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FAAE Rapport du Comité

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LE PROGRAMME RELATIF AUX FEMMES, À LA PAIX ET À LA SÉCURITÉ : UNE OCCASION POUR LE CANADA DE DEVENIR UN CHEF DE FILE MONDIAL

INTRODUCTION

A. L’étude du Comité

Le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes (le Comité) a étudié le programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité ainsi que le rôle du Canada en ce qui concerne sa mise en œuvre[1]. Pour la préparation du présent rapport, le Comité a grandement bénéficié des témoignages et des mémoires qui lui ont été présentés ainsi que des documents que lui ont proposés les témoins. Les témoins ont présenté une vaste gamme d’opinions et comptaient, entre autres, des représentants d’Affaires mondiales Canada, du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes, de la Gendarmerie royale du Canada, du Programme des Nations Unies pour le développement, d’ONU Femmes et d’organismes spécialisés non gouvernementaux ainsi que des universitaires et des professionnels.

B. Contexte : Les Nations Unies et les femmes, la paix et la sécurité

Le programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité vise à donner le pouvoir d’agir aux femmes dans les efforts de prévention et de règlement des conflits et de consolidation et de maintien de la paix. Il a été établi au moyen d’une série de résolutions adoptées par le Conseil de sécurité des Nations Unies. La première de celles-ci a été l’historique résolution 1325, adoptée en octobre 2000. Cette résolution – adoptée en grande partie grâce à la mobilisation d’organismes de la société civile – a été le premier instrument international portant exclusivement sur les femmes dans les situations de conflit armé. Elle souligne la manière dont les conflits armés ont un effet particulier – et, souvent, disproportionné – sur les femmes et affirme que la pleine participation des femmes à la prévention, à la gestion et à la résolution des conflits contribue grandement au maintien et à la promotion de la paix et de la sécurité internationales.

La résolution 1325 a été enrichie et élargie par sept résolutions subséquentes du Conseil de sécurité, soit les résolutions 1820 (2008), 1888 (2009), 1889 (2009), 1960 (2010), 2106 (2013), 2122 (2013) et 2242 (2015). Cette série de résolutions a permis l’ajout de dispositions robustes au fil du temps. La résolution 1820, par exemple a fait du viol et d’autres formes de violence sexuelle un crime de guerre, un crime contre l’humanité ainsi qu’un élément constitutif du crime de génocide. Elle exhorte les États membres des Nations Unies à traduire en justice les personnes responsables de ces actes et affirme la volonté du Conseil de sécurité d’imposer des sanctions aux parties prenant part à un conflit qui commettent des actes de viol ou d’autres formes de violence envers les femmes et les filles. La résolution 1889 porte précisément sur le rôle des femmes dans la vie publique au sortir d’un conflit, y compris leur participation aux processus de prise de décisions et à la planification d’après-conflit. La résolution adoptée le plus récemment, soit la résolution 2242, exhorte les Nations Unies et ses États membres à veiller à ce que les femmes soient en mesure de participer à l’élaboration des stratégies de lutte au terrorisme et à l’extrémisme violent.

Bon nombre de ces résolutions ont mis en place de nouveaux mécanismes de contrôle et de reddition de comptes ainsi que des outils (p. ex. des conseillers en matière d’égalité entre les sexes) et des processus (p. ex. des réseaux interagences) institutionnels afin de renforcer la capacité des Nations Unies à satisfaire aux objectifs définis dans les résolutions du Conseil de sécurité relatives aux femmes, à la paix et à la sécurité. Le Secrétaire général des Nations Unies est maintenant tenu, par exemple de faire rapport sur un ensemble défini d’indicateurs des progrès réalisés. Les indicateurs sont regroupés sous quatre catégories d’activités, appelés les quatre « piliers » du programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité : la prévention, la participation, la protection, et le secours et le relèvement[2]. La prévention concerne l’élaboration de stratégies visant à réduire la violence avant l’éclatement des conflits armés, y compris à l’aide de mécanismes d’alerte et de la promotion du renforcement de l’autonomie des femmes et de l’égalité des sexes. La participation vise à s’assurer que les femmes prennent part activement à tous les processus et à toutes les décisions concernant la gestion et la résolution des conflits. Cette participation s’applique à tous les éléments allant de la participation des femmes aux négociations de paix à leur représentation au sein des institutions et des forces de sécurité des Nations Unies. La protection concerne les droits des femmes et des filles, y compris la violence sexuelle liée aux conflits. Enfin, le secours et le relèvement portent sur l’inclusion des femmes à la planification et aux structures de gouvernance au sortir des conflits. Il s’agit aussi de la prestation d’aide humanitaire et de soutien au développement qui promeut l’égalité des sexes.

Bien que plus de 15 années se soient écoulées depuis l’adoption de la résolution 1325, les frustrations s’accentuent en raison des progrès jugés lents et irréguliers. Selon des évaluations menées par les Nations Unies et d’autres entités, les femmes sont toujours très peu représentées dans les processus de négociation et de maintien de la paix. Relativement peu de femmes font partie des missions internationales de soutien de la paix, plus particulièrement dans les rôles de leadership. D’un point de vue systémique, la mise en œuvre du programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité a reçu peu de financement. La reddition de comptes sur la mise en œuvre du programme dépend de la volonté politique, qui fait défaut.

En 2013, le Conseil de sécurité a réclamé la tenue d’une Étude mondiale sur la mise en œuvre de la résolution 1325. L’étude s’est terminée au cours des préparatifs de l’examen de haut niveau des femmes, de la paix et de la sécurité du Conseil de sécurité, tenu en octobre 2015 à l’occasion du 15e anniversaire de l’adoption de la résolution. Dans l’avant-propos de l’Étude mondiale, Phumzile Mlambo-Ngcuka, secrétaire générale adjointe des Nations Unies et directrice exécutive d’ONU Femmes, a décrit ce qu’elle appelle « un écart considérable entre les ambitions » des engagements inscrits dans la résolution 1325 « et le soutien politique et financier apporté dans les faits[3] ».

C. Structure du rapport du Comité

C’est dans le contexte décrit précédemment que le Comité a tenu son étude. Le présent rapport porte donc sur cet « écart considérable ». Il ne se veut pas une recension exhaustive des études sur les femmes, la paix et la sécurité, ni un examen approfondi de chaque institution et programme des Nations Unies qui joue un rôle en rapport à ce programme. Plutôt, le rapport porte sur les principaux écarts de mise en œuvre dont a pris connaissance le Comité. Ainsi, le rapport n’est pas structuré autour des quatre piliers décrits précédemment, et ce choix est délibéré. Les témoignages et les documents présentés au Comité montrent clairement que, si l’on veut apporter des changements profonds, ces piliers doivent être considérés comme interdépendants et indivisibles. Qui plus est, la plupart des enjeux soulevés dans le rapport, notamment la justice, les droits de la personne et l’autonomisation des femmes, touchent l’ensemble du programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité.

Les conclusions qui se dégagent du présent rapport et les recommandations qu’il contient sont ultimement axées sur le Canada. À titre d’État membre des Nations Unies, le Canada joue un rôle important, tant dans l’intégration des dispositions des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité à la politique nationale que dans les actions qu’il pose sur la scène internationale, y compris à New York. L’un des principaux mécanismes d’organisation et de conceptualisation des efforts nationaux est l’élaboration d’un plan d’action. Le gouvernement du Canada en est à la révision et à la mise à jour du plan d’action relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité qu’il a présenté en octobre 2010 et qui a pris fin en mars 2016[4]. Au cours de son étude, le Comité a donc pris soin d’examiner les avenues permettant au gouvernement d’établir un nouveau plan qui comblerait les écarts de mise en œuvre et optimiserait la contribution du Canada à l’atteinte du programme.

Le rapport s’ouvre sur une discussion sur les notions qui sous-tendent le programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité et sur les éléments qui prouvent son importance comme outil de consolidation de la paix. Par la suite, le rapport délaisse les considérations théoriques pour plutôt évaluer la pratique. Cette partie commence par un examen des écarts entre le rendement des Nations Unies et les nombreuses responsabilités qui lui ont été imparties par le Conseil de sécurité au moyen de résolutions. Le rapport cerne ensuite des domaines précis qui, de l’avis du Comité, nécessitent une action et une attention concertées : l’administration de la justice; et l’autonomisation des femmes à titre d’agents de changement, notamment au moyen de soutien politique et financier aux organismes communautaires et aux femmes qui travaillent sur le terrain pour concrétiser le programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité. Enfin, le dernier chapitre du rapport porte sur la nécessité pour le gouvernement du Canada de s’organiser (au moyen d’un nouveau plan d’action ambitieux) afin d’assumer un rôle de leadership sur la scène internationale au chapitre des femmes, de la paix et de la sécurité.

L’IMPORTANCE DES FEMMES, DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ

Pour le commun des mortels, l’expression « femmes, paix et sécurité » n’a probablement pas de sens apparent. De prime abord, elle semble être constituée de trois mots disparates. Même au sein de la communauté des affaires étrangères, il y a tendance à considérer le programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité comme un secteur stratégique isolé ou comme l’expression des intérêts de certains intervenants de la société civile qui participent aux négociations techniques entourant les résolutions présentées aux Nations Unies, à New York.

Comme l’a appris le Comité au fil des audiences sur ce sujet, l’expression « femmes, paix et sécurité » représente, en fait, un programme stratégique cohésif et cohérent. Celui-ci s’appuie sur un concept en deux volets aussi simple qu’il est convaincant. En premier lieu, les femmes ont le droit fondamental de participer à toutes les questions liées à la paix et à la sécurité, des réalités qui, inévitablement, influencent et façonnent leur vie et, trop souvent, la détruisent. En second lieu, les interventions de sécurité et les initiatives de paix entreprises avant, pendant et après un conflit sont plus efficaces, légitimes et durables si les femmes y participent et si l’opinion et l’expertise de ces dernières sont incluses de manière significative et cohérente. Ces trois mots – femmes, paix et sécurité – ne sont donc pas un assemblage d’éléments disparates, mais forment bien un ensemble qui se renforce mutuellement.

Le programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité cadre avec une vaste gamme de domaines stratégiques et a de nombreuses applications. Il vise à donner aux femmes un véritable rôle dans la négociation des cessez-le-feu et des accords de paix, dans l’élaboration et la prestation de l’aide humanitaire, et dans les décisions relatives aux structures de gouvernance et aux plans économiques qui sont adoptés pour aider leur société à se remettre de la guerre. Il vise le recrutement des femmes au sein des missions de maintien de la paix et des forces policières et vise à leur donner l’occasion de décrocher des postes de leadership dans ces organisations. Il vise l’établissement de systèmes judiciaires accessibles et adaptés aux femmes et qui tiennent les agresseurs responsables des crimes sexistes. Enfin, le programme a pour but l’autonomisation des femmes qui aspirent, dans les régions les plus fragiles et les plus turbulentes de la planète, à la paix, aux droits de la personne et à la réconciliation.

Plus généralement, le programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité a pour objectif de s’assurer que tous les États membres des Nations Unies, le Canada compris, sont à la hauteur des visées et des principes du document fondamental de l’organisme international, la Charte des Nations Unies. Au cours du débat sur l’adoption de la résolution 1325 en octobre 2000, le Secrétaire général des Nations Unies de l’époque, Kofi Annan, a déclaré : « La Charte nous dit que l’Organisation a été créée “pour préserver les générations futures du fléau de la guerre”. Elle proclame aussi les droits égaux entre les hommes et les femmes. » Puis, il a ajouté : « Nous devons relever ces deux défis, autrement nous ne réussirons ni face à l’un, ni face à l’autre[5]. »

Bien sûr, les gouvernements et les parlementaires doivent diviser leur attention entre de nombreux programmes concurrentiels dans le domaine surchargé que l’on appelle les affaires internationales. Les idées de politique étrangère les plus solides et qui attirent le plus d’appui sont, en fin de compte, celles qui sont fondées sur une théorie convaincante et qui sont étayées par des preuves. Selon les témoignages et les documents reçus par le Comité, bien que la recherche se poursuive et que le travail de définition des pratiques exemplaires et des normes continue à se faire, le programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité remplit ces deux conditions.

Des témoins ont fait valoir qu’il existe des liens concrets entre la participation des femmes aux efforts de paix et la durabilité, le caractère inclusif et l’efficacité de ces processus. Dès le début de l’étude du Comité, Jacquelyn Wright, vice-présidente, Programme international, CARE Canada, a résumé ces liens :

Les preuves sont claires : la participation des femmes à l’élaboration et à l’application des politiques et des programmes en situation de conflit contribue à réduire la violence et à prévenir les conflits, à atteindre et à maintenir la paix, à améliorer l’efficacité de l’aide humanitaire et du rétablissement, et à protéger les femmes et les filles de la violence fondée sur le sexe[6].

De nombreux témoins ont fait écho à cette opinion. L’Étude mondiale sur la mise en œuvre de la résolution 1325 en faisait également état.

Nahla Valji, chef adjointe, Section de la paix et de la sécurité, ONU Femmes, qui a dirigé le secrétariat de l’Étude mondiale, a cité des exemples concrets du rôle de catalyseur que peuvent jouer les femmes dans les efforts de paix et de sécurité, comme le lien entre le déploiement de femmes parmi les Casques bleus et le nombre de crimes sexistes signalés[7]. Le général Jonathan Vance, chef d’état-major de la défense, a lui aussi souligné la relation entre la participation des femmes aux opérations militaires et leur efficacité. Citant son expérience du commandement des Forces canadiennes en Afghanistan, le général Vance a décrit l’effet remarquable de la présence de femmes au sein des rangs militaires sur la planification et la réussite des opérations. En plus d’accomplir les responsabilités que partage tout le personnel, les femmes militaires, par leur présence, facilitent l’interaction avec toutes les tranches de la population, ce qui permet de mieux comprendre leurs inquiétudes et les dangers auxquels ces populations font face. Au sujet du travail policier effectué au cours des missions des Nations Unies, Barbara Fleury, surintendante principale, conseillère policière, Mission permanente du Canada auprès de l’Organisation des Nations Unies, Gendarmerie royale du Canada (GRC), a elle aussi noté que les agentes déployées dans le cadre des missions « aident à établir une relation de confiance » et « constituent un exemple à suivre[8] ».

Un autre aspect qui démontre des preuves quant à l’importance du programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité concerne la pleine participation des femmes aux processus de paix et aux transitions politiques. Selon Mme Valji, la participation des femmes dans ces processus « accroît la durabilité de la paix de 30 % sur 15 ans[9] ». Selon les recherches citées par Mme Valji, qui sont fondées sur une étude de 40 missions de maintien de la paix, « la participation importante des femmes se traduit par des discussions, la mise en œuvre d’ententes et une paix durable[10] ». Au sujet des raisons qui expliqueraient cette influence, Mme Valji a fait observer que la participation des femmes « permet de représenter plus de personnes concernées » dans le cadre des processus de paix, auxquels ne participaient traditionnellement que les parties touchées directement par les conflits, et de changer la dynamique à la table de négociations de paix[11].

Sur un plan plus général, plusieurs témoins ont cité une recherche ayant démontré la relation entre la sécurité des femmes et la paix qui règne dans les États. L’une des principales auteures de cette étude, Valerie M. Hudson, professeure et titulaire de la chaire George H.W. Bush à la Bush School of Government and Public Service de l’Université Texas A&M, décrit les conclusions comme suit : « [traduction] Le meilleur facteur permettant de prédire la paix dans un État n’est pas la richesse, ni le degré de démocratie ni l’identité ethnoreligieuse; le meilleur facteur permettant de prédire la paix dans un État est la manière dont les femmes y sont traitées[12]. » Selon Jacqueline O’Neill, directrice, Institut pour une sécurité inclusive, cette étude justifie la raison d’être du programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité. À son avis, il faut sensibiliser davantage la population aux véritables objectifs du programme. Comme elle l’a indiqué, le programme ne représente pas des mesures à entreprendre pour les femmes, « pour leur faire plaisir ou parce que nous voulons les protéger; nous le faisons pour le bien de tous[13] ».

Beth Woroniuk, membre du Comité directeur, Réseau Femmes, paix et sécurité –Canada, a fait valoir que, essentiellement, le programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité nous pousse « à repenser complètement la façon dont nous abordons la sécurité et les conflits armés ». Comme l’a argué Mme Woroniuk, s’il existe véritablement un « lien évident » entre la place des femmes et des filles dans la société et la paix qui y règne, les droits des femmes ne devraient pas être considérés « comme un sujet à aborder une fois les questions importantes réglées », mais plutôt comme « un facteur essentiel qui est intimement relié à la prévention et au règlement des conflits[14] ». Randi Davis, directrice, Équipe Genre, Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), a également décrit le lien avec la prévention des conflits et les investissements appuyant l’autonomisation des femmes et des filles. Elle a toutefois fait valoir que les programmes connexes – comme ceux liés aux droits et à la santé reproductifs de femmes, à l’éducation, et à l’autonomisation économique et politique – sont encore « sous-financés ». Il s’agit de secteurs, a indiqué Mme Davis, dans lesquels le Canada détient une expertise[15].

Le Comité a compris que le programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité, par essence, porte sur l’adoption d’une approche aux affaires étrangères, à l’élaboration de la politique de développement et à la sécurité internationale qui a plus de chance de promouvoir la stabilité, le caractère inclusif et l’égalité au sein des sociétés. L’urgence et la nécessité de prendre des mesures en fonction de cette importante conclusion n’ont fait que croître au cours des dernières années. Au moment de l’adoption de la résolution 1325 en 2000, la communauté internationale était aux prises avec les répercussions de plus en plus disproportionnées des conflits armés sur les civils – plus particulièrement sur les femmes et les filles – et avec la fréquence des conflits internes, contrairement aux conflits impliquant les armées conventionnelles de deux États. La complexité de la violence n’a fait que s’exacerber au cours du XXIe siècle. De nombreux conflits n’ont pas de début ni de fin clairement définis ni de zones de combat circonscrites. La plupart des combats sont plutôt caractérisés par une pléthore de groupes armés non étatiques, y compris des réseaux terroristes et criminels, dont peu respectent les fondements du droit international.

Ces nouvelles dynamiques de conflit ont fait rage dans des communautés, ce n’est donc pas une coïncidence qu’il y ait aujourd’hui dans le monde plus de populations déplacées qu’il y en a eu depuis la Deuxième Guerre mondiale. Cependant, ces données absolues ne sont pas le seul aspect complexe du phénomène des déplacements mondiaux. Mme Davis a souligné la nature prolongée des déplacements engendrés par de nombreux conflits contemporains, ce qui, a-t-elle averti, constitue « des obstacles à l’avancement des femmes et des filles dans les collectivités[16] ». À ce chapitre, elle a cité l’exemple de la Syrie. Dans ce pays, plus de deux millions d’enfants ne fréquentent pas l’école, et les mariages précoces sont en hausse. En outre, Mme Davis a noté que, « dans de nombreux pays hôtes, les femmes et les filles syriennes n’ont pas les papiers nécessaires pour accéder aux services ou même travailler[17] ». Ces tendances, qui s’aggravent très rapidement plus le conflit s’intensifie, font s’écrouler des années, et dans les pires cas des décennies, de gains sur le plan du développement. En plus de ces crises immédiates, la communauté internationale doit composer avec de nouveaux facteurs d’instabilité et de déplacement, comme les changements climatiques.

Dans ce contexte d’évolution de la situation de la sécurité internationale, les Nations Unies ont effectué, en 2015, trois examens détaillés de ses institutions, de ses capacités et de ses interventions liées à la paix et à la sécurité : un examen sur le maintien de la paix[18], un examen sur la consolidation de la paix[19] et un examen sur les femmes, la paix et la sécurité (l’Étude mondiale). La montée de l’extrémisme violent est une tendance qui touche tous ces processus, y compris les droits et l’autonomisation des femmes et les rôles variés qu’elles remplissent au cours des conflits[20]. Un certain nombre de groupes extrémistes – y compris l’État islamique en Iraq et au Levant (EIIL) et Boko Haram – appliquent des idéologies fondamentalement brutales et misogynes. La soumission des femmes n’est pas une conséquence accidentelle de leurs activités : dans de nombreux cas, elle s’inscrit au cœur de leurs objectifs.

Selon les témoignages et les documents présentés au Comité, le programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité doit être élargi de manière à comprendre l’extrémisme violent dans son ensemble et à intervenir convenablement. Mme Valji a souligné ce qui suit :

La montée de l’extrémisme violent à laquelle nous assistons indique peut-être plus clairement que toute autre forme de conflit la façon dont l’insécurité et la violence varient en fonction du sexe. Ces groupes extrémistes ciblent les droits fondamentaux des femmes et des filles d’exister, d’être en santé, d’avoir accès à l’éducation et de participer à la vie publique, ainsi que leurs droits relatifs à leur corps. Mais ces groupes utilisent également les stéréotypes sexuels dans leurs efforts de radicalisation et de recrutement et se servent des jeunes filles pour mener des attentats-suicides à la bombe, comme le fait de plus en plus Boko Haram[21].

