien être touchés. Ils pourraient être traduits en justice et acculés ni plus ni moins à la faillite à cause de cela. C'est plutôt un cas hypothétique, mais s'il y a des considérations politiques, cela pourrait bien se produire. Je voulais simplement faire ce commentaire général.

    Quand à vous, monsieur Rowley, vous n'avez pas eu assez de temps — et j'invite tous ceux qui le veulent à répondre aussi —, et j'aimerais savoir, en ce qui concerne la concurrence en général, ce qui aurait dû être inclus dans le projet de loi ou dans la Loi sur la concurrence d'après vous. Il s'agit de notre dernière réunion avant que la mesure législative ne meure de sa belle mort. Avez-vous des principes généraux qui pourraient nous guider lorsque nous reviendrons et que nous aurons à nous pencher de nouveau sur cette question et que nous serons peut-être passés de l'autre côté de la Chambre? Je vous invite donc à nous présenter vos observations générales sur ce qui n'a pas été inclus dans le projet de loi C-19 et que vous souhaiteriez y voir. Je ne vous demande qu'un commentaire général, car, comme je l'ai déjà dit, vous n'avez pas affaire ici à des spécialistes du droit ni même à des lois conçues par des spécialistes. J'invite tous ceux qui le souhaitent à réagir à ce que je viens de dire.

+-

    M. J. William Rowley: Si vous le permettez, j'aimerais répondre à votre question au sujet des grands principes.

    Si j'étais moi-même parlementaire, il y a trois principes que je retiendrais avant tout. C'est un peu comme de se présenter devant la Cour d'appel et de se faire dire que l'on n'a droit qu'à un certain nombre d'arguments. Je commencerais par l'idée que le Canada a une excellente législation en matière de concurrence. C'est bien le cas à mon avis, et je peux en discuter dans le détail avec vous si vous le souhaitez. Par exemple, dans le domaine des cartels, nous avons eu des réussites extraordinaires en matière d'application au cours des 15 dernières années parce que nous avons une législation vraiment solide et que nous avons une excellente politique d'immunité, qui incite les gens à se présenter. Nous avons perçu quelque 200 millions de dollars en amendes au cours des 10 dernières années. Nous avons donc une excellente législation.

    Cela m'amène au deuxième principe: ne cherchons pas à réparer ce qui n'est pas brisé. N'allons pas essayer de rajuster une loi qui est excellente.

    Le troisième principe, c'est que lorsqu'une personne se présente devant votre comité ou devant le Parlement — et je songe notamment à l'actuel commissaire, puisque c'est lui qui est à l'origine des modifications qui ont été apportées à la loi au cours des dix dernières années environ, ainsi qu'aux autorités chargées de faire respecter la loi qui ont aussi réclamé des modifications —, il faut dire à cette personne: « Nous avons une bonne loi; nous n'avons pas besoin de réparer quelque chose qui n'est pas cassé. » Si une personne se présente devant vous pour proposer des modifications, il faudra qu'elle montre avec preuves à l'appui que les changements proposés sont nécessaires.

À  +-(1025)  

+-

    M. Paul Mistele: Me permettez-vous d'intervenir?

+-

    Le président: Oui, allez-y.

+-

    M. Paul Mistele: Nous estimons avoir assez bien examiné le document avec notre personnel. Il y a toujours des choses qu'on peut rajouter, mais les changements que vous voulez apporter aux outils que nous avons à l'heure actuelle feraient beaucoup pour aider le secteur agricole canadien. Nous avons besoin de cela. L'année 2005 sera la première année où nous aurons eu un revenu négatif d'un bout à l'autre du Canada — j'entends par là un revenu déficitaire.

    Nous avons besoin de certains changements. Comme cela s'est produit pendant la crise de l'ESB — et c'est quelque chose qui a été signalé tout à l'heure —, quand nous obtenons dix cents la livre pour une bête et que le produit se vend au supermarché à un prix plus élevé que celui auquel il se vendait avant que la frontière ne soit fermée à cause de l'ESB, il y a quelque chose qui ne va pas.

