Nous souhaitons à tous la bienvenue à notre réunion de ce matin, qui portera sur les défis en santé mentale auxquels sont confrontés les agriculteurs, éleveurs et producteurs canadiens.
Nous accueillons ce matin, à titre personnel, un ancien député, l’honorable Ted Menzies. Bienvenue au Comité, monsieur Menzies.
De plus, de l’Agence canadienne d’inspection des aliments, nous accueillons M. Rick James-Davies, directeur principal, Opérations Ouest. Bienvenue au Comité, monsieur James-Davies.
Nous commencerons par les déclarations préliminaires, d’au plus sept minutes.
Voulez-vous commencer, monsieur James-Davies? La parole est à vous, ou à quiconque...
:
Merci. Remarquez que je suis toujours disposé à laisser la parole à l’un des représentants de l’ACIA.
Je tiens d’abord à remercier vivement le Comité d’avoir pris le temps et mis l’effort — et aussi du sentiment — d’entendre certains des témoins qui ont comparu ici. Ce sujet est très important.
Je suis heureux d’être de retour devant le Comité. J’ai eu le plaisir de siéger des deux côtés de cette table. Au début de ma carrière, bien avant mon entrée en politique, je m’asseyais de ce côté-ci de la table, et je suis heureux de m’y retrouver.
Ce sujet est très important, et nous aurions dû, à mon avis, en discuter depuis longtemps, et quand je dis « nous », je parle des agriculteurs. Je veux aujourd’hui parler du fond du cœur; vous n’aurez donc pas le texte de ma déclaration devant vous.
J’ai été mêlé à l'agriculture pendant une trentaine d’années. J’ai grandi sur une ferme. J’ai été agriculteur pendant 30 ans avant de venir ici en 2004. C’est une belle vie, l'agriculture.
Les agriculteurs sont des gens solides. Nous mesurons six pieds et nous sommes à l’épreuve de tout — et qu’on ne vienne jamais nous dire le contraire — jusqu’à ce que les difficultés nous assaillent. Il ne s’agit pas ici seulement des hommes; ce constat vaut également pour les femmes. Je connais une jeune femme qui est malheureusement devenue une victime, une donnée statistique. Mais elle n’est pas qu’une donnée statistique: elle a laissé derrière elle des enfants et un mari, et personne ne sait pourquoi. Nous sommes très réticents à en parler ou à en discuter avec qui que ce soit. C’est là notre plus grand défi en tant qu’agriculteurs, et quand j’utilise le terme « agriculteurs », j’inclus les éleveurs.
Il y a beaucoup de stress en agriculture, tout comme d’ailleurs dans chaque industrie et chaque secteur. Mais certains des facteurs de stress sont propres aux agriculteurs: fluctuations du cours des produits de base, accords commerciaux dans le monde entier dont nous entendons beaucoup parler, scepticisme des consommateurs qui veulent savoir comment nous produisons leurs aliments, nouvelles tendances alimentaires et, pour parler franchement, ingérence gouvernementale.
L’un de ces facteurs, qui constitue un problème propre aux agriculteurs et qui engendre un stress énorme, ce sont les conditions météorologiques. Rien n’est plus stressant que de voir l’investissement et le travail de toute une année être anéantis en une dizaine de minutes. C’est un défi pour n’importe quel agriculteur, qu’il soit éleveur ou producteur céréalier.
Il y a également, à l’heure actuelle, des pressions plus graves qui viennent des médias sociaux. Je crois que vous avez entendu des témoins qui vous ont parlé des attaques qui minent la confiance du public. C’est l’un des gros problèmes. Comment convaincre la population que nous faisons ce qu’il faut?
Les agriculteurs sont aux prises avec des difficultés financières. Bien que cela ne fasse aucun doute, la cible est trop facile. Les gens qui font un tour de voiture en campagne peuvent voir les grosses machines rutilantes dans les champs, les grosses machines rouges, vertes ou jaunes, et pensent spontanément: « Wow, ces gros agriculteurs doivent être âpres au gain. Ils sont forcément égoïstes. Se préoccupent-ils de la nourriture qu’ils produisent pour nous? »
Les personnes qui reprochent à un agriculteur de prendre de l’expansion pour survivre avaient jadis l’habitude de magasiner à l’épicerie du coin. De nos jours, c’est dans les grandes surfaces qu’elles achètent les mêmes aliments.
N’oubliez pas que nous consommons les mêmes aliments que nous vendons à nos clients et que nous faisons de notre mieux pour produire des aliments sains et nutritifs.
L’agriculture est un mode de vie solitaire. Qu’il s’agisse de chevaucher pour inspecter le troupeau ou de passer 18 ou 20 heures par jour sur le tracteur ou dans la moissonneuse-batteuse, l’agriculteur est seul. Je me souviens d’avoir passé beaucoup de journées de la sorte. Durant notre haute saison, il y avait des journées, des semaines entières où je ne retrouvais jamais mon lit; je m’allongeais comme je pouvais pour une sieste. Nous devons sans cesse déjouer la météo. Cet automne nous en a apporté un bel exemple avec les chutes de neige dans les Prairies, et pas seulement dans les Prairies, mais en Ontario aussi.
Nous avons un équilibre travail-vie personnelle tout à fait unique. Nous vivons dans notre usine. Quand nous regardons par la fenêtre, nous voyons invariablement quelque travail qui demande notre attention, ceci ou cela qui doit être fait. Comment alors équilibrer ces exigences avec la vie familiale? C’est l’un des défis: le sentiment de culpabilité de ne pas passer assez de temps avec la famille.
J’aimerais vous faire part d’une expérience personnelle.
Étant politiciens, vous avez tous souvent eu à prononcer des discours. Pour ma part, le plus difficile que j’ai eu à prononcer était l’éloge funèbre de mon meilleur ami, dans une église remplie de plus de 500 personnes, dont ses deux enfants, sa mère, son épouse et ses parents endeuillés. Qu’est-ce que je pouvais leur dire? Que j’avais échoué parce que je n’avais pas vu venir le drame? Je ne pouvais pas leur dire qu’ils avaient échoué parce qu’ils ne l’avaient pas vu venir.