En outre, Mme Valji a décrit l’extrémisme violent d’un angle qui le relie aux considérations plus générales des liens entre l’égalité des hommes et des femmes et la prévention des conflits (décrites précédemment). Elle a fait valoir au Comité que « l’extrémisme violent […] semble prendre racine plus facilement dans les communautés où il n’y a pas d’égalité entre les sexes ». La radicalisation et le recrutement sont plus faciles, a-t-elle indiqué, dans les contextes « où il n’existe aucun modèle féminin parmi la classe dirigeante politique, aucune mère ou sœur instruite, aucune dirigeante communautaire, etc[22]. »

À voir le grand nombre d’enjeux urgents de politique étrangère concurrents que doivent traiter les parlementaires et les gouvernements, il y a lieu de se demander pourquoi on accorderait la priorité aux femmes, à la paix et à la sécurité et pourquoi le faire maintenant. Le Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, est peut-être celui qui a le mieux articulé la réponse à ces questions au cours du débat ouvert du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité en octobre 2015 : « À l’heure où les groupes extrémistes armés placent la soumission des femmes en tête de liste de leurs priorités, nous devons placer le leadership des femmes et la protection de leurs droits en tête de la nôtre[23]. »

Le Comité est du même avis. Il estime que la protection des droits des femmes et la promotion de l’autonomisation des femmes se doivent d’être des priorités, tant aux Nations Unies qu’au sein de la politique étrangère du Canada. Bien que ce soient des principes qui aient mené à cette conclusion, cette dernière est tout autant alimentée par une évaluation solide des intérêts stratégiques. Les troubles en Syrie nous rappellent chaque jour les conséquences de la désintégration de la société par la guerre. Les millions de personnes déplacées par la violence qui enflamme la Syrie et le rôle que joue ce conflit comme point focal des groupes extrémistes ont eu de profondes répercussions dans la région immédiate, mais aussi partout dans le monde. Nous renforçons nos intérêts nationaux lorsque les sociétés sont en mesure d’éviter l’éclatement de conflits armés, d’enrayer la montée de l’extrémisme et de s’engager sur la voie de la paix et de la prospérité. Le Comité, dans son étude, a pris connaissance de preuves de plus en plus nombreuses que le programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité est un outil essentiel qui permet d’atteindre ces objectifs.

RECOMMANDATION 1

Le gouvernement du Canada devrait faire du programme des femmes, de la paix et de la sécurité une priorité de sa politique étrangère.

COMBLER LES ÉCARTS DE MISE EN ŒUVRE AUX NATIONS UNIES

Les Nations Unies ont un rôle central et essentiel à jouer dans la mise en œuvre du programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité. Ce programme est, après tout, fondé sur les résolutions adoptées par le Conseil de sécurité des Nations Unies. La mise en œuvre commence donc au Conseil de sécurité, soit l’organisme qui est responsable, selon la Charte des Nations Unies, du maintien de la paix et de la sécurité internationale et qui a établi les bases du programme. Le Secrétaire général et de nombreux autres représentants et institutions des Nations Unies ont eux aussi d’importantes responsabilités à assumer, notamment des organismes des Nations Unies ayant une portée mondiale, comme le PNUD et le Département des opérations de maintien de la paix , ainsi qu’ONU Femmes, qui est responsable de la promotion et de la coordination de la reddition de comptes des Nations Unies relativement à l’égalité des sexes et à l’autonomisation des femmes. Ces organismes sont non seulement tenus de respecter les engagements institutionnels des Nations Unies, ils appuient également les pays dans le renforcement de leur capacité nationale en ce qui concerne la mise en œuvre du programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité.

Cependant, comme nous l’avons indiqué en introduction, il existe un « écart considérable » entre les engagements convenus et leur mise en œuvre. Plusieurs examens menés par les Nations Unies démontrent qu’il reste encore beaucoup à faire au sein de l’organisme pour atteindre les objectifs et visées du programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité.

Cette réalité a été réitérée au Comité tout au long des audiences. Les observations de Louise Allen, coordonnatrice exécutive, NGO Working Group on Women, Peace and Security, reflétaient cette opinion. Elle a indiqué au Comité que, malgré les progrès réalisés sur le plan normatif, « la mise en œuvre au siège du Conseil de sécurité de l’ONU, sur le terrain et chez les États membres ne concorde pas avec le soutien en paroles que nous constations chaque année en octobre [lors des débats ouverts annuels du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité[24]]. » L’enjeu fondamental, selon Mme Allen, est que « la mise en œuvre du programme continue à dépendre de l’appui politique de pays individuels, et même parfois de diplomates individuels au sein des missions; il n’est pas employé systématiquement pour traiter la paix, la sécurité et la prévention des conflits à long terme[25] ».

Parmi les nombreux écarts de mise en œuvre au sein des Nations Unies qui doivent être examinés plus en profondeur, le Comité a choisi d’en souligner trois dans son rapport : la coordination et la cohérence institutionnelles à l’échelle des Nations Unies; la représentation des femmes dans les opérations de soutien de la paix; et l’exploitation et la violence sexuelle perpétrées par les Casques bleus.

A. Défis institutionnels aux Nations Unies

Les témoins ont souligné certains défis systémiques et institutionnels qui limitent le rôle des Nations Unies en ce qui concerne la mise en œuvre du programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité. Bon nombre de ces défis découlent de l’inconstance des pratiques et du leadership. La sous-représentation des femmes aux postes de direction du système des Nations Unies, les consultations irrégulières et superficielles auprès de la société civile et les fonds limités affectés à la mise en œuvre du programme sont autant d’exemples d’obstacles.

Au sujet de la représentation des femmes dans les postes des Nations Unies, Anne Marie Goetz, professeure, Center for Global Affairs, Université de New York, a attiré l’attention du Comité sur un article récent dans lequel on indique que, entre le 1er janvier et le 10 décembre 2015, environ 92 % des personnes nommées aux postes de secrétaires généraux adjoints des Nations Unies étaient des hommes[26]. L’Étude mondiale reconnaît la sous-représentation des femmes parmi les postes de leadership – tant au siège des Nations Unies que sur le terrain. Elle indique que, des près de 7 000 membres du personnel international civil affectés aux missions, moins de 30 % sont des femmes. En outre, les femmes n’occupent que 20 % des postes de haute gestion. En ce qui concerne le personnel national – qui constitue la plus grande tranche du personnel affecté aux missions des Nations Unies – la proportion des femmes est encore moins élevée, à 17 %[27]. Pour sa part, Mme Allen a fait valoir que les hauts dirigeants doivent s’attarder à cette question pour accorder la priorité à la nomination de femmes parmi les postes de leadership des Nations Unies et pour éliminer tout obstacle, structurel ou autre, à leur avancement professionnel[28].

RECOMMANDATION 2

Le gouvernement du Canada devrait présenter et appuyer la candidature d'un plus grand nombre de femmes à des postes supérieurs des Nations Unies, jusqu'à et y compris celui de Secrétaire général.

En outre, le Comité a appris que le mandat des opérations de maintien de la paix et des missions politiques des Nations Unies n’aborde pas les questions liées aux femmes, à la paix et à la sécurité d’une manière cohérente ou satisfaisante. Mme Allen a indiqué que seulement 4 des 13 opérations de maintien de la paix des Nations Unies dont le mandat a été renouvelé en 2015 « abordaient les questions liées aux sexes comme un enjeu intersectoriel. » Elle a également noté que seulement 40 % des résolutions du Conseil de sécurité et des déclarations présidentielles en réaction à une crise précise « comportaient des éléments liés aux femmes, à la paix et à la sécurité ou à tout examen lié au sexe[29] ». Mme Allen a fait valoir que la promotion de la participation des femmes et de la mobilisation des organisations de femmes devrait être ajoutée dans les mandats de tous les représentants spéciaux du Secrétaire général des Nations Unies, des envoyés principaux, des médiateurs et des commandants.

En règle générale, on a noté que l’irrégularité de la participation des Nations Unies auprès de la société civile constitue un écart dans la mise en œuvre par les Nations Unies des résolutions relatives aux femmes, à la paix et à la sécurité. Par exemple Mme Allen a noté que, dans la résolution 2242, le Conseil de sécurité manifestait son intention d’inviter la société civile, y compris des organismes de femmes, à venir renseigner celui-ci sur des considérations et des thèmes propres à certains pays en ce qui concerne les femmes, la paix et la sécurité. Cependant, « [l]e Conseil de sécurité n’a toujours rien fait pour remplir cet engagement[30] ». Mme Allen a souligné que le soutien offert aux représentantes de la société civile au cours des débats ouverts sur les femmes, la paix et la sécurité du Conseil de sécurité « ne suffit pas ». Selon elle, la mobilisation de la société civile devrait être incluse dans les mécanismes des Nations Unies et dans les opérations de paix, y compris dans les échelons de direction des missions sur le terrain. Elle estime que la sensibilisation auprès de la société civile devrait se « retrouve[r] dans les rapports de mise en œuvre des missions et les séances d’information à l’intention du Conseil de sécurité[31] ».

La question des ressources et du financement offerts au sein du système des Nations Unies en ce qui concerne les efforts déployés pour les femmes, la paix et la sécurité a aussi été abordée. Cela signifie des ressources adéquates à ONU Femmes, mais aussi la nécessité d’inclure au sein de l’ensemble du système de l’ONU des ressources réservées aux spécialistes et aux conseillers du domaine de l’égalité des sexes. Mme Allen a fait valoir que « [n]ous savons qu’ONU Femmes manque de ressources, en particulier en ce qui a trait au programme sur les femmes, la paix et la sécurité[32]. » Ce problème touche également l’expertise en matière d’égalité des sexes dans le Département des opérations de maintien de la paix et le Département des affaires politiques, qui sont beaucoup plus vastes. Selon Mme Allen, les ressources consacrées à l’expertise en matière d’égalité des sexes aux Nations Unies « ne sont pas uniformes » et elle a encouragé les États membres qui siègent au comité du budget des Nations Unies à veiller à ce que cette expertise soit présente dans l’ensemble des Nations Unies et dans les missions sur le terrain. À l’heure actuelle, selon Mme Allen, « les budgets centraux ne prévoient pratiquement jamais de fonds pour les spécialistes des questions hommes-femmes[33] ».

Le financement constitue également un enjeu dans les programmes offerts par les Nations Unies. En 2010, le Secrétaire général des Nations Unies a fixé comme objectif d’attribuer 15 % des fonds de consolidation de la paix à des projets visant principalement à répondre aux besoins spécifiques des femmes et à garantir l’égalité entre les sexes. À ce jour, cet objectif n’a jamais été atteint. Le Secrétaire général a invité « toutes les entités pertinentes du système des Nations Unies à assurer qu’à l’horizon 2020 cet objectif sera non seulement atteint, mais dépassé[34] ».

B. La représentation des femmes dans les opérations de soutien de la paix

L’un des écarts les plus criants de la mise en œuvre par les Nations Unies du programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité est le pourcentage extrêmement bas de femmes militaires déployées dans les opérations de maintien de la paix des Nations Unies. Selon l’Étude mondiale, au mois de juillet 2015, seulement 3 % du personnel militaire affecté aux missions des Nations Unies étaient des femmes, et la majorité de celles-ci occupaient des postes de soutien[35]. En août 2016, cette proportion se situait à 3,4 %[36]. Fait inquiétant, ce pourcentage n’a pas augmenté de manière considérable depuis 2011. En fait, on n’a enregistré qu’une minime amélioration depuis 1993, où les femmes représentaient 1 % du personnel militaire. Peu de progrès ont été réalisés malgré les demandes répétées du Conseil de sécurité pour régler le problème du recrutement des femmes.[37]

La situation est aussi problématique, quoique dans un degré moins inquiétant, pour les volets policiers des missions de maintien de la paix des Nations Unies. En 2009, les Nations Unies ont lancé une campagne afin de faire grimper la proportion des femmes au sein des forces policières des Nations Unies à 20 % avant 2014. Cet objectif n’a pas été atteint. Bien que les femmes représentaient près de 16 % des agents de police recrutés en date du mois d’août 2016, les femmes ne constituaient que 6,4 % des unités policières des Nations Unies[38].

Tel que mentionné au chapitre précédent, le déploiement de femmes au sein des opérations militaires et policières peut avoir un effet positif sur la conduite et l’efficacité générales des missions. L’une des raisons expliquant la faible proportion de femmes au sein des missions de soutien de la paix des Nations Unies est que les États membres n’ont pas recruté suffisamment de femmes dans leurs forces propres nationales ou ne leur fournissent pas suffisamment de formation ou d’occasions de déploiement. Les Nations Unies peuvent encourager la participation accrue des femmes aux opérations de paix, mais la responsabilité du déploiement du personnel revient aux États membres.

Le Comité a appris que le Canada a fait des progrès en ce qui concerne l’augmentation du nombre de femmes affectées aux opérations de paix des Nations Unies. La surintendante principale Fleury a fait valoir que la GRC a dépassé l’objectif des Nations Unies selon lequel les femmes doivent représenter 20 % du personnel policier déployé. En avril 2016, environ 25 % des agents de police canadiens déployés au sein des opérations policières internationales de paix et de maintien de la paix étaient des femmes[39]. (À l’échelle nationale, la GRC s’est fixé comme objectif que les femmes représentent 30 % de ses agents d’ici 2025[40].) Des mesures précises ont été prises pour orienter le recrutement et ainsi atteindre cet objectif. La surintendante principale Fleury a indiqué que, « dans tous les bulletins de possibilités d’emploi publiés pour [l]es opérations [de paix], on invite les femmes à poser leur candidature, et des candidates ont été sélectionnées dans tous les cas où des candidats des deux sexes également compétents se présentaient[41] ». Malgré ces mesures, Mme Fleury a rappelé au Comité que la réalité ne se limite pas à des nombres absolus et que ceux‑ci ne sont pas garants d’un réel changement. Elle a expliqué que « [n]ous devons également axer nos efforts sur les postes et les rôles et l’importance de ce que font ces gens[42] ».

Bien que cette mesure ne s’applique pas uniquement au contexte du maintien de la paix par les Nations Unies, le général Vance a donné à son personnel la directive de « recourir à des mesures de maintien en poste de recrutement pour augmenter le nombre de femmes dans les Forces armées canadiennes [FAC[43]] ». Selon les statistiques actuelles, la proportion de femmes au sein des FAC, force régulière et première réserve combinées, s’élève à environ 15 %[44]. Le général Vance a informé le Comité qu’il s’est fixé pour objectif d’augmenter le pourcentage de femmes dans les rangs des FAC de 1 % par année jusqu’à ce que la proportion atteigne 25 %. Bien que l’on n’ait pas fourni au Comité des données récentes, le rapport d’étape de 2013-2014 sur la mise en œuvre du plan d’action du Canada sur les femmes, la paix et la sécurité montre qu’en date du 31 mars 2014, 13,4 % du personnel des FAC déployé au sein des opérations internationales de paix étaient des femmes[45].

Bien que le déploiement de troupes et d’agents de police revienne d’abord aux États membres, le Comité a appris que les Nations Unies pourraient prendre davantage de mesures afin de faire du recrutement des femmes une priorité. Mme Allen, par exemple a indiqué qu’« [i]l faut adopter une stratégie détaillée réunissant les organes de l’ONU et les pays qui fournissent des soldats et des services de police pour examiner les obstacles structurels et aux voies d’information directes qui nuisent au recrutement et à l’avancement professionnel des femmes[46] ».

Certains témoins ont proposé l’établissement de mesures incitatives pour les États qui fournissent des troupes et des agents de police de manière à renforcer la représentation des femmes dans les opérations internationales. Mme Goetz a décrit une proposition d’ONU Femmes présentée en 2015, laquelle prévoyait d’offrir « des avantages financiers » aux pays qui fournissent des troupes afin de les encourager à déployer un plus grand nombre de femmes[47]. Mme Sanam Naraghi-Anderlini, cofondatrice et directrice générale, International Civil Society Action Network, a proposé une autre solution, celle-ci concernant la sélection prioritaire des contingents de Casques bleus. Selon elle, « on dispose d’une certaine marge de manœuvre au plan des mesures d’incitation à l’intention des pays dont les contingents atteindraient une proportion de 20 à 30 % de femmes[48] ».

La notion des mesures incitatives recueille de plus en plus de soutien aux Nations Unies. Dans la résolution 2242, le Conseil de sécurité a manifesté son appui aux « efforts faits pour encourager l’augmentation du nombre de femmes dans les composantes militaire et de police déployées auprès des opérations de maintien de la paix des Nations Unies ». En outre, elle demande au Secrétaire général de l’ONU et aux États membres d’élaborer une stratégie de manière à doubler le nombre de femmes dans les contingents militaires et les effectifs de police des opérations de maintien de la paix des Nations Unies d’ici 2020[49].

Le Comité est d’avis qu’une stratégie de la sorte doit être conçue et mise en œuvre sans délai ni hésitation. Il est clairement prouvé qu’une plus grande présence de femmes au sein des forces de sécurité augmente la qualité, la crédibilité, le caractère inclusif et l’efficacité de ces forces. À l’heure actuelle, le nombre de femmes déployées dans les opérations de soutien de la paix des Nations Unies est, à n’en pas douter, insuffisant.

Compte tenu des efforts déployés au sein des Forces armées canadiennes et de la GRC pour recruter et maintenir en poste un plus grand nombre de femmes et pour veiller à ce qu’elles aient accès aux postes de direction, le Comité estime également que le Canada peut être un leader au sein des Nations Unies au chapitre du recrutement des femmes. À cet égard, la capacité du Canada à conserver ce rôle de modèle dépendra de son propre rendement. Le Comité serait heureux qu’on l’informe des progrès réalisés par les FAC pour atteindre l’objectif de 25 % de représentation.

De plus, bien que le Comité soit intéressé par les mesures incitatives visant les pays qui fournissent des troupes et des agents de police, il est enclin à préférer les solutions structurées de manière à récompenser les pays qui ont un bon rendement plutôt que celles visant à leur offrir des subventions. Veiller à ce que les femmes participent pleinement aux institutions et aux forces de sécurité constitue, après tout, l’un des principaux objectifs du programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité. Par conséquent, cet objectif ne devrait jamais être considéré comme secondaire ni comme relevant des préoccupations ou de la responsabilité de quelques États membres. Il revient à tous les pays qui déploient des troupes et des agents de police dans les opérations des Nations Unies de s’assurer qu’ils respectent ces objectifs.

RECOMMANDATION 3

Le gouvernement du Canada devrait déployer des efforts au sein des Nations Unies et auprès des États qui fournissent des troupes – et des services de police – afin d’élaborer une stratégie concrète assortie d’échéances qui aurait pour résultat d’augmenter considérablement le nombre de femmes déployées dans le cadre des opérations de soutien de la paix des Nations Unies.

C. Exploitation et atteintes sexuelles perpétrées par les Casques bleus

La dernière préoccupation soulevée à de nombreuses reprises au cours des audiences du Comité, très inquiétante, porte sur le comportement de certains membres du personnel déployé dans le cadre des opérations de soutien de la paix des Nations Unies. De récents scandales impliquant des cas d’exploitation et d’atteintes sexuelles ont miné la crédibilité des missions de maintien de la paix des Nations Unies ainsi que la capacité des troupes de mettre en œuvre les mandats qui leur sont imposés, à savoir la protection des civils, notamment des femmes et des filles. Nonobstant la politique « tolérance zéro » du Secrétaire général des Nations Unies, le Comité a pris connaissance de cas troublants d’exploitation et d’atteintes sexuelles impliquant des Casques bleus. Ce problème touche non seulement la mise en œuvre par les Nations Unies du programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité, il soulève également des questions plus générales sur la nécessité d’adopter des réformes à l’architecture du maintien de la paix des Nations Unies.

Au cours des deux dernières années et demi, on a recensé plusieurs allégations d’exploitation et d’atteintes sexuelles perpétrées par des troupes internationales en République centrafricaine. Les premières allégations, survenues au début de l’année 2014, mettaient en cause des Casques bleus provenant de l’armée française relevant du Conseil de sécurité, mais non du commandement des Nations Unies[50]. Depuis, de nouvelles allégations d’exploitation et d’atteintes sexuelles ont vu le jour, impliquant cette fois des troupes de la République du Congo et de la République démocratique du Congo déployées dans le cadre de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine[51].

Le Secrétaire général a nommé un groupe indépendant pour qu’il examine la réponse des Nations Unies aux graves allégations – qui comprenaient des viols d’enfants – dans le contexte de la mission en République centrafricaine. Ce groupe, dirigé par Marie Deschamps, ancienne juge de la Cour suprême du Canada, a produit en décembre 2015 un rapport cinglant. Ce dernier a conclu que la réponse des Nations Unies aux allégations comprenait « de graves lacunes ». La réaction des Nations Unies, selon le rapport, « a été parcellaire et marquée par les lourdeurs administratives, et n’a pas satisfait aux exigences du mandat fondamental de l’ONU, qui est de lutter contre les violations des droits de l’homme[52] ».

Le 16 février 2016, le Secrétaire général a fait rapport au Conseil de sécurité des mesures prises afin d’améliorer la prévention de l’exploitation et des atteintes sexuelles[53]. Selon le rapport, qui porte sur les allégations présentées entre le 1er janvier et le 31 décembre 2015, 99 nouvelles allégations ont été reçues aux bureaux du Secrétariat des Nations Unies et dans différents organismes, fonds et programmes des Nations Unies en 2015, comparativement à 80 allégations de même type en 2014[54]. De ces allégations, 69 ont été signalées au sein de missions du maintien de la paix. Près de 55 % des allégations impliquant des Casques bleus en 2015 visaient deux missions de maintien de la paix en particulier : la mission en République centrafricaine et la mission en République démocratique du Congo. En outre, du nombre total d’allégations en provenance de missions de maintien de la paix signalées en 2015, 55 % « concernaient des formes particulièrement graves d’exploitation et d’atteintes sexuelles », notamment « 23 [cas d’]actes sexuels avec une personne mineure[55] ». Au 31 janvier 2016, 17 des 69 allégations reçues avaient fait l’objet d’une enquête par les Nations Unies ou par les pays fournisseurs de troupes[56]. Au début du mois de février 2016, le Secrétaire général a nommé une coordonnatrice spéciale responsable d’améliorer les mesures des Nations Unies en cas d’exploitation ou d’atteintes sexuelles.

