JUST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de la justice et des droits de la personne
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TÉMOIGNAGES
Le lundi 25 septembre 2017
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bon après-midi, mesdames et messieurs. Je vous souhaite un bon retour aux séances du Comité permanent de la justice et des droits de la personne pour notre examen du projet de loi C-46.
Je voudrais souhaiter la bienvenue à nos témoins. La Société canadienne des sciences judiciaires est représentée par Daryl Mayers, président du Comité des analyses d'alcool. Les Mères contre l'alcool au volant ont pour représentants Patricia Hynes-Coastes, présidente nationale et Andrew Murie, chef de la direction. Bienvenue.
Nous avons un autre témoin qui se joindra peut-être à nous. Quoi qu'il en soit, nous allons commencer par le témoignage de M. Mayers.
Monsieur Mayers, la parole est à vous.
Le Comité des analyses d'alcool de la Société canadienne des sciences judiciaires fournit des conseils scientifiques indépendants au ministre de la Justice au sujet de la détection et de la quantification des concentrations d'alcool dans le sang depuis une cinquantaine d'années. Nous sommes un groupe de scientifiques bénévoles dévoués et spécialistes de la mesure de l'alcoolémie dans l'haleine et dans le sang, déterminés à préserver la qualité des tests d'alcoolémie qui sont devenus la norme au Canada. Notre comité a établi des normes pour tous les appareils devant servir à mesurer l'alcoolémie au Canada et il évalue cet équipement. Il recommande des pratiques exemplaires pour les programmes d'analyse de l'haleine et recommande la procédure à suivre pour utiliser les appareils de façon à ce que les résultats soient à la fois exacts et fiables.
Le texte de ma déclaration fait mention d'une annexe et il y en a une. Je l'ai remise au greffier et je suis sûr que tout le monde la recevra en temps voulu.
Dans ma déclaration préliminaire, je vais aborder certaines questions relatives aux enquêtes et à la preuve qui bénéficieraient, selon nous, d'un examen scientifique plus approfondi.
Je parlerai d'abord des questions relatives aux enquêtes et du dépistage obligatoire. Le Comité des analyses d'alcool a soutenu publiquement ces contrôles en 2008 et plus récemment, l'année dernière, lorsque j'ai pris la parole devant un comité permanent. Il est important de comprendre que souvent, une personne peut avoir ses capacités affaiblies sans présenter de symptômes visibles susceptibles d'attirer l'attention d'un agent de police. Les éthylomètres approuvés peuvent détecter ces personnes et de plus, ces appareils sont scientifiquement fiables, déployés à grande échelle et bien acceptés par les tribunaux pour la détection de l'alcool dans le corps humain. La mise en oeuvre de ces mesures ne pose aucun problème sur le plan de la détection de l'alcool.
Je vais maintenant parler — j'ai essayé de le faire dans l'ordre — de l'article 320.28 proposé intitulé « Prélèvement d'échantillon d'haleine ou de sang ». On a fait valoir, je crois, que l'article 320.28 proposé, associé à l'alinéa 320.14(1)b) proposé mentionnant une alcoolémie de 80 milligrammes inciterait les policiers à procéder à des tests plusieurs heures ou même plusieurs jours après l'incident. Ce scénario hypothétique nous semble peu inquiétant lorsque je lis au sous-alinéa 320.28(1)a)(i) proposé qu'un technicien qualifié doit prélever les échantillons d'haleine qu'il jugera nécessaire à la réalisation d'une analyse convenable. Je peux vous dire qu'aucun technicien qualifié n'acceptera de faire cette analyse un jour après l'incident en raison de la formation qu'il a reçue pour devenir un technicien qualifié.
Il y a certaines questions relatives à la preuve dont nous voudrions parler. Je tiens d'abord à préciser au Comité que le Comité des analyses d'alcool estime que tout appareil canadien approuvé est, par définition, précis et fiable lorsqu'il est utilisé conformément à nos lignes directrices et qu'il fournira des résultats exacts et fiables quant à l'alcoolémie présente au moment des analyses. J'ai fourni au Comité l'ensemble de nos normes.
Le paragraphe 320.31(2) proposé porte sur les analystes, dont je fais partie, et nous craignons que cette disposition ouvre la porte au déferlement de requêtes pour divulgation qui a suivi les modifications de 2008 concernant l'éthylomètre. Nous avions alors répondu avec notre énoncé de principes indiquant les données et renseignements requis pour déterminer que l'appareil approuvé était en bon état de fonctionnement et donc fiable et exact. Cette disposition de la loi semble exposer les laboratoires judiciaires canadiens à ce qu'un de mes membres a qualifié d'attaque en règle contre le processus d'analyse.
Un grand nombre d'entre nous avons dû nous soumettre à une divulgation complète de nos dossiers, mais nous craignons que les requêtes englobent des renseignements sans rapport avec l'analyse. Les litiges que cela exigera pour clarifier la situation seront extrêmement coûteux. Toutes les analyses réalisées dans un laboratoire accrédité font l'objet d'une assurance de la qualité rigoureuse et s'accompagnent des mesures de contrôle de la qualité appropriées. Le Comité des analyses d'alcool estime que cela devrait être reflété d'une façon ou d'une autre dans la loi afin de limiter les requêtes pour divulgation qui mobilisent énormément de ressources et n'apportent rien de plus au juge des faits.
Pour passer rapidement à la présomption de l'alcoolémie, ces dispositions vont certainement exiger certains ajustements. Nos tribunaux pourraient exiger une allocation pour une calculatrice judiciaire. Néanmoins, nous voulons surtout faire valoir qu'étant donné le nouveau libellé de la loi, cette approche — c'est-à-dire celle qui permettrait au tribunal de faire certains calculs — n'amènerait probablement pas un tribunal à établir une alcoolémie préjudiciable à l'accusé.
Il est très improbable qu'un tribunal à qui une alcoolémie nulle serait présentée calcule, en suivant la formule, que l'alcoolémie était de 120 milligrammes d'alcool pour 100 millilitres de sang au moment des faits — soit 12 heures avant. Si cela arrive, je suis certain qu'on présentera au tribunal le témoignage scientifique d'un toxicologue compétent pour l'aider à comprendre pourquoi ce n'est pas acceptable.
Il nous semble évident que cette disposition vise à éliminer la nécessité de faire comparaître un toxicologue dans un procès chaque fois que l'alcoolémie se situe à la limite légale et que la présomption que prévoit la loi n'est plus permise en raison du temps écoulé. Nous aimerions savoir comment les tribunaux vont tenir compte du temps qui ne correspond pas à des intervalles précis d'une demi-heure et cela reste à voir, mais je suis certain que cela ne posera pas trop de problèmes.
Je voudrais parler brièvement de l'idée selon laquelle la présentation des preuves toxicologiques ne rallonge pratiquement pas la durée du procès. Je suis d'accord avec cette affirmation dans les cas simples. Je tiens néanmoins à informer le Comité qu'il ressort de ma brève analyse des causes typiques présentées devant la Cour de justice de l'Ontario, à Ottawa, qu'environ 8 à 12 étapes auxquelles participent six ou sept personnes différentes appartenant à trois organismes différents précèdent généralement la brève comparution de l'expert.
À propos de la communication des renseignements, les dispositions proposées au paragraphe 320.34(1) découlent de l'énoncé de principes de notre comité dans lequel nous disions: « Tout message produit par le dispositif pendant la procédure d'analyse de l'haleine du sujet qui indique — et j'insiste sur ce point — qu'une anomalie ou une erreur s'est produite devrait être fourni et évalué pour qu'on puisse analyser son impact éventuel sur les résultats de l'éthylomètre. Les messages produits à d'autres occasions n'ont pas de pertinence scientifique et n'ont pas à être examinés. »
L'alinéa 320.34(1)c) oblige à divulguer « les messages produits par l'éthylomètre approuvé au moment de la prise de l'échantillon ». Les messages produits ne sont pas tous inscrits sur la fiche des résultats du test. Par exemple, dans un de nos appareils approuvés, la mention « Please Blow/R » s'affiche à l'écran avant que la personne ne fournisse l'échantillon. Ce n'est imprimé nulle part, mais c'est un message associé à l'emploi de l'éthylomètre. La loi laisse entendre qu'il faudrait le divulguer alors que ce n'est pas vraiment nécessaire.
En ce qui concerne les dispositions suivantes, les paragraphes (3), (4) et (5) de l'article 320.34 — et nous faisons valoir le point de vue non pas de juristes, mais de scientifiques qui lisent ces articles — cela semble aller à l'encontre du paragraphe 320.34(1) qui précède. Les autres renseignements ne sont pas pertinents, mais ces dispositions laissent entendre qu'ils pourraient l'être et établissent les mécanismes permettant à l'avocat de les obtenir. À notre avis, cela pourrait relancer ce que j'appelle parfois « la guerre de la divulgation » qui a sévi peu après les modifications de 2008 au Code criminel. En partie grâce à notre énoncé de principes, la question des règles de divulgation a été réglée dans certaines provinces. Néanmoins, comme je l'ai dit, ces dispositions incitent à relancer le débat.
Je vais me réunir avec les membres du Comité des analyses d'alcool pendant le reste de la semaine. Le projet de loi C-46 est le premier sujet important que je propose d'inscrire à l'ordre du jour et si après avoir discuté des délibérations d'aujourd'hui nos membres estiment nécessaire d'apporter des améliorations ou des éclaircissements mieux que je ne l'ai fait, ce qui est certainement possible, nous vous soumettrons nos observations. Nous tâcherons de le faire avant la fin de notre réunion qui se terminera jeudi. Nous allons essayer de régler cette question rapidement, si nécessaire.
Je voudrais remercier le Comité de nous avoir accordé la parole.
Merci beaucoup, monsieur Mayers.
Nous passons maintenant à Mères contre l'alcool au volant et je donne la parole à Mme Hynes-Coates.
Bon après-midi. Merci infiniment de nous donner la parole.
Je m'appelle Patricia Hynes-Coates et je suis la présidente nationale de MADD Canada.
Comme de nombreuses personnes qui participent à MADD, ma vie a été changée pour toujours parce qu'une autre personne a décidé égoïstement de conduire alors que ses facultés étaient affaiblies par la drogue ou l'alcool. Le 16 août 2013, mon beau-fils, Nicholas Coates, a été tué par un conducteur en état d'ébriété. Nick se rendait au travail en motocyclette. L'homme qui l'a frappé conduisait sa camionnette. Il était 11 h 17 du matin. Cet homme avait bu la veille et le matin de la collision.
Nicholas était un fils. C'était mon beau-fils. C'était un frère, un oncle et un fiancé. C'était un jeune homme bon et travailleur. Il était ingénieur civil. Il avait seulement 27 ans quand il a tragiquement perdu la vie. Comme dans le cas de toutes les collisions résultant de la conduite avec facultés affaiblies, la mort de Nicholas a dévasté beaucoup de gens. Elle a changé pour toujours la vie de notre famille, des amis de Nicholas et de notre collectivité. C'est une mort insensée.
C'est, je pense, une des choses les plus difficiles à accepter. Nicholas est mort parce qu'une personne a fait le choix égoïste de monter dans sa voiture ce jour-là et à cause de cela, Nicholas n'est plus avec nous.
Il est impossible de décrire la douleur que toute la famille éprouve chaque jour qui passe. La conduite avec facultés affaiblies bouleverse la vie des familles et de tout le monde à tout jamais. Mon mari se réveille encore la nuit, en sueur et angoissé en revoyant son petit garçon, Nicholas, passer devant lui sur un brancard entouré de médecins et d'infirmières. La seule chose qui restait dans le couloir était une traînée de sang.
L'histoire de ma famille n'est qu'une des milliers d'histoires semblables qui surviennent dans notre pays. J'ai voyagé d'un bout à l'autre du Canada et j'ai pu constater les effets dévastateurs de la conduite avec facultés affaiblies. J'ai vu récemment un garçonnet de neuf ans qui essayait d'allumer un cierge à l'église en l'honneur de son frère. Ses pleurs raisonnaient dans toute l'église. C'était bouleversant. Personne ne devrait avoir à ressentir une telle douleur, encore moins un enfant.
La conduite avec facultés affaiblies ne cause pas seulement la mort. Elle cause aussi des blessures dévastatrices et invalidantes dont certaines ne guériront jamais.
J'ai récemment parlé à un père qui m'a dit que lorsque son fils a été victime d'une collision le lendemain de Noël, il a dû décider si son fils devait vivre ou mourir. Il a choisi la vie et il en est éternellement reconnaissant, mais ce jeune homme autrefois plein d'énergie ne peut plus s'habiller ou se nourrir seul. Voilà la destruction que cause la conduite avec facultés affaiblies, tout cela à cause du choix qu'une autre personne a fait.
Le jour où mon mari et moi avons conduit Nicholas dans sa dernière demeure, nous lui avons promis que nous ne l'oublierions jamais et que nous ne trouverions pas de repos tant que nous n'aurions pas gagné le combat contre la conduite avec facultés affaiblies. C'est ce combat qui m'a amenée ici aujourd'hui.
Je suis là pour parler au nom de ceux qui ne peuvent plus parler pour eux-mêmes, pour parler au nom de Nicholas et des autres victimes de tout le pays. En tant que mère, grand-mère et épouse, je sais qu'une fois que nous perdons les êtres qui nous sont chers à cause de la conduite avec facultés affaiblies, il est trop tard. Nous ne pouvons rien faire d'autre et c'est pourquoi je suis ici pour inviter le gouvernement à adopter les lois et modifications cruciales qui figurent dans le projet de loi C-46 afin de réduire la conduite avec facultés affaiblies, d'éviter les accidents et de sauver des vies.
Merci.
Je vais céder le reste de mon temps à mon chef de la direction, Andy Murie.
J'aimerais débuter en remerciant notre présidente nationale, Patricia Hynes-Coates, d’avoir le courage de partager son histoire et pour sa présence aujourd’hui au nom de milliers de victimes de la conduite avec facultés affaiblies partout au Canada.
Dans mes remarques d'aujourd’hui, je mettrai l’accent plus spécifiquement sur ce que nous considérons comme l’élément majeur du projet de loi C-46 — et, en fait, ce que nous croyons être la plus importante mesure de lutte contre la conduite avec facultés affaiblies présentement disponible — soit les tests d'alcoolémie obligatoires.
Nous soutenons d’autres mesures incluses dans le projet de loi, comme les changements au niveau des procédures et de la preuve qui, s’ils sont adoptés, répondraient à certaines inquiétudes techniques par rapport à la loi présentement en vigueur, à certaines décisions douteuses de la cour et à d’autres obstacles qui nuisent aux efforts d’application de la loi et de mise en accusation dans les cas de conduite avec les facultés affaiblies. Moins de conducteurs aux facultés affaiblies éviteraient la responsabilité criminelle de leurs actes en raison de facteurs n’ayant aucun rapport avec leur comportement criminel et ceux qui sont reconnus coupables seraient assujettis à des sanctions plus onéreuses.
MADD Canada soutient également très fermement les mesures touchant la conduite sous l’effet de la drogue, les trois niveaux limites per se, l’utilisation des tests de dépistage par analyse de salive et la réduction de la période de suspension de permis dans le cadre des programmes d’antidémarreurs éthylométriques.
Le bilan du Canada en matière de conduite avec facultés affaiblies est lamentable. En 2016, le Centre for Disease Control des États-Unis a publié un rapport dans lequel on indique que le Canada a le plus important pourcentage de décès lors de collisions de la route impliquant la consommation d'alcool parmi 20 pays économiquement développés qui ont été étudiés.
MADD Canada soutient fermement et fait la promotion de nouvelles lois qui visent très spécifiquement à décourager les comportements à risque. Nous devons dissuader les conducteurs de prendre le volant lorsqu’ils ont consommé trop d’alcool. Nous devons les dissuader avant qu’ils ne causent une collision qui tuera ou blessera quelqu’un; c’est pourquoi nous devons autoriser les policiers à utiliser les tests d’alcoolémie obligatoires.
Avant de parler des bénéfices des tests d'alcoolémie obligatoires, je me dois de corriger certaines perceptions faussent à leur sujet. Les meilleures pratiques en matière de tests d'alcoolémie obligatoires exigent que tous les véhicules soient vérifiés et que tous les conducteurs fournissent un échantillon d'haleine. Les tests d'alcoolémie obligatoires fonctionnent de la même façon que les fouilles obligatoires aux aéroports, sur la Colline parlementaire, dans les cours de justice et autres édifices gouvernementaux.
Certaines personnes ont soutenu que les tests d'alcoolémie obligatoires mènent au harcèlement, à la discrimination et au profilage de certains groupes, notamment les minorités visibles, par les forces de police. Aucune inquiétude quant à l'usage inadéquat de cette mesure n'a été trouvée dans toute la littérature au sujet des tests d'alcoolémie obligatoires ou dans la pratique.
Le Canada utilise présentement les tests d’alcoolémie sélectifs et seuls les conducteurs soupçonnés d’avoir consommé peuvent être soumis à ce test. Les recherches ont démontré qu’avec cette façon de faire, les policiers n’arrivent à identifier qu’une faible portion des conducteurs dont les facultés sont légalement affaiblies. Ils n’arrivent pas à identifier 90 % des conducteurs dont le taux d’alcoolémie se situe entre 0,05 % et 0,079 % et ils n’arrivent pas à identifier 60 % des conducteurs dont le taux d’alcoolémie est supérieur à 0,08 %.
Un député du Parlement, Bill Blair, secrétaire parlementaire du ministre de la Justice et procureur général, a déclaré au Parlement le 9 juin 2016: « L'impossibilité d’éviter le test d'alcoolémie s'ils se font arrêter aura un effet très dissuasif sur les gens qui choisissent de conduire en état d'ébriété. Je rappelle à la Chambre que cet effet dissuasif a été démontré à maintes reprises dans de nombreux autres pays. »
Je peux vous citer des chiffres, mais ce graphique est suffisamment éloquent. Ce sont les résultats en Irlande qui a adopté le dépistage obligatoire en 2006. Ce pays a enregistré une diminution considérable du nombre de décès et de blessures.
L'autre avantage vraiment important du dépistage obligatoire est qu'il dissuade les conducteurs de prendre le volant lorsqu'ils ont consommé de l'alcool et qu'ils décideront donc de ne pas le faire. Comme l'incidence de la conduite avec facultés affaiblies diminuera, il y aura une baisse importante du nombre de personnes mises en accusation. Je sais que des témoins vous ont dit que cela surchargerait nos tribunaux. C'est exactement l'inverse. Il n'existe aucune preuve de répercussions négatives sur le système de justice dans les pays qui ont adopté le dépistage obligatoire.
Nous ne nous attendons pas aux mêmes résultats que ceux de l'Irlande. Nous nous attendons à une réduction d'environ 20 % du nombre de décès et de blessures et cela permettrait donc de prévenir plus de 200 décès et plus de 12 000 blessures par année. Nous pourrions également économiser environ 4,3 milliards de dollars.
Pour ce qui est du soutien des tests d’alcoolémie obligatoires par les citoyens, il augmente après leur mise en place. Par exemple, en 2002, 98,2 % des conducteurs du Queensland soutenaient les tests d’alcoolémie obligatoires.
Il existe déjà un soutien important des tests d’alcoolémie obligatoires par les Canadiens. Dans un sondage effectué en 2009, 66 % des Canadiens s’étaient dit en faveur d’une loi qui autoriserait les policiers à utiliser les tests d’alcoolémie obligatoires. En 2010, un sondage d’Ipsos Reid a démontré que 77 % des Canadiens étaient fortement en accord ou plutôt en accord avec la mise en place des tests d'alcoolémie obligatoires. Une fois informés du potentiel des tests d’alcoolémie obligatoires dans la réduction des décès attribuables à la conduite avec facultés affaiblies, 79 % des répondants ont déclaré qu’il s’agit d’une intrusion raisonnable pour les conducteurs.
La semaine dernière, vous avez entendu le témoignage de mon collègue Robert Solomon, au sujet de la Charte canadienne des droits et libertés. Je ne répéterai pas ce genre d'arguments, mais en 2015, on estime que 131 millions de passagers sont montés à bord d'un avion et en sont descendus au Canada. Il n'est pas inusité pour ces passagers d'avoir à retirer leurs souliers, leur ceinture, leurs bijoux ou de voir leurs effets personnels soumis à un test de dépistage d'explosif, être radiographiés à la recherche d'armes ou encore d'avoir à se soumettre à une fouille manuelle. Il n'est pas rare d'avoir à attendre 10 ou 15 minutes pour être soumis à ces tests de dépistage. Ces tests sont acceptés parce qu'ils servent à assurer la sécurité du public.
À parler franchement, beaucoup plus de Canadiens sont tués dans des collisions attribuables à la consommation d'alcool chaque année que dans des attaques impliquant un avion. Tout comme les procédures en place aux aéroports, les tests d'alcoolémie obligatoires respectent la Charte.
En conclusion, MADD Canada demande au présent gouvernement de faire preuve de leadership et d'approuver le projet de loi C-46. Merci infiniment.
Je vous remercie beaucoup pour cet exposé. Il était très convaincant et très émouvant.
Nous avons le plaisir d'accueillir le dernier témoin de ce groupe, M. John Bates, chef de police de la Saint John Police Force.
Monsieur Bates, vous avez la parole.
Merci, monsieur le président.
Membres distingués du Comité, c'est pour moi un plaisir et un honneur de pouvoir parler avec vous aujourd'hui.
Comme c'était le cas de notre président de l'ACCP, Mario Harel, qui a parlé avec vous la semaine dernière, c'est la première fois que je comparais devant le Comité — n'importe quel comité de la Chambre, d'ailleurs — et je considère que c'est un privilège, même si c'est assez déconcertant.
L'ACCP a déjà fait connaître au Comité sa position au sujet du projet de loi C-46, un projet de loi très technique, et je n'ai pas l'intention de réitérer ses opinions extrêmement judicieuses et valides. Néanmoins, je vais certainement aborder et renforcer certaines d'entre elles. Je vais parler de certaines questions précises et j'espère également faire valoir un certain nombre de réserves ou de principes fondamentaux.
Je voudrais d'abord mentionner, comme mes collègues l'ont déjà fait, que le projet de loi C-46 contient des changements très positifs qui serviront à améliorer la sécurité des Canadiens face au fléau de la conduite avec facultés affaiblies. De plus, le financement récemment annoncé a, je crois, reçu un bon accueil de la part de la police dans l'ensemble du pays et nous aidera dans une large mesure à nous préparer pour ce qui découlera du projet de loi C-45.
Je vais vous présenter mon propre point de vue qui est aussi celui d'un chef d'un service de police de petite ou moyenne taille. Même si je suis son vice-président, je ne suis pas ici pour représenter l'Association des chefs de police du Nouveau-Brunswick. Environ les trois quarts de toutes les organisations policières du Canada entrent dans la catégorie des services de police de petite ou moyenne taille et emploient environ 50 % des policiers de tout le pays.
Je dirais au Comité qu'avec le projet de loi C-46 et la légalisation de la marijuana conformément au projet de loi C-45, le Parlement est confronté à ce que Horst Rittel et Melvin Webber ont décrit comme un « problème épineux » de politique publique. Nous pouvons dire qu'il s'agit bien d'un problème épineux, selon la définition qu'en donne Brian Head dans « Wicked Problems in Public Policy » — et je vais le paraphraser — la complexité, l'incertitude et le désaccord n'ayant pas une cause unique, il n'y a pas de solution optimale pour s'attaquer aux problèmes.
Vous avez certainement entendu des opinions divergentes au cours de vos délibérations. Permettez-moi de parler brièvement de certaines des choses que j'ai examinées en prévision de juillet 2018.
Quels que soient les résultats des tests faits au moyen des appareils de dépistage des drogues par voie orale, j'estime que cette science ou son application ne sont pas prêtes. Je crois que l'ACCP a émis des réserves à l'égard du libellé de la loi relatif aux appareils de dépistage de drogue par voie orale.
En outre, il faut se demander quelle place les appareils de dépistage de drogue par voie orale occuperont dans la procédure d'enquête sur la conduite avec facultés affaiblies par la drogue. D'autre part, quelle est la corrélation entre la concentration de drogues dans la salive, le sang ou les tissus adipeux et quels sont les niveaux de concentration qui affaiblissent effectivement les facultés, du point de vue scientifique, par rapport aux niveaux que nous avons pour l'alcool?
En examinant la science, nous nous sommes interrogés sur l'effet combiné de l'alcool et du cannabis ou d'autres drogues. Il y a un effet additionnel lorsque la combinaison disons d'alcool et de cannabis se traduit par un plus un égale deux. Mais il y a aussi la synergie des stupéfiants et des drogues qui quintuple les effets, car les effets de l'un augmentent les effets de l'autre, puis il y a la potentialisation qui peut décupler lorsque davantage de drogues sont associées à l'alcool. J'attire seulement votre attention sur cette possibilité et la problématique que peut engendrer un cocktail de cannabis.
Il faut reconnaître que la légalisation de la marijuana sera suivie d'une augmentation de l'incidence de la conduite avec facultés affaiblies; les études le démontrent. Je crois pouvoir dire avec certitude, et cela ne vous étonnera pas, que la plupart des services de police ne sont pas encore prêts pour faire face à ce que le projet de loi C-45 pourrait causer sur nos routes et chemins. Même si tout se déroule comme prévu d'ici juillet 2018 et que nous sommes prêts, nous le serons tout juste.
À titre d'exemple, au Nouveau-Brunswick, le nombre d'incidents de conduite avec facultés affaiblies par la drogue rapportés par la police a augmenté de 193 % entre 2008 et 2016 et la hausse a été de 54 % depuis 2013. Nous comptons actuellement dans notre province 18 experts en reconnaissance de drogues et 100 agents formés pour administrer le test de sobriété normalisé. Nous avons environ 40 % du nombre d'experts en reconnaissance de drogues dont notre province a besoin et nous sommes une petite province.
Malgré l'injection de fonds supplémentaires pour la formation et, espérons-le, les ressources nécessaires pour assurer la formation, si nous réussissions même à doubler ces chiffres au cours des cinq prochaines années, en supposant qu'il n'y ait pas d'attrition, nous n'aurions pas encore suffisamment d'agents. D'après mes renseignements, le taux d'attrition des experts en reconnaissance de drogues frise les 50 % au Canada depuis 2013.
Je peux seulement parler au nom de la Saint John Police Force, mais j'ai constaté récemment qu'il était difficile de trouver, d'obtenir et de financer des programmes de formation étant donné la nécessité de se rendre à divers endroits pour suivre les nombreux cours de formation différents que le travail policier exige de nos jours.
L'augmentation du nombre d'agents chargés des tests de sobriété normalisés, que j'appuie entièrement, obligera à augmenter au moins dans la même proportion le nombre d'experts en reconnaissance de drogues pour assurer la continuité du dispositif d'enquête sur la conduite avec facultés affaiblies par la drogue. Nous craignons, à juste titre selon moi, que la demande de formation soit plus importante que l'offre. Ce sera un peu comme chercher à vider une piscine olympique extérieure avec un boyau d'arrosage sous une pluie battante.
