Bienvenue à la 30e réunion du Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique.
Conformément à l'alinéa 108(3)h) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le mardi 26 juillet 2022, le Comité se réunit pour étudier les outils d'enquête sur appareil utilisés par la Gendarmerie royale du Canada.
La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride, conformément à l'ordre de la Chambre adopté le jeudi 23 juin 2022.
Pour les députés présents dans la salle, si vous souhaitez prendre la parole, veuillez lever la main. Pour les députés sur Zoom, veuillez utiliser la fonction « Lever la main ».
La greffière et moi‑même ferons de notre mieux pour maintenir l'ordre de parole, et nous vous remercions de votre patience et de votre compréhension à cet égard.
Je vais présenter les membres de notre groupe de témoins de ce matin. Nous avons avec nous, du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada, Philippe Dufresne, commissaire à la protection de la vie privée du Canada, et Gregory Smolynec, sous-commissaire, Secteur des politiques et de la promotion.
Nous allons maintenant commencer les observations préliminaires. Vous avez la parole.
Allez‑y, monsieur le commissaire.
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Monsieur le président, membres du Comité, bonjour.
Je suis heureux d'être ici aujourd'hui pour aider le Comité dans le cadre de son étude sur les outils d'enquête sur appareil utilisés par la Gendarmerie royale du Canada, la GRC. Je suis accompagné de mon collègue, M. Gregory Smolynec, sous-commissaire, Secteur des politiques et de la promotion.
Cette étude fait suite à de l'information diffusée par les médias et à une réponse à une question inscrite au Feuilleton confirmant que la GRC utilisait des outils techniques pour obtenir secrètement des données à distance à partir d'appareils ciblés, sous réserve d'une autorisation judiciaire. Il a également été indiqué dans la réponse et les reportages dans les médias que la GRC n'avait pas consulté mon bureau avant d'utiliser ces outils.
[Français]
Comme vous le savez, en tant que commissaire à la protection de la vie privée du Canada, je suis responsable de la protection et de la promotion des droits à la vie privée des Canadiens dans les secteurs public et privé. Pour ce faire, mon commissariat fait enquête sur les plaintes, fournit des conseils aux ministères et aux organismes du secteur privé, publie des rapports sur la conformité aux lois sur la protection des renseignements personnels et sensibilise la population aux questions touchant à la protection de la vie privée.
Lorsque j'ai comparu devant vous en juin pour discuter de ma nomination proposée au poste de commissaire, j'ai mentionné que ma vision comporterait les trois éléments suivants: la protection de la vie privée en tant que droit fondamental; la protection de la vie privée à l'appui de l'intérêt public; la protection de la vie privée comme un moyen pour accentuer la confiance des Canadiens à l'égard de leurs institutions et en tant que citoyens de la société numérique.
[Traduction]
En appliquant ces éléments à l'étude du Comité, de façon générale, je dirais ce qui suit.
La protection de la vie privée en tant que droit fondamental signifie que toutes les institutions, y compris la GRC, devraient tenir compte de la protection des renseignements personnels comme un élément clé lorsqu'elles conçoivent et décident d'utiliser toute technologie qui pourrait avoir une incidence négative sur le respect de la vie privée des Canadiens.
La protection de la vie privée à l'appui de l'intérêt public signifie qu'en tenant compte de l'incidence sur le respect de la vie privée dès le début et en consultant mon bureau, les organismes peuvent dès le départ prévenir les atteintes à la vie privée et ainsi améliorer les outils qui serviront à promouvoir l'intérêt public, qu'il s'agisse de la prévention du crime, de la protection de la sécurité nationale ou du renforcement de la compétitivité du Canada. La protection de la vie privée et l'intérêt public vont de pair. Ils tirent parti l'un de l'autre, se renforcent mutuellement, et les Canadiens et leurs institutions ne devraient pas avoir à choisir entre l'un ou l'autre.
La protection de la vie privée comme moyen d'accentuer la confiance des Canadiens envers leurs institutions et en tant que citoyens de la société numérique signifie que lorsque des organismes comme la GRC tiennent compte de l'incidence sur la vie privée dès le départ et que les Canadiens le voient, ces derniers se sentent confiants et rassurés quant à la nécessité des outils et des mesures mis en place pour atténuer l'incidence sur la vie privée et veiller à ce que les mesures et les objectifs soient proportionnels.
