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Merci, monsieur le président.
Je remercie les membres du Comité de me fournir l'occasion de vous parler des changements que nous faisons à Postes Canada pour mieux répondre à l'évolution rapide des besoins des Canadiens dans un monde de plus en plus numérique.
Avant de commencer, permettez-moi de vous présenter mon collègue, Jacques Côté, président de groupe de notre Réseau de livraison physique.
Postes Canada a été établie en tant que société d'État en 1981. À cette époque, l'ère numérique n'était qu'un concept. La société s'est vu confier un mandat en deux volets: financer ses activités par les revenus provenant de la vente de ses produits et services, et non par les contribuables; et exploiter un service postal qui répond aux besoins de la population canadienne.
Ces attentes continuent de faire partie des obligations de politique publique de Postes Canada. Elles sont mandatées par le gouvernement du Canada et sont incluses dans le Protocole du service postal canadien.
Pendant les deux dernières décennies, Postes Canada a pu remplir ces mandats sans aucune difficulté. Le courrier était un moyen pratique et peu coûteux pour les Canadiens de communiquer, de recevoir des relevés et de payer leurs factures. Les volumes de lettres étaient alimentés par un flot croissant de relevés bancaires et de cartes de crédit, et de factures de câble, de téléphone et de services publics; et chaque nouveau téléphone intelligent acheté par les Canadiens créait une facture mensuelle de plus.
Puis est arrivée l'année 2007. La dynamique qui assurait la rentabilité de Postes Canada a commencé à s'inverser. L'équilibre entre les communications numériques et les communications papier a commencé à nous être défavorable.
En 2010, les tablettes sont apparues sur le marché. Plus que toute autre technologie informatique, les tablettes ressemblaient au papier. Elles étaient légères, faciles à transporter et conçues avant tout pour être pratiques. Elles étaient la première véritable solution de rechange au papier. L'arrivée des tablettes a accéléré le déclin du courrier à un rythme surprenant.
Et cette technologie n'était qu'à ses débuts. Dans l'ère numérique, les tablettes et les téléphones intelligents permettent aux Canadiens affairés de communiquer plus vite, pour moins cher et de façon plus pratique que par la poste. Cela inclut le paiement des facture et la réception des relevés. On peut le faire maintenant de n'importe où.
La commodité des technologies numériques est indéniable — mais malheureusement, l'effet est dévastateur pour la Poste-lettres. En 2012, nous avons livré un milliard de lettres de moins qu'en 2006. Au troisième trimestre de cette année, nous avons enregistré une perte de 129 millions de dollars. Le printemps dernier, le Conference Board du Canada a indiqué que selon ses projections, Postes Canada pourrait commencer à perdre un milliard de dollars par année d'ici 2020 si rien ne change.
Ces défis n'étaient pas exclusifs au Canada. La tendance était — et est toujours — mondiale. Les administrations postales partout dans le monde sont confrontées aux mêmes grands défis. Nous nous posons tous la même question: quel rôle peut jouer le service postal dans l'ère numérique? Certains se demandent même s'il a encore une raison d'être.
Mais tout comme de nombreuses autres administrations postales, Postes Canada trouve des occasions dans ce virage. Internet a changé pour toujours la façon dont les Canadiens envoient et reçoivent des messages, mais nous constatons que le Web crée aussi des occasions pour nous, puisque nous pouvons livrer les biens physiques que les Canadiens achètent de plus en plus en ligne. Nous constatons que le service postal demeure un lien vital pour les petites entreprises du Canada et un service essentiel pour les gens et les entreprises des régions éloignées et du Nord.
Nous croyons que Postes Canada a toujours un rôle important à jouer dans la vie des Canadiens et dans l'économie du pays. Nous le croyons parce que les Canadiens nous l'ont dit.
Cette année, nous avons passé cinq mois à consulter les Canadiens au sujet de leurs besoins en matière de services postaux. Des cadres supérieurs de Postes Canada ont visité 46 collectivités dans toutes les provinces et dans le Nord du Canada. Ils ont rencontré en personne des gens de tous les milieux: des représentants d'organismes de bienfaisance et sans but lucratif; des administrateurs de la santé et de l'éducation; des personnes âgées; des étudiants du postsecondaire, y compris des étudiants internationaux; des élus municipaux; des gens d'affaires de grandes et petites entreprises. Nous avons parlé à des gens qui connaissent différents modes de livraison, y compris la livraison à la porte et aux boîtes postales communautaires. J'ai eu le plaisir d'animer un certain nombre de ces discussions. Des milliers de Canadiens nous ont aussi livré leurs commentaires en ligne et par la poste.
Le site Web du Syndicat des travailleuses et travailleurs des postes a affiché le lien vers les consultations en ligne sur sa page d'accueil pendant tout le processus. Je dois dire que je leur suis très reconnaissant de leur participation et de leurs précieux commentaires. C'était précieux, parce que nous avons pris ce que les gens nous ont dit pour former la base du Plan d'action en cinq points que nous avons dévoilé la semaine dernière. Dans le cadre de ces consultations, les Canadiens nous ont dit qu'ils sont très occupés. Ils doivent concilier des horaires bien remplis. Ils magasinent davantage en ligne, mais ne sont pas à la maison le jour, quand arrive le courrier ou le colis qu'ils ont commandé en ligne. Ils nous ont dit que leurs habitudes postales ont changé. Ils paient leurs factures et magasinent en ligne. Ils aiment renouveler en ligne leur permis de conduire ou d'autres pièces d'identité émises par le gouvernement, pour les recevoir par la poste et éviter les longues files d'attente. Ils nous ont dit qu'ils apprécient Postes Canada et qu'ils souhaitent la voir évoluer. Ils disent comprendre que nous éprouvons de sérieuses difficultés. Mais ils ne veulent pas que leurs impôts servent à régler nos problèmes. Ils veulent que nous trouvions des solutions qui s'autofinancent. Les petites entreprises, de leur côté, nous ont dit fermement qu'elles continuent de dépendre de la poste. Elles disent qu'elles ont besoin d'un service de livraison fiable, cinq jours par semaine.
Les petites entreprises sont toujours le moteur économique du Canada. Continuer de répondre à leurs besoins est donc dans l'intérêt de tous les Canadiens. Les commentaires des Canadiens ont confirmé nos propres observations quant aux changements qui se produisent dans la relation entre les Canadiens et Postes Canada. Cet exercice nous a fourni des points de vue utiles sur l'avenir de Postes Canada et a mené en fin de compte à notre plan d'action en cinq points qui cherche un équilibre entre les besoins parfois divergents des Canadiens.
Le plan d'action en cinq points jette les bases d'un nouveau système postal qui répondra aux besoins actuels et futurs des Canadiens. Il permettra d'offrir de nouvelles possibilités aux entreprises qui sont en train de redéfinir leur manière d'établir des liens avec les clients dans l'ère numérique. Il rendra les règles du jeu équitables pour les petites entreprises qui veulent percer le marché du cybercommerce. Il nous permettra d'agir comme catalyseur essentiel des échanges et du commerce à distance. Ce plan s'appuie sur ce que Postes Canada fait déjà très bien: livrer des articles aux Canadiens. Seules la taille et la forme de ces articles ont beaucoup changé. Nous faisons plus de ces livraisons et, comme on l'a vu, nous livrons moins de lettres.
Le plan s'appuie non seulement sur notre expérience de service auprès des Canadiens, mais aussi sur notre très grande expérience avec les boîtes postales communautaires. De plus, le plan ne nécessite aucune modification au Protocole du service postal canadien. Les initiatives présentées dans le plan représentent des avantages financiers de 700 millions à 900 millions de dollars par année une fois entièrement mises en oeuvre. Selon nos projections, elles permettront à Postes Canada de rétablir sa viabilité financière d'ici 2019. Autrement dit, le plan d'action en cinq points nous permet de remplir à nouveau nos deux mandats, soit de demeurer financièrement autonome et d'exploiter un service postal qui répond aux besoins de la population canadienne.
Permettez-moi de conclure en rappelant que les Canadiens adoptent de plus en plus le numérique. Désormais, Postes Canada peut elle aussi participer à cet avenir, grâce à un système postal conçu pour être un partenaire dans l'ère numérique. C'est un moment historique pour Postes Canada. Nous sommes convaincus qu'il est essentiel de préparer Postes Canada à être aussi pertinente pour la prochaine génération de Canadiens qu'elle l'a été pour les générations du passé.
Merci, monsieur le président.
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Merci, monsieur le président.
Merci aussi, bien sûr, à nos témoins, à M. Chopra et à toutes les autres personnes ici présentes.
À une certaine époque, pour communiquer, il fallait graver son message dans la pierre, faire des signaux de fumée ou utiliser un parchemin, une plume et de l'encre. À une certaine époque, c'est le Pony Express qui transportait le courrier aux États-Unis. À une certaine époque, le télégraphe était essentiel. J'ignore s'il s'envoie toujours des télégrammes. Pour ma part, je n'en ai pas reçu depuis 1997, lorsque j'ai remporté mon investiture. Les médias convergent. Les médias écrits survivent de peine et de misère. Ils passent en mode virtuel et proposent des abonnements Internet.
