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ETHI Rapport du Comité

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CHAPITRE 8: IMMUNITÉ EN MATIÈRE CIVILE PRÉVUE À L’ARTICLE 9 DE LA LOI SUR LA COMMUNICATION D’INFORMATION AYANT TRAIT À LA SÉCURITÉ DU CANADA

 

Au cours de l’étude, plusieurs témoins ont attiré l’attention des membres du Comité sur l’article 9 de la LCISC qui se lit comme suit : « toute personne bénéficie de l’immunité en matière civile pour la communication d’information faite de bonne foi en vertu de la présente loi[367] ». Selon plusieurs, les implications de cet article soulèvent des inquiétudes[368]. Dans ce cadre, afin d’illustrer les conséquences d’une immunité civile, certains témoins ont fait un parallèle entre l’article 9 de la LCISC et le cas de M. Maher Arar, un Canadien ayant subi de la torture, en raison notamment, de la communication d’informations inexactes[369]. Effectivement, certains témoins ont souligné, qu’en raison de l’article 9 de la LCISC, des Canadiens subissant un préjudice en raison de la communication d’information en vertu de la LCISC ne pourraient pas obtenir de compensation[370].

Mme Austin a affirmé qu’ « une disposition interdisant tout recours aux personnes victimes d'abus mine la confiance des Canadiens[371] ». Puis, selon M. Fraser, « si une loi doit procurer l'immunité à l'égard d'une conduite considérée autrement comme étant illégale, nous devrions être très prudents au moment d'évaluer la possibilité d'autoriser cette conduite et nous devrions soupeser très sérieusement l'octroi de cette immunité[372] ». Ensuite, M. Mia a affirmé que « cet article stipule que lorsque quelqu'un communique de l'information qui porte atteinte à un Canadien ou à quelqu'un d'autre — mais prenons le cas d'un Canadien, comme dans l'affaire Arar —, ces gens bénéficient d'une immunité qui les met à l'abri des poursuites ou de l'obligation de verser des dédommagements[373] ». Similairement, M. Roach a souligné que cet article

non seulement agite le spectre de l'autorisation du genre d'activités de communication d'information qui ont nui à Maher Arar et à tant d'autres personnes, mais constitue un autre obstacle à l'obtention d'une indemnisation civile si des activités de communication d'information — et je tiens à souligner en particulier les activités d'échange d'information au sujet des menaces à la sécurité — sont préjudiciables à des personnes, qui pourraient très bien vouloir obtenir une indemnisation ou qui voudraient peut-être rétablir leur réputation[374].

Lors de sa comparution, Mme Sheppard du ministère de la Justice a expliqué pourquoi l’article 9 a été inclus à la LCISC :

Lorsque nous avons décidé de l'inclure, nous avons consulté les organismes et les ministères, puis nous nous sommes rendu compte que les fonctionnaires étaient réticents à communiquer de l'information en toute légalité parce qu'ils craignaient d'être poursuivis pour avoir divulgué de l'information. On a donc pris cette mesure pour diminuer l'anxiété, puis favoriser la divulgation responsable et conforme à la Charte.
La disposition vise à informer les fonctionnaires qu'ils seront à l'abri des poursuites civiles s'ils communiquent de l'information de bonne foi, et c'est pourquoi on l'a incluse. Elle protège les personnes. On n'a jamais eu l'intention de protéger la Couronne, et c'est peut-être quelque chose que les gens ne comprennent pas.
Les personnes qui sont lésées par un partage de renseignements quelconque pourraient entreprendre des recours civils contre la Couronne, laquelle pourrait être tenue indirectement responsable des actes de son employé, mais elles ne seraient pas à l'abri de poursuites criminelles si elles avaient communiqué l'information de façon malveillante[375].

Néanmoins, le commissaire à la protection de la vie privée, dans une réponse écrite au Comité en date du 5 décembre 2016, a affirmé ce qui suit :

Vous voudrez peut-être consulter le ministère de la Justice, qui possède une expertise appropriée en cette matière, mais selon nous, l’État serait probablement à l'abri de toute poursuite civile aux termes de l'article 9. L'État ne peut être tenu responsable en matière délictuelle que pour les fautes de ses préposés. Si une disposition législative d’immunité libère ses préposés de toute responsabilité, l'État ne peut être tenu responsable du fait d'autrui pour les actions de ceux-ci, à moins que la disposition en question maintienne expressément la responsabilité possible de l'État.