Il faut également tenir compte de la capacité des laboratoires de test, des conséquences de l'arrêt Jordan et de la formation des policiers de première ligne. Comme je l'ai dit, mes collègues de l'ACCP ont fait valoir au Comité notre position concernant le projet de loi C-46 et même si nous appuyons le projet de loi, je pense qu'ils ont demandé instamment le report de son entrée en vigueur prévue pour juillet 2018. J'appuie également ce report aujourd'hui.
L'équité procédurale exige que la loi soit appliquée de façon raisonnable et égale partout au Canada. L'équité procédurale suppose la disponibilité des ressources nécessaires pour appliquer la loi de façon égale d'un bout à l'autre du pays. Si nous n'avons pas et n'appliquons pas de bonnes connaissances scientifiques et si nous ne sommes pas bien préparés dans les délais voulus, nous pourrions laisser aux tribunaux le soin de définir le processus, les normes et les pratiques exemplaires. Je dirais que ce rôle revient au gouvernement, à l'ACCP et à la collectivité. Il est parfaitement injuste de s'attendre à ce que les tribunaux fassent notre travail, ce qui pourrait avoir des résultats indésirables ou inattendus.
Je sais qu'on a beaucoup réfléchi aux conséquences que cela pourrait avoir du point de vue de la Charte. Si la loi ou la réglementation sont conçues en tenant compte de la complexité du problème, de l'adaptation nécessaire et du fait qu'il s'agit d'un problème épineux, et si l'on prévoit suffisamment de ressources, de formation et de temps, nous pourrons être prêts. Je ne suis pas très optimiste quant à la possibilité que nous y parvenions d'ici 2018 en ce qui nous concerne, mais j'espère quand même que ce sera le cas.
Pour conclure, je demanderais au Comité de tenir compte, comme il l'a certainement déjà fait, de deux principes directeurs pour ce problème épineux. Premièrement, nous devons établir les conditions initiales, la loi, de façon mûrement réfléchie. Deuxièmement, nous devons concevoir la loi et la réglementation de façon à ce qu'elles puissent être constamment adaptées, en collaboration et de façon éclairée. Par exemple, je crois que le projet de loi contient actuellement une liste de sept catégories de drogues. Je ne rédige pas les lois, bien sûr, mais je demande simplement si nous ne risquons pas de nous lier les mains. Nous savons que la situation évoluera.
J'espère sincèrement que nous ferons les choses comme il faut et que nous disposerons du temps nécessaire pour cela. Une fois que le produit final, la loi, entrera en vigueur, c'est aux agents de police de première ligne qu'il incombera de l'appliquer et d'assurer la sécurité du public. Il sera crucial de disposer d'une bonne formation, de ressources humaines suffisantes, du bon matériel et d'une loi solide. Le fardeau pourrait être lourd et les corps policiers souhaitent sincèrement que tout aille bien.
Je remercie le Comité de son invitation à comparaître aujourd'hui.
Merci beaucoup, monsieur Bates.
Nous passons maintenant aux questions en commençant par M. Nicholson.
Merci beaucoup, monsieur le président et je remercie nos témoins. Ils nous ont beaucoup aidés à mieux comprendre le projet de loi et les différentes problématiques. Je l'apprécie vivement.
M. Cooper prendra le temps qu'il me restera.
Pourrais-je commencer par vous, monsieur Mayers? Vous avez abordé un des sujets dont nous avons parlé la semaine dernière à propos des questions relatives à la preuve et aux échantillons d'haleine. Je suis content que vous ayez mentionné le paragraphe 320.31(4) proposé qui prévoit, s'il s'est écoulé plus de deux heures après que la personne a cessé de conduire le moyen de transport, une majoration de 5 milligrammes d'alcool par 100 millilitres de sang pour chaque période de 30 minutes qui excède ces deux heures. Nous avons entendu dire, la semaine dernière, que cela pourrait être très problématique.
Vous avez dit quelque chose d'intéressant. Vous avez dit que si on demandait à un expert de faire cette analyse un ou deux jours plus tard, il refuserait de la faire. Le simple fait que cette possibilité existe dans cet article ne pose-t-il pas des problèmes? Nous essayons encore d'y voir clair. J'essaie d'y voir clair, pour vous dire la vérité.
Cela m'inquiète peu, car comme je l'ai dit à propos d'une affaire précédente, je ne pense pas que ce genre de cas puisse se présenter dans un tribunal. Aucun des techniciens que j'ai formés, et j'en ai probablement formé des milliers, ne procéderait à un test en sachant qu'il s'est écoulé 24 heures ou 12 heures depuis l'incident. Même si ce genre de cas est assigné à un tribunal, il serait extrêmement inhabituel, qu'en l'absence de données scientifiques, un juge se permette de faire ce genre d'extrapolation pour une telle durée.
J'ai fait des extrapolations de ce genre dans différentes sortes de procès, par exemple dans les causes d'agression sexuelle lorsque la victime n'a aucune trace d'alcool dans le sang alors qu'on allègue qu'elle a consommé de l'alcool au moment de l'incident. L'approche scientifique exigerait que si le résultat était nul 12 heures avant, je situe l'alcoolémie entre zéro et 240 milligrammes d'alcool pour 100 millilitres de sang, car je dois tenir compte de la possibilité que le taux a toujours été nul, mais aussi d'un élément que les juges ne retiendront pas. C'est le fait que certaines personnes ont un taux d'élimination plus élevé. Cela donne donc un large éventail de possibilités.
Étant donné l'argent et les ressources qu'elle pourrait économiser, je comprends pourquoi cette disposition figure là. Comme cela pourrait me priver de travail, je n'en suis pas certain.
Je plaisante, bien entendu. En réalité, comme je l'ai dit, je ne pense pas que cela puisse causer des préjudices à l'accusé.
Bien. Merci.
Monsieur Murie, vous avez entendu M. Bates dire que la légalisation de la marijuana allait augmenter l'incidence de la conduite avec facultés affaiblies. Est-ce également votre conclusion?
C'est ce qui s'est passé dans les États américains qui ont légalisé la marijuana, mais n'oublions pas que lorsqu'ils l'ont fait de façon désordonnée, par voie de scrutin, la police ne disposait d'aucun instrument.
Ils n'avaient pas la possibilité de faire le dépistage par voie orale. Les limites légales ont été établies sans données scientifiques et sans grande réflexion.
Au Canada, nous pouvons aussi prévoir des sanctions provinciales au niveau administratif. Nous avons nos programmes pour l'alcool. Ils peuvent être très efficaces. Si vous prenez la situation en Colombie-Britannique où quelqu'un qui atteint la fourchette d'avertissement voit son véhicule mis en fourrière pendant trois jours et son permis suspendu pour trois jours, le nombre de décès reliés à l'alcool a diminué de 50 %. Si nous pouvons mettre ce genre de mesures en place également pour la drogue, simplement en cas d'échec au test de sobriété normalisé ou au test de dépistage par voie orale ou un ensemble des deux, nous serons beaucoup plus efficaces que les Américains.
Un des exemples que vous nous avez donnés au sujet des contrôles routiers est qu'ils ne permettent pas de détecter les personnes qui se situent aux alentours de 0,05 à 0,079 %, je crois. Est-ce que ce ne sera pas encore plus compliqué si la personne a fumé un joint ou deux? Son alcoolémie n'augmentera pas et la police devra essayer d'établir si ses capacités sont affaiblies ou non.
Dans de nombreux cas — surtout avec la mise en place du dépistage obligatoire — si la police détecte que l'intéressé se situe au-dessus de la fourchette d'avertissement, les sanctions sont les mêmes et la procédure est plus simple. La police se sert simplement de l'alcoolémie lors du prélèvement sur la route, ce qui facilite les choses.
S'il n'y a pas présence d'alcool, les agents envisagent la possibilité d'une consommation de drogues. Nous sommes les seuls à disposer de cette sanction provinciale.
Pensez-vous que les sanctions provinciales rendent la légalisation de la marijuana acceptable? Est-ce bien ce que vous dites?
Cela m'inquiète.
Je peux seulement parler des gros efforts qui sont déployés au Nouveau-Brunswick. Je sais que le gouvernement essaie de mettre une réglementation en place en temps voulu.
Vous l'avez fait, mais M. Cooper pourra participer aux brèves interventions que nous aurons à la fin.
Monsieur Fraser.
Merci beaucoup, monsieur le président. Merci beaucoup à tous d'être venus nous faire vos exposés.
Je voudrais commencer par vous, monsieur Murie et madame Hynes-Coates. Nous avons entendu dire — je pense que c'était lors de notre dernière séance — que le Canada obtenait de bons résultats contre la conduite avec facultés affaiblies et que l'incidence de la conduite avec facultés affaiblies avait diminué au Canada ces dernières années. Je pense que ce n'est pas conforme à la réalité. Je remarque que vous dites dans votre mémoire qu'en 2016, aux États-Unis, Centers for Disease Control a publié un rapport indiquant que le Canada était des 20 pays riches examinés celui où le pourcentage de décès résultant de collisions reliés à l'alcool était le plus élevé, soit de 33,6 %.
Je voudrais savoir, madame Hynes-Coates, si vous pensez que le Canada obtient de bons résultats à l'égard de la conduite avec facultés affaiblies parce que nous avons enregistré une diminution ces dernières années ou si vous avez quelque chose à ajouter à cela, monsieur Murie.
Le Canada a enregistré une diminution spectaculaire des décès reliés à l'alcool. Si vous remontez aux années 1980, c'est plutôt 70 % des décès résultant d'accidents de la route qui étaient reliés à l'alcool. Nous sommes maintenant tombés à 33,6 % comme Centers for Disease Control l'a mentionné.
Il faut admettre que les autres pays s'en sont mieux tirés que nous. Une des raisons à cela est que la majorité d'entre eux ont une limite légale plus faible et le dépistage obligatoire. Ces deux éléments semblent contribuer à réduire le nombre de décès et de blessures de même que le nombre d'accusations portées devant les tribunaux.
Le Canada a réalisé des progrès importants. Ce n'est pas faux, mais quand nous nous comparons avec les autres pays riches, au niveau international, nous avons pris du retard.
Pour ce qui est du dépistage sélectif par opposition au dépistage obligatoire, vous avez dit que le dépistage sélectif laissait passer 60 % des personnes dont l'alcoolémie dépassait 0,08 %, et 90 % de ceux dont le taux se situait entre 0,05 et 0,079 % . À quoi attribuez-vous cela?
La raison bien simple est que les personnes qui conduisent après avoir bu ne manifestent pas… L'intervention de l'agent de police est très rapide et s'il n'y a pas de signes évidents d'intoxication à ce moment-là, il n'y a pas de détection. Souvent, lorsque l'alcoolémie est de 0,05 %, cette brève interaction ne permet pas de constater ces signes, car les agents du point de contrôle de la sobriété passent rapidement d'une personne à l'autre.
Les chiffres concernant les arrestations sont intéressants. Si vous examinez les circonstances des arrestations, 70 % ont eu lieu parce qu'une patrouille routière a constaté des fautes de conduite, 24 % lors d'une collision et 6 % suite au passage à un point de contrôle de la sobriété. Bien entendu, l'observation est la meilleure méthode et la possibilité de soumettre immédiatement les conducteurs à l'éthylomètre est très efficace.
Merci beaucoup.
Monsieur Mayers, vous avez parlé de la présomption que prévoit la loi à l'égard de l'alcoolémie. Vous avez parlé d'une calculatrice pour les tribunaux.
Pourriez-vous nous en dire plus? Je n'ai pas très bien compris de quoi vous parliez.
J'ai fait seulement une mauvaise plaisanterie en laissant entendre que les juges devront maintenant ajouter cinq milligrammes par demi-heure et qu'ils auront peut-être besoin d'une calculatrice pour le faire.
Ce n'est pas grave. Je n'avais pas saisi la plaisanterie, comme cela m'arrive parfois. Merci.
Je vais passer au chef de police Bates. Vous avez dit que la conduite avec capacités affaiblies par la drogue est en augmentation dans votre ville. Je suppose que vous constatez, comme de nombreux autres corps de police du pays, que la consommation de cannabis est très répandue chez les jeunes et qu'elle est en augmentation.
Voyez-vous des adolescents et des jeunes conduire avec capacités affaiblies par le cannabis dans votre ville?
Je ne peux pas vraiment me prononcer dans un sens ou dans l'autre. Ce qu'on a dit au sujet de l'augmentation de la conduite avec capacités affaiblies par la drogue… Il y a un vieil adage qui circule chez nous: « Si vous voulez doubler le problème de la drogue dans votre ville, doublez votre brigade des stupéfiants. » Je pense qu'un des principaux facteurs d'augmentation est probablement le fait que la police a pris des mesures pour former des experts en reconnaissance de drogues et des agents chargés d'administrer les tests de sobriété normalisés. À mon avis, l'augmentation des chiffres est en partie attribuable aux policiers qui sont sur le terrain pour faire ces arrestations. Cela me semble évident.
Pour dire qu'on peut s'attendre à une augmentation de la conduite avec capacités affaiblies par la drogue, je me base simplement sur les chiffres émanant des États-Unis: du Colorado et de l'État de Washington. Nous supposons, à partir de ces chiffres, que nous verrons davantage de gens conduire avec leurs capacités affaiblies par la drogue.
Votre force policière a-t-elle vu augmenter le nombre de personnes accusées de conduite avec capacités affaiblies par la drogue? C'est ce que laissait entendre votre témoignage précédent.
Oui. Je peux vous dire qu'à Saint John, nous avons vu les chiffres augmenter. J'ai recueilli les chiffres pour la province. Je n'ai pas de chiffres pour la ville de Saint John comme telle, mais je peux vous dire que nous avons un expert en reconnaissance de drogues qui vit dans une autre ville du Nouveau-Brunswick et qu'il aide régulièrement cette ville pour ses examens en dehors de ses heures de travail.
Compte tenu de cette augmentation, diriez-vous que le financement supplémentaire annoncé pour fournir à la police des outils, une formation et des ressources, ainsi que les limites légales, vous aidera à faire face à l'incidence de la conduite avec capacités affaiblies par la drogue?
J'espère vivement que oui et j'ai grand-hâte de voir comment cet argent ira jusqu'aux organismes policiers au niveau local.
Merci.
Je voudrais d'abord adresser mes questions à Mères contre l'alcool au volant et remercier Mme Hynes-Coates d'avoir rappelé au Comité les terribles pertes que les familles canadiennes ont subies. C'est un point de vue qui nous est très précieux lorsque nous examinons les statistiques et ce genre de choses. Comme cela nous est très utile, merci d'être venue.
Monsieur Murie, vous avez dit que vous-même et MADD souteniez le dépistage obligatoire pour l'alcool et vous avec mentionné que cela nous permettrait d'économiser 4,3 milliards de dollars, si j'ai bien compris. Quelle est la source de ce chiffre et qu'est-ce qu'il inclut?
La source est une étude de Transports Canada qui a calculé le nombre de décès et de blessures ainsi que leur coût. À partir de ce coût, nous avons estimé ce qu'une diminution de 20 % des décès et des blessures permettrait d'économiser. Nous avons tenu compte de la perte de vie, du système et des soins hospitaliers. Il y a eu une évaluation détaillée et complète des pertes subies.
Je sais que Mères contre l'alcool au volant a appuyé le principe de ce qu'on appelle une limite légale pour le cannabis. Je crois que MADD est d'accord avec une limite de cinq nanogrammes pour un prélèvement d'échantillon de liquide buccal. Selon certains témoignages au sujet des limites légales, cela pourrait poser des problèmes. J'aimerais que vous nous en parliez un peu plus.
Je demanderai ensuite à M. Mayers s'il a des renseignements scientifiques qui pourraient nous éclairer un peu, même si je me rends compte que votre champ d'expertise est l'alcoolémie.
Monsieur Murie.
Nous pensons que le projet de loi C-46 qui prévoit trois limites différentes, établit des bonnes bases préliminaires en ce qui concerne les limites légales pour la drogue. Pour ce qui est de la déclaration de culpabilité par procédure sommaire pour une concentration de deux à cinq nanogrammes, il y a également de nombreuses études à ce sujet. Ces études posent trois problèmes.
Le premier est la puissance du THC que les chercheurs ont pu utiliser pour leurs études. Elle est très faible par rapport à celle du cannabis en circulation. Deuxièmement, toutes ces études ont été faites sur des simulateurs de conduite et non pas sur la route. Ces recherches sont très différentes de celles que nous faisons et avons faites jusqu'ici pour l'alcool. Troisièmement, comme le THC se dissipe rapidement dans l'organisme, contrairement à l'alcool, au moment où le conducteur a pris le volant, sa concentration était probablement beaucoup plus élevée que lorsqu'il a subi le test de sobriété normalisé ou le prélèvement de liquide buccal, ou lorsqu'on a exigé une prise de sang et qu'il a été conduit à un endroit où l'on pouvait prélever le sang, et il y a…
Merci.
Monsieur Mayers, je sais que vous êtes spécialiste dans un domaine différent, mais avez-vous réfléchi aux limites légales pour le cannabis?
Comme je sens le regard de la présidente du Comité sur la conduite sous l'influence des drogues, qui est dans l'auditoire, me transpercer le dos, je m'abstiendrai de répondre à toute question à ce sujet. Je répondrai certainement à toute question concernant les limites légales pour l'alcool.
Très bien. Dans votre rapport, vous énumérez plusieurs annexes sur les normes recommandées. Je n'ai pas très bien compris si vous recommandiez de modifier ces normes en raison du projet de loi C-46 ou si vous les avez seulement incluses pour nous informer?
C'est seulement à titre d'information. Comme je l'ai mentionné, je les ai simplement fournies pour que le Comité puisse les examiner plus rapidement.
Monsieur Bates, vous avez bien insisté sur le fait que dans votre région, la police n'était pas prête et qu'elle le serait peut-être à peine en juillet. Pourtant, vous vous êtes réjoui du financement que le gouvernement fédéral a annoncé.
Je n'ai pas très bien compris. Avez-vous des modifications à suggérer à la loi? N'oubliez pas, monsieur, que nous sommes ici pour parler du projet de loi dont nous sommes saisis. Avez-vous des changements à suggérer pour cette loi?
Non. Ce qui m'a frappé dans la loi, c'est simplement… Il y a deux choses. Je pense que la loi prévoit, mentionne ou envisage des tests de sobriété normalisés et peut-être en même temps un prélèvement de liquide buccal pour pouvoir ensuite exiger une prise de sang. Ce n'est pas vraiment un continuum, et je ne conçois donc pas très bien le déroulement du processus.
Nous avons peut-être besoin de plus de précisions.
Je voudrais revenir, si possible, à M. Mayers. Votre déclaration écrite était excellente. Je voudrais seulement savoir, encore une fois, si vous formulez une recommandation.
Vous avez parlé de la fameuse guerre de la divulgation qui a fait suite aux amendements de 2008 et vous avez dit que la question avait été réglée, d'une certaine façon, dans plusieurs provinces. Mais vous avez ajouté « Un grand nombre d'entre nous avons dû nous soumettre à une divulgation complète de nos dossiers, mais nous craignons que les requêtes englobent des renseignements sans rapport avec l'analyse. Les litiges que cela exigera pour clarifier la situation seront extrêmement coûteux. »
Y a-t-il des modifications précises à la loi que vous voudriez voir ici, dans le projet de loi?
Je parle maintenant du point de vue de mon laboratoire. Tout comme nous avons essayé, au Comité des analyses d'alcool, d'établir ce qui est nécessaire pour déterminer qu'un instrument approuvé est en bon état de fonctionnement, je pense que le projet de loi pourrait bénéficier du même genre d'analyse — et je suis probablement en train d'augmenter la charge de travail de mon comité. Tout comme il est inapproprié et inutile d'examiner les données historiques pour l'appareil approuvé, il ne sert à rien de demander les 30 analyses d'alcool précédentes si je peux fournir les contrôles de qualité de la série d'analyses dans laquelle figurent les tests de l'intéressé.
Que pensez-vous de la publication de ces rapports en ligne, comme l'ont suggéré certains témoins, les rapports de maintenance ordinaires, etc.?
Je ne peux pas en parler, car cela dépend du laboratoire. Le Comité des analyses d'alcool n'est pas rattaché à un laboratoire donné. Nous formulons des recommandations à un très haut niveau et chaque laboratoire — celui de la GRC, celui de Québec et celui du Centre des sciences judiciaires — décide de les suivre ou non.
Merci, monsieur le président. Je voudrais partager une partie de mon temps avec M. Blair, si vous êtes d'accord. J'ai juste une question à poser à M. Bates.
Vous avez dit que le nombre d'accusations pour conduite avec capacités affaiblies augmentera une fois que la Loi sur le cannabis entrera en vigueur. M. Murray a fait valoir que dans l'ensemble, le nombre d'accusations pour conduite avec capacités affaiblies diminuera ou a diminué d'après le tableau qui figure sur notre écran.
Pensez-vous qu'à long terme cette loi aura un effet dissuasif , que nous verrons diminuer le nombre d'accusations de conduite avec capacités affaiblies et que nous aurons des routes plus sûres à l'avenir une fois que la police aura reçu une formation et que le processus sera bien mis en oeuvre?
Il y a plusieurs éléments à considérer. Il y a une différence entre le nombre d'accusations et le nombre de cas de conduite avec capacités affaiblies. Je pense que nous verrons peut-être une augmentation des cas de conduite avec capacités affaiblies, mais à moins que cette loi n'ait un effet dissuasif, qu'est-ce que cela signifiera?
J'appuie certainement cette loi et comme je l'ai mentionné dans ma déclaration préliminaire, je l'approuve parce que je pense qu'elle aura un effet très positif sur la conduite avec capacités affaiblies, qu'elle soit causée par la drogue ou l'alcool ou un ensemble des deux.
Merci beaucoup.
Je vais commencer par remercier tous les témoins de comparaître devant nous aujourd'hui. Je félicite MADD Canada d'être le champion de cette cause depuis de trop nombreuses années, mais nous vous sommes très reconnaissants de vos efforts. Je remercie aussi le Comité sur la conduite sous l'influence des drogues pour les sages conseils qu'il fournit au gouvernement du Canada, ce qui nous donne confiance dans l'avenir et je remercie aussi le chef Bates.
Chef, je voudrais seulement clarifier une chose. Vous avez exprimé certaines réserves au sujet de l'appareil de dépistage utilisé sur la route. Je voudrais seulement vous rappeler qu'en 2014, l'Association canadienne des chefs de police a, dans une résolution unanime, exhorté le gouvernement du Canada à améliorer la sécurité des routes du pays en approuvant un appareil de dépistage des drogues de façon à améliorer les enquêtes et la poursuite des conducteurs ayant les capacités affaiblies par la drogue. L'ACCP a déclaré à l'époque, il y a trois ans, qu'elle croyait que les progrès technologiques permettaient de disposer facilement de ces appareils pour le dépistage routier et reconnaissait aussi qu'ils étaient utilisés de façon efficace dans certains autres pays.
Étant donné l'urgence d'agir dont parlait l'ACCP, je voudrais savoir dans quelle mesure vous jugez important que nous mettions ces outils à la disposition de la police pour assurer la sécurité sur nos routes.
Chacun des outils dont nous disposerons nous rendra plus efficients et plus efficaces. Les réserves que mes collègues de l'ACCP ont probablement exprimées à l'égard du prélèvement de liquide buccal, et que j'ai moi-même, se rapportent en partie à la définition du continuum d'enquête et à la façon dont le prélèvement de liquide buccal y sera intégré.
Pour le moment, sauf erreur de ma part, avant que nous ne prélevions le sang des gens, je crois qu'il faut qu'un expert en reconnaissance de drogues nous donne de solides raisons de le faire. Cela pourrait changer et je pense que la loi envisage un changement, mais voilà où nous en sommes actuellement.
Chef Bates, en 2008, lorsque le gouvernement de l'époque a adopté le projet de loi C-2 au cours de la deuxième session de la 39e législature, il a présenté une modification législative permettant le témoignage des experts en reconnaissance de drogues et autorisant les tests de sobriété normalisés. À ce moment-là ou, en fait, environ deux mois après l'adoption de la loi, l'Association canadienne des chefs de police a déclaré qu'elle devait former 27 000 agents pour les tests de sobriété normalisés et 2 600 agents comme experts en reconnaissance de drogues.
Dans sa résolution, l'ACCP a dit qu'elle voulait s'assurer qu'un financement adéquat serait disponible pour la formation. Le gouvernement de l'époque a autorisé 2 millions de dollars pour financer cette formation, mais d'après votre témoignage et le témoignage précédent de l'ACCP nous n'avons pas encore un nombre suffisant d'experts en reconnaissance de drogues ou d'agents formés pour les tests de sobriété normalisés.
Comme le gouvernement vient d'allouer 161 millions de dollars pour que la formation ait lieu maintenant, croyez-vous que nous sommes mieux en mesure d'avoir des gens bien formés pour assurer la sécurité sur nos routes?
Nous serons mieux en mesure de le faire, surtout en ce qui concerne les tests de sobriété normalisés.
La situation reste problématique pour ce qui est des experts en reconnaissance de drogues. Il est encore difficile, au Canada, de trouver ou de former des gens dans ce domaine.
Avez-vous des questions à poser aux témoins? Dans la négative, j'aurais une brève question.
Je remercie aussi Mères contre l'alcool au volant de défendre cette cause et d'y consacrer ses efforts depuis de nombreuses années.
La semaine dernière, un autre groupe, Families for Justice, a comparu devant nous pour parler de l'absence de peines minimales obligatoires dans la loi. Quelle est la position de MADD au sujet des peines minimales obligatoires?
En tant que mère, belle-mère et victime, je ne peux pas être pour. Rien ne prouve que cela améliorerait les choses. Nous savons que lorsque nous enterrons nos enfants ou un être cher, il est trop tard. Nous devons chercher surtout à ce que cela n'arrive pas.
Merci beaucoup.
J'apprécie vraiment le témoignage de tous les témoins. C'était très utile.
Je vais demander aux personnes du prochain groupe de bien vouloir s'avancer. Nous allons faire une courte pause pendant qu'elles s'installent.
C'est un plaisir pour nous d'accueillir notre deuxième groupe de la journée.
Nous accueillons la représentante de la Société John Howard du Canada, Catherine Latimer, directrice exécutive. Nous accueillons aussi les représentants de Arrive Alive Drive Sober, Mme Anne Leonard, présidente et M. Michael Stewart, directeur de programme. Louis Francescutti, professeur à la faculté de santé publique de l'Université de l'Alberta témoignera à titre personnel.
Nous allons commencer par Mme Latimer.
La parole est à vous.
Je vous remercie de m'avoir invitée à présenter le point de vue de la Société John Howard sur le projet de loi C-46. Nous n'apportons pas à cette étude une grande expertise scientifique, mais notre organisme s'est donné pour mission de veiller à ce que soient données des réponses humaines, justes et efficaces aux causes et aux conséquences de la criminalité. Nous avons des bureaux de la Société John Howard dans l'ensemble du pays, dans plus de 60 collectivités et nous nous intéressons de très près à la sécurité de la société.
Il me paraît tout à fait opportun d'examiner les dispositions relatives à la conduite avec facultés affaiblies pour interdire la conduite avec les facultés affaiblies par la marijuana, compte tenu du fait que le gouvernement a promis de légaliser la marijuana en juillet 2018.