Voilà l’importance de l’étude du Comité parce que, quant à moi, je ne sais toujours pas ce que je devais leur dire et je ne pense pas que beaucoup d’entre nous le sauraient. C’est pourquoi nous avons besoin d’aide professionnelle. Nous devons encourager les gens à se faire entendre, à se défendre et à ne pas succomber à la stigmatisation d’avoir un problème de santé mentale, puisque ce n’est pas vraiment différent d’aucun autre problème auquel nous sommes confrontés ou d’aucune autre maladie. C’est une bonne chose que le Comité en discute.
Je dirais même plus, que nous, agriculteurs, pouvons être notre pire ennemi: « Je peux m’en tirer tout seul; je n’ai pas besoin d’aide. » Cette attitude, je l’ai eue pendant quelque temps, jusqu’à ce qu’une petite fille m’appelle un dimanche matin pour me dire: « Papa est par terre et maman est à l’église. Je n’arrive pas à le réveiller. » Et moi non plus, à mon arrivée, je n’ai pas pu le réveiller.
Il avait le même âge que moi. Rentré à la maison, j’ai dit à mon épouse: « Je vais changer ma façon de faire les choses. » J’ai embauché quelques travailleurs pour m’aider et j’ai ainsi réduit le stress qui pesait sur ma vie. Si vous n’êtes pas conscients de ces risques, si personne ne vous aide à reconnaître ce genre de situation, vous continuerez de suivre cette pente jusqu’à en devenir une victime gisant par terre.
Ayant repensé mes responsabilités envers mon entreprise agricole et celles que j’ai à l’endroit de ma famille, j’étais convaincu que ma famille devait avoir priorité.
Je vais conclure là-dessus.
:
Bonjour, monsieur le président. Je m'appelle Rick James-Davies. Je suis vétérinaire. Je suis également le directeur principal des opérations de l'Ouest à l'Agence canadienne d'inspection des aliments.
[Traduction]
Je suis heureux d'avoir l'occasion de parler de l'importante question de la santé mentale dans le secteur agricole, et plus particulièrement de l'effet que produit l'annonce de nouvelles éprouvantes sur les agriculteurs, les éleveurs et les producteurs.
[Français]
Je parlerai aujourd'hui de l'ACIA et de la façon dont nous abordons et annonçons les nouvelles difficiles.
[Traduction]
Pour mettre les choses en contexte, je veux préciser que l'ACIA est un organisme de réglementation à vocation scientifique. Nos activités découlent d'un très large mandat qui englobe la salubrité des aliments, l'accès aux marchés, la protection des végétaux et la santé des animaux.
Monsieur le président, en tant qu'organisme de réglementation, l'ACIA doit parfois prendre la décision pénible d'abattre intégralement des troupeaux pour protéger la santé animale et empêcher la propagation des maladies au Canada.
[Français]
Nous protégeons ainsi tous les producteurs, agriculteurs et éleveurs du Canada, de même que l'économie du pays.
[Traduction]
Nous avons dû le faire durant les éclosions d'influenza aviaire, d'encéphalopathie spongiforme bovine et de tuberculose bovine ainsi qu'à d'autres occasions. Ce ne sont pas des décisions faciles, monsieur le président.
[Français]
Elles ne sont pas prises à la légère.
[Traduction]
L'ACIA est consciente des répercussions que peuvent avoir de telles décisions sur les producteurs, les agriculteurs et les éleveurs.
[Français]
La façon dont la nouvelle est transmise peut avoir d'énormes conséquences.
[Traduction]
Penchons-nous d'abord sur la formation de nos inspecteurs. L'ACIA prend très au sérieux le recrutement et la formation de ses inspecteurs et de ses vétérinaires afin de choisir le meilleur candidat pour le poste. Pour devenir un inspecteur ou un vétérinaire de l'ACIA, le candidat doit démontrer sa capacité de raisonnement analytique, de l'entregent, un esprit d'équipe, une capacité de planification et d'organisation, un sens des responsabilités, une communication efficace de vive voix et par écrit, et faire preuve d'initiative et de jugement. Une fois embauchés, les employés sont tenus de participer à un programme d'emploi préalable, ou PREP, qui couvre les principes fondamentaux de l'inspection, ainsi qu'à diverses formations sur les valeurs et l'éthique et la gestion des conversations difficiles.
[Français]
La formation ne s'arrête pas là.
[Traduction]
D'autres directives opérationnelles sont fournies pour le programme ou les activités propres à une situation donnée, par exemple, comment intervenir en cas d'éclosion de maladie.
[Français]
Permettez-moi de vous en dire un peu plus sur notre mode opératoire durant une éclosion.
[Traduction]
En cas d'éclosion de maladie, l'ACIA mobilise le personnel expérimenté de tout le pays pour épauler les employés de la région où a eu lieu la découverte. Les inspecteurs, les vétérinaires et les autres membres du personnel de l'ACIA qui interviennent dans des situations extrêmement stressantes sont parfaitement conscients des répercussions potentielles de ces événements sur les producteurs. Ces intervenants ont reçu une bonne formation sur l'éclosion à traiter et sur la façon de travailler et de dialoguer avec les producteurs, les agriculteurs et les éleveurs qu'il s'agisse d'influenza aviaire, d'encéphalopathie spongiforme bovine, de tuberculose bovine ou d'une autre maladie.
Je tiens à ajouter que cette approche comprend également un mentorat pour le personnel moins expérimenté dans un système de jumelage, afin que les jeunes inspecteurs apprennent de leurs collègues plus chevronnés.
Voici maintenant un exemple concret de notre interaction avec les producteurs, un cas que j'ai moi-même vécu durant l'éclosion de tuberculose bovine en 2016 dans l'Ouest.
Mettons d'abord les choses en contexte. Quand une situation du genre se produit, l'ACIA ne travaille pas en vase clos.
[Français]
Nous collaborons autant que possible avec d'autres ministères fédéraux, des homologues provinciaux et des associations d'industries.
[Traduction]
Nous prenons également toutes les précautions nécessaires pour préserver la confidentialité de l'information des producteurs. Les autorités sanitaires provinciales sont l'un de ces partenaires clés de sorte que la santé physique et mentale du producteur demeure une priorité. Au besoin, nous adressons les producteurs au partenaire provincial compétent qui s'occupera de leur santé.