[Français]
En ce qui concerne le contexte propre à votre étude, disons d'abord que la Loi sur la protection des renseignements personnels ne prévoit pas que la GRC ou toute autre institution gouvernementale doive réaliser des évaluations des facteurs relatifs à la vie privée, ou EFVP, à mon attention. Toutefois, le Conseil du Trésor exige ces évaluations dans le cadre de ses politiques. J'espère que cette exigence sera incluse comme une obligation juridique dans une version modernisée de la Loi sur la protection des renseignements personnels.
Comme vous le savez, la GRC a récemment affirmé qu'elle avait mis en place un programme lui permettant d'utiliser des outils d'enquête et d'autres méthodes pour obtenir des données secrètement et à distance à partir d'appareils ciblés. La GRC a confirmé que, grâce à ces outils, il était possible de recueillir des communications privées, comme des messages textes et des courriels envoyés ou reçus à partir de l'appareil ainsi que des documents et des fichiers multimédias stockés sur l'appareil. Ces outils permettent également de recueillir des sons à portée de l'appareil des images visibles par les caméras intégrées à l'appareil.
La GRC a affirmé que l'utilisation de ces outils était assujettie à une autorisation judiciaire. Le Commissariat n'a pas été informé ni consulté à propos de ce programme avant sa mise à œuvre ou par la suite. Après en avoir pris connaissance dans les médias à la fin juin, nous avons communiqué avec la GRC pour obtenir de plus amples renseignements, et elle a depuis prévu de faire une démonstration aux fonctionnaires de mon bureau à la fin août. Dans sa réponse à la question inscrite au Feuilleton, la GRC a mentionné qu'elle avait commencé à préparer une EFVP concernant ces outils en 2021, mais nous n'avons pas encore reçu cette évaluation.
[Traduction]
Lorsque nous recevrons l'EFVP, nous l'examinerons pour nous assurer qu'elle comprend une évaluation significative de la conformité du programme en matière de protection des renseignements personnels ainsi que des mesures pour atténuer les risques d'atteinte à la vie privée. Nous examinerons également l'EFVP pour nous assurer que tout programme ou activité portant atteinte à la vie privée est légalement autorisé, qu'il est nécessaire pour répondre à un besoin précis et que l'atteinte à la vie privée causée par le programme ou l'activité est proportionnelle aux intérêts publics en jeu. La GRC devrait donc déterminer s'il existe un moyen moins intrusif d'atteindre le même objectif. Si nous constatons des lacunes en matière de protection de la vie privée, nous communiquerons nos recommandations à la GRC et nous nous attendrons à ce qu'elle apporte les changements nécessaires.
Pour conclure, je réitère mon souhait que la préparation en temps opportun des EFVP devienne une obligation juridique dans une version modernisée de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Ce changement permettrait de reconnaître la protection des renseignements personnels comme un droit fondamental, de soutenir l'intérêt public et de susciter la confiance nécessaire envers nos institutions, comme la GRC, qui font un travail essentiel et important, qui profite à tous les Canadiens.
Je répondrai maintenant avec plaisir à vos questions.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci, monsieur le commissaire, et félicitations. Je sais que la dernière fois que vous vous êtes présenté devant ce comité, on s'attendait à ce que vous soyez nommé, alors je vous félicite pour cette nomination. Je suis sûr que vous avez eu un été chargé.
Dans vos observations préliminaires, vous avez indiqué que l'une de vos priorités en tant que commissaire était que l'on reconnaisse la protection de la vie privée comme un droit fondamental. Il est certain qu'avec la question inscrite au Feuilleton, la façon dont la GRC et le gouvernement ont abordé l'acquisition de ce logiciel a suscité certaines préoccupations. Pouvez-vous me dire si vous pensez que le gouvernement partage votre opinion selon laquelle la vie privée est un droit fondamental, compte tenu de la façon dont ce processus semble avoir été mené?
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Je vous remercie, monsieur le président.
Monsieur le commissaire, à l'instar de mes collègues, je vous offre mes félicitations pour votre récente nomination à ce poste.
Je commencerai en disant que le but de notre comité n'est pas de mener une chasse aux sorcières, mais plutôt de voir s'il y a lieu d'apporter des améliorations ou de créer un environnement législatif, une politique publique, afin de protéger les Canadiens. Le respect des droits fondamentaux, la confiance du public et l'intérêt public, cela fait partie de ce que nous recherchons ici.
Je vous remercie d'être avec nous ce matin.