L'opération m'apparaît tout à fait opportune, mais le projet de loi C-46 propose non seulement des modifications au Code criminel concernant la conduite avec facultés affaiblies par la drogue, mais il abroge et remplace les dispositions du Code concernant les moyens de transport et renforce celles qui traitent de la conduite avec les facultés affaiblies par l'alcool. Il contient donc un ensemble ambitieux de propositions touchant une question sujette à litige, qui va entraîner de nombreuses contestations judiciaires et de nombreux retards devant les tribunaux.
En fait, nous n'avons que trois ou quatre commentaires à faire au sujet du projet de loi.
Le premier est qu'il paraît tout à fait logique de s'attaquer avec ce projet de loi au défi qui se pose dans l'immédiat, à savoir la conduite avec facultés affaiblies par les drogues. Comme je suis certaine que d'autres vous l'ont dit, il serait peut-être sage de ne pas adopter les amendements de la partie 2 et de s'attaquer en priorité à l'affaiblissement des facultés par les drogues.
Nous faisons ce commentaire pour deux motifs. Le premier est que, et les témoins précédents ont dit quelques mots à ce sujet, les provinces et les services de police ont déclaré qu'il leur serait difficile d'être prêt à temps pour la légalisation de la marijuana prévue pour juillet 2018. Il semble donc que le fait de rationaliser et de cibler le plus possible le régime d'application de la loi faciliterait le respect du calendrier associé à la légalisation de la marijuana.
Deuxièmement, des membres des tribunaux et d'autres organismes nous ont expliqué que l'encombrement des tribunaux et la lenteur de la procédure se sont souvent traduits par le rejet des accusations, à cause des délais fixés par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt R. c. Jordan. Nombreux sont ceux qui pensent que c'est là un des problèmes les plus graves auxquels fait face de nos jours notre système judiciaire.
Il est souvent demandé aux tribunaux de préciser le sens exact des nouvelles dispositions et de se prononcer sur la constitutionnalité de certains des changements apportés, ce qui va encore ralentir leur fonctionnement. Je pense que le mémoire qu'a présenté l'Association du Barreau canadien au sujet du projet de loi C-46 mentionne un certain nombre d'aspects qui soulèvent des questions de conformité à la Charte et qui vont obliger les tribunaux à leur consacrer beaucoup de temps. Ces réformes auront comme conséquences imprévues d'aggraver des délais déjà importants, ce qui empêchera un certain nombre d'accusés de rendre compte des crimes graves qu'ils ont commis.
Il me paraît par conséquent très important de réfléchir à la portée de ce projet de loi et des conséquences qu'il pourrait avoir sur les graves problèmes auxquels font face les tribunaux.
L'autre sujet que nous aimerions aborder est la question des niveaux de concentration de la drogue dans le sang, considérés comme une mesure précise de l'affaiblissement des facultés. Notre organisme se base toujours sur les données scientifiques et il est important d'examiner l'efficacité du test qui est proposé pour évaluer l'affaiblissement des facultés. Il est vrai que la possibilité de se fonder sur le niveau de concentration des drogues dans le sang pour indiquer l'affaiblissement des facultés simplifierait l'application de la loi, mais les données scientifiques ne justifient peut-être pas un test aussi simple. Renvoyer à un règlement l'établissement de ce niveau évitera peut-être les contestations immédiates, mais cette solution législative laisse entendre qu'il est possible et souhaitable d'effectuer une analyse du niveau de la drogue dans le sang pour déterminer s'il y a affaiblissement des facultés par la marijuana.
Les experts affirment que les facultés des personnes qui consomment habituellement de fortes doses de marijuana sont moins affaiblies que celles des personnes qui en consomment occasionnellement et qui prennent des doses plus faibles. Le résultat regrettable est que le niveau de la marijuana dans le sang ne correspond pas nécessairement au niveau d'affaiblissement des facultés. Le fait de s'en remettre à une analyse de la drogue dans le sang pour évaluer l'affaiblissement des facultés pourrait entraîner des résultats tout à fait injustes et faire condamner des personnes dont les facultés ne sont pas affaiblies. Au lieu de s'en remettre au niveau de drogue dans le sang, il serait peut-être utile de rechercher un meilleur test de l'affaiblissement des facultés.
Le test habituel utilisé sur le terrain pour vérifier la sobriété pourrait être utilisé, puisqu'il pourrait faire ressortir un affaiblissement des facultés et il éviterait les problèmes que soulève la procédure intrusive qui consiste à obtenir un échantillon de sang, opération qui soulève certaines questions constitutionnelles par leur nature même. Ce test pourrait être utilisé sans qu'il soit nécessaire d'apporter des modifications législatives.
Je pense également qu'à notre époque de haute technologie, on pourrait utiliser un type de test différent pour mesurer l'affaiblissement des facultés des consommateurs de marijuana; il consisterait à examiner la rapidité des réflexes et divers autres aspects. Avec un bon programme informatique, on pourrait obtenir des résultats quantifiables, ce qui faciliterait quelque peu le travail des policiers. C'est la deuxième question que nous vous invitons à examiner.
La troisième est les peines minimales obligatoires. La Société John Howard s'oppose aux peines minimales obligatoires, parce qu'elle estime que la discrétion judiciaire doit être conservée pour que la peine soit proportionnelle à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité du contrevenant. Nous sommes déçus de constater que le projet de loi contient des peines minimales obligatoires et nous recommandons qu'elles soient supprimées.
En conclusion, nous souhaitons bien entendu que les conducteurs dont les facultés sont affaiblies par la drogue ne puissent circuler dans nos rues et nos collectivités, mais ce projet de loi ne permettra sans doute pas d'atteindre cet objectif. Il risque d'être associé à une analyse inexacte des facultés d'un conducteur, fondée sur les niveaux de drogue dans le sang et ce test donnait des résultats injustes. Il risque d'encombrer davantage encore des tribunaux surchargés de travail, à cause des procès et des contestations constitutionnelles qui résulteraient de ces changements qui se trouvent pour la plupart dans la partie 2 du projet de loi. Il risque également d'entraîner des peines disproportionnées parle qu'il préserve les peines minimales obligatoires.
Nous invitons donc vivement le Comité à retirer la partie 2 du projet de loi et de l'examiner à nouveau lorsque nous aurons résolu la question des retards judiciaires et les problèmes graves que connaît notre système. Nous demandons donc au Comité d'adopter un outil plus précis pour évaluer l'affaiblissement réel des facultés par la marijuana, un outil qui serait plus exact qu'une analyse du niveau de la drogue dans le sang qui est mal adaptée et nous vous demandons de supprimer les peines minimales obligatoires ou d'autoriser les juges à imposer une peine autre que la peine minimale obligatoire prévue, lorsque cela est nécessaire pour fixer une peine proportionnée et équitable.
C'est la position de la Société John Howard.
Je vous remercie.
Merci pour votre témoignage, madame Latimer.
Nous allons maintenant passer à M. Stewart et à Mme Leonard.
Monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité, bonjour. Je vous remercie d'avoir invité Arrive Alive Drive Sober à fournir des commentaires au sujet du projet de loi C-46. Je m'appelle Michael Stewart et je suis le directeur de programme d'Arrive Alive. Je suis accompagné aujourd'hui par la présidente de notre conseil d'administration, Mme Anne Leonard.
Depuis bientôt 30 ans, notre organisme de charité joue un rôle de premier plan en proposant des programmes comme Choose Your Ride et Operation Lookout qui visent à éliminer la conduite avec facultés affaiblies. Nous permettons aux gens et aux collectivités de partager des ressources et de l’information afin de sauver des vies et de réduire le bilan de blessures sur nos routes. Nous faisons figure de proue en matière de lutte contre la conduite avec les facultés affaiblies. Un récent sondage du gouvernement révèle que quatre Ontariens sur cinq reconnaissent notre slogan et notre message, ce qui montre combien notre travail est efficace.
Notre association compte 85 membres et intervenants qui sont des professionnels et des bénévoles dévoués. Nous collaborons régulièrement avec les groupes communautaires, les services de police, les organismes de santé publique, les établissements d’enseignement, les entreprises et les organismes gouvernementaux. Nous distribuons gratuitement, chaque année, partout au Canada, des brochures à un coût de plus de 100 000 $ et nous avons bénéficié gratuitement aussi de temps d’antenne à la télévision et à la radio équivalant à plus de 12 millions de dollars. En mars dernier, une de nos campagnes de prévention, mettant en vedette des dessous de verre fabriqués à partir de voitures accidentées, a été diffusée à l’échelle nationale et a fait l’objet d’une couverture internationale avec des entrevues dans des médias aussi éloignés qu’en Australie. Depuis la création de notre organisme, les décès reliés à la conduite avec facultés affaiblies en Ontario ont diminué de près de 75 %, ce qui démontre que la législation et les mesures d’application exigent un troisième partenaire — une sensibilisation efficace du public — pour sauver des vies sur nos routes.
Arrive Alive salue le travail du gouvernement fédéral et son engagement à créer de nouvelles lois plus strictes pour lutter contre la conduite avec facultés affaiblies. L’ajout de trois nouvelles infractions pour les conducteurs ayant des concentrations spécifiques de drogue dans leur organisme et la modification de l'infraction basée sur un taux « supérieur à 80 » ainsi que l'augmentation des peines, sont des améliorations qui nous aideront à arriver sains et saufs.
La conduite avec les facultés affaiblies par la drogue figure dans nos publicités depuis plus de 10 ans, mais elle interpelle davantage les Canadiens en raison de la future légalisation du cannabis. D’après un récent sondage effectué par State Farm, 80 % des répondants ont exprimé leur inquiétude face aux personnes conduisant sous l’influence de la marijuana et 83 % jugent qu’il n’y a pas suffisamment d’information de diffusée sur les risques associés à la conduite sous l’effet de la drogue.
Le projet de loi C-46 est un important pas en avant, mais il doit s'accompagner d’un vaste programme d’éducation et de sensibilisation. Les jeunes et les adultes s’imaginent à tort que la marijuana n’affecte pas leur conduite, voire, ce qui est encore pire, qu’elle l’améliore. Ce mythe trompeur souligne qu'il est essentiel de veiller à ce que tous les conducteurs sachent que la conduite avec les facultés affaiblies par la drogue est aussi dangereuse que la conduite avec les facultés affaiblies par l’alcool. Le Centre canadien de lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies rapporte qu’en 2011, 21 % des élèves du secondaire interrogés au Canada ont déclaré avoir conduit au moins une fois dans l’heure qui a suivi la consommation de drogue et 50 % ont indiqué avoir pris place comme passager dans un véhicule dont le chauffeur était sous l’influence de la drogue. Ces statistiques, combinées à ces mythes trompeurs, constituent en soi un risque pour la sécurité routière. Il est donc impératif de remédier à la situation non seulement en appliquant les lois, mais également en offrant des programmes de sensibilisation très complets.
Selon Statistique Canada, la police a déclaré que les cas de conduite avec facultés affaiblies par les drogues avaient doublé depuis 2009. De plus, dans les États où le cannabis est légalisé, notamment au Colorado et dans l’État de Washington, les cas de conduite avec facultés affaiblies par les drogues sont à la hausse. Nous n'avons aucune raison de croire que cette expérience ne se répétera pas au Canada, mais l’éducation et la sensibilisation sont essentielles pour réduire le nombre de conducteurs aux facultés affaiblies par la drogue. Nous avons vu une baisse importante et constante du nombre des cas liés à la conduite avec les facultés affaiblies par l’alcool. Il apparaît nettement que la population de conducteurs qui consomment de la drogue et qui prennent le volant est distincte ou différente de celle qui est sensibilisée aux dangers de conduire avec les facultés affaiblies par l’alcool.
Santé Canada a affirmé que le gouvernement s’était engagé à investir dans une campagne d’éducation visant à informer les jeunes des risques et des dangers associés à la consommation de cannabis. Nous prions instamment les membres de ce comité de demander au gouvernement d’accélérer ces initiatives et l'attribution de fonds, pour ce qui est de ses efforts visant à sensibiliser la population. Il en va de la sécurité des Canadiens; ils doivent être sensibilisés aux dangers de conduire sous l’effet de drogues, aux nouvelles conséquences ainsi qu’à la concentration de drogue dans le sang stipulée dans le projet de loi C-46. L’absence de programmes d’éducation et de sensibilisation limitera l'effet des nouvelles sanctions prévues par le projet de loi et leur caractère dissuasif . Compte tenu du peu de temps qu’il reste d’ici le 1er juillet 2018, nous vous invitons à envisager des possibilités stratégiques pour établir des partenariats axés sur des campagnes d’éducation.
Arrive Alive a joué un rôle de premier plan dans la sensibilisation aux risques associés à la conduite avec facultés affaiblies par l’alcool et la drogue. À ce jour, nos efforts pour lutter contre la conduite avec les facultés affaiblies par la drogue comprennent: « The Sober Truth About Driving High », une vidéo d’intérêt général tournée en collaboration avec l’ACCP et la GRC, en 2012, notre vidéo éducative primée iDRIVE, en 2011, qui a été diffusée en partenariat avec Transports Canada, dans chaque école secondaire du pays, un message radiophonique d’intérêt général intitulé « Potchecks », en 2015 et notre campagne Eggs on Weed qui a démarré en 2014.
Nous allons poursuivre notre travail, mais nous avons besoin d’aide à cause en particulier de la légalisation du cannabis et du projet de loi C-46.
La formation des agents de police et la mise à leur disposition des outils nécessaires pour détecter les conducteurs aux facultés affaiblies et les empêcher de circuler sur les routes sont une des principales préoccupations de nos membres depuis plusieurs années. Nous savons que former ces agents pour détecter les conducteurs aux facultés affaiblies et leur fournir les appareils nécessaires pour le faire exigent beaucoup de temps et d’argent. Le gouvernement fédéral a annoncé qu'il allait accorder 161 millions de dollars aux provinces, mais nos partenaires policiers nous ont prévenus que le temps et l’argent manqueront et que nous ne disposerons pas de suffisamment d’agents et d’appareils de dépistage au moment de la légalisation. Nous encourageons le gouvernement à continuer de travailler avec les services de police pour déterminer la somme dont ils ont besoin pour la formation et la recherche. Le projet de loi fournira les outils dont les forces de l’ordre ont besoin pour lutter contre la conduite avec les facultés affaiblies et il est donc primordial que ces outils soient pleinement utilisés partout au Canada.
Le projet de loi C-46 est un grand pas dans la bonne direction. Il est toutefois déplorable que le projet lui-même perpétue un mythe ou un malentendu parmi le public, à savoir que les accidents sont liés à l’alcool et aux drogues. L’utilisation du mot « accident » dans le projet de loi atténue la nature de la conduite avec facultés affaiblies. Qualifier d'accident la conduite avec les facultés affaiblies par l’alcool ou les drogues causant des blessures ou la mort implique que la conduite criminelle et les conséquences sont survenues sans raison apparente alors qu’en réalité, elles découlent de la décision de prendre le volant avec les facultés affaiblies. Nous demandons au Comité de modifier la terminologie et d’employer le mot « collision » pour reconnaître ce fait.
En conclusion, Arrive Alive Drive Sober appuie les efforts du gouvernement pour introduire une loi plus rigoureuse. C’est grâce à des lois sévères que nous avons connu une baisse des cas de conduite avec les facultés affaiblies par l’alcool et des accidents mortels au Canada. Par ailleurs, les programmes efficaces d’éducation et de sensibilisation du public ont également joué un rôle clé dans cette diminution. Pour lutter contre la conduite avec les facultés affaiblies par la drogue, comme nous l’avons fait avec l’alcool, le gouvernement doit accorder un financement généreux et fournir des ressources suffisantes. De plus, avec la légalisation prochaine du cannabis, le gouvernement doit former des partenariats stratégiques pour créer des initiatives de sensibilisation du public pour éduquer les Canadiens sur la conduite avec les facultés affaiblies par la drogue et les nouvelles conséquences prévues par le projet de loi C-46. Nous nous ferons un plaisir de vous fournir notre bilan dans ce domaine pour vous faciliter la tâche.
Merci de votre attention et de l'invitation à comparaître.
J'aimerais commencer par dire qu'il est agréable de venir à Ottawa et de constater que nos impôts sont bien dépensés puisqu'ils ont permis de rénover un édifice comme celui-ci. C'est une des plus belles salles que je connaisse. Bon travail.
Venons-en au projet de loi à l'étude; je dois vous dire que je ne sais pas pourquoi je suis ici. J'ai vérifié pour être sûr que je devais venir et on m'a dit que c'était le cas. J'ai essayé de rassembler les 35 ans d'expérience que j'ai acquise en tant qu'urgentiste et personne qui lutte contre les accidents pour vous dire quels sont, d'après moi, les commentaires les plus marquants que j'ai entendus jusqu'ici et trouvé grâce à la préparation que j'ai faite pour venir aujourd'hui.
Le Canada a déjà un des taux de consommation les plus élevés parmi les jeunes et ils conduisent déjà des véhicules sur la route. Pour ceux qui pensent bêtement que le problème va commencer en juillet 2018, je dois leur dire que le problème existe déjà.
C'est pourquoi, lorsque le CDC nous compare à d'autres pays, il ne nous classe pas très bien. Ce monsieur, Michael, vient de faire allusion à ce qui explique en partie cette situation. Il a dit qu'on parlait à tort d'« accident », ce ne sont pas des accidents. Ils font partie d'un processus pathologique et cette maladie est la première cause de décès pour les Canadiens de moins de 45 ans. Dans la catégorie des moins de 35 ans, les blessures causées par un véhicule à moteur sont la première cause de décès. Entre les âges de 1 à 19 ans, ces blessures sont la première cause de décès.
Il y a donc au Canada un problème de blessures qui est sur le point de s'aggraver à cause du nouveau projet de loi qui va légaliser la consommation du cannabis. Vous allez constater ce que nous avons vu dans l'État de Washington et au Colorado. Le nombre des décès va augmenter. Cette augmentation va toucher les jeunes, en particulier, qui essaient le cannabis. Un sur six d'entre eux en deviendra dépendant.
La dépendance est une maladie. Ce n'est pas une faiblesse de caractère. Ces jeunes toxicomanes — et nous les voyons, aujourd'hui, régulièrement dans les services d'urgence — ne reçoivent pas le traitement dont ils auraient besoin. Si nous ne pouvons pas répondre à la demande aujourd'hui, nous ne pourrons certainement pas y répondre en juillet.
Je recommande donc de faire une pause et je dirais que, si le Canada n'est en réalité que le troisième pays à modifier ses lois, nous pourrions faire quelque chose qui serait uniquement canadien et réunir des ensembles de données solides qui nous permettraient de mesurer les conséquences — les conséquences humaines, les conséquences financières, le bouleversement de notre système de santé et judiciaire — pour que nous disposions de données sur lesquelles fonder nos décisions.
À l'heure actuelle, vous êtes sur le point de rencontrer une industrie, l'industrie du cannabis, qui va être beaucoup plus sophistiquée que l'industrie du tabac. Elle va normaliser la consommation de marijuana en disant que c'est une bonne chose. Toute cette idée de la marijuana médicale vous a montré que c'est tout simplement une drogue pour laquelle on cherche une justification.
Les gens qui veulent fumer de la marijuana peuvent le faire. Je pense que notre responsabilité à titre de médecin et votre responsabilité à titre de décideur est de bien faire les choses. Les autres pays n'ont pas adopté cette voie pour une excellente raison. Si nous choisissons d'adopter cette mesure parce que c'est une promesse électorale ou parce que nous pensons que c'est la volonté de la population, alors nous devrions commencer à réfléchir et à en mesurer les conséquences, parce qu'il y en aura.
Nous sommes bloqués dans des anciens paradigmes. Qui affirme que ce sont aux policiers d'administrer le test de sobriété? Si vous vous rendez dans le comté de Strathcona en Alberta, je peux vous dire que ces personnes savent comment assurer la sécurité de leurs routes. Ils ont recours aux agents de la paix, aux shérifs et à toute une série d'outils.
J'aimerais en arriver à la période des questions et réponses, parce que je veux être absolument certain que vous allez obtenir la réponse aux questions que vous vous posez avant que nous nous quittions aujourd'hui. Je peux vous dire néanmoins tout de suite que tout ce qui réduit cette durée de 1,6 seconde dans un véhicule... Lorsqu'un conducteur est parfaitement attentif — les yeux sur la route et les mains sur le volant — lorsqu'il voit quelque chose et décide comment réagir, il s'écoule 1,6 seconde.
Nous avons déjà adopté une loi qui autorisait l'utilisation d'un téléphone cellulaire mains libres, une mauvaise loi parce qu'elle n'est pas fondée sur des preuves scientifiques. Elle cause déjà un carnage sur nos routes. Le chef de police qui se trouvait ici a parlé de l'effet cumulatif de la marijuana, de la fatigue, de l'alcool et d'autres drogues dans nos véhicules, avec toutes les autres distractions. Il paraît tout à fait logique que cela va aggraver le carnage sur nos routes.
Bien sûr, la bonne nouvelle est que les véhicules automatisés ne sont pas loin. Lorsqu'ils rouleront, ce seront vraiment eux qui vont nous épargner un tel carnage. Les gens pourront fumer autant qu'ils veulent et faire tout ce qu'ils veulent dans ces véhicules. Ces véhicules se conduiront tout seuls et ils n'auront pas d'accident, tant que les humains ne toucheront pas aux commandes.
Voici ce que je vous conseille de faire. Il faudra mettre sur pied de solides systèmes de données, de façon à vraiment connaître les conséquences de cette nouveauté pour que non seulement les Canadiens sachent ce qui se passe, mais pour que les provinces le sachent aussi et pour que d'autres pays puissent tirer les leçons de notre expérience, parce que c'est bien une expérience qui est en cours.
Je vous remercie pour votre témoignage.
Nous allons maintenant passer aux questions.
Monsieur Cooper.
Merci, monsieur le président, et merci aux témoins.
J'ai une très brève question à poser à Mme Latimer. Je ne pense pas que vous ayez parlé de l'utilisation obligatoire de l'ivressomètre, par rapport à la position qu'adopte la Société John Howard à ce sujet. Si vous l'avez fait, je ne m'en suis pas aperçu.
Je ne l'ai pas mentionné. J'aurais dû en parler à propos des questions qui vont susciter des contestations et des litiges et qui vont, notamment, ralentir le processus judiciaire.
J'accepte plus facilement l'usage obligatoire de l'ivressomètre que l'analyse sanguine obligatoire, principalement parce que c'est une mesure moins intrusive. Lorsque vous allez jusqu'à prendre un échantillon de sang de quelqu'un, il est possible d'utiliser ce sang pour de nombreux usages qui ne sont pas nécessairement directement reliés à la sobriété.
Nous n'avons pas adopté une position très ferme à ce sujet; cependant, nous craignons que les droits procéduraux des personnes qui seraient visées par un tel test ne soient pas protégés.
Très bien. Je vous remercie.
J'aimerais maintenant poser une question au docteur...
Excusez-moi, comment prononce-t-on votre nom?
Louis. Très bien, allons-y.
D'après ce que vous avez dit, je pense que, si vous aviez le pouvoir de choisir ou de refuser cette orientation, vous la refuseriez, mais maintenant que c'est ce que nous avons choisi, vous dites qu'il va y avoir davantage de décès, d'accidents et davantage de jeunes qui vont consommer de la marijuana. Vous avez déclaré qu'un jeune sur six deviendrait dépendant de la marijuana.
Il est exact qu'un certain nombre de médecins sont venus exprimer des préoccupations très réelles au sujet de la consommation de marijuana par les jeunes et de l'effet que cela a sur le développement de leur cerveau. Je ne sais pas si vous pouvez nous parler de cet aspect, mais en raison des effets qu'a cette consommation sur le développement du cerveau, l'Association médicale canadienne, par exemple, a recommandé que les jeunes de moins de 25 ans ne puissent pas consommer légalement de la marijuana.
J'aime raconter des histoires. J'ai pris un taxi pour venir de l'aéroport et c'est un vieux hippie qui le conduisait. Il m'a demandé: « Qu'allez-vous faire aujourd'hui? » Je lui ai répondu: « Je me rends devant un comité pour parler de marijuana. » « Bon Dieu, de la marijuana, s'est-il exclamé. J'en fumais tout le temps quand j'étais plus jeune, mais l'autre jour, j'étais dans le garage et il y avait des jeunes qui en fumaient; j'ai pris une bouffée. J'ai pris une très grosse bouffée et je l'ai gardée dans mes poumons et tout le monde me disait: “Ne fais pas ça.” Il a compris pourquoi on lui disait cela, parce qu'une seule bouffée l'a assommé et il est resté comme ça pendant près de 45 minutes. Cela a déclenché chez lui une attaque de paranoïa et il a demandé aux gens qui lui avaient donné cette herbe: « Mais qu'est-ce que c'est? » Le contenu en THC de la marijuana d'aujourd'hui n'a rien à voir avec ce qu'il était lorsque vous la fumiez.
Si je demandais aux personnes qui sont dans la salle, combien d'entre elles ont fumé ou fument actuellement de la marijuana, tout d'un coup les gens deviendraient très nerveux, mais si je vous demandais combien y a-t-il d'entre vous qui êtes diabétiques et prenez de l'insuline, vous n'hésiteriez pas du tout à me montrer votre dernier instrument. La consommation de la marijuana est associée à un stigmate et vous avez tout à fait raison. Le cerveau continue à se développer jusqu'à l'âge de 25 ans. Consommer de cette substance avant cet âge a pour effet d'abaisser le QI, de réduire la capacité de raisonner correctement. Cela a des conséquences dévastatrices pour les gens qui sont génétiquement prédisposés soit à la schizophrénie soit à la psychose. La consommation de marijuana fait apparaître les psychoses. Nous le voyons régulièrement dans notre service d'urgence.
L'autre aspect est que cette drogue magique qui, d'après ce qu'on affirme, empêche les nausées, entraîne en réalité des vomissements cycliques, de sorte que les gens qui en fument trop, se retrouvent dans nos services d'urgence, pendant des heures et des heures et ils ne peuvent pas s'arrêter de fumer.
Vous avez tout à fait raison. L'élément essentiel, Michael, est que le centre d'évaluation du risque qui se trouve dans notre cerveau ne se développe pas pleinement avant l'âge de 25 ou 30 ans; c'est donc la population la plus vulnérable, qu'elle se trouve dans l'utérus ou en train de grandir, qui va être touchée par cette mesure. C'est pourquoi nous avons besoin de solides données pour savoir comment nous allons traiter ces jeunes hommes et femmes lorsqu'ils se retrouveront dans cette situation, parce que nous ne les traitons pas très bien à l'heure actuelle.
Étant donné que le gouvernement a décidé de choisir cette orientation — et je suis d'accord avec vous; je préférerais qu'il ne le fasse pas — avez-vous des suggestions à faire pour ce qui est de modifier le projet de loi?
Je ne peux pas parler de ce projet de loi en particulier, mais je peux vous dire que j'enseigne la défense des droits. La première chose que j'enseigne aux étudiants qui veulent devenir défenseurs de droits est de se demander pourquoi nous avons besoin de tels défenseurs de droits au départ. Pourquoi avons-nous besoin d'organisations comme celle-ci? Si les gouvernements faisaient leur travail correctement et adoptaient de bonnes politiques et de bonnes lois, alors nous n'aurions pas besoin de défenseurs des droits. Le fait que nous en ayons besoin montre bien que le système ne fonctionne pas.