    Je tiens également à faire remarquer que, en tant que producteur de poulet, j'achète mes poussins à un couvoir. J'ai recours à une usine de transformation, mais j'achète les aliments pour ma volaille à une autre entreprise. Le couvoir est la propriété d'une entreprise et l'usine de transformation appartient à une autre entreprise, et j'attends le jour où l'une des deux arrivera chez moi pour me dire: ne pensez-vous pas que vous devriez acheter les aliments pour vos poulets chez nous? On ne l'a pas encore fait, et cela les honore, mais je m'attends à ce qu'on vienne me demander cela. Quel choix aurai-je en tant que producteur? Aucun — pas en ce qui concerne cette entreprise qui est réputée pour les poussins de qualité qu'elle produit.

    Les propositions dont nous discutons aujourd'hui sont beaucoup axées sur l'agriculture primaire. C'est ce dont nous avons besoin pour régler certains de nos problèmes. Je ne suis pas là pour réclamer aujourd'hui la paix dans le monde, mais il me semble qu'en tant que pays souverain, nous avons besoin de pouvoir assurer notre propre approvisionnement alimentaire. Si nous ne pouvons pas compter sur un secteur agricole rentable et durable, nous devrons tous, autant que nous sommes dans cette salle, dépendre des importations pour nos besoins alimentaires d'ici à l'an 2020.

+-

    Le président: Vous avez bien raison de nous le rappeler, monsieur Mistele. Merci.

    Nous avons le temps d'entendre brièvement M. Nighbor.

+-

    M. Derek Nighbor: Très rapidement, monsieur le président, ce que nous souhaiterions, ce serait que le commissaire soit tenu de faire une divulgation complète lorsqu'il entame une procédure, que ce soit au civil ou au pénal. Tout ce que le Bureau a comme ligne directrice, c'est que le commissaire peut user de son pouvoir discrétionnaire. C'est toute une menace que d'être impliqué dans une procédure civile ou pénale. Nous voudrions que les choses soient un peu plus claires.

    Il ne faut pas oublier que, au bout du compte, nous traitons ici d'une loi d'application générale. Cette loi s'applique à toutes les entreprises, quelle que soit leur taille et quel que soit leur secteur d'activité. J'estime qu'il ne faut pas l'oublier.

    Pour revenir très rapidement à ce que disait M. Trost au sujet du secteur du détail, j'ai lu ce qu'a dit M. Janigan mardi. Il a notamment expliqué que les études de marché ne viseraient pas une étude en particulier mais tout un secteur. Pour que ce soit bien concret, prenons un exemple tangible, Leon's Furniture. S'il y avait une enquête sur les détaillants de meubles, l'enquête engloberait aussi bien des entreprises de taille moyenne comme The Bombay Company que de petits détaillants indépendants de St. Jacobs, dans la circonscription de M. Myers. Il faut tenir compte de l'ensemble.

+-

    Le président: Merci, monsieur Nighbor.

    Marc, et ensuite Lynn.

[Français]

+-

    M. Marc Boulianne: Je vous remercie, monsieur le président.

    Soyez le bienvenu. Permettez-moi de vous féliciter, monsieur Rowley, pour la qualité de votre mémoire. Il est dommage que vous n'ayez pas eu le temps de nous le présenter au complet.

    En répondant à une question posée par mon collègue, vous avez répondu à ma première question. Vous avez dit que vous aviez regardé ailleurs, en Europe, aux États-Unis, en Australie, et que vous avez eu des contacts avec des avocats afin de vous renseigner sur le système. Je voulais savoir comment leur situation se comparait avec celle du Canada, et vous avez répondu que le Canada avait une bonne Loi sur la concurrence.

    Ma seconde question concerne une de vos citations. Vous avez mentionné, au sujet de M. Hogg, que vous aviez été sidéré par le caractère définitif de son opinion à l'effet que les SAP violent la Charte des droits. Vous avez dit également que vous aviez été surpris par l'opinion de la commissaire, qui disait que cela n'était pas de nature pénale. Enfin, vous avez dit qu'il n'y avait pas de différence entre une amende de 15 millions de dollars et une infraction criminelle.

