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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 062 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 18 septembre 2017

[Enregistrement électronique]

(1555)

[Traduction]

    Bonjour, mesdames et messieurs. Je déclare la réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne ouverte.
    Pour commencer, je tiens à demander aux témoins de bien vouloir nous excuser du retard d'aujourd'hui. Malheureusement, tous les députés, tous partis confondus, sont très attristés, puisque nous avons perdu notre collègue Arnold Chan. Nous lui rendions hommage à la Chambre.
    Une des choses qu'Arnold disait toujours, c'est que la courtoisie parlementaire — le fait d'avoir à coeur nos collègues et d'être capables de laisser la partisanerie de côté, — était très importante, et, j'espère que les travaux de notre comité en témoignent. Nous nous entendons tous très bien, et je sais que ça va continuer.
    Je souhaite aujourd'hui la bienvenue à M. Rankin, de retour au sein du Comité, qui remplace M. MacGregor.
    Merci beaucoup.
    Je tiens aussi à souhaiter la bienvenue au sein du Comité à M. Liepert. Je suis heureux que vous soyez parmi nous.
    Eh bien, nous verrons comment les choses se passeront.
    Absolument.
    Je souhaite aussi la bienvenue à M. May, qui remplace Mme Khalid aujourd'hui, et M. Ehsassi, qui lui, remplace M. Bittle.
    Nous sommes aussi heureux de commencer notre étude du projet de loi C-46, Loi modifiant le Code criminel (infractions relatives aux moyens de transport) et apportant des modifications corrélatives à d'autres lois, ou, comme nous le disons tous, la conduite avec facultés affaiblies.
    Nous recevons aujourd'hui un groupe de témoins très distingués, dont Me Robert Solomon, éminent professeur d'université à la faculté de droit de l'Université Western.
    Bienvenue, maître Solomon.
    Nous accueillons aussi Kathy Pentz, trésorière de la Section du droit pénal de l'Association du Barreau canadien.
    Bienvenue, maître Pentz.
    Nous sommes aussi heureux d'accueillir Gaylene Schellenberg, qui est avocate au sein du comité responsable de la législation et de la réforme du droit.
    Bienvenue, maître Schellenberg.
    Enfin, nous accueillons Roberto De Luca, directeur du Programme de sécurité publique de l'Association canadienne des libertés civiles.
    Bienvenue, maître De Luca.
    Afin de nous assurer de ne pas perdre trop de temps, je vais tout de suite céder la parole à Me Solomon, qui commencera. Chaque groupe présentera une déclaration préliminaire d'un maximum de 10 minutes.
    Maître Solomon.
    Merci de l'occasion que vous m'offrez de formuler des commentaires sur le projet de loi C-46. Je crois que j'en suis à ma sixième ou ma septième comparution devant le comité de la justice pour parler des enjeux liés à la conduite avec facultés affaiblies.
    Comme vous venez de l'entendre, je suis professeur de droit à l'Université Western et je réalise des recherches et je produis des articles dans le domaine depuis environ 35 ans. J'ai travaillé avec Les mères contre l'alcool au volant du Canada, les organisations qui l'ont précédée et d'autres groupes. Cependant, je suis ici aujourd'hui à titre personnel et au nom de la doyenne de la faculté de droit de l'Université Western, Erika Chamberlain, et du Dr Roy Purssell, professeur de médecine d'urgence à l'Université de la Colombie-Britannique et responsable principal du British Columbia Drug and Poison Information Centre.
    Le projet de loi C-46 aura pour effet, entre autres, de simplifier et de préciser les lois régissant actuellement la conduite avec capacités affaiblies, de créer de nouvelles infractions relatives à la conduite avec capacités affaiblies par la drogue et d'autoriser l'analyse d'échantillons de liquide buccal en bordure de route. Le projet de loi permettra aussi de dissiper bon nombre des préoccupations procédurales et techniques liées à la preuve associée à la loi actuelle. Nous soutenons ces mesures parce qu'elles amélioreront les lois fédérales régissant la conduite avec facultés affaiblies. Cependant, en ce qui a trait à la sécurité routière, la mesure qui est, de loin, la plus importante, est la disposition prévoyant le dépistage obligatoire d'alcool. Par conséquent, je vais concentrer mes commentaires sur cet enjeu.
    Cette mesure permettra aux agents de police de demander un échantillon d'haleine en bord de route à tous les conducteurs arrêtés légalement. L'intervention dure environ deux minutes, et le conducteur reste assis dans le véhicule durant le test. Les résultats du test de dépistage ne sont pas recevables en cour, et peuvent plutôt être utilisés exclusivement en tant que mécanisme de dépistage visant à déterminer si un test plus poussé s'impose. La Criminal Lawyers Association et d'autres intervenants ont déclaré que le dépistage obligatoire n'est pas nécessaire et que les lois du Canada sur la conduite avec facultés affaiblies fonctionnent bien. On peut difficilement comprendre de quelle façon une personne peut affirmer une telle chose de façon crédible, puisque les accidents liés à la conduite avec facultés affaiblies tuent environ 1 000 Canadiens par année et en blessent plus de 60 000 autres, dont un pourcentage disproportionné d'adolescents et de jeunes adultes. Les personnes âgées de 16 à 25 ans représentent 13 % de la population, mais 31 % des décès découlant d'accidents liés à l'alcool.
    Avec les lois actuelles, le Canada obtient parmi les pires résultats en matière de conduite avec les facultés affaiblies parmi les pays comparables. Conformément à des études antérieures, les Centers for Disease Control des États-Unis ont déclaré que, en 2013, le Canada affichait le plus haut pourcentage de décès découlant d'accidents de la route liés à l'alcool parmi 20 pays à revenus élevés. Même si les Canadiens consomment beaucoup moins d'alcool que les autres, ils sont beaucoup plus susceptibles de mourir dans un accident lié à l'alcool. Par exemple, le taux de décès à la suite d'un accident lié à l'alcool par habitant au Canada est près de cinq fois plus élevé que celui de l'Allemagne, même si les Canadiens consomment 33 % moins d'alcool. Les Allemands consomment plus, mais nous mourons plus souvent.
    Les lois dans ces autres pays réussissent beaucoup mieux que les lois canadiennes à séparer la consommation d'alcool de la conduite automobile. Ce n'est pas par hasard que 17 de ces 19 pays se sont dotés de programmes complets de dépistage obligatoire. En fait, selon une étude sur la circulation de l'Organisation mondiale de la santé, 121 pays sur 180 ont mis en place une forme ou une autre de dépistage obligatoire. Non seulement les lois canadiennes ne sont pas en phase avec celles des démocraties comparables au sein des pays développés, elles sont aussi déphasées par rapport au reste du monde.
    Les recherches réalisées au cours des 45 dernières années en Suède, en Finlande, au Danemark, en Australie, au sein de l'UE, en République tchèque, en Suisse et dans de nombreux autres pays ont révélé que le dépistage obligatoire entraîne des réductions importantes et durables du nombre d'accidents, de décès et de blessures liés à la conduite avec facultés affaiblies. Par exemple, une étude de 2004 a conclu que, une fois pleinement mis en oeuvre, le programme de dépistage obligatoire de la Nouvelle-Zélande a entraîné une diminution de 54 % des accidents graves et mortels la nuit, ce qui, en 1997, a permis à la société de faire des économies de plus de 1 milliard de dollars. L'Irlande a obtenu des réductions similaires du nombre de décès et de blessures à la suite d'accidents dans la décennie suivant la mise en place de son programme de dépistage obligatoire, en 2006. En Irlande, plutôt que de surcharger les tribunaux, comme certaines personnes ont dit qu'une telle mesure pourrait le faire, l'introduction du dépistage obligatoire a été un important facteur ayant mené à une réduction du nombre d'accusations de conduite avec facultés affaiblies, qui est passé de 18 500, en 2006, à 6 000, en 2015.
(1600)
    Même si les avantages majeurs pour la sécurité de la circulation du dépistage obligatoire ont été établis pour la première fois par des études réalisées durant les années 1970, 1980 et 1990, cet ensemble de recherches est tout à fait conforme aux récentes recherches réalisées en Nouvelle-Zélande, en 2004, aux Pays-Bas, en 2005, en Suisse, en 2006, et même aux États-Unis, en 2006, au Danemark, en 2007, en Estonie, en 2007, en République tchèque, en 2010, au sein de l'Union européenne, en 2010 et 2003, à Hong Kong, en 2013, en Irlande, en 2015 et en Australie au cours des quatre dernières années. Ces études sont tout à fait pertinentes et peuvent difficilement être considérées comme désuètes. De plus, bon nombre des études que j'ai mentionnées tiennent compte de possibles facteurs de confusion.
    L'affirmation selon laquelle il n'y a pas de données probantes directes que le dépistage obligatoire de l'alcool est préférable aux contrôles sélectifs de l'alcoolémie, le système actuel, est tout simplement fausse. Les diminutions marquées du nombre d'accidents mortels constatés dans le Queensland, en Australie-Occidentale, en Nouvelle-Zélande et en Irlande se sont produites après que ces administrations ont délaissé les contrôles sélectifs de l'alcoolémie, au profit du dépistage obligatoire, ce qui est exactement ce qui se produirait au Canada si les dispositions du projet de loi C-46 sur le dépistage obligatoire sont adoptées.
    Les critiques ont affirmé que le dépistage obligatoire fera en sorte qu'on ciblerait certains groupes. En réalité, c'est l'opposé qui se produira. Les services de police canadiens ont actuellement le droit d'arrêter des véhicules — tant en vertu de la common law que conformément aux lois de la plupart des provinces — pour questionner les conducteurs au sujet de leur conduite, de leur sobriété, de leur permis et de leur assurance. Environ de quatre à six millions de Canadiens sont arrêtés chaque année dans le cadre de contrôles routiers pour une vérification de la sobriété et dans le cadre d'activités de patrouilles policières de routine. Actuellement, le traitement de ces conducteurs est fondé sur l'évaluation subjective de l'agent qui peut seulement se fier à ses propres sens. Le dépistage obligatoire modifierait seulement un aspect de la loi actuelle, notamment, la raison pour laquelle on peut demander un contrôle de l'alcoolémie sur place. Contrairement au système actuel, une fois le programme de dépistage obligatoire en place, tous les conducteurs qui passent par le point de contrôle sont arrêtés, et tous sont testés à l'aide d'un outil de dépistage objectif, plutôt qu'en fonction du jugement subjectif de l'agent. Le dépistage obligatoire limite la subjectivité dans le cadre du processus d'évaluation des conducteurs.
    Le dépistage obligatoire de l'alcool sera contesté en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés, mais il faut remettre cette pratique dans le contexte d'autres procédures de dépistage qu'on accepte et qui sont réalisées chaque jour. Des millions de Canadiens font l'objet d'un contrôle obligatoire de routine dans les aéroports canadiens — 131 millions, apparemment, si on se fie aux dernières données — à nos frontières, dans les tribunaux et dans de nombreux autres immeubles gouvernementaux. Les tribunaux canadiens n'ont jamais affirmé que ces procédures de contrôle obligatoire enfreignaient la Charte. Pour dire les choses crûment, beaucoup plus de Canadiens sont tués sur nos routes dans le cadre d'accidents liés à l'alcool que durant des attaques dans nos aéroports, à nos frontières et dans nos tribunaux. Le dépistage obligatoire est moins intrusif et déplaisant et est moins stigmatisant comparativement à bon nombre de ces autres procédures de dépistage. Le processus fonctionne exactement de la même façon et a le même objectif de protection. Puisque les tribunaux ont soutenu le caractère constitutionnel des contrôles aux aéroports et à la frontière et devant les tribunaux, il n'y a pas de principes de base permettant de s'attendre à une conclusion différente dans le cas des contrôles aléatoires de l'alcoolémie. Je vais maintenant changer de sujet, parce que je vais laisser mon collègue, Peter Hogg, un éminent spécialiste en droit constitutionnel du Canada, vous parler plus longuement de la Charte. Il comparaît durant la prochaine réunion.
    Des décennies d'expérience dans des dizaines de pays révèlent que la mise en place d'un programme complet de dépistage obligatoire permettrait de sauver des centaines de vies, de prévenir des dizaines de milliers de blessures et de réduire les coûts sociaux liés à la conduite avec facultés affaiblies à hauteur de milliards de dollars par année. Plutôt que surcharger les tribunaux, le dépistage obligatoire a permis de réduire les accusations et les poursuites liées à la conduite avec facultés affaiblies. Franchement, il est temps que les lois canadiennes sur la conduite avec facultés affaiblies s'efforcent de protéger le public, plutôt que de protéger les conducteurs fautifs contre leur responsabilité criminelle à l'égard des décès et des blessures gratuites qu'ils causent sur nos routes.
(1605)
    Le principal problème n'a jamais été le manque de recherches; il tient plutôt au manque de volonté politique. Le Parlement devrait s'appuyer sur les données probantes, adopter les dispositions sur le dépistage obligatoire prévues dans le projet de loi C-46 et, enfin, harmoniser les lois fédérales canadiennes sur la conduite avec facultés affaiblies avec celles du reste du monde.
    Je serais heureux de fournir au Comité et à mes collègues une copie de nos études publiées et non publiées sur lesquelles s'appuie la position que nous avons adoptée aujourd'hui.
    Merci.
    Merci beaucoup, maître Solomon.
    Nous allons maintenant passer à l'Association du Barreau canadien. Mesdames, la parole est à vous.
    Nous vous remercions d'avoir invité l'Association du Barreau canadien pour discuter avec vous du projet de loi C-46 aujourd'hui. L'ABC est une association nationale qui représente plus de 36 000 avocats, étudiants en droit, notaires et universitaires. Un aspect important de son travail consiste à tenter d'améliorer la loi et l'administration de la justice, et c'est la raison pour laquelle nous sommes ici devant vous aujourd'hui.
    La Section du droit pénal de l'ABC réunit des avocats d'expérience qui exercent le droit dans les tribunaux criminels du Canada au quotidien, tant pour la poursuite que la défense. Je suis accompagné de Kathryn Pentz, l'actuelle procureure de la Couronne en chef de Cape Breton et secrétaire de notre section nationale. Elle abordera certains points centraux de notre mémoire en réponse à vos questions.
    Merci.
(1610)
    La Section du droit pénal de l'Association du Barreau canadien est heureuse de formuler des commentaires sur le projet de loi C-46, qui propose de modifier les lois canadiennes sur la conduite avec facultés affaiblies. La Section reconnaît l'importance de la sécurité routière et du besoin de s'assurer que les lois canadiennes offrent des mécanismes d'application de la loi efficaces pour lutter contre la conduite avec facultés affaiblies. En tant qu'intervenants de première ligne, avocats de la Couronne et avocats de la défense, les membres de l'ABC estiment très bien connaître l'administration du droit dans ce domaine et les pressions qu'exercent les cas de conduite avec facultés affaiblies sur le système.
    La réalité, c'est que les litiges liés à la conduite avec facultés affaiblies accaparent beaucoup de ressources des tribunaux, et il faut envisager toutes les modifications avec prudence et seulement les apporter lorsqu'elles sont nécessaires. La première partie du projet de loi concerne les facultés affaiblies par la drogue. La conduite avec facultés affaiblies par la drogue est une importante préoccupation et, vu la légalisation prévue de la marijuana, le nombre de conducteurs sur la route ayant consommé de la marijuana est susceptible d'augmenter. Nous comprenons qu'il faut prendre en considération cette réalité.
    La partie 1 du projet de loi C-46 aurait pour effet de modifier l'article 253 du Code criminel pour définir les niveaux acceptables de drogue, comme on le fait déjà pour l'alcool. Cependant, la réalité, c'est qu'il est beaucoup plus difficile de déterminer le niveau d'effet des drogues que de l'alcool. La plupart des experts conviennent que tout le monde a les facultés affaiblies dans une certaine mesure par un taux d'alcoolémie de 0,08, mais l'analyse n'est pas aussi simple lorsqu'il est question des drogues. À l'automne de 2016, j'ai eu l'occasion de participer à une conférence sur la conduite avec facultés affaiblies par la marijuana parrainée par le gouvernement dans la ville de Québec. Les experts qui étaient là, des États-Unis et du Canada, étaient unanimes: il est impossible d'établir une limite à laquelle tous les conducteurs doivent être considérés comme ayant les facultés affaiblies par la marijuana. Les consommateurs expérimentés auront une tolérance plus élevée, et leurs facultés ne seront pas aussi facilement affaiblies que celles d'un consommateur occasionnel. Si la limite est établie à cinq nanogrammes, un consommateur expérimenté pourrait échouer le test, sans nécessairement avoir les facultés affaiblies. À l'opposé, un consommateur occasionnel pourrait réussir le test alors que ses facultés sont vraiment affaiblies.
    L'ABC est une association d'avocats et, malheureusement, nous ne pouvons pas offrir des solutions valides d'un point de vue scientifique. Ce que nous voulons faire aujourd'hui, cependant, c'est de déterminer qu'il s'agit là d'un problème et affirmer que, afin de respecter la Constitution du Canada, toute limite proposée doit associer le niveau de concentration aux facultés affaiblies avec une preuve scientifique démontrée.
    La partie 2 du projet de loi C-46 remplacerait les dispositions de la législation pénale actuelle sur la conduite avec facultés affaiblies par un tout nouveau régime. Du point de vue des intervenants de première ligne, tant du côté de la Couronne que du côté de la défense, il s'agit là d'un changement extrêmement problématique. En fait, notre première recommandation, c'est que la partie 1 du projet de loi soit adoptée, mais que la partie 2 soit éliminée.
    La conduite avec facultés affaiblies est l'un des domaines du droit pénal qui font le plus l'objet de litiges, et chaque aspect des lois actuelles a fait l'objet d'un important examen constitutionnel. La jurisprudence est maintenant établie. Lorsque les dossiers se retrouvent devant les tribunaux, les arguments concernent principalement les faits d'un cas précis et la façon dont ces faits sont liés au droit établi. Nous ne plaidons plus sur la façon dont ces articles de la loi doivent être interprétés. Si la partie 2 du projet de loi C-46 est adoptée, nous serions essentiellement de retour à la case départ, et il faudrait débattre de l'interprétation et de la constitutionnalité des nouvelles dispositions.
    Le système de justice pénale a encore de la difficulté à composer avec les limites de temps récemment imposées par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Jordan. Le gouvernement a reconnu que l'efficience des tribunaux est à un point critique. Le Sénat a récemment produit son rapport contenant des recommandations pour accroître les gains d'efficience. Nous reconnaissons tous que les retards devant les tribunaux sont une préoccupation importante. La Section de la justice pénale de l'ABC croit que ce n'est pas le bon moment pour imposer une loi qui imposera beaucoup de demandes au système. Selon nous, une révision complète des lois sur la conduite avec facultés affaiblies est inutile. À part le besoin de prendre en considération la conduite avec facultés affaiblies par la drogue, en misant sur les nouvelles percées technologiques sur le marché, les lois actuelles ne sont pas déficientes. Toute déficience que nous voyons poindre à l'horizon sera plus souvent le résultat d'un manque de formation et d'un manque de ressources que de problèmes liés aux dispositions législatives actuelles.
    Je vais vous fournir quelques exemples de nos préoccupations précises liées à la partie 2 du projet de loi C-46.
(1615)
    Le paragraphe 320.14(5) proposé prévoit une défense liée à un taux d'alcoolémie « supérieure à 80 » si le conducteur a consommé de l'alcool après avoir conduit et ne pouvait pas s'attendre à ce qu'on lui demande de fournir un échantillon et si son taux d'alcoolémie était tel qu'il est possible que son taux ait été inférieur à 80 milligrammes au moment où il conduisait.
    L'aspect de ne pas avoir de raison de croire qu'il faudrait fournir un échantillon est un ajout dans le projet de loi. L'expression « pas de raison de croire »... Qui devra approuver ou non cette raison de croire? En quoi consiste une « raison de croire »? Actuellement, si une personne tente de fausser les résultats d'un alcootest en consommant de grandes quantités d'alcool après avoir conduit, nous avons la possibilité d'accuser cette personne d'entrave à la justice. Le seul ajout du passage « pas de raison de croire [...] qu'il aurait à fournir un échantillon », c'est l'introduction d'une nouvelle terminologie qui générera de nouveaux litiges.
    Nous sommes aussi très préoccupés par le dépistage obligatoire sur place proposé au paragraphe 320.27(2). Cette vérification est réalisée lorsque l'agent a un appareil de dépistage. Pour commencer, il faut comprendre qu'il serait très coûteux de distribuer ces appareils, mais, essentiellement, l'objection de l'ABC, c'est qu'il s'agit de tests aléatoires. Selon nous, il s'agit d'une violation de l'article 8 de la Charte et nous croyons que cette disposition ne résistera pas à une contestation constitutionnelle.
    Ceux qui défendent le recours au dépistage aléatoire parlent souvent de l'Australie et de l'expérience australienne. Il y a eu en effet une importante réduction du nombre d'accidents de la route mortels et graves après la mise en oeuvre du dépistage obligatoire, mais il ne faut pas oublier que l'Australie n'a pas de charte des droits. Fait plus important, les Australiens n'avaient aucun système en place avant d'adopter le dépistage aléatoire. Au Canada, lorsque nous sommes passés d'une situation où il n'y avait pas de test à l'administration de tests en fonction des soupçons, nous avons aussi remarqué une réduction. Nous ne pouvons pas regarder le modèle australien et présumer que son application ici va générer les mêmes réductions.
    L'autre réalité, c'est que l'Irlande a obtenu un certain succès, mais encore une fois, l'Irlande compose avec la consommation d'alcool et la conduite en vertu d'un système principalement administratif, plutôt qu'un système de justice pénale.
    Lorsqu'on se penche sur la question du dépistage obligatoire sur place, il est important de reconnaître ces facteurs et de ne pas tout simplement accepter d'autres études et présumer que nous allons avoir les mêmes résultats à la lumière de nos lois actuelles et du fait que nous n'allons pas adopter un cadre administratif, comme c'est le cas dans d'autres pays.
    L'ABC est aussi préoccupée par l'alinéa 320.28(2)b) proposé, qui semble permettre à tout agent de police de contourner complètement le travail de l'agent antidrogue et de demander une substance corporelle. Au titre de la loi actuelle, si un agent croit qu'une personne a les facultés affaiblies, il peut demander que cette personne se soumette à un test auprès d'un agent de police possédant les bonnes qualifications, un agent antidrogue.
    En vertu du nouveau projet de loi, l'agent de police peut procéder ainsi, ou il peut contourner l'agent antidrogue et demander lui-même, directement, une substance corporelle. Essentiellement, on contourne ainsi totalement le besoin d'avoir recours à un agent formé. On se retrouve dans une situation où l'agent antidrogue, qui est formé, doit passer des tests avant de pouvoir présenter une demande d'échantillon de substance corporelle, tandis qu'un agent sans formation peut tout simplement présenter la même demande sans avoir passé de test. Selon nous, encore une fois, il s'agit d'un manquement, et nous croyons fermement que les agents non formés ne devraient pas avoir le droit de présenter une demande de substance corporelle. Il s'agit d'une demande beaucoup plus intrusive que lorsqu'on demande à quelqu'un de souffler dans un appareil.
    L'article 320.29 proposé modifie l'article qui concerne les mandats après un accident entraînant un décès ou une blessure corporelle. Cependant, contrairement à l'article actuel sur les mandats, l'agent n'a pas à avoir des motifs de croire qu'une infraction a été commise; il doit seulement y avoir un accident, ce à quoi s'ajoutent les soupçons que la personne a de la drogue dans son organisme — pas « avait » de la drogue au moment de l'accident, mais « a » de la drogue dans son organisme — au moment où le mandat est demandé. Il n'y a aucun lien du tout entre les drogues ou l'alcool et l'accident. Essentiellement, cela pourrait permettre aux agents de police de demander un mandat dans tous les cas où il y a eu un décès ou un préjudice corporel, même lorsqu'il n'y a pas d'allégation d'infraction contre la personne ciblée. Encore une fois, une autorisation aussi générale a des répercussions importantes liées à la Charte.
(1620)
    Le projet de loi C-46 contient encore des peines minimales obligatoires, mais nous sommes heureux de constater qu'elles sont moins sévères que ce qui était prévu dans le projet de loi C-226. Cependant, les peines minimales obligatoires existent tout de même encore dans le projet de loi C-46. L'ABC s'oppose depuis longtemps à de telles peines et nous continuerons à le faire. Le ministre a aussi reconnu que ces peines sont problématiques, et nous soutenons le pouvoir judiciaire discrétionnaire de déterminer la pénalité appropriée en fonction du dossier, au cas par cas.
    L'article proposé 320.23 prévoit qu'un délinquant n'est pas assujetti aux peines minimales obligatoires s'il participe à un programme de traitement, mais au titre du projet de loi C-46, cela peut seulement se produire si la Couronne consent. Nous croyons que ce devrait être le tribunal, et pas la Couronne qui détermine si un programme de traitement est requis. Nous sommes aussi préoccupés par le manque d'installations de traitement accessibles dans certaines administrations, ce qui pourrait créer des incohérences dans l'application de cet article.
    Merci de votre attention; nous sommes prêts à répondre à vos questions.
    Merci beaucoup de votre exposé.
    Nous allons maintenant passer à l'Association canadienne des libertés civiles.
    Maître De Luca, la parole est à vous.
    Merci beaucoup de m'offrir l'occasion de comparaître devant le Comité aujourd'hui. Je m'appelle Rob De Luca. Je suis avocat et directeur de programme pour l'Association canadienne des libertés civiles.