Un des projets qu'ont réalisés mes étudiants diplômés l'année dernière a été de présenter au gouvernement de l'Alberta un rapport dans lequel ils expliquaient ce que le gouvernement devrait faire si la légalisation était mise en oeuvre. Leur réponse a été très simple; ils demandaient que 100 % des recettes générées aux paliers provincial et fédéral soient affectées à la santé mentale, à la toxicomanie et aux soins de santé, parce que cet argent ne viendra pas d'une autre source.
Vous allez rendre des gens très accros dans ce pays, dès que le cannabis va rapporter des recettes. Le Trésor va adorer percevoir ces recettes. Si vous versez ces recettes dans le Trésor public, les gens qui en ont besoin n'en verront pas la couleur.
Ce n'est pas en publiant des annonces que vous allez régler le problème, parce que les producteurs de fleurs de marijuana vont lancer des campagnes publicitaires très sophistiquées et ils vont ainsi essayer de montrer que cette production est une chose normale. Il y a le simple fait que l'Ontario a choisi l'âge minimum de 19 ans et l'Alberta 18 ans. Peu importe ce que choisissent les autres provinces, elles choisissent toutes un âge pour des raisons politiques. Elles ne le choisissent pas en se fondant sur les données scientifiques.
Il devrait être d'au moins de 25 ans. Si la limite est inférieure à cet âge, vous allez à l'encontre des données scientifiques. C'est ce que je propose, si vous choisissez de légaliser cette substance.
Si nous choisissons cette politique et je crois que c'est ce que nous sommes en train de faire — je ne suis pas pour ou contre, mais je crois que vous pouvez deviner ce que je pense — alors il faut le faire correctement et obtenir les données nécessaires pour que dans un an ou deux, nous puissions mesurer l'effet de cette politique et éventuellement, la modifier.
Les autres pays seront très reconnaissants envers le Canada s'il fait cela, parce que le Colorado ne l'a pas vraiment fait, ni l'État de Washington. Cela s'explique par le fait que les décideurs ne veulent pas obtenir des réponses négatives. Et la façon de ne pas obtenir des réponses négatives consiste tout simplement à ne pas réunir des données.
Merci, monsieur le président.
Je vous remercie tous d'être venus aujourd'hui. Je l'apprécie.
Je vais commencer par m'adresser à Mme Latimer. Pour ce qui est de l'expérience irlandaise en matière des tests aléatoires obligatoires, il serait bon de peut-être modifier quelque chose dans votre témoignage. Nous ne contraignons pas les gens pour qu'ils fournissent un échantillon de sang lorsque nous faisons une analyse aléatoire obligatoire. Nous utilisons un ivressomètre. C'est l'haleine; c'est là-dessus que porte le dépistage obligatoire et non pas sur le sang. Il me paraît important de le mentionner pour le compte rendu.
L'expérience irlandaise a démontré qu'il y avait une diminution, entre 2006 et 2015, puisque le nombre des accusations portées a diminué de 40 %, en raison de la précision des analyses aléatoires. Cela m'indique que le système pénal irlandais est moins encombré qu'il ne l'était en 2006.
Je sais que vous avez parlé du risque qu'il y ait des contestations constitutionnelles. Nous l'avons effectivement constaté en 2008. Cela revient à se fonder sur le témoignage des avocats avant que cette question n'ait été examinée par le système.
Nous avons entendu M. Hogg, qui a effectué sa propre analyse. Il a déclaré que les articles 8, 9 et 10 ne permettraient pas de contester la constitutionnalité de cette mesure et que, de toute façon, elle serait protégée par l'article premier. Je me demande si vous pouvez nous dire plus précisément sur quel argument on pourrait fonder une contestation constitutionnelle.
J'ai lu avec beaucoup d'intérêt le mémoire de l'Association du Barreau canadien à ce sujet; elle a notamment déclaré qu'elle pensait que ce projet de loi susciterait des litiges constitutionnels. Je pense qu'elle a tout à fait raison. Cela s'explique par le fait que les personnes qui seront visées ne font pas partie de groupes vulnérables. Ce sont des gens qui ont les moyens de se payer des avocats en dehors de l'aide juridique et qui vont contester ces aspects. C'est quelque chose qui les touche fortement, les peines minimales obligatoires et tout le reste.
Les questions reliées à la conduite avec les facultés affaiblies par l'alcool constituent un domaine du droit qui a suscité énormément de litiges. Il y aura des litiges pour essayer de mieux savoir ce que veulent dire ces différents éléments. Si vous passez de zéro quelque chose à ce pourcentage ou à un pourcentage supérieur, il y aura des litiges. Les avocats vont essayer de comprendre ce que cela veut dire. Ils vont porter ces affaires devant les tribunaux. Ils vont demander aux tribunaux de se prononcer sur toutes ces questions et cela va ralentir le processus.
Pour revenir à l'expérience irlandaise, je dois vous dire que je ne sais pas très bien ce qui s'est passé en Irlande. Cependant, si vous voulez vraiment modifier les comportements, je vous dirais que je ne suis pas très en faveur de la dissuasion; il s'agit de deux activités légales, la conduite et la consommation d'alcool et c'est le recoupement de ces deux activités qui fait problème; il y a essentiellement deux groupes de citoyens respectueux des lois qui ne veulent pas être visés par ce recoupement.
Il s'agit ici d'un groupe un peu différent parce qu'il peut être influencé à la fois par la sensibilisation de la population et peut-être par la dissuasion, mais ce qui me paraît le plus efficace c'est que les membres de ce groupe vont penser qu'ils vont être arrêtés et que les policiers vont porter des accusations contre eux.
Monsieur Stewart, j'ai bien aimé votre témoignage. J'aimerais vous poser une question et voir ensuite si vous êtes au courant d'une décision qu'a prise notre gouvernement au cours des dernières semaines.
Votre organisme est-il d'avis que le dépistage aléatoire obligatoire va réduire les infractions de conduite avec facultés affaiblies et aider la police à arrêter davantage de contrevenants?
Nos membres ont déjà examiné la question des tests obligatoires d'haleine au cours de nos réunions. Nous pensons que, si l'analyse obligatoire de l'haleine peut résister à une contestation constitutionnelle, alors nous l'appuyons sans réserve. Nous ne sommes pas des spécialistes du droit, ni de l'effet dissuasif de ces dispositions mais, quelles que soient les mesures que le gouvernement souhaite adopter pour empêcher les gens de conduire avec les facultés affaiblies et les dissuader de le faire, nous les appuierons pleinement.
D'après les conversations que vous avez eues avec vos membres, est-ce que les analyses aléatoires obligatoires les dissuaderaient de prendre le volant en état d'ivresse?
Il faut donner la préférence à l'âge et non à la beauté, ou quelque chose du genre.
Nous avions en fait utilisé l'expression « analyse aléatoire d'haleine » lorsque nous avons discuté de cette question au cours de l'assemblée générale tenue en octobre 2013. Il y a parmi nos membres, Ontario Students Against Impaired Driving, Traffic Injury Research Foundation, les services de police, les unités de santé — il y en a beaucoup. De façon générale, ils étaient en faveur d'une telle mesure, que vous l'appeliez l'analyse obligatoire de l'haleine ou...
... comme vous voulez. Je pense qu'ils seraient en faveur. Ils craignaient par contre qu'une telle mesure ne résiste pas à une contestation constitutionnelle et vienne surcharger les tribunaux.
Avez-vous eu une discussion semblable au sujet des systèmes d'éthylomètre antidémarrage? Est-ce que vos membres pensent qu'un tel dispositif empêcherait les conducteurs de prendre le volant?
Oui. Nos membres abordent tous les sujets. Nous avons discuté des systèmes d'éthylomètre avec antidémarreur lorsque l'Ontario a présenté sa première loi à ce sujet, en 1999, ou à peu près. Je pense qu'elle est entrée en vigueur en 2001 ou en 2002.
Toutes ces mesures — Back On Track, les programmes de réhabilitation — sont très coûteuses et ce coût repose principalement sur le conducteur, ce qui nous paraît logique. Nous avons constaté qu'elles avaient toutes un effet dissuasif sur les conducteurs. Une accusation de conduite avec facultés affaiblies, plus particulièrement en Ontario, va vous coûter entre 22 000 et 23 000 $, ce qui fait paraître tout à fait raisonnable les honoraires très élevés que demandent les avocats.
Nous appuyons sans réserve les systèmes d'éthylomètre avec antidémarreur pour les récidivistes et les délinquants primaires ainsi que le programme Back On Track.
Merci, Anne. Je dois vous arrêter. J'ai une question à poser à Louis.
Avant de le faire, Michael, je mentionne que le gouvernement a annoncé, il y a deux semaines, un montant de 274 millions de dollars qui financera les appareils fournis à la police, une formation visant le renforcement des compétences et une grande campagne de sensibilisation de la population. Veillez à ce que votre organisation sache où elle doit s'adresser pour obtenir des fonds, par l'intermédiaire de Santé Canada, pour qu'elle puisse participer à cette campagne, parce qu'elle est importante.
Louis, j'ai des questions à poser avant que mon temps de parole ne finisse. Je vous remercie d'être venu, parce que vous êtes aussi Albertain.
Où pourrait-on trouver toutes ces données?
Je vous invite à continuer à inciter vos défenseurs des droits à dire aux provinces ce que vous nous avez dit, qui est de veiller à ce que les fonds arrivent aux personnes qui en ont besoin et de mieux faire leur travail qu'elles ne le font actuellement, parce que ce sera une décision provinciale qui touchera les compétences fédérales et provinciales.
Voici ma question. Au cours de votre carrière qui a consisté à sensibiliser les gens qui prennent le volant, j'aimerais savoir ce qui donne des résultats, sur le plan de la dissuasion?
Il est très facile de répondre à cette question. La crainte d'être arrêté modifie le comportement des conducteurs.
C'est l'aspect mécanique qui donne toujours les meilleurs résultats. Aujourd'hui, si l'on conduisait les véhicules entre 70 et 80 kilomètres à l'heure, en cas de collision, tout le monde aurait de bonnes chances de survivre. L'aspect mécanique est donc la première solution. La menace d'une intervention policière est la deuxième. L'éducation est la solution la moins efficace.
Vous venez de mentionner un montant qui semble être important, mais je dirais qu'il ne représente pas beaucoup d'argent si nous voulons lancer une campagne publicitaire qui devra contrer des gens qui vont dépenser près de 60 fois ce montant pour faire passer leur message.
Si vous voulez réduire les dommages physiques, il faut commencer par travailler sur l'aspect mécanique. Le risque d'une intervention policière ou sa perception vient en deuxième lieu. La dernière solution est l'éducation.
Chez les groupes qui ont cette expertise à l'heure actuelle et qui possèdent de bonnes données scientifiques. Il existe de nombreuses organisations nationales au Canada qui s'intéressent particulièrement à cette question. Je les regrouperais et je les inviterais à demander des fonds. Ces fonds seraient distribués chaque année en fonction des résultats obtenus.
Je ne créerais pas un nouveau ministère. C'est la dernière entité à qui je confierais cette responsabilité, parce qu'ainsi la surveillance de la situation ne serait pas confiée à des personnes compétentes.
L'autre aspect que je tiens à mentionner, si vous me le permettez, est de vous inviter à examiner le Globe and Mail d'aujourd'hui. Il y a toute une section sur l'organisation des fins de semaine qui sert à mobiliser les jeunes de toutes les régions. Je leur demanderais certainement de participer à tout cela, parce que ce sont les leaders de la jeunesse. Les jeunes écoutent les jeunes, ils n'écoutent pas les anciens.
J'ai trouvé votre dernier commentaire fort intéressant, docteur Francescutti. Je trouve un peu inquiétant que vous disiez que ces bases de données ne sont pas celles du gouvernement. Je suis tout à fait convaincu de la justesse de votre position fondamentale qui est que nous avons besoin de bonnes données scientifiques si nous voulons gérer les conséquences, si nous voulons adopter, dans ce domaine, une approche scientifique.
Si je ne m'abuse, le Centre canadien de la statistique judiciaire existe toujours et tous les chercheurs peuvent obtenir, dans un seul endroit, toutes les données dont ils ont besoin. Bien sûr, il ne faudrait pas que ces données soient trop largement diffusées, mais elles devraient être réservées aux personnes concernées qui y auraient librement accès.
N'est-ce pas là un modèle que nous devrions envisager? Est-ce quelque chose qui, d'après vous, devrait figurer dans la loi elle-même — la nécessité d'avoir un endroit où déposer toutes les données dont vous parlez?
Le chef de police a déclaré que nous faisions face, je crois que c'est l'expression qu'il a utilisée, à un « problème redoutable ». Il y a aussi le fait que l'intelligence artificielle est presque là. Nous avons aujourd'hui la capacité de relier de nombreux ensembles de données différentes et d'y trouver des réponses. Je ne suis pas fixé sur un modèle ou un autre — vous en savez davantage que moi dans ce domaine —, mais il faut que ce dépôt soit sécuritaire, qu'il soit facile d'accès et qu'il puisse fournir l'information dont ont besoin les décideurs, les politiques, les groupes de défense des droits ainsi que le public.
Si les résultats ne sont pas bons, il faudra alors changer de cap. Habituellement, les organismes capables de réagir rapidement ne sont pas des organismes gouvernementaux. C'est la raison pour laquelle nous disons que cela devrait être relié à un organisme non gouvernemental, de façon à pouvoir réagir plus rapidement.
Ce dépôt pourrait, peut-être, être cogéré par des équipes de recherche universitaire et une agence gouvernementale à qui la loi confierait un tel dépôt.
Je pense que vous faites valoir un excellent point.
J'aimerais revenir à Mme Latimer, de la Société John Howard du Canada, et poursuivre dans la même ligne de pensée que mon collègue M. Boissonnault.
Il est passablement évident que s'il doit y avoir des dépistages obligatoires d'alcool, il va s'ensuivre des contestations en vertu de la Charte. Je me fais l'avocat du diable ici. Si les avantages sont si importants, ce que nous avons constaté en retirant des gens de la route et en réduisant le nombre de personnes accusées en raison de l'effet dissuasif, ce qui est l'expérience irlandaise d'après ce que nous avons entendu — Les mères contre l'alcool au volant nous l'ont appris —, qu'est-ce que cela change s'il y a une, deux ou trois contestations en vertu de la Charte?
Cela se produit continuellement avec la réforme de la justice pénale. Une fois ces contestations passées, nous aurons alors une compréhension de ce que le droit est et nous continuerons et sauverons des vies. Qu'y a-t-il de mal à cela?
Je pense que la contestation en soi n'a rien de mal. Je pense qu'il serait par contre malheureux si la contestation l'emportait et que l'on se rendait compte que le cadre et toute la formation des agents d'exécution de la loi reposaient sur quelque chose qui n'a pas résisté à la contestation constitutionnelle.
Si vous avez quelque chose qui ressemble de prime abord à une atteinte à un droit garanti, vous devez le justifier en vertu de l'article 1, ce qui signifie que vous devriez présenter vos éléments de preuve relativement aux avantages sociaux auxquels vous vous attendriez, en plus de présenter ce que d'autres pays ont fait, plus d'autres choses.
Vous pourriez même essayer d'argumenter en faveur de l'article 1, mais je pense qu'il est important de le faire et de s'en tenir aux éléments de preuve et de vraiment aborder quelques-uns des enjeux liés à la Charte avant d'adopter la loi.
Les éléments de preuve que nous avons reçus de M. Hogg étaient que oui, effectivement, nous aurions un critère de l'équilibre dans l'application de l'article 1, mais il a dit dans son témoignage qu'il prévoyait que les tribunaux seraient sympathiques aux avantages sociétaux que nous en retirerions. Même s'il y avait une atteinte aux droits, elle serait justifiée.
C'est ainsi que le critère fonctionne. C'est ce qu'il prévoyait. Je comprends quand vous dites que ce n'est pas peut-être ce qui se produit en réalité. Par contre, l'avantage n'est-il pas nettement plus grand que le fardeau, nettement meilleur que le risque dont vous parlez, de courir le risque pour la sécurité des Canadiens?
Je pense que vous pourriez certainement faire valoir votre argument relatif à l'article 1. Si vous me demandez mon avis personnel, j'aimerais jeter un coup d'œil aux éléments de preuve liés à l'article 1 qui sont présentés. Je ne les connais pas. Lorsque vous vous engagez sur un terrain glissant et dites que l'objectif social justifie l'érosion des droits des gens... Cela constitue pour nous un grand enjeu. Il s'agit d'un...
Il n'y a rien de nouveau. Cela se produit dans chaque affaire soulevée en vertu de la Charte.
J'aimerais tout simplement vous demander au sujet de ce que vous semblez laisser entendre, que parce qu'il y ait une résistance à l'endroit des tests d'haleine et des tests sanguins, si je comprends bien ce que vous dites, vous contestez la notion d'un test sanguin pour déterminer la présence de drogues. Vous avez aussi parlé de tests de sobriété, etc.
Est-ce la nature même du test d'haleine ou du test sanguin qui vous préoccupe, ou s'agit-il du fait que nous n'attrapons pas suffisamment de gens ou que nous en attrapons trop? Je me demande si vous pourriez nous en dire un peu plus au sujet de vos préoccupations, parce que je pense que c'est la première fois que j'entends de telles préoccupations exprimées devant notre comité.
Ce que je comprends, c'est que parmi les gens qui sont habitués à la marijuana et qui en consomment beaucoup, le niveau d'affaiblissement des capacités est considérablement moindre que dans le cas des personnes qui consomment à l'occasion. Les personnes dont le corps ne s'est pas adapté à cette consommation de marijuana auraient les facultés plus affaiblies malgré une densité moins élevée de la drogue dans leur système.
Ainsi, vous obtenez un résultat quelque peu pervers si vous vous appuyez seulement sur la quantité de drogue dans votre système sanguin. Bien sûr, peut-être que les gens ne devraient pas conduire du tout après avoir fumé, mais la question est de savoir s'ils conduisent avec les facultés affaiblies et le test sanguin comme tel peut ne pas vous donner une indication juste pour déterminer s'ils ont ou non les facultés affaiblies. Je pense qu'il vous faut un meilleur test pour déterminer s'ils ont ou non les facultés affaiblies.
Voulez-vous dire que vous aimeriez un test, si la technologie n'est pas adéquate et qu'il se peut fort bien que nous attrapions des gens dont les facultés ne sont effectivement pas affaiblies...? Existe-t-il un danger de jeter le bébé avec l'eau du bain, pour utiliser cette horrible expression? L'objectif n'est-il pas de protéger la société contre les personnes qui causent des décès?
Tout à fait, mais je ne dis pas qu'il ne devrait pas y avoir un test. Je dis qu'il devrait y avoir un test qui soit un test précis de détection des facultés affaiblies — un test qui vérifie la perception, les réflexes, des choses du genre.
Ce n'est peut-être pas un bon substitut, mais c'est mieux que rien. Selon les témoignages entendus, les tests de sobriété ne sont pas particulièrement efficaces non plus, du moins dans le cas du cannabis. Nous devons agir. Ce n'est peut-être pas un bon substitut, mais n'est-ce pas mieux que rien? Quelle est la solution de rechange? Doit-on se tourner vers les tests de sobriété comme étant la seule chose à faire?
Je pense que le monde de la technologie est tel que vous pourriez disposer d'un programme qui vérifie à quel point les gens répondent à un stimulus, à quelle vitesse ils... tout simplement en consultant un écran d'ordinateur. Combien de temps vous faut-il pour appuyer sur le bouton après un éclat lumineux jaune? Si vos facultés sont affaiblies par la marijuana, y a-t-il une réaction à retardement? Alors, vous parlez d'un véritable affaiblissement des capacités et non pas simplement des niveaux de substances dans le système sanguin.
Permettez-moi de poser ma première question à M. Stewart. Tout d'abord, j'aimerais vous féliciter de l'excellent travail de votre organisation, Arrive Alive.
Voici ma question. Dans votre témoignage, vous parlez de l'expérience tant au Colorado que dans l'État de Washington. Je suppose que vous connaissez leur approche de la conduite avec facultés affaiblies. À votre avis, quelle erreur ont-ils commise? Quelles sont les leçons que nous sommes censés tirer, compte tenu qu'ils l'ont fait quelques années plus tôt que nous?
D'après ce que nous entendons de nos collègues là-bas... L'an dernier, lors de notre conférence, un conférencier venait de l'État de Washington. Il était un policier là-bas affecté au bureau du gouverneur et il s'occupait des questions de sécurité routière.
Une chose dont il a parlé — et nous avons entendu la même chose du Colorado — était, s'ils pouvaient revenir en arrière dans le temps et corriger ce qu'ils ont fait, de mettre en place un meilleur programme d'éducation. Ils s'entendaient tous pour dire qu'ils avaient manqué leur coup. Ils n'avaient pas en place un programme d'éducation au moment de la légalisation. La formation a suivi et, pour cette raison, ils ont enregistré des augmentations dans le nombre de décès et d'incidents de conduite avec facultés affaiblies par la drogue.
Nous exhorterions le gouvernement du Canada à mettre en place un solide plan d'éducation non pas la veille du 1er juillet 2018, mais de préférence à la fin de la présente année, s'il le pouvait, uniquement pour disposer du plus grand nombre de mois possible avant le 1er juillet pour sensibiliser les Canadiens aux dangers de la conduite avec facultés affaiblies par les drogues.
Excellent.
À votre avis, connaissant leur expérience et connaissant aussi ce que le gouvernement a préparé pour le renforcement des capacités des policiers, pour sensibiliser davantage le public, pour soutenir la recherche, pensez-vous que nous sommes sur la bonne voie et que nous avons adopté une approche responsable?
Je pense que c'est une bonne chose pour le gouvernement d'y consacrer le plus d'argent possible. Comme vous l'avez mentionné plus tôt, on y a affecté 270 millions de dollars, à quelques millions près. De toute évidence, nous préférerions qu'on y consacre davantage de fonds, mais c'est un bon départ et il est bien que le gouvernement ait pris cet engagement.
Nous demanderions tout simplement que le gouvernement accélère le rythme. C'est une chose de promettre d'investir tout cet argent dans l'éducation et l'exécution de la loi, mais il est également important de réitérer que tout devrait être en place et prêt pour le 1er juillet.
De plus, le Comité a reçu une lettre des États-Unis dans laquelle le procureur général et le gouverneur du Colorado ont dit qu'en investissant plus d'argent dans la formation des policiers, ils ont maintenant constaté une diminution en 2017 par rapport à 2016, ce qui explique essentiellement ce que nous avons préparé.
Je vous en remercie.
Permettez-moi maintenant de poser une question à M. Francescutti.
Votre idée d'avoir des ensembles de données solides m'intrigue quelque peu. Êtes-vous au courant d'une autre contestation d'une politique publique à l'égard de laquelle un gouvernement s'inquiétait de la façon d'aborder efficacement quelque chose et a recouru à l'utilisation d'ensembles de données solides?
Oui. Le Canada affiche en réalité un très beau bilan avec son Système canadien hospitalier d'information et de recherche en prévention des traumatismes, le SCHIRPT. Il s'agit d'un programme plutôt unique qui a été mis sur pied en partenariat avec les hôpitaux psychiatriques pour mesurer les blessures subies pendant l'enfance. Le Canada fait quelque chose du genre.
Le problème avec ce programme est qu'il s'agit d'un domaine qui évolue très rapidement. Vous devez pouvoir compter sur de multiples ensembles de données qu'il faudra analyser, ce que des humains ne seront pas en mesure de faire. Il vous faudra l'intelligence artificielle. Il s'agit d'une possibilité de créer un partenariat avec IBM Watson, qui se trouve au Canada et qui est à la recherche de projets. De plus, DeepMind, de l'Université de l'Alberta, vient d'obtenir la permission de travailler avec les responsables de DeepMind au R.-U. pour résoudre des problèmes qui semblent insolubles.
J'aurais alors recours, à l'aide de la toute dernière technologie, dont nous ne parlons même pas, c'est-à-dire l'intelligence artificielle.
D'accord.
Avez-vous d'autres exemples d'autres pays où ils se sont attaqués à des questions de politique publique?
Oui, le CDC à Atlanta a élaboré un programme intitulé WISQARS, programme qui est une base de données qui examine les blessures subies aux États-Unis, ventilées par comté. Ce programme fournit beaucoup de renseignements.
Par contre, le problème est tellement unique que vous ne pouvez pas concevoir un système sur une vieille façon de penser. Vous avez besoin d'une nouvelle façon de penser, soit avec DeepMind, ou l'intelligence artificielle, soit avec IBM Watson, pour le résoudre, parce que ce sera très fluide.
Permettez-moi de m'assurer que vous comprenez bien. Vous ne pourrez pas vous sortir de ce problème par la formation. Vous devrez dépenser une quantité énorme d'argent et vous ne parviendrez jamais au point de basculement auquel cela fera une différence. Ce sera comme pour la campagne de Nancy Reagan « Just Say No », cela vous fait chaud au cœur, mais n'a absolument aucune incidence.
J'ai remarqué qu'il s'agit de la deuxième fois que vous mettez en évidence vos appréhensions au sujet des campagnes d'éducation. Quelle en est la cause, quelle est votre expérience à cet égard?
Cela vient des éléments de preuve. Si nous devions agir en fonction des éléments de preuve, les campagnes d'éducation en santé publique ont généralement failli très misérablement à la tâche.
Le meilleur exemple que je puisse vous donner est celui de l'époque où le sida est apparu dans les années 1980. En Australie, on a mené une campagne astucieuse d'un joueur de quilles, qui était le fossoyeur, lançant une boule de quilles sur une allée et renversant toutes ces personnes. Ce qui s'est produit, c'est qu'elle n'a eu aucune incidence sur le sida, mais les gens ont cessé de jouer aux quilles.
C'est très épeurant. Merci beaucoup, monsieur Ehsassi.
Avez-vous de brèves questions à l'intention du groupe de témoins?
Si non, je tiens à vous remercier tous d'être venus aujourd'hui. Nous vous en sommes sincèrement reconnaissants.
Nous allons interrompre nos travaux pendant quelques instants pour permettre à un autre groupe de témoin de s'approcher.
C'est avec plaisir que nous accueillons notre troisième groupe de témoins aujourd'hui.
Je tiens à souhaiter la bienvenue à Mme Rachelle Wallage, présidente du Comité sur la conduite sous l'influence des drogues de la Société canadienne des sciences judiciaires.
Du Conseil canadien de la sécurité nautique, nous accueillons M. John Gullick, qui en est le président, et M. Michael Vollmer, le vice-président.
Nous devrions aussi accueillir par vidéoconférence M. Barry Watson, professeur auxiliaire à la faculté de la santé de la Queensland University of Technology, à Brisbane, en Australie. M. Watson est en train d'établir la connexion. Il sera le dernier témoin du groupe.
Nous commencerons par vous, madame Wallage. Vous avez la parole.
Bonsoir. Je tiens à vous remercier de me donner l'occasion de vous adresser la parole au nom du Comité sur la conduite sous l'influence des drogues, ou CCID, de la Société canadienne des sciences judiciaires. Je profiterai du temps qui m'est accordé pour me présenter, pour vous parler du CCID, pour expliquer notre processus et notre rôle et pour vous donner des renseignements de base et, je l'espère, pour clarifier toute question d'ordre scientifique concernant les nouvelles dispositions proposées.