Durant l'éclosion de tuberculose bovine en 2016, un représentant de l'Alberta Beef Producers a été intégré à part entière dans l'équipe du centre des opérations d'urgence de l'ACIA. L’Alberta Beef Producers a fourni de précieux renseignements sur les répercussions que les activités de l'ACIA pouvaient avoir sur les producteurs et sur la façon dont nous pouvions en atténuer les effets. Nous avions des téléconférences deux fois par semaine avec les associations provinciales de producteurs de bovins de l'Alberta et de la Saskatchewan pour nous assurer de l'exactitude de l'information transmise. En outre, ces associations ont pu ensuite diriger les producteurs vers l'ACIA pour qu'ils puissent obtenir des réponses à leurs questions et la bonne information.
[Français]
Des assemblées générales ont eu lieu à intervalles réguliers dans la collectivité des producteurs.
[Traduction]
Plusieurs spécialistes de l'ACIA étaient sur place à chaque assemblée pour répondre à des questions précises sur le dépistage, la surveillance et les mesures d'indemnisation.
Des représentants d'autres ministères fédéraux et provinciaux étaient aussi disponibles; les producteurs touchés ont donc eu un accès direct aux personnes compétentes.
[Français]
Des agents responsables étaient attitrés à chaque producteur.
[Traduction]
Ces agents responsables étaient des inspecteurs de l'ACIA qui avaient la formation et les connaissances nécessaires sur tous les éléments de l'enquête. Ils pouvaient répondre à la plupart des questions des producteurs ou prendre des dispositions pour qu'un producteur puisse parler à un spécialiste en cas de questions techniques très précises.
Nous sommes allés à la ferme et avons parlé avec les producteurs autant que nécessaire. Chaque situation était différente et les besoins de chaque producteur étaient uniques.
[Français]
Nous en avons tenu compte.
[Traduction]
Les producteurs qui n'étaient pas satisfaits de l'information fournie par leur agent responsable ou le spécialiste m'ont été adressés, à titre de responsable principal, pour voir quelles mesures supplémentaires pouvaient être prises pour leur venir en aide.
Je peux dire que l'ACIA prend des mesures spéciales pour s'assurer que les producteurs touchés par un événement soient traités comme des personnes et non simplement comme des composantes d'une enquête. Voilà pour l'enquête. Par la suite, comme dans toutes les interventions d'urgence gérées par l'ACIA, nous prenons toujours le temps de faire ce que nous appelons une séance de rétroaction immédiate. Ces séances permettent d'examiner comment l'ensemble des opérations se sont déroulées et ce qui aurait pu être mieux géré ou être géré différemment. Périodiquement, nous passons en revue nos directives aux inspecteurs à mesure que nous sommes confrontés à des situations nouvelles et difficiles. Qui plus est, l'Agence et son personnel d'inspection évoluent d'une éclosion de maladie à l'autre de sorte que nous pouvons tirer des leçons de ces séances de rétroaction immédiates, maintenir les pratiques exemplaires, examiner toutes les difficultés rencontrées et établir un plan pour les corriger à l'avenir.
De plus, la rétroaction des producteurs, des agriculteurs, des éleveurs touchés et de leurs associations sectorielles respectives est prise en compte dans la façon dont nous réagirons à ces événements à l'avenir.
Monsieur le président, comme je l'ai dit au départ, l'ACIA est un organisme de réglementation à vocation scientifique. Cet organisme de réglementation doit parfois annoncer des nouvelles douloureuses à un producteur, un agriculteur ou un éleveur, et à ce titre, nous sommes prudents quand il s'agit de concilier nos obligations d'organisme de réglementation avec l'obligation que nous avons de faire preuve de compréhension et d'empathie quand une personne se retrouve dans une situation difficile. Nous essayons de faire les deux, avec l'aide de nos partenaires et du mieux que nous le pouvons.
[Français]
Je vous remercie encore de m'avoir invité à prendre la parole aujourd'hui.
[Traduction]
Je vous remercie de votre attention.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci à nos deux témoins. J’ai beaucoup apprécié vos témoignages.
Monsieur Menzies, je sais que vous comparaissez ici à titre personnel; cependant, vous avez, dans le domaine de l’agriculture, une vaste expérience de travail avec les producteurs de tout le pays et du monde entier. Vous avez mentionné certains des facteurs de stress, et je pense que c’est vraiment ce sur quoi nous devons nous pencher. Il y a les menaces que font peser les activistes opposés aux pratiques agricoles modernes. Il y a les attaques dans les médias sociaux. Les gens ont probablement reconnu, en écoutant les témoignages, à quel point cette situation est pénible.
Nous constatons aussi le rôle du gouvernement. Il y a les taxes sur le carbone et la réglementation, dont les règlements visant les néonicotinoïdes. Ceux d’entre nous qui vivent dans l’Ouest voient l’idiotie de l’approche adoptée dans ce dossier. Il y a le guide alimentaire et l’étiquetage sur les devants d’emballage. Toutes ces choses sont des facteurs de stress supplémentaires auxquels sont confrontés les agriculteurs.
Je pense au problème, mentionné par M. James-Davies, de l’encéphalopathie spongiforme bovine. Je ne saurais exprimer ma frustration en voyant à la télévision canadienne une vache du Royaume-Uni en convulsion. Voilà des années que nous nous en occupons. J’aurais aimé, à tout le moins, que l’ACIA fasse savoir à Radio-Canada que ce reportage était inapproprié et n’avait rien à voir avec ce qui se passe ici sur le terrain. Cependant, nous tolérons, malheureusement, que ce genre de traitement médiatique définisse les enjeux.
Il y a beaucoup de facteurs de stress de ce genre. Si les gens pensent que ce ne sont pas des facteurs de stress, ils se trompent. Je mentionne aussi le problème du nématode à kyste de la pomme de terre à Edmonton, où personne ne l’a découvert par la suite. Pour la plupart des gens, cela paraissait être un problème de laboratoire, pas un problème de santé. Il y a eu de la frustration à ce sujet. Voilà une autre industrie qui a eu l’impression d’être victimisée.
Monsieur Menzies, vous avez aussi travaillé à Ag for Life. Je sais que l’année dernière l’approche principale de cet événement concernait la sécurité agricole. Cette année, l’organisme auquel vous participez parle d’éducation et de l’utilité de sensibiliser le public à ce qu’est vraiment l’agriculture.