    Je veux commencer en soulignant que nous soutenons l'objectif du projet de loi. Il est évident que le gouvernement a un rôle à jouer pour combattre le problème social persistant qu'est la conduite avec facultés affaiblies. Cependant, nous affirmons que le projet de loi, dans sa forme actuelle, n'est pas la réponse recherchée. Dans notre mémoire, qui, malheureusement, n'a pas été présenté à temps pour être traduit officiellement, nous abordons précisément quatre domaines de préoccupation: le dépistage obligatoire de l'alcool, l'augmentation des amendes minimales obligatoires, l'augmentation des pénalités maximales permises et les nouvelles présomptions législatives dans le contexte de la conduite avec facultés affaiblies par la drogue.
    Cet après-midi, je m'en tiendrai à la disposition visant à permettre le dépistage obligatoire, ce qu'on appelle aussi les contrôles aléatoires de l'alcoolémie. Comme nous l'écrivons dans notre mémoire, nous sommes très préoccupés par l'incidence probable et la constitutionnalité de cet élargissement des pouvoirs d'arrêter et de fouiller des policiers. Actuellement, des agents de police au Canada ont le droit de procéder à un contrôle routier pour vérifier si le véhicule est en bon état et vérifier le permis, l'enregistrement et la sobriété du conducteur. Une vérification de la sobriété doit se limiter à observer le comportement, le discours et la respiration d'une personne. Ce qui est inadmissible, et nous croyons, inconstitutionnel, c'est de procéder à un contrôle routier aléatoire afin de demander une analyse d'haleine sur place.
    La Cour suprême du Canada a maintenu que demander une analyse d'haleine fait intervenir les droits garantis par la Charte de la personne. Entre autres, le fait de demander une analyse d'haleine constitue une activité de fouille et de saisie qui fait intervenir l'attente raisonnable en matière de protection de la vie privée de la personne. C'est la raison pour laquelle, actuellement, les policiers peuvent seulement demander un échantillon d'haleine sur place s'ils ont des motifs raisonnables de soupçonner que le conducteur a consommé de l'alcool. On parle souvent dans ce cas-ci de tests d'haleine sélectifs.
    Des contrôles aléatoires de l'alcoolémie constitueraient un changement fondamental de nos lois. Les attentes actuelles sont qu'une personne est susceptible de faire l'objet d'une fouille ou d'une saisie seulement lorsque les agents soupçonnent de façon raisonnable qu'elle a fait quelque chose de mal. Le cadre de contrôles aléatoires de l'alcoolémie, à l'opposé, exige maintenant qu'une personne prouve qu'elle n'a rien fait de mal. Cela transforme l'interaction entre les policiers et les citoyens, la présomption d'innocence étant remplacée par la présomption de culpabilité.
    Nous reconnaissons qu'il y a des opinions écrites qui donnent à penser que la mise en place d'un programme de contrôles aléatoires serait constitutionnelle. J'aimerais mentionner deux raisons principales pour lesquelles nous croyons qu'un tel système n'est pas une limite justifiable des droits garantis par la Charte. Premièrement, je discuterai du manque de données probantes justifiant cet empiétement accru sur des droits garantis par la Charte. Deuxièmement, je discuterai de l'impact que ce pouvoir de fouille arbitraire supplémentaire aura sur les personnes, et plus particulièrement les membres des minorités.
    Il faut avouer que la mise en place des contrôles aléatoires de l'alcoolémie a été une mesure révolutionnaire dans de nombreux pays. Ces contrôles de l'alcoolémie permettent de décourager la conduite avec facultés affaiblies, mais la bonne question à se poser, ce n'est pas si ces contrôles fonctionnent. En effet, au Canada, ce qu'il faut se demander, c'est si ces contrôles seront plus efficaces pour décourager ceux qui conduisent avec des facultés affaiblies que notre régime actuel des contrôles sélectifs de l'alcoolémie, une pratique en place depuis des décennies, qui limite moins les droits garantis par la Charte des particuliers. C'est une question à laquelle il est très difficile de répondre. En effet, nous croyons qu'un examen des recherches sur ce sujet donne à penser qu'il s'agit d'une question à laquelle on ne peut pas répondre à la lumière des recherches actuelles ni en s'appuyant sur des comparaisons à l'échelle internationale, particulièrement avec la Nouvelle-Zélande, l'Australie et l'Irlande.
    Il y a deux principales difficultés lorsqu'on tente de conclure que la réussite des contrôles aléatoires de l'alcoolémie dans d'autres administrations pourrait être reproduite dans le contexte canadien. Premièrement, la grande majorité des administrations qui ont mis en place un système de tels contrôles n'avaient aucun programme de contrôles sur place avant d'adopter le nouveau programme. Les réussites de ces programmes ne constituent absolument pas une comparaison entre les tests d'haleine aléatoires et les contrôles sélectifs de l'alcoolémie. Si un cadre de contrôles aléatoires de l'alcoolémie est adopté au Canada, il sera mis en oeuvre dans un pays qui mise depuis des décennies sur des programmes de sobriété au volant, dans le cadre desquels les conducteurs sont habitués à se faire arrêter sur la route pour un contrôle de la sobriété.
    Au Canada, les contrôles sélectifs de l'alcoolémie combinés à d'autres initiatives, ont mené à notre propre révolution en matière de conduite avec facultés affaiblies. Nous avons vu le pourcentage de décès de conducteurs liés à l'alcool diminuer et passer de 62 à environ la moitié de ce niveau, actuellement.
(1625)
    Même s'il y a certaines administrations qui ont mis en place un système de tests d'haleine aléatoires après avoir mis en oeuvre un système de contrôles sélectifs de l'alcoolémie et qu'elles ont constaté une diminution supplémentaire des accidents à la suite de la mise en place du contrôle aléatoire de l'alcoolémie — encore une fois, les pays comparables, dans ce cas-ci, sont la Nouvelle-Zélande, l'Irlande et certaines administrations australiennes —, la réussite des contrôles aléatoires de l'alcoolémie dans ces pays ne peut pas être séparée d'un ensemble d'autres mesures visant à combattre la conduite avec facultés affaiblies qui ont été mises en oeuvre en même temps, comme une augmentation importante des efforts d'application de lois et de publicité. Par conséquent, il n'est tout simplement pas possible, à la lumière de la recherche actuelle, de distinguer l'impact de la mise en oeuvre des contrôles aléatoires de l'alcoolémie de tous les autres importants efforts qui ont été déployés en même temps. Par conséquent, nous considérons que l'incidence prévue de la mise en oeuvre des contrôles aléatoires de l'alcoolémie au Canada est de nature plus spéculative que certaine.
    Cela me mène à notre deuxième préoccupation générale. Un effet spéculatif n'est tout simplement pas suffisant pour justifier l'autorisation de nouveaux pouvoirs policiers qui, nous le savons, limiteront les droits garantis par la Charte. Nous sommes tout particulièrement préoccupés par l'incidence qu'aura le nouveau pouvoir de fouille arbitraire des policiers sur les membres de minorités. La nouvelle proposition ne limiterait pas le nouveau pouvoir de fouille à des points de contrôle stationnaires, où le pouvoir discrétionnaire est limité et, par conséquent, le risque de profilage racial et d'autres recours inappropriés aux pouvoirs policiers sont réduits. Ceux qui font déjà l'objet d'une quantité de contrôles routiers disproportionnée ne seront plus seulement arrêtés et questionnés, ils devront maintenant aussi fournir un échantillon d'haleine. Pour ces personnes qui ont tendance à être visées de façon disproportionnée, la demande d'un échantillon d'haleine durant un prétendu arrêt de routine sera souvent vécue comme une expérience humiliante et dégradante. On se trompe si l'on croit que la demande d'un échantillon d'haleine sera réellement toujours une intervention rapide et de routine. Beaucoup de personnes devront sortir du véhicule et rester sur le côté de la route ou s'asseoir dans la voiture de patrouille pour fournir l'échantillon d'haleine.
    Le contexte factuel étaye notre analyse constitutionnelle selon laquelle les contrôles aléatoires de l'alcoolémie tels qu'on les présente actuellement sont inconstitutionnels. Comme on l'a dit précédemment, nous avons parlé de préoccupations supplémentaires liées au projet de loi C-46 dans notre mémoire. Je demande instamment au Comité d'examiner nos observations écrites ainsi que les recommandations détaillées formulées dans notre mémoire et qui visent à dissiper nos plus importantes préoccupations.
    Merci.
    Merci beaucoup à tous les témoins.
    Nous allons maintenant passer aux questions des membres. Nous allons commencer par M. Nicholson.
    Monsieur le président, je vais partager mon temps avec mon collègue, M. Cooper.
    Maître Solomon, merci beaucoup de votre déclaration et de tout ce que vous avez fait, franchement, au fil des ans. Entre autres, vous avez dit avoir produit un certain nombre d'articles qui ont été publiés ou non, et j'aimerais beaucoup que vous nous les fassiez parvenir afin que nous puissions nous en servir dans le cadre de notre étude. Je vous en remercie.
    Monsieur, vous avez dit qu'un des avantages du contrôle obligatoire de l'alcoolémie est la rapidité de l'interaction initiale. Vous avez dit deux minutes. Je présume que cela n'inclut pas une évaluation quelconque de la possibilité que la personne ait pris de la drogue. C'est exact?
(1630)
    Il y a des études qui portent sur le temps qu'il faut, du moment où une personne est arrêtée au moment où elle quitte un point de contrôle aléatoire de l'alcoolémie. En moyenne, on parle de deux minutes. En fait, je suis passé par l'un de ces points de contrôle avec un collègue de l'université. Le test a duré 30 secondes, et il a fallu environ une minute et demie.
    Le processus deviendra assurément plus compliqué, en raison de ce que le projet de loi prévoit relativement à la marijuana et la façon dont on prévoit procéder.
    Je veux clarifier ce que vous avez dit: est-ce en Nouvelle-Zélande qu'on est passé de 18 500 accusations devant les tribunaux à 6 000, ou est-ce en Irlande?
    C'est exact: de 18 500 à 6 500, si je ne m'abuse. Ils ont mis en place un système de contrôle aléatoire de l'alcoolémie, ce qu'ils ont appelé le dépistage obligatoire de l'alcool, en 2006. En 2011, des changements supplémentaires ont été apportés à la loi, et le taux d'alcoolémie permis est passé de 0,08 à 0,05. Cependant, lorsque ce seul changement a été apporté, l'adoption d'un système de contrôle aléatoire de l'alcoolémie, le nombre d'accusations a diminué et est passé de 16 000 à 9 000. J'ai ces chiffres, ici, alors je vais m'assurer de ne pas...
    Vous n'avez pas à les trouver — nous nous en occupons —, je crois que le message que vous avez formulé est très clair.
    Le contrôle aléatoire de l'alcoolémie était un facteur majeur de la diminution.
    Merci beaucoup.
    Maître Pentz, vous avez entendu ce que Me Solomon a dit. L'une de vos préoccupations, c'est que le système devienne engorgé en raison d'un nombre accru de dossiers de conduite avec facultés affaiblies. Vous avez entendu Me Solomon dire que, dans le cas de la Nouvelle-Zélande, il y a eu en fait une réduction du nombre de cas devant les tribunaux, une diminution assez importante. Est-ce que vous y croyez, vous?
    Pas particulièrement, parce que, encore une fois, nous avons la Charte des droits et libertés. C'est certainement...
    Oui, mais à part ce fait, croyez-vous qu'on pourrait désengorger le système, si, en fait, la mesure était maintenue, comme Me Solomon a dit qu'elle le serait, en vertu de la Charte?
    Me Solomon parle de gens qui sont arrêtés et qui se conforment instantanément à la demande. Connaissant la clientèle avec qui j'interagis, je doute vraiment que ce sera le cas. Je peux imaginer que le contrôle durera plus longtemps. Il y aura ensuite plus de refus, parce que les gens ne voudront pas s'y soumettre. Et alors, tous ces refus se retrouveront dans le système.
    Il y aura aussi des problèmes en ce qui a trait aux demandes, puisque si, après ces demandes, on demande un alcootest, ces cas-là se retrouveront à nouveau devant les tribunaux. Nous sommes très préoccupés par tout le projet de loi et nous craignons vraiment que tout le projet de loi intégral, et cet article en particulier, entraîne une augmentation du nombre de litiges.
    Très bien.
    Je ne veux pas utiliser tout le temps. Je cède la parole à mon collègue.
    Merci aux témoins.
    Assurément, pour ce qui est de la question des dépistages obligatoires de l'alcoolémie, j'aborde la question avec un esprit ouvert, mais avec beaucoup de scepticisme. Nous parlons ici d'un changement très important de la loi, d'une mesure qui aura un impact important puisqu'il s'agira d'une atteinte très grave à la liberté individuelle. Un soupçon raisonnable, au bout du compte, est une norme très basse.
    Maître De Luca, vous avez dit que, la question qu'il faut se poser, c'est si le dépistage obligatoire sera une amélioration comparativement au système actuel de contrôle sélectif de l'alcoolémie. Je crois moi aussi qu'il s'agit d'une question importante qu'il faut se poser et à laquelle il faut répondre. Cependant, je dirais qu'il y a une autre question qu'il faut poser, et ce, même si on répond à la première question par l'affirmative et qu'on croit bel et bien que le dépistage obligatoire pourrait avoir une incidence positive. Il s'agit de se demander combien de personnes innocentes verront leurs droits minés afin de pouvoir identifier ce qui, au bout du compte, constitue un nombre assez limité de personnes qui se retrouvent derrière le volant avec des facultés affaiblies et causent des décès et des blessures. Vous savez, ces gens ont tendance à être des récidivistes et des gros buveurs qui conduisent leur véhicule. J'ai l'impression que le dépistage obligatoire n'est peut-être pas la bonne approche permettant de cibler ces personnes.
    J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
(1635)
    Pour commencer, je tiens à souligner que je suis d'accord. Je ne crois pas que la question de savoir si le dépistage obligatoire ou les contrôles aléatoires de l'alcoolémie sont efficaces règle la question. Vous savez, d'après nous, au bout du compte, c'est une question qui sera soumise à une analyse au regard de l'article premier, une fois que l'inévitable contestation fondée sur la Charte sera présentée, si, bien sûr, la disposition est adoptée, et ce que nous savons au sujet de l'efficacité sera présenté dans le cadre de cette enquête.
    Mais cela ne réglera pas le dossier. Nous craignons, pour différentes raisons, que, même si la mesure se révèle efficace, elle ne résisterait pas au critère de l'atteinte minimale ni au critère de la proportionnalité prévus dans l'évaluation au titre de l'article premier. Par exemple, l'une de nos réticences, relativement à la disposition, comme on l'a mentionné précédemment, c'est qu'elle visera très probablement un certain nombre d'innocents à qui on demandera de procéder à un contrôle obligatoire et qui ne se rendront pas compte que, si la demande est présentée instantanément, ils n'ont pas le droit à un avocat. Un certain nombre de personnes vont probablement faire valoir leurs droits et pourront se retrouver avec une amende minimale obligatoire de 2 000 $.
    J'ai mentionné dans mes commentaires précédents la préoccupation concernant le caractère plus intrusif de la demande de subir un alcootest. Pour commencer, il s'agit d'un comportement de plus en plus intrusif. Ce qu'on demande, c'est un échantillon de substances corporelles, et les tribunaux ont déterminé qu'une telle mesure faisait intervenir l'article 8. De plus, le système aura une incidence disproportionnée sur certaines personnes et certaines communautés.
    Par conséquent, je ne crois pas que la question de l'efficacité réglera toute la question, mais je crois tout de même que le manque d'éléments probants est malgré tout problématique.
    Monsieur Fraser.
    Merci à nos témoins d'être là et de nous avoir présenté leur exposé.
    Maître Solomon, j'aimerais commencer par vous. J'aimerais savoir ce que vous pensez de la différence entre un arrêt à un poste de contrôle et des contrôles routiers de routine en ce qui a trait à l'utilisation du contrôle obligatoire. D'après ce que j'ai compris, le système en Irlande utilise uniquement le dépistage obligatoire aux points de contrôle, et je vois là une très importante différence entre les deux.
    J'aimerais bien savoir ce que vous pensez quant à la façon dont on peut alors tout simplement extrapoler l'expérience en Irlande si, ici, nous adoptons la mesure dans le cadre de tous les contrôles routiers.
    Je crois savoir qu'ils misent aussi sur des tests de dépistage de l'alcool mobiles, alors ce n'est pas seulement aux postes de contrôle fixes que les policiers peuvent demander un échantillon d'haleine.
    Tous les chercheurs de pointe ont conclu que la capacité de procéder à des tests d'alcoolémie lorsque les conducteurs sont arrêtés ailleurs que dans des points de contrôle de la sobriété est d'une importance cruciale pour diverses raisons, dont la première est qu'une telle mesure confirme le message que, si on boit, il ne faut pas conduire. Si on ne possède pas la capacité mobile de contrôler les conducteurs qui sont arrêtés, le problème, c'est que les gens tenteront de contourner le système.
    L'autre problème, et il est possible que beaucoup de personnes ne s'en rendent pas compte, c'est que la population rurale représente 30 %, mais cause 69 % des accidents de la route liés à la conduite avec les facultés affaiblies entraînant des décès. Si nous ne mettons pas en place un cadre de dépistage mobile, on augmentera la surreprésentation des conducteurs des zones rurales qui sont impliqués dans des accidents de la route et les décès et les blessures connexes.
    En général, la façon dont le contrôle mobile est appliqué dans presque tous les pays, c'est que, chaque fois qu'un conducteur est arrêté, peu importe la raison, on lui demande un échantillon d'haleine. Tous les conducteurs arrêtés se voient demander un échantillon d'haleine. Il n'y a pas de subjectivité; chaque fois qu'une personne est arrêtée, le fait de demander un échantillon d'haleine n'est pas discrétionnaire. Les études montrent clairement que l'ajout du contrôle mobile augmente de façon importante l'impact dissuasif des lois sur la conduite avec facultés affaiblies.
    L'autre point que je voulais souligner, c'est que nous utilisons déjà un système de contrôles sélectifs de l'alcoolémie, et on se retrouve avec 1 000 décès et 60 000 blessés. Si nous maintenons exactement le système actuel, nous allons continuer à afficher parmi les pires résultats du monde en matière de décès et de blessures découlant de la conduite avec facultés affaiblies. Il faut faire quelque chose. Quasiment toutes les organisations qui s'intéressent à la sécurité routière et qui sont de bonne réputation reconnaissent que le dépistage obligatoire de l'alcool est la façon la plus efficace de réduire le nombre de décès et de blessures associés à la conduite avec facultés affaiblies.
    Je voulais aussi mentionner qu'il y a quatre administrations qui ont fait exactement ce que nous pourrions faire. Il s'agit de l'Australie-Occidentale, du Queensland, de l'Irlande et de la Nouvelle-Zélande. Ils sont passés d'un système misant sur des contrôles sélectifs de l'alcoolémie modérés à un dépistage obligatoire de l'alcool, et, dans chaque cas, il y a eu des diminutions importantes.
    L'un des principaux experts dans ce domaine de la sécurité routière a conclu que, dans tous les cas, le système de contrôle obligatoire était plus efficace pour susciter des réductions du nombre d'accidents, et ce, dans une proportion d'environ 50 % de plus que les contrôles sélectifs de l'alcoolémie. Le principal expert dans le domaine, Ross Homel, a dit: « Rien, dans le cadre de l'expérience australienne, ne permet de croire que, sans [une utilisation pleine et entière du dépistage obligatoire], les barrages routiers ou les postes de contrôle de la sobriété peuvent entraîner » des réductions importantes ou durables « des décès découlant d'accidents associés à l'alcool. »
    Si nous n'adoptons pas le dépistage obligatoire, l'année prochaine, il y aura encore 1 000 décès et 60 000 blessures découlant de la conduite avec facultés affaiblies.
(1640)
    Merci, maître Solomon. J'ai aimé vos commentaires.
    Ce que j'essaie de comprendre, cependant, en plus de ce qu'on vient de dire, c'est que vous avez mentionné qu'on éliminera la subjectivité de l'agent de police en adoptant un système de dépistage obligatoire et que l'agent de police fera passer le test à toutes les personnes qu'il arrête. Je veux bien comprendre. S'il ressort de cela que certaines personnes sont arrêtées pour des motifs qui ne sont pas légitimes, ne seront-ils pas susceptibles de devoir se soumettre à un dépistage obligatoire?
    J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
    Le projet de loi prévoit qu'on ne peut pas demander un échantillon d'haleine sauf si une personne a été arrêtée légalement. Par conséquent, si l'arrêt n'est pas légal, la demande ne le sera pas non plus.
    Encore une fois, il s'agit d'une pratique exemplaire dans les systèmes de dépistage obligatoires. Selon les pratiques exemplaires dans plusieurs dizaines de pays du monde, le système fonctionne mieux lorsque chaque conducteur qui passe par un barrage routier est stoppé et testé. Dans un même ordre d'idées, pour ce qui est du dépistage obligatoire mobile, chaque fois qu'un conducteur est arrêté, on lui demande un échantillon d'haleine. Au titre du projet de loi, si l'intervention est illégale, l'agent de police n'a pas le droit de formuler la demande.
    Est-ce qu'il me reste du temps?
    Il vous reste 40 secondes.
    Je veux m'entretenir avec les représentants de l'Association du Barreau canadien. J'aimerais parler de quelque chose qui, si je ne m'abuse, n'a pas encore été mentionné, et qui concerne les modifications liées à l'utilisation des antidémarreurs éthylométriques et le fait que les tribunaux auront maintenant l'option de demander l'utilisation d'un tel antidémarreur immédiatement au moment du prononcé de la sentence.
    Croyez-vous qu'il pourrait être avantageux de réduire les résolutions pouvant découler du fait qu'une personne présente un plaidoyer de culpabilité parce qu'elle peut ainsi recommencer immédiatement à se rendre au travail en voiture et ce genre de chose? Je sais que, le contre-argument, bien sûr, c'est que, évidemment, on veut s'assurer qu'il n'y aura pas de faux plaidoyer de culpabilité, mais j'aimerais savoir si, selon vous, ce pourrait être une façon d'éliminer en partie l'arriéré des tribunaux que vous...
    Nous n'avons pas abordé cette question précise dans notre mémoire, alors l'ABC n'a pas de position à ce sujet, mais je peux vous dire ce que j'en pense personnellement.
    Le problème, dans le cadre du système des antidémarreurs éthylométriques, c'est que le programme, si bon soit-il, est dispendieux, et qu'il n'y a pas beaucoup de personnes qui peuvent y avoir recours. De plus, comme vous l'avez mentionné, nous ne voulons d'aucune façon encourager des gens à présenter un plaidoyer de culpabilité si, en fait, ils ne sont pas coupables, s'ils ont une défense viable qui doit être présentée devant le tribunal. Nous ne croyons pas que cette mesure permette vraiment de dissiper nos préoccupations.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Rankin.
    Je tiens à remercier tout le monde d'être là.
    Plus particulièrement, je tiens à remercier Me Solomon. Vos décennies de recherche dans le domaine et toutes vos contributions sont énormes. Merci.
    Dans les documents que vous avez soumis, à la page 3 de votre mémoire, vous avez parlé des préoccupations de l'Association canadienne des libertés civiles et de la Criminal Lawyers' Association au sujet de la discrimination policière et du fait qu'on cible les minorités visibles. Vous avez dit que leurs préoccupations sont à l'opposé de la vérité. Cependant, vous avez mentionné, si je ne m'abuse, des points de contrôle de la sobriété et précisé que l'adoption du dépistage obligatoire permettrait de réduire la capacité des policiers de cibler des minorités ou, d'une façon ou d'une autre, de mal utiliser leur pouvoir. Cependant, vous parlez aussi, entre autres, des pratiques exemplaires qui exigent qu'on arrête tous les véhicules qui passent.
    Je ne comprends pas. Je comprends, comme mon collègue M. Fraser l'a dit, qu'il y a une différence entre des points de contrôle de la sobriété, d'un côté, où tout le monde est arrêté, et la capacité qu'auront maintenant les policiers de cibler les minorités s'ils le veulent de façon aléatoire. On parle d'alcootests aléatoires, de dépistage aléatoire de l'alcoolémie. J'ai beaucoup de difficulté à comprendre de quelle façon vous pouvez rejeter les préoccupations que la Civil Liberties Association et les avocats de la défense ont formulées.
(1645)
    Je trouverais très surprenant que les policiers mettent en oeuvre un cadre de dépistage obligatoire d'une façon qui ne sera pas conforme à ce que tous les autres pays ont fait ou ce que la grande majorité des autres pays ont fait. C'est-à-dire que chaque conducteur qui passe, sauf s'il y a une file d'attente, sera contrôlé, et cette méthode n'est pas vraiment différente de ce qui se produit actuellement. Cependant, actuellement, dans un point de contrôle de la sobriété, lorsqu'une personne fait l'objet de l'intervention, c'est aux agents d'utiliser leur propre jugement subjectif quant à savoir s'ils doivent évaluer la sobriété des conducteurs et déterminer s'il y a des motifs raisonnables de soupçonner qu'ils ont consommé de l'alcool ou de la drogue. C'est là un jugement individuel et subjectif de la part de l'agent. En vertu du système de contrôle obligatoire, l'agent n'a aucun pouvoir discrétionnaire. La pratique exemplaire, c'est qu'une fois que le conducteur est visé par l'intervention, s'il est arrêté, il doit fournir un échantillon d'haleine.