    Pourriez-vous développer vos propos à ce sujet?

À  +-(1030)  

[Traduction]

+-

    M. J. William Rowley: Permettez-moi de commencer en précisant que je ne suis pas un constitutionnaliste. J'ai déjà donné des avis constitutionnels auparavant, et je me suis évidemment penché sur la constitutionnalité des éléments de cette loi et de l'essentiel de la législation qui l'a précédée, étant donné que bon nombre des changements qui ont été proposés depuis 1970 sont discutables du point de vue constitutionnel.

    Peter Hogg est probablement notre principale autorité en matière constitutionnelle au Canada. J'imagine que vous avez lu son avis. C'est un avis court, direct et très visible. Il conclut que c'est tout simplement inconstitutionnel. Je suis tout à fait d'accord. Si je fournis un conseil à une entreprise et que celle-ci voit qu'il y a un risque de pénalité de 15 millions de dollars, il est clair qu'elle s'expose à une infraction, une infraction pénale. C'est ce que Hogg dit, et je ne suis pas en désaccord avec son avis. J'aurais été très surpris s'il avait émis un avis différent. En revanche, ce qui m'a étonné, c'est de voir la commissaire comparaître devant vous et réagir à l'avis de Hogg en disant que quand nous rédigeons un projet de loi, celui-ci est examiné par le ministère de la Justice, qu'il est évidemment minutieusement étudié et qu'il n'y a pas de problème, car notre but n'est pas de pénaliser quiconque, mais simplement d'encourager la conformité.

    Désolé, mais si j'étais parieur, et il se trouve que je le suis, je vous parierais que si ce projet de loi était adopté et qu'il était contesté devant un tribunal, les magistrats adhéreraient alors à l'avis du professeur Hogg, pas à celui de la commissaire Scott ni du ministère de la Justice. Je pense que c'est simplement inconstitutionnel.

    Le plus inquiétant, c'est que si nous adoptions ce projet de loi et qu'il soit inconstitutionnel, ou encore qu'il soit contesté comme ce sera probablement le cas — je puis vous assurer que mon tout premier client contestera la constitutionnalité de la loi, et nous irons devant la Cour suprême du Canada — , cela veut dire qu'on se retrouvera pris avec cette loi pendant de nombreuses années d'incertitude. Ce n'est vraiment pas souhaitable.

[Français]

+-

    M. Marc Boulianne: Un peu plus loin, vous donnez un curieux conseil en tant qu'avocat. Vous dites que dans de telles situations, il faudrait aviser les clients qu'ils sont passibles d'une amende, et non les encourager à se conformer à la loi.

[Traduction]

+-

    M. J. William Rowley: Encourager un client à se conformer à la loi: je vais tenter d'aborder cette question dans l'optique de l'usage abusif d'une position dominante. Quand un client vient me voir et me fait état d'une série d'actions qu'il entend prendre sur le marché, qu'il s'agisse de demander à un distributeur de signer un contrat d'exclusivité ou de lier un produit à un autre, nous passons en revue toutes les pratiques pertinentes afin de déterminer si quelqu'un risque de déposer une plainte et que le Bureau de la concurrence en saisisse le Tribunal de la concurrence.

    Dans le cadre de cette réflexion, une des premières choses que nous faisons consiste à déterminer si le client peut être considéré comme jouissant d'une position dominante. Chaque fois que nous sommes confrontés à un ensemble d'actions limites, nous informons le client du risque et lui demandons pourquoi il veut agir de la sorte. La plupart du temps, le client veut prendre cette action, car il fabrique ou distribue un produit et estime que c'est le meilleur moyen de mettre son produit en marché et que c'est aussi le moyen le plus efficace de vendre le plus grand nombre de produits. L'action est donc motivée par des raisons concurrentielles.