Je m'appelle Rachelle Wallage. Je suis une toxicologue judiciaire. Je travaille au Centre des sciences judiciaires à Toronto depuis 17 ans.
Le Centre des sciences judiciaires est un laboratoire provincial qui fonctionne à la fois comme laboratoire du coroner et laboratoire médico-légal. Le rôle prédominant d'un toxicologue judiciaire est de fournir une expertise sur les drogues, notamment l'alcool, et d'interpréter les doses détectées à l'analyse effectuée par la section de toxicologie.
Cette interprétation des drogues sur ordonnance, en vente libre et récréatives peut comprendre des doses à un niveau subthérapeutique, thérapeutique, récréatif, toxique ou fatal dans le contexte de nombreuses affaires, de même que des opinions offertes concernant l'affaiblissement des capacités. Toutes ces interprétations sont accompagnées d'une explication plus poussée de ce que la terminologie signifie ou implique, les exceptions à l'interprétation, ou les conditions qui les rendent plus ou moins probables. Cela se termine souvent par un témoignage devant les tribunaux ou lors d'enquêtes du coroner.
Afin de mettre en contexte les responsabilités de nos tribunaux, voici quelques exemples.
J'ai témoigné cinq fois au cours d'une semaine de travail relativement à différentes affaires. J'ai des collègues qui ont témoigné deux fois en une journée devant deux tribunaux distincts. En outre, il n'est pas inhabituel que de trois à cinq journées au cours d'une semaine soient prévues pour des comparutions un peu partout dans la province. J'estime que mon plus bref témoignage a été d'environ quatre minutes, mon plus long ayant été de quatre jours. Le tribunal est comme une boîte de chocolats; vous ne savez jamais ce que vous allez obtenir.
Je me rends très bien compte que les laboratoires ne sont pas tous aussi occupés, mais c'est la réalité pour un grand nombre d'entre nous. Compte tenu de l'actuelle épidémie d'opioïdes, de la légalisation du cannabis et des modifications exhaustives proposées au Code criminel du Canada, je m'en voudrais de ne pas saisir l'occasion de parler de la pression exercée sur les laboratoires. Le système de laboratoires ne peut pas continuer à absorber la hausse de demandes d'analyse, les comparutions en cour et la nécessité d'une expertise technique, en particulier à une période où l'on demande de plus en plus de tenir les procès dans un délai raisonnable.
De plus, je suis la présidente du Comité sur la conduite sous l'influence des drogues. Le rôle du CCID est de conseiller le ministère de la Justice à l'égard de questions reliées à la conduite sous l'effet des drogues. De toute évidence, cette tâche n'est pas facile, compte tenu des centaines de drogues qui affaiblissent les capacités et qui sont sur le marché, chacune d'entre elles ayant des complexités connexes. Lorsqu'il est question d'analyse, d'interprétation et de prévisibilité, l'alcool est l'exception plutôt que la règle dans sa simplicité.
Le CCID compte six scientifiques dans le domaine de la conduite avec facultés affaiblies par les drogues, qui viennent principalement des systèmes de laboratoires judiciaires d'un bout à l'autre du Canada. Le CCID est un comité de bénévoles. Nous avons des carrières exigeantes à l'extérieur de notre rôle au sein du comité, de sorte que notre temps est limité et que le travail pour le CCID se fait en général la fin de semaine, pendant des journées de vacances et lors de tous les temps libres que nous pouvons dégager et qui seraient par ailleurs bien consacrés à décompresser d'une journée de travail très chargée.
Nous formons un comité qui se compose de personnes venant d'un bout à l'autre du pays et nous nous réunissons en général en personne une fois par année. Le financement du comité constitue un facteur limitant. Le ministère de la Justice accorde une subvention, qui est partagée entre la Société canadienne des sciences judiciaires, le comité sur le test d'alcoolémie et le comité sur la conduite sous l'influence des drogues. Nous avons enregistré une augmentation radicale des demandes de notre temps et de nos connaissances et le financement ne suffit pas.
Le comité sur le test d'alcoolémie compte 10 membres. Le nôtre en compte six et je soutiendrais également que nous devrions être au moins 10. L'inquiétude tient au fait que si nous sommes 10, l'affectation annuelle au CCID ne suffirait pas à couvrir les frais de déplacement, d'hébergement et de repas pour que nous puissions tenir une réunion par année, ce qui serait aussi selon moi insuffisant à ce moment-ci. Il y a d'autres secteurs du gouvernement qui voient actuellement l'importance de notre expertise et il est temps de réexaminer l'investissement dans l'avenir du CCID.
Au cours des dernières années, un fait intéressant a été l'utilisation comme telle de limites pour les substances autres que l'alcool. Certains pays et États ont adopté cette approche. On a demandé aux membres du CCID quelle était leur expertise collective concernant l'idée de limites comme telles ou d'une tolérance zéro à l'égard de certaines drogues.
Ce processus s'est amorcé il y a quelques années, lorsque nous avons formulé une longue liste des drogues particulièrement préoccupantes pour la sécurité sur nos routes. Des recherches ont été réalisées à l'égard de chacune de ces drogues et on a évalué la faisabilité d'établir une limite. Parmi les facteurs pris en considération, mentionnons le potentiel qu'une tolérance se développe avec une consommation régulière; savoir si l'on pouvait obtenir la drogue sur ordonnance, si elle était en vente libre ou destinée à un usage récréatif; les concentrations résiduelles et la prévalence de l'usage au sein de la population.
À partir de cette liste, nous avons créé une liste restreinte. D'autres recherches ont été effectuées et des discussions ont eu lieu. Le rapport ultime donne les grandes lignes d'une approche comme telle concernant quatre drogues et d'une tolérance zéro dans le cas de cinq drogues. Les facteurs qui ont été pris en considération dans la prise de décisions ultime comportaient les enjeux liés à l'analyse, à l'entreposage et à la stabilité; les propriétés pharmacologiques, des niveaux établis ailleurs, le retard inévitable pour prélever les échantillons; l'absence d'une formule acceptable de rétro-extrapolation dans le cas des substances autres que l'alcool.
Brièvement, en ce qui concerne la rétro-extrapolation ou le calcul, cela signifie que dans le cas de l'alcool, on peut tenir compte du temps écoulé entre le prélèvement de l'échantillon et l'incident pour obtenir une concentration d'alcoolémie au moment de l'incident. Il n'existe aucune formule établie pour une autre substance qui permet d'obtenir une concentration au moment de l'incident; par conséquent, la concentration détectée dans l'échantillon, qui est en général un reflet du moment du prélèvement de l'échantillon à moins que la substance ne se décompose dans l'éprouvette, constituera le seul renseignement disponible au sujet du niveau.
On a aussi demandé au CCID d’évaluer le matériel de détection des drogues, à savoir les dispositifs de dépistage salivaire. Il s'agit de dispositifs que l'on peut utiliser pour indiquer la consommation de drogue. Le CCID étudie actuellement des dispositifs de dépistage qui détectent le THC, la cocaïne et la méthamphétamine. Les normes d'évaluation suivent un processus continu. Une fois qu'elles seront établies, les fabricants soumettront les appareils à une évaluation. Le CCID examinera alors les données, effectuera l'évaluation définitive et formulera des recommandations pour dresser la liste d'approbation du matériel de dépistage des drogues. Les services qui choisissent d'acheter ces dispositifs devront alors former leurs agents à leur utilisation.
Je vais maintenant définir quelques termes.
« Affaiblissement des capacités » s'entend d'une capacité amoindrie d'exécuter une certaine tâche, un écart par rapport à la norme, de façon à ce que si vous contrôlez une personne qui n'a consommé aucune substance et que vous donnez à cette personne une dose d'une substance donnée, il y aurait affaiblissement des capacités chez cette personne lorsqu'elle aurait démontré une diminution de rendement à une mesure donnée. On peut faire la différence par rapport à l'intoxication, c'est-à-dire les signes physiques de l'administration de substances, notamment la difficulté de rester en équilibre et de marcher.
On décrit l'affaiblissement des capacités par les facultés touchées par la substance. À titre d'exemples, mentionnons l'attention partagée, la vigilance, le temps de réaction et la prise de décisions. Il n'est pas nécessaire qu'une personne manifeste un manque de coordination motrice globale pour que l'on estime que ses facultés sont affaiblies. De toute évidence, une personne qui fait l'expérience de ces effets prononcés des drogues a les facultés affaiblies, mais une personne peut également avoir les facultés affaiblies sans pour autant présenter la symptomatologie manifeste.
J'aimerais remercier les membres du CCID de leur temps, d'avoir partagé leur savoir et de leur dévouement. J'aimerais aussi remercier les bibliothécaires du Centre des sciences judiciaires de leur capacité de passer à l'action dès que j'avais besoin d'une autre publication.
En outre, je tiens à remercier mes collègues, puisque le tout est plus grand que la somme de ses parties. De plus, ce fut un plaisir de travailler avec les procureurs de la Couronne et les avocats du ministère de la Justice de partout au Canada, ce qui m'a permis d'apprendre qu'une salle remplie d'avocats est tout aussi agréable qu'une salle remplie de toxicologues.
Des voix: Oh, oh!
Merci beaucoup, madame Wallage.
Nous passons maintenant au Conseil canadien de la sécurité nautique.
Monsieur Gullick, monsieur Vollmer, je vous cède la parole pour votre exposé. Je crois que vous avez une présentation PowerPoint.
Merci beaucoup, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité, de nous avoir invités à comparaître devant vous aujourd'hui. Nous allons maintenant concentrer notre attention sur les voies de navigation plutôt que sur les routes.
Je vais prendre quelques minutes pour parler de notre organisme et de qui nous sommes. Nous formons un organisme national dont les administrateurs et les membres sont répartis d'un océan à l'autre. Nous comptons 20 administrateurs, moi compris, et un comité de direction. Nous sommes dirigés par des bénévoles. Nous n'avons aucun employé rémunéré en permanence et aucune aide financière récurrente de la part du gouvernement. Notre fondation remonte à plus de 25 ans.
Notre mission consiste à réduire la fréquence des décès attribuables à des activités nautiques; à développer des partenariats avec le gouvernement, les organismes voués à la sécurité nautique et l'industrie de la navigation de plaisance; à agir en partenariat pour présenter d'importantes activités de sensibilisation à la sécurité nautique aux plaisanciers partout au Canada.
Pour ce qui est de nos activités, nous réalisons des campagnes sur la sécurité nautique, nous effectuons des recherches, nous disposons de ressources sur la sécurité nautique, nous donnons de la formation sur l'immersion en eau froide et nous décernons des mentions d'excellence en sécurité nautique au Canada afin de reconnaître les efforts des autres. Nous tenons un symposium annuel, nous assurons la liaison avec le gouvernement et des organisations internationales, notamment le National Safe Boating Council des États-Unis, ce qui comprendrait l'Accord international sur les principes du port des gilets de sauvetage, de même que le Conseil consultatif national sur la navigation de plaisance et le Conseil consultatif maritime canadien.
J'aimerais dire pour commencer que nous appuyons les modifications prévues dans le projet de loi C-46. Nous sommes grandement favorables aux modifications présentées dans le projet de loi et nous croyons aussi que ce dernier devrait être un reflet des conséquences de l'exploitation de tous les modes de transport sous l'influence de l'alcool ou de drogues.
Nous recommandons une modification aux modifications actuellement proposées. À l'article 320.11 actuellement proposé, la définition de bateau « s'entend notamment d'un aéroglisseur, tout bateau mû uniquement par la force musculaire étant exclu » ou la force humaine. Le Conseil canadien de la sécurité nautique propose de changer la définition de bateau pour la faire correspondre à celle de bâtiment dans la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada:
bâtiment s'entend d'un navire, bateau ou embarcation conçu, utilisé ou utilisable — exclusivement ou non — pour la navigation sur l'eau, au-dessous ou légèrement au-dessus de celle-ci, indépendamment de son mode de propulsion ou de l'absence de propulsion ou du fait qu'il est encore en construction. Sont exclus de la présente définition les objets flottants des catégories prévues par règlement.
Simplement, nous demandons le changement suivant: que les embarcations à propulsion musculaire ou humaine ne soient pas exclues de la définition de bâtiment. Dans la Loi sur la marine marchande, tout simplement à titre de signalement, certains de ses objectifs visent à « protéger la santé et le bien-être » de ceux qui participent au transport et au commerce maritimes, de « favoriser la sûreté du transport maritime et de la navigation de plaisance » et « d'encourager l'harmonisation des pratiques maritimes ».
Voici quelques statistiques de la Croix-Rouge canadienne sur les décès par immersion liés à la navigation lors d'activités récréatives et de la vie quotidienne selon le type d'embarcation, où l'alcool était en cause pour les victimes de 15 ans et plus au Canada au cours de la période de 1991 à 2010, soit 20 ans. Le nombre total de décès liés à la navigation s'établit à 3 324. Le nombre total de décès liés à la navigation où l'alcool est présent ou soupçonné s'élève à 1 066, soit 32 %. Dans le cas des bateaux à moteur, il s'agit de 611 décès où l'alcool est présent ou soupçonné, soit 18 %. Dans le cas des bateaux sans moteur — on parlerait donc des embarcations à propulsion musculaire ou humaine —, il y a eu 375 décès où l'alcool était présent ou soupçonné, soit 11 %. Finalement, il y a les bateaux de type inconnu, au nombre de 80, où l'alcool est présent ou soupçonné, soit 3 %.
Selon l'étude de 2016 menée par la National Marine Manufacturers Association (NMMA) sur les retombées économiques, environ 43 % des Canadiens, soit 12,4 millions, vont sur l'eau chaque année. Environ 8,6 millions de bateaux sont en usage au Canada et à peu près 60 % d'entre eux sont à propulsion humaine, soit canots, kayaks, planches à pagaie, etc.
En ce qui concerne notre conclusion et notre recommandation, nous, au CCSN, croyons que la définition d'un bateau dans le projet de loi C-46 devrait inclure tous les bateaux, même ceux à propulsion humaine exclusivement, et être conforme à la définition utilisée dans la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada.
Nous trouvons encourageant que le préambule du projet de loi C-46C-46 dise que la conduite dangereuse et la conduite avec capacités affaiblies sont « inadmissibles en tout temps et en toutes circonstances ». L'objectif étant de moderniser la loi pour mieux répondre aux problèmes liés aux capacités affaiblies, il serait bon de prévoir aussi apporter des changements sociétaux aux activités nautiques.
Il arrive souvent que d'autres bateaux et des passagers soient mêlés à des incidents impliquant des bateaux à moteur. Dans le cas des bateaux à propulsion humaine ou musculaire, un tel incident engendre des risques pour la vie des passagers et des secouristes ainsi que des conséquences pour les membres de la famille et les systèmes qui les soutiennent. Un simple coup d'œil aux statistiques suffit pour voir qu'un très grand nombre d'incidents sont reliés à l'alcool, tant pour les bateaux à moteur que pour ceux à propulsion musculaire ou humaine.
Je vous remercie et je vais voir si Michael a quoi que ce soit à ajouter.
J'aimerais vous donner un exemple graphique qui remonte au printemps dernier. Il concerne une embarcation à propulsion humaine et les risques en cause.
L'incident est survenu sur la rivière Muskoka, près de Bracebridge. Un père et un enfant pagayaient. On allègue que le père était en état d'ébriété. Le canot a chaviré. L'enfant a été emporté vers les chutes et est mort... un enfant de huit ans, assis à l'extrémité pointue du canot. Le père a été accusé de conduite d'un bateau avec facultés affaiblies ayant causé la mort et de conduite d'un bateau avec une alcoolémie supérieure à 80 milligrammes et ayant causé la mort. En vertu du changement proposé, cet aspect serait éliminé.
Lorsque vous considérez que 60 % des bateaux au Canada sont ces... Comme il est indiqué dans un sondage réalisé auprès de 3 291 propriétaires de chalet autour des lacs Muskoka, le nombre de planches à pagaie augmente, passant de 16 % à 42 % de la flotte. Il s'agit des planches à pagayer debout. Le nombre de kayaks a augmenté de 10 % entre 2013 et 2017. Vous n'avez qu'à vous promener le long de la rue et à regarder sur le toit des voitures; elles ont toutes des canots, des kayaks et des planches à pagaie.
Notre groupe a travaillé très fort au Conseil de la sécurité nautique. Nous avons tenu une semaine de la sécurité nautique. Nous produisons environ 170 millions d'impressions par année à un coût de 300 000 $, soit un achat de publicité incroyable, et l'un de nos messages est « Pas d'alcool dans une embarcation ». Nous allons la modifier pour « Pas d'alcool et de pot dans une embarcation ». Il y a toutes ces choses: « Portez vos gilets de sauvetage » et « Suivez un cours de sécurité nautique ».
Fondamentalement, nous avons besoin que la loi appuie notre position. De plus, changer cette définition est une notion très difficile, j'en ai bien peur, de notre point de vue. S'il vous plaît, prenez-la en considération. C'est inscrit dans la loi en ce moment, cela fonctionne et nous en avons besoin du point de vue des plaisanciers.
Merci.
Merci beaucoup de votre exposé très clair. Nous vous en sommes reconnaissants.
Nous accueillons maintenant en direct de Brisbane M. Watson, je crois.
Merci beaucoup de vous joindre à nous. Nous sommes heureux de compter un véritable Australien parmi nous. Nous avons hâte d'entendre votre exposé. Vous avez la parole.
Bonjour depuis Brisbane, Australie. J'aimerais remercier le Comité de l'occasion qu'il me donne de lui adresser la parole au sujet de l'approche australienne pour réduire le rôle de l'alcool dans les accidents de la route. J'espère que cela vous sera utile dans vos délibérations au sujet du projet de loi C-46.
Au cours des 30 dernières années, le nombre de décès sur les routes attribuables à la consommation d'alcool a diminué de façon importante en Australie, sans compter un changement majeur dans l'attitude des collectivités face à l'alcool au volant. Aujourd'hui, j'aimerais vous dresser un bref aperçu des diverses mesures de prévention qui ont contribué à ces changements.
En toile de fond, ce graphique illustre la tendance à long terme en pourcentage des conducteurs et des motocyclistes tués en Australie alors que le taux d'alcoolémie était de 0,05 gramme par 100 millilitres ou plus, ce qui constitue la limite générale de l'alcoolémie au pays. Comme vous pouvez le constater, l'Australie a enregistré une diminution importante des décès attribuables à l'alcool au cours des années 1980 et 1990, diminution qui ressemble à celle observée dans de nombreux autres pays qui ont un important parc motorisé dans le monde, dont le Canada. Bien que le nombre de décès se soit stabilisé au début des années 2000, la tendance à la baisse a repris depuis 2008. Cette diminution à long terme dans les décès attribuables à l'alcool est l'une des grandes histoires à succès de la sécurité routière en Australie et elle a fait suite à la mise en place de mesures de prévention.
À la diapositive suivante, j'aimerais résumer l'évolution des mesures de prévention liées à l'alcool au volant en Australie. Cette liste ne se veut pas exhaustive et j'ai maintenu les périodes relativement vastes, étant donné que les mesures de prévention ont été mises en œuvre à des périodes différentes dans nos États et nos territoires. La fondation de notre approche a été jetée à la fin des années 1960 et au début des années 1970, lorsque tous les États ont adopté des lois à proprement parler sur la conduite avec facultés affaiblies. Au cours des années 1980, cette approche a été renforcée par l'abaissement de notre limite générale du taux d'alcoolémie, qui est passé de 0,08 à 0,05 et par la mise en place d'alcootests aléatoires et de peines obligatoires dans le cas de la conduite avec facultés affaiblies, y compris la révocation du permis de conduire pour tous les contrevenants.
Pendant les années 1990, il y a eu d'autres peaufinages, notamment la mise en place d'une limite zéro du taux d'alcoolémie pour les apprentis conducteurs, les conducteurs recrues et les conducteurs professionnels, en plus d'un durcissement continu des sanctions. Bien que la plupart des États aient mis en place une certaine forme de réadaptation à l'intention des contrevenants au cours de cette période, ce programme demeure volontaire dans certains États. Depuis le début des années 2000, la plupart des États australiens ont mis en place les antidémarreurs avec éthylomètre et la mise en fourrière des véhicules dans le cas des contrevenants dont le taux d'alcoolémie était très élevé ainsi que des récidivistes.
Pour illustrer l'incidence de ces mesures de prévention, j'aimerais présenter une étude de cas de mon État, le Queensland. Nous avons commencé les alcootests à la fin des années 1960 et nous avons adopté une limite d'alcoolémie de 0,05 en 1982. Cependant, nous avons retardé la mise en place des alcootests aléatoires, malgré leur adoption généralisée dans d'autres États, en raison des préoccupations perçues liées à la liberté civile de la part du gouvernement de l'État du Queensland. À la place, le gouvernement a mis en place une forme amoindrie de l'alcootest en 1996, appelée « la réduction de la conduite avec les facultés affaiblies ». Ce programme était semblable aux points de contrôle de la sobriété que l'on retrouve actuellement dans de nombreux pays. La police pouvait de façon aléatoire intercepter des conducteurs, mais ne pouvait effectuer un alcootest qu'à l'égard des conducteurs soupçonnés d'avoir bu. Finalement, après les pressions exercées par les défenseurs de la sécurité routière et après des évaluations encourageantes de la part d'autres États, le gouvernement du Queensland a mis en place les alcootests aléatoires complets en 1988, ce qui permettait aux services de police d'intercepter les conducteurs en tout temps et en tout lieu et de demander un alcootest. Ces modifications ont chacune été appuyées par le durcissement des sanctions et une campagne exhaustive d'éducation du public.
Pour illustrer les incidences de ces initiatives, le graphique qui suit compare les décès attribuables à l'alcool au cours des années qui ont suivi la mise en place de chacune des principales mesures de prévention. Comme on peut le constater, l'arrivée de la limite de 0,05 et les contrôles aléatoires du taux d'alcool ont tous été associés à des réductions par étape du nombre de décès de conducteurs ou de passagers attribuables à l'alcool, réductions qui ont toutes été importantes et cohérentes avec d'autres évaluations. Selon les données, la mise en place du taux de 0,05 a été associée à une diminution de 12 % des décès attribuables à l'alcool, tandis que la mise en place des alcootests aléatoires a été associée à une diminution additionnelle de 18 % des décès, en sus de ce qui a été le cas lorsque le programme des contrôles de la sobriété était en place.
La diapositive suivante m'amène à vous parler un peu plus de l'alcootest aléatoire étant donné qu'il s'agit du principal outil d'exécution de la loi sur la conduite avec facultés affaiblies dans toute l'Australie. Comme je l'ai déjà mentionné, la mesure législative sous-tendant l'alcootest aléatoire permet aux services de police d'intercepter en tout temps les conducteurs et de les soumettre à un alcootest, peu importe que l'on soupçonne ou non qu'ils aient conduit avec les facultés affaiblies. La majorité des opérations d'alcootest aléatoire en Australie sont menées dans un mode stationnaire très visible, à l'aide de grands autobus ou de voitures de police identifiées. Bien que ces opérations soient conçues pour attraper les conducteurs aux facultés affaiblies, l'objectif principal est de promouvoir une dissuasion générale grâce à leur nature très visible.
Au fil des ans, l'alcootest aléatoire a reçu l'appui de campagnes exhaustives de publicité dans les médias de masse et diverses évaluations ont confirmé que cette mesure a produit des diminutions à long terme des collisions attribuables à l'alcool. Fait important, le soutien du public à l'égard de l'alcootest aléatoire est extrêmement élevé, un récent sondage indiquant un taux d'approbation de 98 % à l'échelle nationale à l'égard de cette mesure de prévention.
Voici quelques photos de différentes opérations d'alcootest aléatoire. Dans le coin supérieur gauche, vous pouvez voir un autobus stationné en bordure de la route. Selon la densité de la circulation, la police interceptera chaque conducteur qui passe ou choisira de façon aléatoire les véhicules dans le flot de circulation afin d'administrer un alcootest préliminaire. Ce processus est relativement rapide, les conducteurs n'étant détenus que pendant une ou deux minutes. Par contre, si le conducteur échoue l'alcootest préliminaire, il doit alors subir un test probant dans l'autobus.
Dans le coin inférieur gauche et du côté droit, vous avez des exemples d'opérations d'alcootest aléatoire visant les voitures. Dans ce mode, les conducteurs qui échouent l'alcootest préliminaire sont transportés à un poste de police pour y subir l'alcootest probant.
Comme on l'a indiqué plus tôt, des ressources policières considérables sont consacrées à l'alcootest aléatoire, de nombreux États réalisant chaque année l'équivalent d'un alcootest par conducteur détenant un permis de conduire. Dans un État comme celui du Queensland, où nous comptons plus de trois millions de conducteurs, cela signifie au-delà de trois millions d'alcootests chaque année.
En conséquence, l'exposition à l'alcootest aléatoire chaque année a augmenté de façon constante au fil du temps et est maintenant très élevée partout au pays. Comme l'illustre ce graphique, près de 80 % des conducteurs interrogés à l'échelle nationale indiquent avoir vu un alcootest aléatoire au cours des six derniers mois. Plus précisément, plus du tiers de ceux interrogés indiquent avoir effectivement fait l'objet d'un alcootest au cours des six derniers mois.
En conclusion, au cours des 30 dernières années, l'Australie a enregistré une diminution importante du nombre de décès attribuables à l'alcool. Cependant, des défis demeurent. L'alcool est toujours un facteur important pour environ 20 % des décès de conducteurs et de passagers sur les routes. Les conducteurs récidivistes demeurent préoccupants, étant donné qu'ils sont surreprésentés dans les délits et les accidents. L'utilisation des systèmes d'antidémarrage et des programmes de réadaptation demeure relativement faible dans certains États.
Finalement, comme vous l'expliquera dans un autre groupe un autre de mes collègues australiens, le commissaire adjoint Doug Fryer, tous les États et territoires de l'Australie ont maintenant mis en place des tests de dépistage aléatoire de drogues en bordure de la route fondés sur le modèle de l'alcootest aléatoire. Cette mesure a de toute évidence créé une concurrence pour les rares ressources policières et cela met en évidence la nécessité de parvenir à un équilibre entre le nombre de tests effectués pour détecter l'alcool par rapport à d'autres substances. Étant donné que la recherche continue d'indiquer que la conduite avec facultés affaiblies par l'alcool présente plus de risques que la conduite avec facultés affaiblies par les drogues, il est essentiel que les niveaux actuels d'alcootest ne soient pas compromis afin de réaliser plus de tests pour la conduite avec facultés affaiblies par les drogues en bordure de la route.
Merci beaucoup, monsieur Watson. Votre intervention est très appréciée.
Étant donné que vous ne pouvez pas nous voir, je tiens à vous informer qu'à partir de maintenant, vous et les autres membres du groupe d'experts répondrez aux questions de chacun des représentants des différents partis siégeant au Comité.
Nous allons commencer par M. Cooper.
Monsieur Cooper, la parole est à vous.
Merci, monsieur le président.
Merci à tous les témoins.