Comme j’aurai besoin d’une minute environ à la suite de votre réponse, je vais donc peut-être devoir vous interrompre. Pouvez-vous nous expliquer quelles sont actuellement les idées et les actions de votre organisme pour tenter de sensibiliser les consommateurs canadiens, même ceux qui vivent à la ferme, à ce qui se passe vraiment.
:
Je vous remercie de cette question. Elle est très importante. Quant à une possible interruption, ne vous en faites pas: j’ai l’habitude.
Des voix: Oh, oh!
L'hon. Ted Menzies: C’est l’une des joies après la politique: vous pouvez siéger dans certains de ces conseils d’administration sans but lucratif. « J’ai passé des années en politique. Que puis-je faire maintenant? » Eh bien, je peux donner en retour de ce que j’ai reçu et je le fais par l’entremise d’Ag for Life, en Alberta. On travaille aussi avec Ag in the Classroom partout au Canada. Les deux sont en partenariat. Ag for Life a réussi à monter une remorque thématique sur la sécurité. À partir de juin dernier, elle a fait le tour des foires locales, des écoles et de toutes sortes d’événements communautaires. Environ 90 000 personnes, dont des enfants, ont eu l’occasion d’en apprendre davantage sur la sécurité agricole grâce aux moyens interactifs et technologiques dont les enfants raffolent. Nous allons reprendre cette formule avec une remorque axée sur l’éducation agricole qui, à notre avis, sera aussi efficace.
Dans le monde agricole, il y a une rupture. Jadis, tout le monde avait une tante, un grand-père ou un arrière-grand-père à la ferme. Cette rupture est profonde. Les agriculteurs sont les meilleurs gérants de leur terre. Ils y vivent. Ils y survivent. Ils veulent la transmettre meilleure qu’elle n’était quand ils l’ont obtenue. Ils font de leur mieux pour assurer une production alimentaire saine et durable. S’il est tellement facile de les critiquer, c’est qu’on ne comprend pas comment les choses se passent à la ferme. Ces critiques accroissent la vulnérabilité des agriculteurs, alors plus il y a d’efforts d’éducation...
Il faut féliciter le Comité d’avoir soulevé cette question dans le contexte plus général des attaques contre l’agriculture moderne. Au Canada, nous sommes bénéficiaires du changement climatique, puisque nous pourrons, à la faveur de ce changement, accroître notre production. De ce fait, nous aurons désormais la responsabilité de nourrir plus de gens qui, eux, ne seront pas bénéficiaires du changement climatique.
Quoi qu’il en soit, allez-y, monsieur, n’hésitez pas à m’interrompre.
:
Je n’ai pas besoin d’ajouter quoi que ce soit.
Ils se regroupent et j'en suis très heureux. Je suis déçu de la façon dont cela s’est produit. Le ministre était au courant et a même félicité le Comité pour le travail qu’il fait sur la santé mentale, mais personne ne nous a prévenus de ce qui s’en venait.
Puis, tout à coup, comme par hasard, des gens se lèvent, des députés font des déclarations en vertu de l'article 31et posent des questions et nous disons « mais nous sommes au beau milieu d’une étude », ce qui m’amène à me demander pourquoi nous faisons cette étude alors que le ministre annonce la création d'un groupe consultatif et demande aux membres ce qu’ils vont proposer. C’est ce qui a été décevant.
Je pense que nous avons très bien travaillé dans le cadre de cette étude et d’autres. C’était comme le revers de la médaille.
De toute évidence, nous appuyons la motion. Je suis heureux de vous entendre dire que c’est ce que vous allez faire, que nous allons les impliquer et que cela doit faire partie du résultat final.
Je ne veux pas que ce que le Comité a fait soit relégué aux oubliettes, parce que ce rapport nous éclipse. Je ne sais pas trop comment cela va se dérouler, parce que nous aurons probablement produit un rapport avant ce qui arrivera à Financement agricole Canada et aux 4-H, peu importe ce que c'est. Je ne sais pas quelle en sera l'issue et quelle incidence cela aura sur notre rapport. Nous devrons nous en occuper au fur et à mesure.
Merci.
Votre témoignage est un cri du coeur. Vous avez parlé en connaissance de cause. J’ai eu des amis qui se sont suicidés, mais pas sur une ferme. Personnellement, je pense que nous avons probablement tous vécu cela. Nous connaissons tous quelqu’un qui est passé par là.
En ce qui concerne votre travail dans le domaine de l'agriculture, vous avez parlé des médias sociaux et des pressions qui s’exercent actuellement. Je me souviens, à l’école, une rumeur ne circulait que dans la classe ou, par malchance, elle se répandait dans l'école, mais aujourd’hui, c'est une autre paire de manches et des défenseurs des droits des animaux pointent vraiment du doigt les agriculteurs.
Je ne sais pas s’ils sont vraiment conscients des problèmes de santé mentale que leurs gestes peuvent poser pour quelqu’un qui se trouve à 5 000 milles de là et qui est déconnecté de la réalité, mais qui a des liens avec sa propre collectivité, qui travaille sur des superficies et des superficies de terre et, comme vous l’avez dit, qui vit là où il travaille.
Que pouvons-nous faire afin que les agriculteurs soient mieux équipés pour supporter cette pression, mais en même temps, comment pouvons-nous faire comprendre à l’autre partie les répercussions que leurs gestes peuvent avoir? Je pense qu’il est possible d’avoir un débat respectueux sur ces questions. Je me demande si, dans le cadre des activités de vos organisations, vous avez déployé des efforts pour sensibiliser le public.
C’est une question très difficile. Si nous avions la réponse ou la solution, je pense que nous nous porterions tous mieux, c’est-à-dire ceux qui ne comprennent pas, ceux qui vivent de l’agriculture et ceux qui s’inquiètent de leur approvisionnement alimentaire — et ils devraient s’inquiéter. Nous avons des problèmes de salubrité des aliments. Ce n’est absolument pas intentionnel, mais cela arrive.