    À l'occasion — et j'ai déjà eu à représenter des gens en position dominante —, on a affaire à un client qui veut évincer un concurrent du marché. Même là, je n'entre pas immédiatement en mode défensif. Pourquoi pas? Parce que la nature des affaires fait en sorte qu'on veuille éliminer les concurrents pour s'approprier le marché seul. C'est la nature même de la concurrence, et c'est seulement quand une limite qui est véritablement restrictive est dépassée que nous devons nous inquiéter. Cela dit, cette ligne de démarcation est tellement difficile à définir qu'une approche corrective au Canada devient économiquement saine.

    Dans les rares fois où cette ligne est dépassée, nous y mettons fin, mais les choses ne s'arrêtent pas là. En effet, la loi en vigueur donne au Tribunal de la concurrence le pouvoir d'émettre toute ordonnance nécessaire pour rétablir la concurrence, pas seulement des interdictions. De plus, il peut prendre un certain nombre de mesures obligatoires. Ses pouvoirs sont très larges.

À  +-(1035)  

+-

    Le président: Merci, Marc.

    Lynn, ensuite Michael.

+-

    M. Lynn Myers (Kitchener—Conestoga, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Je veux remercier tous les témoins de leur comparution et de leur excellente déposition ce matin.

    Monsieur Mistele, vous qui représentez la Fédération, je pense vous avoir entendu dire que vous êtes un producteur de poulet.

+-

    M. Paul Mistele: Oui, je suis éleveur de poulet à griller.

+-

    M. Lynn Myers: Très bien. Je suis né, j'ai grandi et je vis encore dans la ferme familiale, et je suis président du caucus des produits laitiers de notre parti. Je suis résolument attaché à la gestion de l'offre et me préoccupe de ce qui arrive à ce secteur. Je voulais simplement vous le dire d'entrée de jeu.

    Je vous ai écouté avec intérêt parler de la viabilité du revenu dans votre secteur et dire que c'est important pour assurer l'égalité des principes de la concurrence, etc. J'aimerais que vous développiez un peu vos propos, notamment en ce qui a trait aux fermes familiales dans l'ensemble, ce que cela signifie et ce que devraient être les mesures à prendre à cet égard. Je veux simplement m'assurer que l'on consigne dans le procès-verbal des compléments d'information.

+-

    M. Paul Mistele: Je vais tenter de ne pas faire de discours, compte tenu de toutes les possibilités que cela offre.

    Pour ce qui concerne la viabilité économique sur le marché, il ne faut pas oublier le fait que dans une ferme, nous devons avoir un revenu pour de nombreuses raisons. Nous sommes assujettis aux normes législatives les plus rigoureuses qui soient dans le monde en matière de salubrité des aliments agricoles. Je dois adhérer à des régimes stricts, et remplir des classeurs et des classeurs de paperasserie à la fin de chaque période de production, lesquels documents sont vérifiés tous les trois ans afin d'assurer la salubrité des aliments agricoles. De plus, nous devons respecter des normes environnementales dans nos fermes qui sont les plus rigoureuses du monde, et dans le même temps, nous devons livrer concurrence à d'autres pays où les normes sont inférieures, mais c'est un sujet qu'il vaudrait mieux discuter un autre jour.

    Il y a aussi les normes de travail régissant les employés qui travaillent dans ma ferme. J'ai deux employés. Comme je n'ai pas de membre de ma famille qui travaille avec moi et que je suis ici aujourd'hui, c'est quelqu'un d'autre qui s'occupe de mes besognes chez moi.

    Le fait est que si nous ne sommes pas viables, si nous ne réalisons pas de rendement sur le marché, nous risquons alors de laisser tomber la société Or, les agriculteurs de ce pays sont les meilleurs protecteurs de la terre. Nous sommes le moyen le plus économique de protéger l'environnement. Si vous préservez l'argent que nous investissons dans nos fermes familiales, nous pourrons alors conserver notre rôle dans la société en tant que fournisseurs d'aliments salubres et de protecteurs de la terre.

    Je voudrais aussi réagir aux propos de M. Rowley. J'ai trouvé assez intéressant le matériel de documentation, de même que les chiffres, mais je pense qu'ils commencent à dater quelque peu.