Il est indéniable que la technologie évolue rapidement, parfois plus rapidement que les lois. Cependant, d'autres pays ou des communautés européennes ont entamé une réflexion sur les logiciels espions.
Que pourriez-vous nous dire sur l'acceptation ou le refus de l'utilisation d'un logiciel espion par une entité gouvernementale?
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L'utilisation d'un logiciel espion par une entité gouvernementale soulève à première vue des questions liées à la protection de la vie privée. Cela ne veut pas dire qu'elle ne sera pas permise dans des cas appropriés. Comme je l'ai dit au début, le droit à la vie privée n'est pas un obstacle à l'intérêt public, mais il doit être pris en considération dans tous les cas. C'est un droit fondamental dont nous devons tenir compte. Cela touche la dignité des individus.
Vous avez raison, nous sommes dans une période d'évolution technologique, et les outils sont de plus en plus avancés. Nous ne sommes pas dans une situation où il est simplement question d'intercepter une conversation provenant d'un téléphone filaire; il y a énormément d'informations dans les téléphones intelligents.
Selon l'approche que nous préconisons, il faut prendre en considération la vie privée dès le début, surtout quand les technologies sont de plus en plus potentiellement intrusives. De plus, il faut pouvoir bien évaluer les risques et la nécessité d'avoir recours à l'utilisation d'un tel logiciel.
Mon bureau et ce comité ont recommandé des critères, soit la nécessité et la proportionnalité. Ce n'est pas qu'il n'est pas possible d'utiliser l'outil. Peut-être que cela est possible, peut-être que, dans ce cas-ci, l'équilibre a été atteint, mais il faut s'en assurer. C'est une fonction de vérification qui sert non seulement à assurer la protection de la vie privée, mais aussi à rassurer la population canadienne et à s'assurer qu'elle considère que la vie privée est protégée.
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Le sentiment de sécurité est effectivement très important, dans cette situation.
Un outil, en soi, n'est pas moral ou immoral. Le problème est plutôt lié à l'utilisation qui en est faite. Il faut avouer que ces outils sont extrêmement intrusifs. Ils peuvent être installés sur les téléphones à l'insu des gens.
Je crois que votre commissariat a justement pour tâche de valider les évaluations qui peuvent être faites au départ.
Croyez-vous que des entités semblables à la GRC ou la GRC elle-même auront besoin d'un encadrement pour évaluer les pratiques?
Actuellement, elles s'autoévaluent. Elles nous disent que l'utilisation d'un tel outil est appropriée, et je suis prêt à le croire. Toutefois, l'autoévaluation a ses limites.
Qu'en pensez-vous?
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Cet après-midi, vous allez entendre les témoignages des représentants de la GRC. Selon moi, les témoins vont souligner que ces outils font l'objet d'un régime d'encadrement en vertu de la partie VI du Code criminel. Dans sa réponse, la GRC a mentionné que l'utilisation d'un tel outil était assujettie à une autorisation judiciaire. Il s'agit d'un élément important.
Le régime en question comprend certains critères prévus dans une section du Code criminel, lesquels visent à protéger la vie privée tout en permettant la tenue d'enquêtes criminelles.
Ce que nous disons, c'est que, lorsque ces outils sont nouveaux, qu'ils sont très puissants et potentiellement intrusifs, il est important, même si nos systèmes comportent des contrôles judiciaires, de faire une vérification quant aux répercussions éventuelles sur la vie privée. Il existe un régime qui prévoit cela. Ce n'est pas un régime juridique, mais un régime qui a été mis en place en vertu de la politique du Conseil du Trésor. Mon bureau demande au ministère de se poser ces questions et de les documenter.
En fin de compte, le résultat montrera peut-être que ces outils sont effectivement intrusifs, mais qu'ils sont nécessaires, puisqu'il s'agit d'enquêtes difficiles et qu'il n'y a pas d'autres moyens de faire. Il ne faut pas opposer l'intérêt public et la vie privée. Il faut assurer le respect de ces deux éléments, mais il faut le faire de façon à inciter la confiance. Il est préférable que des évaluations préalables soient faites pour éviter que le recours à ces outils soit dévoilé dans un article des médias ou dans la foulée d'une question posée par un parlementaire. Cette situation peut être évitée en faisant des évaluations préalables et en consultant mon bureau dans les cas appropriés.
Nous avons déjà soulevé des points très importants. J'espère qu'ils nous guideront dans les discussions futures sur la façon de concilier la loi de Moore, l'avancement de la technologie et la législation et, très franchement, une main-d'œuvre dont les compétences en matière de technologie ne sont pas à jour, pour être en mesure de fournir un aperçu adéquat de sa proportionnalité.