Pour moi, cela revient aux conclusions d’un comité comme celui-ci qui les porte à la connaissance du public. J’espère que certaines des personnes qui ne comprennent pas le stress qu’elles imposent aux producteurs puissent entendre des témoins dire « Je suis les médias sociaux et vous m’attaquez et laissez entendre que je ne produis pas de façon durable ou sécuritaire les aliments que je vais vous fournir. » Cela blesse profondément ces gens et, oui, ce sera un stress pour eux.
Je déteste le mot « éduquer », mais comment amener les agriculteurs à se tenir debout et à raconter leur histoire? C’est une bonne histoire, la durabilité, la façon dont nous sommes en train — et je le répète — de laisser les terres en meilleur état que lorsque nous...
Trente pour cent des terres que j’ai prises en charge pour la première fois dans les années 1970 étaient alcalines. C’était blanc comme neige. Impossible d'y cultiver quoi que ce soit. Grâce à la culture continue et aux pratiques agricoles modernes, elles sont maintenant absolument productives, sauf qu’il n’a pas plu cette année. Nous les avons bonifiées. Nous avons amélioré notre façon de produire des aliments. Nous avons augmenté le volume d’aliments que nous pouvons cultiver et qui aident à nourrir le monde. Comment pouvons-nous raconter cette histoire pour convaincre les gens qui s’inquiètent à juste titre de la sécurité de notre production? C’est une question d’éducation.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur Menzies, à l'instar de mon collègue, je veux moi aussi saluer la sincérité de votre déclaration préliminaire. Merci de nous avoir fait part de votre expérience, non seulement en tant qu’agriculteur, mais aussi du point de vue de la réglementation. Ayant été député et député du parti ministériel, vous avez vraiment vu ce problème sous tous les angles.
Adolescent, j’ai travaillé dans une bleuetière, et c'est l’un des emplois les plus gratifiants que j’ai eus. La seule constance à la ferme, c’est que nous ramenions des bleuets des champs. Comme vous l’avez dit, quand on regarde autour d’une ferme, il y a toujours quelque chose à faire.
Même si ce n’était pas ma ferme, je me souviens de l’immense fierté que j’ai ressentie quand j'ai vu des clients partir avec des bleuets que j'avais aidé à récolter dans les champs et que j'ai réalisé la valeur attachée à ce produit. Nous nous souciions vraiment de la façon dont nous nous occupions de ces plants et de la qualité du produit qui sortait de la ferme.
Nous avons entendu des témoins parler des problèmes liés aux médias sociaux. C’est un nouveau défi que les agriculteurs doivent maintenant relever.
Lorsque vous examinez les travaux du Comité et les recommandations que nous pouvons formuler, compte tenu de l’expérience que vous avez, de quelle façon pouvons-nous aider à rétablir — parce que je pense qu'elle a toujours été là — la valeur que les agriculteurs ont pour notre société, c’est-à-dire raconter leur histoire au public et essayer de contrer les messages et de faire valoir leur valeur réelle?
:
Encore une fois, c’est une excellente question. Je suppose que ma réponse se rapporterait à l’éducation, mais il faudrait peut-être revenir un peu en arrière.
Oui, il y a Ag for Life en Alberta et nous allons faire en sorte que cette organisation soit présente dans les écoles, mais il y a toujours le défi d’intégrer cela au programme de cours. Y a-t-il du temps dans un programme qui est déjà tellement rempli pour aider les jeunes qui vont grandir et peut-être travailler dans une bleuetière — ou peut-être pas — lorsqu’ils seront adultes? Vous avez eu le privilège de travailler sur une ferme. Je dis toujours que les enfants d’agriculteurs ont beaucoup de chance parce qu’ils doivent apprendre à vivre dans les deux mondes, le monde urbain et le monde rural. Ils ont de la chance. Nos enfants ont eu la chance de pouvoir le faire.
Comment faire en sorte que cela se concrétise dans le domaine de l’éducation? Comment pouvons-nous l’intégrer au système d’éducation, non pas pour afficher un parti pris, mais simplement pour leur montrer l’importance de la production alimentaire dans l'optique de la provenance de nos aliments, du mode de production durable et de la nature saine de nos produits? À mon avis, il faut commencer plus tôt. Le défi, comme les éducateurs vous le diront rapidement, est de savoir où cela peut être intégré au programme.
M. Alistair MacGregor: Oui.
L'hon. Ted Menzies: Pour moi, c’est une bonne éducation fondamentale. Nous devrions enseigner aux gens comment cuisiner, comment préparer les aliments, comment les nettoyer et comment s’assurer qu’ils sont mis sur la table en toute sécurité, comme l’a fait un agriculteur. Ce n’est même plus le cas dans les écoles:
:
Merci, monsieur le président.
Merci à vous deux d’être ici.
Je vais commencer par M. Menzies.
En tant qu’ancien député, vous savez que nous nous retrouvons parfois dans des situations difficiles lorsque nous travaillons avec nos collectivités.
Samedi soir dernier, j’ai assisté à un événement. Le fils du préposé au stationnement de l’Université de Guelph est atteint du cancer et ne sera probablement plus de ce monde d’ici Noël; j'ai donc assisté à un événement pour célébrer la vie de son fils pendant qu’il est encore vivant.
Une personne assise à une table semblait avoir subi un accident vasculaire cérébral. Une partie de son visage était mal en point. J’ai commencé à lui parler et il s’est avéré qu’il était agriculteur. Il avait mis une arme à feu dans sa bouche, ce qui a emporté une partie de son cerveau. C'est son épouse, qui était là, qui a trouvé la note de suicide. Maintenant, cette personne va parler dans les écoles. Il y a un programme à Waterloo Wellington qui s’appelle Beautiful Minds et il parlera aux écoliers du suicide et du stress lié au fait d’exploiter une ferme.
Vous avez mentionné Ag for Life comme programme scolaire. Nous avons un programme scolaire local. Il y a beaucoup d’efforts éparpillés et ayant déjà été député, vous savez qu’essayer de rassembler tout cela...
Vous oeuvrez dans le secteur sans but lucratif concernant, par exemple, le programme Beautiful Minds ou l'organisation Ag for Life, pourriez-vous nous parler des liens directs que vous avez pu avoir avec des gens qui profitent de ces programmes exceptionnels ou qui ont le courage de parler de leurs défis?
:
Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur Menzies et merci, monsieur James-Davies, de comparaître devant nous.