    Vous avez par exemple des chiffres qui remontent à 1986. C'est bien beau tout cela, mais je crois que c'est aussi là que réside le problème en partie. Nous avons besoin d'information qui soit actuelle, opportune et accessible. Si je dépendais des informations génétiques d'il y a cinq ans, je serais en faillite aujourd'hui.

    Il a aussi dit qu'il saisirait la Cour suprême du Canada. Une personne comme moi ou un groupe de personnes comme moi seraient éblouies de tout cela, car nous n'avons pas de moyens. Nous n'avons pas leurs ressources. Je ne veux pas jouer à la petite victime pauvre, mais c'est la réalité que nous vivons aujourd'hui. Comment allons-nous nous battre contre ces gens et quels aspects allons-nous invoquer?

    Ne perdons donc pas de vue le sujet dont nous discutons aujourd'hui. Si nous mettons ces outils en place, je ne dis pas qu'ils sont parfaits, mais ils constitueront un pas dans la bonne direction, celle qui consiste à aider à soutenir notre revenu au Canada.

    Merci beaucoup.

À  +-(1040)  

+-

    M. Lynn Myers: C'était un bon discours électoral.

+-

    M. Paul Mistele: Je viens d'être élu.

+-

    M. Lynn Myers: Monsieur Nighbor, pour ce qui est des études de marché et de l'amendement qui permettrait au commissaire d'examiner le niveau de concurrence, j'aimerais savoir si vous pensez que le commissaire aurait ainsi un prétexte pour mener une étude même s'il y avait peu de raisons de croire à des pratiques anticoncurrentielles.

+-

    M. Derek Nighbor: C'est une grande crainte. Nous estimons que le Bureau de la concurrence et que le commissaire ont déjà les outils leur permettant de faire enquête en cas de pratique anticoncurrentielle. Comme M. Rajotte l'a déjà dit, il suffit de demander à cinq amis de s'entendre pour présenter une demande en ce sens.

    L'industrie des produits pétroliers a fait l'objet de cinq enquêtes depuis 1990. Je me demande vraiment certains jours pourquoi nous procédons ainsi.

    Notre inquiétude ne s'arrête pas aux expéditions de pêche. Toute une industrie est visée. Je sais très bien qu'on aime s'en prendre aux grandes sociétés, mais ces mesures sont susceptibles de nuire également aux petits détaillants. Voilà en fait ce qui nous inquiète le plus.

+-

    M. Lynn Myers: Vous serez donc heureux d'apprendre que ce projet de loi va mourir au Feuilleton.

+-

    M. Derek Nighbor: Voilà qui règle le problème.

+-

    Le président: Je vous remercie, Lynn.

    Michael.

+-

    M. Michael Chong: Je vous remercie, monsieur le président.

    Je trouve intéressant que ce projet de loi comporte une grande zone grise. Bon nombre des pratiques qui peuvent faire l'objet d'un examen en vertu de la Loi sur la concurrence sont en fait de bonnes pratiques qui favorisent la concurrence. Elles peuvent cependant avoir l'effet inverse quand elles sont mal utilisées.

    Comme de nombreux autres témoins, je sais, messieurs Nighbor et Rowley, que vous êtes d'avis que la loi fonctionne bien. Elle favorise une saine concurrence au Canada et sanctionne les comportements anticoncurrentiels. Je crois qu'il convient cependant de s'inquiéter du cas du secteur agricole.

    J'adresse mes questions à chacun d'entre vous, mais en particulier à MM. Nighbor et Rowley parce que je crois que la Fédération canadienne de l'agriculture et que M. Mistele sont bien conscients des défis auxquels est confronté le secteur agricole.

    Il y a surproduction dans le domaine des denrées et des problèmes qui se posent dans le domaine du commerce international, mais le secteur agricole est certainement un secteur qui connaît de graves difficultés.

    J'ai grandi sur une ferme et je vis actuellement sur une ferme. Sauf pour les fermes auxquelles s'applique la gestion de l'offre, il n'existera plus de fermes familiales d'ici dix à quinze ans. Nous allons transformer l'Ontario et le Canada ruraux en Disneyland pour les riches urbains qui souhaitent y passer leurs fins de semaines ou agir en propriétaires absents. Voilà comment je vois l'avenir.