Un ordinateur se composait naguère de tubes à vide et occupait une pièce entière. J'appartiens à la génération X, alors je me souviens de l'arrivée des premiers micro-ordinateurs à l'école. C'étaient des VIC-20 de Commodore. Ils étaient moins puissants que nos montres actuelles. Au travail, ma mère devait recourir à des services de messagerie. Je me souviens qu'il fallait remplir à la main des connaissements en triplicata. Je me souviens des machines à écrire manuelles, puis électriques, qui ont enfin cédé la place aux ordinateurs.
Je me souviens de l'époque où les gens utilisaient de l'argent comptant. Aujourd'hui, même les cartes-cadeaux perdent du terrain par rapport aux téléphones intelligents. L'autre jour, un ami m'a payé un café Starbucks avec son téléphone. J'étais en train de sortir ma carte-cadeau. Je n'ai que 42 ans, mais j'ai déjà l'impression d'être dépassé.
Les enfants ne savent pas comment écrire en lettres attachées parce qu'ils n'envoient plus de lettres. Les miens s'envoient des textos même s'ils sont dans la même pièce. Je me souviens de la télé en noir et blanc. Je me souviens de notre premier téléviseur couleur. Je me souviens des oreilles de lapin et des antennes sur le côté de la maison. C'était avant l'arrivée des soucoupes, du câble et des forfaits de 500 chaînes.
Je me souviens des formats Beta et VHS. Le VHS a été abandonné. Qu'en est-il advenu? Presque plus personne n'a de magnétoscope. Je me souviens de l'époque où il fallait se lever pour changer de chaîne. Les premières télécommandes permettaient seulement de passer à la chaîne précédente ou suivante et de lever ou baisser le volume. Je vous mets au défi de trouver un laboratoire de photographie pour faire un agrandissement. Pas évident, n'est-ce pas?
Le monde évolue à la vitesse grand V.
Il n'y a pas que le Canada: le monde entier évolue aussi, n'est-ce pas, monsieur Chopra? Les générations les plus jeunes, en particulier, exigent que tout soit plus rapide, instantané et moins cher.
Dans ce contexte, Postes Canada est prise dans un étau. Il y a la virtualisation, les coûts d'infrastructure et de main-d'oeuvre élevés qu'impliquent les vieux réseaux de distribution et même la concurrence avec le secteur des communications, aussi bien les télédiffuseurs que les sociétés Internet ou les entreprises de télécommunications.
Pouvez-vous nous dire quelques mots à ce sujet?
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Comme je le disais, au milieu de l'année 2012, Postes Canada a retenu les services du Conference Board du Canada afin de réaliser un examen indépendant des enjeux stratégiques de la société et de recommander des solutions. Le problème fondamental sautait aux yeux. Chaque année, le nombre d'adresses à desservir augmentait, mais le volume de courrier à traiter diminuait. La société a l'obligation de demeurer autosuffisante. Il lui fallait faire quelque chose. Notre recherche s'articulait autour de quatre axes.
Premièrement, nous avons examiné le contexte mondial. Les postes canadiennes ne sont pas les seules aux prises avec ce problème. Nous avons cherché à savoir quelle était la situation dans les autres pays et comment ceux-ci composaient avec les mêmes difficultés.
Deuxièmement, nous avons examiné les facteurs expliquant la tendance à la baisse du volume de courrier. Nous avons réalisé une analyse économétrique ainsi qu'une évaluation des risques liés aux concurrents pour prévoir les volumes pour chaque produit postal, les revenus et les produits d'exploitation à venir.
Troisièmement, nous avons interrogé des clients de Postes Canada pour voir l'évolution de leurs attitudes et comportements. Nous avons notamment réalisé des entrevues individuelles avec certains expéditeurs importants, organisé des groupes de discussion et mené des sondages auprès de petites entreprises et de particuliers.
Enfin, nous avons exploré divers scénarios pour accroître les revenus ou réduire les coûts qui cadreraient avec ce que les Canadiens nous avaient confié au sujet de leurs souhaits et de leurs besoins. Puis, nous avons évalué l'incidence de chaque scénario sur les produits d'exploitation.
Nous avons constaté que les autres services postaux ailleurs dans le monde avaient recours à cinq grandes approches pour gérer l'incidence de la technologie.
La première repose sur la libéralisation et la privatisation. Il s'agit là de moyens de provoquer des changements rapides, si je puis m'exprimer ainsi, mais ce ne sont pas des stratégies en soi. La libéralisation du marché de l'envoi de lettres, le courriel lui-même l'a engendrée, rendant le monopole postal pratiquement inutile. Quant à la privatisation, pour que ce soit possible, il faut une entreprise viable. Il faut avoir la conviction que les opérations de service postal peuvent générer des bénéfices et permettre aux investisseurs de faire de l'argent.
La deuxième stratégie appliquée par d'autres pays est l'expansion vers de nouveaux secteurs d'activité. Dans de nombreux pays, les services postaux vont de pair avec les services bancaires. Cependant, très rares sont les cas où une administration postale a reçu comme nouveau mandat de pénétrer le secteur bancaire. Il y a le cas de la Nouvelle-Zélande.
La troisième stratégie est la création de produits postaux numériques. Postes Canada l'applique déjà par le truchement de produits comme postel et le Coffre-fort.
La quatrième approche est l'expansion des services de livraison de colis. Postes Canada investit déjà massivement à cet égard.
Enfin, il y a les changements de prix et de normes de service. C'est essentiellement là-dessus que portait notre rapport.
Dans toutes les gammes de produits de Postes Canada, les clients font de leur mieux pour abandonner le courrier. Nous avons parlé à d'importants expéditeurs, qui nous ont avoué qu'ils déployaient des efforts colossaux pour amener leurs clients à utiliser les factures, les relevés de compte et les paiements électroniques. Certaines compagnies imposent même des frais mensuels de 2 $ pour que le client ait le privilège de recevoir sa facture du mois. En comparaison, le prix d'un timbre est minime.
Le gouvernement fédéral, pour sa part, entend cesser d'envoyer ses chèques par la poste d'ici 2016. Cette décision fera épargner beaucoup d'argent aux contribuables, mais entraînera un problème d'un autre ordre pour le gouvernement, qui est propriétaire de Postes Canada.
En ce qui concerne les publications comme les magazines, les modifications de la structure de subventionnement ont déjà poussé les éditeurs à favoriser la vente en kiosque plutôt que l'envoi par la poste. La tendance associée aux tablettes et aux technologies mobiles s'accélère et influe grandement sur cette gamme de produits.
Enfin, le courrier publicitaire est en péril à cause d'Internet, car il représente une part toujours croissante des dépenses publicitaires totales.
Nous nous sommes penchés sur les moteurs de changement dans une perspective quantitative. S'il est vrai que les Canadiens plus âgés sont plus susceptibles de demeurer d'importants utilisateurs des services postaux, cela n'explique pas les tendances. Le facteur qui pèse le plus lourd dans le déclin du volume de courrier est l'usage de la technologie par les gens de tous âges, et non l'âge des gens lui-même.
Vous n'ignorez sans doute pas que, à la lumière de notre analyse quantitative, nous avons fait la prévision suivante: si on maintient le statu quo, Postes Canada se dirige vers des pertes d'exploitation annuelles d'environ 1 milliard de dollars d'ici 2020. Je précise que cette prévision concerne le secteur Postes Canada et non la société dans son ensemble. Ce secteur représente le gros de la société et c'est celui qui est assujetti aux politiques publiques. Il ne comprend pas l'entreprise de messagerie Purolator.
Que disent les clients? Permettez-moi de vous faire part de leurs commentaires.
Tout d'abord, les particuliers envoient très peu de lettres de nos jours. Près de la moitié des ménages que nous avons interrogés envoient deux lettres ou moins par mois. Par contre, les petites entreprises dépendent encore beaucoup des services postaux pour envoyer des factures et recevoir des paiements. La formule « Le chèque est à la poste » fonctionne encore pour elles.
Postes Canada offre en fait un service plus rapide que ce que de nombreux Canadiens veulent ou que ce dont ils ont besoin. Lorsque la rapidité est un facteur, ils n'utilisent pas les services postaux.
Le prix d'un timbre, qui était de 61 ¢ au moment de notre sondage, est perçu comme très avantageux pour pouvoir envoyer un objet matériel d'un bout à l'autre du pays.
La fiabilité importe davantage que la vitesse ou le coût. Autrement dit, ce qui compte le plus pour les clients, tant les entrepreneurs que les consommateurs, c'est que les rares fois où ils mettent quelque chose à la poste, ils veulent avoir la certitude que l'envoi se rendra au destinataire. Ils ne se soucient pas du tout du nombre de jours que cela prendra.
La livraison des colis plutôt que celle des lettres intéresse de plus en plus les Canadiens. Étant donné tous les achats qui se font en ligne, le seul domaine où le volume augmente, c'est celui des colis. Les consommateurs y accordent une importance grandissante. Dans beaucoup de ménages, les deux adultes travaillent et personne n'est à la maison pour recevoir les colis durant la journée. Les gens doivent donc se rendre à un bureau de poste pour ramasser leur colis. Cette situation fruste de plus en plus de gens.