Monsieur Menzies, votre allocution était phénoménale. Vous êtes un homme qui sait communiquer et je pense que c’est ce dont nous avons besoin. Il nous faut deux choses et vous avez dit que M. Longfield avait mis le doigt dessus. C'est exact, mais vous aussi avez mis le doigt dessus en disant qu’il fallait travailler ensemble.
Pour tous ceux qui participent à l’industrie agricole et pour tous les autres, je pense que l’objectif ultime est d’avoir une sécurité en matière d'approvisionnement alimentaire. Cependant, les gens de l'extérieur ne comprennent pas pleinement les défis auxquels les agriculteurs sont confrontés. Vous avez parlé d’une vie solitaire et de la façon dont vous la percevez. Comment réunir les gens de façon concrète?
Je vais vous donner un exemple tiré de mon coin de pays, Steveston East Richmond. L’agriculture y est un peu différente. Ce sont les bleuets et les canneberges. Nous avions autrefois une industrie porcine, mais ce n’est plus le cas. Nous avons des poulets biologiques et non biologiques.
Il y a un mouvement dirigé par un type formidable, M. Kent Mullinix, qui dirige le programme de durabilité alimentaire à la Kwantlen Polytechnic. Il essaie de réunir tous les ordres de gouvernement, ainsi que les groupes sociaux, pour aller dans les écoles, parler de la provenance des aliments et essayer d’établir des liens avec les gens de Richmond qui les achètent — et pas seulement les agriculteurs de Richmond-Est et de Steveston, mais les agriculteurs de tout le pays.
D’après votre expérience, sur quoi ce monsieur et les organismes qui voudraient en faire de même devraient-ils concentrer leurs efforts, sur quels facteurs?
C’était la dernière question, mais si vous me le permettez, je vais faire une brève déclaration en tant qu’agriculteur de longue date.
Je suis d’accord avec ce que vous avez dit. Tout d’abord, il faut s’entourer de sa femme, de sa famille, de ses bons amis. Je pense que c’est la clé pour garder un esprit sain. Si vous arrivez en disant: « Le plastique de l’autre serre vient de s'envoler. Nous avons tout perdu. » Ça prend quelqu’un, comme vous l’avez dit, qui vous attende de l’autre côté pour dire: « Nous avons encore notre famille. Nous avons toujours notre santé. » Je pense que c’est très important.
L’autre chose que je pourrais dire, c’est que nous avons entendu des témoignages selon lesquels nous devrions fermer ce site ou ce genre de choses. J’accueille les gens dans ma serre en tout temps. Je suis heureux qu’ils soient là. Je suis heureux que nous n’ayons pas le DDT aujourd’hui. Je suis heureux que nous n’ayons pas de chlordane ou de diazinon. Cela a tué mon père. Je suis heureux que l’ACIA soit là pour nous protéger.
Je suis également heureux que, pour ce qui est de la feuille d’érable, lorsque nous vendons nos produits à l’extérieur du pays, les gens sachent que nous sommes un endroit sûr. Je m’en réjouis. Je me lève chaque fois que les gens viennent dans ma serre et leur montre ce que je fais pour eux — à tout moment.
Merci, monsieur Menzies et monsieur James-Davies, d’être ici aujourd’hui dans le cadre de notre étude. Vous y avez beaucoup contribué.
Nous allons faire une pause et revenir.
La Société canadienne de psychologie, la SCP, est l’association nationale des sciences, de la pratique et de l’éducation en psychologie au Canada. Merci beaucoup de nous avoir invités à vous parler aujourd’hui de la santé mentale de l’une des communautés les plus importantes du Canada.
L’agriculture est une profession stressante qui peut mener à la dépression, à la détresse psychologique et au suicide. Les niveaux élevés de troubles de santé mentale et de suicide constituent des problèmes de santé importants pour les agriculteurs de sexe masculin partout dans le monde. Au Canada en particulier, les hommes se suicident plus souvent que les femmes et sont généralement plus réticents à demander de l’aide.
Les données recueillies en 2015 à l’Université de Guelph dans le cadre d’une enquête sur la santé mentale des agriculteurs ont révélé que les taux de stress, d’anxiété, d’épuisement émotionnel et de dépression sont plus élevés chez les agriculteurs que dans la population moyenne.
La recherche a également démontré que les traitements psychologiques sont parmi les plus efficaces pour traiter les troubles mentaux, notamment la dépression et l’anxiété, mais l’accès aux services psychologiques est un problème partout au pays pour les agriculteurs, les éleveurs et les producteurs, ainsi que pour l'ensemble des Canadiens. Les services psychologiques fournis en dehors des hôpitaux et des écoles ne sont pas financés par l’État. Les Canadiens paient de leur poche ou comptent sur les régimes privés d’assurance-maladie offerts par leur employeur, régimes qui, souvent, n’offrent pas une couverture suffisante pour une dose efficace de traitement psychologique. Ceux qui n’ont pas les moyens de payer les traitements se retrouvent sur de longues listes d’attente ou dépendent de médicaments sur ordonnance, qui ne sont pas financés par l’État à l’heure actuelle, ou ne reçoivent tout simplement aucune aide.
Comme ils sont travailleurs autonomes, les agriculteurs, les éleveurs et les producteurs n’ont pas forcément d’assurance-maladie complémentaire privée. Dans les régions rurales, les services de santé mentale à financement public sont souvent rares et les listes d’attente sont longues. Même pour ceux qui ont une assurance privée ou qui peuvent payer les soins, le ratio par habitant de tous les fournisseurs de soins de santé est moins élevé en milieu rural qu’en milieu urbain.
Se rendre en ville pour obtenir des soins de santé mentale spécialisés signifie s’absenter du travail, ce que l’agriculture peut rendre impossible. Il faut quitter les familles et les réseaux de soutien et perdre des revenus. Pour certains agriculteurs, éleveurs et producteurs, la recherche de services de santé mentale peut sembler ne pas valoir le coût du rétablissement.
Le recrutement et le maintien en poste de psychologues dans les collectivités rurales et éloignées font partie du problème. On estime qu'en 2012 le nombre de psychologues par habitant dans les régions rurales était d’environ 1:28 500, comparé à une moyenne de 1:3 848 dans les régions urbaines.