    La politique publique dans le domaine agricole n'est pas cohérente. Cette politique vise essentiellement les producteurs primaires et cherche à encourager un marché parfait. Des centaines de milliers de producteurs se font concurrence les uns les autres pour produire la même denrée et c'est une concurrence parfaite. Nous faisons cependant le contraire du point de vue des intrants et des extrants et du point de vue des fournisseurs et des acheteurs. En raison de la mondialisation, nous encourageons la création d'entreprises de plus en plus importantes qui ont un rendement de plus en plus élevé, ce qui cause un grave problème structurel dans le domaine agricole.

    Je crois qu'il s'agit effectivement d'un problème structurel, mais la concurrence pose aussi un défi. Je n'ai pas devant les yeux ce qui me permettrait de prouver ce que j'avance, mais deux domaines me viennent immédiatement à l'esprit. Il y a d'abord la question de l'exclusivité. En Ontario et dans de nombreuses parties du pays, deux ou trois grands détaillants approvisionnent 90 p. 100 des épiceries de détail. Si vous ne pouvez pas leur fournir des produits à l'année longue, c'est tant pis pour vous. Si ces entreprises ne vous aiment pas, elles laisseront tout votre champ de légumes pourrir. On m'a donné beaucoup d'exemples de cas semblables. Si vous avez ensemencé cent acres en choux ou en d'autres légumes et qu'un grand acheteur décide de s'approvisionner ailleurs, vous n'y pouvez absolument rien.

    Il faut aussi s'inquiéter des tendances monopolistiques dans la transformation secondaire du boeuf compte tenu de la fermeture récente de la frontière et du rôle des épiceries de détail. Je n'ai pas de preuves à vous fournir, mais c'est ce que me disent les producteurs primaires. Ils se plaignent du fait qu'il n'existe pas suffisamment d'acheteurs pour leurs produits, ce qui les oblige à ne compter que sur un ou deux acheteurs.

    Messieurs Nighbor et Rowley, j'aimerais savoir ce que vous pensez de ce que je viens de dire.

À  +-(1045)  

+-

    M. Derek Nighbor: Je commencerai volontiers.

    Notre association représente surtout des détaillants de marchandises générales et de produits spécialisés. Nous ne sommes ni le Conseil canadien des distributeurs en alimentation, ni la Fédération canadienne des épiciers indépendants. Je ne peux pas me prononcer sur tout ce que vous avez dit, mais je crois que cela revient à deux ou trois observations que j'ai déjà faites.

    Premièrement, les outils voulus sont en place pour sanctionner toute entrave à la concurrence. Les dispositions portant sur les études de marché n'augmentent en rien les pouvoirs du commissaire à cet égard.

    Deuxièmement, il s'agit d'une loi d'application générale. Le gouvernement devrait intervenir dans un secteur s'il a des raisons de le faire. Les agriculteurs stimulent le commerce au détail parce qu'ils doivent s'approvisionner auprès des entreprises de vente au détail. Nous sommes certainement favorables à une agriculture durable. S'il y a des problèmes qui se posent dans le secteur agricole ou dans le secteur des produits pétroliers, il faudrait s'y attaquer directement et non pas par l'entremise d'une loi d'application générale visant l'ensemble des commerces canadiens.

+-

    M. J. William Rowley: Monsieur Chong, n'importe qui aurait du mal à répondre à la question que vous posez. Vous dites que le fait que les acheteurs et les fournisseurs soient de grandes entreprises nuit au secteur agricole. Je crois que M. Mistele s'inquiétait des achats liés. Les agriculteurs seraient alors tenus de vendre leurs produits à ces clients et il n'y en a pas beaucoup.

    Qu'arrive-t-il lorsqu'un fournisseur demande trop  — pour ce qu'il ne peut pas se permettre ou pour ce qu'il ne peut pas vendre à un prix rentable? Il est horrible de se trouver ainsi entre le fer et l'enclume.