De nombreux témoins se sont dits alarmés et outrés par ces allégations et les constats de rapports cités plus haut. En parallèle, on a dit au Comité que les États membres assument la responsabilité de la prévention des inconduites sexuelles et des enquêtes sur ces cas. Jacqueline Hansen, responsable des campagnes principales et directrice de campagne pour les droits des femmes, Amnistie internationale Canada, a indiqué que les États membres des Nations Unies devraient s’assurer que toute allégation d’inconduite par les Casques bleus fait « rapidement [l’objet d’]une enquête exhaustive et impartiale dans le pays concerné et que l’on assure que les auteurs des crimes soient tenus de rendre des comptes[57] ». D’autres mesures sont nécessaires pour améliorer les procédures de sélection et de reddition de comptes.

Plusieurs témoins ont recommandé que le Canada réclame activement et fermement la reddition de comptes et l’adoption de réformes au sein de l’ONU. Sarah Taylor, responsable de plaidoyer sur les questions de paix et de sécurité, Division des droits des femmes, Human Rights Watch, a déclaré que le Canada devrait collaborer avec d’autres gouvernements pour « réclamer que l’on procède à une grande réforme afin de renforcer les mécanismes de reddition de comptes, de s’assurer qu’il y a des politiques claires et de la formation dans ce secteur et de mettre en place des mécanismes d’enquête indépendants afin d’offrir des recours judiciaires aux victimes de ces crimes ». Essentiellement, Mme Taylor a souligné qu’il est nécessaire d’accorder la priorité « à la sécurité et au bien-être des survivants[58] ». Mme Allen a fait écho à ce commentaire, soulignant certaines « pratiques exemplaires, comme maintenir la confidentialité des victimes, minimiser le traumatisme répété de multiples entrevues et assurer un accès rapide à des soins médicaux et psychologiques[59] ».

Une question centrale de l’imposition de sanctions pour les atteintes perpétrées demeure. Selon Mme O’Neill, « [l]e Canada doit être un précurseur et doit affirmer haut et fort que les gens doivent être traduits en justice lorsqu’ils reviennent au pays ». Comme elle l’a souligné, « [l]a perte d’un emploi au sein d’une mission internationale ne suffit pas[60] ».

Les représentants du gouvernement du Canada qui ont comparu devant le Comité ont indiqué que le Canada vise à s’attaquer à l’exploitation et aux atteintes sexuelles perpétrées dans le cadre des opérations des Nations Unies. Tamara Guttman, directrice générale, Groupe de travail pour la stabilisation et la reconstruction, ministère des Affaires mondiales, a informé le Comité que le Canada favorise « la transparence accrue dans le traitement des cas d’exploitation et de violence sexuelles », et exhorte « les militaires et les policiers canadiens à respecter leur obligation d’enquête sur les cas de mauvaise conduite[61] ».

En ce qui concerne le comportement des militaires et des agents de police canadiens, la surintendante principale Fleury a affirmé que le « Canada prend extrêmement au sérieux toutes les allégations d’exploitation et de violence sexuelles, entre autres inconduites commises dans les missions de paix[62] ». Elle a fait valoir au Comité que la GRC a mis en place, à l’intention des agents de police qui seront déployés, des modules de formation en ligne obligatoires qui doivent être terminés avant la tenue de la formation préparatoire en vue de leur déploiement. Ces modules portent sur plusieurs sujets, notamment sur les femmes, la paix et la sécurité ainsi que sur l’exploitation et la violence sexuelles. Au cours de la formation préparatoire à Ottawa, la GRC offre également une séance « où l’on traite, dans le contexte de la mission à venir, des incidences différentes d’un conflit sur les femmes et les jeunes filles, de violence sexuelle et fondée sur le sexe, ainsi que de sensibilisation culturelle, de déontologie et d’éthique[63] ».

En ce qui concerne les Forces armées canadiennes, le rapport d’étape de 2013‑2014 du gouvernement sur le plan d’action national du Canada indique que tout le personnel des FAC déployé à l’étranger reçoit une formation sur les droits de la personne, les codes de déontologie et la sensibilisation culturelle, trois volets qui traitent des questions liées au sexe et de la protection des femmes et des filles[64]. En outre, le rapport d’étape indique que les FAC sont dotées de politiques de prévention de la violence basée sur le sexe, de l’exploitation et de la violence sexuelles qui s’appliquent à tous les membres des FAC, en tout temps.

Au sujet des mesures que pourrait prendre le Canada pour mieux régler le problème d’exploitation et de violence sexuelles dans les missions des Nations Unies, le général Vance a clairement répondu ce qui suit :

Nous pouvons prodiguer de la formation et du soutien aux contingents des pays chargés de mission par les Nations Unies [...]
Nous pouvons suggérer de nouvelles idées sur la manière de mener les activités de maintien de la paix afin de prévenir et d’éliminer les occasions de dérapage.
Nous pouvons aussi offrir du mentorat. Il nous est possible d’être sur le terrain, en compagnie de contingents des Nations Unies, pour réduire à zéro les cas d’inconduite sexuelle. Cela peut se faire[65].

Le Comité estime lui aussi que l’objectif ultime de la politique « tolérance zéro » des Nations Unies doit être l’absence totale de cas d’inconduite sexuelle. L’exploitation et la violence sexuelles sont absolument inacceptables et minent la crédibilité et l’efficacité des opérations de maintien de la paix des Nations Unies ainsi que l’organisation dans son ensemble. Le Canada et les autres États membres doivent prendre des mesures concertées et faire preuve de leadership pour améliorer les procédures et les pratiques de formation, de sélection, d’enquête et de reddition de comptes des Nations Unies. Dans tous ces efforts, la transparence doit être absolue. En outre, le Comité estime que le Canada, dans ses mesures auprès des Nations Unies, devrait tirer profit au maximum de son poids en tant que l’un des principaux collaborateurs financiers aux efforts de maintien de la paix des Nations Unies (il se classe au 9e rang mondial)[66]. Compte tenu des grandes ramifications de ces enjeux, le Comité estime que le Canada doit jouer un rôle considérable dans le renforcement des mesures que prennent les Nations Unies concernant l’exploitation et la violence sexuelles, non seulement au moyen du leadership politique, mais aussi par l’intermédiaire de son expertise professionnelle qu’il peut offrir dans le secteur de la sécurité.

RECOMMANDATION 4

Au sein des Nations Unies, le gouvernement du Canada devrait insister pour que le respect de la politique de « tolérance zéro » du Secrétaire général des Nations Unies sur l’exploitation et la violence sexuelles devienne une exigence pour tous les pays qui fournissent des troupes et des services de police aux fins des opérations de soutien de la paix des Nations Unies, et également insister sur la transparence complète et la production régulière de rapports concernant les allégations d'exploitation et de violence sexuelles, ainsi que sur des mesures robustes de reddition de comptes à cet égard, incluant des poursuites.

RECOMMANDATION 5

Le gouvernement du Canada devrait travailler avec les Nations Unies à améliorer la formation préalable au déploiement et en cours de mission qui est offerte aux Casques bleus relativement aux femmes, à la paix et à la sécurité, de même que la prévention de l'exploitation et de la violence sexuelles et des enquêtes à cet égard.

RECOMMANDATION 6

Le gouvernement du Canada devrait s'assurer que des formations compréhensives relatives aux femmes, à la paix et à la sécurité soient offertes au personnel des Forces armées canadiennes, de la Gendarmerie royale du Canada et d'Affaires mondiales Canada avant et durant les opérations internationales de soutien de la paix.

LA PROMOTION DES DROITS, DE LA JUSTICE ET DE LA DIGNITÉ

Le chapitre précédent portait sur les principaux obstacles à la mise en œuvre du programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité, notamment sur les responsabilités des institutions des Nations Unies. Les résolutions du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité reposent toutes sur les droits fondamentaux des femmes. Comme le montrera le présent chapitre, par contre, ces droits ne sont pas respectés pour de nombreuses femmes qui habitent, ou qui fuient, des pays déchirés par les conflits ou qui en sortent. La violence sexuelle et fondée sur le sexe est un élément omniprésent et brutal des conflits au XXIe siècle, un phénomène qui s’exacerbe par la montée des groupes qui épousent des idéologies d’extrémisme violent. Les mécanismes judiciaires nationaux peinent, dans la plupart des cas, à mener des enquêtes et à intenter des poursuites pour ces crimes et à répondre aux besoins des survivants.

Bien que ces efforts soient ancrés par les résolutions du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité, ils s’inscrivent toutefois dans le contexte général des Nations Unies. En 2015, les États membres ont adopté un cadre ambitieux et vaste visant à orienter les efforts de développement de tous les États au cours des prochaines 15 années. En plus de fixer un objectif précis sur l’équité entre les sexes et l’autonomisation des femmes et des filles, le Programme de développement durable à l’horizon 2030 vise la promotion de la paix et de l’inclusivité dans les sociétés. Pour atteindre cet objectif, il faudra déployer des efforts ciblés et constants pour protéger les femmes et les filles de toutes les formes de violence, au cours des conflits et au sortir de ceux-ci. Il sera également essentiel que les mécanismes nationaux puissent rendre justice aux survivants.

A. Le cadre

Un cadre juridique et normatif international robuste a été mis sur pied afin d’enrayer la violence sexuelle liée au conflit. Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) définit les circonstances dans lesquelles la violence sexuelle est considérée comme un acte criminel international. Lorsqu’ils sont « commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systémique contre toute population civile », le viol, l’esclavage sexuel, la prostitution forcée, la grossesse forcée, la stérilisation forcée « ou toute autre forme de violence sexuelle de gravité comparable » constitue un crime contre l’humanité; les auteurs de ces violences sont donc pénalement responsables et peuvent être punis[67]. En outre, la violence sexuelle est considérée comme un crime de guerre conformément au Statut de Rome, aux Conventions de Genève de 1949 et leurs protocoles additionnels de 1977. Une jurisprudence considérable sur la violence sexuelle a également été constituée par le Tribunal pénal international pour le Rwanda et le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie.

Le Conseil de sécurité des Nations Unies a explicitement reconnu que la violence sexuelle constitue un objet de préoccupation international du point de vue de la paix et de la sécurité. La résolution 1820, adoptée par le Conseil de sécurité en 2008, souligne que la violence sexuelle utilisée comme tactique ou attaque systémique contre des civils « peut exacerber considérablement tout conflit armé et faire obstacle au rétablissement de la paix et de la sécurité internationales ». La résolution exige que l’on mette fin à ces actes de violence et que des mesures soient immédiatement prises par toutes les parties à des conflits pour protéger les femmes et les filles. De plus, la résolution 1820 souligne qu’il est nécessaire d’exclure les crimes de violence sexuelle des mesures d’amnistie au cours des négociations de paix. Elle exhorte les États membres des Nations Unies à respecter leur obligation de traduire en justice les personnes responsables de ces actes de violence et, parallèlement, d’assurer l’accès équitable des victimes à la justice. Comme l’indique la résolution 1820, les efforts pour mettre un terme à l’impunité doivent s’inscrire dans « le cadre d’une logique générale de quête de paix durable, de justice, de vérité et de réconciliation nationale[68] ».

Au moment où le Comité entamait ses audiences sur les femmes, la paix et la sécurité, une nouvelle étape a été atteinte dans l’application de l’interdiction légale internationale sur la violence sexuelle liée aux conflits. Le 21 mars 2016, la CPI a déclaré à l’unanimité que Jean-Pierre Bemba Gombo, ancien vice-président de la République démocratique du Congo, était coupable de crime contre l’humanité et de crimes de guerre, y compris des crimes liés au viol. Les actes criminels ont été perpétrés par un contingent de rebelles du Mouvement de Libération du Congo (MLC) actif en République centrafricaine d’octobre 2002 à mars 2003. La Cour a conclu que M. Bemba « faisait effectivement fonction de chef militaire et exerçait une autorité et un contrôle effectifs sur les forces du MLC qui ont commis ces crimes ». Il avait conscience que ces crimes étaient perpétrés et n’a pas pris les mesures qui s’imposaient. La Cour a donc conclu que M. Bemba est pénalement responsable des meurtres, des viols et du pillage commis par ses subordonnés, les forces du MLC. Dans son examen des circonstances, la Cour a également déterminé que « [l]es multiples vols et meurtres commis par les soldats du MLC constituaient une ligne de conduite et n’étaient pas de simples actes isolés ou fortuits ». La population civile « était la cible première, et non pas incidente, de l’attaque[69] ».

Cette affaire est le premier cas où la CPI a traité de la violence sexuelle et fondée sur le sexe comme arme de guerre et la question de la responsabilité du supérieur d’après l’angle de ce type de crimes[70]. De nombreuses victimes, soit plus de 5 000, « [traduction] ont eu le droit de participer aux délibérations[71] ». Le 21 juin 2016, M. Bemba a été condamné à une peine d’emprisonnement de 18 ans, la plus longue sentence d’emprisonnement imposée par la CPI. La défense et le procureur ont tous deux interjeté appel de la décision, réclamant une peine plus courte et plus longue respectivement[72].

Malgré sa grande importance juridique et symbolique, l’affaire Bemba ne constitue qu’une seule déclaration de culpabilité par la CPI. Lors de son témoignage devant le Comité, Mme Taylor a indiqué que le verdict de culpabilité dans l’affaire Bemba « a été une victoire pour les victimes de violence sexuelle et un avertissement musclé pour les commandants supérieurs qui ferment les yeux pendant que leurs troupes violent des femmes et commettent d’autres atrocités ». Par ailleurs, Mme Taylor a souligné que « la grande majorité des agresseurs demeurent impunis[73] ».

B. Les dangers constants pour les femmes dans les États touchés par un conflit

Il ne fait aucun doute qu’il faut resserrer l’intolérance pour l’impunité pour s’assurer que les protections garanties aux millions de femmes et filles par le cadre juridique et normatif décrit précédemment soient respectées dans les régions où les besoins pour le programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité sont les plus grands. Dans son plus récent rapport au Conseil de sécurité concernant la violence sexuelle liée aux conflits, le Secrétaire général des Nations Unies a décrit la situation périlleuse dans laquelle se trouvent les femmes au cours des conflits. Il a constaté avec inquiétude que « les viols à grande échelle continuent d’être commis en toute impunité alors même que cette question figure au premier rang des priorités du Conseil de sécurité depuis près de 10 ans[74] ». À ce sujet, il a mentionné les cas de la République démocratique du Congo, du Soudan du Sud et du Soudan tout en notant les « violences sexuelles généralisées et systématiques » en Syrie et dans les régions de l’Iraq contrôlées par l’EIIL. Dans ce contexte, le Secrétaire général a également fait état de la relation troublante entre la violence sexuelle et les groupes extrémistes violents qui se sont métastasés dans certaines zones de conflits contemporains et qui ciblent les femmes d’une manière « mûrement réfléchie, systématique et stratégique[75] ». Au cours de sa présentation au Comité, Mme Davis a souligné qu’il est important de reconnaître que la violence sexuelle est employée par des groupes comme l’EIIL et Boko Haram « comme tactique délibérée et centrale pour réprimer les populations et détruire les fondements sociaux nécessaires à tout redressement[76] ».

Au cours de l’étude du Comité, on a souligné la grave situation à laquelle sont confrontées les femmes en Iraq. L’essor de l’EIIL dans des régions du Nord et de l’Ouest de l’Iraq ont fait renaître des horreurs comme l’esclavage. Toutefois, comme l’a indiqué Gulie Khalaf, représentante de Yezidis Human Rights, les crimes de l’EIIL envers les femmes ne se font pas dans le secret. En fait, le groupe, dont les agissements s’opposent entièrement à la dignité humaine fondamentale et, à plus forte raison, au droit international, fait effrontément la promotion de ses crimes. Les droits de la personne dans les zones sous le contrôle de l’EIIL sont tout simplement absents. Mme Khalaf a rappelé au Comité que l’EIIL « viole et torture les femmes et les réduit en esclavage », des crimes dont il se vante « sur les médias sociaux et dans certaines revues spécialisées[77] ».

On estime que des milliers de femmes et de filles sont détenues par l’EIIL[78]. La description de la réalité que doivent vivre chaque jour ces femmes et ces filles, des « esclaves sexuelles », « vendues comme esclaves » et « forcées d’épouser des soldats [de l’EIIL][79] », a jeté un voile d’horreur sur les réunions du Comité. Pour lutter contre cette situation, Dalal Abdallah, défenseure yézidi des droits de la personne, a invité « le Canada à reconnaître le caractère génocidaire de la campagne menée par [l’EIIL] contre le peuple yézidi[80] ».

Le Comité a également appris que les femmes iraquiennes des régions qui sont arrachées à l’EIIL sont également confrontées à des situations d’insécurité et de violation de leurs droits, à l’instar des femmes des régions plus stables du pays. Yanar Mohammed, présidente, Quartier général de Bagdad, Organization of Women’s Freedom in Iraq, a expliqué que, bien que la violence commise envers les femmes dans les différentes régions du pays puisse avoir « des sources et des intensités différentes », la violence envers les femmes, plus généralement, persiste depuis de nombreuses années en Iraq. Le pays n’est pas scindé en une zone sécuritaire pour les femmes et une zone dangereuse. Mme Mohammed a expliqué que l’on assiste, dans les villes et les villages repris des mains de l’EIIL, à des crimes d’honneur où les soldats tribaux exécutent les femmes violées par des membres de l’EIIL. En outre, dans certaines parties de l’Iraq qui n’est pas sous le contrôle de l’EIIL, comme à Bagdad, la capitale, la traite des femmes se fait « au vu et au su de tous ». Selon Mme Mohammed, « aucun trafiquant n’a été détenu jusqu’à maintenant ». Elle a indiqué qu’il faut garder la trace de ces autres crimes perpétrés en Iraq, « y compris les crimes commis contre les femmes qui défendent les droits de la personne et ceux fondés sur le sexe », en plus des efforts visant à prouver les activités d’esclavage sexuel de l’EIIL[81].

C. Offrir des services et un soutien exhaustifs aux survivants

En Iraq, et dans toutes les situations de fragilité et de conflit, les femmes et les filles doivent non seulement être protégées contre la violence, mais elles doivent également avoir accès à des services et à des recours pour la violence dont elles ont été victimes. Il faut, dans le cadre des interventions internationales et nationales aux crises, garantir l’accès aux soins de santé relatifs à la sexualité et à la reproduction et le respect des droits. Le Comité a appris de Babatunde Osotimehin, directeur exécutif, Fonds des Nations Unies pour la population, que trois décès maternels sur cinq surviennent dans des contextes fragiles d’aide humanitaire[82]. Mme Hansen a elle aussi souligné les risques auxquels sont confrontées les femmes déplacées. Les femmes qui fuient les conflits, a-t-elle affirmé, « sont plus à risque de subir de la violence sexuelle ». En outre, « elles ont de la difficulté à obtenir notamment des produits pour les menstruations, des contraceptifs, des soins prénatals et postnatals, ainsi que des services de naissance[83] ». Mme Hansen a aussi souligné que si une femme réfugiée est victime de viol, elle a « difficilement accès au dépistage des infections transmises sexuellement, à la prophylaxie post-exposition, à des services d’avortement sécuritaires, ainsi qu’à d’autres soins de santé relatifs à la sexualité et à la reproduction[84] ».

Les femmes victimes de violence sexuelle et fondée sur le sexe doivent avoir un accès entier et rapide aux soins de santé et à des services psychosociaux, mais également à de l’aide relative à l’emploi et à la réintégration économique de manière à ce qu’elles puissent reprendre une vie normale avec dignité et commencer à se remettre du passé. Il ne s’agit pas d’un processus qui s’accomplit rapidement ou simplement. Mme Taylor a indiqué que la violence sexuelle et fondée sur le sexe a de graves répercussions physiques, psychologiques et sociales « à long terme ». Cependant, la prestation de services aux survivants, a-t-elle indiqué, « n’est pas uniforme, et ces services ne sont pas toujours offerts[85] ». Pour assurer l’accès à l’ensemble des services décrits, il est nécessaire, bien sûr, de faire des investissements considérables et soutenus, et la responsabilité revient principalement aux gouvernements nationaux. Compte tenu de l’envergure des services nécessaires, par contre, la plupart des institutions nationales, si elles existent, ont besoin d’aide internationale.

Bien que le pouvoir des femmes comme agentes de changement dans des conditions de violence et de bouleversement fasse l’objet du prochain chapitre, cet aspect occupe une place tout aussi importante dans l’approche adoptée par rapport à la protection. L’un des principaux thèmes du présent rapport est le fait que les femmes devraient être traitées comme des intervenantes et non comme des objets, des cibles ou des victimes sans défense. Le fonctionnement cohérent et symbiotique des quatre piliers du programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité repose sur ce concept fondamental. Mme Hansen a fait valoir que, dans l’étude des stratégies visant à renforcer la protection des femmes, ce sont ces dernières qui sont « les mieux placées pour trouver des solutions concrètes aux violations qu’elles subissent, et elles doivent donc jouer un rôle de taille dans la planification et la mise en œuvre de projets visant la prévention des violations des droits sexuels et reproductifs et l’appui aux survivantes[86] ».