    Ce sont les pratiques exemplaires. Il ne peut pas s'agir d'une lubie comme le juge dissident en a parlé dans la décision Ladouceur. L'opinion dissidente de la Cour suprême du Canada craignait que le pouvoir discrétionnaire de réaliser des tests aléatoires ne soit utilisé par les agents de police à leur guise. Pourquoi est-ce que ce n'est pas tout autant le cas, dans cette situation?
    J'imagine qu'on peut toujours dire, tout comme lorsque je passe un contrôle de sécurité à l'aéroport d'Ottawa ou lorsque je le fais, ici, qu'un agent pourrait choisir d'être plus inquisiteur ou qu'il pourrait mal utiliser son pouvoir. Mais ce n'est pas ainsi que le système fonctionne. Le dépistage obligatoire limite la subjectivité dont peuvent faire preuve les agents lorsqu'ils portent des jugements.
    Par souci de rapidité — je sais que j'ai peu de temps et je vous remercie de votre réponse —, je veux passer à Me Pentz, de l'Association du Barreau canadien et, dans la même veine, à Me De Luca, et leur poser une question très simple.
    Vous avez toutes les deux dit que le projet de loi est suspect lorsqu'on pense aux articles 8 et 9, et qu'il ne résistera pas à une contestation en vertu de l'article premier de la Charte, ce à quoi je réponds, d'accord, laissons les tribunaux décider. Bien sûr, il y aura de l'incertitude, comme vous l'avez souligné, en ce qui a trait à l'interprétation et à la constitutionnalité. Et qu'arrivera-t-il si la ministre de la Justice présentait une cause type à la Cour suprême du Canada? Présentons toute l'information et laissons la décision à la Cour. Ne s'agirait-il pas là d'une façon d'éviter les genres de préoccupations que vous avez soulevées? Laissons les tribunaux répondre immédiatement aux questions.
    Encore une fois, du point de vue de l'ABC, nous n'avons pas vraiment défini notre position à cet égard. Pour ce qui est de mon commentaire, je parlais seulement de l'aspect lié à la constitutionnalité. Il faut aussi réfléchir à la mise en oeuvre et ce qu'on en tirera.
    J'ai ici un court article de 2014, du Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies. Si nous voulons avoir les mêmes résultats qu'en Australie, il est indiqué que nous devons procéder au même type d'intervention qu'en Australie. « En Australie, au moins un tiers des conducteurs avec permis sont soumis à l'alcootest chaque année [...] Seulement en Ontario, contrôler le tiers des conducteurs qui ont leur permis exigerait de mener plus de 3 millions de contrôles de l'alcoolémie par année. L'équivalent de plus de 8 200 contrôles par jour. » De quelle façon va-t-on procéder pour y arriver?
    Vous avez dit que toute la partie 2 devrait être éliminée, toutes les modifications liées à la conduite avec facultés affaiblies, parce qu'il y aurait beaucoup de litiges.
    Oui.
    C'est la disposition qui entraîne le plus de litiges. Bien sûr, vous avez raison. Je ne comprends tout de même pas pourquoi l'ABC n'affirme pas qu'il faut envoyer cette question devant les tribunaux dans le cadre d'une cause type afin qu'on puisse directement faire toute la lumière sur cette question dès maintenant.
    Ce n'est pas, selon nous, la seule partie contestable. Il y a d'autres articles qui, selon nous...
    Maître De Luca.
    Nous n'avons pas au sein de notre organisation une position quant à savoir si un renvoi constitutionnel serait approprié dans ce cas-ci. Je crois que le fait de laisser les tribunaux décider, dans la mesure où on adopte le projet de loi et qu'on subit, par la suite, les contestations, est évidemment problématique, parce que nous croyons que ces dispositions auront un impact sur un certain nombre de personnes innocentes.
    Je veux préciser que le problème, en ce qui concerne le pouvoir discrétionnaire, concerne les contrôles routiers aléatoires et la décision initiale d'arrêter un véhicule. C'est cette utilisation du pouvoir discrétionnaire qui, nous le savons déjà, a un impact disproportionné sur les gens de certaines communautés, y compris des communautés raciales. Même si l'on dit que, ensuite, la demande d'un échantillon d'haleine est obligatoire, peu importe qui est arrêté, nous savons que cela aura un impact disproportionné sur certaines communautés.
(1650)
    La ministre de la Justice a été citée: « Les policiers n'auraient pas plus le droit que celui qu’ils ont en vertu du droit pénal ou des lois provinciales d’intercepter des conducteurs de façon aléatoire afin d’établir leur sobriété. » Son argument, c'est que rien ne change. Votre argument, c'est qu'on donnera aux différents agents de police un énorme pouvoir discrétionnaire de cibler des minorités raciales, des jeunes et d'autres personnes du genre, à leur guise. Vous faites valoir que nous devrions nous assurer que cela ne se produira pas, bien sûr. Pourquoi n'attendons-nous pas simplement que les abus surviennent, tout en demandant à la ministre de la Justice d'envoyer la question devant les tribunaux afin que ceux-ci décident si vous avez raison ou si c'est le gouvernement qui a raison?
    Je veux préciser une dernière chose. Je crois que la préoccupation selon laquelle les policiers pourraient être incités à arrêter plus de personnes est une préoccupation secondaire. La principale préoccupation, c'est que les personnes de certaines communautés sont déjà plus souvent arrêtées que les autres. Ce que nous faisons, c'est que nous augmentons le caractère invasif de la fouille. L'effet du nouveau pouvoir, puisque le caractère invasif sera plus élevé, sera ressenti de façon disproportionnée par certaines communautés. Et là c'est quelque chose qui s'ajoute en plus. Pour ce qui est de la position de notre organisation, encore une fois, nous n'avons pas de position à ce sujet.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Monsieur McKinnon.
    Maître Solomon, j'aimerais comprendre un peu mieux le dépistage obligatoire dont vous parlez. De ce que j'ai compris de vos propos, chaque véhicule qui se présente est arrêté. Et le conducteur de chaque véhicule fait l'objet d'un contrôle.
    Au poste de dépistage obligatoire de l'alcool, comme c'est actuellement le cas aux points de contrôle sélectif de l'alcoolémie, la pratique consiste à indiquer à chaque véhicule qu'il doit faire l'objet d'un contrôle. Cela ne changera pas du tout. La différence, c'est plutôt que l'agent se présente au véhicule et vous demande vos papiers d'immatriculation, votre permis de conduire et votre preuve d'assurance afin d'essayer de détecter la révélatrice odeur d'alcool; il vous présente simplement un appareil et vous dit « soufflez ». Par conséquent, de bien des façons, il pourrait s'agir d'une méthode plus rapide que la procédure actuelle de contrôle sélectif de l'alcoolémie.
    Mais chaque véhicule qui se présente est arrêté.
    S'il n'y a pas de file d'attente, c'est exact.
    S'il y a une file d'attente, alors certaines personnes peuvent passer tout droit?
    On ne fait pas signe au conducteur de s'arrêter.
    Je vois.
    C'est exactement ce qui se passe actuellement aux postes de contrôle de la sobriété. On utilise exactement le même processus pour arrêter les véhicules.
    Vous croyez qu'on réduira ainsi la possibilité de faire du profilage racial et ce genre de choses, parce que tout le monde est arrêté et contrôlé?
    C'est exact. Actuellement, c'est à l'agent de formuler un jugement subjectif.
    Est-ce que vous excluriez donc le recours à des contrôles sélectifs de l'alcoolémie?
    Si on met en place un cadre de dépistage obligatoire, les contrôles sélectifs de l'alcoolémie ne seraient plus nécessaires.
    Si un agent de police arrête un véhicule parce qu'il va trop vite ou peu importe et qu'il parle au conducteur et qu'il se dit: « Vous savez, je pense que cette personne a bu. Je crois qu'il faut lui faire passer un test d'alcoolémie. » Est-ce qu'une telle mesure serait exclue?
    Je n'exclurais pas une telle procédure, mais les études réalisées en Europe de l'Ouest, au sein de l'Union européenne, et, je crois, en Suisse, indiquent que, lorsqu'on contrôle chaque conducteur arrêté, on réduit de façon importante la conduite avec facultés affaiblies, les décès et les blessures, et ce, encore plus, en raison de l'effet dissuasif.
    En ce qui concerne l'expansion des outils pour déceler les facultés affaiblies par la drogue... envisageriez-vous de faire la même chose pour le fait d'avoir les facultés affaiblies par la drogue?
    Actuellement, la proposition, c'est d'opter pour un dépistage à l'aide de salive lorsque l'agent a des motifs raisonnables de soupçonner la présence de drogue.
    Mais le même argument utilisé dans le cas du dépistage obligatoire de l'alcool ne s'appliquerait-il pas dans le cas des drogues?
    Je crois que, la différence, c'est que le dépistage à l'aide de salive est à un stade de développement moins avancé. On croit, si j'ai bien compris, qu'il n'est pas encore suffisamment au point pour qu'on puisse le rendre obligatoire. Certaines administrations en Australie procèdent déjà à un test de dépistage obligatoire à l'aide de salive.
(1655)
    J'aimerais passer à Me Pentz et Me De Luca.
    Croyez-vous que le dépistage obligatoire, tel qu'il est décrit, c'est-à-dire que tout le monde est arrêté et fait l'objet d'un contrôle, dissiperait vos préoccupations en ce qui a trait aux contrôles aléatoires?
    Je pose la question, disons, à Me De Luca.
    Assurément, nous croyons que, si la disposition était limitée aux points de contrôle fixes et qu'il y avait des procédures en place pour veiller au caractère aléatoire des procédures, par exemple, soit que tout le monde est arrêté, soit, s'il y a un problème de capacité, un conducteur sur cinq ou sur six est arrêté, on pourrait limiter grandement le problème du pouvoir discrétionnaire et du profilage. Si la disposition pouvait être modifiée afin qu'on s'assure que c'est ce qui se passe en pratique — vous savez, cette procédure est considérée comme une pratique exemplaire — et que le tout est codifié, nous serions beaucoup moins préoccupés par les dispositions. Selon nous, il y aurait tout de même des problèmes — en partie parce qu'il faudrait s'assurer du caractère aléatoire et assurer aussi la surveillance et la responsabilisation —, mais je crois qu'il s'agirait assurément d'une disposition préférable.
    Y aurait-il là, selon vous, des problèmes liés à la Charte?
    Je crois qu'il y aurait tout de même des problèmes liés à la Charte. Il faudrait tout de même procéder à une analyse en vertu de l'article premier. Je crois que, en défense, l'argument serait un petit peu plus solide, parce que la composante discrétionnaire serait vraiment limitée.
    Merci.
    Maître Pentz.
    Je crois que, en pratique, les choses ne se passeraient pas ainsi. Concrètement, lorsqu'il y aura une file de véhicules arrêtés, en raison des contraintes temporelles, les policiers vont assurément laisser passer certaines personnes, et il y aura un certain profilage. On nous laisserait probablement passer, vous et moi, et d'autres personnes seraient probablement arrêtées en raison d'autres caractéristiques.
    Donc, vous ne croyez pas que, en pratique, il s'agira vraiment d'un contrôle obligatoire, et qu'il s'agira de contrôles sélectifs?
    Vu les ressources nécessaires pour en faire une mesure obligatoire, je ne vois pas en quoi ce sera possible.
    Si les responsables disent que, une fois qu'il y a plus de cinq personnes dans la file, tous les autres peuvent passer, puis, dès qu'un véhicule repart, le prochain véhicule qui arrive est arrêté et rejoint la file afin qu'il y ait toujours cinq véhicules qui attendent, j'ai l'impression que les policiers pourraient ainsi gérer leur charge de travail de cette façon tout en maintenant le caractère obligatoire du contrôle. Ne serait-ce pas là une situation plausible?
    Oui, mais, encore une fois, on parle d'application de la loi. De quelle façon va-t-on s'assurer que c'est de cette façon que les choses se passent?
    Il vous reste seulement du temps pour une brève question, monsieur McKinnon.
    Vous avez formulé certaines préoccupations au sujet des tests liés aux facultés affaiblies par la drogue fondés sur des concentrations non discrétionnaires. Aimeriez-vous en parler? Croyez-vous qu'il est plus approprié de prendre un peu de recul et de se tourner vers des experts en reconnaissance de drogues pour réaliser ce genre d'évaluation, et une évaluation subjective réalisée par une personne qui est très bien formée plutôt que d'avoir recours à des tests fondés sur des concentrations non discrétionnaires?
    La difficulté des tests non discrétionnaires, c'est que les drogues ont un effet différent sur chaque personne, alors il ne sera pas possible, du moins d'après ce que j'ai compris lorsque j'ai parlé à des experts, de dire que tout le monde a les facultés affaiblies à un certain niveau. La seule solution possible, ici, sauf si de nouvelles percées scientifiques permettent de régler le problème, ça peut être de miser sur un échantillon ou une substance ou un autre genre de contrôle supplémentaire. La seule autre option, c'est de continuer d'avoir recours aux experts en reconnaissance de drogue.
    Merci.
    Je tiens à remercier tous les témoins de nous avoir fait profiter de leur expertise très utile. Nous vous remercions beaucoup. Puisque nous sommes très en retard, je vais demander au prochain groupe de témoins de s'approcher. Encore une fois, je vous remercie d'être venus.
    Nous allons nous arrêter une seconde jusqu'à ce que le prochain groupe de témoins soit en place.
(1655)

(1700)
    Mesdames et messieurs, nous reprenons nos travaux en compagnie du prochain groupe de témoins. Encore une fois, nous nous excusons auprès des témoins de les avoir fait attendre.
    Le prochain groupe de témoins est absolument remarquable. Nous accueillons, à titre personnel, Me Peter Hogg, chercheur invité chez Blake, Cassels & Graydon s.r.l. et certainement un de nos experts constitutionnels les plus importants, voire le plus important. Nous accueillons aussi Mme Markita Kaulius, présidente de Families For Justice. Elle n'en est pas à sa première visite, ici. Et nous accueillons aussi M. Jeff Walker, gestionnaire stratégique principal de l'Association canadienne des automobilistes. Bienvenue à vous tous. Merci beaucoup d'être là.
    Nous allons commencer par Me Hogg.
    J'ai donné au Comité un document de quatre pages, alors je vais le passer brièvement en revue. Ce document est accessible aux membres du Comité et il contient une analyse un peu plus détaillée que ce que je peux vous présenter en 10 minutes.
    J'ai lu le mémoire de Me Solomon et, bien sûr, je l'ai écouté, parce que je suis dans la salle depuis le début. J'admets tout à fait ce qu'il dit au sujet de l'impact bénin des contrôles aléatoires de l'alcoolémie. Je ne vais pas en parler du tout. Je vais simplement parler des questions constitutionnelles qui ont été soulevées par certains des témoins.
    Pour commencer, l'article 8 est une disposition qui interdit les fouilles et saisies abusives. L'ACLC et l'ABC pensent que ces contrôles violeront l'article 8. Je ne crois pas que c'est exact. Tout ce que l'article 8 dit, c'est que tout le monde a le droit d'être protégé contre des fouilles et des saisies qui ne sont pas raisonnables. Selon moi, les préoccupations liées à la sécurité routière sont telles que des mesures comme des contrôles aléatoires de l'alcoolémie seront considérées comme étant raisonnables parce qu'elles visent, bien sûr, à ajouter un peu plus de réglementation, il faut l'admettre, mais à ce qui est déjà une activité très réglementée, et c'est le cas parce que cette activité est aussi très dangereuse.
    Je suis d'accord avec Me Solomon: les contrôles aléatoires de l'alcoolémie vont habituellement avoir lieu — certains intervenants ont indiqué que ce ne sera peut-être pas toujours le cas — dans le cadre de contrôles routiers stationnaires, où les agents de police n'auront aucun pouvoir discrétionnaire et devront contrôler tout le monde. Par conséquent, je crois que les préoccupations liées à l'article 8 ne sont pas problématiques.
    Il y a aussi des préoccupations liées à l'article 9. L'article 9 est une disposition qui interdit la détention arbitraire. La Cour suprême a déjà abordé la question des interpellations au hasard de véhicules, pas pour réaliser des contrôles aléatoires de l'alcoolémie, bien sûr, mais pour vérifier le permis de conduire, la propriété du véhicule, l'assurance ainsi que la sobriété des conducteurs. La Cour a dit que ces interpellations au hasard, parce qu'elles sont aléatoires, étaient tout de même justifiées en vertu de l'article premier. Il en ira exactement de même pour les contrôles aléatoires de l'alcoolémie. On les jugera comme étant justifiés au titre de l'article premier parce qu'ils contribuent à la sécurité routière.
    Le droit à un avocat a été mentionné par les représentants de l'ABC. Ce qu'indique l'alinéa 10b) de la Charte, c'est que tout le monde a droit, au moment de son arrestation et de sa détention, de retenir les services d'un conseil ou de le mandater, et ce, dans les plus brefs délais. Évidemment, il est complètement impossible de permettre à des gens de retenir les services d'un avocat et de le mandater dans le cadre de contrôle aléatoire de l'alcoolémie, alors on ne pourra pas se conformer à cette exigence. On ne devrait pas respecter cette exigence, parce qu'il faudrait probablement plusieurs heures aux gens qui veulent mandater un avocat pour communiquer avec ce dernier, et, rendu là, le contrôle aléatoire de l'alcoolémie serait inutile.
(1705)
    Je parle rapidement de la décision Orbanski dans le mémoire que je vais présenter au Comité. C'est un arrêt de 2005 de la Cour suprême. Il y avait deux conducteurs. Un avait été arrêté au hasard, et l'autre avait été arrêté parce qu'il conduisait de façon erratique, mais ils avaient tous les deux contesté l'intervention parce qu'ils n'avaient pas été informés de leur droit à un avocat lorsqu'ils ont été arrêtés. La juge Louise Charron de la Cour suprême du Canada a déclaré, pour la décision rendue à la majorité, que, puisque l'objectif principal du pouvoir policier est d'arrêter les conducteurs pour vérifier leur sobriété, et puisque le temps presse lorsqu'on vérifie la sobriété, la loi provinciale, qui ne prévoit rien au sujet du droit à un avocat — dans ce cas, il s'agissait d'une loi provinciale — devait être interprétée comme ne permettant pas aux conducteurs de retenir les services d'un avocat avant de donner un échantillon d'haleine. Elle a dit que c'est de cette façon que la loi devait être interprétée.
    Je crois que l'arrêt Orbanski permettrait de protéger les contrôles aléatoires de l'alcoolémie contre l'effet désastreux du droit à un avocat. Je dis « effet désastreux », et ce serait effectivement le cas. Il s'agira d'une atteinte au droit à un avocat, mais c'est une atteinte qui sera facilement justifiée au titre de l'article premier.
    Dans mon article, je parle ensuite un peu de l'article premier, mais je ne crois pas qu'il soit nécessaire pour moi de garder le Comité captif plus longtemps pour en parler, parce que tout est dans mon mémoire. Voilà pour les principales dispositions invoquées en faveur d'une contestation constitutionnelle de la proposition.
(1710)
    Merci beaucoup, maître Hogg. Nous sommes très reconnaissants, surtout de la rapidité avec laquelle vous avez procédé. Vous en étiez seulement à sept minutes.
    Madame Kaulius, la parole est à vous.
    Monsieur le député Housefather et honorables membres du Comité permanent de la justice et des droits de la personne, merci de me permettre de comparaître aujourd'hui pour vous parler.
    Je m'appelle Markita Kaulius. Je suis fondatrice et présidente de Families For Justice. Je suis ici aujourd'hui pour représenter les milliers de familles canadiennes qui ont perdu des enfants ou des êtres chers en raison des personnes qui conduisent avec des facultés affaiblies au Canada.
    Le 3 mai 2011, ma fille âgée de 22 ans, Kassandra, est allée à l'université pour passer son dernier examen en vue d'obtenir son diplôme d'enseignement. Plus tard durant cette journée, elle est allée entraîner une équipe féminine de balle-molle et a elle-même été lanceuse durant une partie de balle-molle le soir même. Kassandra a quitté le parc et revenait à la maison en voiture lorsqu'elle s'est arrêtée à un feu rouge. Le feu rouge est passé au vert, et elle a avancé dans l'intersection pour tourner à gauche. Une conductrice aux facultés affaiblies est arrivée à toute vitesse sur la voie en bordure et a accéléré pour franchir l'intersection, alors que le feu était rouge depuis 12 secondes. Le véhicule de la conductrice a perdu le contact avec le sol en passant sur une voie de chemin de fer et a atterri dans la porte du conducteur du véhicule de ma fille, la frappant à 103 kilomètres-heure. La voiture de Kassandra a été projetée par-dessus un terre-plein et s'est retrouvée à environ 1 200 pieds plus loin, sur la route, et des débris ont été projetés sur les quatre voies de circulation. La conductrice est sortie de son véhicule pour aller voir ma fille mourir, puis elle a quitté les lieux de la collision. Kassandra n'est jamais revenue à la maison. Elle est décédée dans un accident catastrophique. Je suis désolée, ce n'était pas un accident, c'était une collision. Elle est décédée en raison des multiples blessures qu'elle a subies parce qu'elle a été écrasée à mort par un véhicule qui roulait à 103 kilomètres-heure.
    Durant la même année, 1 074 autres Canadiens innocents sont morts, et plus de 62 000 personnes ont été blessées au Canada par des conducteurs aux facultés affaiblies. Même avec toutes les campagnes d'éducation et de sensibilisation que nous avons réalisées au cours des 35 dernières années, la conduite avec facultés affaiblies reste la principale cause criminelle de décès au Canada.
    Chaque année, les statistiques montrent que la conduite avec facultés affaiblies cause des décès d'innocents par milliers un peu partout au pays. Les statistiques révèlent que, en moyenne, de 1 200 à 1 500 personnes sont tuées chaque année par des conducteurs aux facultés affaiblies — cela équivaut à de 4 à 6 personnes par jour — et 190 personnes par jour sont blessées par des conducteurs aux facultés affaiblies au Canada.
    De nombreuses vies sont écourtées tragiquement par des conducteurs aux facultés affaiblies qui décident d’agir de façon inconsciente. Ces conducteurs choisissent délibérément de mettre d’autres personnes en danger sur nos routes et autoroutes en conduisant avec les facultés affaiblies par la drogue ou l’alcool. Aujourd’hui même, quelque part, dans une autre collectivité, la prochaine victime d’un chauffard dont les facultés sont affaiblies vit ses derniers moments.
    Un véhicule qui roule trop vite entre les mains d'un conducteur aux facultés affaiblies devient une arme de 2 000 livres. Le véhicule devient aussi mortel qu'une arme chargée ou un couteau. La seule différence, c'est que l'arme choisie est différente et que les victimes sont visées aléatoirement sur nos routes et voies de circulation et que les accidents causent des blessures plus graves. C'est quelque chose qui se produit dans chaque ville et chaque village du Canada. Les décès sont tous des homicides au volant, et l'effet dévastateur sur les familles change la vie des gens.
    Families For Justice a exercé des pressions sur le gouvernement fédéral en s'intéressant à plusieurs projets de loi au cours des six dernières années. Nous avons soutenu le projet de loi C-247 et le projet de loi C-226, qui ont tous les deux été rejetés par le gouvernement fédéral, et, au cours des six dernières années, tandis que nous attendions que le gouvernement précédent et le gouvernement actuel apportent des changements aux lois au Canada, plus de 6 000 autres innocents sont morts à cause de conducteurs aux facultés affaiblies au Canada.
    En 2011, les décès impliquant un conducteur aux facultés affaiblies représentaient 33,6 % des décès sur les routes canadiennes. Les statistiques reflètent le taux croissant de présence de drogue dans le sang des conducteurs impliqués dans des accidents de la route mortels. En fait, on trouve maintenant plus de drogues et d'alcool dans le sang des conducteurs impliqués dans des accidents mortels.
    On estime que 30 % des infractions liées à la conduite avec facultés affaiblies sont commises par des récidivistes. Ces délinquants sont plus susceptibles de boire et de conduire fréquemment, d'afficher des niveaux de concentration d'alcool dans l'haleine plus élevés et d'avoir des antécédents de condamnations antérieures. Certains ont des problèmes de dépendance à l'alcool.
(1715)
    Dans bien des cas, les personnes qui ont des problèmes de dépendance chronique travaillent et conduisent dans notre quartier, dans les zones scolaires et près des arrêts d’autobus, aux heures de pointe du matin, après avoir passé la nuit à boire ou à consommer de la drogue. Ces personnes sont relativement peu disposées à changer leurs habitudes, puisqu’elles recommencent sans cesse, malgré les sanctions qui leur ont été infligées. Même si ces contrevenants représentent une proportion relativement infime de la population des conducteurs, ils sont associés à près des deux tiers, soit 65 %, des accidents d’automobile mortels liés à l’alcool, et à 84 % des cas de conduite en état d’ébriété. En d’autres termes, ils conduisent en état d’ébriété plus fréquemment que tout autre type de conducteur aux capacités affaiblies.
    Nous avons une dette envers les victimes et leurs familles, et nous devons réaffirmer notre volonté de trouver les mesures les plus efficaces qui soient pour enfin mettre un terme à la conduite avec facultés affaiblies. Les Canadiens comptent sur le gouvernement du Canada et espèrent qu'il ne cédera pas à la tentation de se contenter de condamner violemment verbalement les tragédies. Nous comptons sur vous pour empêcher qu'il y ait, demain, un autre accident, d'autres blessés, d'autres morts; vous devez vous concentrer sur les mesures dissuasives efficaces. Il faut maintenant mesurer les progrès que nous avons réalisés en modifiant concrètement les lois canadiennes sur la conduite avec facultés affaiblies plutôt que de nous arrêter sur le nombre d'années pendant lesquelles on en a discuté. Ce projet de loi sauvera des vies en rendant les gens responsables de leurs actes, lorsqu'ils commettent un crime.