    Les agriculteurs ne sont pas les seuls dans cette situation. Les fabricants de pièces automobiles qui font des affaires avec les fabricants de voitures doivent tous les jours produire leurs pièces à moindre coût. Pourquoi? C'est parce que les fabricants de voitures font face à la concurrence de d'autres fabricants plus efficaces. Ils doivent donc faire baisser leurs prix.

    En réponse à ce que vous avez dit, j'ajouterai que la concurrence est vive sur les marchés. Cela ne vaut cependant pas seulement pour le Canada ni pour les milieux agricoles. Les avocats se trouvent dans la même situation. Nos clients demandent des meilleurs prix tous les jours et ils n'ont pas à s'adresser à nous. Des clients de longue date nous disent qu'ils vont faire une demande de propositions et nous perdons tout d'un coup d'importants contrats. Or, nous avons des avocats subalternes dont nous devons toujours payer les services.

    Le secteur agricole n'est pas le seul à connaître des difficultés.

À  +-(1050)  

+-

    Le président: Je vous remercie, monsieur Rowley.

    Marc, ce sera ensuite à votre tour. Michael, vous aurez peut-être un peu de temps après cela.

    Monsieur Mistele, je vous demande de poursuivre mais d'être bref.

+-

    M. Paul Mistele: J'aimerais être d'accord avec mon voisin, M. Nighbor, simplement parce que j'appuie les petites entreprises. Nous devons collaborer à favoriser une agriculture durable. Nous partageons donc votre avis sur de nombreux points. Nous ne pouvons cependant être d'accord avec vous sur tous.

+-

    Le président: Je vous remercie, monsieur Mistele.

    Marc, vous avez la parole.

[Français]

+-

    M. Marc Boulianne: Merci, monsieur le président.

    J'aimerais poser une question à M. Mistele. M. Myers a parlé précédemment de la gestion de l'offre. Si vous avez suivi les débats de la Chambre des communes hier, vous savez que le Bloc québécois a voté en faveur d'une motion sur le maintien de la gestion de l'offre. Nous avons toujours défendu les principes agricoles actuels.

    Vous avez mentionné que la loi avait principalement pour but de protéger les consommateurs. Par contre, vous semblez dire qu'elle ne va pas assez loin à l'égard des acheteurs. Vous proposez d'ailleurs une recommandation en ce sens. Vous dites que la loi devrait viser les acheteurs et les consommateurs ou donner la variante du consommateur.

    Pouvez-vous développer votre position sur ce sujet?

[Traduction]

+-

    M. Paul Mistele: Nous nous réjouissons du soutien que nous avons reçu de tous les partis du gouvernement en faveur de la gestion de l'offre. C'est un élément clé du succès de la gestion de l'offre et nous allons continuer à l'encourager.

    Ce que nous disons dans notre exposé, c'est que le projet de loi est trop axé sur le consommateur, dans l'économie. Nous vous demandons de vous pencher sur le côté production, notamment sur la production primaire. Nous rencontrons le même problème à l'ACIA; ils sont axés sur le consommateur. Il s'agit de la santé des consommateurs et de la salubrité alimentaire. C'est ce que nous voulons tous au Canada, la salubrité alimentaire.

    Pour répondre à votre question, soit la raison pour laquelle nous voulons que cet élément soit compris dans le projet de loi, il s'agit d'équilibrer le consommateur et la production dans l'équation. J'espère que j'ai répondu à votre question.

    Peut-être que Clinton veut ajouter quelque chose.

+-

    M. Clinton Monchuk (analyste des politiques agricoles, Fédération canadienne de l'agriculture): Au sujet de l'achat et de la vente, nous avons observé, comme nous l'avons dit plus tôt au sujet des marchés bovins, que la capacité de l'industrie de l'emballage au Canada était dominante et qu'une fois les frontières fermées, nous n'avions plus d'autres options. En tant que producteur bovin de la Saskatchewan, ma seule option était de vendre mes bêtes, point final. Ce que nous essayons de dire, c'est que lorsqu'on parle des fournisseurs, il faut inclure les acheteurs.