Voilà qui résume les propos que nous avons entendus.
Je tiens aussi à vous faire part de ce que les gens ont répondu aux questions suivantes: « Si rien ne change et que Postes Canada fait faillite et disparaît, quels seront les répercussions pour vous? Que feriez-vous si Postes Canada n'existait plus? » La plupart des Canadiens estiment qu'ils pourraient trouver d'autres fournisseurs pour certains services, mais sans doute pas tous, mais que ces services de remplacement leur coûteraient plus cher que ce qu'ils paient à l'heure actuelle.
Enfin, nous avons examiné six options pour combler l'écart financier. Nous avons envisagé une hausse appréciable du prix des timbres. Nous avons évalué deux scénarios: une hausse de 5 % par année et une hausse de 10 % par année, tous les ans. Nous avons examiné les restrictions salariales, la livraison un jour sur deux, l'élimination de la livraison à domicile, la transformation de bureaux de poste en comptoirs postaux concessionnaires et la réduction des normes de service, ce qui revient à ralentir le courrier si vous voulez.
Nous sommes d'avis que Postes Canada pourrait monter ses prix, mais selon notre modèle, cette mesure ne suffirait pas pour favoriser la rentabilité de la société. Pour équilibrer son budget sans hausser les prix et sans éliminer d'emplois, Postes Canada pourrait appliquer des restrictions salariales, mais la société serait obligée de geler les salaires indéfiniment. Ce scénario ne nous semblait pas réaliste. C'est très révélateur de l'ampleur du problème.
La livraison un jour sur deux se traduirait par des économies substantielles. La plupart des ménages nous ont dit ne pas y voir trop d'inconvénients. Or, les clients d'affaires, surtout ceux qui expédient des produits tels que des dépliants qui doivent être livrés certains jours de la semaine, ont exprimé une profonde opposition.
L'élimination de la livraison à domicile est l'option permettant de faire les plus grosses économies de coûts. Et elle ne toucherait que le tiers des clients canadiens.
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Je vais m'exprimer en français.
Monsieur le président, j'aimerais vous remercier de me donner la possibilité de présenter le point de vue du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, soit le STTP. Nous représentons les milliers de facteurs et de factrices qui, chaque jour de la semaine, livrent le courrier au domicile de millions de personnes, un service que le gouvernement veut abolir.
Tout d'abord, je tiens à préciser que nous nous opposons totalement à l'abolition de la livraison à domicile et que nous allons mobiliser la population pour lutter contre cette réduction inutile d'un service important. Au cours des prochains mois, nous allons travailler avec les propriétaires de la Société canadienne des postes, c'est-à-dire la population, pour convaincre le gouvernement d'annuler cette décision. Nous allons travailler avec les millions de citoyens et de citoyennes qui bénéficient de la livraison à domicile. Nous allons travailler avec les organismes communautaires, nos alliés du mouvement syndical, les personnes âgées et les personnes à mobilité réduite, ainsi qu'avec les organisations qui les représentent. Nous allons travailler avec les petites entreprises et les entreprises à domicile. Nous allons travailler avec tous ceux et celles qui tiennent à leur service postal, pour convaincre le gouvernement d'annuler cette très mauvaise décision.
À notre avis, non seulement s'agit-il d'une mauvaise décision, mais le processus de décision a été terriblement inadéquat. On doit se demander pourquoi cette décision a été annoncée en toute hâte avant Noël. Pourquoi ne pas avoir attendu l'examen du Protocole du service postal canadien, prévu pour 2014? Si ce délai était trop long, pourquoi ne pas avoir effectué l'examen en 2013? De plus, pourquoi ne pas avoir attendu de connaître les résultats financiers de 2013? Pourquoi agir avec autant d'empressement? Serait-ce que le gouvernement craint que la situation financière de la Société canadienne des postes ne s'améliore et qu'il ne puisse alors justifier une telle annonce, ou qu'il a peur d'un large débat public sur le service postal?
Nous sommes également préoccupés par la manière dont le gouvernement et la haute direction de Postes Canada ont tenté de justifier ces compressions. On nous répète sans cesse que les deux tiers de la population reçoivent déjà leur courrier dans une boîte postale communautaire et que les changements annoncés ne posent donc pas de problème. Le problème, c'est que cette affirmation est fausse. Pour s'en convaincre, il suffit de consulter le rapport annuel de 2012 de la Société canadienne des postes.
Postes Canada livre le courrier à 15 millions d'adresses. De ces résidants, 25 % reçoivent leur courrier dans leur case postale située dans l'entrée de leur immeuble. Ils n'ont pas à sortir pour se rendre à une boîte postale communautaire. Par ailleurs, 35 % des ménages bénéficient du service de livraison à domicile, 5 % reçoivent leur courrier dans une boîte aux lettres rurale située au bout de leur entrée, tandis que 12 % des ménages reçoivent leur courrier dans une case postale ou au service de poste restante. Enfin, seulement 25 % des résidants reçoivent leur courrier dans une boîte postale communautaire, une boîte postale multiple ou un kiosque.
Mettons les choses au clair. Toutes ces personnes savaient qu'elles recevraient ce genre de service quand elles ont décidé d'emménager à ces adresses. Si le plan du gouvernement va de l'avant, le nombre de personnes qui devront marcher ou prendre leur voiture pour aller chercher leur courrier augmentera de 132 %. Le gouvernement essaie de changer les règles pour plus d'un tiers de la population sans la consulter et sans son consentement. Or Postes Canada appartient à toutes ces personnes. On ne traite pas les gens ainsi, surtout les nombreuses personnes qui auront de la difficulté à marcher jusqu'à leur boîte postale communautaire pour aller chercher leur courrier ou qui seront dans l'impossibilité de s'y rendre.
On a multiplié les prétextes pour justifier les compressions. La direction de Postes Canada et le gouvernement ont fait de nombreuses déclarations au sujet du déficit de solvabilité du régime de retraite de la Société canadienne des postes. Toutefois, ils n'ont pas dit une seule fois que, sur le plan de la permanence, le régime affichait un excédent. Puisque le gouvernement a maintenant accordé à Postes Canada un allègement des paiements de solvabilité d'une durée de quatre ans, nous allons voir si les taux d'intérêt à long terme augmenteront d'ici là pour atteindre leur moyenne historique. Si tel est le cas, la question du déficit de solvabilité ne se posera plus.
Il importe que le gouvernement sache que le STTP et Postes Canada tiennent présentement des discussions sur le régime de retraite et que c'est le STTP qui a proposé de former un groupe de travail mixte pour l'examiner. Peu importe ce qu'il adviendra des taux d'intérêt, le STTP assumera ses responsabilités et se penchera sur la question.
[Traduction]
Je vais passer à l'anglais.
Dans le cadre des discussions sur ces compressions, nous avons beaucoup entendu parler de l'estimation présentée par le Conference Board dans un rapport commandé et payé par Postes Canada. Selon cette estimation, le service postal enregistrerait une perte d'un milliard de dollars en 2020.
J'aimerais savoir si vous avez vous-mêmes lu ce rapport. Si vous l'avez lu, vous savez alors que le Conference Board fonde cette estimation pour l'année 2020 sur la supposition que Postes Canada subirait une perte de 250 millions de dollars en 2012. Cette supposition s'est-elle avérée exacte? Non. En fait, Postes Canada a réalisé des profits de 94 millions de dollars en 2012. Si le Conference Board peut commettre une telle erreur pour 2012, comment pourrait-on avoir confiance dans la validité de son estimation pour 2020?
Nous avons aussi beaucoup entendu parler de la situation financière de Postes Canada et du déclin des volumes de courrier. Par contre, nous n'entendons pratiquement rien au sujet du fait que Postes Canada a réalisé des profits de plus de 90 millions de dollars l'an dernier, et des profits de centaines de millions de dollars en 2010 et en 2009. En fait, la seule année où Postes Canada a perdu de l'argent est l'année où elle a été obligée de payer des centaines de millions de dollars dans le cadre du règlement d'un litige de longue date en matière d'équité salariale et où elle a décidé de mettre les travailleurs et travailleuses des postes en lock-out et de fermer le service postal pendant deux semaines. À l'exception de cette année-là, Postes Canada réalise des profits chaque année depuis 1995. Au cours des années où elle a été profitable, Postes Canada a versé plus de 1,5 milliard de dollars au gouvernement en dividendes et en impôts.
Nous ne savons pas ce qu'il en sera cette année. Postes Canada parle de volumes de colis record. Mais nous savons aussi que les volumes de la poste-lettres ont baissé.
Nous sommes conscients que le secteur postal est en plein changement. Toutefois, nous ne comprenons pas pourquoi Postes Canada refuse de suivre l'exemple des administrations postales du Royaume-Uni, de la France, de l'Italie, de la Suisse et de bien d'autres pays qui mettent actuellement sur pied une banque postale ou qui étendent leurs services bancaires et financiers existants.