Le Comité est d’avis que si l’on refuse d’offrir des services de santé et sociaux de base aux femmes en situation de conflit ou au sortir d’un conflit pour des motifs logistiques, financiers, juridiques ou autre, les droits des femmes ne seront pas respectés. En outre, on ne jette pas les fondements de la reconstruction sociale, qui s’appuie sur l’autonomisation et la justice. Le Comité sait que le gouvernement du Canada dispose d’un budget considérable pour l’aide humanitaire, dont une portion est précisément consacrée aux survivants de violence sexuelle et de violence fondée sur le sexe[87]. Misant sur les efforts déjà en place, le Comité recommande d’accorder une plus grande importance à l’accès, à la rapidité et à la durée des services financés par le Canada et d’autres gouvernements et organismes internationaux. Ces programmes doivent répondre à l’ensemble des besoins des femmes en situation de conflit ou de déplacement, des besoins cernés par les femmes elles‑mêmes.

RECOMMANDATION 7

Dans le cadre de l’aide humanitaire et de l’aide au développement qu'il offre aux pays touchés par des conflits ou qui se relèvent d’un conflit, le gouvernement du Canada devrait toujours affecter les ressources nécessaires à court et à long terme pour la prestation de services destinés aux victimes de violence sexuelle et de violence fondée sur le sexe, ce qui inclut les soins pour la santé sexuelle et reproductive, le soutien psychosocial, l’aide juridique et l'aide pour la réintégration économique.

D. Le renforcement des systèmes de justice

S’assurer que les survivantes de la violence sexuelle dans les situations de conflit ont accès à la justice est une composante fondamentale de la promotion de la dignité et de l’autonomisation des femmes. Par contre, Mme Davis a indiqué que, malgré « l’attention mondiale accrue » au cours des dernières années au sujet du problème de la violence sexuelle dans les situations de conflit et au sortir des conflits, « le nombre d’infractions dépasse largement les condamnations ». En ses termes, « [l]a justice ne prend pas des années, mais des décennies pour s’installer[88] ». Pour cette raison, Mme Davis a fait valoir que la solution au problème se trouve, ultimement, dans la prévention des conflits. Lorsqu’elles peuvent jouir sans crainte de leurs droits et lorsqu’elles ont accès à l’éducation, à des ressources et à des occasions, les femmes, selon Mme Davis, sont « moins vulnérables à la violence sous toutes ses formes[89] ».

Il ne fait pas de doute qu’un tel changement d’approche, c’est-à-dire s’attarder aux causes structurelles et sous-jacentes des conflits, prendra de nombreuses années à se mettre en place. Les femmes qui vivent dans la souffrance dans les régions où les conflits n’ont pu être prévenus ont un besoin criant d’accès à la justice. Des raisons diverses expliquent la lente application de la justice dans les sociétés ébranlées par les conflits ou qui s’en relèvent ainsi que le nombre restreint de poursuites judiciaires nationales pour les cas de violence sexuelle[90]. Mme Taylor a reconnu que la mise en place dans les sociétés des différents volets d’un système de justice national efficace (enquête et collecte de preuves, poursuites, procès équitables, protection des témoins et soutien aux survivants) « n’est pas une mince tâche ». Elle a indiqué que ces défis « s’aggravent lorsque nous y ajoutons la complexité du conflit, la réduction ou le démantèlement des systèmes de justice nationaux, l’insécurité grandissante et le déplacement des populations[91] ».

La CPI est un tribunal de dernier recours, conçu pour compléter – et non remplacer – les tribunaux nationaux. Les cas qu’elle traite sont ceux qui troublent le plus la communauté internationale. Elle n’est saisie que de quelques cas à la fois, et il lui faut habituellement plusieurs années pour trancher. Par conséquent, la CPI n’est pas l’instance judiciaire à laquelle peuvent s’adresser tous les survivants de violence liée à un conflit dans un pays. La majorité des survivants doivent plutôt solliciter les instances nationales. Comme il a été noté précédemment, par contre, la plupart des systèmes de justice nationaux dans les pays touchés par des conflits ont une capacité limitée. Dans certaines situations, l’infrastructure judiciaire a été détruite. En outre, il se peut qu’une culture d’impunité règne dans le pays, plus particulièrement en ce qui a trait aux violations perpétrées par les forces gouvernementales. Dans certains cas, le pouvoir judiciaire n’est peut-être pas indépendant.

La résolution 1888 du Conseil de sécurité, adoptée le 30 septembre 2009, reconnaît cette réalité dans une certaine mesure, notant que « les appareils judiciaires nationaux risquent d’être très affaiblis » pendant et après les conflits. La résolution, entre autres choses, exhorte les États à adopter de profondes réformes légales et judiciaires de manière à s’assurer que les auteurs d’actes criminels sont traduits en justice et que les survivants aient accès à la justice pour obtenir réparation pour le crime qu’ils ont subi. La résolution encourage les autres États, les institutions des Nations Unies et la société civile à porter assistance aux autorités nationales en travaillant de près avec eux afin de renforcer la capacité des systèmes de justice et d’application de la loi.[92]

Les Nations Unies ont élaboré certains outils et programmes institutionnels visant à régler les problèmes liés à la primauté du droit pendant et après les conflits. Au chapitre de la documentation, ONU Femmes a établi avec intervention rapide au service de la justice un partenariat comptant plusieurs intervenants qui vise à faciliter le déploiement rapide de spécialistes du droit pénal afin d’appuyer les enquêtes sur les crimes internationaux[93]. Mme Valji a indiqué au Comité que, grâce au partenariat, ONU Femmes a créé « un sous-groupe d’enquêteurs sur les crimes sexuels et les crimes fondés sur le genre », que l’organisme a pu solliciter pour appuyer des commissions d’enquête des Nations Unies et d’autres missions d’étude[94]. Mme Valji a indiqué que, cette initiative a permis de recueillir des preuves sur la violence sexuelle en Syrie, au Nigéria, en Libye et en Iraq.

En ce qui concerne la capacité nationale des secteurs de la justice et de la sécurité, une équipe d’experts de l’état de droit et des questions touchant la violence sexuelle liée aux conflits a été établie en vertu de la résolution 1888 du Conseil de sécurité des Nations Unies. Celle-ci tire profit de l’expertise technique de différents secteurs des Nations Unies et relève du Bureau de la Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question des violences sexuelles en conflit. L’équipe collabore avec les autorités nationales afin de renforcer leur capacité et leur expertise en ce qui a trait aux enquêtes et à la traduction en justice des auteurs d’actes de violence sexuelle[95]. Le Centre de liaison mondiale en ce qui concerne la police, la justice et l’administration pénitentiaire représente un autre mécanisme. Il a été créé en 2012 pour « [traduction] améliorer la cohérence, l’efficacité et l’efficience du soutien offert[96] » dans le cadre des initiatives des Nations Unies sur l’état de droit. Le Centre, qui constitue un mécanisme mixte d’aide judiciaire, rassemble l’expertise opérationnelle du Département des opérations de maintien de la paix des Nations Unies avec le rôle d’établissements d’institutions du PNUD. Le Centre de liaison est en mesure de mobiliser les compétences spécialisées d’autres organismes des Nations Unies, notamment l’expertise sur l’intégration des questions relatives aux femmes d’ONU Femmes.

De façon plus générale, le PNUD met en œuvre un programme mondial de renforcement de l’état de droit dans les régions fragiles et touchées par des crises. Ce programme aide les pays à enrayer la culture de la violence, à construire des institutions de justice et de sécurité accessibles et efficaces et à améliorer la prestation des services en matière de justice, notamment pour les femmes. Le programme ne dispose pas d’un large budget : il a accumulé environ 191 millions de dollars américains en contributions entre 2008 et 2015. Le Canada a fourni environ 7,2 millions de dollars américains au cours de cette période, alors que les Pays-Bas, le principal contributeur, a versé 59,7 millions de dollars américains[97]. Le Comité est d’avis que l’aide du Canada aux initiatives appuyant l’état de droit dans les États en situation de conflit pourrait être renforcée compte tenu des énormes problèmes de capacité en matière du système judiciaire dans la plupart de ces États.

RECOMMANDATION 8

Le gouvernement du Canada devrait chercher à renforcer considérablement l'état de droit et les systèmes judiciaires des pays fragiles et touchés par des conflits, notamment en fournissant le soutien voulu au moyen de mécanismes multilatéraux et communautaires pour des programmes qui visent à améliorer l’accès des femmes à la justice ainsi qu’à renforcer la capacité nationale à poursuivre en justice les personnes responsables de violence sexuelle ou de violence fondée sur le sexe.

Le Guatemala, un pays qui a connu une guerre dévastatrice de 36 ans, illustre peut-être la lenteur des appareils judiciaires nationaux et du processus de rétablissement de l’état de droit au sortir d’un conflit, bien qu’il montre des signes d’amélioration. Bill Fairbairn, gestionnaire de programme pour l’Amérique latine, Inter Pares, a décrit sa participation récente à une audience de la Cour suprême du Guatemala concernant un groupe de femmes autochtones Maya Q’eqchi de la région de Sepur Zarco, au nord-est du pays. Ces femmes, a expliqué M. Fairbairn, « écrivaient l’histoire parce qu’elles étaient les plaignantes dans ce qui constituait à la fois le premier procès pénal pour violence sexuelle commise au cours du conflit armé qui a sévi au Guatemala ainsi que la toute première affaire d’esclavage sexuel à être entendue par une juridiction nationale[98] ». L’affaire portait sur des événements survenus il y a plusieurs années, au début des années 1980. Les plaignantes ont été forcées de quitter leur terre par les forces militaires, ont été violées, « ont été détenues comme des esclaves » près d’une base militaire de Sepur Zarco[99].

Le système judiciaire du Guatemala, selon M. Fairbairn, « a traditionnellement exclu les femmes autochtones et les a victimisées à nouveau ». Ces problèmes systémiques, combinés « à la honte ressentie et aux traumatismes subis explique[nt] que ces femmes n’aient jamais exercé de recours juridique ». Néanmoins, il y a plus de 10 ans, « ces femmes ont entamé leur long voyage vers la justice[100] ». Le soutien que leur ont fourni les organismes de femmes communautaires tout au long du processus leur a été crucial. En réaction au prononcé du verdict de culpabilité à l’issue du procès de Sepur Zarco, le gouvernement du Canada a salué « le courage des survivants voulant faire régner la justice ainsi que le dévouement des organismes et des avocats de défense des droits de la personne qui les ont soutenus[101] ». Selon M. Fairbairn, en plus de rendre justice aux victimes, les affaires comme celle-ci servent « à favoriser la transformation à long terme des comportements sociaux, de sorte que, ce qui était à une certaine époque considéré comme acceptable ou même recherché, est devenu inacceptable et répugnant[102] ».

De plus, la lente progression de la justice au Guatemala, dont le conflit s’est officiellement terminé en 1996, montre que les processus de consolidation de la paix s’étalent à long terme et qu’il est nécessaire de maintenir l’aide internationale. D’autres pays cherchent à rétablir la paix sur leur territoire, dont un autre dans l’hémisphère occidental : la Colombie[103]. Comme l’a montré l’expérience des autres nations de l’Amérique centrale à l’issue des conflits, la conclusion officielle d’un accord de paix ne doit pas être considérée par la communauté internationale comme un signe que le processus est terminé et qu’elle peut désormais consacrer son attention et ses ressources ailleurs. Dans la plupart des cas, la signature d’un accord de paix ne marque pas la fin des conflits ni l’instauration définitive de la paix et de la justice. Il s’agit plutôt du début d’une nouvelle phase tout aussi importante. Le Comité estime donc que, dans le cadre de son examen du programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité et de l’élaboration de son nouveau plan d’action national, le gouvernement du Canada devrait prendre des engagements s’étalant sur plusieurs années, voire plusieurs décennies, afin de mener à bien les efforts complexes que sous-entend inévitablement l’aide aux pays ravagés par la guerre à construire des sociétés inclusives où règne la paix.

RENFORCER L’AUTONOMIE DES FEMMES EN TANT QU’AGENTS DE CHANGEMENT

Comme nous l’avons mentionné au début du présent rapport, la résolution 1325 est en grande partie le fruit du travail dévoué d’organismes de la société civile. Les femmes et les mouvements féministes ont toujours été au cœur du programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité. Loin d’être des victimes démunies, elles s’engagent en contribuant directement aux débats, aux négociations, aux campagnes de défense des droits, aux activités de planification et de représentation.

Cependant, plus de 15 ans se sont écoulés depuis l’adoption de la résolution initiale sur les femmes, la paix et la sécurité, et la participation des femmes aux processus de paix, aux activités d’organismes de sécurité et à la consolidation de la paix après les conflits demeure sporadique et ne répond pas aux aspirations qui se dégagent des résolutions du Conseil de sécurité. Certes, des histoires de réussite émergent çà et là, mais les principaux préceptes énoncés dans le programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité ne sont toujours pas passés dans les mentalités ni dans les rouages des interventions gouvernementales et multilatérales dans les conflits et les crises. On a dit au Comité que les femmes doivent constamment faire pression pour être incluses et exercer une influence, car cela ne leur est pas accordé d’emblée. Mme Wright a résumé les lacunes qui persistent sur le plan de la mise en œuvre, en signalant qu’on avait beaucoup progressé avec le programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité et qu’une « quantité énorme » d’énoncés de politique et de rapports avaient été publiés, mais que « l’esprit original et novateur de la résolution 1325 se perd souvent dans le processus ». À son avis, « [l]a participation des femmes aux discussions à savoir comment réagir aux crises et reconstruire des collectivités demeure inconstante et souvent symbolique[104] ».

Le programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité repose sur quatre piliers : la prévention, la participation, la protection, et le secours et le redressement. Bien qu’il soit essentiel d’assurer la protection des femmes contre la violence liée aux conflits, le programme ne pourra se concrétiser par cette seule action. Les femmes ont des rôles à jouer dans la prévention et la cessation des conflits de même que dans le rétablissement de la société à l’issue des conflits. Ces mêmes rôles sont intimement liés aux grandes constatations exposées au début du rapport, à savoir le lien entre la participation significative des femmes et le caractère durable de la paix, sans parler des liens entre l’égalité des sexes et la situation de paix des États. L’étude du Comité laisse supposer que des mesures doivent être prises pour revitaliser ces autres piliers, en s’attardant non plus à la noble rhétorique des résolutions des Nations Unies mais aux véritables changements qui s’imposent sur le terrain. En particulier, il faut soutenir les femmes et les organismes locaux, renforcer leur autonomie et veiller à ce que les femmes qui veulent influencer les processus de paix et de sécurité de leurs pays et régions aient des possibilités, le soutien politique, les fonds, la formation et les compétences requises pour le faire.

A. Encore beaucoup de chemin à parcourir

L’intention initiale du programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité est exprimée dans la résolution 1325 : on y demande instamment aux États membres « de faire en sorte que les femmes soient davantage représentées à tous les niveaux de prise de décisions dans les institutions et mécanismes nationaux, régionaux et internationaux pour la prévention, la gestion et le règlement des différends[105] ». Or, 13 ans après l’adoption de cette résolution, le Conseil de sécurité a signalé qu’à « moins d’un changement radical, les femmes et la perspective des femmes resteront sous‑représentées dans la prévention et le règlement des conflits, la protection et la consolidation de la paix…[106] ». Deux ans plus tard, à l’occasion du 15e anniversaire de l’adoption de la résolution 1325, le Conseil de sécurité s’est dit vivement préoccupé par le fait que les femmes sont souvent sous-représentées dans les processus de paix et de sécurité de même qu’au sein des organisations vouées au maintien de la paix et de la sécurité. Il a déclaré que les obstacles qui continuent d’entraver l’application de la résolution 1325 « ne pourront être éliminés que moyennant un engagement résolu en faveur de l’autonomisation et de la participation des femmes, ainsi que de l’exercice de leurs droits par les femmes, dans le cadre d’initiatives concertées et grâce à des informations, des mesures et un appui cohérent et visant à accroître la participation des femmes à la prise de décisions à tous les niveaux[107] ».

Selon des statistiques provenant de l’Étude mondiale et du système des Nations Unies, des progrès ont été accomplis. Par exemple en 2014, les équipes d’appui à la médiation des Nations Unies comprenaient toutes au moins une femme. En ce qui concerne la représentation des femmes dans les délégations des parties aux négociations, « des femmes occupant des hautes fonctions » ont participé à 75 % des processus de négociation en 2014, contre 36 % en 2011[108]. Il faut cependant signaler que ces statistiques n’indiquent pas dans quelle mesure les femmes ont joué un rôle significatif par opposition à un rôle symbolique. La dernière statistique mentionnée ne montre pas non plus la proportion de femmes faisant partie des délégations par rapport au nombre total de négociateurs. Pour ce qui est de la teneur des accords de paix, bien que seulement 11 % des accords conclus entre 1990 et 2000 mentionnaient au moins une fois les femmes, 27 % des accords conclus entre octobre 2000 et le 1er janvier 2015 y faisaient souvent mention. L’un des indicateurs utilisés par le système des Nations Unies montre que quatre des six « accords conclus à l’issue de processus de paix soutenus par l’ONU » en 2014 font mention des femmes, de la paix et de la sécurité[109]. Cependant, dans son rapport de 2015, le secrétaire général des Nations Unies indique que « très peu des accords examinés tiennent compte de l’ensemble des considérations touchant à l’égalité des sexes ou à la question des femmes et de la paix et la sécurité[110] ».

Les pourparlers intrasyriens, qui visaient à trouver une solution à la guerre en Syrie, témoignent peut-être de ces tendances et enjeux. Les pourparlers auxquels prennent part des représentants du gouvernement syrien et de l’opposition se sont déroulés à Genève au cours des premiers mois de 2016[111] sous l’égide des Nations Unies et de Steffan de Mistura, médiateur et envoyé spécial des Nations Unies en Syrie. Au début de février 2016, M. de Mistura a mis sur pied un groupe consultatif de femmes. Le groupe est formé de 12 femmes « choisies par plusieurs organisations de femmes syriennes au moyen de leur propre processus de consultation ». L’envoyé spécial a mentionné que la création du groupe « permet aux Syriennes d’exprimer leurs préoccupations et leurs idées, et de présenter des recommandations relativement à tous les sujets abordés durant les pourparlers, qui seront étudiées par l’envoyé spécial des Nations Unies[112] ».

Bien que le détail des pourparlers était restreint, l’impact qualitatif du groupe sur l’établissement de la paix vis-à-vis la guerre en Syrie n’a pas été apparent. Comme il l’est mentionné, le groupe a été formé en marge des négociations et n’est pas au nombre des parties négociatrices à Genève; il doit présenter des idées à l’envoyé spécial, qui les examinera et prendra des mesures. Un résumé de la ronde de négociation qui s’est tenue Conseil de sécurité des Nations Unies, S/2015/716, 16 septembre 2015, paragr. 18.du 13 au 27 avril 2016 fait brièvement mention du groupe de femmes; il y est indiqué que le groupe a rencontré l’envoyé spécial, lui a communiqué de l’information sur les difficultés quotidiennes des Syriens et « a énoncé des principes pour la transition politique[113] ». Par contre, la déclaration du Groupe international de soutien à la Syrie en date du 17 mai 2016 ne fait nullement mention de la participation des femmes ou de leurs droits[114]. Pourtant, la résolution adoptée par le Conseil de sécurité en décembre 2015 et établissant le cadre orientant ces efforts pour atténuer la violence en Syrie et amorcer une transition politique, encourageait « la participation effective des femmes au processus politique mené pour la Syrie sous les auspices de l’Organisation des Nations Unies[115] ».

Diana Sarosi, gestionnaire, Politiques et défense des intérêts, Nobel Women’s Initiative, a fait part au Comité de son point de vue sur la question au début d’avril 2016 : « [L]es femmes qui veulent participer activement aux pourparlers se heurtent à d’importants obstacles » dans les négociations de paix pour la Syrie. En dépit de la création du groupe consultatif, les femmes, a-t-elle dit, « continuent de manquer d’influence et de ressources pour s’engager de façon autonome ». Elles sont également traitées en bloc : on s’attend à ce que les groupes de femmes qui sont favorables au régime de Bashar al-Assad et ceux qui s’y opposent complètement « aient la même opinion sur l’avenir de leur pays ». Évidemment, ce n’est pas le cas, comme l’a souligné Mme Sarosi. Il semble que l’uniformité attendue limite la capacité du groupe d’exercer une forte influence sur les solutions au conflit. Selon Mme Sarosi, ce cas illustre un problème plus large, un problème structurel récurrent qui ressort de la plupart des processus de paix : on crée et met en place un processus auquel on intègre les femmes. À cet égard, Mme Sarosi a cité l’une des conclusions de l’Étude mondiale : « [L]es femmes participent rarement de façon intégrale à la conception du processus de paix. » Selon elle, « les femmes doivent participer à ces processus depuis la conception des pourparlers préliminaires jusqu’à la mise en œuvre de l’entente en passant par les négociations[116] ».