J'aimerais commencer par Mme Wallage, concernant les limites légales. J'ai pris connaissance du « Rapport sur les limites légales de drogues » produit par la Société canadienne des sciences judiciaires, en septembre 2017.
Déjà dans les premières lignes du sommaire, on lit que: « L'établissement d'une limite légale pour les drogues n'implique pas que tous les conducteurs dont le taux se situe en dessous de cette limite n'ont pas les capacités affaiblies ou que tous ceux dont le taux dépasse cette limite ont les capacités affaiblies. » Une question se pose réellement concernant la corrélation entre les capacités affaiblies et les taux de THC. Je trouve troublantes, ou à tout le moins préoccupantes, les conclusions d'une étude qui est citée ici au sujet des consommateurs chroniques par rapport aux consommateurs occasionnels. Les 11 personnes qui étaient des consommateurs occasionnels n'avaient pas réellement de concentrations de THC dans le sang immédiatement après avoir commencé à fumer, et elles se situaient essentiellement en dessous d'un nanogramme huit heures plus tard. Par contre, parmi les consommateurs chroniques, un se situait à cinq nanogrammes, même avant d'avoir commencé à fumer de la marijuana, et « trois des consommateurs chroniques affichaient des concentrations de THC dans le sang d'au moins 2 ng/mL huit heures après avoir fumé un produit du cannabis ». Selon une autre étude citée, neuf consommateurs réguliers sur 21 affichaient un taux de cinq nanogrammes ou plus au moins 24 heures après leur dernière consommation de marijuana.
J'aimerais que vous commentiez cela, parce que, selon moi, si nous devons établir une limite légale, il faut de toute évidence qu'elle comporte une corrélation avec les facultés affaiblies. Autrement, il s'agira d'une limite arbitraire.
D'accord, juste pour mettre les choses en contexte, vous citez le rapport que nous avons rédigé, dans lequel nous avons tenté le mieux possible d'aplanir toutes les difficultés concernant la consommation de cannabis, ainsi que celle d'autres drogues, et la conduite automobile. Je dirais que le cannabis n'est pas une drogue simple. Il existe toute une gamme de considérations en ce qui a trait aux différents types de consommateurs, aux différents types de consommation et aux effets dans le corps.
L'ensemble de ce paragraphe concernait les consommateurs chroniques, c'est-à-dire les personnes qui consomment quotidiennement un produit du cannabis. Il s'agissait principalement de la consommation par inhalation, c'est-à-dire le cannabis fumé, parce qu'évidemment, il existe une autre forme de consommation, l'ingestion de produits, qui est aussi présente dans la population, mais qui donne lieu à une interprétation complètement différente.
À cet égard, le THC, qui est l'ingrédient principal, le premier ingrédient psychoactif des produits du cannabis, et je vais me contenter d'utiliser l'acronyme, parce que je présume que vous le connaissez, est un composé lipophile, ce qui signifie qu'il a tendance à aller dans les tissus adipeux. Si vous êtes un consommateur occasionnel, l'inhalation donnera lieu à une augmentation rapide, puis à une diminution rapide, de la concentration de THC dans un échantillon sanguin, le composé se redistribuant dans tous les tissus adipeux, y compris le cerveau, où il exerce son effet.
Chez un consommateur chronique, c'est-à-dire quelqu'un qui consomme sur une base quotidienne, ou plusieurs fois par jour, le THC est redistribué grâce au même mécanisme. La concentration de THC augmente rapidement ou diminue rapidement dans un échantillon sanguin, puis se déplace vers les tissus adipeux. Toutefois, chez un consommateur chronique, le THC s'accumulera dans ces tissus. Chez un consommateur occasionnel, la concentration de THC dans le sang diminuera, pour s'établir à un niveau indétectable, alors que quelqu'un qui consomme cette drogue à répétition, par inhalation et qui, pendant une période, à des fins expérimentales, cesse de consommer la drogue, continuera d'avoir des taux résiduels de THC dans le sang.
Dans certains cas, chez les utilisateurs chroniques, à tout le moins dans le cadre des études, on note des taux assez élevés de THC 24 heures, ou même huit heures après le fait. Je remarque que votre rapport indique qu'en ce qui a trait aux limites légales, la détection du THC irait bien au-delà de la période pendant laquelle l'intoxication aiguë aurait dû être présente. Plus loin, il est fait mention de la période de zéro à six heures après la consommation de cannabis comme la période réellement préoccupante concernant les facultés affaiblies. Est-ce exact?
D'accord.
Un témoin qui a comparu la semaine dernière a soulevé un certain nombre de préoccupations concernant les limites légales, et selon son témoignage, les facultés des conducteurs affichant moins de cinq nanogrammes de THC par millilitre de sang pouvaient être aussi affaiblies que chez ceux affichant des limites supérieures à cinq nanogrammes. Êtes-vous d'accord avec cette observation?
Je suis d'accord avec l'idée que les facultés d'une personne peuvent être affaiblies, même lorsque la concentration est inférieure à cinq nanogrammes par millilitre. Les facultés d'une personne peuvent être affaiblies lorsque la concentration est d'un nanogramme par millilitre. Il est très difficile d'établir une corrélation directe entre la concentration et les facultés affaiblies. En ce qui a trait aux facultés affaiblies et au THC, les toxicologues doivent tenir compte d'un certain nombre de facteurs, notamment du mode d'administration, qui fournit une indication de la rapidité avec laquelle la substance agit, ainsi que de la durée de l'action.
Dans le cas du cannabis consommé par inhalation, la substance se retrouve très rapidement dans le sang et dans le cerveau, et elle a un effet qui peut durer jusqu'à environ six heures, parfois moins. Si une personne ingère la drogue, il faut plus de temps pour que ce composé actif se retrouve dans le sang. Ce composé actif, le THC, est par la suite métabolisé en un autre composé actif. Ces deux composés contribuent à l'action, mais il n'y a pas ce pic élevé de concentration, comme dans le cas du cannabis consommé par inhalation. La durée de l'effet suivant la consommation sous cette forme peut être supérieure à six heures.
Outre le mode d'administration, nous tenons aussi compte de la puissance des produits. Évidemment, si le produit est plus puissant, ou si la personne le consomme plus efficacement... Les fumeurs chroniques ont tendance à réussir très bien à faire passer l'ingrédient actif dans leur sang et, par conséquent, dans leur cerveau. Le délai écoulé depuis la consommation est l'élément essentiel pouvant nous permettre d'émettre une opinion concernant les facultés affaiblies. Si je suis au courant du délai, de la concentration et d'autres informations de ce genre, je peux certainement émettre une opinion plus utile. Malheureusement, ce n'est pas l'environnement dans lequel j'évolue. Je travaille dans un environnement où il se peut que je dispose d'une concentration, et peut-être aussi d'autres renseignements, mais le contexte n'est certainement pas idéal pour que je puisse offrir une opinion complète.
Vous êtes à huit minutes et demie.
Ne vous inquiétez pas. Nous reviendrons à vous à la fin.
Monsieur Fraser, vous avez la parole.
Merci, monsieur le président.
Merci à tous d'être présents ici aujourd'hui. J'ai beaucoup apprécié vos exposés.
Monsieur Watson, je vais commencer avec vous. Je vous remercie beaucoup de la présentation que vous avez faite. Les graphiques sont très utiles. J'aimerais vous poser une question. Lorsque nous avons examiné la question des alcootests aléatoires, ici au Canada, nombre de personnes ont évoqué la possibilité que des considérations non pertinentes interviennent au moment d'intercepter quelqu'un. Ainsi, une minorité susceptible d'être interceptée plus souvent pour des considérations non pertinentes serait donc sujette à un plus grand nombre d'alcootests aléatoires.
J'aimerais que vous nous parliez de l'expérience de l'Australie en ce qui a trait au profilage racial ou à d'autres considérations non pertinentes, et que vous nous indiquiez si les données confirment cela dans le contexte des alcootests aléatoires.
En fait, je crois que les alcootests aléatoires sont une façon de venir à bout du problème dont vous venez de parler. Pour mettre les choses en contexte, avant l'avènement des alcootests aléatoires en Australie, les services de police y avaient recours de façon discrétionnaire. Cela signifiait en général qu'ils avaient tendance à surveiller les lieux de consommation d'alcool ou à se tenir à proximité de ces lieux, ainsi qu'à chercher des signes évidents de conduite avec facultés affaiblies. En outre, après avoir étudié l'orientation prise par les alcootests aléatoires et avoir parlé à des agents de police, qui m'ont confirmé la chose, j'ai pu constater qu'ils avaient tendance à surveiller particulièrement les véhicules plus anciens, les véhicules conduits par des jeunes, et dans nombre de cas, les véhicules que ne conduisent pas les gens à l'aise.
Les alcootests aléatoires ont fait en sorte que les services de police ont eu comme directive d'intercepter tous les conducteurs de façon aléatoire. Cela signifie que, particulièrement dans le cadre des opérations menées au moyen d'autobus, tant qu'ils ont la capacité nécessaire, les services de police interceptent dans les faits tous les conducteurs et ne font preuve d'aucune discrétion à cet égard. Tous les conducteurs sont soumis aux alcootests.
La pratique varie un peu d'un État à l'autre. Dans l'État de Victoria, par exemple, la pratique était de fermer toutes les autoroutes et de soumettre tout le monde aux alcootests aléatoires. Lorsque la circulation est très dense, on a recours à un processus de sélection, c'est-à-dire que l'on sélectionne une cohorte ou un groupe de véhicules qui passent, et il est très rare qu'on intercepte un véhicule en particulier.
Dans l'ensemble, après avoir observé les opérations d'alcootests aléatoires et après avoir parlé aux services de police, je crois que l'essence même de cette mesure est d'effectuer ces tests sur une base aléatoire, sans faire preuve de discrétion.
Qu'en est-il des barrages routiers courants et de la possibilité pour les services de police d'effectuer un alcootest sans motif ni soupçon? Croyez-vous que cela peut poser un problème, dans les contextes de profilage racial, qui font en sorte qu'il est plus probable au départ qu'une minorité raciale soit interceptée?
Il existe une possibilité que cela se produise, mais en fait, les promoteurs de la sécurité routière comme moi en Australie conseillent que quiconque est intercepté par la police, notamment par suite d'un barrage routier, fasse l'objet d'un alcootest aléatoire, que le motif soit un excès de vitesse ou une autre forme de conduite erratique. La pratique varie un peu d'un État à l'autre et, encore une fois, elle dépend de la charge de travail des services de police.
Dans l'ensemble, l'objectif principal est de donner l'impression aux conducteurs que lorsqu'ils sont interceptés par la police, il y a une forte probabilité qu'ils soient soumis à un alcootest, ce qui constitue vraiment une menace dissuasive. L'élément que je voudrais réellement souligner concernant les alcootests aléatoires est que, même s'ils permettent d'arrêter les conducteurs en état d'ébriété, leur objectif premier est de dissuader la conduite avec facultés affaiblies. La crainte de subir un alcootest joue un rôle plus important que l'administration systématique de ce genre de test à tous.
Si les gens croient qu'ils vont se faire prendre, ils ne conduiront probablement pas lorsque leurs facultés sont affaiblies.
Exactement.
C'est le problème qui se posait avec l'ancien programme, appelé RID, une forme de contrôle routier servant à vérifier la sobriété. Il était toujours possible que les conducteurs, même s'ils étaient interceptés, n'aient pas à subir de test, par exemple, si le policier ne sentait pas leur haleine, ou s'ils se comportaient de façon convenable, le policier ne pouvant pas soupçonner qu'ils avaient bu. Toutefois, en pratique, je crois que les services de police ont assez d'expérience à ce chapitre, mais l'objectif principal était de créer l'impression, dans l'esprit du public, que lorsque vous êtes intercepté sur la route, il est fort probable que vous subirez un alcootest.
Je vous remercie beaucoup, monsieur.
Je me tourne maintenant vers les représentants du Conseil canadien de la sécurité nautique. Merci pour votre exposé.
Je n'ai pas bien compris ce que vous voulez voir modifier dans ces dispositions législatives. Est-ce que vous dites qu'à l'heure actuelle, un bateau mû par la force musculaire est visé dans les faits, et que ces dispositions législatives n'en tiendraient pas compte?
Exactement.
Ces dispositions législatives comportent une exemption spécifique pour les bateaux mus uniquement par la force musculaire ou humaine, ce qui fait que plus de la moitié des bateaux sont exemptés.
Comme un canot ou un kayak, ou un autre type d'embarcation de ce genre.
Vous dites donc que maintenant des personnes peuvent être accusées de faire du canot alors que leurs facultés sont affaiblies, c'est exact?
Oui.
J'ai devant moi des données de la Police provinciale de l'Ontario. Depuis 2002, cette dernière a fait enquête sur 144 accidents mortels impliquant des bateaux non motorisés, qui ont occasionné 160 pertes de vie, et dans 32,6 % de ces rapports, il a été déterminé que l'alcool ou les facultés affaiblies étaient en cause. Ce type d'accusation aurait pu être porté, parce que l'on utilisait la même définition que la Loi sur la marine marchande.
D'accord.
Avez-vous une idée de la raison pour laquelle cela n'est pas pris en compte dans les dispositions législatives actuelles? Vous a-t-on signalé une raison pour justifier cela, ou...?
Parmi les choses que nous avons entendues figure la perception selon laquelle un bateau mû par la force musculaire ou humaine s'apparente à une bicyclette. En cas d'accident, la seule personne qui est blessée, c'est celle qui est sur bicyclette.
Les bateaux mus par la force musculaire ou humaine peuvent compter plus d'un passager. Sont aussi touchés les personnes autour du bateau, les premiers répondants, les personnes qui recherchent les gens qui se perdent ou qui sont en difficulté, ainsi que les familles de ces personnes. Si vous examinez les chiffres, vous verrez qu'il n'y a pas réellement de différence entre un canot ou un bateau à moteur en ce qui a trait aux conséquences possibles.
Dans l'exemple donné par M. Vollmer, en ce qui a trait à la navigation évidemment, et particulièrement en présence d'enfants, les conséquences pourraient être beaucoup plus graves que dans le cas de la bicyclette.
Il est intéressant de noter que les personnes qui sont intervenues sont deux agents de la Police provinciale de l'Ontario qui étaient en devoir sur l'autoroute. Ils ont trouvé un homme qui errait le long de la route, de toute évidence dans un état confus, et ils ont découvert qu'il y avait un enfant dans l'eau. Ils ont tenté de secourir cet enfant. On était au mois d'avril. La température de l'eau était suffisamment basse pour entraîner un choc thermique et l'hypothermie très rapidement. Ils ont risqué leur vie pour tenter de sauver cet enfant.
J'aimerais poursuivre la série de questions concernant les activités nautiques, et peut-être parler aussi du témoignage que nous venons d'entendre concernant les alcootests.
Je n'en ai jamais eu connaissance, mais y a-t-il des tests ou une présence policière sur les embarcadères ou près des rampes de mise à l'eau achalandés? Il semble que l'on parle toujours des incidents une fois qu'ils se sont produits. Des gens se noient, alors nous faisons des tests.
Malheureusement, le niveau des services de police chargés d'assurer la sécurité nautique au Canada varie considérablement.
La Police provinciale de l'Ontario dispose de l'une des unités de sécurité nautique les plus importantes en Amérique du Nord. La sûreté du Québec en a une aussi. Toutefois, il y a beaucoup de tâtonnements et, comme vous l'avez dit à juste titre, beaucoup de constatations après le fait.
Je vis dans la vallée de l'Okanagan où les activités nautiques sont très importantes l'été, et je n'ai jamais entendu rien de la sorte se produire. Comme vous le dites, nous apprenons les choses après coup.
J'étais sur l'eau, il y a quelques semaines, avec l'une des unités des services de police régionaux ici en Ontario. Leur champ d'action est exactement le même pour une personne qui a consommé de l'alcool en conduisant un bateau que lorsqu'ils interceptent quelqu'un en automobile sur la route.
Oui, effectivement, des policiers patrouillent sur les lacs. Je me demandais seulement ce qui se produirait si l'on procédait à ces alcootests aléatoires avant que les gens montent à bord.
Il est évident que les rampes de mise à l'eau sont le meilleur endroit où exercer un contrôle policier, avant même que le bateau soit mis à l'eau, « soufflez ici », ou lorsque les gens reviennent.
En Ontario, la Loi sur les permis d'alcool dit que vous ne pouvez consommer de l'alcool à bord d'une embarcation que si celle-ci est habitable, c'est-à-dire munie de couchettes, d'installations pour la cuisson et d'une toilette, et si elle est ancrée, échouée ou amarrée le long du rivage. La loi est très restrictive.
Je conversais avec M. Blair un peu plut tôt. Je procède à un grand nombre de reconstitutions d'accidents dans le cadre de mon travail, et le nombre de ceux impliquant des personnes sorties pour une journée de consommation d'alcool et, habituellement, de marijuana... Les sorties en bateau et la consommation de drogue et d'alcool semblent être très populaires. Nous nous sommes en fait occupés d'un cas pour lequel John a pris en charge la reconstitution et pour lequel j'ai rédigé le rapport pour l'une des parties d'une poursuite civile.
Ce problème se pose depuis longtemps, et il occupe les services de police. Toutefois, comme John l'a dit, ces derniers sont mieux équipés et ils prennent davantage ces situations en main.
D'accord.
Madame Wallage, j'aimerais parler de certaines de vos préoccupations concernant le temps que consacrent les membres de votre société à témoigner et à se rendre devant les tribunaux. Je me demande si vous avez fait une extrapolation concernant le travail supplémentaire que représenterait pour vos membres l'ajout de la marijuana, ainsi que l'aspect que prendraient ces ressources.
Le nouveau projet de loi fera en sorte qu'une partie du travail ne relèvera plus de nous, en théorie, par exemple, le calcul des taux d'alcoolémie dans le sang. Le simple calcul, ou l'extrapolation de la concentration d'alcool dans le sang, peut être fait par quelqu'un du système judiciaire, un juge ou quiconque est chargé de le faire. Nous ne serons plus responsables de cela. Nous avons aussi eu un certain nombre de témoignages concernant des batailles au chapitre de la communication de l'information, comme mon collègue l'a indiqué plus tôt. Il est à souhaiter que cela diminue, mais je ne suis pas trop optimiste à cet égard.
Du fait des nouvelles dispositions législatives et de la légalisation du cannabis, je m'attends à ce qu'il y ait des pressions immenses exercées sur le laboratoire, et probablement beaucoup d'exigences pour nous au chapitre des témoignages, particulièrement en raison de la nouveauté de la chose.
Je ne sais pas combien il y a de chercheurs scientifiques judiciaires au Canada qui s'occupent de ce genre de questions.
Oui. Le problème est lié au nombre de personnes. À mon avis, il faut environ trois ans pour former quelqu'un après l'avoir recruté. Les gens ne sont pas prêts à se présenter devant les tribunaux dès qu'ils commencent à travailler. Il faut du temps pour les former dans ce domaine particulier.
D'accord.
Monsieur Watson, j'ai une question au sujet des autobus servant aux opérations de contrôle routier et des alcootests aléatoires. Qui décide où ces autobus sont stationnés? Je me reporte aux interrogations de M. Fraser concernant le profilage racial. Ce pourrait-il que ces autobus soient habituellement garés le long de routes de façon à produire cet effet?
Le déploiement de ces autobus est assuré par les forces policières, mais les responsables fixent diverses cibles quant au nombre d'alcootests qui devraient être effectués et l'endroit où ils devraient l'être. Compte tenu des principes de dissuasion générale, je sais que les services de police tentent d'élargir les opérations de contrôle routier au moyen d'autobus dans les secteurs qui relèvent de leur compétence. En fait, l'une des choses qui les empêchent ou les découragent de garer l'autobus toujours à la même heure est que les conducteurs s'en rendent compte rapidement et diffusent la nouvelle concernant l'endroit où l'autobus est garé. L'un des défis pour la police est de veiller à maintenir l'incertitude quant à l'endroit où les autobus sont placés. L'un des problèmes vient du fait que plus l'autobus est gros, plus il y a des contraintes quant à l'endroit où il peut être utilisé. Les services de police doivent garder en tête les problèmes particuliers de santé et de sécurité au travail qui pourraient se poser.
J'aimerais mentionner deux ou trois autres choses. Il arrive souvent que l'on ait recours à des voitures de patrouille en parallèle avec les gros autobus qui servent à ces opérations. Par exemple, habituellement, l'autobus sera placé sur une route principale, mais si des conducteurs font demi-tour à l'approche de l'autobus, des voitures de patrouille sont habituellement garées là pour tenter de créer un genre d'effet satellite.
En ce qui a trait à votre point général, le but premier est d'obtenir le maximum d'effet des autobus qui servent à ces opérations. Toute la question des conducteurs qui évitent ces contrôles et de la prédictibilité de l'endroit où les autobus sont installés a tendance à contrebalancer le problème que vous avez soulevé.
Merci, monsieur le président.
Madame Wallage, existe-t-il un taux d'alcoolémie ou de THC, par exemple, en deçà duquel il est sécuritaire de conduire et au-dessus duquel il n'est pas sécuritaire de le faire?
Non. En ce qui a trait à l'alcool, parce que c'est à ce niveau que je suis le plus souvent appelée à témoigner, en ma qualité de présidente du Comité de la conduite sous l'influence des drogues, même si la plupart des cas que nous devons traiter concernent l'alcool, sans aucun doute, il a été démontré dans les ouvrages scientifiques que les facultés pouvaient être affaiblies à des taux aussi faibles que 15 milligrammes d'alcool pour 100 millilitres de sang. Je remarque que beaucoup de personnes parlent en grammes, mais aux fins du Code criminel, il s'agit de milligrammes. Cela peut être considéré comme l'équivalent d'une consommation. Cette démonstration de facultés affaiblies a été faite dans un contexte de laboratoire.
En ce qui a trait au THC, la réponse la plus simple est que, si l'on compare quelqu'un qui a fumé, peu importe la concentration, et quelqu'un qui n'a pas fumé, on devrait s'attendre à ce que les facultés de la personne qui a consommé soient affaiblies.
Pour ce qui est de la question relative à la concentration et à la corrélation avec les facultés affaiblies, lorsqu'on nous a demandé de proposer une limite légale, nous avons évidemment examiné ce que font d'autres pays, ainsi que d'autres dossiers de cette nature. Nous avons réellement mis l'accent sur le cannabis consommé par inhalation, parce que l'ingestion de cannabis comporte des taux si faibles de THC, qu'ils ne seraient probablement pas détectables selon ces limites légales. Ils pourraient être inférieurs à cinq, et peut-être inférieurs à deux. Nous avons consulté les ouvrages spécialisés... D'accord, ce ne sont pas les types de produits les plus puissants qui sont utilisés de façon récréative maintenant, et il y a une raison pour cela. Les gens ne veulent pas étudier les produits très puissants, en raison des effets indésirables qui pourraient se produire...
Alors, la réponse est oui. Si vous fumez, peu importe la concentration, il est déconseillé de conduire une voiture. Il y a une période pendant laquelle il faut s'attendre à ce que cette drogue ait un effet.
Je souligne que les accusations dont nous parlons maintenant auraient trait à la conduite au-dessus d'une limite légale, et non pas à la conduite avec facultés affaiblies. J'imagine que l'argument dans ce cas est que si vous conduisez au-dessus de cette limite, vous n'êtes pas en sécurité, ce qui fait que la limite légale, qu'elle dénote des facultés affaiblies ou non, contribuerait à assurer le bien du public. Êtes-vous d'accord avec cela?
C'est bien.
Monsieur Watson, je m'adresse maintenant à vous. Bienvenue et bonjour. Je sais qu'il est très tôt chez vous.
Vous avez mentionné un certain nombre d'activités et un certain nombre d'efforts de dissuasion, au fil des ans. Aimeriez-vous commenter l'efficacité relative des minimums obligatoires, par rapport, disons, à des alcootests aléatoires? Quelle est la mesure la plus efficace, ou une est-elle plus efficace que l'autre?
Malheureusement, il est difficile de démêler l'expérience australienne, réellement, pour répondre à votre question, parce que l'un des éléments clés est que, même si les alcootests aléatoires ont été adoptés dans tous les États, c'est l'augmentation en parallèle de nos sanctions qui a suscité beaucoup d'attention dans le public et a selon moi accentué réellement l'effet dissuasif général. Il s'agit pour une large part de la révocation obligatoire du permis de conduire, de la déchéance du droit de conduire pour les conducteurs ivres.
Dans les faits, à l'heure actuelle, dans tous les États en Australie, sauf quelques exceptions, si vous êtes pris à conduire en état d'ébriété, vous perdrez votre permis de conduire. Nous avons un ensemble graduel de sanctions, ce qui fait que plus la concentration d'alcool dans le sang est élevée, plus la sanction est sévère. Cela comprend une amende et la déchéance du droit de conduire pendant une certaine période. Il ne fait aucun doute que la menace de perdre le permis de conduire, cette menace dissuasive générale, a joué un grand rôle dans les résultats que nous avons obtenus du point de vue de la réduction de la conduite avec facultés affaiblies. Au niveau du public, cela s'est fait pour une large part grâce aux alcootests aléatoires très visibles, mais cette menace avait des dents, une signification, parce que les conducteurs s'inquiétaient de perdre leur permis. Je crois que les deux vont de pair, et j'encouragerais certainement cela.
En tant que psychologue, je dirais qu'il faut veiller à ce que l'activité comporte un degré plus élevé d'imprévisibilité, de même qu'un degré élevé de certitude, à savoir que si vous êtes pris, vous serez puni, et que cette punition sera raisonnablement sévère. En fait, les ouvrages spécialisés laissent supposer que c'est le caractère certain de la punition qui est le plus important, et non pas nécessairement sa gravité.
Je vous inciterais certainement à y réfléchir comme à un ensemble d'initiatives comprenant les alcootests aléatoires pour augmenter l'effet dissuasif général, et une certaine forme de sanctions obligatoires, qui signifient que la probabilité que les conducteurs perdent leur permis s'ils sont pris est très élevée et, en fait, qu'il existe une certitude très grande qu'une forme de sanction sera appliquée.
Le test aléatoire est lié à la certitude de la détection, qui est liée à la certitude d'une sanction. C'est bien cela?
C'est bien cela.
Du point de vue d'un criminologue, le but visé est d'optimiser cet effet dissuasif général qui est lié à la probabilité de détection, ce qui fait que si vous êtes pris, il est certain que vous serez puni et que la punition sera raisonnablement sévère, mais aussi rapide.
Merci, monsieur le président.
J'ai une question rapide. Je ne sais pas pour vous, mais j'en arrive au point où je prendrais volontiers un verre. Juste pour préciser, je ne conduis pas pour rentrer chez moi, je marche.
Monsieur Watson, votre présentation portait sur les alcootests obligatoires. Notre gouvernement propose la légalisation de la marijuana. Autrement, nous ne serions probablement pas en train d'étudier ces dispositions législatives particulières.
Avez-vous des conseils concernant la légalisation de la marijuana, des suggestions sur la façon dont nous pouvons nous assurer que la consommation de marijuana et la conduite ne posent pas un problème? J'aimerais savoir si vous avez un point de vue à ce sujet.