Monsieur Dufresne, vous avez mentionné que vous cherchiez à faire de l'évaluation des facteurs relatifs à la vie privée une obligation légale. Pouvez-vous nous expliquer brièvement pourquoi il serait important que votre bureau assure la surveillance des fonctions de base de cette utilisation de la technologie qui augmente et se développe rapidement?

Les évaluations des facteurs relatifs à la vie privée sont, à mon sens, un outil important pour une culture de la protection de la vie privée, pour une culture dans laquelle la protection de la vie privée est une priorité. Nous concevons des outils pour des organismes qui doivent remplir de nombreuses obligations et faire face à des pressions. Les décideurs disposent d'un temps limité et je le comprends, mais en établissant ce cadre, on prendrait l'habitude de poser des questions: Quels sont les effets sur la vie privée? Quelle est leur ampleur? Cette utilisation est‑elle nécessaire? Quel est mon objectif? Pourquoi ai‑je besoin de ces renseignements? Ai‑je besoin d'autant de renseignements? Quelles sont les mesures de protection que nous avons mises en place? Cette évaluation des risques, le recensement des outils d'atténuation et la détermination de la proportionnalité créent une culture de la protection de la vie privée, et ce dès la conception, et dans l'idéal, mon bureau n'aura alors pas besoin de prendre part au processus — ou très peu — parce que nous serons informés; nous serons avisés. Nous examinerons ensuite la situation et nous serons satisfaits, ou nous donnerons des conseils. Ce scénario ne donne pas lieu à des situations dans lesquelles des plaintes, des préoccupations ou un sentiment de méfiance sont exprimés, ou dans lesquelles des questions sont posées.
J'estime que c'est une bonne chose pour tout le monde. Cette exigence garantit la protection de la vie privée des Canadiens, permet aux organismes d'atteindre leurs objectifs et assure la confiance de la société, afin que les Canadiens puissent sentir qu'ils peuvent utiliser ces outils et participer en tant que citoyens numériques.
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Je pense que le Canada dispose d'un certain nombre de mesures de protection. Le rôle de mon bureau est de s'assurer que nous pouvons les renforcer et de promouvoir leur renforcement. Nous avons demandé une réforme législative de la Loi sur la protection des renseignements personnels, afin de la moderniser pour qu'elle soit adaptée aux nouvelles technologies. Il y a le projet de loi , qui est actuellement à l'étude à la Chambre, et qui est lié à la protection de la vie privée dans le secteur privé.
En tant que Canadiens, nous attachons de l'importance à la vie privée, et je pense que cette question doit être au cœur de nos préoccupations. C'est pourquoi je dis que la protection de la vie privée est un droit fondamental. Elle doit l'être. Elle doit être perçue comme telle. Elle n'est pas un obstacle à l'intérêt public. Elle doit être présente. Elle doit être compatible avec l'intérêt public, mais nous devons la communiquer et nous devons en parler pour gagner la confiance des Canadiens.
Je pense que nous disposons d'un système solide. J'estime qu'il pourrait être plus solide. Il est selon moi important qu'il soit de classe mondiale et qu'il soit le meilleur système en matière de protection de la vie privée. Il s'agit d'un droit fondamental, et il est d'une importance capitale pour les Canadiens.
Vous venez de mentionner l'utilisation de ces technologies de surveillance par des organismes privés. Je sais que dans les nouvelles, nous avons récemment entendu parler du groupe Awz, avec lequel l'ancien premier ministre Stephen Harper a été très engagé. Il existe des technologies telles que Corsight, qui utilise un logiciel de reconnaissance faciale, ou viisights et son logiciel de reconnaissance des comportements.
Êtes-vous préoccupé par la façon dont ces technologies en cours de développement sont utilisées par les entreprises privées, et pensez-vous que nous devrions en faire plus? Vous venez également de mentionner le projet de loi . Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet?
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Je vous remercie de la question.
En fait, cela ne remplace pas le commissaire. Ce sont deux choses distinctes. La partie VI prévoit les circonstances dans lesquelles l'outil pourra être utilisé par les forces policières. Elle prévoit l'obligation d'obtenir l'autorisation d'un juge, l'obligation de donner des notifications et toutes sortes de critères. Cela est très important.