Outre l’élaboration des processus de paix, il y a une question encore plus fondamentale qui pourrait expliquer pourquoi moins de progrès ont été faits, par comparaison, à l’égard des aspects du programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité qui touchent l’autonomisation. De l’avis de Mme Goetz, ces aspects du programme forment un « projet politique », un projet qui n’est pas assujetti aux mêmes mécanismes de responsabilisation et cadre juridique qui ont évolué pour tenir compte de la violence sexuelle liée aux conflits. Elle a expliqué comme suit les principales différences :

Les violences sexuelles commises en temps de guerre, ou admises par les parties au conflit, sont un crime international extrêmement grave. Or, le fait que les femmes ne soient pas admises aux négociations de la paix n’est pas perçu comme une faute. Le fait de ne pas tenir compte, dans les accords de cessez-le-feu, des questions relatives à l’égalité des sexes, n’est pas tenu pour une faute. Le fait de ne pas intégrer de femmes aux forces militaires et policières de maintien de la paix n’est pas vu comme un crime international, pas plus que ne l’est le fait de ne pas favoriser la participation des femmes aux décisions touchant les relations internationales. Il existe une différence manifeste, sur le plan de l’influence, entre les mécanismes de responsabilisation institués par le droit international et ceux qui ont été instaurés dans le cadre de projets politiques tendant à favoriser le leadership et la participation des femmes[117].

En tant que projet politique, l’appel au changement – un changement comme celui qui permettrait aux femmes de participer avec constance et de manière significative aux décisions qui se répercutent sur leurs vies – ne peut donc qu’être le fruit d’une volonté politique. Le Comité souhaite que le gouvernement du Canada fasse preuve d’une telle volonté politique.

B. Renforcement des capacités à l’échelon local et participation des femmes

Les témoins ont mentionné différents moyens par lesquels les États membres des Nations Unies, incluant le Canada, pourraient intégrer la participation et l’autonomisation des femmes aux processus de paix et de sécurité; ces aspects feraient désormais partie intégrante des processus. L’un de ces moyens consisterait à utiliser le levier et la voix diplomatique du Canada sur les tribunes bilatérales et multilatérales. Mme Davis croit que le Canada peut utiliser ces sphères d’influence pour exhorter les parties aux négociations à inclure des femmes dans leurs délégations, à trouver et à appuyer les femmes leaders qui pourraient y participer et à exiger « que les négociations parrainées à l’échelle internationale créent et financent des processus favorisant la participation des femmes[118] ».

Par ailleurs, les États membres des Nations Unies pourraient investir dans différentes formes de renforcement des capacités. Certaines mesures pourraient être très concrètes et atténueraient, par exemple les problèmes logistiques qui empêchent la participation des femmes (p. ex. l’insécurité, l’accès restreint aux espaces de réunion et les contraintes de transport). Un soutien ciblé est également nécessaire pour que les femmes puissent recevoir la formation nécessaire, de la préparation des évaluations humanitaires à l’acquisition des compétences liées à la médiation, à la planification économique, à la rédaction de constitutions et à la surveillance des cessez-le-feu. Mme Goetz a indiqué qu’il arrive souvent que les femmes ne peuvent participer aux processus politiques parce qu’elles n’ont pas accès aux réseaux et disposent parfois d’une expérience politique limitée. Selon elle, « l’influence politique, la crédibilité et la légitimité prennent du temps à acquérir ». Elle considère que les cours de formation existants « manquent de cohérence et de continuité[119] ».

Un nouveau mécanisme de formation pour les femmes et de renforcement de leurs capacités afin de s’engager dans les processus de paix et sécurité et leurs institutions pourrait être fondé sur le modèle d’intervention rapide pour l’administration de la justice, dont il a été question au chapitre précédent. Ce mécanisme fait appel à une liste de spécialistes qui s’occupent d’organiser et de faciliter les déploiements. Une formation est aussi offerte au personnel de la justice et aux professionnels de la sécurité (magistrats, policiers, juges et avocats) sur divers aspects du droit international; ces personnes peuvent ensuite être mobilisées à la demande d’États, de tribunaux internationaux et d’organismes internationaux. Mme Goetz a expliqué que l’intervention rapide pour l’administration de la justice est un outil unique en la matière parce qu’il vise à offrir une formation à des professionnels des États fragilisés[120]. Il pourrait, a-t-elle proposé, servir de modèle pour la création d’une « communauté mondiale de pratiques » qui mettrait l’accent sur les compétences et les réseaux dont les femmes ont besoin pour participer à la prévention et à la résolution des conflits ainsi qu’au redressement après les conflits ou encore pour exercer un leadership à cet égard[121].

Il serait également possible de déplacer les ressources, l’attention et le soutien politique pour les femmes, la paix et la sécurité vers l’échelon local. Un consensus a nettement émergé de l’étude du Comité au sujet de la nécessité fondamentale d’orienter les efforts vers le terrain dans les collectivités touchées par des conflits. De bien des façons, cela établit un lien entre les différents thèmes traités dans le présent rapport. Le leadership et l’appui de la communauté internationale sont nécessaires, ainsi qu’on l’a soutenu tout au long de l’étude. Mais le programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité peut porter fruit, comme il est censé le faire, uniquement si le soutien mondial sert de catalyseur à une action locale. Comme l’a mentionné Mme Fairbairn, « nous devons écouter les voix des femmes qui se font entendre sur le terrain et nous devons également les respecter et les appuyer » parce que ce sont elles qui « connaissent de première main les conflits[122] ».

En définitive, ce sont les femmes dans les États fragilisés ou touchés par des crises et des conflits qui doivent faire avancer le programme. Elles sont les agents de changement comme l’a indiqué le Comité dans le titre de la présente partie. Elles doivent prendre part à la surveillance des cessez‑le‑feu, négocier des plans de reconstruction et transmettre les préoccupations, les expériences et les besoins des collectivités. Elles peuvent aussi contribuer à résoudre les conflits à l’échelle communautaire, en empêchant qu’ils atteignent un niveau de violence accrue et en œuvrant à l’intérieur d’un réseau de médiatrices, avec l’appui d’ONU Femmes et du Fonds de consolidation de l’ONU – comme c’est le cas au Burundi[123]. À l’instar de la République démocratique du Congo où l’on recourt à des cliniques juridiques, la société civile locale peut aussi bâtir la confiance locale qui pourrait permettre de plus gros projets de création d’institutions[124].

Il y a de solides raisons d’accorder une priorité et un soutien au travail des bâtisseuses de paix au niveau local. Ces femmes sont au fait des réalités et des risques en matière de sécurité qui affligent leurs collectivités, ainsi que des sensibilités culturelles et politiques. Elles peuvent adapter le cadre normatif établi dans les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité de l’ONU en fonction des conditions et des préoccupations locales, tout en jouissant probablement davantage de l’accès et de la crédibilité de leurs concitoyens pour le faire[125]. En règle générale, les groupes de femmes au niveau local peuvent aider à trouver des solutions adaptées au milieu, d’où la probabilité accrue que les projets réussissent et bénéficient d’un appui local. À ce propos, ces groupes peuvent promouvoir la prise en charge des initiatives et la responsabilité connexe. Comme l’a indiqué Jacqueline O’Neill, « la politique du Canada ne sera jamais le principal vecteur de changement dans un pays quelconque ». La meilleure stratégie à long terme, selon elle, consiste à « toujours d’accroître la capacité des femmes d’un pays à exiger des comptes de leur propre gouvernement[126] ».

Le Comité a jugé convaincants les éléments d’information au sujet des approches locales. Certes, les cadres stratégiques et normatifs internationaux ont toujours leur place pour l’établissement de normes, mais il faut des champions dévoués sur le terrain pour réaliser les engagements. En même temps, les personnes et les mouvements qui s’imposent doivent être en mesure de prospérer, de faire preuve de leadership et d’utiliser des solutions novatrices comme le prévoit le programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité. Le Comité sait également qu’il existe déjà de nombreux réseaux de bâtisseuses de paix et d’outils de formation conçus et améliorés. Le rôle du Canada consiste donc à tirer parti de ces réseaux et outils, à les relier, à les élargir, et à veiller à ce que les groupes de femmes locaux aient les ressources et l’appui politique requis pour apporter une contribution non négligeable. Le Canada est une riche démocratie et un joueur visible au sein des organismes des Nations Unies et de divers cercles diplomatiques. Il devrait, usant de son influence, affirmer que les femmes faisant partie de ces réseaux et bénéficiant de la formation sont en mesure d’avoir accès aux négociations de paix, aux conférences de donateurs et à d’autres événements où des décisions sont prises, et qu’elles peuvent intervenir. Toutes ces mesures pourraient ne pas coûter grand-chose à la fin d’un point de vue financier. Mais le Comité croit qu’il est possible de changer la donne en aidant les femmes à acquérir des compétences et de la confiance et à tisser des relations grâce auxquelles elles pourront prendre part aux processus de paix et de sécurité.

RECOMMANDATION 9

Le gouvernement du Canada devrait appuyer la mise en œuvre de programmes de formation permettant aux femmes dans les pays fragiles et touchés par des conflits d'acquérir les compétences, les capacités et l’expérience, et de créer des réseaux, pour jouer un rôle significatif dans les processus et les institutions voués à la paix et à la sécurité.

RECOMMANDATION 10

Le gouvernement du Canada devrait utiliser énergiquement tous les outils diplomatiques et financiers, bilatéraux comme multilatéraux, à sa disposition pour encourager l'inclusion significative des femmes aux initiatives de médiation, aux négociations de cessez-le-feu et de paix, ainsi qu’aux conférences des donateurs, et qu'elles participent à tous les aspects de la planification et de la prise de décisions de l'après conflit.

Une autre approche pour l’autonomisation des femmes est d’élargir les perspectives du programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité de façon qu’il englobe les programmes et les institutions pouvant jouer un rôle dans la promotion de l’égalité des sexes. Ce point est particulièrement pertinent dans un contexte d’après conflit. Robert Jenkins, professeur à la faculté des sciences politiques du Collège Hunter, a attiré l’attention du Comité sur l’autonomisation économique des femmes, en indiquant que les programmes d’emploi constituent un outil qui mérite qu’on s’y attarde de près dans le cadre du programme à l’étude. Selon lui, il convient d’adopter une approche ambitieuse de nature à maximiser le potentiel des programmes d’emploi mis en place à l’issue de conflits afin qu’ils « contribuent utilement au rétablissement de la paix et à la démarginalisation des femmes[127] ». Pour atteindre cet objectif, il faudrait des programmes fondés sur les droits, sur la participation du public à l’établissement des priorités des projets et sur la participation de la société civile pour rendre compte « de la manière dont les fonds ont été dépensés[128] ». M. Jenkins a fait valoir que c’est en se penchant sur ces trois éléments « que l’on parviendrait à mettre l’égalité des sexes et la démarginalisation des femmes au centre des grands programmes d’emploi instaurés dans les États fragilisés où sévissent des conflits armés[129] ».

Un autre outil souvent négligé est le système de santé des pays. Valerie Percival, professeure adjointe d’affaires internationales à la Norman Paterson School of International Affairs, à l’Université Carleton, a démontré comment le secteur de la santé est souvent perçu dans une optique restreinte comme une institution qui fournit un service aux femmes plutôt que comme une institution qui « devrait participer aux grands efforts sociétaux pour promouvoir l’égalité des sexes[130] ». Il est illogique, a-t-elle souligné, qu’on tienne les institutions de santé à l’écart du programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité alors même que ce sont avec elles que les citoyens interagissent le plus au cours de leur vie. Comme le suggère la recherche citée par Mme Percival, les institutions de santé peuvent être utilisées pour renforcer la capacité de l’État et pour bâtir la confiance des citoyens en l’État; elles peuvent aussi servir à promouvoir l’égalité entre les sexes grâce à des stratégies de ressources humaines et à l’adoption de normes sexospécifiques[131].

C. Soutien des défenseurs des droits de la personne

Concernant les moyens de faciliter l’action locale et de renforcer l’autonomie des femmes comme agents de changement, des témoins estimaient qu’il fallait porter une attention particulière aux femmes défenseures des droits de la personne[132]. À l’instar des autres intervenants dont il a été question dans le présent chapitre, les femmes défenseures des droits de la personne sont, de maintes façons, le cœur du programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité. Le Comité a entendu que ces personnes et ces groupes courageux travaillent aux premières lignes pour défendre les droits de la personne. En raison du travail qu’ils font et des questions délicates qu’ils soulèvent, ils subissent souvent de la violence, de l’intimidation et du harcèlement de la part des groupes armés, des forces de sécurité locales et des gouvernements. Jess Tomlin, directrice exécutive, Fonds MATCH International pour la femme, a rappelé au Comité que les personnes engagées dans la défense des droits de la personne sont somme toute « des personnes ordinaires qui prennent d’énormes risques personnels pour défendre les droits de leurs collectivités[133] ». Elles jouent des rôles fondamentaux, comme l’a expliqué Mme Taylor : par exemple elles promeuvent des réformes juridiques nationales pour assurer le respect des obligations en matière de droits de la personne; elles fournissent une aide et des conseils juridiques aux victimes de violence sexuelle; elles dénoncent les agressions et l’impunité; elles exhortent « leurs gouvernements à s’attaquer à ces problèmes plus efficacement[134] ».

Human Rights Watch a récemment fait état des pressions qui pèsent sur les femmes défenseures des droits de la personne au Soudan et des mesures prises par l’État pour les réduire au silence. À cet égard, Mme Taylor a signalé que les femmes participant aux campagnes de défense des droits et à d’autres actions publiques « s’exposent à diverses agressions, dont le viol, les menaces de viol et les efforts délibérés visant à ternir leur réputation[135] ». D’un point de vue global, Mme Tomlin a présenté une statistique qui décrit bien la nature ultime du risque que courent les militantes des droits de la personne : en 2015, « 156 militantes des droits de la personne ont été tuées ou sont mortes en détention[136] ».

Une affaire célèbre concernant le meurtre d’une militante des droits de la personne a provoqué un tollé à peu près au moment où le Comité a commencé son étude relative aux femmes, à la paix et à la sécurité. Le 3 mars 2016, Berta Cáceres, fondatrice du Conseil citoyen des organisations des peuples amérindiens du Honduras, a été tuée par balle à son domicile au Honduras. Mme Cáceres, environnementaliste autochtone, était bien connue pour sa défense des droits du peuple autochtone au Honduras, notamment en opposition à un projet hydroélectronique[137]. Pendant des années, elle avait reçu des menaces de mort et subi d’autres formes d’intimidation. Mme Hansen a relaté ces faits pendant son témoignage afin de montrer l’importance de la surveillance internationale. Des pressions, a-t-elle indiqué, doivent également être dirigées vers les autorités nationales pour qu’elles traduisent en justice les auteurs des actes de violence commis envers les militantes des droits de la personne. Mme Hansen a affirmé que, après le meurtre de Mme Cáceres, le Canada avait immédiatement fait « une déclaration percutante », qu’elle juge essentielle en pareils cas, afin de bien faire comprendre que « la communauté internationale regarde cela de près[138] ».

D’après les témoignages, le Canada devrait soutenir plus systématiquement les défenseurs des droits de la personne au niveau multilatéral, y compris dans la négociation des résolutions. On a dit au Comité que le Canada a la capacité d’aborder de telles questions auprès de la Commission de la condition de la femme des Nations Unies puisqu’il fera désormais partie de son organe directeur, de 2017 à 2021. Mme Hansen a indiqué qu’Amnistie internationale Canada encourage le Canada à profiter de son nouveau mandat à la Commission « pour militer en faveur de l’adoption de mesures spéciales visant à protéger les femmes défenseures des droits de la personne[139] ». En décembre 2015, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté une résolution autonome sur les défenseurs des droits de l’homme (127 pour, incluant le Canada, 14 contre et 41 abstentions). Cette résolution comportait un paragraphe exprimant une « préoccupation particulière » au sujet de « la discrimination et la violence systémiques et structurelles subies par les femmes défenseurs des droits de l’homme de tous âges » et demandant des « mesures appropriées, énergiques et concrètes »[140] pour les protéger. Une résolution précédente de l’Assemblée générale, adoptée à la fin 2013, portait précisément sur la situation des femmes défenseures des droits de la personne. Entre autres dispositions, et parmi les aspects de mise en œuvre des résolutions connexes du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité, la résolution de l’Assemblée générale demande que l’on sensibilise le personnel de police et de maintien de l’ordre « à la problématique hommes-femmes », notamment « aux obstacles que les défenseuses des droits de l’homme/défenseurs des droits des femmes rencontrent pour accéder à la justice dans les situations de conflit armés et d’après conflit[141] […] ».

En plus des travaux accomplis par ces organismes des Nations Unies, Mme Taylor a fait valoir que le Canada pourrait apporter une contribution « notable » en saisissant le Conseil de sécurité de l’ONU de la question des femmes défenseures des droits de la personne[142]. De manière générale, Mme Tomlin a laissé entendre que le Canada pourrait suivre l’exemple des Pays-Bas et de la Norvège en faisant « de la protection des militantes des droits de la personne une priorité de sa politique étrangère[143] ».

Bien que de telles mesures diplomatiques au niveau international aient de l’importance, des témoins ont indiqué qu’il faut aussi appuyer de manière concrète les femmes qui défendent les droits de la personne sur le terrain. Mme Mohammed a parlé de son expérience personnelle au Comité, lui expliquant qu’en 2008, elle se trouvait en danger en Iraq et avait perdu son passeport canadien. Parlant de l’ambassade du Canada dans la région, elle a mentionné : « [I]ls n’ont pas du tout été coopératifs […] La guerre sectaire faisait rage, et je me retrouvais sans logis et dans la rue. » Selon elle, les femmes qui défendent les droits de la personne ont besoin « d’un accès à des endroits sûrs » parce que la nature même de leur travail consiste à décrier les positions et les politiques gouvernementales, qui souvent touchent des points délicats des droits des femmes. Comme elle l’a expliqué, dans son domaine de travail, « [i]l faut parfois se sauver en courant et chercher refuge[144] ».

Des témoins ont indiqué qu’une aide financière est nécessaire pour soutenir le travail de défense des droits de la personne qu’accomplissent des gens et des organismes, et cette question sera abordée plus à fond dans une autre section. Avec l’aide voulue, les gens et les organismes peuvent « changer les situations qui les menacent[145] », comme l’a signalé Mme Tomlin.

Le Comité convient que le Canada devrait jouer un rôle de chef de file en ce qui concerne la protection des défenseurs des droits de la personne. Dans les milieux difficiles à l’étranger, l’application d’un grand nombre de principes qui sous-tendent la politique étrangère canadienne, dont la primauté du droit, la gouvernance démocratique et l’égalité des sexes, repose souvent sur le dévouement des personnes qui acceptent de mettre leur vie en danger pour faire avancer les droits de la personne. Cela vaut aussi pour le programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité, qui progresse pas à pas grâce au travail des défenseurs des droits de la personne qui militent en faveur de la reddition de comptes, de réformes et de la justice. Ce sont ces mêmes défenseurs des droits de la personne qui peuvent aider à combler l’écart entre la politique internationale et les réalités quotidiennes. Et pour paraphraser Mme Hansen, on ne peut appuyer leurs efforts qu’en sachant que le Canada ne relâche jamais sa surveillance.

RECOMMANDATION 11

Le gouvernement du Canada devrait accroître considérablement le soutien diplomatique, financier et matériel qu'il offre aux défenseurs des droits de la personne conformément à son approche relative aux femmes, à la paix et à la sécurité, et, sur la scène internationale, inviter les autres pays à lui emboîter le pas, notamment en préconisant l'adoption de mesures de protection spéciales au sein des Nations Unies.

D. Affecter des ressources aux engagements

Tout au long de l’étude du Comité, on estimait de manière générale que beaucoup plus de ressources financières internationales doivent être affectées au renforcement de l’autonomie des femmes et à l’égalité des sexes. En fait, des témoins ont mentionné que le manque de ressources affectées à la mise en œuvre du programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité pourrait être ce qui nuit le plus à sa réalisation. Ce point de vue est exposé dans l’Étude mondiale : « L’insuffisance des fonds et des ressources a peut-être représenté l’obstacle le plus grave et le plus constant à la mise en œuvre des engagements en faveur des femmes, de la paix et de la sécurité au cours des 15 dernières années[146]. » Selon une estimation de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), en 2012-2013, « pour seulement 2 % de l’aide accordée pour la paix et la sécurité dans les États et les économies fragilisés, l’égalité des sexes représentait un objectif principal[147] ». Ce pourcentage représentait 40 millions de dollars américains parmi un budget de 1,9 milliard de dollars affectés à des programmes pour la paix et la sécurité dans des États fragilisés[148].

Dans ce vaste contexte, le Comité a appris, en particulier, qu’il n’y a pas suffisamment de fonds qui vont aux organisations qui s’efforcent de mettre en œuvre sur le terrain le programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité. C’est ce qui transparaît d’un sondage réalisé en 2015 auprès d’organismes de la société civile qui ont œuvré en ce sens dans 71 pays. Ce sondage indique que les répondants « subissent le contrecoup des mécanismes de financement à court terme inadéquats dirigés vers des organisations internationales »; les mêmes répondants ont également relevé « un décalage entre les programmes des donateurs et la réalité du travail dans des milieux en crise[149] ».