Également, selon M. Mia, l’immunité prévue à l’article 9 inclut la Couronne et s’est inquiété du fait qu’ « il est possible de faire preuve de négligence tout en agissant en toute bonne foi[376] ». De même, Mme Vonn a spécifié qu’en lisant cette disposition, elle a « cru comprendre que l'État déclinait sa propre responsabilité, mais pas celle des fonctionnaires[377] » et que si « le manque de clarté de cette disposition nous saute aux yeux[378] », elle pense « qu'il en sera de même pour la majorité des Canadiens[379] ». Mme Austin a également indiqué qu’elle « suppose que la présence du mot “personne” inclut automatiquement l'État. Si ce n'est pas le cas, il serait certes utile d'apporter une modification précisant que l'État peut être tenu responsable[380] ». De plus, celle-ci a spécifié qu’il serait « opportun de conserver une disposition qui stipule qu'une interprétation de bonne foi ne causera aucun ennui au fonctionnaire[381] », par exemple pour « le cas du fonctionnaire qui s'inquiète de mal évaluer le seuil de préjudice relatif à la communication d'information[382] ».

Pour M. Kapoor, l’article 9 constitue une protection pour le gouvernement : « [L]e gouvernement doit prendre la responsabilité des erreurs commises. […] En offrant une protection tout simplement, le gouvernement peut se mettre à l'abri de toute poursuite. De mon point de vue, nous pouvons abroger cette disposition et la remplacer par des accords en bonne et due forme en matière de protection[383] ».

M. Roach s’est dit « en faveur de l’élimination pure et simple de l’article 9 de la LCISC[384] ». Celui-ci a ajouté qu’il serait préférable qu’il revienne aux tribunaux de déterminer si un citoyen peut obtenir une indemnisation[385].

À la lumière des témoignages, le Comité recommande :

Recommandation 13

Que le gouvernement du Canada modifie l’article 9 de la Loi sur la communication d’information ayant trait à la sécurité du Canada de manière à ce qu’il soit clair et sans équivoque que :

a) seuls les employés agissant de bonne foi dans l’exercice de leurs fonctions sont couverts par l’immunité en matière civile;

b) la Couronne demeure responsable des actes de ses employés.


[367]         LCISC, art.9.

[368]         ETHI, Témoignages, 1re session, 42e législature, 3 novembre 2016, 1115 (M. Kent Roach); ETHI, Témoignages, 1re session, 42e législature, 6 décembre 2016, 1145 et 1225 (M. Ziyaad Mia); ETHI, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 décembre 2016, 1155 (Mme Micheal Vonn); 1200 (Mme Lisa Austin); ETHI, Témoignages, 1re session, 42e législature, 31 janvier 2017, 1605 (M. David Fraser).

[369]         Ibid. (M. Kent Roach); ETHI, Témoignages, 1re session, 42e législature, 6 décembre 2016, 1145 et 1225 (M. Ziyaad Mia, membre); Ibid., 1225 (Mme Lisa Austin).

[370]         Ibid., (M. Kent Roach); Ibid., 1145 et 1225 (M. Ziyaad Mia); Ibid., (Mme Lisa Austin).

[371]         Ibid., 1200 (Mme Lisa Austin).

[372]         ETHI, Témoignages, 1re session, 42e législature, 31 janvier 2017, 1605 (M. David Fraser).

[373]         ETHI, Témoignages, 1re session, 42e législature, 6 décembre 2016, 1145 (M. Ziyaad Mia).

[374]         ETHI, Témoignages, 1re session, 42e législature, 3 novembre 2016, 1115 (M. Kent Roach).

[375]         ETHI, Témoignages, 1re session, 42e législature, 17 novembre 2016, 1240 et 1245 (Mme Ann Sheppard).

[376]         ETHI, Témoignages, 1re session, 42e législature, 6 décembre 2016, 1145 (M. Ziyaad Mia).

[377]         ETHI, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 décembre 2016, 1225 (Mme Micheal Vonn).

[378]         Ibid.

[379]         Ibid.

[380]         Ibid., 1225 (Mme Lisa Austin).

[381]         Ibid.

[382]         Ibid.

[383]         ETHI, Témoignages, 1re session, 42e législature, 6 décembre 2016, 1225 (M. Anil Kapoor).

[384]         ETHI, Témoignages, 1re session, 42e législature, 3 novembre 2016, 1145 (M. Kent Roach).

[385]         Ibid.