Chose certaine, si l'utilisation d'un outil n'était assujettie à aucune obligation de cette nature ni à un tel régime, il y aurait encore moins de mécanismes susceptibles de la limiter. Un outil qui serait utilisé dans n'importe quelle situation et qui viserait tout le monde va assurément être traité de façon distincte qu'un outil ciblé pour les besoins d'une enquête. Cela n'enlève pas la nécessité, pour les forces policières, lorsqu'elle prévoit utiliser de nouveaux outils, de faire une vérification des répercussions qu'ils pourraient avoir en matière de vie privée. C'est pourquoi mon bureau estime nécessaire de faire ces vérifications. Il peut jouer un rôle en fournissant des conseils et en présentant son point de vue sur la question.
Peut-être que nous allons dire que le mécanisme de vérification est suffisant et que nous sommes rassurés. Ainsi, on pourra dire publiquement que cet outil a été vérifié, ce qui rassurera les Canadiens. Peut-être que nous allons dire que c'est très bien, mais qu'il y a des lacunes, étant donné l'évolution de la technologie. Il faudrait donc bonifier ce régime et ajouter d'autres critères ou mécanismes. Tout cela est possible, mais cela ne découlera pas automatiquement de la partie VI. C'est là où mon bureau a un rôle à jouer.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Certaines des informations que vous avez communiquées ont certainement été très révélatrices. Il y a une question que j'aimerais poser afin d'approfondir l'une de vos réponses précédentes.
La responsabilité incombe aux ministères. Je sais que la pénurie de ressources est une réalité à laquelle votre commissariat fait face, mais il incombe aux ministères, aux organismes gouvernementaux et, par extension, à des entités, entre autres, comme la GRC, de communiquer avec votre commissariat. Toutefois, le précédent que j'observe n'est certainement pas très satisfaisant. Le fait est que la GRC — dont j'examine l'échéancier — a attendu trois ans après avoir commencé à utiliser ce type de technologie avant de procéder à une évaluation des facteurs relatifs à la vie privée et n'a communiqué avec le Commissariat qu'après que l'affaire a été médiatisée quelques années plus tard. Ce précédent n'est pas bon.
Nous avons constaté que le même genre de dynamique existait lorsqu'il s'agissait d'utiliser des données sur la mobilité, des technologies de reconnaissance faciale, et j'en passe. Le fait que ce fardeau incombe aux ministères ne me donne certainement pas l'assurance qu'un travail préventif est effectué.
Je suppose que j'aimerais connaître votre avis sur mon interprétation — en tant que parlementaire de second mandat maintenant —, selon laquelle il y a beaucoup de travail à faire pour s'assurer que la vie privée est respectée au sein du gouvernement.
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Je suis heureux que la GRC vous offre une séance d'information, à vous et à votre commissariat, à la fin du mois d'août — même si, encore une fois, il est décevant que cela ait lieu seulement dans ces circonstances.
Au cours de la série de questions précédente, je vous ai demandé de préciser si votre commissariat avait mis en oeuvre des mesures de protection pour assurer l'intégrité opérationnelle d'une entité d'application de la loi comme la GRC, afin qu'une enquête ne soit pas compromise, et ainsi de suite.
J'aimerais vous donner l'occasion de vous étendre un peu sur ce sujet, surtout que la GRC et le comparaîtront devant notre comité un peu plus tard.
Pouvez-vous nous en dire davantage sur certaines des mesures que vous et votre bureau avez prises pour garantir que des entités comme la GRC ou d'autres services, organismes ou ministères du gouvernement fédéral peuvent être assurés que, s'ils s'adressent à vous, l'intégrité opérationnelle d'un processus comme une enquête sera protégée?
J'en suis à la dernière minute de mes questions, et vous avez parlé des mises à jour qui doivent être apportées à la Loi. Une minute ne suffira probablement pas pour répondre à ma question, mais si vous le permettez, je vous demanderais de communiquer au Comité les dispositions précises de la Loi qui doivent être modifiées. Cette information doit être codifiée, et pas seulement dans le préambule de la Loi, alors qu'est‑ce qui doit être fait au juste? En tant que membre du Comité, je sais qu'il serait probablement utile que vous nous fournissiez ces renseignements par écrit. Ce serait mieux, et si je peux me permettre, je vous demanderai, à vous et à votre commissariat, de le faire dans les jours à venir, pendant que nous continuons d'examiner cette question.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Dufresne, il semble que vous n'ayez pas pris connaissance des documents que la GRC a fournis au Comité. Alors, je vais vous informer que dans une lettre de la commissaire Brenda Lucki, nous avons appris que depuis 2017, la GRC a utilisé la technologie des OEE — les OEE sont la technologie qu'elle utilise pour accéder aux appareils des gens — « à l'appui de 32 enquêtes dans lesquelles un total combiné de 49 dispositifs a été ciblé ». Cela remonte à 2017. La technologie a été utilisée 32 fois pour accéder à 49 appareils. Il y a une liste des types d'enquêtes pour lesquelles la GRC a utilisé cette technologie, et il s'agit de situations comme des actes terroristes, des enlèvements, des meurtres et le trafic.