Le Comité a été frappé par certaines informations qui lui ont été communiquées au sujet de la situation précaire dans laquelle se trouvent un éventail d’organisations de la société civile locale. Un grand nombre de ces organisations subissent des pressions financières, tandis que d’autres ont dû fermer leurs portes ou restreindre leurs activités au fil des ans faute de ressources. Mme Tomlin a mentionné au Comité que des organisations locales œuvrant dans des pays en développement ont un budget annuel moyen de 20 000 dollars américains; en Afrique subsaharienne, ce chiffre tombe à 12 000 dollars. Selon Mme Tomlin, 48 % de ces organisations « n’ont aucun budget de base pour couvrir les nécessités quotidiennes comme le personnel, l’éclairage, l’accès à Internet et la sécurité ». Par conséquent, « tous les mois, une sur cinq d’entre elles ferme ses portes par manque de ressources financières[150] ».

Comme l’a fait observer Mme Tomlin, ces groupes demeurent dans des situations précaires malgré « l’importance accordée par les donateurs depuis 10 ans aux enjeux liés aux femmes et aux fillettes, qu’il s’agisse de santé maternelle et infantile ou de projets d’émancipation économique[151] ». En matière de financement, deux tendances ont été portées à l’attention du Comité. La première est que les donateurs acheminent de plus en plus de ressources considérables par l’entremise de gros organismes multilatéraux. Ian Thomson, coordonnateur de partenariats, Afrique, KAIROS, en est témoin dans le contexte de l’aide publique du Canada au développement. Il a affirmé que le gouvernement du Canada a accordé son aide publique au développement « à de grandes organisations multilatérales comme les agences des Nations Unies et la Banque mondiale, et moins aux partenariats conclus avec des organismes de la société civile, tant au Canada que dans le monde entier[152] ».

La seconde tendance est l’importance accordée depuis peu au financement par projet. Dans la perspective du Canada, M. Fairbairn a indiqué que « [l]a structure de financement adoptée [par le gouvernement du Canada] a été profondément modifiée » ces dernières années . Autrefois, de concert avec la direction générale des partenariats de l’Agence canadienne du développement international, les organismes comme le sien pouvaient « répondre aux besoins définis par [les] partenaires sur le terrain ». Or, le cadre actuel « privilégie un financement aléatoire au moyen d’appels de propositions périodiques, axés sur des thèmes choisis au préalable par le gouvernement canadien », ce qui est, de l’avis de M. Fairbairn, « tout simplement inapproprié[153] ».

Des témoins ont exprimé des sentiments négatifs par rapport au modèle de financement par projet, leurs préoccupations portaient notamment sur le plan de l’accès et de l’admissibilité. Mme Tomlin a soutenu que les récents engagements à grande échelle qui ont été pris au niveau mondial et qui portaient sur les femmes et les filles en général n’ont pas eu de retombées financières à l’échelon local. La raison en est que les « organisations, bien souvent, ne peuvent pas faire d’appels de propositions à cause de leur faible budget et des exigences complexes des bailleurs de fonds en matière opérationnelle et redditionnelle, très éloignées des réalités du terrain[154] ». Selon Mme Tomlin, l’importance accordée depuis peu au financement par projet a écarté du financement bon nombre de ces petites organisations en raison de leur petite taille et de l’intérêt qu’elles portent généralement aux problèmes transversaux qui touchent leurs collectivités (p. ex. la santé, les droits de la personne et les problèmes politiques) par opposition aux « résultats circonscrits[155] ».

Parmi les autres questions liées au financement par projet qui ont été abordées, mentionnons la viabilité et l’efficacité des activités menées par la société civile. Selon Mme Hansen, en raison du modèle de financement utilisé, les organisations de femmes sont contraintes de « fonctionner de projet en projet » et « personne ne s’engage à leur offrir un financement de fonctionnement continu ». Ces organisations ne peuvent donc retenir le personnel dont elles ont besoin à long terme ni préparer d’« importants projets » afin de concrétiser la vision d’avenir qu’elles ont sur un certain nombre d’années[156].

Mme Taylor a exposé les difficultés particulières que présente le financement à court terme pour les défenseurs des droits de la personne qui ont besoin de soutien. Selon elle, offrir un financement d’un an à des groupes qui font l’objet de « violence, d’oppression et de stigmatisation » n’est pas suffisant. Elle soutenait que pour permettre à ces groupes de faire leur important travail, « il faut leur offrir à long terme un financement continu et fiable plutôt qu’un financement irréaliste d’un an pour des projets axés sur les résultats[157] ». Défendre les droits de la personne dans des milieux caractérisés par l’insécurité et par la faiblesse de la primauté du droit, sans parler de l’oppression et de la corruption du gouvernement, est en soi un travail de longue haleine.

Compte tenu de ces réalités et d’autres facteurs, de nombreux témoins qui se sont présentés devant le Comité estimaient que l’une des mesures les plus importantes que pourrait prendre le Canada pour favoriser l’autonomisation des femmes et l’égalité des sexes dans le monde serait de fournir du financement de base pluriannuel aux organisations de la société civile qui s’occupent de ces questions mêmes, particulièrement les organisations locales. Des témoins préconisaient du financement prévisible et approprié pour permettre à ces organisations d’accomplir leur travail vital.

Des données publiées par l’OCDE indiquent que le Canada a fourni un montant appréciable d’aide au développement orientée vers l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes[158], mais qu’il ne semble pas avoir fourni beaucoup d’aide aux organismes classés comme étant des « organisations et des institutions qui défendent l’égalité des femmes ». Le Canada a versé 4 millions de dollars américains en aide au développement à de tels organismes en 2014, alors que la Norvège en a versé 114 millions, la Suède 69 millions, l’Australie 53 millions, le Royaume-Uni 47 millions, l’Espagne 37 millions et les Pays-Bas 24 millions la même année[159]. Des témoins ont mentionné que les mécanismes de financement utilisés par la Norvège[160] et par les Pays-Bas pourraient servir de modèles au Canada. Par exemple les Pays-Bas ont créé un fonds (Femmes en première ligne) pour cibler les « fonds de développement institutionnel destinés aux groupes de femmes de la société civile au Moyen-Orient[161] ».

Des témoins ont exhorté l’exploration de mécanismes de financement nationaux et internationaux, nouveaux ou élargis. Dans une perspective multilatérale, on a fait observer que les Nations Unies avaient récemment créé l’instrument d’accélération mondial pour les femmes, la paix et la sécurité et l’action humanitaire. Comme l’a expliqué Mme Valji, il s’agit « d’un fonds d’affectation spéciale de l’ONU établi avec l’aide de donateurs, de l’ONU et de la société civile en particulier, afin d’acheminer des fonds aux contextes en situation de crise et directement aux organisations de femmes sur le terrain[162] ». En fait, grâce à cet instrument, au moins 50 % des fonds recueillis devraient aller aux organismes de la société civile[163]. Jusqu’ici, l’Australie, la Lituanie et le Royaume-Uni se sont engagés à verser des fonds. Au moment de la rédaction du présent rapport, l’Australie avait pris l’engagement le plus important, près de 3,1 millions de dollars américains; le Canada n’avait pris aucun engagement[164]. Au niveau national, des témoins au laissé entendre que le Canada pourrait envisager d’élargir le Fonds canadien d’initiatives locales, notamment au moyen d’une enveloppe dédiée aux activités concernant les femmes, la paix et la sécurité[165]. D’autres croient qu’un nouveau mécanisme de financement national pourrait être nécessaire[166].

Mme Davis relie tous ces éléments pour souligner le rôle vital des organisations de la société civile compétentes et dotées des fonds nécessaires, non seulement pour le programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité, mais aussi pour les grands objectifs de la politique extérieure. De l’avis général, tel qu’elle le note, « l’espace démocratique » se rétrécit au sein de la société civile, et cela est particulièrement vrai pour les organisations de femmes. Or, Mme Davis a souligné que « nous savons que si nous soutenons les femmes pour qu’elles accomplissent le travail qu’elles effectuent de toute façon au sein de leur foyer et de leur communauté, c'est extrêmement profitable[167] ».

On peut considérer l’investissement dans la société civile dans une optique stratégique. Quand l’environnement de la société civile devient plus dangereux et restreint, cela a des effets préjudiciables sur les grands programmes internationaux qui comptent sur les organisations de la société civile ayant la capacité et l’espace voulus pour concrétiser les normes de haut niveau. Dans ce contexte global, il est clair qu’il faut régler la question du financement. Cela étant dit, le Comité ne pense pas avoir reçu assez d’information pour tirer des conclusions définitives au sujet des mécanismes de financement nationaux que le gouvernement du Canada devrait utiliser pour faciliter le travail de la société civile dans le domaine des femmes, de la paix et de la sécurité. Par ailleurs, le Comité n’ignore pas que le Conseil de sécurité encourage les États membres des Nations Unies « à mettre au point des mécanismes de financement spécialisés en vue d’appuyer l’action et d’étoffer les moyens des organisations qui soutiennent le renforcement des capacités de direction des femmes et leur participation pleine et entière, à tous les niveaux, à la prise de décisions » conformément à la résolution 1325, ainsi qu’à « augmenter les contributions apportées aux organisations de la société civile locales[168] ». Peu importe le mécanisme exact utilisé, le Comité croit fermement que le Canada doit répondre à l’appel. Pour tout dire, il doit verser plus de fonds aux organisations locales de femmes, plus rapidement et avec plus de fiabilité.

RECOMMANDATION 12

Le gouvernement du Canada devrait envisager de contribuer à l’instrument d’accélération mondial pour les femmes, la paix et la sécurité et l'action humanitaire.

RECOMMANDATION 13

Le gouvernement du Canada devrait fournir une aide au développement sur une base pluriannuelle et pour les opérations de base des organismes de la société civile, incluant les organismes communautaires, qui s’affairent à mettre en œuvre le programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité dans les pays touchés par des conflits et dans les États fragiles.

ÉTABLISSEMENT D’UN PROGRAMME SOLIDE ET AMBITIEUX POUR LE CANADA

Le Canada a des liens historiques importants avec le programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité. Il était membre non permanent du Conseil de sécurité lorsque la résolution 1325 a été adoptée en l’an 2000. L’année suivante, il a entrepris d’établir le Groupe des amis des femmes, de la paix et de la sécurité à New York. Ce groupe est une coalition d’États membres et d’organismes des Nations Unies et d’organisations de la société civile, qui coordonne les mesures prises pour promouvoir la mise en œuvre du programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité. En tant que président du Groupe, le Canada tient régulièrement des réunions avec les intervenants et il a tenu une réunion spéciale en 2015 qui a porté sur l’exploitation et les abus sexuels commis par des Casques bleus[169].

Le Canada a également acquis des connaissances pratiques. Un exemple en est le soutien qu’il prête au modèle d’intervention rapide pour l’administration de la justice. En 2015, trois policières canadiennes ont été déployées auprès des chambres extraordinaires des tribunaux cambodgiens. Mme Fleury, surintendante principale, a informé le Comité que ces policières avaient apporté leur concours à l’enquête sur les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et les génocides qui auraient été commis entre 1975 et 1979 sous le régime des Khmers rouges[170]. De nouveaux outils sont également utilisés au sein des Forces armées canadiennes et du ministère de la Défense nationale. Le général Vance a mentionné au Comité qu’une équipe de conseillers en matière d’égalité entre les sexes était mise sur pied pour lui fournir, ainsi qu’au commandant, des conseils dans le dossier des femmes, de la paix et de la sécurité. Des postes de conseillers en matière d’égalité entre les sexes ont également été créés au Commandement des opérations interarmées et au Commandement – Forces d’opérations spéciales du Canada. De plus, le général Vance a indiqué que ces conseillers seront intégrés « aux équipes d’intervention qui seront déployées dans un proche avenir[171] ».

Au niveau global, il ressort de l’étude du Comité qu’un leadership plus grand et plus cohérent s’impose au sein du gouvernement du Canada à l’égard de la question des femmes, de la paix et de la sécurité. À maints égards, le Comité a l’impression que le rôle du Canada, depuis quelques années, se résume à une série d’activités menées par divers ministères et organismes, certaines étant plus efficaces et systématiques que d’autres. Rien ne laisse croire au Comité qu’une vision stratégique et globale a été arrêtée, éclairant et reliant tous les domaines d’action.

Or, tel qu’indiqué précédemment ainsi que dans d’autres chapitres du présent rapport, le Canada a beaucoup à offrir et peut s’appuyer sur bien des choses pour faciliter la réalisation du programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité. Pensons, par exemple à la formation des policiers et des militaires, aux compétences du secteur judiciaire en matière d’enquêtes et de poursuites dans les cas de violence sexuelle et fondée sur le sexe et à la longue expérience de l’analyse comparative entre les sexes dans la conception et l’évaluation des projets de développement. D’autres activités ont été entreprises dans la sphère diplomatique pour favoriser la participation des femmes aux processus de paix et de sécurité, mais ne semblent pas avoir reçu beaucoup de visibilité ou de ressources. Pour reprendre les propos de Mme Goetz, « le Canada ne part pas de rien », mais son aide a « donné des résultats inégaux ». C’est pourquoi, a‑t‑elle ajouté, il « pourrait, et devrait en faire plus, et se porter à la pointe de l’action internationale en faveur des femmes, de la paix et de la sécurité[172] ». Julie Delahanty, directrice générale d’Oxfam Canada, a exprimé ce point de vue, mais avec plus de véhémence encore :

Le Canada joue un rôle, mais ce n’est pas un rôle de leader mondial. Ce rôle ne correspond pas à nos engagements nationaux et internationaux relatifs à l’égalité entre les sexes et aux droits des femmes. Notre discours n’est pas appuyé par des ressources suffisantes ni par des dépenses en capital diplomatique. Nous avons l’occasion de changer les choses[173].

La conception du prochain plan d’action national du Canada offre un point de départ.

Tel que noté au début du présent rapport, le plan d’action du Canada qui s’intitule Offrir la paix et la sécurité à tous : Le Plan d’action du Canada pour la mise en œuvre des résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies sur les femmes, la paix et la sécurité a été publié en octobre 2010[174]. Ce plan définit un cadre pour les ministères et organismes gouvernementaux ayant un mandat qui se rattache à la mise en œuvre des résolutions concernant les femmes, la paix et la sécurité, ce qui comprend la politique, la doctrine, les programmes, les activités et la formation. Bien que la responsabilité première de l’élaboration du plan d’action incombe à Affaires mondiales Canada, les autres ministères et organismes qui ont des activités à l’étranger, dont la Gendarmerie royale du Canada et le ministère de la Défense nationale/Forces armées canadiennes, sont également responsables de la mise en œuvre et de la surveillance du plan ainsi que de l’établissement de rapports.

Ce plan comprend des objectifs et des indicateurs liés aux quatre piliers du programme : soit la prévention des conflits; la participation des femmes à la gestion des conflits et leur représentation; la protection des femmes dans les conflits armés; les secours et le redressement après les conflits. Des rapports d’étape devaient être déposés au Parlement chaque année (le dernier fait état des activités menées en 2013-2014). Bien que le plan se soit terminé à la fin de mars 2016, des représentants d’Affaires mondiales Canada ont dit au Comité que le gouvernement tient à le renouveler. Leur intention est de mettre à jour le plan d’action « pour tenir compte de la situation en 2016, dans le monde et au Canada[175] ».

La principale recommandation du Comité a déjà été présentée, à savoir que le gouvernement du Canada devrait considérer la question des femmes, de la paix et de la sécurité comme une priorité de son programme de politique extérieure. Pour ce faire, il faut élaborer un nouveau plan d’action ambitieux, visant à susciter une transformation par rapport aux politiques et aux investissements. Les questions traitées dans les chapitres précédents, incluant la formation et le recrutement des Casques bleus, le renforcement des capacités du secteur juridique, la prestation de services aux victimes de violence sexuelle, le soutien de la formation destiné aux bâtisseuses de paix et le financement d’organismes locaux, doivent être structurées et former un tout cohérent.

Quand il a adopté son plan d’action en 2010, le Canada était parmi une vingtaine de pays à avoir adopté un plan d’action national pour les femmes, la paix et la sécurité. Aujourd’hui, environ 60 pays sont dotés d’un tel plan[176]. Pour en arriver à un nouveau plan grâce auquel le gouvernement du Canada pourra mettre en œuvre toutes les recommandations contenues dans le présent rapport, il faut d’abord évaluer le plan existant et les pratiques exemplaires d’autrui.

A. Leçons apprises : Faire du programme relatif aux femmes, à la paix et la sécurité une directive stratégique

Le message général de l’étude du Comité est que le prochain plan d’action national du Canada relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité doit se parer de simplicité tout en mettant l’accent sur l’influence qu’exerce le Canada ou qu’il pourrait exercer. Mme O’Neill a recommandé que la prochaine version du plan comporte moins d’indicateurs et que les indicateurs retenus soient davantage qualitatifs. Elle accorde une importance globale aux « résultats » et estime qu’il ne faut « pas seulement se concentrer sur le rendement[177] ». La grande question à régler, a-t-elle dit au Comité, consiste à savoir quels sont les changements que nous voulons apporter. Il s’agit d’une question élémentaire parce que tous les autres éléments d’un plan efficace doivent être conçus en fonction de cet objectif. En bref, le gouvernement du Canada devrait répondre à cette question de fond, puis travailler à partir de là.

Pour bien saisir l’importance de la simplicité et de la clarté de l’objectif, il y a lieu d’examiner le contenu du plan d’action et son cadre de suivi. Ce plan précise qu’il a pour but d’orienter les mesures adoptées par le gouvernement du Canada pour tenir compte des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité relativement aux femmes, à la paix et à la sécurité. Il insiste aussi sur l’engagement du gouvernement à mettre en œuvre ces résolutions. Enfin, il se veut un « cadre à une approche pangouvernementale cohérente ».[178] Ce qui fait défaut, c’est une explication claire des motifs justifiant une telle approche et des mesures requises, ainsi que des résultats plus vastes à obtenir.

Prenons, par exemple la question de la participation des femmes. Peu d’analyses expliquent l’importance de la participation des femmes à l’avancement des questions de paix et de sécurité. Le plan prévoit plusieurs actions liées à la participation des femmes, dont l’une consiste à stimuler la participation active et significative des femmes aux prises de décisions et aux opérations de paix. Le premier des cinq indicateurs pertinents permet d’établir le « nombre de documents d’orientation ou de directives stratégiques du Canada portant sur les politiques de sécurité nationale et internationale qui ont trait à la participation des femmes à la prise de décisions ». Pour cet indicateur, le rapport d’étape 2013-2014 du gouvernement mentionne simplement « aucun cette année », ce qui signifie sans doute qu’aucune nouvelle directive ou nouveau document n’a été élaboré par le ministère des Affaires étrangères du Canada au sujet de la participation des femmes cette année-là. On pourrait toutefois penser qu’il n’existe aucun document ou directive. Il est difficile d’interpréter avec certitude les mots « aucun cette année[179] ».

De l’information beaucoup plus détaillée est fournie relativement aux indicateurs qui touchent le déploiement de personnel d’Affaires étrangères, des Forces armées canadiennes et de la GRC, ainsi que les pratiques de recrutement et de formation. Des renseignements poussés sont également fournis sur les programmes canadiens mis sur pied dans les États fragiles ou les États touchés par un conflit. On relève toutefois un certain manque d’intérêt dans le plan à l’égard des conditions, circonstances ou faits nouveaux extérieurs au gouvernement canadien. Par exemple il n’y a aucun indicateur du nombre de femmes ayant participé aux négociations de paix dans lesquelles le Canada a joué un rôle, ni indicateur montrant qu’on a tenu compte des perspectives et des priorités des femmes au niveau local dans les accords internationaux – qu’il s’agisse d’une stratégie de reconstruction ou d’un cadre de gouvernance provisoire – qui ont été négociés avec la participation du Canada. Compte tenu de ce qui précède, nous ne disposons pas de données de référence (indiquant l’ampleur du problème au moment de la création du plan d’action) ni d’objectifs assortis d’échéances (où le Gouvernement du Canada voulait être à l’échéance du plan d’action).

Des témoins ont exprimé leurs frustrations à l’égard des rapports d’étape, qui ne donnent pas une idée claire de ce que fait le Canada ou qui ne permettent pas de comprendre et d’évaluer les activités dans un contexte bien réel. Mme Delahanty a relaté, par exemple le « peu d’efforts » faits pour expliquer comment les activités menées par le gouvernement canadien « entraînent les changements nécessaires sur le terrain[180] ». Du reste, les rapports d’étape passent sous silence les écueils survenus dans la mise en œuvre du plan d’action, les leçons qu’on en tire et les ajustements correspondants apportés par le gouvernement.

Le financement soulève d’autres préoccupations. Les témoins ont mentionné que le plan d’action du Canada n’était pas accompagné d’un budget de mise en œuvre et ne précisait aucun engagement en matière de ressources humaines. Le plan et les rapports d’étape contiennent peu d’information sur les dépenses. Mme Woroniuk a fait état de l’absence de « données précises au sujet des investissements et des tendances dans ce domaine ». Il est donc « impossible de savoir si le gouvernement y consacre aujourd’hui davantage de ressources qu’avant l’adoption du [plan d’action][181] ». Pendant son étude, le Comité n’a reçu aucune information sur le budget global du Canada pour les activités concernant les femmes, la paix et la sécurité, ni information permettant de comparer les affectations budgétaires du Canada à celles d’autres pays de taille et rôle international semblables. Mme Woroniuk estimait que les rapports publics devraient dorénavant comporter « tous les renseignements financiers nécessaires[182] ».