    La Loi sur la conduite avec facultés affaiblies visait à éliminer les contradictions que comporte le Code criminel, à harmoniser et à renforcer les peines dans les cas de récidive, à simplifier la preuve à présenter pour établir l’alcoolémie et à accélérer le traitement par les tribunaux des affaires de conduite avec capacités affaiblies. La loi devrait comprendre des mesures importantes, et essentielles dans la lutte contre la conduite avec capacités affaiblies, mais il y a d’autres éléments à ajouter à ce projet de loi.
     Même si nous appuyons bon nombre des changements proposés dans le projet de loi C-46, nous croyons fermement que deux autres modifications, qui n’ont pas encore été abordées, devraient également être envisagées. Des conducteurs de tous âges continuent à prendre le volant après avoir consommé de l’alcool ou une drogue; or, seule une mesure de dissuasion très stricte pourrait décourager le conducteur qui s’apprête à boire avant de prendre le volant. Il est impératif d’adopter et d’appliquer des lois plus sévères si nous voulons obtenir l’effet dissuasif que nous recherchons.
     Families for Justice a présenté des pétitions signées par plus de 117 000 citoyens canadiens, qui demandent que le Code criminel du Canada soit modifié et que l’infraction de conduite avec capacités affaiblies causant la mort soit désormais appelée « homicide au volant causé par des capacités affaiblies ». Nous ne voyons pas non plus aucune disposition visant à imposer une peine minimale obligatoire aux personnes déclarées coupables de conduite avec capacités affaiblies causant la mort, malgré la demande en ce sens formulée sur la pétition par le public canadien. Nous estimons que ces deux changements représentent des mesures dissuasives très fortes qu’il est nécessaire d’ajouter dans le projet de loi C-46. Le conducteur a enfreint deux dispositions du code de la route: il a pris le volant alors que ses capacités étaient affaiblies et il a causé un accident mortel.
    Nous avons le soutien des chefs de police de la Colombie-Britannique, du Service de police d’Edmonton, de la GRC, de l’Alberta Federation of Police et de l’Association canadienne des chefs de police, et personne, parmi les premiers intervenants, les ambulanciers paramédicaux, les agents de police, les pompiers ou les citoyens n’a jamais souhaité qu’un jour, il n’y ait plus de collisions tragiques causées par la conduite avec capacités affaiblies.
     Le fait de modifier le Code criminel nous permettrait enfin d’appeler ce crime par son nom, c’est-à-dire « homicide au volant causé par des capacités affaiblies ». L’imposition de peines minimales obligatoires permettrait enfin de tenir responsables les personnes qui commettent des crimes contre la société et tuent des innocents. Avec les changements additionnels que nous proposons, le projet de loi C-46 deviendrait l’un des plus importants textes législatifs en matière de sécurité publique et toucherait les Canadiens non seulement de la génération actuelle, mais aussi ceux des générations à venir.
    Pendant 16 ans, la loi établissait à 10 ans la peine d’emprisonnement pour avoir causé des lésions corporelles, et la peine maximale pour la conduite avec facultés affaiblies causant la mort était une peine d’emprisonnement à perpétuité. Dans le projet de loi C-46, la peine maximale prévue conduite dangereuse causant la mort passerait de 10 à 14 ans. Dans le cas de la conduite avec capacités affaiblies causant la mort, la peine n’a pas changé. Le Code criminel du Canada prévoit que la personne déclarée coupable d’avoir causé la mort est passible de l’emprisonnement à perpétuité. Malheureusement, aucun juge n’a encore imposé cette peine à une personne qui a conduit avec les facultés affaiblies et a causé la mort.
(1720)
    La durée moyenne de la peine pour conduite avec facultés affaiblies ayant causé la mort est de deux à quatre ans. En réalité, une personne à qui cette peine est infligée passera de 6 à 12 mois en prison. Ça finit là. Même si, sur papier, la peine prévue dans le Code criminel a été augmentée, en réalité, les juges canadiens n’imposent jamais de peines d’emprisonnement aussi longues dans les affaires de conduite avec capacités affaiblies ayant causé la mort d’une ou de plusieurs personnes. Personne au Canada n’a été condamné à l’emprisonnement à perpétuité pour avoir causé la mort de plusieurs membres d’une même famille.
    Les tribunaux doivent reconnaître que les décès occasionnés par la conduite avec capacités affaiblies sont le résultat d’un homicide. Il s’agit en effet d’homicides commis au volant d’un véhicule automobile. Des gens perdent la vie en raison du comportement négligent d’une personne qui conduit avec les facultés affaiblies et de ce fait menace les autres. Aucune excuse ne peut être invoquée, de nos jours, par la personne qui conduit alors que ses capacités sont affaiblies, car absolument tous les décès ainsi occasionnés sont entièrement évitables.
    Au fil des années, dans les affaires de conduite avec capacités affaiblies les juges ont continué à imposer de faibles peines et des pénalités peu élevées. En conséquence, ces décisions deviennent des précédents pour les cas futurs. Un procureur a dit récemment à un de mes amis, qui est agent de police, que 3 % seulement des accusés comparaissent devant un tribunal. Il se conclut des ententes à l'amiable, ou les accusations sont abandonnées. Il affirme donc que 3 % seulement des personnes accusées finissent par comparaître devant un tribunal.
    Nous avons vu des peines aussi légères qu’une amende de 1 500 $ ou même de 100 $, ou un emprisonnement de sept fins de semaine, et ce, dans le cas d’un conducteur qui en était à sa troisième infraction de conduite avec capacités affaiblies. La dernière fois, il avait causé la mort de deux femmes. En réalité, le contrevenant a été condamné à verser une amende de 750 $ et à passer trois semaines en prison pour chaque décès. Une des femmes décédées a laissé six enfants orphelins. Voilà une famille qui sera marquée à tout jamais par ce crime.
    Un autre couple, Brad et Krista Howe, a été tué à Red Deer, en Alberta, laissant cinq enfants orphelins. Le conducteur aux capacités affaiblies qui a tué ce couple a été condamné à une peine de deux ans d’emprisonnement et a été remis en liberté après avoir passé seulement sept mois en prison. Il a purgé une peine de trois mois et demi d’emprisonnement pour chaque décès. Nous savons aussi qu’on impose des amendes de 2 000 $, des peines de 90 jours d’emprisonnement à purger la fin de semaine seulement ou des peines d’emprisonnement de quatre mois. Dans ce dernier cas, le contrevenant a interjeté appel de la peine de quatre mois d’emprisonnement.
    Des familles entières ont été décimées par des conducteurs aux facultés affaiblies: Catherine McKay a tué Jordon van de Vorst et son épouse, leur fils, Miguire, âgé de deux ans, et leur fille Kamryn, âgée de cinq ans, à Saskatoon, en Saskatchewan. Elle a été déclarée coupable en 2016. C’était la troisième fois qu’elle était accusée de conduite avec capacités affaiblies. Elle a été condamnée à une peine d’emprisonnement de 10 ans et a passé à peine un mois en prison avant d’être transférée à un pavillon de ressourcement. Les Aînés du pavillon ont eux-mêmes confié aux membres de la famille décimée que ce n’était pas approprié et que la conductrice aurait dû passer plus de temps en prison. Elle deviendra admissible à la libération conditionnelle en février 2018, après une période de détention de 18 mois, alors qu’elle avait été condamnée à une peine de 10 ans d’emprisonnement. Elle n’aura purgé qu’une peine d’emprisonnement de quatre mois et demi pour chacun des décès.
    À Vaughan, en Ontario, Marco Muzzo a tué trois enfants: Daniel, âgé de neuf ans, Harrison, âgé de cinq ans, et Milly, âgée de deux ans, ainsi que leur grand-père, Gary Neville, en plus de blesser gravement leur grand-mère et une tante. D’un seul coup, il a décimé une génération entière de la famille Neville-Lake, et détruit son héritage et son avenir. M.  Muzzo sera admissible à la libération conditionnelle 18 mois après avoir commencé à purger sa peine de neuf ans d’emprisonnement. Il aura purgé une peine de quatre mois et demi d’emprisonnement par décès. Jennifer et Edward Neville-Lake auront été condamnés à vivre à perpétuité sans leurs trois enfants.
    Au cours des dernières années, la peine d’emprisonnement moyenne imposée aux personnes déclarées coupables de conduite avec capacités affaiblies a varié de deux à quatre ans; en réalité, les contrevenants restent en prison de 6 à 10 mois à peine.
    Les gens n’arrêtent pas de dire que notre système de justice ne fonctionne plus et qu’il nous a laissé tomber. À l’heure actuelle, les victimes ont l’impression que la vie humaine n’a aucune valeur pour notre système de justice pénale et qu’on ne leur accorde qu’une importance minime. J’ai assisté ces six dernières années et demie à de nombreux procès, et il me semble que, devant les tribunaux, c’est l’enquête qui est jugée, non pas l’accusé. Le public estime qu’il y a des portes tournantes dans les palais de justice du Canada et que les tribunaux ne tiennent pas responsables les personnes qui enfreignent la loi et privent les Canadiens de leur droit fondamental à la sécurité publique.
(1725)
    Des parents nous ont dit qu’à leur avis, les tribunaux envoient un message très clair aux Canadiens: les criminels semblent avoir davantage de droits que leurs victimes. Au moment de remplir leur formulaire de déclaration, les victimes doivent se conformer à des lignes directrices strictes quant à ce qu’elles peuvent dire et au nombre de pages qu’elles peuvent utiliser. L’accusé, lui, peut mentionner à la Cour autant de références de moralité qu’il le désire. Il est autorisé à prendre connaissance de la déclaration avant même que la personne ayant perdu un être cher ne puisse la lire au tribunal. Les gens nous demandent constamment pourquoi les lois canadiennes sur la détermination de la peine sont si laxistes. Nous souhaiterions pouvoir répondre à cette question. Un de vous peut-il le faire pour moi aujourd’hui? Pourquoi les peines sont-elles si légères, au Canada?
    Nous avons besoin de mesures dissuasives plus sévères et de règles plus strictes en matière de détermination de la peine. Nous croyons qu’il n’y a pas lieu de prévoir des peines minimales obligatoires pour chaque crime. Toutefois, les Canadiens sont convaincus que, lorsqu’une personne meurt de causes non naturelles, l’accusé devrait être tenu responsable et se voir infliger une peine appropriée qui serait déterminée en fonction de la gravité du crime. Les peines imposées par le système de justice pénale sont inappropriées et doivent être modifiées. Il ne suffit pas de changer les règles sur papier; il faut veiller à ce qu’elles soient mises en œuvre, si nous voulons que la situation change.
    Actuellement, la plupart des gens qui enfreignent la loi le font parce qu’ils savent qu’ils ne sont exposés qu’à des conséquences mineures, dans notre système de justice pénale. Si une peine minimale obligatoire de 5 ans d’emprisonnement était infligée, l’accusé ne passerait que 10 ou 12 mois en prison, ce qui demeure une peine relativement légère pour un homicide, quoiqu’elle soit plus lourde que la peine maximale de 6 mois que ces personnes purgent à l’heure actuelle, quand ce n’est pas une amende de 100 $ ou de 1 500 $ qui leur est infligée. De leur côté, les familles sont condamnées à déplorer toute leur vie la perte d’un être cher ou d’un enfant, et la victime, elle, aura été condamnée à mort. Les personnes qui ne sont pas tuées, mais simplement blessées, auront peut-être de graves séquelles ou des handicaps importants pour le reste de leur vie.
    Le contrevenant déclaré coupable s’en sort avec la peine la plus légère, même s’il a tué ou blessé quelqu’un. Au Canada, le problème de la conduite avec capacités affaiblies persistera et s’amplifiera en raison des changements qui seront bientôt apportés aux lois sur le cannabis, et la situation se détériorera davantage si aucune peine minimale obligatoire n’est prévue pour la conduite avec capacités affaiblies causant la mort. Compte tenu de l’assouplissement prochain des restrictions touchant la marijuana, et sans oublier la crise actuelle des surdoses d’opioïdes, qui surviennent également dans des véhicules automobiles, le public redoute une hausse du nombre de décès attribuables à la conduite avec capacités affaiblies. Les modifications que nous proposons au Code criminel couvriraient les décès ultérieurs causés par la conduite avec capacités affaiblies tant par l’alcool que par la drogue.
    Madame Kaulius, vous avez eu droit déjà à près de deux fois le temps qui vous est alloué. Je vous demande de bien vouloir terminer, s'il vous plaît.
    Je vais faire cela, je suis désolée. Je veux seulement ajouter ceci.
    La recherche a montré que, depuis la légalisation de la marijuana, le nombre de cas de conduite avec facultés affaiblies a augmenté. Dans l'État de Washington, il a doublé, passant de 8 % en 2013 à 17 % en 2014. Au Colorado, il a triplé, passant de 3,4 % en 2005 à 12,1 % en 2014.
    Je me dépêche, je m'excuse. Nous sommes bien sûr en faveur des alcootests aléatoires et nous voudrions que la limite de concentration d'alcool soit abaissée à 0,05, mais nous espérons que le gouvernement fédéral modifiera davantage le projet de loi C-46. Nous savons que certaines personnes s'opposent à tout changement des lois, mais les changements en question sont proposés dans l'intérêt de la sécurité publique et pour protéger tous les Canadiens. Le public a accepté que l'on modifie les lois touchant la cigarette et les lieux publics, le port obligatoire des ceintures de sécurité et aussi les mesures de sécurité plus contraignantes dans les aéroports et aux frontières, parce que le public sait que c'est un moyen d'assurer sa sécurité. C'est ainsi, et nous l'acceptons.
     Le projet de loi C-46 revêt une importance extraordinaire. Le Comité permanent de la justice et des droits de la personne a à ce titre l'occasion de prendre une des décisions les plus importantes qui soient pour les lois à venir au Canada. La sécurité publique doit être un objectif primordial, puisque tous les citoyens ont droit à la vie et à la sécurité, dans leur collectivité.
    Merci.
(1730)
    Merci beaucoup.
    Je suis désolée d'avoir dépassé le temps imparti. Je vous présente mes excuses. J'avais bien des choses à dire.
    Vous méritez qu'on vous accorde cette liberté. Vous avez assez souffert. Au nom de tous les membres du Comité, permettez-moi encore une fois de vous témoigner nos plus vives condoléances pour la perte de votre magnifique fille.
    Merci.
    Quoi qu'il en soit, merci d'être venue.
    Nous passons à M. Walker.
    Monsieur Walker.
    Merci beaucoup. Bonjour. Je m'appelle Jeff Walker et je suis gestionnaire stratégique principal pour la CAA.
    J'aimerais d'abord remercier les membres du Comité permanent d'avoir invité la CAA à venir ici aujourd'hui pour faire part de ses opinions sur le projet de loi C-46. Nous allons surtout parler des aspects du projet de loi C-46 qui concernent la conduite avec facultés affaiblies par la drogue.
    Notre organisation a été fondée en 1913 pour défendre les droits et les intérêts des consommateurs. Elle compte aujourd'hui 6,2 millions de membres au Canada. Depuis sa création, elle se bat pour des aspects essentiels du réseau routier et de la sécurité routière, qui ont depuis été mis en place; je parle par exemple des panneaux d'arrêt, qui ont été installés dès le début des années 1990, des ceintures de sécurité et des coussins gonflables. Peu importe à quoi vous pensez, nous y avons participé dès le départ, et nous continuons à défendre cet aspect de la sécurité des Canadiens. Nous représentons environ un conducteur adulte sur quatre, au Canada, et nous sommes considérés comme une marque des plus dignes de confiance au pays.
    La conduite sous l'influence de la drogue est depuis longtemps une préoccupation en matière de sécurité routière, mais ce n'est que récemment qu'elle est devenue une préoccupation majeure pour les Canadiens, en raison du projet du gouvernement de légaliser le cannabis. Dans les sondages d'opinion que nous avons menés à l'échelle du pays, 7 Canadiens sur 10 ont déclaré être inquiets pour leur sécurité sur la route en raison de la prochaine légalisation de la marijuana. Nous consacrons beaucoup d'efforts à l'éducation publique sur les dangers de la conduite avec les facultés affaiblies par le cannabis, et nous continuerons à nous en occuper pendant encore des années, comme le font de nombreux autres intervenants.
    Le Centre canadien sur les dépendances et l'usage de substances a fait savoir que, en net contraste avec les données sur l'alcool au volant, le nombre d'incidents liés à la conduite sous l'influence de la drogue est en augmentation depuis 2009. Comme Markita l'a mentionné, le même phénomène a été observé dans les États de Washington et du Colorado. Rien ne permet de présumer que cette tendance s'inversera. Nous devons donc nous-mêmes chercher à réduire ce nombre.
     La CAA est satisfaite de voir que, avec le projet de loi C-46, le gouvernement s'engage à instaurer des lois plus strictes qui décourageront les Canadiens de prendre le volant après avoir consommé de la drogue.
    Équiper les policiers de dispositifs de dépistage salivaire et faire en sorte qu'ils puissent témoigner sans avoir à être qualifiés à titre de témoins-experts sont des pas dans la bonne direction. Ces nouveaux outils les aideront à mieux reconnaître les conducteurs dont les facultés sont affaiblies par la drogue et à s'assurer qu'ils auront à répondre de leurs actes devant le système de justice.
    Le projet de loi crée en outre trois nouvelles infractions liées à des concentrations précises de drogue dans le sang, et il définit ces concentrations pour le cannabis. Selon les données scientifiques dont nous disposons, nous estimons que ces taux sont raisonnables, pour le moment, mais nous croyons également qu'il est très important d'investir davantage dans la recherche scientifique sur cette question. Pour le moment, il y a des lacunes importantes dans les données scientifiques.
    Comme c'est le cas pour la conduite en état d'ébriété, la conduite avec facultés affaiblies par le cannabis a une incidence non seulement sur les personnes qui en profitent, mais elle peut en avoir sur tous les utilisateurs de la route. Il est alarmant de savoir que les Canadiens, même s'ils sont peu nombreux à affirmer qu'ils conduisent mieux après avoir consommé de l'alcool, sont nombreux, surtout les jeunes, à être convaincus qu'ils sont plus concentrés et meilleurs au volant après avoir fumé de la marijuana. Je n'invente rien, je l'ai entendu dire dans des groupes de discussion. Et c'est un problème. C'est pourquoi la CAA a été heureuse de constater que le rapport du groupe de travail McLellan confirmait qu'il fallait de toute urgence chercher à dissiper ces idées fausses. Il faut immédiatement s'attaquer à plusieurs enjeux: éducation publique, meilleur financement pour l'exécution de la loi, davantage de recherches sur les sciences et la technologie visant à mieux déceler les facultés affaiblies et effet du cannabis sur la conduite.
     Le projet de loi C-46 aborde de façon assez exhaustive la loi sur le cannabis, mais ne répond pas à certaines questions essentielles, en ce qui concerne par exemple le financement des activités visant l'exécution de la loi, la recherche et la sensibilisation du public. Cette loi est un pas en avant nécessaire, mais il ne s'agit que d'un premier pas. La semaine dernière, le gouvernement fédéral annonçait un nouveau financement de l'ordre de 161 millions de dollars à l'appui du projet de loi C-46. Ce financement doit servir à l'exécution de la loi, à la poursuite des recherches et à une meilleure sensibilisation du public. Nous sommes très heureux que cette annonce ait été faite, mais j'aimerais signaler quelque chose. La moitié de cette somme sera dépensée sur cinq ans; comme elle sera divisée entre les 13 administrations du pays, chacune d'elles touchera environ 11,5 millions de dollars. Ce n'est pas énorme. Cela peut peut-être aider la recherche scientifique, mais, en ce qui concerne l'éducation publique, on est loin du compte.
(1735)
    Nous savons d'expérience, puisque nous avons déjà organisé des campagnes contre l'alcool au volant ou d'autres campagnes sur la conduite automobile, que l'éducation du public joue un rôle important pour qui veut réduire l'occurrence des cas de conduite avec facultés affaiblies. Il faudra une initiative d'éducation publique d'envergure si l'on veut que les Canadiens, et en particulier les jeunes Canadiens, comprennent que la consommation de cannabis nuit à leur capacité à conduire et de contrôler leur véhicule.
    J'ai déjà mentionné que, selon un sondage d'opinion récent, 20 % des Canadiens âgés de 18 à 34 ans étaient convaincus que la consommation de cannabis n'avait pas d'incidence sur leur capacité de conduire ou même qu'elle améliorait leur capacité. Ce n'est pas la seule idée fausse qui circule au sujet des effets du cannabis sur les facultés. Tout comme d'autres organismes sans but lucratif du pays, nous nous retrouvons avec le fardeau de créer et de mener nous-mêmes des campagnes d'éducation publique. Nous allons continuer à faire notre part, mais nous avons besoin d'aide.
    En outre, le gouvernement devra continuer à soutenir le milieu de l'exécution de la loi de façon à s'assurer qu'il dispose des ressources nécessaires pour élaborer des outils et des dispositifs de dépistage et a accès à la formation qui sera bientôt nécessaire.
     En conclusion, la CAA soutient sans réserve les mesures qui contribuent à améliorer la sécurité routière au Canada, et nous croyons que le projet de loi C-46 est un pas dans la bonne direction. Toutefois, pour lutter contre la conduite avec facultés affaiblies par la drogue, nous devrons voir à trois éléments clés: une loi valable, la sensibilisation du public, l'application de la loi et des paramètres efficaces. Si nous atteignons notre objectif, pour ces trois éléments, tout ira bien. Nous devons le faire, et nous devons le faire comme il faut.
    Les provinces, les services d'exécution de la loi et les intervenants auront à jouer leur rôle, et les recettes qui devraient être générées, selon ce que les gens disent, pourraient constituer la source de financement dont nous avons besoin; il s'agira donc d'une entreprise autofinancée qui nous permettra de faire toutes ces choses; mais à court terme, nous avons besoin d'une véritable mise de fonds si nous voulons que les choses s'enlignent dès le début dans la bonne direction.
    Nous avons bien hâte que la loi soit adoptée afin de pouvoir nous atteler à la tâche importante qui nous attend. C'est important, et il faut que cela se fasse bientôt. Pour en revenir à un sujet abordé plus tôt, les gens sont déjà nombreux, aujourd'hui, à prendre le volant après avoir consommé du cannabis, et rien n'est en place, et c'est pourquoi il est très important que nous fassions ce que nous voulons faire.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup, monsieur Walker.
    Nous passons maintenant aux questions, et nous commençons par M. Cooper.
    Je tiens à remercier les témoins.
     Madame Kaulius, permettez-moi de vous transmettre mes condoléances pour votre perte tragique. Tous les membres du Comité ont été émus de votre douleur. Malheureusement, ils sont bien trop nombreux, les mères et les pères, les frères et les soeurs, les amis et les voisins qui ont eu à déplorer la mort inutile d'un être cher ou des blessures graves infligées à cet être cher par un conducteur aux facultés affaiblies. C'est justement pour cette raison que ce projet de loi important et complexe comporte des dispositions qui me préoccupent, en plus de ses bons éléments. J'aimerais faire une seule observation: je crois que, si on compare les projets de loi C-73 et C-226 avec le projet de loi qui nous occupe, on constate un adoucissement considérable, touchant en particulier les peines et les peines minimales obligatoires.
    Quand il est question des peines et des principes selon lesquels elles sont déterminées, deux choses sont très importantes, à savoir la dénonciation et la protection. Et cela est tout à fait pertinent quand il est question, comme vous le dites, d'un très petit nombre de conducteurs qui sont des conducteurs impénitents.
    J'aimerais si c'est possible que vous commentiez cet aspect. J'aurai ensuite une question à poser à M. Hogg.
    Il est certain que le nouveau projet de loi prévoit des peines qui sont quand même bien moins sévères. Il n'y a pas de peines minimales obligatoires. Cela fait six ans et demi, presque sept ans, que je m'intéresse à cette question et j'essaie de mettre de l'avant une réponse qui est, aux yeux de tout le monde, une réponse évidente. Il s'agit d'une question de sécurité publique, les Canadiens en parlent et les Canadiens la réclament, et ils se demandent aussi pourquoi le gouvernement ne prend pas cette question au sérieux autant qu'il le devrait. Les Canadiens se demandent constamment pourquoi les peines sont si légères au Canada.
    Peut-être que quelqu'un peut me fournir une réponse, étant donné que la conduite avec facultés affaiblies est la principale cause criminelle de décès au Canada. C'est un crime qui engorge nos tribunaux, et pourtant les peines sont très légères.
    La plupart des gens comprennent... Ce que je veux dire, c'est que tout le monde le sait. Je travaille pour un détachement de la GRC. J'entends les agents qui disent que les criminels ne font que passer. Tout le monde le sait. Les criminels commettent leur crime parce qu'ils savent qu'ils n'auront pas de peine d'emprisonnement à purger. Il y a des gens qui meurent, et ces conducteurs sont condamnés à payer une amende de 100 $ ou à passer 7 fins de semaine derrière les barreaux. Quel message est-ce que cela envoie au public? Le public comprend qu'il peut boire et prendre le volant, consommer de la drogue et prendre le volant, car les pénalités sont presque nulles. Il faut que ça change, mesdames et messieurs. Il faut que ça change.
(1740)
    J'ai une question pour M. Hogg; ensuite, je laisserai le temps qu'il me reste à M. Nicholson.