Aujourd'hui, des centaines de collectivités partout au pays possèdent un bureau de poste, mais pas de banque. Des centaines de milliers de nos concitoyennes et concitoyens n'ont pas de compte bancaire. Comment se fait-il que toutes ces autres administrations postales font preuve d'imagination en étendant leurs services financiers, mais que la direction de Postes Canada est incapable d'en faire autant? Nous avons besoin d'innovation, et non pas d'excuses pour justifier l'inaptitude de la direction.
En terminant, je tiens à répéter que le STTP s'est engagé à faire tout en son pouvoir pour empêcher ces compressions. Ce n'est pas la première fois qu'un gouvernement conservateur essaie de détruire le service postal. En 1988, le gouvernement conservateur de Brian Mulroney a annoncé la privatisation et la fermeture de tous les bureaux de poste du pays, à l'exception de 11. Nous nous sommes battus contre ces mesures pendant quatre ans. Nous avons mobilisé la population et nous avons travaillé avec des gens dans chaque région du pays. Les conservateurs ont finalement été défaits et le nouveau gouvernement libéral a adopté le moratoire sur la fermeture de bureaux de poste en région rurale. C'est grâce à notre mobilisation si nous avons encore aujourd'hui des milliers de bureaux de poste pour servir la population.
Nous faisons maintenant face à un nouveau défi, et, encore une fois, notre syndicat s'engage à lutter pour préserver le service postal public.
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Merci de m'avoir donné l'occasion de témoigner aujourd'hui.
Mon nom est John Anderson et je représente le Centre canadien de politiques alternatives, pour qui j'ai produit récemment un rapport intitulé Pourquoi le Canada a besoin de services bancaires postaux et publié en octobre 2013. Ce rapport, qui vous a été distribué je crois, est accessible en français et en anglais et peut être téléchargé en ligne.
Les décisions annoncées la semaine dernière par Postes Canada dans le cadre de son plan en cinq points sont très inquiétantes. La décision de cesser la livraison du courrier à domicile, que je désapprouve, est particulièrement inquiétante. Ainsi, le Canada devient le seul grand pays dans le monde entier à mettre fin à ce service — une première peu enviable pour le Canada.
Cette décision a des conséquences pour des millions de citadins qui reçoivent leur courrier à la porte. Elle aura des conséquences en particulier pour les aînés et les personnes handicapées, surtout durant les longs et rudes hivers canadiens. De plus, dans de nombreux cas, le fait d'obliger les gens à récupérer leur courrier dans des boîtes postales communautaires aura pour effet d'augmenter le nombre de véhicules qui circuleront, donc les émissions de gaz à effet de serre, par rapport au service de livraison à domicile.
Il faut également souligner que les facteurs sont souvent les seules personnes à passer à la maison de certains résidants cinq jours sur cinq. Ils sont donc un contact humain essentiel pour de nombreux citoyens. Qui plus est, étant donné le vieillissement de la population, la livraison à domicile devrait être perçue comme un service positif dont on devrait pleinement tirer parti.
L'abolition de la livraison à domicile est l'une des décisions les plus irréfléchies à avoir été prises à l'égard d'un service public et commercial. Le réseau de livraison, grâce auquel les lettres et les colis sont livrés directement à la porte presque partout au Canada, est vu comme une faiblesse plutôt que comme un énorme atout sur les plans social et commercial.
L'augmentation du prix du timbre, qui passe de 63 ¢ à 1 $, représente une hausse de plus de 58 %. Les salaires et les pensions ont-ils augmenté autant?
Récemment, la décision de supprimer 8 000 emplois et de réduire les salaires et les avantages sociaux sous prétexte que les salaires sont trop élevés — alors qu'en réalité le salaire moyen des travailleurs des postes correspond au salaire moyen des travailleurs canadiens et que le salaire de départ est même moins élevé — semble marquer un tournant vers des conditions de travail précaires et des emplois peu rémunérés. Veut-on abolir tous les emplois décents et régresser en rémunérant les facteurs au salaire minimum, voire à la pièce?
Au cours des 20 dernières années, environ 1 700 bureaux de poste, principalement en milieu rural, ont été fermés, et cette annonce laisse croire que d'autres fermetures auront lieu. Pourtant, Postes Canada dégage des bénéfices depuis 17 des 18 dernières années, l'envoi de lettres demeure très important, et la livraison de colis croît à un rythme supérieur à 10 %.
Ainsi, les Canadiens obtiendront un service moindre à un coût plus élevé. Ce plan rétrograde ne vise certainement pas à assurer la viabilité de la société. La décision de Postes Canada, qui a l'appui du gouvernement actuel, fait grandement reculer le Canada par rapport aux autres pays du G7 et aux autres pays industrialisés. Ces pays ont envisagé diverses options pour préserver leur réseau de bureaux de poste et ont fait des choix différents. Comme je l'ai dit, Postes Canada est la seule entreprise postale à cesser la livraison à domicile.
Dans d'autres pays, le service postal est d'abord vu comme un service public, et non comme un service commercial qui doit être profitable à tout prix. Presque tous les autres pays ont fait le choix politique très différent du Canada d'offrir des services bancaires et financiers postaux. Des pays aussi divers sur les plans économique et politique que le Royaume-Uni, la France, la Suisse, l'Italie et la Nouvelle-Zélande, soit les pays auxquels je me suis intéressé en particulier dans mon rapport et qui y font l'objet d'une description détaillée, ont fait le choix d'offrir des services financiers postaux.
La prestation de services financiers offre une source importante de revenus, dont se prive Postes Canada. La Poste Suisse tire 71 % de ses profits des services bancaires, et les services postaux italiens, 67 %. Soixante-dix pour cent des profits des services postaux néo-zélandais proviennent de la Kiwibank, la banque postale en Nouvelle-Zélande. Au Royaume-Uni, sous David Cameron, où les services financiers se sont développés, l'administration postale tire 25 % de ses revenus de la prestation de services financiers. En France, 36 % des profits de La Poste viennent de La Banque Postale.
Dans la récente étude du Conference Board du Canada, dont nous venons d'entendre parler, l'option des services financiers n'a pas été examinée. Voici ce qu'on peut lire dans le rapport:
Le secteur des services financiers au Canada est très développé [...] [L]es conditions qui ont permis à d'autres administrations postales de réussir dans le secteur bancaire sont absentes au Canada. C'est pourquoi la prestation de services financiers au Canada n'est pas une option examinée dans le présent rapport.
Le Conference Board n'a même pas examiné cette option dans son rapport, comme je l'ai fait dans le mien.
L'Union postale universelle, qui est une institution de l'Organisation des Nations Unies dont est membre le Canada, a produit un rapport sur les services bancaires postaux qu'elle a présenté en octobre 2012. Selon ce rapport, les exploitants postaux et leurs filiales financières arrivent au deuxième rang mondial, après les banques, au chapitre de l'inclusion financière. Dans les pays en développement, le secteur bancaire postal a connu un essor, le nombre de comptes bancaires étant passé de 70 millions à 500 millions entre 1980 et 2011. Dans les pays industrialisés, le nombre de comptes est passé de 170 millions à 220 millions au cours de la même période.
Les pays auxquels je me suis intéressé ont des secteurs bancaires très importants et très concentrés, similaires à celui du Canada. Le système bancaire canadien, dont l'importance et l'étendue sont impressionnantes, comporte un certain nombre de faiblesses qui pourraient être résolues en partie grâce aux services bancaires postaux. Je pense notamment au fait que ce ne sont pas tous les Canadiens qui bénéficient de services bancaires adéquats.
Au cours des deux dernières décennies, le nombre total de succursales bancaires et de coopératives d'épargne et de crédit a diminué au Canada. Si le nombre de succursales a augmenté au cours des dernières années, la hausse récente n'a pas suffi pour pallier la fermeture de plus de 1 700 succursales, soit une baisse de 22 %, depuis 1990. On compte maintenant environ 6 200 succursales. En fait, au Canada, le nombre de comptoirs postaux est actuellement supérieur au nombre de succursales bancaires.
De 2002 à 2012, 480 coopératives d'épargne et de crédit ont fermé leurs portes, ce qui représente une baisse de 13,5 %. Il y a maintenant plus de clients par succursale bancaire au Canada qu’aux États-Unis. En effet, le Canada en compte 5 621 et les États-Unis, seulement 3 225.
De nombreuses localités sont dépourvues de services financiers. Je souligne également qu'un grand nombre de personnes ayant un revenu peu élevé ont recours à des institutions financières parallèles. Dans d'autres pays, les services bancaires postaux offrent des solutions de rechange à certains services offerts par ces institutions.
Les communautés autochtones disposent de services financiers inadéquats. On ne compte que 54 succursales bancaires et de coopératives d'épargne et de crédit dans les réserves. Pourtant, il existe plus de 600 communautés des Premières Nations, dont plusieurs sont dotées de comptoirs postaux.
Dans de nombreux quartiers urbains défavorisés ainsi qu'en milieu rural, des succursales bancaires ont fermé leurs portes, comme ma succursale à Ottawa, tandis qu'on trouve encore un comptoir postal. C'est le cas dans mon quartier.