Il semble que cette technologie n'ait pas été surutilisée. Que pensez-vous de la façon dont la technologie a été utilisée jusqu'à maintenant, selon les faits que nous avons appris de la GRC?
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Je vous remercie, monsieur le président.
Nous parlons du droit à la vie privée comme étant un droit fondamental, qui fait partie de l'intérêt public et qui favorise le sentiment de confiance. Toutefois, lorsque nous apprenons dans les médias que ces outils sont utilisés, cela nuit un peu à ces éléments.
Croyez-vous qu'il y a lieu d'avoir un débat public sur la vie privée et le recours à ces technologies?
Actuellement, les citoyens sont inquiets et ils ne comprennent pas tout ce qui se passe, car c'est compliqué. Y a-t-il lieu d'avoir un débat public sur le sujet?
Monsieur le président, même en examinant certains des documents préliminaires à l'appui, l'une de mes préoccupations, en tant que personne qui aime penser qu'elle est un peu douée pour la technologie, reste qu'il y a tellement de choses que nous avons conscience de connaître et que nous avons conscience d'ignorer, mais nous ignorons ce que nous ignorons. Ce qui m'inquiète, c'est qu'il y a actuellement une génération de juges qui prennent des décisions sur la proportionnalité et qui, franchement, n'ont peut-être pas les compétences techniques nécessaires pour prendre des décisions adéquates en ce qui concerne les mandats qu'ils accordent relativement à ces technologies.
En ce qui concerne la Loi sur la protection des renseignements personnels, y a‑t‑il des cadres juridiques particuliers que vous aimeriez voir adopter et qui pourraient aider notre système judiciaire à procéder à des évaluations adéquates pour déterminer si ces décisions sont proportionnées?
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Je vous remercie beaucoup par votre entremise, monsieur le président.
Pour poursuivre dans l'ordre d'idées selon lequel nous ignorons ce que nous ignorons, lorsque nous examinons ce type de technologies et ce que nous venons d'apprendre, nous constatons que cette situation a commencé en 2018. Sachant à quel point la technologie évolue rapidement, il existe probablement beaucoup plus de technologies qui pourraient être utilisées et dont nous n'avons pas connaissance.
Je voudrais aborder certaines des recommandations que vous pourriez formuler ou non de votre côté afin qu'elles figurent dans notre rapport sur la question que nous étudions en ce moment. Je sais que vous allez soumettre certaines de ces recommandations par écrit. Sachant précisément, peut-être à partir de vos propres recherches, ce que peut faire le logiciel qui nous occupe, recommanderiez-vous de nouvelles dispositions que nous n'avions pas auparavant concernant la technologie de reconnaissance faciale ou les données mobiles et qui pourraient être ajoutées à la Loi sur la protection des renseignements personnels?
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Je pense que c'est un point important. Quand je dis que la protection de la vie privée est un accélérateur de la confiance que les Canadiens ont dans leurs institutions, je le pense vraiment. Il est important que les Canadiens soient rassurés au sujet des processus qui existent, des institutions canadiennes et des activités qu'elles exercent.
Dans le cas présent, je pense que les Canadiens verront que la GRC fournit des réponses au Parlement, qu'elle comparaîtra, qu'elle communiquera des renseignements et qu'elle répondra aux questions du Comité. Elle jouera un rôle fondamental dans l'obtention d'informations et les conseils que le Comité donnera à la Chambre dans son rapport. Je pense que c'est un système robuste qui fonctionne bien.
Ce que je préconise, c'est d'organiser encore plus d'audiences en amont dans le contexte des évaluations des facteurs relatifs à la vie privée. Je pense que cela permettrait de renforcer cette confiance et d'apaiser les inquiétudes qui peuvent surgir — peut-être inutilement — lorsque des faits sont rendus publics dans les médias et créent des doutes. En fin de compte, ces doutes peuvent être injustifiés, alors que si cette question avait été examinée plus tôt, il y aurait peut-être eu un moyen de dissiper les doutes encore plus tôt.