À l'heure actuelle, en Australie, aucune pression n'est exercée pour légaliser la marijuana. Il commence à y avoir des pressions pour son utilisation à des fins médicales. À cet égard, la situation australienne est assez différente. En fait, comme vous le savez sans doute, déjà en 2003, les États australiens ont commencé à utiliser des tests aléatoires de dépistage des drogues en bordure de route. Ces tests s'appliquent à trois drogues en particulier: le cannabis, la méthamphétamine et le MDMA, l'ecstasy. Je sais que l'un de mes collègues australiens vous parlera de cela davantage un peu plus tard.
J'aimerais souligner qu'à mon avis, cela a reçu un soutien important à ce moment-là dans la collectivité. La question n'était pas nécessairement controversée, du fait notamment que la légalisation de la marijuana ne faisait pas partie des enjeux à ce moment-là. L'expérience australienne montre qu'il existe des préoccupations croissantes concernant la consommation de cannabis et ses effets sur la conduite automobile. C'est ce qui a sous-tendu l'adoption des tests aléatoires de dépistage des drogues.
J'aimerais souligner, toutefois, que lorsque nous avons adopté les tests aléatoires de dépistage des drogues en bordure de route, cela a signifié que les ressources des services de police étaient utilisées à la fois à cette fin, ainsi que pour les alcootests. Je crois que l'on a parfois tendance à penser qu'il est possible de prendre les ressources affectées au contrôle de l'alcool au volant, autrement dit aux alcootests aléatoires, pour les consacrer aux tests aléatoires de dépistage des drogues en bordure de route.
Même si je ne m'inquiète pas du tout des tests de dépistage des drogues proprement dits, je veux souligner que si l'on se dirige vers une augmentation de ces tests, il est important de ne pas le faire au détriment des alcootests.
Lorsque l'on consulte les ouvrages spécialisés, d'après ce que j'ai vu, les risques les plus grands d'accident continuent d'être liés à la consommation d'alcool. Même s'il existe un risque accru d'accident lié aux drogues, ce risque est plus prononcé lorsque les drogues sont consommées en même temps que de l'alcool. Du point de vue de la sécurité routière, je dirais que la principale priorité est l'augmentation du nombre d'alcootests, afin de réduire les accidents liés à la consommation d'alcool. Si vous en venez à adopter une forme de test de dépistage des drogues, cela ne devrait d'aucune façon se faire au détriment des alcootests ou les compromettre.
Selon l'expérience australienne, des niveaux élevés d'alcootests aléatoires produisent des résultats, c'est-à-dire qu'ils réduisent le nombre d'accidents liés à l'alcool.
Merci beaucoup, monsieur Watson.
Monsieur Cooper, vous pouvez poser une question rapide, tout comme M. Cannings et M. Fraser.
Merci, monsieur le président.
J'aimerais faire un suivi auprès de Mme Wallage.
Pouvez-vous m'expliquer quel est le lien entre les facultés affaiblies et les taux de THC? J'ai consulté certaines études et, selon les témoignages, si vous avez cinq nanogrammes ou plus, il se peut que vos facultés ne soient pas affaiblies, alors que si vous avez moins de deux nanogrammes, il se peut qu'elles le soient.
Quel est le lien? Il me semble que le taux de THC nous indique que quelqu'un a consommé de la marijuana, mais pour ce qui est de la question des facultés affaiblies, qu'est-ce que cela signifie d'afficher au taux de cinq nanogrammes comparativement à un nanogramme?
Je pourrais peut-être expliquer le processus que nous avons suivi lorsque nous avons discuté des chiffres.
Comme je l'ai dit auparavant, nous nous sommes penchés sur l'expérience d'autres pays. Les résultats ont principalement trait à la marijuana consommée par inhalation, parce que les taux de THC augmentent très lentement pour ce qui est des produits comestibles. C'est le délai écoulé depuis la consommation qui est important.
On pourrait prendre un chiffre comme 100 nanogrammes par millilitre et dire qu'il correspond à une consommation très récente. Essentiellement, la personne est en train de fumer, et quelqu'un prélève un échantillon de sang en même temps. Les toxicologues pourraient confirmer cela. On pourrait dire qu'il s'agit d'une consommation récente. Toutefois, cela ne correspond pas à la situation sur les routes, ce qui fait que nous tentons d'intégrer des études qui ont porté sur les concentrations qui pourraient être associées à une consommation récente, tout en tenant compte du fait qu'aucun calcul rétroactif ne peut être effectué, et qu'il faut du temps pour prélever un échantillon sanguin.
À cet égard, en ce qui a trait aux dispositions législatives, un échantillon de sang doit être recueilli au plus tard deux heures après l'infraction, le résultat obtenu étant inutile par la suite. Si un échantillon de sang est recueilli deux heures et demie plus tard, rien ne peut se produire en vertu de ce projet de loi, parce qu'il n'y a pas de calcul rétroactif.
Cinq est le nombre dont on a décidé, parce qu'en général, les ouvrages spécialisés s'intéressent aux consommateurs occasionnels, chez qui le chiffre cinq signifie une inhalation récente. Il y a un bémol, à savoir que les consommateurs chroniques qui affichent des taux résiduels dans leur sang pendant des périodes prolongées ne sont pas inclus. Par ailleurs, il n'y a pas beaucoup d'études actuellement concernant l'augmentation de la puissance.
C'est ainsi que nous avons décidé de ces chiffres. Un nanogramme signifiait une consommation récente, pour ainsi dire. Évidemment, il y aura toujours des exceptions à la règle. Tous ces autres facteurs ont été intégrés. On a suggéré le chiffre de deux parce qu'il y aura certainement des personnes dont les facultés seront affaiblies en deçà d'une concentration comme cinq, et parce que le taux de THC diminue si rapidement, qu'une personne pourrait se situer à deux, même si elle a consommé récemment.
Monsieur Watson, j'ai quelques questions rapides concernant les tests de dépistage des drogues en bordure de route que vous avez mentionnés pour l'Australie.
Comment sont-ils structurés? Quel est le degré de hasard? En ce qui a trait au temps et aux ressources nécessaires, combien faut-il de temps pour tester une personne, comparativement aux, disons, opérations au moyen d'autobus?
Le test aléatoire de dépistage des drogues en bordure de route prend beaucoup plus de temps que l'alcootest aléatoire. Dans le cas de ce dernier, il faut environ 30 secondes à une minute par conducteur, disons.
Dans le cas des tests de dépistage des drogues en bordure de route, on procède d'abord à un test de salive qui, je crois, prend environ cinq à 10 minutes. Si ce test est positif, les conducteurs sont amenés à un autobus, où ils subissent un deuxième test oral, qui prend environ 15 autres minutes. Le processus global est plus long.
En outre, les tests aléatoires de dépistage des drogues en bordure de route sont beaucoup plus coûteux que les alcootests aléatoires. Par exemple, dans le cas des alcootests, une fois que vous avez investi dans la trousse de test préliminaire, les coûts permanents se limitent réellement au coût du tube dans lequel le conducteur souffle. Dans le cas des tests aléatoires de dépistage des drogues en bordure de route, les tests de salive sont beaucoup plus coûteux. Je crois qu'ils sont de l'ordre de 30 $ chacun. Je vous suggère de poser la question à mon collègue de Victoria qui, sauf erreur, s'adressera à vous.
La conséquence globale de cela est qu'en Australie, il y a beaucoup moins de tests de dépistage des drogues que d'alcootests qui sont effectués en bordure de route. Cela a pour résultat que cette activité est plus ciblée. Elle tend à être davantage axée sur les consommateurs à des fins récréatives, mais aussi sur les chauffeurs de camion, qui consomment des méthamphétamines pour se garder éveillés pendant qu'ils conduisent. Autrement dit, le test de dépistage des drogues a tendance à être effectué à des moments plus définis, et particulièrement tard le soir, dans des secteurs où pourraient se trouver des consommateurs de drogues à des fins récréatives ou des chauffeurs de camion.
La conséquence globale de cela est que, comparativement aux résultats très marqués qui ont été obtenus en ce qui a trait aux alcootests en Australie, il a été très difficile d'obtenir des résultats similaires pour les tests de dépistage des drogues. Du point de vue des ressources, les services de police ont dû affecter des ressources additionnelles pour couvrir les coûts plus élevés des tests de salive servant au dépistage des drogues. Il faut réellement que la police consacre des budgets particuliers pour pouvoir procéder à des tests additionnels de dépistage des drogues, afin de pouvoir maintenir les alcootests aux niveaux actuels.
Merci beaucoup.
Avant de conclure, j'aimerais faire le suivi de la question de M. Cooper à Mme Wallage.
Madame Wallage, vous avez démontré très clairement qu'il n'existe pas nécessairement de corrélation directe entre cinq milligrammes de THC dans le sang et les facultés affaiblies. Comme nous le savons, la loi comporte essentiellement différentes catégories d'infractions. L'une d'elles est la conduite avec facultés affaiblies par l'alcool ou les drogues. L'autre est le dépassement d'une limite légale. Êtes-vous d'accord avec moi qu'il en va de même dans le cas de l'alcool? Il se peut que les facultés de quelqu'un qui se situe en dessous de 0,08 soient très affaiblies, parce que cette personne n'a pas l'habitude de consommer de l'alcool, ou que quelqu'un se situe théoriquement au-dessus de 0,08, mais ne montre aucun signe de facultés affaiblies. La situation n'est-elle pas essentiellement la même?
Je dirais quelque chose comme 50, car, à mon avis, les facultés sont affaiblies à une concentration de 50 milligrammes d'alcool par 100 millilitres de sang. Dans votre exemple, il se pourrait qu'un type qui ne boit pas souvent ait des facultés affaiblies à moins de 50, alors qu'un autre, gros buveur, n'afficherait pas de signes extérieurs d'intoxication alcoolique. Les deux peuvent être capables de se déplacer du point A au point B sans trop de difficulté. S'ils sont interpellés sur la route, c'est-à-dire de façon soudaine et inattendue, c'est là que l'affaiblissement des facultés pose problème.
Même chose pour le THC: le consommateur chronique acquiert une certaine tolérance à la drogue. Ce n'est pas que la drogue ne lui fait pas d'effet, mais plutôt qu'il faudrait une dose plus forte pour produire l'effet recherché; donc, oui, il peut y avoir des personnes dont les facultés sont affaiblies à un niveau pas mal plus bas que d'autres.
Certaines personnes pourraient dépasser cette limite, mais vous considéreriez que leurs facultés sont affaiblies même si elles affichaient moins de signes visibles d'affaiblissement que d'autres, tout comme vous le feriez pour la personne qui aurait plus de 50 milligrammes d'alcool, soit le niveau que vous proposez d'utiliser.
C'est juste. Je considérerais toujours que les facultés de cette personne sont affaiblies par l'alcool si la concentration dépasse 50, mais pouvez-vous, en la regardant, voir qu'elle a de la difficulté à marcher et à parler? Peut-être pas. Par contre, si elle est en voiture, et que survient un incident soudain, alors là, elle a besoin de toutes ses facultés pour réagir.
Merci.
Je tiens à remercier ce groupe de témoins. Vous nous avez fourni beaucoup d'information utile.
Je tiens particulièrement à vous remercier, monsieur Watson, d'avoir témoigné d'aussi loin aussi tôt ce matin.
Je voudrais remercier tout le monde. Nous allons faire une courte pause jusqu'à l'arrivée du prochain groupe. Je demanderais aux membres de notre quatrième groupe de témoins de bien vouloir s'avancer.
Nous accueillons maintenant notre quatrième groupe de témoins de la journée.
C'est un immense plaisir d'accueillir M. Thomas Marcotte, du département de psychiatrie de l'Université de la Californie. Il représente le Center for Medicinal Cannabis Research. Bienvenue, M. Marcotte. C'est un plaisir de vous recevoir.
Nous avons aussi M. Doug Fryer, de la police du Victoria, en Australie, qui est le commissaire adjoint du commandement de la police routière. Merci beaucoup, monsieur Fryer, d'être des nôtres. C'est fort apprécié.
Nous allons commencer par le témoignage de M. Marcotte.
Monsieur Marcotte, la parole est à vous.
Bonsoir. Je suis heureux de l'occasion de vous fournir certains renseignements pour votre étude du projet de loi C-46, Loi modifiant le Code criminel.
Je suis Tom Marcotte, professeur de psychiatrie à l'Université de la Californie à San Diego, et codirecteur du California Center for Medicinal Cannabis Research à l'Université de la Californie. Je suis chercheur et je travaille à deux études en cours pour l'examen des effets du cannabis sur la conduite automobile.
Aujourd'hui, j'aimerais vous situer un peu le contexte des difficultés d'établir si les capacités d'un automobiliste sont affaiblies par le cannabis.
Des études contrôlées en simulateur et sur route ont bien établi que l'intoxication aiguë au cannabis allonge les temps de réaction, y compris le délai de freinage, et réduit la capacité de garder sa voie — autrement dit, porte à zigzaguer — et complique l'évaluation de la vitesse et des distances. Les effets du cannabis sont amplifiés par l'alcool, mais on ne sait pas définitivement s'ils sont additifs ou s'ils sont synergiques, de sorte que leur combinaison serait plus dangereuse que leur somme. Par contraste avec l'alcool, les consommateurs de cannabis risquent plus de croire que leurs facultés s'affaiblissent et d'adapter leur comportement en conséquence, par exemple en conduisant plus prudemment. Mais, bien sûr, ce n'est pas universel.
Les constatations faites dans le monde réel ne sont pas convergentes. Certaines études ont fait constater une augmentation du simple au double du risque de collision lorsque le THC est un facteur, alors que d'autres n'ont pas fait ressortir d'accroissement du risque après correction des facteurs qui accompagnent souvent l'utilisation de cannabis et la conduite à risque, comme chez les jeunes de sexe masculin.
Voici un exemple de la difficulté d'interpréter les résultats des collisions dans les États qui ont légalisé le cannabis.
Au Colorado, on a fait grand cas d'une augmentation spectaculaire de 50 % du nombre de décès où la marijuana était un facteur depuis la légalisation. Cependant, comme on le voit dans ce prochain graphique, le nombre total de collisions au cours de la même période n'a connu qu'une légère augmentation. Cela va dans le sens des données récentes démontrant aussi une augmentation du nombre d'accidents mortels au niveau national.
En même temps, il est clair que l'État du Colorado a resserré les contrôles de détection du THC. Ainsi, on ne voit pas trop si l'augmentation de fréquence des décès où le THC est un facteur traduit une situation où l'accroissement de la consommation de cannabis aurait pu provoquer un plus grand nombre de décès, ou s'il s'agit essentiellement d'un cas où les autorités recherchent le plus souvent la présence de cannabis et la trouvent.
Par ailleurs, un récent rapport a indiqué une augmentation des règlements d'assurance collision dans les États où le cannabis récréatif est légalisé que dans les autres. Il s'agit là des collisions non mortelles beaucoup plus fréquentes. En examinant les taux des règlements au Colorado, dans l'État de Washington et en Oregon, les auteurs ont observé une hausse de 3 % des règlements au regard des États qui n'ont pas légalisé l'utilisation du cannabis, de même qu'une certaine variabilité d'un État à l'autre.
Quelles pourraient être les raisons pouvant expliquer des effets importants dans les études contrôlées, mais un effet plus modeste dans le monde réel? Il y a diverses possibilités, mais, pour n'en nommer que quelques-unes, en partie, les constatations épidémiologiques sont fondées sur des données imparfaites. Ainsi, le système de déclaration des décès aux États-Unis reçoit souvent des déclarations incomplètes, et il y a typiquement un décalage important entre le moment de l'accident et la prise de sang. En outre, le THC peut être détectable dans le sang bien après la disparition des effets d'affaiblissement. Ainsi, ces analyses pourraient ne pas faire ressortir facilement les effets de l'intoxication aiguë, puisque le groupe positif au THC comprend beaucoup plus de personnes qui auraient pu fumer beaucoup plus tôt et dont les facultés n'étaient pas affaiblies au moment de la prise de sang.
Par ailleurs, il est aussi possible que, bien que certaines de nos études aient pu nous permettre de détecter des effets aigus du cannabis sur des actions comme le zigzaguement, ces effets pourraient ne pas être d'un ordre de grandeur suffisant pour influer sur la conduite en situation réelle. À titre d'exemple, une étude du THC en faible dose pour le traitement de la spasticité dans la sclérose en plaques nous a fait constater un effet important sur la conduite dans les deux à trois heures suivant la prise de la dose. Cependant, l'ampleur de l'effet n'était pas différente de ce que d'autres études ont fait ressortir chez les personnes dans les phases initiales de la prise d'antidépresseurs, ou des effets résiduels du lendemain de la prise d'un somnifère.
Les évaluations de détection de drogues sont aujourd'hui l'étalon or pour la constatation des facultés affaiblies par la drogue. Nous sommes au beau milieu d'une grande étude, financée par l'État de la Californie, qui vise à mieux caractériser les effets du cannabis sur la conduite automobile, et à établir si d'autres approches efficaces pourraient permettre de repérer les personnes dont les facultés sont ou ne sont pas affaiblies par le cannabis.
Dans le cadre de cette étude, nous travaillons avec les experts en reconnaissance de drogues (les ERD) pour explorer la validité de certaines composantes de l'évaluation des ERD, ainsi que pour l'analyse de détection de la présence de THC, de ses métabolites, et d'autres cannabinoïdes, afin de déterminer s'ils pourraient donner une information fiable sur le temps écoulé depuis que le participant a fumé ou, idéalement, sur l'affaiblissement des facultés pour la prise du volant.
Un autre aspect particulier de notre étude est que nous utilisons de nouvelles évaluations basées sur iPad pour voir si ces tests pourraient servir utilement à compléter l'évaluation des ERD. Au contraire de l'alcool, où l'affaiblissement des facultés est physiologique, comme la démarche chancelante ou la difficulté de marcher, les effets du cannabis sont principalement cognitifs, et une évaluation courante des ERD ne comprend que des évaluations modestes de ces choses-là.
Particulièrement intéressantes dans le contexte du projet de loi C-46, les études menées jusqu'ici amènent à s'interroger sur la validité de l'utilisation des niveaux de THC dans le sang pour repérer les conducteurs aux facultés affaiblies par le cannabis. Ainsi, une étude de l'American Automobile Association a examiné 602 cas de facultés affaiblies constatés par les ERD où le THC était la seule substance présente dans le sang.
Dans ce graphique, le THC est porté sur l'axe des x ou horizontal et un pourcentage des conducteurs accusant le niveau de THC est représenté sur l'axe des y ou vertical. Comme vous pouvez le voir chez ces automobilistes aux facultés affaiblies, la gamme des niveaux de THC était très étendue. La valeur médiane, c'est-à-dire le point où la moitié des conducteurs étaient au-dessus et l'autre moitié en deçà, était voisine de cinq, c'est-à-dire que 50 % de ces conducteurs aux facultés affaiblies affichaient des valeurs inférieures au seuil de cinq nanogrammes par millilitre au moment de la prise de sang. Ainsi, les conducteurs peuvent avoir des facultés affaiblies, tout en ayant des niveaux de THC dans le sang qui se situent en deçà d'un seuil que certains gouvernements ont reconnu comme indicateur de la conduite sous l'influence de drogues.
À l'inverse, le tableau de gauche illustre que les personnes dont les facultés ne sont probablement pas affaiblies peuvent aussi avoir des niveaux détectables de THC dans le sang, même plusieurs jours après avoir fumé. Dans ce cas-ci, les participants ont séjourné 30 jours à l'hôpital, pour observation d'indices de consommation du cannabis. Ils ont ensuite fumé du cannabis et on leur a fait des prises de sang chaque jour par la suite. Comme vous le voyez dans ce tableau, certaines personnes affichaient des valeurs de deux nanogrammes par millilitre de THC, même jusqu'à une semaine après avoir fumé.
Pourquoi certaines personnes affichant de faibles niveaux de THC sont-elles affaiblies dans leurs facultés, mais pas d'autres? Le graphique de la droite est de Marilyn Huestis, chercheure en cannabis. En bas, nous voyons les niveaux de THC, et sur le côté nous voyons, essentiellement, le niveau d'euphorie atteint. Dans cette figure, le temps est indiqué dans le sens contraire des aiguilles d'une montre; vous voyez donc 1,8 minute au début, puis 4,5 minutes et ainsi de suite. Après une cigarette, les niveaux de THC augmentent très rapidement et culminent en une dizaine de minutes. En même temps, le sentiment d'euphorie est de plus en plus vif, et vous voyez, à droite, qu'il s'intensifie, et qu'il monte également, si bien que le sujet se sent plus emporté. À ce stade-ci, par contre, les niveaux de THC commencent à retomber au point où, environ une heure après la consommation, ils sont revenus à des niveaux assez bas, comme on le voit en se déplaçant vers la gauche du graphique.
Le sujet, par contre, conserve son sentiment d'euphorie pendant ce temps. Quelques heures après avoir fumé, l'euphorie commence à régresser, et on la voit descendre sur la ligne verticale, mais les niveaux de THC ne changent pas pour la peine pendant ce temps. Comme vous pouvez le voir, ils sont entre 0 et 10. Cela nous indique que le sujet peut être euphorique à des niveaux élevés de THC, qu'il peut être euphorique à des niveaux modestes, et qu'il peut l'être à de faibles niveaux et ne pas l'être tellement à de faibles niveaux. Pour compliquer les choses, Mme Huestis a démontré que ces comportements varient, selon que le sujet est un fumeur fréquent ou occasionnel.
Pour la détection tout au moins, les instruments de mesure des fluides oraux sont prometteurs, faciles à utiliser et relativement non invasifs, et peuvent aider à repérer les personnes qui ont récemment pris du cannabis. Cette approche, par contre, n'est pas sans complications. Ce graphique illustre les résultats d'une étude des niveaux de THC dans les fluides oraux chez les personnes qui ont fumé une cigarette de THC à 6,8 %. Il faudra d'autres études, et la nôtre évalue le problème, mais, en général, on croit que les effets d'affaiblissement les plus considérables sont ressentis dans les quelques premières heures de la consommation, puis s'estompent dans les quelques heures suivantes.
Comme on le voit dans ce graphique, par contre, au moins dans cette étude-ci, une certaine proportion de personnes avaient un seuil égal ou supérieur à cinq microgrammes par litre dans les fluides oraux 8 à 10 heures après avoir fumé.
J'ai mentionné tantôt que nous avons une étude en cours. Si le groupe est intéressé, pendant la discussion, je serais heureux de donner plus de détails, mais à cette fin, je passerai outre, et conclurai avec quelques derniers points.
En soi, les lois peuvent être très efficaces, mais c'est particulièrement le cas lorsqu'il y a une solide relation entre les niveaux de fluides et l'affaiblissement effectif, comme dans le cas de l'alcool. Comme on le voit dans certaines des études déjà présentées, je ne pense pas que c'est encore le cas pour le cannabis. Je sais aussi, pour avoir participé à de nombreuses réunions, que les poursuivants craignent toujours qu'un seuil désignant l'affaiblissement des facultés puisse amener le public à tenir pour acquis que les facultés de l'automobiliste se situant en deçà du seuil ne sont pas affaiblies ou qu'elles le sont moins. Comme il ressort des données des ERD que j'ai présentées plus tôt, faibles niveaux ne signifie pas nécessairement faible diminution des facultés.
Certaines personnes ont aussi exprimé la crainte que les évaluations des ERD ne soient pas suffisamment sensibles aux effets du cannabis et pensent qu'il y aurait lieu d'utiliser les niveaux de fluides pour mesurer l'affaiblissement. Je ferais valoir qu'il est très important de continuer d'utiliser le comportement comme indicateur clé de l'affaiblissement des facultés des automobilistes, étant donné l'incertitude qui caractérise l'interprétation des niveaux des fluides.
Enfin, je vous incite à appuyer de nouvelles recherches pour dégager de nouvelles méthodes qui pourraient aider les services d'application de la loi à reconnaître ceux dont les facultés sont affaiblies et ceux dont les facultés ne sont pas affaiblies par le cannabis. Cela comprend des approches biologiques, psychophysiques et comportementales.
Comme vous le savez, les complexités associées à la détection des facultés affaiblies par le cannabis nous ont aussi sensibilisés au problème continu de l'affaiblissement des facultés par les médicaments d'ordonnance. Les nouvelles approches de la détection de la conduite avec facultés affaiblies pourraient peut-être finir par s'appliquer à ces catégories de drogues également.
Merci, et je serai heureux de recevoir vos questions.
Merci beaucoup, M. Marcotte.
Nous allons donner la parole à M. Fryer pour son exposé.
Bienvenue à notre comité.
Merci, et merci de l'occasion de m'adresser au comité permanent, et salutations du fin fond de l'Australie.
Je suis Doug Fryer, commissaire adjoint de la police routière dans mon État. Juste pour vous donner une idée du paysage, disons que le Victoria compte six millions d'habitants, dont quatre millions et demi d'automobilistes ou de motocyclistes. Mon rôle comme chef de pratique pour la police routière est de protéger l'État dans toutes les activités d'application de la loi. Notre corps de police est très imposant. Notre État a environ 19 000 policiers, et mon commandement de la seule police routière est formé de 1 100 professionnels de la patrouille des autoroutes.
Au sujet de votre comité permanent, je suppose que vous vous intéressez à l'alcool et aux drogues au volant. Pour situer le paysage, disons que le Victoria, en Australie, a été le premier territoire au monde à instaurer des alcootests aléatoires en 1976. En 1976, nos routes ont coûté la vie à 950 personnes. La population était alors de trois millions d'habitants. Près de 450 de ceux qui sont morts avaient plus de 0,05 milligramme d'alcool dans leur système, notre limite légale dans toute l'Australie. Par contraste, l'an dernier, 40 ans plus tard, nous avons déploré 291 décès sur nos routes, et 26 personnes dont le taux d'alcoolémie dépassait 0,05.
En 2007, encore une fois, le Victoria venait au premier rang mondial pour l'étude des tests aléatoires de dépistage de drogues. Au contraire, sauf erreur, des États-Unis et du Canada, nous pratiquons un modèle de dissuasion générale de l'alcool et des drogues au volant. Nous visons chaque année à soumettre 4,5 millions d'automobilistes à un alcootest sur place, en bordure de la route. Nous faisons un dépistage très général. Nous barrons les routes et soumettons tous les conducteurs à un alcootest, mais notre régime de détection de drogues, encore une fois, vient en tête de liste, chez nous, avec 100 000 tests aléatoires de détection de drogues chez les automobilistes et les motocyclistes, chaque année.
Ce qui nous inquiète, lorsque j'ai mentionné que 26 des victimes décédées l'an dernier avaient un taux d'alcoolémie de plus de 0,05, c'est que nous en avons eu 57 qui sont décédées avec des drogues illicites dans leur système, et que sept autres avaient à la fois des drogues et de l'alcool.
Votre comité pourrait vouloir savoir que, pour le cannabis, l'an dernier nous avons testé 100 000 personnes. Nous avons administré 100 000 fois un test d'analyse de la salive sur place. C'est notre façon de faire. Il suffit d'un frottement sur la langue, et en moins de six minutes nous avons un résultat. Sur les 100 000 tests que nous avons faits, nous avons renvoyé 9 200 cas au test approfondi, de sorte que 9 200 personnes sur 100 000 ont eu un test positif de dépistage des drogues, dans une proportion de un sur 11, ce qui nous préoccupe vraiment.