Il semble que les questions susmentionnées ne se limitent peut-être pas au contexte canadien. Au sujet des programmes relatifs aux femmes, à la paix et à la sécurité, Mme O’Neill considère qu’ils souffrent du « syndrome d’ajouts sans financement […] où les gens pensent que l’on peut simplement augmenter les responsabilités existantes sans accroître les ressources ». Et d’ajouter : « Si c’est véritablement une priorité, il faut des ressources[183]. » Pour elle, « [u]n engagement non accompagné de financement n’est pas un véritable engagement[184] ».

Le Comité a appris que l’objectif de 15 % fixé par le secrétaire général des Nations Unies est un point de référence qui pourrait servir de base pour l’affectation de ressources budgétaires par le Canada. Comme nous l’avons mentionné, cet objectif s’applique à l’affectation des fonds pour des initiatives de consolidation de la paix dont l’objectif principal est l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes. Dans son rapport adressé en 2015 au Conseil de sécurité, le secrétaire général a recommandé d’appliquer un objectif semblable à tous les projets portant sur « les nouvelles menaces à la paix et la sécurité, y compris l’extrémisme violent, sachant que ces menaces ne seront pas éliminées et qu’une paix durable ne pourra pas être établie sans une participation des femmes étayée par des ressources suffisantes[185] ». Des témoins ont mentionné l’objectif de 15 % dans leurs exposés et recommandé au Canada de le faire sien.

RECOMMANDATION 14

Le gouvernement du Canada devrait envisager d'affecter au moins 15% de l'aide internationale qu'il fournit pour les programmes de maintien de la paix et de la sécurité à des programmes dont l'objectif premier est l'égalité des sexes et l'autonomie des femmes.

Les capacités en matière de politiques posent problème. Le Comité a appris qu’une seule personne est responsable du dossier des femmes, de la paix et de la sécurité au sein d’Affaires mondiales Canada[186]. Selon Mme Percival, le « dossier des femmes, de la paix et de la sécurité est souvent négligé dans le cadre de programmes de stabilisation et de rétablissement [du Canada], et on charge des responsables subalternes de la supervision et de la mise en œuvre ». Elle estime que « le Ministère ne saurait laisser l’élaboration de politiques, la réflexion et le leadership aux Nations Unies ou à d’autres acteurs multilatéraux ». L’expertise voulue doit venir du Ministère[187].

Le manque apparent de personnel chevronné affecté au dossier des femmes, de la paix et de la sécurité au sein d’Affaires mondiales Canada en dit peut-être long sur la pertinence du plan, ou sur son manque de pertinence. Les témoignages et les documents donnent à penser que le plan d’action n’a guère influencé les orientations générales du gouvernement canadien ni les décisions prises dans le domaine de la paix et de la sécurité. Autrement dit, si l’on compare le plan d’action à un outil, celui-ci ne semble pas avoir quitté le coffre bien souvent si ce n’est que pour avoir servi à la production de rapports sur les activités que réalise de toute façon le Ministère. À ce propos, il a été question de l’examen de mi-parcours du plan d’action réalisé par l’Institut pour une sécurité inclusive, organisme établi aux États-Unis. Dans le rapport d’examen, il est indiqué que le plan d’action « ne semble pas avoir influencé de manière importante l’orientation stratégique globale à l’égard des États fragiles et touchés par des conflits ». Cet examen contient six recommandations, dont l’une est de « réaffirmer l’engagement du Canada envers le plan d’action en tant que directive stratégique[188] ».

Pour étayer cette conclusion de l’examen de mi-parcours, Mme Woroniuk a recommandé que le plan d’action du Canada « ne soit pas un aspect accessoire » de son approche, mais qu’il joue un rôle central pour la paix et la sécurité. Ce plan doit, en autres mots, être traité et considéré par ceux qui travaillent au sein du gouvernement canadien comme une directive stratégique. Il existe un simple indicateur, a dit Mme Woroniuk, qui permet de déterminer si un virage important a bel et bien été effectué et cet indicateur transparaît dans le travail polyvalent qu’accomplit le Canada dans le domaine de la paix et de la sécurité, depuis les initiatives de désarmement jusqu’à la gestion de crises dans certains pays et certaines régions. Il suffit de se poser la question suivante : « Lorsque les femmes, la paix et la sécurité ne constituent pas le sujet de discussion principal, cet aspect est-il mentionné[189]? »

Il ressort nettement de l’étude du Comité qu’il y a place pour un leadership de haut niveau sur les femmes, la paix et la sécurité à l’intérieur du gouvernement du Canada. La directive du chef d’état-major de la Défense sur les femmes, la paix et la sécurité, publiée à la fin de janvier 2016, constitue une importante pierre de touche[190]. Cette directive décrit les moyens d’intégrer pleinement les perspectives liées à l’égalité des sexes dans la planification et les opérations des Forces armées canadiennes, dans le système d’éducation et de formation, ainsi que dans la doctrine. Le général Vance a précisé au Comité qu’il a pour mission « d’intégrer pleinement ces exigences et les directives du gouvernement du Canada portant sur l’Analyse comparative entre les sexes plus, l’ACS+, dans la planification et les opérations des Forces armées canadiennes d’ici le 31 août 2017 et dans l’institution au sens large d’ici le 31 mars 2019[191] ». Il a décidé de prendre de telles mesures peu après avoir été nommé chef d’état-major de la Défense en 2015 parce qu’il a réalisé qu’on pouvait en faire davantage « pour mettre en œuvre de façon systématique les résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU sur les femmes, la paix et la sécurité ». Il ne fait aucun doute que cette directive n’est nullement optionnelle. Comme il l’a mentionné, le général Vance a diffusé des « instructions » pour la mise en œuvre de la directive, et la responsabilité à cet égard lui revient au bout du compte[192].

Cette directive précise l’intention, les rôles, les attentes et les échéances. Mme O’Neill a dit du plan du général Vance qu’il « énonce ce qu’il veut accomplir, qui en est responsable et le délai à respecter ». Les plans de mise en œuvre propres à chaque ministère représentent, tel qu’elle le souligne, une partie non négligeable du projet d’éliminer les « hypothèses » pour les employés de l’État qui veulent comprendre « ce que signifie la mise en œuvre de ce plan d’action national pour leurs activités quotidiennes[193] ». Mme O’Neill a signalé que pour intégrer pleinement une politique « dans l’ADN » des ministères, il fallait également intégrer la politique relative aux femmes, à la paix et à la sécurité de même que le plan d’action dans les descriptions de travail et les évaluations de rendement. Selon elle, il s’agit de « créer une culture de reddition de comptes » pour ce plan[194].

Lorsqu’il a comparu devant le Comité, on a demandé au général Vance ce qu’il fallait faire à son avis pour renforcer le plan d’action. Il a répondu que le plan d’action ne doit pas « seulement énoncer des aspirations, car selon lui, c’est la fonction même de l’organisation qui est concernée ». Il doit être « essentiel »[195].

Il n’incombe pas au Comité de présenter des recommandations détaillées sur la teneur exacte du prochain plan d’action national du Canada relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité. L’intention du présent rapport n’était pas de proposer un ensemble d’objectifs et d’indicateurs. L’intention était plutôt d’établir une liste de paramètres et critères. Le Comité convient qu’un cadre simplifié orienté vers les objectifs stratégiques et les enjeux est nécessaire. Bon nombre d’entre eux ont été traités à fond dans les chapitres précédents de ce rapport, qui tous insistent sur la participation des femmes aux structures, processus, services et institutions qui les concernent. Le point de vue du Comité sur le but global du programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité – la création de sociétés paisibles, justes et inclusives – pourrait également servir de base à l’élaboration du prochain plan d’action du Canada, assorti d’objectifs se rattachant aux quatre piliers choisis pour l’atteinte de cet objectif.

Chacune des réunions du Comité a fait ressortir la richesse du savoir-faire qui existe au sujet des femmes, de la paix et de la sécurité. Outre l’engagement des parlementaires, le Comité croit que le gouvernement du Canada peut miser sur ce savoir-faire en tenant régulièrement de vastes consultations auprès de la société civile sur la conception du prochain plan d’action, sur le niveau et le genre de ressources requises pour son exécution, ainsi que sur l’évaluation annuelle des progrès accomplis. Pour que cet engagement porte fruit, il doit être intégré dès le début du processus, avant même la première ébauche du plan.

Quelle que soit la teneur du prochain plan d’action du gouvernement canadien, le Comité convient avec les témoins que le leadership, la reddition de comptes et la transparence seront les ingrédients essentiels de sa réussite. Le plan d’action ne saurait être un autre document affiché sur le site Web pour répondre à une autre exigence internationale. Il doit, comme on l’a fait valoir, tenir lieu de directive fondamentale qui intéresse ce qu’on a souvent appelé l’ensemble du gouvernement. Si l’approche en faveur d’un engagement authentique proposée dans le présent document est retenue, le Comité espère alors que la question des femmes, de la paix et de la sécurité pourra revêtir encore plus d’importance et que l’ensemble de la société s’y intéressera.

RECOMMANDATION 15

Le gouvernement du Canada devrait mener de vastes consultations auprès des parlementaires et des organismes de la société civile afin d’élaborer un nouveau plan d’action ambitieux et appuyé par des ressources suffisantes en ce qui concerne les femmes, la paix et la sécurité.

RECOMMANDATION 16

Chacun des ministères et organismes canadiens ayant des responsabilités concernant le plan d’action pour les femmes, la paix et la sécurité devrait désigner un champion de haut niveau qui serait responsable de l'élaboration et de la surveillance d'une directive qui s'appliquerait au rôle de ce ministère ou organisme dans la mise en œuvre du plan d'action et qui, entre autres exigences, indiquerait les ressources humaines et financières requises, ainsi que des objectifs assortis d'échéances.

RECOMMANDATION 17

Au plus tard le 1 mars de chaque année, le gouvernement du Canada devrait présenter au Parlement un rapport sur la mise en œuvre du plan d'action concernant les femmes, la paix et la sécurité, qui doit contenir des renseignements détaillés sur les ressources financières affectées à tous les aspects du programme pour les femmes, la paix et la sécurité, ainsi qu'une évaluation des résultats et de l'incidence générale de ces initiatives.

Pour terminer, le Comité tient à signaler que le présent rapport n’est pas l’aboutissement de son étude de la question des femmes, de la paix et de la sécurité. L’étude qu’il a menée a fait ressortir la complexité de ces questions et de leurs conséquences pour un large éventail de politiques, y compris pour la conception et la mise en œuvre des programmes canadiens d’aide au développement et le rôle que joue notre pays au sein des Nations Unies. En fait, nombre des thèmes abordés dans le présent rapport ne manqueront pas d’intérêt pour le Canada qui tente d’obtenir un siège au Conseil de sécurité des Nations Unies. C’est pourquoi le Comité entend mettre en pratique ce qu’il a préconisé tout au long de ces lignes, en continuant d’examiner les questions relatives aux femmes, à la paix et à la sécurité dans le cadre de l’étude plus vastes des politiques étrangères et de développement du Canada et, en fin de compte, du rôle du Canada dans le monde.


[1]   Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes (FAAE), Procès-verbal, 1re session, 42e législature, 23 février 2016.

[2]              Pour la liste entière des objectifs liés aux quatre piliers et les indicateurs connexes, voir Les femmes et la paix et la sécurité, Rapport du Secrétaire général, Conseil de sécurité des Nations Unies, S/1010/498, 28 septembre 2010.

[3]              Prévenir les conflits, transformer la justice, obtenir la paix, Étude mondiale sur la mise en œuvre de la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations Unies (Étude mondiale), ONU Femmes, 2015, p. 5. L’auteur principal de cette étude mondiale était Radhika Coomaraswamy.

[5]              Conseil de sécurité des Nations Unies, 4208e séance, mardi 24 octobre 2000, 10 h, New York, S/PV.4208.

[6]              FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 10 mars 2016.

[7]              FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 19 avril 2016.

[8]              Ibid.

[9]              Ibid. Au sujet des effets que peuvent avoir les femmes sur la durabilité de la paix, des recherches portant sur les négociations de paix menées entre 1989 et 2011 montrent que ces effets se font sentir à court et à long terme. « [traduction] À court terme, les processus de paix auxquels ont participé des femmes à titre de témoins, de signataires, de médiatrices ou de négociatrices ont fait augmenter de 20 % les probabilités que l’accord de paix dure au moins deux ans. Ce pourcentage croît avec le temps, atteignant les 35 % de probabilité que l’accord dure 15 ans. » Toutefois, il a été déterminé que l’intégration de la terminologie sexospécifique et les dispositions relatives aux droits des femmes ne produisent pas, à elles seules, l’augmentation des « probabilités de la durabilité de la paix. » Source : Laurel Stone, « Annex II: Quantitative Analysis of Women’s Participation in Peace Processes », dans Marie O’Reilly, Andrea Ó Suilleabhain et Thania Paffenholz, Reimagining Peacemaking: Women’s Roles in Peace Processes, International Peace Institute (IPI), New York, juin 2015, p. 34. Voir également : Laurel Stone, Women Transforming Conflict: A Quantitative Analysis of Female Peacemaking, Université Seton Hall, 13 mai 2014.

[10]           FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 19 avril 2016. Ces conclusions sont tirées d’O’Reilly, Ó Suilleabhain et Paffenholz (juin 2015). Dans cette étude du IPI, les auteurs indiquent : « [traduction] Dans les cas où les groupes de femmes ont pu grandement influencer les négociations ou faire des pressions pour la paix, un accord a presque toujours été conclu (on ne relève qu’un seul cas d’exception). Même dans les situations où l’influence des groupes de femmes était modérée, un accord a été conclu dans la majorité des cas. Lorsqu’aucun groupe de femmes n’a participé aux processus, ou lorsque leur influence était négligeable, la probabilité qu’un accord soit conclu était considérablement plus basse. » L’étude reconnaît que la participation des femmes n’est pas le seul facteur d’influence; toutefois, les résultats « [traduction] montrent que l’inclusion des femmes ne constitue pas un obstacle à la conclusion des accords » et qu’elle est « [traduction] associée à une augmentation des probabilités qu’un accord soit conclu » (p. 11).

[11]           FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 19 avril 2016.

[12]           Valerie M. Hudson, « What Sex Means for Peace – The evidence is clear: The best predictor of a state’s stability is how its women are treated », Foreign Policy, 24 avril 2012 [en anglais seulement]. Pour une analyse détaillée de cette étude, voir Valerie M. Hudson, Bonnie Ballif-Spanvill, Mary Caprioli et Chad F. Emmett, Sex & World Peace, Columbia University Press, New York, 2014 [en anglais seulement].

[13]           FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 14 avril 2016.

[14]           FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 12 avril 2016. Cette idée, selon Mme Woroniuk, « ne se reflète pas dans l’approche qu’a adoptée jusqu’ici le Canada à l’égard des femmes, de la paix et de la sécurité, étant donné que ces questions sont bien souvent traitées comme des préoccupations accessoires ou marginales ».

[15]           FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 19 avril 2016.

[16]           Ibid.

[17]           Ibid.

[18]           Unissons nos forces pour la paix : privilégions la politique, les partenariats et l'action en faveur des populations - Rapport du Groupe indépendant de haut niveau chargé d'étudier les opérations de paix des Nations Unies, Assemblée générale et Conseil de sécurité des Nations Unies, A/70/95-S/2015/446, 17 juin 2015.

[19]           Défi du maintien de la paix - Rapport du Groupe consultatif d'experts sur l'examen du dispositif de consolidation de la paix, Assemblée générale et Conseil de sécurité des Nations Unies, A/69/968-S/2015/490, 30 juin 2015.

[20]           Dans le mémoire qu’elle a présenté au Comité, l’Association canadienne pour les Nations Unies fait valoir que les résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU visant les femmes, la paix et la sécurité ont tendance à concevoir les femmes dans leur rôle de consolidatrices de la paix et d’ignorer leur rôle comme « agentes actives dans les conflits ». Au sujet de l’attention que porte les Nations Unies à l’extrémisme violent, l’Association indique que les femmes ont appuyé la violence et y ont activement pris part. En outre, on déploie des efforts actifs pour les mobiliser au sein des mouvements extrémistes. L’Association conclu donc qu’il est nécessaire d’étudier plus en profondeur les différents rôles que jouent les femmes dans l’extrémisme violent de manière à mieux concevoir les interventions. Le mémoire a été produit le 9 mai 2016.

[21]           FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 19 avril 2016.

[22]           Ibid.

[23]           Conseil de sécurité des Nations Unies, 7533e séance, 13 octobre 2015, 10 h, New York, S/PV.7533.

[24]           FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 21 avril 2016.

[25]           Ibid.

[26]           FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 3 mai 2016. Pour l’article cité par Mme Goetz, voir Karin Landgren, « The Lost Agenda: Gender Parity in Senior UN Appointments », Global Peace Operations Review, 14 décembre 2015 [en anglais seulement]. Selon l’article, 22 hommes et seulement 2 femmes ont été nommés à des postes de secrétaires généraux adjoints aux Nations Unies entre le 1er janvier et le 10 décembre 2015.

[27]           Étude mondiale, p. 273.

[28]           FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 21 avril 2016.

[29]           Ibid.

[30]           Ibid.

[31]           Ibid.

[32]           Ibid.

[33]           Ibid.

[34]           Rapport du Secrétaire général sur les femmes et la paix et la sécurité, Conseil de sécurité des Nations Unies, S/2015/716, 16 septembre 2015, paragr. 169.

[35]           Étude mondiale, p. 139.

[36]           Département des opérations de maintien de la paix, Gender Statistics by Mission: For the month of August 2016, 7 septembre 2016 [en anglais seulement]. Note : Le pourcentage 3,4 % comprend les experts militaires et les troupes (2 975 femmes sur un total de 88 048 personnel militaire).

[37]           Rapport du Secrétaire général sur les femmes et la paix et la sécurité, Conseil de sécurité des Nations Unies, S/2015/716, 16 septembre 2015, paragr. 80.

[38]           Département des opérations de maintien de la paix, Gender Statistics by Mission: For the month of August 2016, 7 septembre 2016 [en anglais seulement]. Les agents de police sont détachés aux Nations Unies par les gouvernements des États membres. Leurs tâches comprennent l’encadrement et, dans certains cas, la formation d’agents de police nationaux. Les unités policières constituées (UPC) sont des unités spécialisées composées d’environ 140 agents de police formés et équipés pour former des équipes cohésives capable d’accomplir des tâches de maintien de l’ordre que des agents ne pourraient pas accomplir individuellement. Les trois principales responsabilités des UPC sont : la gestion de l’ordre public, la protection du personnel et des installations des Nations Unies, et le soutien aux opérations policières des Nations Unies qui nécessitent une intervention concertée mais qui ne visent pas à répondre à des menaces militaires. La majorité des agents de police qui participent aux opérations de maintien de la paix des Nations Unies font partie d’une UPC. Voir : United Nations Police, Formed Police Units [en anglais seulement].

[39]           FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 19 avril 2016. L’Arrangement sur la police civile au Canada (APC) est le cadre par lequel des agents de police canadiens sont déployés au sein des opérations policières internationales de paix et de maintien de la paix. L’APC est une partenariat entre Affaires mondiales Canada, Sécurité publique Canada et la Gendarmerie royale du Canada (GRC). La GRC gère le déploiement général des agents de police canadiens appartenant à différents services policiers du Canada, y compris au moyen de la sélection et de la formation du personnel. Pour plus de renseignements, voir GRC, Missions de paix internationales.

[40]           GRC, Les femmes dans le milieu policier.

[41]           FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 19 avril 2016.

[42]           Ibid.

[43]           Ibid.

[44]           Selon les Forces armées canadiennes (FAC), en février 2016, son effectif de 92 617 militaires comptait 13 863 femmes, soit une proportion d’environ 15 %. Voir Défense nationale et Forces armées canadiennes, Les femmes dans les Forces armées canadiennes, documentation, 8 mars 2016.

[46]           FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 21 avril 2016.

[47]           FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 3 mai 2016.

[48]           Ibid.

[49]           Conseil de sécurité des Nations Unies, S/RES/2242 (2015), 13 octobre 2015.

[50]           Lutter contre l’exploitation et les atteintes sexuelles commises par les soldats de la paix, Rapport d’un examen indépendant de l’exploitation et des atteintes sexuelles commises par les forces internationales de maintien de la paix en République centrafricaine, 17 décembre 2015 [version complète en anglais seulement].

[51]           Une lettre d’opinion de Anthony Banbury, ancien secrétaire général adjoint des Nations Unies pour les opérations, qui a quitté son poste en février 2016, a été citée à plusieurs reprises au cours de l’étude du Comité. Dans le texte, M. Banbury affirme que les troupes de la République démocratique du Congo et de la République du Congo ont été ajoutées à la mission des Nations Unies en République centrafricaine sans la tenue d’un débat approprié et pour des raisons politiques cyniques malgré des signalements de violations graves aux droits de la personne par ces soldats. Anthony Banbury, « I Love the U.N., but It Is Failing », The New York Times, 18 mars 2016 [en anglais seulement].