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À la fin de la série de questions actuelle, j'allais faire un tour de la salle et demander aux participants s'ils aimeraient poursuivre les séries de questions et entendre d'autres intervenants. Je constate qu'un tel intérêt existe. Je pensais qu'après avoir achevé trois séries de questions complètes, je vous consulterais d'abord, mais le commissaire est avec nous pendant une autre demi-heure, alors vous pourriez peut-être m'indiquer rapidement à main levée qui aimerait qu'une autre série de questions ait lieu.
Je pense que je vais procéder de la manière dont M. Green l'a suggéré. Je vais accepter quatre autres intervenants et limiter leur intervention à cinq minutes chacun. Accordons simplement cinq minutes à chacun des intervenants.
J'aperçois les mains levées de M. Bezan, M. Villemure et M. Green. Je n'ai pas encore vu de mains levées à l'écran. Toutefois, j'en vois une maintenant. Très bien, madame Khalid, je vous accorderai la parole, mais je vais peut-être suivre l'ordre habituel et demander à M. Bezan de commencer à intervenir pendant cinq minutes. Il sera suivi de Mme Khalid, de M. Villemure et de M. Green.
Vous avez la parole, monsieur Bezan.
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Merci, monsieur le président.
Pour en revenir au commissaire Dufresne, je suis préoccupé par le fait qu'il n'y a pas eu ici de transparence totale, sans parler des préoccupations concernant la question de la vie privée. Si l'on examine les travaux du Comité, on constate que nous nous sommes lancés dans la voie des données sur la mobilité, et que l'Agence de la santé publique du Canada et le ministre de la Santé ne se sont jamais adressés directement au Commissariat à la protection de la vie privée pour obtenir des conseils. Il y a eu un certain échange d'information, mais on n'a jamais demandé l'avis du Commissariat à la protection de la vie privée.
Lorsque nous avons étudié la technologie de reconnaissance faciale, ce n'est qu'après coup que nous avons appris l'existence de Clearview et la façon dont l'intelligence artificielle est utilisée, ainsi que les lacunes de cet outil en matière de surveillance, et ce n'est que par la suite qu'il a été rendu public que les services de police du Canada ont décidé de cesser d'utiliser la TRF de Clearview, en particulier. Maintenant, nous sommes en train de parler d'OEE et de sociétés de logiciels comme NSO Group qui offre le logiciel espion Pegasus. En outre, il y a toutes ces entreprises, qui ont été décrites comme des entreprises de données mercenaires qui vendent ces produits non seulement aux services de police, mais aussi à d'autres gouvernements ayant un accès dans le monde entier.
Ne craignez-vous pas que, comme la GRC, le SCRS et d'autres organismes gouvernementaux qui utilisent cette technologie disponible sur le marché, elle puisse tomber entre de mauvaises mains, sans parler des atteintes à la vie privée qui peuvent se produire quand cette technologie est utilisée ici, au Canada?
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Encore une fois, cela concerne la confiance dans nos institutions — la confiance entre les Canadiens et la GRC, entre les Canadiens et le Parlement, et entre les Canadiens et les organismes gouvernementaux. Lorsque cette question a été inscrite au
Feuilleton, la GRC a indiqué qu'elle avait utilisé des OEE 10 fois. Maintenant, comme l'a mentionné l'un des députés libéraux, notre comité a reçu une lettre de la commissaire Brenda Lucki. Dans cette lettre, la GRC affirme maintenant que le système a été utilisé 32 fois, mais elle refuse de donner suite à la demande de renseignements sur les détails des mandats utilisés que notre comité a présentée. Les mandats sont assujettis à différents aspects du Code criminel et à nos droits garantis par la Charte. Nous devons donc nous inquiéter de la façon dont ils sont utilisés.
De plus, la GRC refuse de divulguer si elle utilise ce type de logiciel espion ici, sur la Colline du Parlement, pour viser des parlementaires, des membres de notre personnel ou des fonctionnaires du ministère.
Que pensez-vous de la GRC...? Je précise encore une fois que les critères ne cessent de changer. Ils refusent de respecter la suprématie du Parlement en matière d'obtention d'informations et dissimulent des informations essentielles que le Comité a demandées, des informations qui aideraient également votre commissariat à déterminer comment les OEE sont utilisés au Canada.