    Monsieur Hogg, l'organisme Families for Justice a recommandé qu'on impose une peine minimale obligatoire de cinq ans d'emprisonnement à toute personne reconnue coupable de conduite avec facultés affaiblies ayant causé la mort. J'aimerais que vous puissiez nous dire si, à votre avis, il est possible que ces peines minimales obligatoires soient maintenues, étant donné les récents arrêts de la Cour suprême.
    Oui, c'est une question difficile, en effet, puisque bon nombre des peines minimales obligatoires qui devaient être imposées ont été rejetées, selon une théorie disant qu'elles étaient disproportionnées... Je ne suis pas d'accord avec ce raisonnement, mais les tribunaux ont déclaré que si ces peines étaient disproportionnées dans le cas de certains délinquants, elles constituaient un traitement cruel et inusité; on oublie du même coup que le pouvoir discrétionnaire des juges comporte son propre lot de problèmes. À mon avis, il y a beaucoup de bon dans les peines minimales obligatoires en ce qui concerne les infractions que le Parlement lui-même décrit comme étant extrêmement importantes.
    Je ne veux pas vous faire dire ce que vous n'avez pas dit, mais, si je résume ce que vous venez de dire, ce serait à tout le moins un aspect qui mérite d'être défendu, n'est-ce pas?
    Oh! Absolument, oui.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup aussi à M. Walker et à Mme Kaulius. Vous avez très bien expliqué la situation dans laquelle nous allons nous retrouver, en ce qui a trait à la conduite avec les facultés affaiblies, au Canada. Avec la légalisation de la marijuana et les effets combinés de cette substance et de l'alcool, nous allons observer au pays une hausse des cas de conduite avec facultés affaiblies. Je ne crois pas que quiconque soit favorable à cette situation. Merci beaucoup d'avoir soulevé la question.
    Monsieur Hogg, vous avez entendu le témoignage de Mme Kaulius sur le fait qu'aucune peine sévère n'était imposée, dans bien des cas, et sur la disparité des peines imposées dans de tels cas. Avez-vous des commentaires à formuler à ce sujet et à propos de ce qui se passe dans les salles du tribunal?
    Non, pas du tout. Certaines choses que Mme Kaulius a dites à propos des peines très légères imposées m'ont quelque peu surpris.
    Je crois fermement, cependant, comme je l'ai dit à M. Cooper, qu'il y a de nombreux arguments en faveur de l'imposition de peines minimales obligatoires lorsque le Parlement détermine qu'une infraction est très, très grave et que la peine ne devrait pas être laissée entièrement à la discrétion d'un juge. Je suis fortement en faveur de cette idée.
    Je comprends. Merci de nous avoir donné votre opinion là-dessus.
    Il ne nous reste probablement plus de temps, madame Kaulius, mais je voulais vous remercier chaleureusement de tous vos efforts, et vous, monsieur Walker, de vos commentaires.
    Madame Kaulius, je sais que vous travaillez dans le domaine depuis des années. Vous avez fait tout ce qui était en votre possible pour attirer notre attention là-dessus afin que nous étudiions la question. Je ne sais pas si nous aurons la chance de le voir, mais je sais que vous avez amené un tableau ici aujourd'hui...
    C'est vrai. J'aimerais vous le montrer, si vous me le permettez.
    J'en serais ravi.
    J'aimerais que vous regardiez ce tableau, s'il vous plaît. Ce sont les photos des familles avec lesquelles Families for Justice a travaillé. Il y avait 12 photos la première année, et 15 de plus l'année suivante. L'année dernière, j'en ai ajouté 20, et une autre vingtaine cette année. Pendant ces six années d'attente, j'aurais pu préparer 60 de ces tableaux. Il y a une centaine de visages ici.
    Je vous implore de ne laisser personne d'autre perdre la vie parce que quelqu'un a pris le volant avec les facultés affaiblies. Sheri et moi-même avons toutes deux perdu nos enfants. Notre présence ici n'est pas motivée par un quelconque avantage; tout ce que nous essayons de faire, c'est protéger tout le monde de la tragédie de perdre un enfant ou un être cher.
    Merci.
(1745)
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Boissonnault.
    Je veux remercier tous ceux qui ont pris la parole aujourd'hui ainsi que tous les témoins, ici présents et plus tôt, qui nous ont présenté leur témoignage.
    J'ai déjà été pompier volontaire dans la petite ville de Morinville, au nord de Saint-Albert, elle-même au nord d'Edmonton. Je suis intervenu dans des cas d'accident de véhicules motorisés, alors je sais ce que ça fait de voir une personne qui a été éjectée de son véhicule, mais je peux seulement imaginer la douleur et la souffrance que vous et les gens dans votre tableau ainsi que des milliers d'autres personnes qui ont perdu quelqu'un à cause du fléau de la conduite avec facultés affaiblies devez vivre. Ma soeur est décédée à l'âge de 20 ans, et les médecins ne savent toujours pas pourquoi elle est morte. Mais lorsque cela arrive à quelqu'un au courant des dangers, je peux seulement imaginer... Je peux seulement imaginer votre souffrance. Merci de défendre les Canadiens et de nous garder en sécurité.
    Monsieur Walker, je fais partie du quart de la population canadienne qui est membre de l'Association canadienne des automobilistes. Merci de vous assurer que nos routes sont sécuritaires et de survolter la batterie de ma voiture lorsqu'elle est à plat.
    M. Jeff Walker: Nous sommes à votre service.
    M. Randy Boissonnault: Maître Hogg, je suis l'une de ces personnes qui ont échappé aux tribulations et aux vicissitudes de la faculté de droit. Je suis député, mais je n'ai pas de formation professionnelle en droit. Je crois qu'il serait important que les Canadiens comprennent, en termes profanes, pourquoi l'article premier est important. Pourquoi acceptons-nous, lorsqu'il y a une très bonne raison qui le justifie, les limites à notre liberté qui sont prévues dans la Constitution?
    En ce qui concerne l'obligation de fournir un échantillon d'haleine, j'aimerais savoir, même si vous avez déjà répondu habilement à la question dans le document que nous n'avons pas eu l'occasion de consulter préalablement, pourquoi, selon vous, que cela est constitutionnel en vertu de l'article premier. Pouvez-vous nous dire, aux fins du compte rendu, pourquoi vous croyez que des tests d'haleine aléatoires répondent aux critères de l'article premier.
    Je serai très heureux de vous répondre. Au départ, j'avais cru avoir fait erreur en négligeant d'en parler, parce que c'est un sujet très important et qu'il figure dans le document.
    L'article premier de la Charte garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans les limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique. L'article premier est censé s'appliquer à une situation où un droit pourrait avoir des conséquences inattendues et pour lequel le Parlement doit décider — et il en a le pouvoir légitime — de restreindre ce droit. L'application de l'article premier suppose quatre étapes.
    Premièrement, une loi à l'étude en vertu de l'article premier doit remplir un objectif suffisamment important pour justifier qu'on restreigne un droit. Deuxièmement, la loi doit avoir un lien raisonnable avec l'objectif en question. Troisièmement, il doit y avoir un équilibre entre les effets délétères et salutaires de la loi afin que la restriction du droit ne soit pas excessive relativement à ce qu'on obtient en échange.
    Un grand nombre de lois ont été adoptées en conformité avec ces dispositions. Si une personne se demande si un cas de détention est illégal ou lorsque le droit à un avocat pose un grave problème, l'article premier permet de calmer le jeu en offrant une solution qui a du sens à ce genre de préoccupations.
    Et selon vous, la partie du projet de loi C-46 concernant les tests de dépistage obligatoires répondrait aux critères de la constitutionnalité en vertu de l'article premier, parce que nous essayons de prévenir un millier de décès par année, comme l'a mentionné Mme Kaulius, ainsi que 60 000 cas de blessure annuellement et que c'est préférable d'être proactif à cet égard au lieu de passer par le système de justice une fois le fait accompli, quand on ne peut plus rien faire pour les blessés et les personnes décédées.
    C'est exactement ça, oui.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Boissonnault.
    La parole va à M. Rankin.
    J'aimerais aussi commencer en disant à Mme Kaulius à quel point je lui suis reconnaissant de nous avoir parlé de Kassandra et de toutes les autres personnes sur le tableau. J'ai reconnu l'agente Sarah Beckett de la GRC, qui vient de ma collectivité. Elle est décédée tragiquement exactement dans la même situation. Je vous remercie d'avoir mis de véritables visages humains sur le millier de décès, pour aider le Comité.
    Je vais d'abord poser à Me Hogg une question que j'avais déjà posée à l'Association du Barreau canadien. On nous a recommandé de supprimer complètement la partie 2. On nous a dit que les dispositions relatives à la conduite avec les facultés affaiblies ne survivraient pas à une contestation constitutionnelle. Votre témoignage, bien sûr, est à l'opposé, mais vous reconnaissez que cette question suscite énormément de controverse, en particulier en ce qui a trait à l'article 9, à l'article 8 et aux dispositions similaires.
     D'emblée, la question que j'aimerais vous poser est celle que j'ai aussi posée à l'ABC et à l'Association canadienne des libertés civiles. Est-ce que cela aurait du sens, selon votre opinion d'expert, pour nous de demander à la ministre de la Justice, de faire parvenir le projet de loi à la Cour suprême à titre indicatif afin d'obtenir immédiatement une décision de la Cour suprême avant de commencer à gaspiller temps et argent sur la question de la constitutionnalité?
(1750)
    Monsieur Rankin, vous ne me posez pas une question facile, mais je vois où vous voulez en venir. L'un des problèmes, lorsqu'on demande à un tribunal de se pencher sur une question quand il n'y a aucune véritable jurisprudence, c'est que, pour le tribunal, il s'agit d'une question plutôt abstraite. Ce serait peut-être préférable — et je n'écarte pas du tout l'idée de demander une opinion à titre indicatif — d'attendre et de voir ce qui va se passer, d'attendre que le milieu juridique acquière un peu d'expérience sur la question, de l'expérience qui mènera éventuellement à des modifications dans la loi. Le problème, si vous demandez son opinion à un tribunal, c'est qu'il n'aura pas beaucoup d'information pour éclairer sa décision au départ, et vous n'aurez pas beaucoup d'expérience à ce chapitre vous non plus.
    Vos commentaires nous sont très utiles. Je vous en remercie.
    Dans votre mémoire, vous avez écrit, à propos des tests d'haleine aléatoires, qu'ils sont « généralement effectués par un policier à un poste de vérification stationnaire ». Si je comprends, vous fondez votre témoignage et votre opinion là-dessus.
    Seriez-vous prêt à dire qu'il est possible, comme d'autres personnes l'ont évoqué, que les policiers ciblent de façon disproportionnée certaines minorités visibles? Dans votre ville de Toronto, par exemple, les membres de la communauté afro-canadienne sont visés de façon disproportionnée par les policiers pour les contrôles de routine. Les Afro-Canadiens représentent 8,3 % de la population de la ville de Toronto, mais ont fait l'objet de 25 % des contrôles de routine effectués par la police entre 2008 et la mi-2011.
    À propos de votre recommandation d'attendre au lieu de demander l'avis du tribunal, si des données semblaient indiquer que les groupes racialisés et les minorités allaient être touchés de façon disproportionnée, hésiteriez-vous à défendre ces dispositions à la lumière de l'article premier de la Charte? Je veux dire, si on trouve des données dans ce sens et que les tests d'haleine aléatoires n'étaient pas seulement effectués à un poste de vérification stationnaire, mais plutôt, comme l'ont dit les juges formant la minorité dans l'arrêt Ladouceur, « sur un caprice » de l'agent de police, remettriez-vous en question votre position? Seriez-vous moins prêt à dire que ces dispositions répondraient aux critères de la constitutionnalité?
    En pareil cas, j'hésiterais, monsieur Rankin, mais je crois que je prendrais le temps d'examiner la façon dont la loi est appliquée, afin d'en débarrasser tout préjugé racial et ce genre de choses. C'était aussi essentiellement la position de M. Solomon lorsqu'on lui a posé la même question difficile. À mon avis, ces dispositions remplissent un rôle important en ce qui concerne la sécurité routière, et c'est pourquoi nous devons nous assurer qu'elles conviennent. Je crois que le fait d'arrêter tous les véhicules est la bonne solution.
    Évidemment, il y a le risque dans certains cas qu'un agent de police décide de cibler une personne en particulier pour de mauvaises raisons et décide de lui faire subir un test d'haleine aléatoire. Ce n'est pas une possibilité que nous pouvons éliminer.
(1755)
    Si je ne me trompe, vous avez déjà donné il y a sept ans un avis juridique très détaillé sur la même question très exactement. Vous avez fait un excellent travail. À l'époque, il m'a semblé — pour continuer sur la même lancée — que votre avis ne concernait que les arrêts aléatoires, par exemple à un poste de vérification. On sait, bien sûr, que la portée du projet de loi C-46 dépasse cela. Elle ne se restreint pas, d'après ce que je sais, à ce qui s'est fait en Irlande; ça ressemble davantage à ce qui s'est fait en Australie, si je me fie à la description que j'ai entendue. Comme vous l'avez dit, si tous les véhicules sont arrêtés, on ne peut absolument pas accuser quiconque de faire du profilage dans ce contexte, puisque tout le monde devra s'arrêter. Beaucoup de personnes se sont dites gravement préoccupées de la possibilité que les agents de police utilisent ces tests aléatoires pour viser certains groupes minoritaires en particulier.
    Vous avez écrit un avis juridique il y a sept ans, mais avez-vous aussi donné un avis juridique précis sur ce projet de loi, puisque sa portée dépasse largement les simples postes de vérification?
    C'est le sujet du mémoire que j'ai présenté au Comité. Donc, oui, j'ai à nouveau étudié la question.
    Il me semble que l'essentiel de votre question consiste à savoir si les tests devraient obligatoirement être faits à un poste de vérification stationnaire, afin d'éliminer l'aspect discrétionnaire, ce qui, si vous le demandez à n'importe qui, est la façon habituelle de procéder. Je ne sais pas si j'acquiescerais d'emblée, parce que je ne crois pas que ce soit faisable d'installer un poste de vérification tard la nuit dans les régions rurales; inévitablement, il va falloir que les agents de police décident par eux-mêmes quand faire le test. Je ne peux pas dire que les agents de police ne vont jamais être guidés par leurs préjugés. J'hésiterais à dire que les tests d'haleine aléatoires doivent se limiter à être effectués à un poste de vérification stationnaire, même si c'est la situation idéale, parce que cela fonctionnerait à merveille en ville, mais pas aussi bien en campagne ou la nuit. Je crains qu'il n'y ait pas de réponse simple à ce qui vous préoccupe, même si c'est une préoccupation tout à fait légitime.
    Merci beaucoup. C'était très intéressant.
    Monsieur Ehsassi.
    J'aimerais remercier nos trois témoins d'être venus témoigner, et en particulier Mme Kaulius de son témoignage émouvant et, bien sûr, Me Hogg, éminent spécialiste en droit constitutionnel.
    J'aimerais commencer avec Me Hogg. Vous avez eu la gentillesse et l'amabilité de faire des références concrètes à une partie de la jurisprudence, et nous avons maintenant la preuve, jusqu'à un certain point, que ce projet de loi est tout à fait conforme à l'article 20 et qu'il n'y aurait aucun problème, comme vous l'avez démontré en citant la jurisprudence. Cependant, vous n'avez pas fait la même chose en ce qui concerne l'article 9. Y a-t-il des cas de jurisprudence que nous pourrions examiner par rapport à cela?
    Oui, il existe aussi des cas de jurisprudence concernant l'article 9. Dans mon mémoire, ils sont mentionnés dans la note de bas de page 3. Il y a en a deux. La première affaire est l'arrêt Hufsky. Le tribunal a jugé que l'interpellation au hasard à un barrage de contrôle constituait effectivement une détention arbitraire, mais puisque ces contrôles ont pour but de vérifier si le conducteur a son permis de conduire, s'il a une preuve d'assurance et s'il est à jeun, ils sont en conformité en vertu de l'article premier. L'autre affaire est l'arrêt Ladouceur, où un policier a interpellé une personne au hasard au cours d'une patrouille de routine et non à un barrage de contrôle. Dans ce cas, il s'agit d'un choix personnel, et je sais que c'est cela qui préoccupe M. Rankin. Dans ce cas également, le tribunal a confirmé sa constitutionnalité au motif que même s'il s'agissait d'une détention arbitraire, elle était bien valide en vertu de l'article premier parce qu'elle servait la cause de la sécurité routière.
    Ensuite, vous nous avez expliqué que, même si vous aviez des réserves par rapport aux articles 9 et 10, le changement serait néanmoins interprété comme une limite raisonnable suivant l'article premier. Je pense en particulier aux critères de l'arrêt Oakes. Selon vous, étant donné que le Canada a l'un des taux de conduite avec facultés affaiblies les plus graves par comparaison avec d'autres pays et le fait que le droit à la sécurité est un droit fondamental, êtes-vous sûr que l'article premier l'emporterait en cas de contestation judiciaire de ce projet de loi?
(1800)
    Je suis assez convaincu que ce serait le cas. Bien sûr, il est impossible de prédire ce que déciderait la Cour suprême du Canada. Il arrive que nous ne voyions pas les choses du même oeil, et dans ce cas, je dois admettre qu'elle a raison et que j'ai tort.
    Non, non, non.
    S'il y a une chose que je peux dire en faveur de la Cour suprême du Canada — puisque j'ai souvent été critique à son égard — c'est que la sécurité routière lui tient à coeur. Dans les affaires qu'elle a dû trancher concernant la sécurité routière, on peut voir que c'est quelque chose d'important pour elle. Les neuf juges qui la composent sont humains, comme nous tous ici présents, et nous avons tous la sécurité routière à coeur. Je crois qu'ils s'empresseraient de valider n'importe quelle mesure de bonne foi dont le but est de renforcer la sécurité routière. Je crois, donc, qu'il y a un certain parti pris, disons, du tribunal, mais il penche du bon côté.
    Merci.
    Monsieur Walker, j'ai une question pour vous. J'ai remarqué que, dans le mémoire que vous nous avez fourni, vous mentionnez dans deux paragraphes une étude indépendante qui a été entreprise, si je ne me trompe, par la CAA. Selon cette étude, les jeunes croient qu'ils sont peut-être plus en sécurité lorsqu'ils ont consommé. Je trouve cela très troublant, et je voulais savoir s'il y avait d'autres sources que vous pourriez nous fournir, outre l'étude menée par la CAA?
    C'est effectivement troublant.
    Pour être honnête, nous n'avons franchement pas conscience de beaucoup d'autres sondages publics sur le sujet, du moins pas assez. Nous avons commandé cette étude nous-mêmes parce que nous croyons que cela s'aligne sur notre mandat d'intérêt public. Je crois que nous pourrions tirer de nombreux avantages, par exemple, si le ministère de la Justice ou d'autres organisations faisaient leur propre sondage pour valider et vérifier nos résultats. Mais, clairement, je peux vous dire qu'il y a 20 % des jeunes qui croient que leurs facultés ne changent pas ou qu'elles s'améliorent lorsqu'ils consomment. Ce ne sont pas tous les jeunes, je veux que ce soit clair au cas où j'aurais dit quelque chose pour l'insinuer. Il ressort aussi de l'étude, et il y a beaucoup de... Si vous croyez que cela vous serait utile de consulter notre sondage, nous pourrions vous le faire parvenir. Il en ressort qu'un grand nombre de jeunes croient que l'alcool affaiblit les facultés beaucoup plus et pose un risque bien plus important que la consommation de cannabis. Ce n'est pas seulement qu'il y en a qui croient que ce n'est pas grave de consommer de la marijuana. Il y a tout un tas de croyances qui entourent la supposition de base selon laquelle ce n'est pas grave du tout de fumer ou de consommer du cannabis sous forme comestible, peu importe de quel produit il s'agit.
    Je ne suis pas au courant d'autres sondages, mais je serais heureux de vous faire parvenir tout le travail que nous avons accompli, et ce n'est pas quelque chose que n'avons fait qu'une fois. Nous suivons le problème depuis quatre ans maintenant, en préparation à ce qui s'en venait.
    Pourrais-je faire un commentaire?
    Bien sûr. Absolument.
    J'ai donné des conférences dans des écoles secondaires à propos de la conduite avec facultés affaiblies et j'ai discuté avec les élèves. Pendant mon exposé, je leur demande combien d'entre eux ont déjà pris de l'alcool ou consommé du cannabis avant de conduire ou de monter dans une voiture. Je leur demande de lever la main, et environ 97 % du groupe lèvent la main. Habituellement, je leur demande ensuite: « Y a-t-il quelqu'un parmi vous qui ne sait pas qu'il est dangereux de boire et de conduire? » Ils le savent tous, mais ça ne les arrête pas. Il y a aussi le fait que, dans leur esprit, ils se disent que le cannabis n'a pas vraiment les mêmes effets sur leurs facultés que l'alcool. Malheureusement, leurs facultés sont tout aussi affaiblies.
    Merci beaucoup.
    M. Cooper aimerait poser rapidement une brève question sur l'arrêt Ladouceur.
    Allez-y, monsieur Cooper.
    Ma question s'adresse à Me Hogg. C'est à propos de l'arrêt Ladouceur.
    Donc, dans l'arrêt Ladouceur, un policier a interpellé au hasard un conducteur afin de vérifier si tout était en règle. Il lui a demandé son permis de conduire, une preuve d'assurance, etc. L'agent n'avait aucune raison de croire que le conducteur avait fait quoi que ce soit d'illégal. Les juges formant la majorité ont conclu que l'agent avait agi en contravention de l'article 9, mais que ce qu'il a fait était justifié en vertu de l'article premier de la Charte. Le juge Cory et les juges formant la majorité ont conclu, et je cite: « Toute autre procédure plus inquisitoire ne pourrait être engagée que sur le fondement de motifs raisonnables et probables. »
    Les contrôles aléatoires de l'alcoolémie seraient très certainement plus inquisitoires, puisqu'il s'agit de prendre un échantillon de fluide corporel, ce qui n'est pas comparable à un agent de police qui demande à quelqu'un de voir son permis de conduire.
    La déclaration du tribunal semble aller à l'encontre de votre opinion; comment alors pouvez-vous dire que les changements seraient constitutionnels en vertu de l'article premier?
(1805)
    Je crois que ce qu'a dit le juge Cory était fondé sur la loi en vigueur, et ne concernait pas les changements potentiels apportés à la loi, comme c'est le cas en ce qui nous concerne.
    Je crois fermement — pour reprendre les conclusions de M. Homel — qu'il n'est pas particulièrement intrusif de subir un test d'haleine en plus de toutes les autres demandes que pourrait avoir un agent de police. Ce n'est pas vraiment long. Il semble même que la personne n'a même pas à sortir de son véhicule, et ça ne prend que deux ou trois minutes, alors il serait exagéré de dire que c'est une mesure extrême. Ce n'est pas du tout le cas.
    D'après ce que j'en sais, c'est quelque chose qui se fait en Nouvelle-Zélande. Je vais retourner en Nouvelle-Zélande pour Noël, alors j'espère me faire interpeller à un barrage pour voir exactement quelle est la procédure.
    En plus de tout ça, il y a la très grande priorité qu'on accorde à la sécurité routière. Nous imposons une réglementation très stricte à nos conducteurs, et c'est parce qu'il s'agit d'une activité très dangereuse, nous le savons tous. À mon avis, cette mesure n'est pas très intrusive, et selon les données que nous avons, elle pourrait donner de bons résultats.
    Merci beaucoup.
    Je tiens à remercier chacun de nos distingués témoins d'avoir apporté sa contribution à notre débat. Nous vous en sommes très reconnaissants.
    Je vais maintenant demander à notre prochain groupe de témoins de s'installer.
    Nous allons suspendre les travaux jusqu'à ce que le prochain groupe se soit installé.
(1805)

(1815)
    Reprenons les travaux avec notre troisième groupe de témoins.
    Encore une fois, je tiens à m'excuser auprès des témoins. Nous sommes en retard parce que la Chambre des communes a étiré sa période de questions aujourd'hui pour rendre hommage à la mémoire d'un de nos collègues qui est décédé.
    Nous accueillons Me Greg DelBigio, l'un des directeurs du Conseil canadien des avocats de la défense, et M. Tom Stamatakis, président de l'Association canadienne des policiers, qui est avec nous par vidéoconférence à partir de la Colombie-Britannique.
    Bienvenue à vous deux.
    Nous attendons toujours notre troisième témoin, M. Halsor, mais entretemps, nous allons commencer.
    Monsieur Stamatakis, vu les problèmes que nous éprouvons parfois avec la vidéoconférence, je vais vous demander de commencer pendant que vous êtes visible et que le signal est clair. Vous avez 10 minutes.
     Messieurs et mesdames les membres du Comité, je vous remercie de m'avoir invité à témoigner devant vous cet après-midi dans le cadre de votre étude sur le projet de loi C-46.
    J'ai remarqué quelques visages familiers assis à la table, mais pour ceux qui ne me connaissent peut-être pas, je témoigne aujourd'hui à titre de président de l'Association canadienne des policiers, une organisation qui représente plus de 60 000 agents de police assermentés et intervenants civils de première ligne dans l'ensemble du Canada.
    Comme je l'ai déjà dit dans un témoignage passé, je suis aussi un agent de police de la ville de Vancouver. Cependant, je suis détaché par le service de police de Vancouver auprès du syndicat des policiers de Vancouver à titre de président. Je suis également le président de l'Association canadienne des policiers de la Colombie-Britannique, une association qui représente tous les syndicats de police municipale de la Colombie-Britannique.
     Je serai bref: avant tout, l'Association canadienne des policiers soutient le projet de loi C-46. À mon souvenir, il s'agit d'une des modernisations les plus importantes du pays en ce qui concerne les lois régissant la conduite avec facultés affaiblies.