D'anciens dirigeants de Postes Canada, dont Moya Greene, maintenant présidente-directrice générale de la Royal Mail, se sont prononcés à maintes reprises en faveur de la prestation de services bancaires postaux. En fait, Mme Greene a affirmé devant un comité parlementaire que Postes Canada devrait prendre cette direction — il semble donc que seul le président-directeur général actuel s'y oppose — et a déclaré au Globe and Mail hier que les services financiers représentent tout un marché qu'on ignore.
Eh bien, tous les autres pays que nous avons examinés fonctionnent de la même façon: la prestation de services financiers postaux repose notamment sur des partenariats avec des institutions financières qui existent déjà. Ce n'est donc pas comme s'il fallait partir de rien. Nous savons que les coopératives d'épargne et de crédit telles que Desjardins, qui est le principal réseau de coopératives d'épargne et de crédit francophone, et la centrale des caisses de crédit ont étudié cette question et envisagé la possibilité de créer des partenariats.
Comment fonctionneraient les services bancaires postaux? Ceux-ci ne s'inscrivent pas dans une orientation politique de gauche ou de droite. Postes Canada a déjà beaucoup d'atouts. Par le passé, soit jusqu'en 1968, la société a assuré la prestation de services bancaires. Ainsi, pendant un siècle après la Confédération, Postes Canada a offert des services financiers. Ce n'est qu'en 1968 qu'elle a cessé de le faire. Elle offre encore de nombreux produits financiers. Postes Canada possède le plus grand réseau de points de vente au détail au Canada, qui comprend 6 400 comptoirs postaux.
Le gouvernement fédéral compte lui-même sur un secteur bancaire très développé, qui comprend non seulement la Banque du Canada, mais également la Banque de développement du Canada, Financement agricole Canada et Exportation et développement Canada, des organismes gouvernementaux fédéraux qui ont tous une expertise bancaire. L'expertise à l'étranger en ce qui concerne les services bancaires postaux est très grande.
Enfin, dans un récent sondage mené auprès des Canadiens, 63 % des répondants se sont dits en faveur des services bancaires postaux.
Au Royaume-Uni, sous le gouvernement Cameron, les services financiers postaux se sont développés et leur prestation est assurée dans le cadre d'un partenariat entre le service postal et l'une des principales banques, la Bank of Ireland. De plus, il est également possible d'effectuer des dépôts et des retraits dans un bureau de poste au moyen d'une carte bancaire de n'importe quelle grande banque. En France, La Banque Postale, créée en 2006 et actuellement sous un gouvernement socialiste, se classe aujourd'hui parmi les 50 banques les plus sûres au monde.
Ces banques offrent une vaste gamme de services.
En Suisse, PostFinance propose des comptes bancaires par l'entremise des services postaux, et un partenariat avec le secteur privé lui permet de consentir des prêts, dont des prêts hypothécaires. La prestation de services financiers postaux s'effectue de diverses manières. En France, il existe des programmes destinés aux personnes à faible revenu et au secteur de l'économie sociale. En Nouvelle-Zélande, la Kiwibank offre des prêts hypothécaires à l'intention des emprunteurs maoris.
Les services bancaires postaux pourraient non seulement avoir un effet extrêmement salutaire sur les recettes de la société des postes, mais également être un stimulant majeur pour le développement économique et les petites entreprises dans de nombreuses localités. Ces services pourraient contribuer à la préservation de la livraison à domicile et de nombreux emplois.
En conclusion, je propose que le gouvernement fédéral et Postes Canada mettent immédiatement sur pied un groupe de travail chargé d'examiner les services à offrir — comptes courants, prêts, crédits hypothécaires, entre autres — et les modes de prestation, que ce soit par Postes Canada ou dans le cadre d'un partenariat entre la société des postes et des institutions financières. À mon avis, c'est quelque chose qui est tout à fait possible et qui ne va pas du tout dans le même sens que ce que la direction actuelle de Postes Canada propose.
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Je vous remercie, Monsieur le président. Je remercie également le comité de m'avoir invité à témoigner aujourd'hui.
Je m'appelle Robert Campbell et je suis président — c'est-à-dire recteur — et vice-chancelier de l'Université Mount Allison.
J'effectue de la recherche sur l'univers de la poste depuis la fin des années 1980. J'ai publié deux ouvrages sur Postes Canada. Le premier, qui s'intitule The Politics of the Post, porte sur l'histoire du service postal au Canada et le second, The Politics of Postal Transformation, traite de la modernisation du service postal et compare le système postal canadien à ce qui se fait ailleurs dans le monde. En 2008, j'ai présidé un comité chargé de réaliser un examen du mandat de Postes Canada pour le gouvernement fédéral.
Voilà, à titre d'information, mes intérêts et ce que je fais lorsque je ne suis pas occupé à remplir mes fonctions de recteur d'université.
J'ai pensé qu'il serait pertinent que le comité sache ce que le comité chargé de l'examen stratégique a dit au sujet de la question qui nous intéresse dans son rapport. Il ne s'agit pas de quelque chose que nous avons analysé ou qui a fait l'objet d'une recommandation, mais, dans le cadre de nos discussions sur l'obligation d'assurer un service universel, nous avons fait l'observation suivante en ce qui a trait aux formes que pourrait prendre cette obligation dans l'avenir, que, soit dit en passant, le gouvernement a la responsabilité de définir. Je vais vous lire un extrait de la page 52:
Le Comité consultatif croit que les mécanismes de service traditionnels pour la livraison aux domiciles individuels, par exemple, les facteurs effectuant la livraison à domicile ou la livraison au bout des entrées de cour, devraient toujours pouvoir être réexaminés à la lumière des changements démographiques et technologiques. [...] Postes Canada devrait continuer à élaborer et à mettre en oeuvre les approches de livraison les plus appropriées afin d’honorer son obligation d’assurer un service universel.
La question consistait à savoir comment Postes Canada allait relever les défis financiers et commerciaux qu'elle rencontrerait, et nous avons conclu qu'elle devait adopter un modèle de gestion viable qui lui permettrait de maintenir un niveau de service que les Canadiens étaient prêts à financer — sans subvention gouvernementale — et qui serait financièrement autonome au fil des ans.
Je comparais aujourd'hui devant le comité sans avoir de point de vue favorable ou défavorable concernant les décisions de Postes Canada, sinon pour dire, comme M.Stewart-Patterson l'a fait un peu plus tôt, que le modèle de viabilité financière actuel de Postes Canada est quelque peu déficient.
On peut examiner les chiffres selon différents angles — cela me fait penser à l'adage selon lequel il y a trois formes de mensonges: les mensonges, les gros mensonges et les statistiques — mais il ne fait aucun doute à mon avis que la mission première de Postes Canada — soit la livraison des lettres — est en déclin et que cette activité représente des coûts élevés pour la société, notamment en ce qui a trait au tri et à la livraison. Postes Canada doit donc décider comment elle fera dorénavant correspondre ses coûts à ses revenus.
À l'heure actuelle, les recettes que Postes Canada tire de la livraison des lettres ne sont pas très élevées. Celles qui proviennent d'autres secteurs d'activités sont plus prometteuses, mais ces activités ne se prêtent pas nécessairement à la livraison à domicile. C'est une question sur laquelle la direction et le conseil d'administration de Postes Canada devront se pencher.
Comme on l'a déjà souligné, tous les pays du monde occidental se démènent pour transformer une industrie traditionnelle — on pourrait même dire patrimoniale — en industrie technologique moderne tout en composant avec une féroce compétition, ce qui a essentiellement érodé le monopole de Postes Canada.
Différents pays ont opté pour différentes formules. Ma femme vient des Pays-Bas, alors je vais vous donner l'exemple de ce pays. De nos jours, si vous allez aux Pays-Bas, vous ne trouverez pas un seul bureau de poste. Le réseau de comptoirs postaux du service postal néerlandais n'existe plus. Il a été complètement confié à la sous-traitance.
C'est une option logique pour un pays comme les Pays-Bas, où le coût des locaux est très élevé. Le réseau de livraison a été maintenu, mais c'est un pays petit et compact. Le Canada est un vaste pays qui traverse cinq fuseaux horaires et qui est relativement peu peuplé, ce qui fait que la composante livraison du service postal est passablement coûteuse comparativement à d'autres pays.
Pour conclure, je voudrais faire une petite observation au sujet des prix de la poste. De tout temps, ces prix ont été peu élevés au Canada. Ils ont toujours été relativement bas par rapport à ceux d'autres pays.
Je n'ai pas eu beaucoup de temps, mais avant de venir ici, j'ai fait une petite recherche rapide sur Internet. En Europe, en valeur nominale, c'est-à-dire en prix européens, il y a le prix pour envoyer une lettre dans les limites du pays — le régime intérieur — et celui pour envoyer une lettre ailleurs en Europe. Les pays sont très petits. En Norvège, le prix d'un timbre du régime intérieur est d'environ 1,68 $ en dollars canadiens. Pour envoyer une lettre ailleurs en Europe, ce qui est comme envoyer une lettre au Canada, il en coûte 2,25 $. Au Danemark, les prix sont de 1,50 $ et 2,10 $. En Italie, en France, en Allemagne, au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, le prix d'un timbre du régime intérieur tourne autour de 85 à 90 ¢ et celui pour l'Europe s'élève à à peu près 1,10 $. Voilà le contexte comparatif.