Avant de conclure, j'ai quelques observations à formuler.
En ma qualité de président, je ne pose pas beaucoup de questions, mais je vais prendre une minute ou deux pour le faire en ce moment.
Commissaire Dufresne, en réponse à l'une de vos questions précédentes, vous avez parlé de la capacité du Comité à traiter des informations sensibles. Vous êtes un ancien légiste, et vous êtes probablement le mieux placé pour nous fournir un peu plus de détails sur la façon dont cela fonctionne, au profit des députés du Comité.
Je vous permets de prendre la parole à ce sujet.
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Certains d'entre eux ont déjà été rendus publics au cours de la réunion. Certains membres du Comité y ont fait allusion. Je vais m'entretenir un bref moment avec la greffière afin de m'assurer que j'ai bien compris que les documents pouvaient effectivement être mentionnés.
Tout document fourni peut être rendu public, sauf si le Comité en décide autrement. Tout document reçu par le Comité peut être rendu public.
La greffière cherche à attirer mon attention. Un moment, s'il vous plaît.
Les documents fournis ne sont pas privés au point de ne pas pouvoir être mentionnés en comité, mais en même temps, s'ils devaient être rendus publics par l'intermédiaire du site Web du Comité, par exemple, les membres du Comité devraient y consentir. Les documents ne sont pas secrets. Au cours de la séance, les députés ont fait allusion à ces documents et en ont lu des parties afin qu'elles figurent dans le compte rendu, de sorte que les documents peuvent être rendus publics. C'est une question de volonté de la part du Comité. Vous pouvez choisir de demander à la greffière d'afficher les documents sur le site Web du Comité, par exemple.
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Pour l'instant, il n'y a pas d'autre intervenant qui souhaite discuter de la question, à moins que d'autres personnes ne souhaitent s'exprimer à ce sujet.
Nous n'aurons pas le temps plus tard dans la journée. Le groupe d'experts de l'après-midi est compact, et je préférerais que la réunion ne déborde pas trop. Si vous avez des préoccupations concernant la décision de rendre publics les documents qui ont été remis au Comité, qui ne sont pas privés et que tout député peut consulter ou lire dans le dossier, nous sommes simplement...
Eh bien, je ne veux pas parler de la motion, mais je préfère la mettre aux voix et en disposer, s'il n'y a pas d'autres intervenants. S'il y a d'autres personnes qui souhaitent s'exprimer à ce sujet...
Vous avez la parole, madame Khalid.
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Nous sommes saisis d'une motion d'ajournement de la séance, qui ne peut pas faire l'objet d'un débat. Nous allons donc la mettre aux voix immédiatement.
Il y a égalité. Par conséquent, la présidence votera contre la motion.
(La motion est rejetée par 6 voix contre 5. [Voir le Procès-verbal])
Le président:
Nous en revenons à la motion de M. Bezan visant à rendre public ce que le Comité a reçu. Pour clarifier encore une fois les choses, je précise qu'il s'agit de documents publics. La question qui nous est posée est simplement de savoir s'il faut les publier. Ils sont publics. La question qui se pose à nous est de savoir si nous faciliterons ou non la tâche aux gens qui souhaitent les trouver.
Madame Khalid, la parole est à vous.
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Merci, monsieur le président.
Je veux juste clarifier ce point. Ce n'est pas que je sois opposée à la divulgation de documents ou à leur accessibilité au public. C'est la question de « l'absence de surprises pour nous ». Vous savez, nous sommes prêts à travailler avec toute l'équipe ici présente, et à la onzième heure, des motions arrivent.
Les membres ont nos coordonnées. J'aimerais travailler dans un esprit de collaboration plutôt que dans un esprit d'hostilité ou d'opposition.
Monsieur le président, je veux juste mettre ces documents à la disposition des députés qui sont prêts à travailler avec nous et à travailler sur ces questions importantes. Travaillons ensemble un peu plus, chers collègues.
Y a‑t‑il d'autres personnes qui souhaitent en discuter?
Je vais poser la question. Dans le format hybride, je vais la poser à l'envers. Y a‑t‑il quelqu'un qui s'oppose à la motion?
Des députés: Non.
Le président: Comme je ne vois personne s'opposer à la motion, la motion est adoptée.
(La motion est adoptée. [Voir le Procès-verbal])
Le président: Cela dit, la séance est levée, et nous serons de retour cet après-midi.