    Je sais que tous les députés ici présents ont les mêmes buts que nous, c'est-à-dire débarrasser nos routes de ceux qui conduisent avec les facultés affaiblies, que ce soit par l'alcool ou la drogue. Même s'il arrive que nous divergions d'opinion par rapport aux stratégies précises à employer, j'ai foi que les dispositions prévues dans ce projet de loi, s'il est adopté, auront un impact favorable et considérable sur les efforts que nous déployons.
    Je suis sûr que la plupart d'entre vous savent que la conduite avec facultés affaiblies est l'un de problèmes qui grugent le plus les ressources de presque tous les services policiers du Canada. Même s'il ne fait aucun doute que les programmes de sensibilisation nous ont permis de réduire le nombre d'accidents reliés à la conduite avec facultés affaiblies, il y a peu d'agents de police au pays qui n'ont pas au moins une histoire tragique à raconter où ils sont intervenus sur les lieux d'un accident d'automobile mettant en cause l'alcool ou la drogue.
     Je suis convaincu que les changements proposés par le projet de loi C-46, en particulier ceux concernant les contrôles routiers obligatoires, aideront nos agents de police à être plus efficaces et, par conséquent, à réduire la fréquence de ces histoires. Malgré tout, je comprends pourquoi certains d'entre vous nourrissent des préoccupations au sujet des libertés civiles, de nos droits fondamentaux et des possibilités que cela offre de violer les droits de la personne. Ce que je tiens à dire, par rapport à cela, c'est que les policiers, d'un bout à l'autre du pays, ont été formés en conséquence; on leur demande de faire preuve d'un discernement absolu dans l'accomplissement de leurs tâches quotidiennes, et cela ne va pas changer.
    Ceux qui s'opposent aux contrôles obligatoires s'imaginent un monde où les agents de police vont couramment arrêter au hasard des automobilistes pour leur demander de fournir un échantillon d'haleine, mais je peux vous dire, d'un point de vue pratique, que ce serait simplement impossible à faire. Les barrages routiers que l'on connaît pendant la période des Fêtes vont demeurer, mais ces nouvelles dispositions nous permettront d'éliminer un grand nombre de problèmes qui rendaient difficiles les poursuites pour conduite avec facultés affaiblies.
    Je suis certain que le Comité le sait, mais il y a des études, en particulier celles menées par des chercheurs de l'Université Simon Fraser, selon lesquelles un seul cas de conduite avec facultés affaiblies peut retenir un agent de police jusqu'à huit heures à cause des lois actuelles. Le projet de loi que vous étudiez aujourd'hui aura une incidence concrète et positive à cet égard, en particulier puisqu'il éliminera un grand nombre des défenses utilisées les plus couramment pour faire rejeter les accusations. La plupart des arguments les plus marquants consistent à remettre en question le fait que l'agent avait un motif raisonnable de soupçonner que le conducteur avait les facultés affaiblies et s'il était justifié au départ de lui demander de fournir un échantillon d'haleine.
    Très rapidement, je veux aussi dire que nos membres sont fortement en faveur des dispositions dans ce projet de loi qui visent à éliminer la défense du dernier verre et la défense du verre d'après. C'est toujours une bonne chose de clarifier les lois, et même si certaines personnes vont continuer de boire et de prendre le volant, j'ai bon espoir qu'à long terme il sera utile de restreindre explicitement ces deux défenses que nos agents entendent chaque jour.
    Comme je l'ai dit plus tôt, je ne veux pas m'éterniser. Je crois que je vous serai d'une plus grande aide en répondant aux questions que vous pourriez avoir sur la situation actuelle en ce qui concerne la conduite avec facultés affaiblies et l'application de la loi ou sur l'incidence que ces nouveaux changements pourraient avoir sur les policiers de première ligne au Canada.
    À nouveau, je vous remercie de m'avoir invité à témoigner cet après-midi. Je suis impatient de poursuivre la discussion.
(1820)
    Merci beaucoup, monsieur Stamatakis.
    Nous passons à Me DelBigio.
    C'est un plaisir d'être ici. Merci de l'invitation.
    Très brièvement, je pratique le droit criminel et le droit constitutionnel depuis 25 ans. J'essaierai de faire valoir cette perspective.
    Des certitudes découleront des modifications proposées, dont le fait que les enquêtes criminelles concernant des interventions routières sont longues à mener pour les agents de police. Si une affaire débouche sur des accusations criminelles, la préparation de trousses de communication gruge le temps des agents de police. Même si le recours à des sanctions administratives plutôt qu'à des sanctions de droit criminel fait l'objet de discussions et de débats, les procédures administratives, comme les interdictions administratives visant les drogues qui sont utilisées en Colombie-Britannique, permettent à un agent de reprendre la patrouille plus rapidement que ne le permettent les exigences relatives au droit criminel.
    On continuera de se défendre contre les accusations de conduite avec facultés affaiblies, avec ou sans ces modifications. Les procès criminels retirent les agents des routes pendant plus longtemps encore. Plus les procès criminels sont nombreux et plus ils sont compliqués, plus ils exigent du temps au tribunal. Cela, bien sûr, soulève des préoccupations qui ont été abordées par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Jordan.
    Une autre certitude, c'est que des changements dans la loi, qu'ils soient bons ou non, créeront des incertitudes en ce qui concerne l'état du droit, et des procédures judiciaires seront engagées. Les barrages routiers, les enquêtes et les poursuites mettent en jeu des droits constitutionnels, et les modifications proposées ne peuvent évidemment changer cela. Les droits constitutionnels qui sont mis en cause touchent à trois domaines.
    Je m'écarte un peu de la déclaration que j'ai préparée, parce que j'écoutais attentivement les intervenants éloquents qui étaient ici avant moi.
    La première situation concerne les interventions routières. Le contexte, bien sûr, c'est que la conduite est une activité réglementée. La sécurité est importante. Les détentions routières ont tendance à être brèves, mais il existe des intérêts en matière de protection des renseignements personnels, et des préoccupations au sujet de la légalité de la détention initiale seront soulevées. Il y a un risque de parti pris concernant l'exercice inapproprié du pouvoir discrétionnaire. Je veux être clair en disant cela. Je ne dis pas que la tendance généralisée sera de faire des détentions inappropriées, mais, dès qu'une occasion de détention se présente, il y a un risque de parti pris. De plus, en ce qui concerne les interventions routières, des questions concernant les motifs raisonnables de soupçonner et les motifs raisonnables de croire, qui sont des préoccupations relatives à l'article 8 de la Charte, seront soulevées.
    Le processus de procès équitable et le droit à une défense pleine et entière sont garantis par l'article 7 de la Charte. Je vais aborder certaines des questions que les modifications soulèvent.
    Ensuite vient la détermination de la peine. Il y a déjà eu des discussions concernant les peines minimales obligatoires, à savoir si elles seraient efficaces pour servir d'effet dissuasif et si elles seraient constitutionnelles.
    Sans surprise, je prédis que les modifications, si elles sont apportées, donneront lieu à des contestations constitutionnelles qui grèveront les ressources des tribunaux. Il se créera un climat d'incertitude à mesure que les cas seront évalués par le régime d'appel dans différentes provinces. Cela pourrait ou non être une mauvaise chose, mais cela se produira presque assurément.
    Les questions que je pose sont les suivantes: y a-t-il un bon fondement probatoire à partir duquel conclure que les modifications proposées dissuaderont plus efficacement les criminels de conduire avec des facultés affaiblies ou amélioreront de façon mesurable la sécurité routière? Même si la sécurité routière pourrait être améliorée, les modifications contiennent-elles des dispositions viciées sur le plan constitutionnel?
    Je vais maintenant présenter les observations précises suivantes en ce qui concerne les modifications proposées. Je prédis que l'utilisation du mot « affaiblie » par rapport à la phrase « affaiblie à un quelconque degré » donnera lieu à des problèmes. Par « problèmes », j'entends des procédures judiciaires et l'incertitude qui en découle. À mon avis, la phrase « affaiblie à un quelconque degré » confère un sentiment d'incertitude ou d'imprécision, et cela pourrait ne représenter aucun seuil du tout.
(1825)
    Dans un premier temps, les règles de preuve concernant le processus des salles d'audience, la proposition selon laquelle l'opinion d'un agent évaluateur serait admissible sans que celui-ci soit qualifié d'expert fera peut-être l'objet d'une certaine forme de contestation. Dans un deuxième temps, cela ne va pas nécessairement éliminer le temps passé devant les tribunaux ni accélérer le processus. Même si l'opinion d'un agent peut être admissible, qu'il ait ou non qualité d'expert, il y aura des contestations inévitables par rapport à l'importance de l'opinion de l'agent. Si l'opinion de l'agent peut être remise en question au motif de l'importance, celle-ci sera attaquée, à peu près autant que s'il s'agissait d'une opinion d'expert.
    Sous le titre de la section 320.12 proposée, « Reconnaissance et déclaration », figurent les phrases « indique l'alcoolémie avec fiabilité et exactitude» et « d) l'évaluation effectuée par un agent évaluateur constitue un moyen fiable d'établir si la capacité de conduire d'une personne est affaiblie ». Je me contenterai de dire que ces dispositions me semblent curieuses. Il est difficile de savoir quoi faire de quelque chose qui est une reconnaissance et une déclaration réglementaires. Quoi qu'il en soit, des données probantes qui peuvent servir à prouver la culpabilité et qui ont une présomption réglementaire de fiabilité donneront lieu à des questions inévitables.
    Enfin, à ce sujet, la disposition proposée stipulant que la quantité d'alcool ou de drogues consommée ne constitue pas une preuve selon laquelle l'analyse sanguine n'a pas été effectuée de façon adéquate pourrait être jugée intéressante pour certains. Certains pourraient juger remarquable que la preuve de la consommation d'alcool ou de drogues puisse en quelque sorte ne pas être pertinente par rapport aux accusations liées à l'affaiblissement des facultés par la drogue ou l'alcool. Je dis que ces dispositions pourraient bien être remises en question pour des motifs fondés sur l'article 7.
    La contestation du mode de preuve à la disposition de la poursuite ou les moyens de défense à la disposition de la défense feront l'objet de considérations très différentes pour ce qui est, par exemple, de savoir si une détention routière est en soi inconstitutionnelle ou si elle peut être sauvée par l'article premier.
    Mon commentaire par rapport au retard dans la détermination de la peine, c'est qu'il s'agit d'une très bonne disposition. J'encouragerais ceux qui ont le pouvoir de le faire de s'assurer que le traitement, dont il est fait mention, est accessible dans des régions rurales et de petites administrations. C'est habituellement quelque chose qui est offert dans la ville. Ce serait malheureux si une telle disposition n'était pas appliquée uniformément dans l'ensemble du Canada.
    Faute de temps, c'était ma déclaration liminaire.
    Merci beaucoup, maître DelBigio.
    J'ai été informé du fait que M. Halsor n'est pas en mesure de se joindre à nous à l'heure actuelle. Nous allons passer à la période de questions, en commençant par M. Nicholson.
    Maître DelBigio, vous avez dit que les taux d'alcoolémie et de drogues ne sont pas pertinents. Vous avez laissé entendre qu'une personne disait cela.
    Est-ce que ce n'était pas ceux qui témoignaient qui nous disaient qu'il ne s'agissait pas de la seule mesure des facultés affaiblies d'une personne? Ne croyez-vous pas que quelqu'un qui n'a peut-être jamais goûté à de l'alcool auparavant et qui a bu quelques verres pourrait effectivement avoir les facultés affaiblies, indépendamment du taux d'alcoolémie dans son sang? Quelqu'un qui est habitué de boire beaucoup d'alcool pourrait boire plusieurs verres sans toutefois avoir les facultés affaiblies. Ce n'est qu'un seul des critères.
    Ne s'agit-il pas là d'une description plus juste de ce dont ils parlent?
    Je dois dire que je considère cela comme une législation proposée complexe. J'espère l'avoir interprétée de façon appropriée.
    Il ne fait aucun doute qu'une personne peut voir ses facultés affaiblies par les drogues ou l'alcool. Selon ma compréhension des choses, il ne fait aucun doute que des quantités différentes auront des effets différents sur les gens.
    En réalité, mes commentaires étaient directement liés aux moyens de défense qui sont à la disposition d'une personne dans une salle d'audience. Si une personne est accusée d'une infraction touchant la consommation de drogues ou d'alcool, elle aura l'occasion de nier qu'elle a consommé des drogues ou de l'alcool et de faire considérer ce témoignage comme pertinent dans les procédures judiciaires. S'il y a des dispositions qui revêtent une certaine importance ou ont une certaine fiabilité par rapport aux mécanismes d'évaluation du taux de drogues ou d'alcoolémie et à la façon dont on peut en prouver la consommation en cour, il doit y avoir une façon de réfuter cela efficacement.
(1830)
    Vous n'êtes pas surpris. Vous avez indiqué très clairement en fonction de quel motif ces articles seraient contestés, mais n'est-ce pas ce qui se passera chaque fois que nous changerons les lois dans ce domaine? Quelqu'un va les contester. En fait, je pense que c'est ainsi que vous gagnez votre vie, n'est-ce pas?
    Certes, des milliers d'avocats s'occuperont de ces cas, qui se comptent par centaines ou par milliers même. Il ne fait aucun doute que ce domaine du droit fait l'objet d'un grand nombre de litiges. Bien sûr, cela sera contesté; c'est votre tâche de vous assurer que c'est constitutionnel, et mon travail consiste à laisser entendre des façons dont ce ne le serait pas, s'il y a lieu.
    Très bien.
    En réalité, la préoccupation au sujet des contestations tient vraiment au temps qu'elles prennent devant les tribunaux et aux incertitudes qui prennent forme à mesure que ces cas sont traités dans le système.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Stamatakis, vous avez fait remarquer que cela permet de clarifier en réalité certaines des différentes dispositions concernant la conduite avec facultés affaiblies qui pourraient créer plus de certitude quant à ce qui peut et ne peut pas être fait.
    Merci à vous deux de votre témoignage.
    Permettez-moi de vous poser une question. Monsieur, vous avez dit qu'il existait des clarifications différentes et que vous aimiez certains aspects de la loi, mais ne faut-il pas toutefois en conclure que vous serez plus occupé que jamais? À votre avis, n'y aura-t-il pas un plus grand nombre de gens accusés de conduite avec facultés affaiblies? Vous avez un long passé dans ce domaine, mais si vous commencez à ajouter la question de la marijuana légale à celle de l'accessibilité de l'alcool, croyez-vous que nous assisterons à un plus grand nombre d'accusations de conduite avec facultés affaiblies l'année prochaine?
    Je pense que le nombre d'accusations de conduite avec facultés affaiblies en ce moment est important.
    Je suis d'accord.
    Que ce soit ou non le cas, je crois que les gens prévoient une augmentation du nombre d'accusations de conduite avec facultés affaiblies étant donné l'introduction de la législation...
    En prévoyez-vous davantage?
    Je pense que ma réponse, c'est qu'il y a déjà un nombre écrasant d'accusations de conduite avec facultés affaiblies, et je ne suis donc pas certain qu'il y en aura davantage ni que nous serons mieux en mesure de capter les personnes conduisant avec des facultés affaiblies, parce que nous allons faire le suivi de personnes dont les facultés sont affaiblies par l'alcool et par les drogues, tandis que, par le passé, nous nous sommes concentrés principalement sur l'alcool.
    Très bien. Merci beaucoup.
    Merci beaucoup.
    Passons maintenant à M. Fraser.
    Je vous remercie beaucoup tous deux d'être ici et d'avoir présenté d'excellents exposés. Monsieur Stamatakis, je vais commencer par vous.
    Je vais revenir sur le dernier point concernant le fait d'être en mesure de mieux capter et comprendre ce qui se passe en réalité et, peut-être, la conduite avec facultés affaiblies par les drogues. Le gouvernement a récemment fait l'annonce concernant l'argent. Je pense que, au total, il y avait 274 millions de dollars, dont une partie concernait la formation, le renforcement de l'application de la loi, l'achat des appareils, la sensibilisation du public et la recherche. Croyez-vous que tout cela servira non seulement à faire passer le message selon lequel ce ne sont pas des activités acceptables auxquelles participer, mais aussi à fournir des outils pour que les agents de police eux-mêmes soient en mesure de repérer des conducteurs avec facultés affaiblies?
    Absolument. Je pense que l'annonce était la bienvenue. Je pense que beaucoup de discussions de suivi sont sur le point de se tenir au sujet de la façon dont ces fonds seront affectés et de la façon dont nous pouvons nous assurer que les fonds appropriés se rendent aux forces de police locales de manière à ce qu'elles puissent renforcer leur capacité de mieux réagir à la conduite avec facultés affaiblies, que ce soit par l'alcool ou la drogue. L'annonce était la bienvenue, et je pense qu'elle aidera à renforcer la capacité, mais je crois que cette discussion doit être continue, parce que nous sommes en terre inconnue.
    Nous avons étudié d'autres administrations où il semble y avoir plus de cas de conduite avec facultés affaiblies. Je pense qu'il est tôt pour dire s'il y a plus de cas de conduite avec facultés affaiblies par la drogue ou si ces administrations les repèrent davantage parce que le cadre juridique a changé, mais cette discussion doit être continue, parce que les services de police de partout au pays seront visés par des contestations, comme c'est le cas en ce moment. Nous avons tous des problèmes avec des ressources, et c'est une autre partie du casse-tête auquel il faut réagir, donc je crois que c'est important que le gouvernement soit un partenaire actif dans l'intervention.
    Un aspect du projet de loi traite, bien sûr, de l'affaiblissement des facultés par les drogues, et l'ajout... D'abord, en ce moment, si quelqu'un conduit avec les facultés affaiblies parce qu'il a fumé du cannabis, par exemple, pouvez-vous parler un peu de la façon dont un agent de police pourrait acquérir un soupçon raisonnable pour mener l'enquête concernant une personne ayant les facultés affaiblies par la marijuana en ce moment?
(1835)
    De façon générale, on va rechercher une odeur, des symptômes que la personne avec les facultés affaiblies pourrait présenter, que ce soit les yeux rouges, sa façon de s'exprimer ou des troubles de l'élocution. On établit nos motifs de cette façon-là et on mène l'enquête. À un certain moment, lorsqu'on a formé le soupçon que la personne a maintenant les facultés affaiblies par une drogue, on amènerait quelqu'un qui a suivi la formation en reconnaissance des drogues ou on effectuerait notre propre test de sobriété administré sur place. La difficulté, c'est que nous n'avons aucun mécanisme permettant de tester rapidement la substance, comme c'est le cas avec l'alcool, avec les appareils de détection approuvés que nous avons.
    Si nous souhaitions établir une comparaison, dans le meilleur des cas, nous imaginerions un appareil, ou bien un appareil deviendrait disponible pour permettre à un agent de police dans la rue de faire un test très rapidement pour déceler quelque drogue que ce soit et au moins déterminer si les facultés sont affaiblies par une drogue, puis poursuivre à partir de là.
    En plus des tests normalisés de sobriété administrés sur place qui se font en ce moment, les appareils de dépistage par prélèvement de salive aideront-ils les agents de police à déterminer s'il y a des motifs raisonnables et probables de soupçonner que la personne a des capacités affaiblies par des drogues?
    C'est le but, absolument.
    Merci.
    Maître DelBigio, une des choses que vous avez mentionnées dans votre exposé concernait le retard des tribunaux, les arriérés et, évidemment, le problème auquel est confronté notre système de justice pénale, particulièrement à la lumière de l'arrêt Jordan. Une partie du projet de loi porte sur les antidémarreurs éthylométriques et sur le fait d'éliminer la période d'attente. Y a-t-il une quelconque valeur au fait que, si quelqu'un devait être condamné pour conduite avec facultés affaiblies, elle n'aurait plus — en ce qui concerne l'alcool, dans tous les cas — à attendre trois mois avant d'être en mesure d'utiliser l'antidémarreur éthylométrique? Avez-vous l'impression que cela encouragerait les gens à plaider coupable plus tôt parce qu'ils ne craindraient pas de devoir attendre trois mois? Voyez-vous une quelconque valeur au fait d'accélérer certains des cas qu'il serait autrement très long à traiter dans le système et qui mèneraient peut-être à un plaidoyer de culpabilité à un autre moment lorsque la personne aurait organisé ses affaires? Voyez-vous une quelconque valeur au fait que cela aiderait à éliminer certains de ces cas plus tôt ou à les traiter de façon plus accélérée?
    Les gens plaident non coupable pour une diversité de raisons: en premier lieu, parce qu'ils ont le droit de le faire en vertu de la loi; en deuxième lieu, parce qu'ils ne sont pas coupables; en troisième lieu, parce qu'ils peuvent démontrer leur innocence; et en quatrième lieu, parce que même s'ils ne sont pas sûrs de pouvoir démontrer leur innocence, les conséquences sont si importantes que cela vaut la peine d'essayer. Les conséquences sont le casier judiciaire associé à la condamnation criminelle et la stigmatisation qui s'y rattache ainsi que la façon dont cela peut influer sur l'emploi et les voyages. La deuxième partie est l'interdiction. La troisième, peut-être dans une moindre mesure, est l'amende. Si on peut traiter la question de l'interdiction, les plaidoyers de culpabilité seraient-ils encouragés dans des cas appropriés? Peut-être. Cela ne va pas faire de tort, puisque c'est une bonne disposition. Cela aurait-il un effet important ou majeur sur la vitesse avec laquelle ces cas sont contestés? Je ne crois pas.
    Ai-je encore du temps?
    Non, votre temps est écoulé. Merci beaucoup, monsieur Fraser.
    Monsieur Rankin.
    J'aimerais simplement dire à quel point je suis fier de voir deux éminents résidants de la Colombie-Britannique fournir ici leur témoignage aujourd'hui. C'est très bien.
    Je vais commencer par Me DelBigio. J'aimerais vous poser deux questions précises.
    Vous avez soulevé un point très intéressant au sujet de l'expression figurant dans le projet de loi « affaiblie à un quelconque degré », et je pense que vous avez laissé entendre que cela pouvait être vague. Disiez-vous, en conséquence, que cette expression pourrait ne pas être jugée valable en vertu de l'article 7? Le cas échéant, quelle serait votre suggestion pour que nous la corrigions?
    S'il y a une norme juridique, que la disposition semble imposer, celle-ci doit être suffisamment précise pour être comprise. L'expression « affaiblie à un quelconque degré » donne à penser qu'il y a une norme juridique qui peut être respectée, même si elle n'est presque pas décelable, et il s'agit donc d'un affaiblissement des capacités à un degré presque imperceptible. Cela donnera lieu à des questions, au sujet de la preuve, donc une question de preuve... Si une personne dit qu'elle est convaincue qu'il y avait un affaiblissement des facultés affaiblies à un degré qui était presque imperceptible, quelles sont les données probantes qui sont nécessaires pour satisfaire cela? Je comprends que le langage a peut-être été défini de manière à ratisser plus large, mais, ce faisant, cela crée une incertitude. Je ne suis pas certain de savoir pourquoi les rédacteurs n'ont tout simplement pas utilisé le terme « affaiblie ».
(1840)
    Merci.
    Le deuxième des nombreux points que vous avez soulevés avait trait au fait que les agents de police peuvent maintenant donner leur opinion, mais ils ne le font pas; je suppose que vous vous reportez aux experts, comme les experts en reconnaissance des drogues au titre de ce régime, qui peuvent maintenant donner une preuve sous forme d'opinion. Vous dites que nous pouvons contester son importance, tout comme on conteste de façon générale la preuve d'experts sous forme d'opinion. Qu'est-ce qui tient à tout cela? Quelle devrait être l'importance attribuée à ce que nous allons contester, comme le témoignage de n'importe quel autre expert? Qu'est-ce qui tient à tout cela?
    Le mode de fonctionnement n'est pas exactement clair. Comme question d'ordre technique, je pense que l'importance liée au fait qu'une personne soit qualifiée d'expert tient à ce que celle-ci est autorisée à fournir une preuve sous forme d'opinion, ce qui s'inscrit dans la loi sur la preuve. Si une personne est présentée comme étant un expert proposé, son témoignage peut être remis en cause, tant en ce qui concerne le fait de savoir si elle est ou non expert, que, le cas échéant, le poids qui devrait être attribué à l'opinion de l'expert. Comment cela changera-t-il les choses? Cela n'est pas tout à fait clair, mais j'espère que cela ne changera pas le fait qu'une certaine importance présomptive sera attribuée à l'opinion d'une personne, par application de cette disposition.
    Monsieur Stamatakis, je vous remercie d'être ici.
    Les experts en reconnaissance des drogues suivent bien sûr une formation étendue pour voir s'ils peuvent déterminer l'affaiblissement des facultés. On m'a dit qu'il n'y a environ que 600 de ces agents au pays. Certaines personnes ont laissé entendre que nous devrions en avoir 2 000 pour répondre à la demande prévue par la législation. Êtes-vous convaincu que la formation sera mise à votre disposition? Êtes-vous préoccupé par le fait que vos membres de l'ACP devront maintenant fournir un témoignage d'opinion à ce sujet? Croyez-vous que la formation sera adéquate? Savez-vous déjà si un budget sera prévu pour cela et d'autres choses?