[52]                 Lutter contre l’exploitation et les atteintes sexuelles commises par les soldats de la paix, Rapport d’un examen indépendant de l’exploitation et des atteintes sexuelles commises par les forces internationales de maintien de la paix en République centrafricaine, 17 décembre 2015 [version complète en anglais seulement]. Note : Les Nations Unies tentent de régler le problème d’exploitation et atteintes sexuelles depuis plus de 10 ans. Les premières allégations ont fait surface au début des années 1990s (voir pages 15-16)

[53]                 Dispositions spéciales visant à prévenir l'exploitation et les atteintes sexuelles, Assemblée générale des Nations Unies, A/70/729, 16 février 2016.

[54]           Le rapport du Secrétaire général indique qu’aucune allégation n’a été reçue au sujet des 29 militaires canadiens déployés dans des missions des Nations Unies en 2015. Toutefois, deux allégations impliquaient certains des 84 agents de police canadiens déployés au cours de cette même année. Dispositions spéciales visant à prévenir l'exploitation et les atteintes sexuelles, Assemblée générale des Nations Unies, A/70/729, 16 février 2016.

[55]                 Ibid., paragr. 10.

[56]                 Ibid., paragr. 13. De ces 17 enquêtes, on a conclu que 7 allégations étaient confirmées et que 10 ne l’étaient pas.

[57]           FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 21 avril 2016.

[58]           FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 14 avril 2016.

[59]           FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 21 avril 2016.

[60]           FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 14 avril 2016.

[61]           FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 8 mars 2016.

[62]           FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 19 avril 2016.

[63]           Ibid.

[65]           FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 19 avril 2016.

[66]           Département des opérations de maintien de la paix, Financer les opérations. Pour l’exercice 2016-2017, la contribution du Canada aux opérations de maintien de la paix des Nations Unies est estimée à plus de 313 millions de dollars. Voir : Gouvernement du Canada, Budget des dépenses 2016-2017, Parties I et II, Plan de dépenses du gouvernement et Budget principal des dépenses, 2016, p. II–9.

[67]           Cour pénale internationale, Statut de Rome de la Cour pénale internationale, La Haye, 2011.

[68]           Conseil de sécurité des Nations Unies, S/RES/1820 (2008), 19 juin 2008.

[70]           Owen Bowcott, « Congo politician guilty in first ICC trial to focus on rape as a war crime », The Guardian, 21 mars 2016 [en anglais seulement]. Au sujet de la responsabilité du supérieur, le Comité international de la Croix‑Rouge estime que « [traduction] les commandants et les autres supérieurs sont pénalement responsables des crimes de guerre commis par leurs subordonnés s’ils savaient ou s’ils avaient des raisons de croire que leurs subordonnés comptaient commettre ces crimes ou ont commis ces crimes et s’ils n’ont pas pris toutes les mesures nécessaires et raisonnables en leur pouvoir pour empêcher leur perpétration ou, dans le cas de crimes déjà commis, pour punir les personnes responsables ». Voir Comité international de la Croix-Rouge, « Rule 153. Command Responsibility for Failure to Prevent, Repress or Report War Crimes », DIH coutumier [en anglais seulement].

[72]           International Justice Monitor, « Jean-Pierre Bemba Gombo », Background.

[73]           FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 14 avril 2016.

[74]           Rapport du Secrétaire général sur les violences sexuelles liées aux conflits, Conseil de sécurité des Nations Unies, S/2016/361, 20 avril 2016, paragr. 10.

[75]           Ibid., paragr. 19.

[76]           FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 19 avril 2016.

[77]           FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 3 mai 2016.

[78]           Selon la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter sur les événements en Syrie, « [d]es milliers de femmes yézidies ont été faites prisonnières à Sinjar (Iraq) par l’EIIL en août 2014 et amenées en République arabe syrienne, où elles sont réduites à l’esclavage sexuel, achetées et vendues comme esclaves, et soumises à une violence physique et sexuelle extrême ». Voir : Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, Rapport de la Commission d'enquête internationale indépendante sur la République arabe syrienne, 31e session, A/HRC/31/68, 11 février 2016, version préliminaire éditée, paragr. 112. En mars 2016, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a appris que plus de 3 000 femmes et filles yézidies sont encore captives de l’EIIL. Voir : Haut-commissariat des Nations Unies pour les droits de l’homme, Statement by Mr. Paulo Sérgio Pinheiro, Chair of the Independent International Commission of Inquiry on the Syrian Arab Republic, Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, Genève, 15 mars 2016 [en anglais seulement].

[79]           FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 3 mai 2016 (Gulie Khalaf).

[80]           Ibid.

[81]           FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 10 mai 2016.

[82]           FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 8 mars 2016.

[83]           FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 21 avril 2016.

[84]           Ibid.

[85]           FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 14 avril 2016.

[86]           FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 21 avril 2016.

[87]           Voir, par exemple : Premier ministre du Canada, « Faire face aux crises en Irak et en Syrie et atténuer les répercussions sur la région : Aider les personnes les plus touchées », Notes d’information, 8 février 2016; et Affaires mondiales Canada, « Profil de projet : Lutte contre l’impunité et appui aux survivants de violences sexuelles » Numéro de projet : A035509-001. Ce projet, d’une valeur de 18 millions de dollars, est mis en œuvre dans le République démocratique du Congo par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) de 2013 à 2018.

[88]           FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 19 avril 2016.

[89]           Ibid.

[90]           Étude mondiale, p. 14.

[91]           FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 14 avril 2016.

[92]           Conseil de sécurité des Nations Unies, S/RES/1888 (2009), 30 septembre 2009.

[93]           Voir : Justice Rapid Response (JRR), About Us [en anglais seulement]; et Affaires mondiales Canada, Déploiement de spécialistes canadiens.

[94]           FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 19 avril 2016. Selon JRR, grâce à son partenariat avec ONU Femmes, depuis 2009, « [traduction] chaque commission d’enquête des Nations Unies » comptait un conseiller sur les questions liées au sexe ou un investigateur sur les questions de violence sexuelle et fondée sur le sexe. Voir JRR, Annual Report 2015, 23 mars 2016 [en anglais seulement].

[95]           Nations Unies, Bureau de la Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question des violences sexuelles en conflit, L'Équipe d'experts.

[96]           PNUD, Strengthening the Rule of Law in Crisis-Affected and Fragile Situations: Global Programme Annual Report 2014, New York, 2015, p. 26 [en anglais seulement]. Document fourni au Comité par Randi Davis, directrice, Équipe Genre, PNUD.

[98]           FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 12 avril 2016.

[99]           Ibid. Le Comité s’est rendu au Guatemala du 28 au 31 août 2016 pour en apprendre davantage sur la mise en œuvre du programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité et pour examiner l’aide au développement bilatérale offerte par le Canada au Guatemala. Le 20 août 2016, le Comité a rencontré des femmes de la région Sepur Zarco qui ont été victimes de violence au cours du conflit interne armé au pays. Plus de renseignements sur cette discussion et sur le voyage du Comité au Guatemala se trouveront dans un rapport que publiera le Comité. Pour plus de renseignements sur l’affaire Sepur Zarco, voir Jo-Marie Burt, « Military Officers Convicted in Landmark Sepur Zarco Sexual Violence Case », International Justice Monitor, 4 mars 2016 [en anglais seulement].

[100]         FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 12 avril 2016.

[101]         Affaires mondiales Canada, « Le Canada accueille favorablement le verdict dans le procès Sepur Zarco au Guatemala », Nouvelles, 27 février 2016.

[102]         FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 12 avril 2016.

[103]         Le Comité s’est rendu en Colombie du 31 août au 8 septembre 2016 dans le cadre de son étude sur le programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité et de son étude sur les pays ciblés par le Canada en matière d’aide au développement. Le voyage d’étude en Colombie a eu lieu quelques jours seulement après l’annonce par le gouvernement colombien et les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) de la conclusion d’un accord de paix exhaustif mettant fin à un conflit qui a ravagé le pays pendant plus de 50 ans. Plus de renseignements sur le voyage du Comité en Colombie se trouveront dans un rapport que publiera le Comité.

[104]         FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 10 mars 2016.

[105]         Conseil de sécurité des Nations Unies, S/RES/1325 (2000), 31 octobre 2000.

[106]         Conseil de sécurité des Nations Unies, S/RES/2122 (2013), 18 octobre 2013.

[107]         Conseil de sécurité des Nations Unies, S/RES/2242 (2015), 13 octobre 2015.

[108]         Rapport du Secrétaire général sur les femmes et la paix et la sécurité, Conseil de sécurité des Nations Unies, S/2015/716, 16 septembre 2015, paragr. 18.

[109]         Ibid., paragr. 13-14.

[110]         Ibid., paragr. 15.

[111]         Les pourparlers ont été suspendus en raison de l’escalade de la violence en Syrie et l’effondrement de l’accord de cessation des hostilités. Voir : Office des Nations Unies à Genève, Remaks of the Special Envoy of the Secretary General on Syria, Mr. Staffan de Mistura, to meeting of the Security council, 21 septembre 2016 [en anglais seulement].

[112]         Office des Nations Unies à Genève, 16.02.02 – Déclaration du Bureau de l’Envoyé spécial de la Syrie [en anglais seulement], 2 février 2016 [traduction].

[113]         Office des Nations Unies à Genève, Résumé du Médiateur concernant les Pourparlers Intra-Syriens du 13 au 27 avril 2016 facilités par l’ONU [en anglais seulement], 28 avril 2016 [traduction]. Plus de renseignements sur les activités du groupe consultatif de femmes se trouvent dans : ONU Femmes, Press Release: Syrian Women’s Advisory Board shares experience in exploring solutions for peace, 31 août 2016 [en anglais seulement].

[114]         Office des Nations Unies à Genève, Déclaration du Groupe international de soutien à la Syrie [en anglais seulement], 17 mai 2016.

[115]         Conseil de sécurité des Nations Unies, S/RES/2254 (2015), 18 décembre 2015.

[116]         FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 12 avril 2016.

[117]         FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 3 mai 2016.

[118]         FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 19 avril 2016.

[119]         FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 3 mai 2016.

[120]         Ibid.

[121]         Ibid.

[122]         FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 12 avril 2016.

[123]         FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 19 avril 2016 (Nahla Valiji).

[124]         FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 12 avril 2016, (Ian Thomson).

[125]         FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 3 mai 2016, (Sanam Naraghi-Anderlini).

[126]         FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 14 avril 2016.

[127]         FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 3 mai 2016.

[128]         Ibid.

[129]         Ibid.

[130]         FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 10 mai 2016.

[131]         Ibid.

[132]         Selon le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), l’expression « défenseur des droits de l’homme » désigne « toute personne qui, individuellement ou en association avec d’autres, œuvre à la promotion ou à la protection des droits de l’homme ». Ces personnes sont ainsi désignées en raison non pas des postes qu’elles occupent mais des activités qu’elles exercent. Elles s’intéressent à toutes sortes de questions, depuis les exécutions sommaires et les expulsions forcées jusqu’aux dommages environnementaux. Voir : HCDH, Les défenseurs des droits de l’homme : protéger le droit de défendre les droits de l’homme, fiche d’information no 29, Genève, avril 2004.

[133]         FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 12 avril 2016.

[134]         FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 14 avril 2016.

[135]         Ibid. Pour plus de renseignements, voir : Human Rights Watch, Good Girls Don’t Protest”: Repression and Abuse of Women Human Rights Defenders, Activists, and Protestors in Sudan, 23 mars 2016 [traduction].

[136]         FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 12 avril 2016.

[137]         Voir : Darryl Fears, « A daughter takes up her slain mother’s activism », The Washington Post, 9 avril 2016; HCDH, Berta Cáceres’ murder: UN experts renew call to Honduras to end impunity, Genève, 11 avril 2016. En mai et en juin 2016, le Sous-comité des droits internationaux de la personne du FAAE a tenu trois réunions sur la situation au Honduras, au cours desquelles il a entendu le témoignage de Bertha Zuniga Cáceres, fille de Berta Cáceres, et de Castro Soto, défenseur des droits de la personne qui se trouvait sur place au moment de l’assassinat de Berta Cáceres.

[138]         FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 21 avril 2016. Voir : Ambassade du Canada au Costa Rica, Le Canada exhorte les autorités honduriennes à éclaircir le meurtre de Berta Cáceres, Tegucigalpa, Honduras, 3 mars 2016.

[139]         FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 21 avril 2016. La Commission s’est penchée sur la question de la violence envers les femmes en 2013, et parmi les conclusions auxquelles elle en est venue figurait un appel général adressé aux gouvernements et autres intervenants pour qu’ils fournissent protection aux « personnes qui militent pour l’élimination de la violence faite aux femmes », incluant les militantes des droits de la personne. Voir : ONU Femmes, Elimination and Prevention of All Forms of Violence Against Women and Girls: 2013 Commission on the Status of Women Agreed Conclusions [traduction].

[142]         FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 14 avril 2016.

[143]         FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 12 avril 2016.

[144]         FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 10 mai 2016.

[145]         FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 12 avril 2016.

[146]         L’Étude mondiale, p. 16.

[147]         Comité d’aide au développement (CAD) de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), Réseau sur l’égalité homme-femme, Financing UN Security Council Resolution 1325: Aid in support of gender equality and women’s rights in fragile contexts, OCDE, mars 2015, p. 1. [traduction]. En dépit de ces statistiques, Mme Goetz a mentionné au Comité qu’« [o]n ne sait en fait pas grand-chose des sommes consacrées à ce domaine ». Selon elle, « les sommes effectivement consacrées à notre sujet d’étude, c’est-à-dire aux femmes, la paix et la sécurité, n’ont jamais fait l’objet d'audits sur l’égalité des sexes ». Voir : FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 3 mai 2016.

[148]         CAD-OCDE, Financing UN Security Council Resolution 1325: Aid in support of gender equality and women’s rights in fragile contexts, p. 7.

[149]              The Global Network of Women Peacebuilders, Cordaid, NGO Working Group on Women, Peace and Security and International Civil Society Action Network, Global Report: Civil Society Organization (CSO) Survey for the Global Study on Women, Peace and Security, 2015, p. 8 [traduction].

[150]         FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 12 avril 2016.

[151]         Ibid.

[152]         Ibid.

[153]         Ibid. La Politique de partenariat avec la société civile pour le développement international et l’aide humanitaire de l’ancien ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement « reconnaît […] que les mécanismes réactifs (dont les propositions non sollicitées) peuvent donner l’impulsion nécessaire à des approches novatrices et que les OSC ont besoin de temps pour planifier leurs programmes ». Cette politique précise aussi que le Ministère « offrira des possibilités de financement prévisible, fondées sur le mérite, par l’entremise de modalités équitables, souples et transparentes qui appuieront les divers rôles et types d’OSC au Canada et dans les pays en développement ».

[154]         FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 12 avril 2016. À titre d’exemple, un appel de propositions a été lancé en 2015 par ce qui a maintenant pour nom Affaires mondiales Canada, en vue de promouvoir l’avancement des droits des femmes et des filles en Afghanistan. Cet appel prévoyait un montant maximal de 30 millions de dollars devant être versés à des projets réalisés entre 2016-2017 et 2020-2021. Le Ministère voulait verser entre 3 et 6 millions de dollars à chacun des projets retenus. La liste complète des appels de propositions ouverts et terminés se trouve sur le site Web d’Affaires mondiales Canada. Dans le document de consultation qui accompagne l’examen du cadre de politiques, de financement et de prestation de l’aide internationale du Canada en 2016, il est indiqué que l’examen « nous fournit l’occasion de voir comment nous pourrions établir des partenariats plus productifs avec un éventail plus large d’OSC ».

[155]         FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 12 avril 2016.

[156]         FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 21 avril 2016.

[157]         FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 14 avril 2016.

[158]         Les données sont fondées sur des rapports des membres de l’OCDE-CAD relativement au marqueur genre du CAD (un système de classification qui permet de déterminer si une activité est orientée vers l’égalité des sexes) pour 2013-2014. Selon ces données, une aide d’une valeur de 717 millions de dollars américains a été accordée par le Canada à des activités pour lesquelles l’égalité des sexes était l’« objectif principal » et 1 104 millions de dollars américains ont été versés pour des activités pour lesquelles l’égalité des sexes était un « objectif important ». Ces montants représentaient 61 % de l’aide totale (bilatérale et pouvant être accordée), soit 2,96 milliards de dollars américains évalués selon le marqueur du genre. Les termes « objectif principal » indiquent que l’égalité des sexes « était un objectif explicite de l’activité et un élément fondamental du plan de l’activité ». Par contre, un objectif important indique que l’égalité des sexes « était un objectif important de l’activité, quoique secondaire ». Voir : OCDE-CAD, Aid in Support of Gender Equality and Women’s Empowerment: Donor Charts, mars 2016 [traduction].

[159]         Ibid.

[160]         La Norvège a annoncé un appel de propositions pour 2015-2017 pour soutenir les femmes, la paix et la sécurité. Dans cet appel, il est indiqué que l’Agence norvégienne de coopération et de développement (Norad) a l’intention d’« épauler les organisations de la société civile nationales et internationales dans leurs efforts visant à affermir l’influence des femmes dans les processus de paix et les contextes qui font suite à des conflits ». Voir : Norad, Funds for efforts supporting the follow-up of 1325 – Women, Peace and Security 2015‑2017 [traduction].

[161]         Observations présentées par écrit au Comité par Anne Marie Goetz professeure, Center for Global Affairs, Université de New York, le 2 mai 2016. Les Pays-Bas ont aussi élaboré un programme de subventions appelé Funding Leadership and Opportunities for Women (FLOW) et un Human Rights Fund [traduction].

[162]         FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 19 avril 2016.

[163]         Groupe des Nations Unies pour le développement, Bureau du Fonds d’affectation multi-partenaires, The Global Acceleration Instrument, 26 février 2016.

[164]         Groupe des Nations Unies pour le développement, Bureau du Fonds d’affectation multi-partenaires, Global Acceleration Instrument for Women, Peace & Security and Humanitarian Action, consulté le 26 septembre 2016.

[165]         FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 10 mai 2016 (Valerie Percival). Selon le Rapport statistique sur l’aide internationale de 2014-2015 publié par Affaires mondiales Canada, le Fonds canadien d’initiatives locales est « un programme de contributions administré dans les missions canadiennes à l'étranger. Il est utilisé pour promouvoir les intérêts et les priorités du Canada d’une manière ciblée et flexible. » Il finance des « projets à petite échelle élaborés localement » auxquels sont affectés, en moyenne, 25 000 $. Il ne finance pas les opérations de base ni les coûts récurrents des organismes. Voir : Ambassade du Canada en Éthiopie, Appel de propositions pour le Fonds canadien d’initiatives locales.

[166]         Selon Mme Jess Tomlin, le Canada pourrait créer « un instrument de financement national accessible aux organisations de défense des droits des femmes ou un mécanisme de financement réservé, dans le cadre de cet instrument, qui s’adresserait spécifiquement aux organisations de femmes vouées aux questions liées à la paix et à la sécurité ». Voir : FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 12 avril 2016 (Jess Tomlin). Dans le mémoire présenté par le Réseau Femmes, paix et sécurité‑Canada, il est indiqué que le Canada doit allouer « de nouvelles ressources considérables pour soutenir les efforts de consolidation de la paix que déploient les organismes communautaires de défense des femmes ». Il y est également indiqué que l’élargissement du Fonds canadien d’initiatives locales ne « permettrait » pas d’atteindre cet objectif. On y expose les différentes options : création d’un fonds canadien spécifique pour financer les organismes locaux de femmes qui œuvrent dans le domaine [femmes, paix et sécurité]; publier un appel de propositions par lequel des organismes canadiens non gouvernementaux s’associeraient à des organismes de femmes dans d’autres pays; recourir au réseau mondial de fonds destinés aux femmes (dont fait partie le Fonds MATCH international pour les femmes). Voir : mémoire présenté au Comité par le Réseau Femmes, paix et sécurité‑Canada, 28 avril 2016 [traduction].

[167]         FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 19 avril 2016.

[168]         Conseil de sécurité des Nations Unies, S/RES/2122 (2013), 18 octobre 2013.

[169]         FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 21 avril 2016.

[170]         FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 19 avril 2016.

[171]         Ibid.

[172]         FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 3 mai 2016.

[173]         FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 10 mars 2016.

[175]         FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 8 mars 2016.

[176]         PeaceWomen, États membres [en anglais seulement]; Institut pour une sécurité inclusive, National Action Plan Resource Center [en anglais seulement].

[177]         FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 14 avril 2016.

[180]         FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 10 mars 2016.

[181]         FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 12 avril 2016.

[182]         Ibid.

[183]         FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 14 avril 2016.

[184]         FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 12 avril 2016.

[185]         Rapport du secrétaire général sur les femmes et la paix et la sécurité, Conseil de sécurité des Nations Unies, S/2015/716, 16 septembre 2015, paragr. 169.

[186]         FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 12 avril 2016, (Diana Sarosi).

[187]         FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 10 mai 2016.

[189]         FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 12 avril 2016.

[191]         FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 19 avril 2016. L’ACS+ est une « méthode d’analyse [qui] permet d’évaluer les effets éventuels de politiques, de programmes, de services et d’autres initiatives sur les femmes et les hommes de différents horizons parce qu’elle tient compte du genre et d’autres facteurs identitaires ». Pour plus de renseignements sur l’ACS+, voir : Condition féminine Canada, Analyse comparative entre les sexes plus.

[192]         FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 19 avril 2016.

[193]         FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 14 avril 2016.

[194]         Ibid.

[195]         FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 19 avril 2016.