Les fournisseurs de services de santé mentale qui exercent dans les collectivités rurales ont souvent une charge de travail importante. Le gouvernement fédéral peut prendre des mesures immédiates pour aider à recruter des travailleurs en santé mentale dans les collectivités rurales et éloignées afin de réduire le nombre de dossiers et les temps d’attente.
En 2013, le gouvernement fédéral a lancé le programme Ciblétudes, qui permet aux nouveaux médecins de famille, aux infirmières et aux infirmières praticiennes qui acceptent de travailler dans des collectivités rurales et éloignées mal desservies d'être soulagés d'une partie des prêts d’études canadiens. Le PCA demande depuis longtemps d’élargir le programme pour y inclure des psychologues afin d’améliorer le recrutement et le maintien en poste des fournisseurs de soins de santé mentale dans ces collectivités mal desservies.
D’autres facteurs liés aux valeurs et aux expériences des agriculteurs peuvent les empêcher de demander et de recevoir des soins. Il s’agit notamment de la stigmatisation associée à la maladie mentale et du manque de compréhension de l’agriculture et de ses réalités de la part des fournisseurs de soins de santé.
Les services de santé mentale par voie électronique qui offrent un traitement psychologique peuvent aider à surmonter certains des obstacles à la recherche de soins. Selon la Commission de la santé mentale du Canada, les soins de santé mentale par voie électronique raccourcissent les temps d’attente, traversent les fuseaux horaires, améliorent l’accessibilité dans les régions rurales et éloignées et sont rentables. Il a également été démontré que les traitements de santé mentale par voie électronique sont tout aussi efficaces que les traitements en personne pour certaines maladies et qu’ils fonctionnent pour plusieurs types de troubles mentaux, notamment la dépression, l’anxiété sociale, le stress post-traumatique et les troubles de l’alimentation.
La thérapie cognitivo-comportementale par Internet, offerte par l’unité de thérapie en ligne de l’Université de Regina, a permis de dépister l’an dernier 1 046 patients en vue d’une thérapie par Internet. De ce nombre, 8,6 % vivaient dans une ferme et 23,2 % vivaient dans de petites régions rurales.
Le PCA est d’avis que tous les soins, qu’ils soient prodigués en personne ou virtuellement, devraient être fournis par des fournisseurs de soins de santé mentale réglementés et spécialisés ou sous leur supervision et que les résultats de traitement doivent être surveillés et doivent servir à guider ces soins.
Pour terminer, le PCA aimerait formuler les recommandations suivantes: premièrement, le gouvernement devrait financer la recherche et les programmes qui offrent des services de santé mentale par voie électronique fondés sur des données probantes. On peut faire davantage pour promouvoir ces programmes auprès des agriculteurs, des éleveurs et des producteurs, et pour adapter les programmes et former les fournisseurs pour qu’ils travaillent avec ces communautés.
Deuxièmement, bien que nous applaudissions l’investissement annoncé en 2017 par le gouvernement fédéral de 5 milliards de dollars sur 10 ans en santé mentale, les dépenses en santé mentale devraient passer de 7,2 % à un minimum de 9 % des dépenses totales de soins de santé publics. Le Royaume-Uni consacre en moyenne 13 % de son budget total des soins de santé à la santé mentale.
Troisièmement, le PCA a fait partie d’un comité directeur de la Commission de la santé mentale du Canada qui travaille à faire progresser la santé mentale par voie électronique en demandant des investissements dans des innovations éprouvées, en comblant les lacunes dans les connaissances et en déterminant et en partageant les pratiques exemplaires. Nous espérons que le gouvernement continuera d’investir dans la commission et dans cet important travail.
Quatrièmement, nous demandons au gouvernement d’élargir le programme d’exonération des prêts de Ciblétudes pour y inclure les psychologues qui travaillent dans les collectivités rurales ou mal desservies. Cela améliorera le recrutement et le maintien en poste des fournisseurs de services de santé mentale dans ces collectivités où les besoins en santé mentale sont grands et ne sont pas satisfaits.
Merci.
:
Je vous remercie de m’avoir invitée à m’adresser à vous aujourd’hui.
Je suis Mary Robinson, ancienne présidente de la Prince Edward Island Federation of Agriculture, la plus grande organisation agricole générale de l’Île-du-Prince-Édouard. Notre fédération a pour mandat d’aider à améliorer la durabilité des agriculteurs et des familles agricoles de l’île.
Aujourd’hui, je vais me concentrer sur les services que nous offrons à l’Île-du-Prince-Édouard, parler de certaines préoccupations précises et vous dire ce que le gouvernement du Canada pourrait et devrait faire, à mon humble avis, pour mieux protéger et renforcer les agriculteurs, les producteurs et les éleveurs du Canada.
Premièrement, que faisons-nous dans l’Île-du-Prince-Édouard? Dans les années 1990 et au début des années 2000, il y avait quelques facteurs de stress majeurs pour l’agriculture dans l’Île-du-Prince-Édouard. Nous avons eu un virus de la pomme de terre qui nous a empêchés d’avoir accès aux marchés de produits frais aux États-Unis, et l’ESB a durement frappé nos producteurs de boeuf. Nous avons constaté une augmentation importante du nombre d’agriculteurs et de membres de leur famille qui demandaient des services de counselling. Des recherches nationales ont mis en évidence le fait que les agriculteurs et leurs familles sont mal desservis en ce qui concerne les services de santé mentale.
Une société de counselling locale a fait le rapprochement entre ces deux points et a pris contact avec le gouvernement provincial dans l’espoir d’aider la communauté agricole de l’Île-du-Prince-Édouard. Notre ministère de l’Agriculture s'est rapproché de notre fédération pour discuter de la façon dont nous pourrions nous associer pour offrir un programme utile aux agriculteurs de l’Île-du-Prince-Édouard.
En 2004, notre programme d’aide aux agriculteurs, le FAP, a été lancé. Il offre des services de counselling professionnel confidentiels aux agriculteurs de l’Île-du-Prince-Édouard et aux membres de leur famille. Conçu pour aider à régler les problèmes qui ont une incidence sur la santé mentale et le bien-être, le programme offre des séances confidentielles avec un conseiller professionnel. En première ligne, nous avons deux travailleurs sociaux enregistrés et un psychologue agréé.