    Eh bien, la formation est une préoccupation, car on prévoit que la demande d'experts en reconnaissance des drogues augmentera. Cela dit, les agents de police livrent des témoignages en cour tous les jours. Je me rappelle que, lorsque j'étais agent de police opérationnel, certains des témoignages les plus difficiles à livrer concernaient des affaires de conduite avec facultés affaiblies pour ce qui est de la description des observations que je faisais en tant qu'agent de police des symptômes de l'affaiblissement des facultés, etc. Je ne suis pas vraiment préoccupé par rapport à cet élément, parce que lorsqu'il est question de conduite avec facultés affaiblies, les agents de police ont toujours eu à fournir ce type de témoignage en cour. Cela a toujours été remis en question. Au final, il revient au juge des faits, au juge, de déterminer quel poids attribuer à quel témoignage et d'arriver à une conclusion. Je ne vois rien qui pourrait changer à cet égard.
    Je pense que l'annonce du financement par le gouvernement contribue grandement à atténuer certaines des préoccupations concernant la capacité de formation. Il ne fait aucun doute qu'il y a un désir dans la communauté policière de former un plus grand nombre d'agents de police pour qu'ils deviennent des experts en reconnaissance des drogues qui soient disponibles, lorsque des agents de police de première ligne estiment qu'ils se trouvent devant une personne ayant les facultés affaiblies par des drogues, pour faire une évaluation appropriée. Le cas devient plus solide et est plus susceptible de réussir du point de vue des poursuites. Les agents de police livrent toujours ce type de témoignage en cour, et je ne crois pas que cela va changer.
    On m'a dit que la GRC, ainsi que cinq autres forces de police ont été sélectionnées pour mettre à l'essai ces nouveaux appareils de dépistage par prélèvement de salive sur les routes pour la conduite avec facultés affaiblies, dans le cadre d'un certain type de projet pilote. Avez-vous des données probantes à ce sujet ou avez-vous entendu vos membres dire quelque chose sur cette expérience?
    Non, je n'ai pas encore entendu beaucoup de commentaires par rapport à cette expérience, donc je ne peux pas vraiment me prononcer.
    Il y a des préoccupations au sujet de la météo, de la fiabilité et de ce genre de choses. Bien sûr, peu importe l'équipement que nous finissons par utiliser, il faudra inévitablement prouver qu'il est fiable en cour à mesure que nous allons de l'avant.
(1845)
    Le temps est écoulé.
    Monsieur Boissonnault.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur le président.

[Traduction]

    Monsieur Stamatakis, merci beaucoup de votre témoignage. J'ai remarqué que vous avez mentionné dans vos commentaires que ce sera important, parce que vous avez de nouveaux mécanismes. Les agents de police auront à leur disposition de nouveaux mécanismes.
    Je crois également qu'il est important de simplement répéter cela devant le Comité. Sur les 274 millions de dollars que notre gouvernement affecte pour soutenir la législation, quelque 81 millions de dollars iront à la formation, au renforcement des capacités et à la fourniture du coût sur cinq ans des appareils de dépistage par prélèvement de salive.
    Dans votre témoignage, vous avez dit que cette législation vous aidera à obtenir plus de mécanismes permettant d'attraper des délinquants existants et que cela permettra aussi aux agents de police de... qu'il y aura des gains d'efficacité créés par cette législation. Je me demandais si vous pouviez expliquer davantage ce que vous vouliez dire dans cette partie de votre témoignage.
    Nous pouvons prendre à titre d'exemple les arrêts routiers. Si je suis agent de police, dans le cadre des arrêts que je suis légalement autorisé à faire, je peux formuler une demande sans avoir à établir mon soupçon raisonnable qu'une personne a les facultés affaiblies; cela devrait donc, en théorie, accélérer le processus, parce que je n'aurai pas à élaborer sur ces motifs. Avec un peu de chance, lorsque j'arriverai en cour et que je témoignerai, je n'aurai pas à passer beaucoup de temps à essayer d'expliquer ce qu'étaient mes motifs et pourquoi j'ai présenté la demande à la personne qui conduisait selon moi avec des facultés affaiblies. Ce n'est qu'un exemple.
    Bien sûr.
    À mesure que nous passons d'un cadre de contrôle routier discrétionnaire à un cadre où tout le monde fait l'objet d'un contrôle, quel type de délinquants les agents de police seront-ils en mesure d'attraper lorsque nous passerons du cadre actuel au cadre proposé?
    À titre d'exemple, le cadre typique serait les contrôles routiers des Fêtes que les organisations policières effectuent partout au pays. À l'heure actuelle, je m'approche de la voiture, et si je travaille durant un de ces contrôles, je dois poser des questions au conducteur. Je me fonde sur ces réponses pour être en mesure de formuler une demande par rapport à ce conducteur.
    Comme c'est actuellement proposé dans la législation, je n'ai pas à faire cela. Je peux simplement demander au conducteur de fournir un échantillon à l'aide d'un appareil de dépistage approuvé. Je n'ai pas besoin d'une reconnaissance, par exemple, selon laquelle le conducteur buvait ou avait consommé des drogues pour être en mesure de le faire. Même du point de vue de l'efficacité, les occasions que nous avons de repérer des conducteurs ayant des facultés affaiblies seront plus efficaces lorsque nous agirons ainsi.
    Je comprends cela.
    Nous avons constaté dans d'autres administrations que la mise en œuvre d'un processus de dépistage routier obligatoire fait chuter le taux de mortalité de façon marquée. Avant que nous passions du dépistage à la prévention des décès, il y a tout le système judiciaire et la mise en accusation des gens.
    Qu'entendez-vous vos membres dire au sujet de l'établissement d'un système obligatoire et, pas nécessairement du pourcentage prévu... mais, vos membres pensent-ils que ce genre de système permettra de retirer des routes un plus grand nombre de personnes qui ont commis des infractions? Les empêchera-t-il de faire du mal à d'autres personnes et finira-t-il même par changer les comportements?
    Oui, je le crois, et il s'agit certainement de la rétroaction que nous obtenons.
    Si j'effectue une comparaison avec ce que certaines des provinces ont fait, et je vais utiliser la province où je vis: la Colombie-Britannique, d'après l'expérience de la réglementation que le gouvernement fédéral a instaurée relativement aux interdictions administratives et aux règlements sur la conduite avec facultés affaiblies, on nous dit qu'elle a eu une incidence importante pour ce qui est de retirer les conducteurs qui ont les facultés affaiblies des routes. On leur interdit immédiatement de conduire. Dans certains cas, nous mettons leurs véhicules en fourrière afin qu'ils ne puissent pas conduire. Cela déclenche toute une série d'événements qui empêchent ces personnes de conduire pendant qu'ils ont les facultés affaiblies, ce qui rend les routes plus sûres.
    Je pense que ce genre de cadre législatif aura une incidence positive sur le nombre de personnes qui conduisent avec les facultés affaiblies.
    Je ne fais que vous donner mon opinion personnelle. Je suis certain que des recherches ont été effectuées à ce sujet, mais, dans mon cercle social, à Vancouver et en Colombie-Britannique, les gens à qui je parle et le public avec lequel j'interagis... les gens sont maintenant plus conscients de la conduite avec facultés affaiblies. Ils sont moins disposés à courir le risque parce qu'il y a une conséquence immédiate liée au fait de conduire avec les facultés affaiblies. On va vous interdire de conduire immédiatement. Si vous dépassez la limite, votre véhicule va être mis en fourrière pour 30 jours, et vous devrez suivre ce processus.
    Cette mesure a eu une incidence positive sur la réduction du taux de conduite avec facultés affaiblies dans notre province, ainsi que, bien entendu, sur la réduction subséquente du nombre de blessures ou de décès qui se produisent en conséquence.
(1850)
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup à nos deux témoins, M. Stamatakis et Me DelBigio.
    Merci beaucoup.
    Vous nous avez tous deux beaucoup aidés, et nous vous en sommes très reconnaissants. Je veux m'excuser encore une fois d'avoir été en retard.
    Je vais demander à notre prochain groupe de témoins de se présenter.
    Nous allons faire une pause, pendant que nous faisons entrer notre prochain groupe de témoins.
(1850)

(1855)
    Nous allons reprendre nos travaux avec notre prochain groupe de témoins.
    Je voudrais remercier le Dr Brubacher et M. Mann de leur présence. Nous nous excusons de notre retard. Nous avons dépassé la période prévue à la Chambre cet après-midi, mais nous sommes ravis de vous accueillir: vous pourrez nous aider à mieux comprendre et nous fournir votre point de vue sur le projet de loi.
    Je voudrais souhaiter la bienvenue au Dr Jeff Brubacher, du département de médecine d'urgence. Il enseigne à la faculté de médecine de l'Université de la Colombie-Britannique. Robert Mann, scientifique chevronné, vient du Centre de toxicomanie et de santé mentale. Bienvenue, monsieur Mann.
    Compte tenu du risque de perdre un témoin à cause de la technologie vidéo, nous allons commencer par le Dr Brubacher, si cela vous va.
    Docteur Brubacher, la parole est à vous.
    Je suis professeur agrégé à l'Université de la Colombie-Britannique, et je concentre mes recherches sur la conduite avec facultés affaiblies. Je suis également urgentologue à l'Hôpital général de Vancouver, qui est l'un des plus grands centres de traumatologie du Canada. Je travaille à cet hôpital depuis plus de 20 ans, alors j'ai beaucoup d'expérience de la consultation de personnes atteintes de traumatisme routier, et trop d'expérience acquise auprès de personnes impliquées dans des collisions, blessées dans des accidents causés par la conduite avec facultés affaiblies.
    Je suis heureux de dire que le taux de conduite avec facultés affaiblies — par l'alcool, du moins — a diminué au fil des ans, certainement depuis que j'ai commencé à exercer la médecine, mais il est encore bien plus élevé qu'il le devrait. Ici, en Colombie-Britannique, nous effectuons certaines recherches pour étudier les conducteurs qui visitent l'hôpital après un accident et mesurer les taux de drogues et d'alcool. Nous constatons — et il s'agit de données récentes englobant les années 2015, 2016 et 2017 — qu'environ 18 % des conducteurs blessés qui viennent à l'hôpital après un accident reçoivent un résultat positif au dépistage de l'alcool et que 15 % sont supérieurs à la limite légale de 0,08 %, alors le taux est bien plus élevé qu'il devrait l'être.
    Nous regardons également le THC, l'ingrédient actif dans le cannabis. Nous constatons qu'un certain nombre de conducteurs consomment cette substance. Environ 7 % des conducteurs que nous soumettons à un dépistage obtiennent un résultat positif en ce qui concerne le THC. Environ 4 % des conducteurs que nous voyons en consultation ont une concentration de THC supérieure à deux nanogrammes par millilitre. Simplement pour mettre les choses en perspective, d'autres drogues sont souvent observées. Environ 10 % reçoivent un résultat positif concernant des drogues récréatives, comme la cocaïne ou les amphétamines, et environ 20 % ont consommé un médicament affaiblissant les facultés. Alors, la conduite avec facultés affaiblies représente encore un problème en 2017. Dans ce contexte, je pense que le projet de loi C-46 contient beaucoup de bons éléments qui, selon moi, contribueront à réduire le taux de conduite avec facultés affaiblies.
    Tout d'abord, je veux dire que je suis d'accord avec les alcootests aléatoires. Je pense qu'il s'agit d'une mesure puissante. Selon moi, elle réduira le taux de conduite avec facultés affaiblies et préviendra les accidents et les blessures. Deux observations tirées de mes recherches appuient cette opinion. La première observation, c'est que les policiers ne reconnaissent pas toujours les conducteurs qui ont les facultés affaiblies par l'alcool.
    Quand nous avons comparé les résultats de nos analyses de toxicologie avec les rapports de police pour voir si les policiers soupçonnaient que le conducteur avait consommé de l'alcool, nous avons découvert que, dans le cas des conducteurs ayant une forte concentration d'alcool dans le sang se situant entre 0,08 % — la limite légale — et 0,16 % — deux fois la limite légale —, les policiers avaient soupçonné la présence d'alcool dans 58 % des cas. De l'autre point de vue, ils ne l'avaient pas détectée dans 42 % des cas. Dans le cas des conducteurs dont le taux d'alcoolémie était supérieur à 0,16 %, donc plus de deux fois la limite légale — et il s'agit de conducteurs dont le risque d'accident est 30 fois plus élevé que lorsqu'ils sont sobres; par conséquent, un risque élevé d'accident chez des conducteurs qui vont avoir les facultés affaiblies —, les policiers avaient soupçonné la présence d'alcool dans 80 % des cas. Leurs résultats étaient meilleurs, mais 20 % des cas leur avaient tout de même échappé. Les alcootests aléatoires contourneraient ce problème. Les policiers n'auront plus à soupçonner la présence d'alcool pour dépister les conducteurs, et je pense qu'ils vont détecter de l'alcool chez certains des conducteurs qui leur échappent actuellement.
    La deuxième observation — et elle provient d'une plus ancienne recherche que nous avons effectuée il y a un certain temps —, nous avons découvert qu'un grand nombre des personnes qui conduisaient avec les facultés affaiblies, même si elles étaient détectées par les policiers, n'étaient pas punies. C'est d'après la même méthode de base. Nous examinons des conducteurs qui se présentent à l'hôpital après un accident et qui sont soumis à un alcootest, et nous regardons les résultats de leur alcootest et voyons ce qu'affiche leur dossier de conducteur subséquent. Ont-ils été reconnus coupables de conduite avec facultés affaiblies? Ce que nous avons constaté, c'est que, dans le cas des conducteurs dont le taux d'alcoolémie se situait entre 0,08 et 0,16, seulement 4,7 % — alors, moins de 1 sur 20 — avaient été reconnus coupables de conduite avec facultés affaiblies. Dans le cas des conducteurs dont le taux d'alcoolémie était supérieur à 0,16 — deux fois la limite légale, seulement 13,6 % — alors, environ un sur sept — ont été reconnus coupables de conduite avec facultés affaiblies.
    Nous ne savons pas pourquoi ces conducteurs ne sont pas reconnus coupables, mais je soupçonne qu'une partie de ce problème tient au fait que les policiers ont de la difficulté à recueillir les éléments de preuve dont ils ont besoin. Encore une fois, je pense que les alcootests aléatoires les aideraient à recueillir ces éléments de preuve.
(1900)
    C'est mauvais. C'est mauvais parce que les lois contre la conduite avec facultés affaiblies fonctionnent en créant la perception au sein du public selon laquelle, si on boit et qu'on conduit, si on a les facultés affaiblies et qu'on conduit, on va se faire prendre et on va être puni. Voilà à quoi sert la dissuasion. Lorsque des conducteurs ivres ou ayant les facultés affaiblies ont des démêlés avec les policiers et que leur état d'ivresse n'est pas reconnu, qu'ils ne sont pas accusés de conduite avec facultés affaiblies ou qu'ils s'en tirent grâce à un détail technique, cela mine l'effet dissuasif de ces lois. Je pense que les alcootests aléatoires sont un bon moyen de contourner ce problème.
    Voilà mon premier point: je suis d'accord avec les alcootests aléatoires.
    Mon deuxième point, c'est que je suis d'accord avec l'utilisation de dispositifs de dépistage routier pour mesurer le taux de drogues dans la salive afin d'aider les policiers à repérer les conducteurs qui consomment de la drogue.
    Dans le cadre de la même recherche, nous avons examiné les rapports de police et les avons comparés avec les analyses de toxicologie visant à déceler le THC, l'ingrédient actif dans le cannabis. Nous avons constaté que, dans le cas des conducteurs dont le taux de THC se situait dans la fourchette de deux à cinq nanogrammes par millilitre — il s'agit non seulement d'un résultat positif, mais aussi de taux importants —, les policiers n'avaient soupçonné la présence de drogues que dans 8,5 % des cas, ou chez environ un conducteur sur 12.
    La situation ne s'améliorait pas lorsque les taux de THC augmentaient. Ce taux était supérieur à cinq nanogrammes par millilitre chez 16 conducteurs. Les policiers n'ont soupçonné la présence de drogues que dans le cas de un de ces conducteurs —6 %, et je ne veux rien dire de mal au sujet de la police. Il est difficile de détecter un affaiblissement modéré des capacités par le cannabis. Les policiers ont beaucoup de difficulté à détecter les conducteurs qui ont les facultés affaiblies par le cannabis. Je pense qu'ils ont besoin d'aide pour le faire et que les dispositifs de dépistage de drogues par voie orale seraient un outil précieux qui aiderait les policiers à détecter ces conducteurs.
    Le troisième argument que je voulais formuler, c'est que je crois aux limites non discrétionnaires. Je pense que, dans le cas du THC, les limites, en soi sont la voie à suivre. Selon moi, les taux choisis — deux nanogrammes par millilitre et cinq nanogrammes par millilitre — sont des options raisonnables. Les meilleures données probantes montrent que les conducteurs qui consomment du cannabis présentent un risque accru d'accident. Les taux exacts de THC à partir desquels ce risque commence n'ont pas été aussi bien définis que dans le cas de l'alcool, mais deux nanogrammes par millilitre et cinq nanogrammes par millilitre sont des taux qui correspondent certainement aux données probantes dont nous disposons.
    La raison pour laquelle nous avons besoin de fixer des limites non discrétionnaires, c'est qu'il est difficile pour les policiers de prouver qu'un conducteur a les facultés affaiblies. Quant au système actuel d'experts en matière de reconnaissance de drogue, je n'ai pas d'expertise là-dessus, mais j'en sais assez à ce sujet pour dire qu'il a son rôle à jouer. Il donne aux policiers un moyen systématique de recueillir des éléments de preuve, mais c'est difficile. Il s'agit d'un système exigeant en ressources et chronophage, et il n'est pas largement accessible. Si vous avez un accident dans une région rurale, il se pourrait qu'aucun expert en reconnaissance de drogue ne puisse se rendre là-bas. En outre, il est fort probablement ouvert à des contestations judiciaires.
    Les limites non discrétionnaires constitueraient un moyen bien plus harmonisé et plus efficient de recueillir des éléments de preuve. Si on remonte aux années 1960, quand des limites non discrétionnaires ont été instaurées pour l'alcool, il y a eu des réductions marquées du taux de conduite avec facultés affaiblies par l'alcool. J'espère que l'établissement de telles limites pour le THC aura le même effet en ce qui concerne la conduite avec facultés affaiblies par le cannabis.
    Voilà les arguments que je voulais formuler. Je serai heureux de répondre à des questions plus tard. Merci de m'avoir écouté.
(1905)
    Nous allons maintenant passer à M. Mann.
    Je m'appelle Robert Mann. Je suis le scientifique chevronné du Centre de toxicomanie et de santé mentale de Toronto, ou le CTSM, comme nous l'appelons. Je suis membre de la faculté d'épidémiologie de l'Université de Toronto.
    Dans le projet de loi C-46, le gouvernement du Canada propose de réviser les lois du Canada régissant la conduite avec facultés affaiblies. Les dispositions envisagées dans ce projet de loi sont appuyées par la recherche et la façon dont on peut prévenir la conduite avec facultés affaiblies. Le projet de loi s'attaque à la conduite avec facultés affaiblies dans deux domaines généraux: la conduite avec les facultés affaiblies par le cannabis et par d'autres drogues, et la conduite avec facultés affaiblies par l'alcool.
    En ce qui concerne la conduite avec facultés affaiblies par le cannabis et par d'autres drogues, nous remarquons que le gouvernement du Canada a déclaré son intention de légaliser la consommation de cannabis. Ce changement de statut juridique de la drogue correspond à la recommandation du Centre de toxicomanie et de santé mentale concernant la légalisation de la consommation de cannabis dans le but d'atteindre les buts de la santé publique: contrôler la consommation de cannabis et prévenir les préjudices associés à cette substance. On peut voir le succès de l'approche en santé publique dans les taux de réduction du tabagisme et de conduite avec facultés affaiblies par l'alcool qui ont été observés au cours des dernières décennies, contrairement aux données probantes selon lesquelles la consommation de cannabis a peu changé ou pourrait être en train d'augmenter au sein de certains groupes de la population.
    Toutefois, sans égard au statut légal de la drogue, il est reconnu que l'un des problèmes de santé majeurs associés à la consommation du cannabis, c'est une augmentation du risque de collisions et de décès qui en découlent chez les personnes qui conduisent avec les facultés affaiblies par le cannabis, ainsi que chez leurs passagers et d'autres utilisateurs de la route également.
    Une grande partie de la recherche a été consacrée aux conséquences du cannabis et à la sécurité routière au cours des dernières décennies. Des études de laboratoire indiquent que le cannabis a une incidence sur les processus physiologiques et psychologiques associés à la tâche de conduire, et des études épidémiologiques montrent maintenant que la conduite avec facultés affaiblies par le cannabis augmente de façon importante le risque d'être impliqué dans une collision. Actuellement, les taux de conduite avec facultés affaiblies par le cannabis au sein de la population en général sont relativement peu élevés, mais ils sont bien plus élevés chez certains sous-groupes. Par exemple, les taux de conduite avec facultés affaiblies par le cannabis chez les adolescents et les jeunes conducteurs équivalent maintenant aux taux de conduite avec facultés affaiblies par l'alcool au sein de ces groupes ou les dépassent. Selon des études récentes, on estime que de 75 à 95 décès sur les routes canadiennes en 2012 ont été causés par la conduite avec facultés affaiblies par le cannabis, que cette conduite a causé environ 4 500 blessures liées à des collisions et que de 7 800 à 25 000 Canadiens ont été impliqués dans des collisions causées par la conduite avec facultés affaiblies par le cannabis cette année-là. Les adolescents et les jeunes adultes sont les plus touchés par ces décès, blessures et collisions, puisqu'ils sont les plus susceptibles de conduire après avoir consommé du cannabis.
    La prévention des collisions et des décès qui découlent de la conduite avec facultés affaiblies par le cannabis est un but très important et devrait recevoir plus d'attention, sans égard au statut légal du cannabis. Des combinaisons de mesures juridiques et de mesures éducatives et réparatrices ont été mises en oeuvre dans diverses administrations de partout dans le monde, mais, actuellement, du fait que ces mesures sont relativement récentes, nous en savons peu au sujet de leur incidence sur la prévention de la conduite avec facultés affaiblies par le cannabis. Toutefois, nous pouvons examiner les conséquences des mesures de prévention de la conduite avec facultés affaiblies par l'alcool afin d'éclairer nos efforts de prévention des collisions liées à la conduite avec facultés affaiblies par le cannabis. Des combinaisons semblables de mesures juridiques, éducatives et réparatrices ont été adoptées partout dans le monde, et leur succès pour ce qui est de réduire les taux de collision liés à l'alcool est considéré comme l'un des grands succès en matière de santé publique du dernier siècle. La clé de ce succès a été l'adoption de lois non discrétionnaires qui font de la conduite une infraction si le taux d'alcoolémie dépasse le taux prévu dans la loi. Ces limites légales — on l'a démontré — réduisent effectivement les taux de conduite avec facultés affaiblies par l'alcool et les décès qui en découlent au sein de la population.
    Selon les estimations des scientifiques du CTSM, la loi non discrétionnaire du Canada, qui a été promulguée en 1969 et qui a fixé la limite légale à 0,08 % d'alcool au Canada à ce moment-là, a empêché plus de 3 000 décès en Ontario seulement entre 1970 et 2006. Cette expérience donne à penser que l'adoption d'une loi prévoyant une limite légale non discrétionnaire, ainsi que le fait de permettre l'utilisation d'alcootests routiers pour faciliter le repérage des conducteurs ayant les facultés affaiblies, devrait être au coeur de nos efforts de prévention des collisions liées à la conduite avec facultés affaiblies par le cannabis. D'autres administrations ont mis en oeuvre avec succès une approche semblable, et leur expérience peut nous guider.
(1910)
    Même si le sujet de la conduite avec facultés affaiblies par le cannabis suscite maintenant beaucoup d'intérêt, il faut se rappeler que l'alcool compte encore pour un plus grand nombre de décès et de blessures que le cannabis; ainsi, les efforts visant à prévenir ces décès et blessures sont encore essentiels.
    Une mesure qui réduirait grandement les taux de décès liés à l'alcool sur la route, c'est le dépistage obligatoire de l'alcool. Cette mesure a été instaurée initialement en Australie et en Europe, dans les années 1970. Tous les États de l'Australie l'ont mise en oeuvre, tout comme de nombreux États européens et bien d'autres parties du monde. La clé du dépistage obligatoire de l'alcool consiste à permettre aux policiers de demander un échantillon d'haleine sans cause probable. Cela permet le traitement sur la route d'un grand nombre de conducteurs comme moyen d'accroître la dissuasion générale. Cette mesure provoque une augmentation de la perception du conducteur moyen de se faire prendre s'il conduit pendant qu'il a les facultés affaiblies, ce qui, croit-on, est le mécanisme offrant les effets bénéfiques du dépistage obligatoire de l'alcool sur les taux de collision.
    Les évaluations du dépistage obligatoire de l'alcool appuient son efficacité pour ce qui est de réduire les taux de collision et de mortalité liés à l'alcool. Les examens ont révélé des réductions des taux de mortalité liée à l'alcool dans toutes les études, allant d'environ 8 à environ 71 %, et une réduction moyenne de 30,6 % des accidents avec blessures associées à l'instauration du dépistage obligatoire de l'alcool a été signalée. En raison de ces résultats positifs, le dépistage obligatoire de l'alcool a été appuyé par de nombreuses organisations du milieu de la santé. Dans une étude parrainée par l'OMS portant sur les mesures visant à prévenir les préjudices liés à l'alcool, le dépistage obligatoire de l'alcool comptait parmi les mesures auxquelles l'organisation accordait son plus grand soutien.