Monsieur le président, je vais m'arrêter ici parce que je sais qu'il ne reste plus qu'une vingtaine de minutes à la discussion. Je vais laisser aux membres du comité l'occasion de poser des questions aux participants.
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie beaucoup, messieurs, y compris M. Campbell, à l'Université Mount Allison.
Monsieur le président, la semaine dernière, j'ai écrit au directeur parlementaire du budget pour lui demander de nous aider à comprendre les ramifications de ce plan en cinq points. Je constate maintenant que nous allons sérieusement avoir besoin de ses lumières. À mon avis, voici ce que doivent penser la majorité des Canadiens objectifs qui suivent ce débat et toute cette question.
D'un côté, il y a Postes Canada, qui retient les services du Conference Board du Canada, une institution réputée établie dans ma circonscription, qui fait une analyse approfondie des orientations que la société devrait prendre. De l'autre, il y a le STTP et les travailleurs des postes qui font appel au Centre canadien de politiques alternatives et à ses experts de premier ordre. On assiste alors à un combat entre deux tierces parties faisant autorité en la matière que sont ces établissements de recherche.
Je crois que la plupart des Canadiens voudraient que je vous pose la question suivante: pourquoi ne travaillez-vous pas ensemble?
Monsieur Lemelin, je comprends de votre témoignage que le syndicat n'est absolument pas en faveur du plan de la société.
D'après le témoignage du PDG de Postes Canada, je conclus que la société n'est pour sa part pas du tout favorable à l'idée des services bancaires postaux proposée par le syndicat.
Nous sommes au XXIe siècle, en 2013. Pourquoi ne vous assoyez-vous pas tous ensemble à la même table pour essayer de trouver un plan qui ferait consensus tant auprès des travailleurs des postes que de la direction?
Depuis quand pouvons-nous nous permettre ce genre de conflit en 2013 au sein d'une société d'État? Y a-t-il quelqu'un qui veut répondre pour le bénéfice des Canadiens objectifs qui suivent ce dossier de près?
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Le Conseil des Canadiens avec déficiences est une organisation nationale de personnes handicapées qui oeuvre pour l'avènement d'un Canada accessible et inclusif. Les Canadiens handicapés sont des gens comme tout le monde: mère, père, étudiant, travailleur, député, chercheur d'emploi, retraité. Il y a probablement des personnes handicapées dans votre famille, et il est probable que vous aussi, un jour ou l'autre, vous aurez à vivre avec un handicap.
En 2012, environ 3,8 millions de Canadiens, soit 13,7 % de la population âgée de 15 ans ou plus, ont déclaré avoir un handicap nuisant à l'accomplissement de leurs tâches quotidiennes. Ces résultats proviennent de l'Enquête canadienne sur l'incapacité de 2012.
Avec l'âge, les handicaps apparaissent à un rythme croissant. En 2012, chez les 15 à 64 ans, une personne en âge de travailler sur dix a déclaré avoir un handicap comparativement à un plus du tiers des aînés de 65 ans et plus. Les femmes, à 14,9 %, sont plus à risque que les hommes, qui sont à 12,5 %.
Je vais présenter quelques statistiques qui expliquent pourquoi les aînés restent chez eux. Dans le cas des aînés handicapés qui ne quittent pas leur domicile, il y en a 56 % qui considèrent être confinés dans leur logis. Parmi les aînés confinés chez eux, 48 % disent que c'est principalement en raison de problèmes de santé. En dehors des problèmes de santé, la principale raison qui confine à domicile les aînés handicapés varie en fonction des groupes d'âge. Les plus âgés sont plus susceptibles de ne pas vouloir sortir — environ 44 % des cas — ou d'avoir besoin d'aide — dans 37 % des cas — que les aînés plus jeunes, qui pour leur part estiment — dans environ 19 % des cas — ne pas avoir accès à des moyens de transport. Par ailleurs, 28 % des Canadiens plus âgés sont moins susceptibles de sortir s'ils n'ont personne pour les accompagner. L'accessibilité des services s'en trouve donc réduite — nous avons quelques graphiques —, cette information apparaît à la figure 4,9.
Le CCD craint que la proposition de mettre fin au service à domicile diminue l'accessibilité d'un service auquel les personnes handicapées ont actuellement accès.
Lorsque le Canada a ratifié la Convention relative aux droits des personnes handicapées, il a pris l'engagement de ne rien faire qui réduirait l'accessibilité aux services. C'est indiqué à l'article 4 de la convention.
Les expériences vécues par des personnes handicapées nous font croire que la décision de mettre fin au service de livraison à domicile de Postes Canada lésera les Canadiens handicapés. La livraison dans des boîtes communautaires est inadéquate pour les personnes malvoyantes ou à mobilité réduite, qui dépendront de leur famille et de leurs amis pour récupérer leur courrier.
L'expérience des membres de notre réseau qui ont fait l'essai du service des boîtes postales communautaires montre bien les problèmes qu'engendre cette forme de prestation des services. Le président du CCD, Tony Dolan, qui est en fauteuil roulant, habite une région où Postes Canada a installé des boîtes postales communautaires. Il rapporte que ce service lui est inaccessible. Il compte sur son épouse pour aller chercher le courrier. Toutes les personnes handicapées ne cohabitent pas avec une autre personne capable d'aller chercher leur courrier.
Permettez-moi de mentionner quelques-uns des obstacles. La boîte postale communautaire sera une barrière pour un grand nombre de Canadiens handicapés. La température et l'enneigement peuvent rendre les trottoirs impraticables pour les personnes en fauteuil roulant ou utilisant une autre forme d'aide à la mobilité. Pour les personnes dont la déficience engendre une extrême fatigue, le déplacement jusqu'à la boîte aux lettres constituera un fardeau supplémentaire qu'il leur faudra assumer quotidiennement.
De plus, la pauvreté oblige certaines personnes handicapées à vivre dans des quartiers peu sécuritaires, parce que les loyers y sont plus abordables. Celles-ci se sentiront vulnérables en allant récupérer leur courrier à la boîte communautaire. En raison de différentes contraintes, elles n'auront d'autre choix que de dépendre de leurs amis, de leurs voisins ou de bénévoles d'organismes de bienfaisance pour aller chercher leur courrier. Leur autonomie en sera réduite.
Demander à d'autres personnes de récupérer le courrier porte atteinte à la vie privée des gens, et pourrait être source de vives inquiétudes pour les femmes handicapées vivant dans des situations de violence. Elles ne veulent surtout pas que leur agresseur ait accès à des documents personnels, comme les relevés bancaires envoyés par la poste.
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Je vais prendre la relève maintenant.
Bon après-midi à tous. Comme l'a indiqué Bob, le Conseil des Canadiens avec déficiences se penche aussi sur ce que nous appelons le fossé numérique et la discrimination fondée sur la capacité physique.
L'une des choses qui nous inquiètent, c'est que même si de nombreux Canadiens se sont tournés vers les technologies de l'information et des communications au détriment des services postaux, tous n'ont pas les moyens d'avoir accès à Internet. L’incidence de la pauvreté est démesurément élevée chez les Canadiens handicapés. Par conséquent, tous n'ont pas les moyens d'avoir Internet à la maison, surtout dans le cas des personnes qui dépendent de l'assistance sociale, car leur revenu leur laisse très peu de marge de manoeuvre.
En outre, certains Canadiens handicapés ont besoin de technologie adaptée pour utiliser les technologies de communications et d'information, ce qui leur occasionne des dépenses supplémentaires.
D'après l'Enquête sur participation et les limitations d'activité de 2006, la faiblesse du revenu est un problème majeur pour un grand nombre de personnes handicapées qui sont d'âge actif, soit les 15 à 64 ans. Le taux de pauvreté baisse de façon marquée chez les aînés, pour se situer à un niveau semblable à celui des aînés qui ne sont pas handicapés.
En 2010, selon Statistique Canada, huit ménages sur dix avaient accès à Internet. Le taux d'accès était plus important dans les grandes villes — environ 81 % des ménages y avait accès. Il était plus faible dans les petites villes, où il se situait à environ 76 % et dans les régions rurales, où il était d'environ 71 %. L'accès à Internet était donc assez bon. Toutefois, on constate une forte disparité selon les revenus; les ménages mieux nantis étaient plus susceptibles d'avoir accès à Internet que les ménages moins nantis.
Si l'on répartit en quatre groupes les ménages canadiens en fonction de leur revenu, les ménages du quart le plus riche, qui ont un revenu annuel de 87 000 $ ou plus, y avaient — à 97 % — pratiquement tous accès. À l'autre extrémité de l'échelle, à peine la moitié — 54 % — des ménages du quart le plus pauvre, qui ont un revenu de 30 000 $ ou moins, avaient un accès Internet. La majorité des personnes handicapées font partie de cette dernière catégorie.
Parmi le 21 % de ménages canadiens n'ayant pas accès à Internet, plus de la moitié, soit 56 %, ont déclaré à Statistique Canada que cela ne les intéressait pas. Un cinquième a parlé des coûts d'accès à l'équipement et 15 % ont déclaré qu'ils n'avaient pas d'appareil, comme un ordinateur pour se brancher.