Les chiffres du 1er avril au 30 septembre de cette année illustrent l’importance du programme. Pendant ces 6 mois, 47 personnes ont eu recours aux services de counselling et nous avons donné plus de 95 séances. Les sujets abordés comprenaient les problèmes matrimoniaux, la dépression, l’anxiété, le deuil, les stades de la vie, le TSPT, la toxicomanie, la prise en charge des enfants et la prévention du suicide.
Le FAP a fait l’objet d’un partage des coûts entre le ministère de l’Agriculture de l’Île-du-Prince-Édouard et la Prince Edward Island Federation of Agriculture, et jusqu’à tout récemment, se voyait allouer un peu moins de 13 000 $ par an. La participation continue de croître. D’une certaine façon, c’est un bon problème, mais cela se traduit par des dépassements budgétaires continus et croissants. En 2017, il est devenu évident que le programme avait besoin d’au moins 50 % de financement en plus. Nous avons découvert que pour éviter la perturbation des services de counselling, les fournisseurs de services avaient discrètement absorbé les pertes du programme.
Depuis deux ans, le ministère de l’Agriculture de l’Île-du-Prince-Édouard augmente sa contribution. Il y a eu des discussions avec notre ministère de la Santé dans l’espoir que celui-ci s’engage à contribuer au programme si besoin, mais rien n’a encore été fait.
Après une couverture médiatique locale, le bureau de Charlottetown de Financement agricole Canada a contacté notre fédération pour exprimer son intérêt à contribuer directement cette année. Depuis 2004, plus de 800 clients agricoles ont eu accès à des services de santé mentale dans le cadre du FAP et plus de 2 000 séances ont été offertes au total. Nous continuons de recevoir de nombreux commentaires sur la valeur de ces services.
Passons maintenant à certaines préoccupations précises.
Je sais qu’on a donné à ce comité plusieurs exemples de problèmes de santé mentale chez les producteurs. J’aimerais vous citer un exemple de l’Île-du-Prince-Édouard. Au cours des quatre dernières années, nous avons vu une famille agricole en particulier être poussée au-delà de ce qui est raisonnable.
En août 2014, il y a eu ce que nous appelons maintenant « un événement météorologique important ». C’est vraiment courant maintenant. Ils sont courants et plus destructeurs. Celui-ci a déversé trois pouces de pluie en moins d’une heure. Vous pouvez imaginer ce volume d’eau qui tombe sur un champ. Il en a résulté de l’eau chargée de limon et d’intrants agricoles — oui, des pesticides, des engrais, des semences, etc. —qui s’écoulaient des champs, qui traversaient nos zones tampons établies — car les agriculteurs établissent des zones tampons —et qui aboutissaient dans des fossés et des cours d’eau.
Quelques jours plus tard, 1 155 poissons morts ont été retrouvés sur une étendue de 3,5 kilomètres dans la rivière. À cause de la mortalité du poisson, cette famille d’agriculteurs est devant les tribunaux depuis quatre ans et fait face à des accusations, à des acquittements, à des appels de la Couronne et, maintenant, à la détermination de la peine. Ironiquement, cette ferme avait été distinguée en 2012 pour sa gérance environnementale.
Les membres de cette famille sont précieux pour la collectivité. Ce sont des employeurs, des contributeurs notables à l'économie locale et ils travaillent main dans la main avec le groupe local de gestion du bassin hydrographique. Récemment, ils se sont endettés davantage, ils ont réinvesti dans leur exploitation pour l’élargir et accéder à plus de marchés et ils ont donc subi plus de pressions financières. Plus récemment, une de leurs filles s'est vu diagnostiquer un cancer alors que son bébé a près d'un an. À la dernière audience, on leur a dit que la Couronne, qui engage des poursuites au nom du MPO, demande une amende minimale de 175 000 $. Je ne sais pas ce qu’il en est de leur ferme, mais je ne sais pas si notre ferme pourrait être condamnée à une amende de 175 000 $ et poursuivre ses activités. Je ne peux pas imaginer être confrontée à ce stress.
Comme c’est le cas dans beaucoup de régions du Canada, les producteurs de l’Île-du-Prince-Édouard font face à de nombreux risques incontrôlables, notamment la météo, les maladies, les ravageurs, les faibles marges, la vulnérabilité commerciale, la concentration des acheteurs, les questions de confiance du public, les pénuries de main-d’oeuvre, les lacunes de la GRE et la liste est malheureusement longue.
Que peut faire le gouvernement?
J’en arrive maintenant à la partie émouvante de mon exposé. Je travaillais sur ma liste de cartes de Noël cette semaine et j’ai dû en enlever deux, deux producteurs que je connaissais qui se sont suicidés. Ils se sont suicidés cette année. Si nous voulons être efficaces pour réduire les pertes et les effets négatifs découlant des problèmes de santé mentale, nous devons trouver les ressources nécessaires pour mettre en oeuvre une approche pancanadienne de la recherche en santé mentale en agriculture et appuyer fermement les initiatives en santé mentale dans l’ensemble du secteur agricole canadien.
En tant que producteur primaire, j’encourage le Comité à prendre en considération les effets négatifs potentiels de différentes campagnes, faute d’un meilleur terme, comme l’étiquetage frontal et l’accès aux travailleurs étrangers temporaires. Nous savons que les producteurs sont retardés parce qu’ils font l’objet de vérifications aléatoires. Il y a une réglementation accrue. Une réglementation sensée ne me pose pas de problèmes, mais elle semble sans limites et il y a un manque de leadership, en particulier de la part de Santé Canada et de l’ARLA, pour aider à donner confiance dans la salubrité de nos aliments, pour dire que nos agriculteurs font du bon travail, que nous devrions être fiers et que nous devrions être très heureux.
J’ai trouvé que la déclaration de Mme Andria Jones-Bitton résumait bien la situation: « Nous ne pouvons avoir un système alimentaire durable au Canada sans agriculteurs durables. » Cette profession historiquement stoïque, comme je l’ai entendu dépeindre tout à l'heure: « six pieds de haut et à l’épreuve des balles », est très vulnérable à l’heure actuelle et a besoin d’aide immédiatement. Le Canada ne peut s’attendre à ce que son secteur agricole se développe s’il n’investit pas dans le bien-être fondamental des agriculteurs.
Merci.