L'idée d'un modèle de dissuasion générale avec le test préliminaire d'analyse des fluides oraux ne concerne pas l'affaiblissement des facultés. Si nous apercevons un automobiliste qui nous semble présenter des signes de facultés affaiblies par la drogue ou l'alcool, mes patrouilleurs sont censés faire ce que vous appelleriez un test de sobriété sur place; s'ils échouent ce test de sobriété, nous leur faisons une prise de sang. La méthode que nous avons utilisée pour les 100 000 tests relève de la dissuasion générale, et elle découle des leçons que nous avons tirées de notre dissuasion générale de l'alcool au volant.
Sur les 9 200 cas qui se sont révélés positifs l'an dernier, environ 73 % étaient des cas d'utilisation de méthamphétamines, et les autres de cannabis. Nous pratiquons la tolérance zéro. Je sais qu'il y a eu une discussion au sujet du niveau de cinq nanogrammes. Notre seuil est que si c'est détectable — et la chose a été débattue et validée dans les tribunaux depuis 2007 — c'est que les facultés sont affaiblies. Comme M. Marcotte l'a expliqué, le niveau d'affaiblissement des facultés que nous observons au niveau détectable équivaut à celui d'environ 0,1 pour l'alcool et double les chances d'accident. Pour moi, c'est une question de séparer les comportements d'utilisation de tout type de drogue illicite au volant. Ce n'est pas un débat moral sur la question de savoir s'il faut l'utiliser ou pas. C'est une question de distinguer les comportements de prise du volant, et, en fait, les droits humains des autres usagers de la route qui ont le droit d'être protégés de ceux qui pourraient prendre le volant après avoir consommé des drogues.
J'ai fait un exposé à ce sujet lors d'une conférence internationale sur la police routière, à Banff le mois dernier. Certains modèles de police routière au Canada et en Amérique sont bien différents du nôtre parce que nous avons le luxe d'un modèle de dissuasion générale. Comme je l'ai dit, nous soumettons 4,5 millions de personnes, dans le seul Victoria, à des tests de détection d'alcool, et nous avons 4,5 millions de personnes qui détiennent un permis; c'est donc dire que nous visons un ratio d'un test par année par conducteur.
Je serais heureux de répondre à vos questions ou je pourrais poursuivre mon discours, si vous préférez, mais vos questions seraient peut-être plus pertinentes.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci à nos deux témoins. Leur témoignage est très apprécié, à bien des égards.
Je commencerai par vous, monsieur Marcotte. Cela fait ressortir toute la complexité de cette situation, pour tout vous dire.
La première chose qui m'a surprise est que les personnes qui ont fumé ou consommé du cannabis sont plus susceptibles de reconnaître que leurs facultés sont affaiblies. Nous avons appris qu'une bonne proportion de consommateurs de marijuana croient que fumer augmente leur capacité de conduite. Leurs facultés ne sont pas affaiblies; bien au contraire. S'agit-il d'une simple minorité? Y a-t-il d'autres personnes qui comprennent que fumer quelques joints leur attirera des ennuis?
J'ai certainement entendu plusieurs commentaires anecdotiques comme cela, et j'espère qu'ils sont le fait d'une minorité, parce qu'il est peu probable que fumer améliore leur conduite automobile. Cela dit, il y a des personnes qui souffrent d'anxiété et ainsi de suite, et il se pourrait qu'une faible dose les aide, mais je ne dirais certainement pas qu'elle pourrait améliorer leur capacité au volant.
Je pense que la plupart des études ont révélé que l'euphorie qu'apporte la consommation de cannabis avive beaucoup la conscience. Au contraire de l'alcool, qui donne envie de prendre plus de risques, etc., on conduirait plus lentement, etc., mais ce n'est pas universel. Certes, selon les données du rapport des DRE... De fait, dans l'étude que je vous ai montrée, bien des personnes ont été arrêtées pour excès de vitesse et ainsi de suite. Ce n'est pas universel. La plupart des études montrent que, en moyenne, les conducteurs sont beaucoup plus conscients de leur état cognitif que lorsqu'ils ont bu.
Voilà qui est intéressant. Vous avez dit avoir entendu dire que certains croient que leur capacité de conduire s'améliore, mais que c'est seulement anecdotique. Vous n'avez pas vu de preuve.
Nous faisons seulement de la recherche; nous voyons seulement les personnes en laboratoire. L'agent pourrait peut-être parler de son expérience; en tout cas, selon les DRE, etc., les personnes interceptées pensent qu'elles font mieux.
Autre chose qui m'a surpris, vous avez indiqué dans un de vos graphiques que certaines personnes pourraient avoir un niveau de cinq nanogrammes de cannabis dans leur système après 8 à 10 heures. C'est assez étonnant. J'aurais cru que la plupart des personnes qui auraient fumé quelques joints dans une soirée, comme on prendrait quelques bières, seraient sobres au réveil le lendemain matin, mais on voit ici que tel n'est pas le cas, que c'est dans leur système. Cela affaiblit-il également leurs facultés?
Malheureusement, il faut vraiment séparer les deux. L'action n'est pas dans le sang, et, au contraire des cas où il y a une belle corrélation — je suis sûr qu'on l'a dit ici — ce n'est pas la même chose avec l'alcool qu'avec le cannabis. Les choses se compliquent vraiment parce que les consommateurs chroniques ont des niveaux chroniques dans le sang. Certaines études ont démontré que les facultés sont affaiblies pour des périodes prolongées, mais l'affaiblissement le plus marqué survient vraiment dans les premières heures, cinq ou six heures, comme un autre témoin l'a dit. La présence de cinq nanogrammes le lendemain n'indique probablement pas un trouble cognitif.
Très bien. C'est clair.
Monsieur Fryer, merci du témoignage que vous avez livré aujourd'hui. Vous nous avez donné diverses statistiques sur le nombre de personnes soumises à un test. Donnez-nous donc votre avis sur l'efficacité de ces tests. Ont-ils fonctionné dans votre État d'Australie pour empêcher la consommation de drogues, ou sont-ils seulement un moyen de mieux reconnaître qu'il y a des gens qui consomment chez vous?
Ont-ils un effet préventif? C'est une des choses que nous recherchons avec les tests obligatoires. Il ne s'agit pas simplement de trouver les personnes qui ont de l'alcool ou des drogues dans leur système, mais cela dissuade les gens de prendre des risques, espérons-nous. Quelles sont vos vues là-dessus?
Bonne question, monsieur.
Notre modèle général de dissuasion et notre régime de détection de drogues sont basés sur celui de l'alcool. Malheureusement, notre collectivité a mis 40 ans à comprendre vraiment et à trouver plutôt répugnant l'alcool au volant. C'est socialement inacceptable ici, et c'est devenu rare de nos jours, et c'est grâce à un régime de tests qui dure depuis 40 ans.
Les tests de détection de drogues remontent à plus de 15 ans. Alors que nos statistiques révèlent un résultat de un sur 11 pour nos 100 000 tests, cela ne veut absolument pas dire qu'un automobiliste sur 11 est drogué au volant. Cela répond probablement en partie à votre question à M. Marcotte. Si notre taux est si élevé à un sur 11, c'est parce que nous détectons les conducteurs qui commettent des infractions au code de la route à cause de leurs facultés affaiblies, et que nous les soumettons tout de suite au test. Que ce soit pour excès de vitesse ou parce qu'ils zigzaguent sur la route, il y a une activité quelconque qui fait que mes patrouilleurs sont incités à les intercepter. Certes, nous n'avons pas un automobiliste sur 11 qui conduit avec des facultés affaiblies, mais nous en avons un sur 11 dont la conduite erratique amène à l'intercepter.
Notre régime de tests est très coûteux, et nous sommes en quête de moyens de l'accélérer. L'an dernier, nous avons fait une expertise judiciaire de chacun des 9 200 tests positifs — à grands frais — mais seulement 2 % de ces gens-là ont plaidé non coupables. Nous visons à rationaliser le traitement pour pouvoir faire plus de tests. Le nombre idéal pour arriver à la dissuasion générale est de 600 000 tests par an, mais le coût est prohibitif pour l'instant.
Chacun des 100 000 tests que nous faisons coûte 30 $. Sur ce nombre, 9 200 donnent un résultat positif. Nous les faisons. Ils coûtent 30 $. Ensuite, chacun de ces 9 200 tests fait l'objet d'une analyse judiciaire, qui coûte environ 400 $ chaque fois.
Merci, monsieur le président.
Merci, messieurs, de vos témoignages d'aujourd'hui. Vos perspectives m'ont beaucoup intéressée.
Monsieur Fryer, au moment où ils se préparent à utiliser ces nouveaux appareils sur les routes, quelles leçons nos services de police peuvent-ils tirer de votre expérience à cet égard? À quelle fréquence formez-vous vos agents de police? À quelle fréquence faites-vous la mise à jour ou l'étalonnage de votre matériel? Quelles mesures prenez-vous pour rester à la fine pointe de la technologie?
Nous nous intéressons aujourd'hui à une technologie qui rationalisera nos tests de détection pour les aligner sur les tests d'alcoolémie. Nous aimerions avoir des appareils qui feraient les deux. En ce moment, ce sont deux activités complètement séparées. La législation est complètement distincte.
J'ai mentionné plus tôt que mon corps de police est très imposant. Il compte 19 000 membres, et nous avons environ 14 000 membres assermentés. Il s'agit là de mon personnel seulement, le personnel de patrouilleurs d'autoroutes, dont 1 100 membres sont qualifiés pour faire les tests de détection de drogues. Notre police générale voudrait bien faire les tests pour les drogues également, mais pour l'instant le coût est prohibitif. C'est une petite trousse que tous nos membres de façon générale aiment vraiment, pour sa facilité d'utilisation. Le test prend six minutes. Si le résultat est positif, nous enclenchons un processus.
Je suppose que le défi consiste maintenant à inculquer un modèle de dissuasion générale à la place de simples tests ciblés. Comment faire comprendre à l'ensemble de la collectivité que chacun risque d'être soumis à un test de détection de drogues? S'ils se mettent cela dans la tête et dans le coeur, les gens comprendront bien qu'ils n'ont qu'à séparer leurs comportements. S'ils veulent un joint ou une pipée, ils peuvent le faire chez eux, mais pas prendre le volant.
On a posé une question tantôt. Nous trouvons encore des personnes, parfois jusqu'à 18 heures après qu'elles ont admis avoir consommé, qui ont soit du cannabis soit d'autres drogues dans leur système. La plupart des personnes qui présentent des résultats positifs pensent qu'elles auront déjà évacué les drogues de leur système au moment de prendre le volant.
Pour moi, dans mon État — de fait, dans toute l'Australie — c'est le modèle de dissuasion générale qui fonctionne. Les gens ne savent pas s'ils vont être soumis à un test. Ils peuvent passer par une station de test sur la route, et ne savent pas du tout pourquoi la police les a interceptés. Je ne sais pas trop si le Canada a ce modèle de dissuasion générale.
Nous avons nos cours internes. Tous nos membres ont suivi une journée de formation. C'est un test de salive très fondamental: frottez la langue, laissez reposer le frottis six minutes, et les barres apparaissent. C'est comme un test de grossesse. Selon la nature des drogues.... Nous détectons la méthamphétamine, l'ecstasy et le cannabis par le test que je viens de vous montrer. Si nous détectons un affaiblissement des facultés, nous faisons une prise de sang, qui peut détecter 110 types de médicaments et de drogues. Tous les patrouilleurs à notre service, et nous en avons 1 100, ont suivi la formation formelle, à l'interne.
Vous avez mentionné que seulement 2 % des personnes que vous accusez de conduite avec facultés affaiblies plaident non coupables. Est-ce bien cela?
Dans ce cas, diriez-vous que la marge d'erreur de l'appareil que vous utilisez pour détecter les facultés affaiblies est de 2 %?
Non, ce sont 2 % qui plaident non coupables parce qu'elles contestent le test. Elles ont le droit de plaider non coupables, pour diverses raisons qui n'ont rien à voir avec l'exactitude des tests. Elles ont tout simplement invoqué leur droit de se faire entendre par un tribunal. L'avantage que nous avons dans notre État, comparativement aux autres États d'Australie, est que la première infraction de conduite avec facultés affaiblies par les drogues donne lieu à un simple constat d'infraction, à un avis de pénalité qui n'amène pas l'automobiliste en cour; c'est une suspension immédiate du permis pour trois mois. Cela arrive 9 200 fois. Dans seulement 2 % de ces cas, le sujet choisit d'aller se faire entendre devant un juge au tribunal.
Y a-t-il un processus quelconque pour vérifier l'exactitude des tests ou de l'équipement que vous utilisez?
Non, on fait l'étalonnage pour déceler... Notre législation nous l'a permis, et c'est confirmé par les tribunaux supérieurs... S'il y a un niveau détectable de drogues illicites, qu'il s'agisse d'amphétamines ou de cannabis, les facultés sont affaiblies, selon notre législation.
Merci.
Monsieur Marcotte, j'ai une question pour vous. Vous avez déclaré que l'équipement ne suffit pas pour détecter l'affaiblissement des facultés, qu'il doit y avoir des indicateurs comportementaux également. Comment proposez-vous de donner cette formation aux agents ou à ceux qui font la détection en première ligne? Quels genres d'indicateurs rechercheraient-ils? Y a-t-il une façon de donner cette formation concrète aux agents?
Une chose que nous voulons faire — encore une fois, nous avons une collaboration étroite avec les ERD en Californie — c'est prendre les mesures qui leur paraissent présenter les meilleures chances de constituer des détecteurs exacts d'affaiblissement par le cannabis et de pousser la validation. Il y a certaines bonnes études sur le terrain concernant la façon dont cela touche les conducteurs aux facultés affaiblies — et je vous en ai montré une — mais il n'y a pas vraiment d'essais cliniques à l'aveugle pour vérifier, dans le cas où on ferait ces tests sans donner de cannabis au sujet, quel serait le résultat, dans quelle mesure les agents détecteront les personnes aux facultés affaiblies ou pas? Dans notre étude, nous rattachons cela à la qualité de la conduite de l'automobiliste.
La première chose est de voir si nous pouvons aider à améliorer la validation pour les mesures actuelles. Nous sommes aussi en voie d'essayer de faire deux autres mesures — là encore, il s'agit de certains tests basés sur iPad — pour obtenir une analyse cognitive. La mise en oeuvre pourrait être compliquée, mais cela vaudrait probablement la peine, parce que les choses sont tellement compliquées lorsqu'on veut détecter d'autres substances, comme des médicaments d'ordonnance. Dans ces tests-là, nous voulons diviser l'attention et la capacité de suivre des objets en temps réel. Nous faisons également une estimation de la mesure du temps et travaillons avec les DRE — pour certaines des mesures, ils observent l'équilibre et le dandinement — pour voir si nous pouvons leur donner des résultats plus objectifs à la place d'une évaluation grossière du comportement.
Merci, vous deux, pour vos propos très éclairants.
Je commence par M. Marcotte. Vous avez mentionné brièvement que l'utilisation des métabolites pour accélérer la détection des facultés affaiblies, par les produits chimiques plutôt que par le comportement, présente peut-être de l'espoir.
Oui. Lorsque le THC se décompose dans l'organisme... Le THC peut persister longtemps dans les cellules grasses et ainsi de suite, mais il produit une foule de métabolites en aval, dont les temps d'absorption ne sont pas nécessairement les mêmes. Certaines choses sont évacuées en quelques heures. Dans le cannabis à l'heure actuelle, nous gardons l'accent sur le THC. D'autres cannabinoïdes dans la marijuana peuvent produire le même effet. Quant à savoir s'ils sont ou pas directement liés à l'affaiblissement des facultés... Il se pourrait que certains métabolites nous donnent une bonne idée de la dernière fois où le sujet a probablement fumé, ce qui serait très utile. En plus des mesures d'affaiblissement et de comportement, on saurait qu'une personne a fumé environ trois heures plus tôt ou quelque chose du genre.
Ce n'est peut-être qu'un petit détail, mais vous avez dit que vous utilisiez des cigarettes de THC à 6,8 % dans votre étude, ou dans une des études que vous avez mentionnées.
C'était l'étude de quelqu'un d'autre. Dans la nôtre, nous en sommes à 13,4 %. Nous sommes limités par ce que le NIDA peut fournir.
Nous avons entendu dire que des chercheurs américains utilisent des joints — peu importe comment vous voulez les appeler — d'une force qui est loin de ce qui est disponible.
Cela s'améliore, mais nous sommes toujours à la traîne. La plupart des études que vous verrez ont été faites avec du THC à 6 %. Aujourd'hui, il y a du 13 %, et c'est ce que nous utilisons. En moyenne, les drogues confisquées en Amérique étaient aux alentours de 12 à 15 %. Dans les dispensaires, le produit est proche de 30 %.
Il faut retenir qu'un certain nombre d'études révèlent que les consommateurs font de l'autotitrage. Ce n'est pas parce qu'une cigarette de marijuana peut avoir une dose supérieure que l'on peut conclure qu'elle est fumée jusqu'au bout. L'utilisateur en fume la moitié pour obtenir l'euphorie. J'ajouterai seulement que d'autres méthodes comme les petites touches ont un grand effet stimulant. Avec ces méthodes, impossible de faire de l'autotitrage — c'est bien différent.
Monsieur Fryer, j'aurais une question à vous poser sur la tolérance zéro en Australie pour toute quantité détectée de THC dans le système dans le cadre de vos tests sur place. Je suppose que ce système ne fonctionnerait pas dans un régime comme celui que nous devrons avoir si nous légalisons le cannabis. Des témoins nous ont affirmé qu'il est possible d'avoir des quantités détectables de cannabis dans le système pendant des heures, voire des jours chez le consommateur habitué. Est-il vrai que cela ne tiendrait tout simplement pas?
Monsieur Cannings, le problème, c'est de bien mettre dans le coeur et dans la tête des membres de la collectivité, de les convaincre qu'on ne prend pas le volant si l'on prend du cannabis.
Je suppose que nous avons le luxe de ne pas avoir à prouver l'affaiblissement des facultés. Si nous détectons du cannabis ou des drogues illicites dans le système, les tribunaux peuvent conclure à la conduite sous l'influence de drogues. Pour vous, la difficulté est de savoir s'il s'agit d'une campagne de sensibilisation, d'une campagne d'application de la loi, ou des deux à la fois. En Australie, c'est les deux. En tout cas, nous avons de la publicité proactive sur la séparation des comportements.
Je pense qu'il faut une sorte de contrainte pour le respect de la loi. Les gens qui ont des drogues illicites dans leur système devraient craindre d'être détectés et accusés. Selon moi, il y a des problèmes si vous n'avez pas de modèle de dissuasion générale dans votre activité d'application de la loi. Les gens se croiront capables de s'en tirer et ils mettront à risque la sécurité des autres usagers de la route.
Je veux bien comprendre les 100 000 tests de salive que vous avez administrés sur place. Les automobilistes qui ont été interceptés l'ont-ils tous été parce qu'ils étaient soupçonnés de facultés affaiblies, ou l'ont-ils été au hasard dans certains cas?
Totalement au hasard. Sous mon commandement, nous avons des autobus pour la détection de drogues et d'alcool. Il s'agit de très gros autobus en bordure des autoroutes, où nous faisons défiler tout le monde. L'autoroute est entièrement bloquée, et nous y faisons défiler les automobilistes. C'est une question de dissuasion générale et un bon résultat pour cette activité est d'un sur 44. Il y a un seul agent par véhicule de patrouille. S'il observe une conduite erratique, le taux obtenu n'est pas plus qu'un sur trois. C'est la combinaison de tout cela qui donne 11 pour 100 000. Nous pratiquons la dissuasion générale dans nos autobus d'inspection pour les médicaments et l'alcool, mais lorsque nos patrouilleurs détectent une conduite erratique, les résultats sont positifs dans un test sur trois.
Quel est le ratio du nombre de tests de détection de drogues sur le nombre d'alcootests dans les autobus?
Avec nos autobus, nous faisons entre 3 et 4,5 millions de tests par an. Notre taux de résultats positifs à l'alcool est d'un sur 370. Pour les drogues, c'est un sur 44. Nous avons 10 agents qui travaillent aux tests de détection sur les autoroutes, mais notre patrouille des autoroutes a un plus faible taux de résultats positifs à l'alcool, car ses agents sont à même de voir l'affaiblissement.
Combien de personnes soumettez-vous à des tests de détection de drogues dans ces autobus, et à des tests de dépistage d'alcool? Tout le monde est-il soumis au test pour les drogues?
Pas tout le monde, parce que le coût est prohibitif. Nous choisissons des personnes dans la ligne, et les soumettons à des tests de détection de drogues et d'alcool. Ce n'est pas tout le monde qui passe.
Dans les autobus, il se fait 50 000 tests de détection de drogues; les 50 000 autres sont faits par des patrouilleurs travaillant seuls et par la patrouille des autoroutes. Mes autobus de détection d'alcool font environ 1,5 million de tests d'haleine par année. La patrouille des autoroutes et le service général s'occupent des trois autres millions.
Merci, monsieur le président.
Monsieur le commissaire Fryer, j'aimerais vous parler de ce test de fluides oraux.
Vous nous avez montré deux ou trois appareils différents. Ces appareils sont-ils effectivement différents ou s'agit-il de variantes? Servent-ils à détecter différentes choses?
Le premier que je vous ai montré, le bleu, est ce que nous appelons le test préliminaire de fluides oraux. C'est ce que nous faisons 100 000 fois. En cas de résultat positif, nous faisons le test même, le test des fluides oraux, le rouge, celui qui nous sert de preuve. C'est celui-là que nous envoyons à notre laboratoire judiciaire pour analyse.
Dans le premier cas, c'est un test par oui ou par non. Nous détectons la présence ou l'absence d'un certain niveau d'une drogue donnée.
Comm. adj. Doug Fryer: Oui.
M. Ron McKinnon: Quel est le ratio des faux positifs dans ce cas-là?
Nous pensons qu'il n'y a pas de faux positifs.
Ce qui est arrivé, et qui arrive encore... C'est le test des fluides oraux, celui qui sert à établir la preuve, que nous envoyons ensuite à notre labo. Environ 2 % de ces tests nous reviennent parce que l'échantillon n'est pas suffisamment grand pour le test. C'est environ 2 % qui nous reviennent parce qu'il est impossible de détecter une quantité dont nous pourrions parler devant un tribunal.
Il est très rare de ne pas avoir la statistique même, mais je n'ai pas les données indiquant quelle proportion des tests préliminaires donne un résultat négatif pour la preuve. Je pense que c'est probablement autour de 1 %.
Les tests oraux qu'on utilise pour la preuve ne nécessitent pas une prise de sang. C'est strictement oral à ce stade-ci.
Notre régime de tests est censé être — et il est difficile de montrer à nos membres de ne pas faire cela — un modèle de dissuasion générale. S'ils voient un conducteur dont les facultés semblent affaiblies, ils sont censés faire un test d'affaiblissement semblable à votre test de sobriété. Un grand nombre passent directement à ces tests, parce que c'est plus rapide et plus facile.
L'avantage du test de sobriété est que, en cas d'échec, il faut faire une prise de sang, ce qui donne une analyse absolue du type et du niveau de drogues. Cela n'arrive pas si souvent. J'aimerais que ce soit plus fréquent.
Maintenant qu'ils ont ce matériel, nos membres l'utilisent par défaut, pour sa facilité et sa rapidité. Le test de sobriété peut prendre jusqu'à une heure et demie avant qu'on trouve une infirmière pour la prise de sang.
Si je comprends bien, pour les tests obligatoires de détection de drogues, vous interceptez tous ceux qui passent par là. Interceptez-vous vraiment chaque voiture qui s'amène, ou faites-vous un choix?
Pour les tests sur place bien faits, nous avons de gros autobus. Ils sont reconnaissables comme stations d'alcootest. Nous en avons 10, et nous les déployons à l'échelle de l'État. Nous bloquons toute une autoroute, et nous déployons de 10 à 12 agents en ligne, qui laissent passer les véhicules un à un. Ils sont tous soumis à l'alcootest, puis certains agents de la ligne font des tests de détection de drogues également. Nous ne testons pas tout le monde, à cause du coût prohibitif.
Ils ne font pas vraiment de ciblage, mais ils choisissent les personnes à soumettre au test de détection de drogues également. Cela arrive 50 000 fois dans nos gros autobus de dissuasion. Nos agents travaillant seuls en patrouille des autoroutes utilisent presque toujours leurs 50 000 tests de détection de drogues parce qu'ils observent des facultés affaiblies sur la route. Ils interceptent les conducteurs, et les soumettent au test.
J'imagine que le profilage est un des problèmes posés par le processus de sélection.
Avez-vous des inquiétudes à ce sujet, et quel contrôle exerceriez-vous pour empêcher cela?
Je suppose que si j'isole les patrouilles d'un seul agent, ils ont déjà pu observer un niveau d'affaiblissement justifiant l'interception et le contrôle du véhicule. Je suis relativement à l'aise sur ce point. Dans nos gros autobus où tout le monde passe, le concept est que le test doit être aléatoire, qu'on contrôle une voiture sur 15 ou... Nous avons des septuagénaires qui subissent le test de détection de drogues. Pour moi, c'est une indication que c'est au moins aléatoire, et qu'on ne vise pas les jeunes de 22 ans aux tresses rastas.
L'idée est qu'ils sont au hasard. On ne nous a jamais accusés de profilage dans nos tests, et toutes nos grandes opérations de détection de drogues en bordure de route sont supervisées par des agents supérieurs. Nous sommes très à l'aise avec cela.
Vous avez dit que certaines personnes obtiennent un résultat positif à la marijuana 18 heures après la consommation. Les considéreriez-vous comme affaiblies, et porteriez-vous une accusation?
Absolument. Elles sont accusées de conduite sous l'influence de drogues si nous pouvons les détecter. Les tribunaux ont déjà fixé le point repère. Si c'est détectable par notre régime de tests, elles sont déclarées coupables de conduite sous l'influence de drogues. Notre première sanction est le retrait du permis de conduire pour trois mois et une amende de 500 $. Une première récidive de conduite sous l'influence de drogues amène une amende d'environ 3 000 $, sans compter que nous pouvons saisir la voiture également.
Tolérance zéro absolue.
La recherche que nous utilisons est que toute présence détectable équivaut à environ 0,1 dans le cas de l'alcool. Avec 0,1 pour l'alcool, il y a au moins deux fois plus de chances d'avoir un accident sur la route. Pour nous, c'est une question de protéger les autres usagers de la route qui n'ont ni bu ni consommé.
Merci beaucoup.
Quelqu'un d'autre a-t-il encore quelques brèves questions? Sinon, je remercierai le commissaire adjoint Fryer et M. Marcotte. Ce fut un immense plaisir de vous recevoir. Il est toujours intéressant de connaître la perspective de l'étranger. Votre témoignage a été utile.
Mesdames et messieurs du Comité, nous allons passer au huis clos pour une très brève séance. Je demanderais à toute personne qui n'est pas censée être ici pour une séance à huis clos de se retirer le plus rapidement possible pour que nous puissions procéder. Je promets que nous n'en avons que pour environ cinq minutes.
[La séance se poursuit à huis clos.]
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