Le Conseil des Canadiens avec des déficiences veut aussi faire valoir que, bien souvent, il se crée un lien entre les employés des postes et les personnes handicapées, et que ce service est important pour elles. À bien des égards, rien ne vaut le contact humain. Les facteurs, même si c'est officieusement, jouent un rôle crucial en ce qui concerne les personnes vulnérables dans leurs collectivités, surtout dans le cas des personnes qui sont handicapées, âgées ou les deux.
À notre avis, il est inacceptable d'avoir un système de courrier à deux volets. Pareil système serait problématique pour les personnes handicapées, car il suppose une distinction entre les personnes handicapées et les aînés. Le Conseil des Canadiens avec des déficiences sait que bien des gens doivent prouver qu'ils sont handicapés pour être admissibles au service. C'est un processus qui prend du temps et qui coûte de l'argent.
Un autre aspect qui nous préoccupe énormément, c'est le fonctionnement de ce système, dont Bob a déjà parlé, et le problème de l'accessibilité.
La mise en place d'un système qui identifie ou étiquette une personne handicapée nous inquiète énormément, car il permettrait de savoir où elle habite, la rendant vulnérable à la violence ou aux abus.
Voilà quelques-uns des problèmes. Je vois que mon temps s'achève. Je m'arrêterai donc ici.
Bon après-midi. Je vous remercie de m'avoir invité à témoigner devant le comité aujourd'hui. Je suis désolé de ne pouvoir y être en personne. Je suis fort reconnaissant au comité de me permettre de témoigner par vidéoconférence.
Je me nomme Benjamin Dachis. Je suis analyste principal de la politique à l'Institut C.D. Howe. Pour ceux qui ne connaissent pas l'institut, il s'agit d'un organisme indépendant à but non lucratif ayant pour objectif d'améliorer la qualité de vie des Canadiens en favorisant les politiques publiques sensées sur le plan économique.
Je suis l'auteur d'une étude récemment publiée par l'Institut C.D. Howe portant sur la réforme de Postes Canada. Elle a pour titre « How Ottawa Can Deliver a Reformed Canada Post » et a été publiée en août dernier. Je montrerai que Postes Canada a besoin d'une réforme plus profonde que ce qui a été annoncé la semaine dernière.
Au lieu de diminuer l'offre de service et d'augmenter les tarifs, mieux vaudrait privatiser partiellement Postes Canada, et ensuite envisager, possiblement, sa privatisation totale. C'est le modèle de réforme retenu, notamment, par le Royaume-Uni, qui conserve la responsabilité de certains services, tout en privatisant petit à petit son service de livraison postale.
Postes Canada appartient au gouvernement fédéral qui lui laisse une grande marge de manoeuvre. En vertu de la Loi sur la Société canadienne des postes, le gouvernement a donné à Postes Canada le droit exclusif de ramasser et de livrer le courrier pour le prix d'un timbre. Toutefois, le gouvernement lui a imposé de fournir un service à toutes les adresses. C'est ce qu'on appelle l'obligation de service universel. Je crois que l'objectif premier de Postes Canada est d'offrir un service universel au même prix à toute la clientèle du pays.
Le gouvernement a créé un monopole afin de conférer un mandat de service universel, mais je soutiendrai qu'il s'agit de deux questions distinctes, et qu'une véritable réforme doit s'attaquer au monopole du gouvernement, à l'exigence du service universel et aux questions concernant les pensions et les relations de travail avec les employés actuels de Postes Canada.
L'augmentation des prix et la réduction du service ne règlent pas les questions du monopole du gouvernement, du service universel ou des préoccupations concernant les pensions. Je montrerai que nous pourrons régler certains de ces problèmes à l'avenir.
Commençons par le monopole. Il y a deux moyens de limiter le monopole du gouvernement sur la livraison du courrier.
Le premier moyen s'apparente à ce qu'ont fait la Suède et la Finlande, par exemple. Il consiste à abolir le monopole du gouvernement sur le ramassage et la livraison du courrier pour permettre à de nouveaux venus du secteur privé de faire le travail. En pareil cas, le gouvernement fixe souvent les modalités de service et les prix pour les nouveaux venus.
Une autre possibilité consiste à abolir plus graduellement le monopole du gouvernement. Cela peut se faire par la passation de marché, où, par exemple, le gouvernement met aux enchères le droit d'assurer une partie des services postaux, comme la livraison ou le ramassage du courrier.
Postes Canada peut fixer les conditions du contrat avec les soumissionnaires, par exemple, conserver un certain nombre de comptoirs postaux dans une région ou conserver la livraison à domicile là où elle existe à l'heure actuelle. Postes Canada pourrait payer l'entrepreneur le moins cher à partir des recettes générées par la vente de timbres. Les soumissionnaires retenus pourraient ensuite essayer des façons particulièrement innovatrices et économiques de respecter les conditions du contrat.
Les soumissionnaires retenus pourraient être des entreprises de livraison de colis déjà existantes ou des entreprises de presse qui offrent la livraison à domicile. Il pourrait s'agir de groupes communautaires, ou bien d'employés de Postes Canada. Les ententes de service pour la livraison et le ramassage seraient un prolongement du recours actuel à la sous-traitance des services des comptoirs postaux, des centres de service à la clientèle, du transport à grande distance et du transport aérien.
Les frais d'exploitation des comptoirs postaux confiés à des sous-traitants sont d'un tiers moins élevé que ceux des comptoirs gérés par Postes Canada. Si la passation de marché pour la livraison et le ramassage permettait de réaliser le même genre d'économies, les économies de coûts seraient énormes, sans pour autant compromettre les normes de prestation.
Séparer, puis privatiser les services de livraison des services postaux que peuvent offrir des entreprises privées tout en conservant d'autres services sous la responsabilité de l'État, voilà le parti que prendra le Royaume-Uni. Ce pays a privatisé le réseau de livraison du service postal Royal Mail, mais il conservera la responsabilité du Post Office, qui assure la gestion de son réseau de comptoirs postaux. Le fait d'être propriété de l'État ne signifie pas nécessairement que l'exploitation est assurée par l'État.
Au Royaume-Uni, 97 % des bureaux de poste sont exploités par des entrepreneurs ou des entreprises privées. Au Canada, seulement 40 % des comptoirs postaux sont exploités par des sous-traitants. Ce sont les comptoirs que l'on voit dans les pharmacies Shoppers Drug Mart, par exemple.
Même dans ce secteur où la sous-traitance est répandue par rapport à ce qu'on observe normalement au Canada — et ces fournisseurs offrent de bons services aux Canadiens sous la bannière de Postes Canada —, nous sommes encore derrière le Royaume-Uni.
Comment peut-on préserver le mandat de fournisseur de services universels en empruntant la voie de la sous-traitance?
Premièrement, le maintien d'un prix et d'un niveau de service universel dans l'ensemble du pays est une approche discutable sur le plan économique. Le coût des services est plus élevé dans les collectivités rurales que dans les zones urbaines. L'interfinancement des services postaux fait en sorte que le financement des services offerts dans les zones rurales entraîne des coûts plus élevés pour les clients des zones urbaines. Cependant, comme l'abandon du mandat de fournisseur de services universels de Postes Canada est un enjeu politique risqué dans les collectivités rurales, il est peu probable que cela arrive à court terme.
Au lieu d'imposer aux clients des postes les coûts de maintien des services en zone rurale, le gouvernement fédéral devrait subventionner les services en milieu rural. En établissant des subventions de façon transparente, le Parlement pourrait maintenir les mêmes prix dans les zones urbaines et rurales. Ce genre de service subventionné serait similaire au service actuellement offert gratuitement aux députés qui envoient des lettres à d'autres députés, un service qui coûte 22 millions de dollars par année aux contribuables.
Sous un régime de sous-traitance, il faudrait subventionner les fournisseurs de services dans les régions où les coûts sont élevés. Si le coût de livraison par article expédié ou livré dans une région éloignée n'est pas couvert par le prix fixé pour le timbre, la différence sera payée à même les recettes publiques. Les sous-traitants se feraient concurrence en demandant la plus basse subvention possible pour leur offre de service.
Les modalités de la sous-traitance inciteraient fortement les employeurs et les employés liés à un marché de sous-traitance à être les plus productifs possible. Les firmes dont les employés sont assez peu productifs perdraient des contrats ou toucheraient moins de profits. Sachant qu'une faible productivité ou des demandes salariales excessives de leur part pourraient faire perdre des contrats au sous-traitant qui les emploie, les travailleurs pourraient essayer d'améliorer leur productivité ou de réduire leurs coûts par rapport aux employés de Postes Canada.
La sous-traitance pourrait aussi améliorer la productivité des employés de Postes Canada qui devraient faire concurrence aux entrepreneurs privés pour obtenir du travail.
Pour conclure, je tenterai d'aborder les questions touchant les conventions collectives et les pensions des employés de Postes Canada.
Postes Canada pourrait graduellement accroître la part de services offerts en sous-traitance sans recourir à des mises à pied, puisque, pour la plupart des employés, la convention collective actuelle interdit la mise à pied.