[Français]

+-

    M. Marc Boulianne: Merci, monsieur le président.

[Traduction]

+-

    Le président: S'il n'y a personne d'autre, nous laisserons finir Michael pour quelques minutes, puis nous céderons la salle au Comité de la justice.

+-

    M. Michael Chong: Merci, monsieur le président.

    Je voudrais surtout faire inscrire un renseignement au compte rendu, car il est important de mettre cette question en perspective, pour ceux qui n'ont pas d'antécédents dans le domaine agricole. J'ai réfléchi à cette question au cours de la dernière année, car ma circonscription compte un grand nombre de producteurs agricoles.

    Monsieur Rowley, je remarque que vous avez parlé de la concurrence féroce à laquelle vous devez faire face dans le domaine juridique.

    La gestion de l'offre est l'un des éléments de l'agriculture qui fonctionnent bien. Elle connaît bien sûr certains problèmes, mais d'une façon générale, cela fonctionne. Je suis un chaud partisan de la gestion de l'offre, et c'est le seul élément de l'agriculture qui permet à une entreprise familiale d'obtenir des revenus suffisants. Ce régime compte néanmoins de nombreux détracteurs. Je trouve cela très intéressant, car on peut établir des parallèles entre la gestion de l'offre, d'une part, et d'autre part, les professions du droit et de la médecine.

    Je suis issu d'une famille de médecins. Foncièrement, la médecine est une gestion de l'offre. Il y a des contrôles de l'importation: les médecins des États-Unis ne peuvent pas franchir la frontière et exercer ici la médecine. En fait, c'est un gros problème, car il y a au Canada de nombreux médecins formés à l'étranger qui se retrouvent à conduire des taxis.

    Il existe un contingent. L'Ontario est un exemple parfait de ce qui peut se produire lorsqu'une province réduit un contingent, comme le premier ministre Ray l'a fait il y a dix ans: Il y a maintenant une pénurie massive de médecins de famille en Ontario, car la province a établi un contingent en limitant les inscriptions aux écoles de médecine.

    Il y a aussi un mécanisme d'établissement des prix. Le régime d'assurance-maladie de l'Ontario fixe les prix, car il négocie avec l'OMA pour établir la rémunération des médecins.

    Nous avons donc une médecine à gestion de l'offre. Et pourtant, personne ne s'attaque à cette vache sacrée, personne ne dit que c'est un régime dont il faudrait se défaire parce qu'il est injuste pour les Canadiens.

    Il en va de même du droit. Les prix ne sont pas fixés dans le domaine du droit, mais il existe certes un régime de contingent. Les règles d'inscription aux écoles de droit en Ontario et les règles d'admission au barreau du Haut-Canada constituent une forme de contingentement. La nature de notre common law et de nos lois sert également à contrôler les importations dans l'exercice du droit dans notre province.

    Je voudrais simplement indiquer aux fins du compte rendu une information que les gens des secteurs autres que l'agriculture ne devraient pas oublier; le fait de protéger un élément de l'agriculture n'est pas unique, car il y a d'autres secteurs de l'économie canadienne qui sont réglementés de la même façon.

    Merci, monsieur le président.

À  -(1055)  

+-

    Le président: Merci, Michael.

    Nos témoins ont-ils une brève observation à faire avant que je les remercie?

    Monsieur Mistele.

+-

    M. Paul Mistele: Je voudrais vous remercier de nouveau d'avoir pris le temps de nous entendre aujourd'hui. Nous essayons de communiquer notre message au sujet de l'agriculture. À l'heure actuelle, une rencontre des premiers ministres se déroule à Regina pour traiter de cette question. Nous espérons que la question de la concurrence y sera discutée.

    Merci.

-

    Le président: Eh bien, merci, chers collègues.

    Merci beaucoup à nos témoins, surtout à ceux qui ont dû traverser les intempéries pour venir nous rencontrer.

    À mes collègues avec qui je n'aurai peut-être pas la chance de discuter avant lundi soir, je souhaite une bonne fin de semaine, et mes meilleurs voeux à tous.

    Merci.

    La séance est levée.