    Une deuxième mesure qui réduirait de façon importante les taux de décès et de blessures liés à l'alcool sur nos routes serait l'instauration d'une limite légale de 0,05 % dans le Code criminel du Canada. Les scientifiques appuient clairement et fortement l'établissement d'une limite légale de 0,05 %. Au-dessus de ce taux, il est clair que les capacités de conduite sécuritaire sont affaiblies et que les risques de collision augmentent de façon importante. Le passage de la limite légale à 0,05 % dans d'autres administrations a fourni des données probantes importantes concernant les effets bénéfiques.
    Les conséquences potentielles liées aux décès sur nos routes seraient importantes. En 1998, les scientifiques du CTSM ont estimé, en se fondant sur les effets observés en Australie et en Europe, que l'instauration d'une limite légale de 0,05 % au Canada pourrait prévenir de 185 à 555 décès sur nos routes par année. Une recherche scientifique rigoureuse qui a été publiée depuis cette époque appuie et renforce cette conclusion.
    Pour conclure, la conduite avec facultés affaiblies par le cannabis, par l'alcool et par d'autres drogues est un problème de santé publique important. De solides données probantes indiquent que le nombre de décès et de blessures qui découlent de ce comportement peut être réduit de façon importante grâce à des politiques publiques efficaces. Le Centre de toxicomanie et de santé mentale appuie fermement le gouvernement du Canada dans son effort visant à mettre en oeuvre ces politiques et souligne que les initiatives envisagées dans le projet de loi C-46 sont conformes aux meilleures données probantes scientifiques concernant la prévention des décès qui découlent de la conduite avec facultés affaiblies. Au moment où le gouvernement du Canada procédera à la réforme des lois sur la conduite avec facultés affaiblies du pays, le CTSM sera heureux d'apporter toute l'aide qu'il pourra.
    Merci de m'accueillir. C'est un honneur.
(1915)
    Merci beaucoup à nos deux témoins.
    Nous allons passer aux questions, et nous allons commencer par M. Cooper.
    Docteur Brubacher, vous avez mentionné durant votre exposé quelques chiffres sur les taux de condamnation concernant les personnes qui conduisent avec les facultés affaiblies. Pourriez-vous répéter ces chiffres et nous donner vos sources? Ils semblaient bien inférieurs à ce qu'on m'avait amené à croire, du moins à la lumière d'autres statistiques que j'avais vu présenter. Je vous ai peut-être mal compris.
    Il s'agissait de conducteurs blessés vus en consultation à l'hôpital après un accident, alors il pourrait y avoir une autre population. Ces données datent d'il y a environ 10 ans. Nous avons comparé les analyses de toxicologie effectuées à l'hôpital — les taux d'alcool — avec leurs dossiers de conducteur subséquents. Nous avons découvert que, des conducteurs ayant un taux d'alcoolémie se situant entre 0,08 % et 0,16 %, 4,7 % ont fini par être reconnus coupables de conduite avec facultés affaiblies. Dans le cas des conducteurs dont le taux d'alcoolémie était plus élevé, supérieur à 0,16 % — plus de deux fois la limite légale —, c'était 13,6 %.
    J'ajouterais qu'une étude semblable a été menée en Alberta — une population et des méthodes semblables — et que le taux de déclaration de culpabilité était légèrement plus élevé, mais pas beaucoup. Je pense qu'il était dans la fourchette des 15 %.
    Dans ces populations de conducteurs particulières, très peu des conducteurs sont reconnus coupables. Nous pouvons formuler des hypothèses quant aux raisons de cette situation, mais les chiffes sont peu élevés.
    Merci de cette clarification.
    Monsieur Mann, je veux revenir sur votre témoignage concernant les alcootests obligatoires.
    Je souscris certes à l'opinion selon laquelle les gens sont bien trop nombreux à mourir ou à être gravement blessés sur nos routes. Je suis tout à fait favorable à des peines sévères et au fait de tenir les gens qui font le choix de prendre le volant avec les facultés affaiblies responsables de la gravité du crime qu'ils commettent lorsqu'ils le font.
    En ce qui concerne l'alcootest obligatoire, vous avez mentionné l'Australie. Si on regarde la Nouvelle-Galles du Sud, par exemple, cette mesure a été adoptée au moment où il s'agissait en réalité de l'une des premières à s'attaquer à la conduite avec facultés affaiblies. Au Canada, vers cette époque — au début des années 1980 ou à la fin des années 1970 —, nous avons commencé à voir des barrages routiers et des programmes de sobriété au volant — les programmes RIDE. Nous n'avons pas emprunté la voie de l'alcootest obligatoire, mais plutôt celle des alcootests sélectifs. Nous avons observé une réduction très importante du nombre de décès et du nombre de blessures sur nos routes en conséquence de ces mesures.
    On regarde ensuite un État comme Victoria, où les alcootests sont obligatoires, oui, mais des choses comme les autobus d'analyse sont sur la route, où deux ou trois millions de personnes — j'ai vu les chiffres qui l'indiquent — se font arrêter chaque année par ces autobus. Autrement dit, presque tout le monde se fait arrêter. Lorsque nous examinons les chiffres et que nous constatons, disons, qu'il y a une réduction du contexte, les autres mesures qui vont au-delà de l'alcootest obligatoire semblent expliquer en partie pourquoi nous observons ces diminutions. Autrement dit, elles ne sont peut-être pas attribuables aux alcootests obligatoires.
(1920)
    C'est un excellent argument.
    Faites-vous allusion aux changements qui ont été observés en Australie?
    Oui.
    Laissez-vous entendre qu'ils ne sont peut-être pas dus aux alcootests obligatoires?
    Pas entièrement. Encore une fois, il y a l'alcootest obligatoire, puis il y a les autobus d'analyse, des campagnes publicitaires publiques et toute une série de mesures qui ont été adoptées en même temps.
    Oui.
    Il est très vrai que, lorsque nous regardons les effets d'une mesure particulière, comme l'alcootest obligatoire, le changement des limites légales ou les programmes RIDE, il y a d'autres choses qui doivent se produire.
    J'ai dit que les limites légales et les lois non discrétionnaires sont importantes à adopter, mais nous avons également besoin d'éducation. Si vous promulguez une loi, mais que personne n'est au courant, cette loi n'aura vraiment pas l'effet que vous voulez qu'elle ait. Je pense que vous avez raison de dire que d'autres choses doivent se produire pour que les alcootests obligatoires fonctionnent le mieux possible.
    Nous avons un collègue, qui est criminologue en Australie — Ross Homel —, qui a rédigé un chapitre aux fins d'un livre comparant les expériences différentes dans les divers États. Il a indiqué que certains États ont vraiment adopté cette mesure à contrecœur et que peu d'analyses étaient effectuées. D'autres États l'ont mise en œuvre en grande pompe. C'est là qu'on a observé l'effet le plus important; c'est là qu'un grand nombre de personnes sont soumises au dépistage et qu'il y a beaucoup d'éducation. Du point de vue de la dissuasion en général, on a vu que la personne moyenne — vous et moi — se disait: « Diable, les probabilités que je sois détecté sont vraiment élevées. » Il démontre clairement — et je souscrirais à votre opinion à ce sujet — qu'on a besoin de tous ces autres éléments pour obtenir le genre de succès qu'il est possible d'obtenir grâce à une mesure comme l'alcootest obligatoire.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Allez-y, monsieur Ehsassi.
    Je n'ai pas de questions.
    Aimez-vous mieux que M. McKinnon ait la parole maintenant et que vous reveniez plus tard? Vous êtes au bas de la liste cette fois-ci.
    Monsieur McKinnon, êtes-vous d'accord pour continuer?
    Oui, absolument.
    Docteur Brubacher, vous parliez des difficultés liées au fait de reconnaître les conducteurs ayant les facultés affaiblies par la drogue. Vous êtes très à l'aise avec les limites non discrétionnaires prévues par le projet de loi.
    Cela veut-il dire que, pour les experts en reconnaissance de drogues, ce n'est pas un outil efficace? Les agents qui ont des difficultés à reconnaître les conducteurs ayant les facultés affaiblies par la drogue... s'agit-il uniquement d'agents ordinaires, ou est-ce que vous incluez les experts en reconnaissance de drogues également?
    Je crois que les experts en reconnaissance de drogues constituent un outil utile, mais cela concerne davantage les limites non discrétionnaires.
    Laissez-moi répondre à l'autre partie de votre question d'abord. En ce qui a trait à la reconnaissance, ce sont les agents de première ligne qui s'en chargeraient. La seule raison pour laquelle un conducteur serait en contact avec un expert en reconnaissance de drogues, c'est si les agents de première ligne ont des raisons de soupçonner qu'il a les facultés affaiblies par la drogue; autrement, le conducteur n'est pas en contact avec l'expert en reconnaissance de drogues.
    Selon nous, ceux qui n'arrivent pas à identifier les conducteurs ayant les facultés affaiblies par la drogue sont les agents de première ligne. Je pense qu'il y a des degrés d'affaiblissement des capacités, tout comme il y a des degrés d'ivresse. Quelqu'un peut avoir les facultés légèrement affaiblies, suffisamment pour être plus facilement distrait. Sa coordination est peut-être un peu compromise, et le risque de collision est un peu plus élevé, mais ses capacités ne sont pas affaiblies au point où la personne se ferait prendre facilement. C'est un peu comme pour l'alcool, vous n'avez pas besoin d'être incroyablement ivre pour que votre risque de collision augmente. Ce sont les agents de première ligne qui ne détectent pas ces personnes, et les agents de première ligne, selon moi, sont ceux qui devraient se servir des appareils de détection également.
    En ce qui concerne les experts en reconnaissance de drogues, ils ont à coup sûr leur place, et je crois qu'il est possible pour des gens qui ont utilisé de multiples drogues d'avoir les facultés affaiblies tout en étant en dessous des limites non discrétionnaires. Vous voulez être en mesure de détecter cet affaiblissement des capacités, mais le processus est si long et complexe que je pense qu'il fait obstacle à la condamnation d'une personne pour capacités affaiblies. Je crois qu'ils ont leur place, mais ce n'est pas la solution parfaite.
(1925)
    J'ai entendu dire que les consommateurs de longue date de THC et les consommateurs réguliers de THC ne montrent pas de signes d'affaiblissement des capacités aussi apparents que, disons, un nouveau consommateur. Croyez-vous que les limites non discrétionnaires les désavantagent?
    Je pense que les limites non discrétionnaires doivent être choisies avec soin. Je sais, par exemple, qu'un grand consommateur pourrait afficher un faible taux de THC, un nanogramme par millilitre, qui est détectable très longtemps après la dernière consommation. Vous ne voulez certainement pas d'une telle limite qui va attraper tout le monde dans le filet.
    C'est un problème complexe puisque, d'une part, vous ne voulez pas que les niveaux soient si faibles qu'il soit possible de détecter des consommateurs chroniques qui n'ont peut-être pas les capacités affaiblies. D'autre part, contrairement à l'alcool, les niveaux de THC peuvent descendre assez rapidement avec le temps. Il est difficile d'estimer à partir du niveau quatre heures après une collision quel était le niveau au moment de la collision. Vous ne pouvez pas extrapoler comme nous avons appris à le faire avec l'alcool. Si on fixe une limite trop élevée, une personne pourrait avoir les capacités affaiblies au moment de la collision, puis deux heures plus tard, le temps d'obtenir un échantillon de sang et de mesurer le niveau, le niveau est passé sous cette limite. C'est une question d'équilibre.
    D'autres pays ont utilisé une limite légèrement supérieure. La Norvège a fixé sa limite à trois nanogrammes par millilitre. Je continue de penser que, tout compte fait, deux nanogrammes par millilitre est une limite raisonnable. Je devrais peut-être faire une mise en garde et dire que je n'ai pas beaucoup d'expérience pour ce qui est de voir des personnes sous l'influence du cannabis, de mesurer leur niveau et d'étudier l'affaiblissement de leurs capacités. Ce n'est pas ma sphère de recherche. Je me concentre davantage sur la population, j'analyse le risque de collision chez la plupart des conducteurs.
    J'ai un autre commentaire à formuler. Pour employer l'analogie de l'alcool, il y a des gens qui ont les capacités moins affaiblies à un niveau d'alcool plus élevé que d'autres, pourtant, nous avons accepté, tout compte fait, que les personnes dont le taux d'alcool se situe au-delà de 0,08 ne sont pas aptes à conduire, et il est logique d'avoir une telle limite pour l'alcool également.
    Merci.
    Vous pouvez poser une question très courte.
    Monsieur Mann, vous êtes en faveur d'un dépistage obligatoire d'alcool qui consisterait en un barrage routier où tout le monde doit se soumettre au test. Aimeriez-vous voir la même chose pour le dépistage de drogues?
    Il s'agit certainement de quelque chose que vous pourriez proposer. Je pense que cela fonctionne pour l'alcool, et cela fonctionne dans la mesure où c'est appliqué de manière publique. Entre autres choses, cela fonctionne parce qu'une grande portion de la population de conducteurs ont peut-être déjà bu et vécu une situation où ils se sont dit: « Mon Dieu, il y a des policiers. Je vais me faire arrêter et je vais devoir passer un test de dépistage », ou cela pourrait leur arriver à l'avenir. Si cette situation s'applique à la consommation de drogues, bien je pense que c'est peut-être quelque chose que nous pourrions envisager plus tard. Je ne pense pas qu'il y a d'évaluations de ce genre d'approche dans la littérature jusqu'à présent, donc je ne sais pas quels seraient les résultats, contrairement à ce que nous comprenons des effets du dépistage obligatoire d'alcool.
(1930)
    Merci beaucoup.
    Monsieur Rankin.
    J'aimerais m'appuyer sur ce que demandait M. McKinnon aux deux témoins, et leur demander leurs commentaires.
    Le premier point concerne les limites non discrétionnaires. Vous appuyez tous les deux ces limites et vous y croyez. Toutefois, le rapport de novembre 2016 du Groupe de travail sur la légalisation et la réglementation du cannabis a dit ce qui suit:
[…] d’investir dans la recherche pour établir un lien entre les niveaux de THC et le risque d’affaiblissement des facultés et d’accidents, ce qui permettra de soutenir l’établissement d’une limite « per se » fondée sur des données scientifiques. En outre, il sera aussi nécessaire de réaliser des investissements pour appuyer l’élaboration d’outils précis et fiables pour le contrôle routier.
    Je pense qu'il est sage que le projet de loi n'établisse pas dans la loi elle-même la norme comme nous l'avons fait pour l'alcool, ce sera plutôt le règlement qui déterminera, comme nous le comprendrons avec le temps, si la limite doit être de deux nanogrammes, ou cinq ou trois ou peu importe le bon chiffre. Êtes-vous convaincus que les limites non discrétionnaires vont réellement nous dire de manière fiable si les capacités de conduire d'une personne sont affaiblies?
    J'aimerais entendre vos commentaires à tous les deux. Ce sont des limites arbitraires.
    Docteur Brubacher, vous avez souligné le fait que la Norvège utilise une limite très différente. Comment pouvons-nous être certains de faire la bonne chose?
    Docteur Brubacher, je pourrais peut-être vous inviter à commencer.
    Bien sûr. Je ne dirais pas que la Norvège utilise une limite très différente. La limite est de trois, elle se situe entre deux et cinq...
    Pas quatre?
    Bien, oui, c'est dans cette fourchette. Vous avez raison, et nous devons reconnaître que les recherches portant sur le moment où le risque de collision commence à augmenter, le niveau exact où cela se produit, ne sont pas aussi bien établis qu'ils le sont pour l'alcool. Je pense que, selon la plupart des recherches, lorsque vous dépassez cinq nanogrammes, le risque de collision s'intensifie. Nous pouvons également examiner certaines preuves expérimentales montrant que l'affaiblissement des capacités par rapport au niveau de THC — désolé, Bob — mais je pense que M. Mann fait beaucoup plus de recherche à cet égard que moi. Je ne fais pas ce genre de recherche, mais je pense que cela pourrait vous donner plus de précision sur les limites qui devraient être fixées.
    Il n'y aura pas de réponse parfaite, mais je pense qu'il y a suffisamment d'éléments de preuve qui pourraient nous permettre d'établir une limite non discrétionnaire.
    Monsieur Mann, avez-vous quelque chose à ajouter?
    Je suis d'accord avec le Dr Brubacher pour dire que nous disposons de suffisamment d'éléments de preuve, du moins pour commencer, pour établir des limites non discrétionnaires fondées sur la littérature internationale, sur la recherche en laboratoire. D'après les études en laboratoire, je pense que nous connaissons les effets du cannabis sur les fonctions physiologiques et psychologiques de base et que nous arrivons à déceler l'affaiblissement des capacités en laboratoire.
    Nous parlons du cannabis essentiellement, mais bien sûr, l'affaiblissement des capacités pourrait être attribuable à d'autres nouvelles substances psychoactives. Est-il possible que les appareils de détection de la drogue dont nous parlons puissent également tenir compte d'autres types d'affaiblissement des capacités? Je pense aux opioïdes, aux méthamphétamines, à la cocaïne et aux substances semblables. Allons-nous nous attaquer au problème? Si vous croyez aux limites non discrétionnaires, avons-nous des données scientifiques nous permettant d'établir quelles devraient être ces limites?
    Bien, nous en avons. Des données probantes venant de plusieurs sources abordent l'établissement de limites non discrétionnaires. Il s'agit de données probantes venant d'études fondamentales en laboratoire concernant la répercussion de ces drogues sur les aptitudes, des données probantes liées aux effets sur la conduite ou la conduite simulée, puis des études épidémiologiques portant sur l'incidence du fait d'avoir consommé de la drogue sur le risque de collision.
    Il est important de reconnaître que l'élément clé réside dans les études épidémiologiques montrant l'incidence de la drogue sur le risque de collision. Nous savons tous qu'il faut un bon temps de réaction pour conduire de manière sécuritaire. Si le conducteur devant vous ralentit ou s'arrête, vous devez réagir rapidement afin de ralentir également. Si les amphétamines améliorent réellement votre temps de réaction en laboratoire, cela veut-il dire que nous ne devrions pas établir de limite non discrétionnaire pour les amphétamines et peut-être encourager les gens à consommer des amphétamines et à conduire? Non, car lorsque nous regardons les études épidémiologiques, nous voyons que les conducteurs qui ont consommé des amphétamines sont plus susceptibles d'être impliqués dans des collisions.
    Nous avons besoin de cet éventail de données probantes, et ces preuves substantielles existent.
(1935)
    Depuis près de 50 ans, le Comité des analyses d'alcool au Canada examine les instruments d'alcootest. Nous avons le sentiment qu'ils sont très fiables et qu'ils sont approuvés par les communautés juridique et scientifique.
    Toutefois, nous voilà à l'aube d'une nouvelle technologie avec ces nouveaux dispositifs, et nous sommes sur le point de prendre d'importantes décisions en fonction de ce qu'ils nous révèlent. En ce qui concerne le degré de fiabilité de l'équipement, on entend dire qu'il y a de sérieux problèmes lorsqu'il fait froid dans un pays comme le Canada, qu'il y a beaucoup plus de faux positifs que ce à quoi on aurait par ailleurs pu s'attendre.
    Je pense que j'aimerais savoir si vous pensez que le lieu et le moment sont propices pour nous fier à cet équipement plutôt qu'aux anciens tests de sobriété administrés sur place ou certaines variations de ces tests pour nous pencher sur l'affaiblissement des capacités par la drogue.
    Selon moi, nous devrions fournir aux policiers le plus grand nombre d'outils possibles pour appliquer ces lois, et j'inclurais les tests de salive. C'est vrai qu'ils appartiennent à une technologie plus récente que les épreuves de dépistage que nous utilisons pour l'alcool depuis de nombreuses années, mais ils sont utilisés dans d'autres pays depuis 10 ans peut-être maintenant. On les a testés sur le terrain au Canada, et je crois comprendre que les résultats ont démontré que certains convenaient à l'utilisation au Canada.
    Puis-je poser une dernière question, ou est-ce que mon temps est écoulé?
    Votre temps est écoulé, mais vous pouvez poser une très courte question.
    Nous disposons de nombreux différents types de tests. La loi dont nous parlons renvoie à un échantillon de salive ou d'urine. La salive, l'urine, le sang, et même la sueur sont des éléments qui peuvent indiquer la consommation d'alcool. Y en a-t-il un plus fiable que l'autre? Une analyse sanguine est-elle plus fiable qu'une analyse de l'urine, par exemple?
    Bien, une analyse sanguine est considérée comme la référence par excellence. Dans un cas d'accusation ou de condamnation au criminel, je pense que c'est ce qui sera pris en compte. Toutefois, je crois que les tests de salive favoriseront la détection des conducteurs ayant les facultés affaiblies et faciliteront grandement le travail des agents de police.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Ehsassi.
    Ma première question s'adresse à M. Mann.
    Êtes-vous en mesure de nous expliquer s'il y a décalage entre la consommation de cannabis et l'affaiblissement des capacités d'une personne?
    Certaines études laissent croire que c'est le cas.
    Dans notre laboratoire, nous avons examiné le cannabis fumé, et nous avons observé qu'il allait très rapidement dans le sang. Cinq minutes après qu'une personne ait fumé un joint de cannabis, le THC est à son plus haut niveau dans le sang. Il diminue relativement rapidement après cela.
    Lorsqu'on demande à ces personnes si elles sentent les effets de la drogue, nous constatons qu'il y a un léger décalage. Les effets augmentent un peu après cette fenêtre de cinq minutes, puis ils commencent à diminuer dans la demi-heure qui suit environ. Il y a peut-être un léger décalage en ce qui a trait au moment où on ressent les effets de la drogue, et il se pourrait aussi que la drogue ait un effet sur le comportement.
    De quelle façon cela se compare-t-il à la consommation d'alcool? Quels sont les décalages en matière d'alcool?
    En ce qui concerne l'alcool, on constate généralement que les effets sont plus prononcés dans la courbe de concentration du taux d'alcoolémie, et une fois que le taux d'alcoolémie atteint un sommet, les effets dans la courbe descendante au même taux d'alcoolémie sont un peu moins prononcés qu'ils le sont habituellement dans la courbe ascendante.
(1940)
    Merci.
    Je pourrais peut-être poser une question au Dr Brubacher.
    Nous avons entendu il y a une heure un témoignage extrêmement troublant au sujet de la façon dont une entreprise a réalisé une étude interne au cours de laquelle elle a interrogé des jeunes âgés de 18 à 35 ans sur leurs impressions quant à la consommation de drogues au volant. Comme on a pu le constater, 20 % des répondants ont dit qu'ils croyaient que la consommation de cannabis n'avait pas d'incidence sur leurs capacités de conduire ou qu'elle pouvait peut-être même améliorer leurs capacités de conduire.
    Pourriez-vous aborder la question pour le compte rendu?
    Je pense qu'il y a une certaine perception...
    Une perception.
    Oui, que le cannabis n'est pas un gros problème lorsque vient le temps de conduire. Ce n'est pas vrai. Toutes les données probantes montrent que sa consommation augmente le risque de collision; le risque de collision est de près du double chez les consommateurs de cannabis. C'est encore pire si vous en consommez avec de l'alcool. J'imagine qu'une partie de cette perception vient de la comparaison avec l'alcool, alors que nous savons que le risque de collision augmente de manière exponentielle à des niveaux d'alcoolémie élevés. Le cannabis n'est pas aussi nuisible que l'alcool en ce qui concerne l'augmentation du risque de collision, mais il entraîne certainement un risque de collision plus élevé.
    Merci.
    Ce n'est qu'une perception, en effet.
    L'autre aspect également lié aux perceptions tient au fait que certaines personnes croient qu'elles sont parfaitement aptes à conduire parce qu'elles ne sentent pas que leurs capacités sont affaiblies. Qu'avez-vous à dire à cet égard?
    Bien, je crois que l'affaiblissement des capacités peut parfois miner votre jugement, et bien souvent, les gens croient qu'ils sont en état de conduire alors que ce n'est pas le cas. Alors, non, ce n'est pas un bon conseil.
    D'accord.
    Pour terminer, combien de temps durent les effets du THC en réalité?
    Bob serait plus en mesure de vous répondre que moi, mais habituellement, après l'avoir fumé... environ quatre heures de plus que si vous le prenez oralement, donc jusqu'à huit heures, je crois, après la consommation.
    Je vais renvoyer la question à Bob, s'il veut...
    Bien sûr, absolument.
    Monsieur Mann, avez-vous une réponse?
    J'aimerais juste dire rapidement qu'à notre laboratoire, nous constatons que les effets autodéclarés sont comme ceux qu'a décrits Jeff. Environ quatre heures après avoir fumé, la personne voit son sentiment d'euphorie diminuer, et les données reviennent à la normale; le rythme cardiaque revient à la normale, et ainsi de suite.
    Merci de cette information.
    Je remercie nos deux témoins. Encore une fois, votre témoignage a été grandement apprécié. Merci beaucoup de nous appuyer dans le cadre de notre étude du projet de loi.
    J'ai une question pour les membres du Comité. Nous avons une motion concernant la personne à qui on peut distribuer les documents. Puisque M. Rankin remplace M. MacGregor pour une période prolongée, êtes-vous d'accord avec le fait que nous distribuions les documents directement à M. Rankin de la part de la greffière?
    Et à M. Liepert.
    Bien, M. Liepert fera partie du Comité.
    D'accord, bien. En fait-il officiellement partie maintenant?
    Je pense qu'il en fait partie en date d'aujourd'hui.
    C'est magnifique. D'accord, merci.
    Est-ce que tout le monde est d'accord? Excellent.
    Juste pour vous aviser, sachez que demain, à la fin de la réunion, nous allons élire notre nouveau vice-président, donc peut-être que l'opposition officielle pourrait simplement décider qui elle souhaite élire.
    Passez une très belle journée.
    La séance est levée.
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