À la fin de 2012, le régime de pension de Postes Canada accusait un déficit de solvabilité d'environ 6 milliards de dollars. Postes Canada a obtenu du gouvernement fédéral la permission spéciale de reporter les paiements que la société doit faire pour couvrir le déficit de son régime de pension. Peu de solutions simples pourront être adoptées pour couvrir un aussi grand déficit. Au Royaume-Uni, par exemple, le gouvernement s'est attaqué au passif sans précédent du régime de pension de la Poste royale, en 2012. Pour éponger ce passif, on a procédé à un transfert de 40 milliards de livres sterling, ce qui équivaut à environ 70 milliards de dollars. Le déficit de solvabilité du régime de pension s'élevait à environ 10 milliards de livres sterling, soit environ 17 milliards de dollars. Avec une privatisation graduelle, Postes Canada pourrait, au cours des prochaines années, commencer à éponger ce déficit, soit en réduisant les prestations futures, soit en haussant les cotisations des travailleurs, ou en faisant les deux.
La sous-traitance pourrait aussi encourager les employés de Postes Canada à entamer des négociations pour s'attaquer aux problèmes qui menacent le régime de pension.
En sous-traitant graduellement un plus grand nombre de services offerts par Postes Canada, on pourrait faire une réforme plus en profondeur pour finalement arriver à une privatisation complète. Alors, la société serait dans la même situation que la Poste royale, puisqu'il y aurait de nouveaux compétiteurs, et les coûts associés au maintien des services universels seraient établis.
Quelle que soit l'approche choisie — nous pouvons envisager une foule de modèles de privatisation —, que nous décidions de privatiser entièrement Postes Canada ou en choisissant soigneusement d'autres services à confier à un soumissionnaire du secteur privé, il faudrait viser à mettre en place un service postal compétitif et efficient.
Il est temps de combler l'écart que les services postaux du Canada accusent par rapport aux services offerts dans le reste du monde, et que les Canadiens bénéficient du système le plus efficient possible.
Merci de votre invitation. Je suis prêt à répondre à vos questions.
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Chez nos membres, 40 % des petites entreprises envoient au moins 50 lettres par mois. Par ailleurs, très peu de nos membres — 1 % ou 2 % seulement — n'envoient aucune lettre à chaque mois. La modification des tarifs aura des répercussions assez importantes sur les petites et moyennes entreprises.
Lorsque nous demandons à nos membres pourquoi ils emploient les services de Postes Canada, ils invoquent surtout l'accessibilité et la commodité, et ensuite, le coût. Le faible coût, cité par 50 % de nos membres, arrive au deuxième rang des raisons invoquées. La fiabilité a également été citée assez souvent. Ce ne sont là que quelques-uns des critères mentionnés.
Lorsque nous avons demandé récemment à nos membres de nous dire à quel point les services d'expédition et de livraison de courrier de Postes Canada sont importants pour leur entreprise, 61 % ont dit que ces services sont très importants pour les petites entreprises, et 30 % ont dit qu'ils étaient plutôt importants. Comme vous pouvez le constater, plus de 90 % des petites entreprises croient que les services de livraison de Postes Canada sont plutôt importants ou très importants pour leur entreprise.
Mais l'utilisation des services de Postes Canada évolue. Chez nos membres, un assez grand nombre — 42 %, pour être plus précis — ont dit avoir eu moins souvent recours aux services de Postes Canada au cours des trois dernières années. Encore 42 % ont dit que leur utilisation des services est demeurée la même. Seulement 14 % ont dit avoir observé une augmentation.
Les gens sont souvent surpris par ces données, car je crois que la plupart des consommateurs canadiens diront que leur utilisation des services de Postes Canada a diminué considérablement, et que bon nombre des échanges qu'ils faisaient par courrier ont cessé. Mais on utilise encore assez souvent les services de Postes Canada, en particulier chez les petites entreprises.
Je tiens à souligner certaines questions.
Premièrement, de nombreuses entreprises ont recours à la poste pour la livraison de paiements. La dernière grève de la poste a touché énormément de petites entreprises, car la majorité d'entre elles continuent de recourir à ces services pour envoyer des factures et recevoir des paiements sous forme de chèques. Alors qu'un grand nombre de consommateurs sont passés au paiement en ligne et au paiement automatisé, les entreprises, à qui l'ARC demande de produire des factures en format papier, doivent encore recourir très souvent aux services postaux pour envoyer des factures et recevoir des paiements.
En outre, l'envoi de lettres demeure un important moyen de communication avec les clients. C'est donc une préoccupation assez importante pour nos membres.
Lorsqu'on leur a demandé pourquoi ils utilisent d'autres services que ceux de Postes Canada pour la livraison de courrier, les membres ont cité notamment la rapidité et la fiabilité des services de livraison pour justifier le choix d'autres options.
Nous avons également beaucoup consulté nos membres au sujet de certaines options qui s'offrent à Postes Canada pour réduire ses coûts. La plus populaire chez nos membres était le gel du salaire des employés de Postes Canada sur plusieurs années. Ils ont également parlé de passer de la livraison à domicile à l'utilisation de boîtes postales communautaires. Les deux tiers de nos membres, soit 66 %, ont dit être favorables à cette dernière solution, non pas parce que l'idée leur plaît, mais parce qu'ils étaient d'avis qu'il s'agissait d'un compromis raisonnable pour permettre à Postes Canada de réduire les coûts sans éliminer des services.
De plus, la majorité de nos membres étaient d'accord pour qu'on ferme les bureaux de poste sous-exploités.
Les avis étaient plus partagés en ce qui concerne la livraison de lettres et de courrier publicitaire trois fois par semaine au lieu de cinq. Par ailleurs, très peu se sont montrés favorables à une hausse importante des tarifs. Lorsqu'on leur a proposé de hausser les tarifs de 5 % à 10 % par année sur plusieurs années pour la livraison de lettres et de colis, seulement 21 % de nos membres y étaient favorables, contre 75 % qui s'y opposaient.
Je tiens à souligner que, alors que nous nous attendions à une hausse des tarifs de 5 % à 10 % pour la livraison de lettres, les hausses de tarifs annoncées par Postes Canada sont bien plus élevées. Ce sont des hausses de tarifs énormes qui toucheront de nombreuses entreprises. Je peux vous dire que l'un de nos membres de Saskatoon m'a envoyé un courriel pour me dire que cette hausse aurait d'énormes conséquences pour son entreprise, qui envoie 20 000 lettres par année.
Nous avons examiné certaines structures de coûts chez Postes Canada. Nous publions un compte rendu que nous appelons « Regard sur les salaires », dans lequel nous comparons les salaires et les avantages sociaux offerts dans le secteur public à ceux offerts dans le secteur privé.
En général, les salaires et les avantages sociaux offerts par Postes Canada étaient 40 % supérieurs à ceux offerts pour des postes semblables dans le secteur privé, si on tient compte à la fois du salaire, des avantages sociaux et de l'horaire de travail. Si on tient compte du salaire seulement, il est 17 % supérieur à celui offert pour des postes similaires dans le secteur privé. Quand on inclut les avantages sociaux comme les pensions, il faut ajouter 23 %.
En général, nos membres sont favorables à l'emploi de boîtes postales communautaires. Ils appuient certaines mesures modestes qui ont été prises pour remédier au déficit du régime de pension, mais ils croient que Postes Canada doit agir plus rapidement et en faire davantage à cet égard. Pour ce qui est de l'augmentation du nombre de franchises postales, 62 % de nos membres sont d'accord, et nous appuyons certaines mesures modestes prises par Postes Canada pour réduire ses coûts de main-d'oeuvre en alignant davantage les salaires et les avantages sociaux sur ce qui est normalement offert dans le secteur privé.
Ce qui nous préoccupe vivement, c'est évidemment la hausse des tarifs de livraison du courrier. Nous voulons que cette solution soit réexaminée, ou qu'on envisage au moins de l'échelonner sur une plus longue période. Je crois qu'on finira par remettre en question la pertinence du monopole détenu par Postes Canada dans le domaine de la distribution de courrier au pays. Nos membres ont des avis partagés sur la privatisation, mais la majorité appuie la privatisation de Postes Canada. Je me demande cependant qui serait prêt à acheter Postes Canada, compte tenu de l'ampleur de son passif non capitalisé et de ses difficultés actuelles.
Je tiens à parler plus précisément du passif non capitalisé du régime de pension, qui s'élève à 6,5 milliards de dollars. Aujourd'hui, Postes Canada — l'un des premiers grands organismes gouvernementaux — envisage de hausser ses tarifs et de réduire ses services parce que rien n'a été fait pour remédier au passif non capitalisé du régime de pension. Nous vous exhortons à entamer la même réflexion à l'égard des autres organismes gouvernementaux, car chez bon nombre d'entre eux, le régime de pension accuse un énorme passif non capitalisé, qu'il s'agisse d'organismes fédéraux offrant des services essentiels à la population, ou de l'ensemble de la fonction publique fédérale, provinciale et municipale. Nous voyons la crise des pensions comme un problème auquel tous les députés devraient s'attaquer non seulement par d'autres moyens que les modestes mesures qui ont déjà été prises, mais aussi plus rapidement.
Merci beaucoup.