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JUST Rapport du Comité

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INTRODUCTION

Le 9 février 2009, le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes (le Comité) a adopté la motion suivante :

Que conformément à l’article 108(2) du Règlement, le Comité permanent de la justice et des droits de la personne réserve quatre séances à l’étude de l’état du crime organisé au Canada et des modifications législatives corrélatives qui devraient être apportées et que le président fasse rapport à la Chambre des conclusions et recommandations du Comité.

Le Comité a tôt fait de constater que, pour connaître l’état du crime organisé, il lui faudrait tenir beaucoup plus de réunions que ce qui est indiqué dans la motion, et ce, pour trois raisons. D’abord, les témoins qui ont comparu devant lui ont clairement indiqué que l’expression « crime organisé » s’applique à un large éventail d’activités criminelles qui touchent de nombreuses sphères de la société canadienne. Ses effets se font sentir non seulement dans le système de justice pénale, mais aussi dans les secteurs de l’éducation et des services sociaux, pour ne nommer que ceux-là. Pour bien examiner les effets du crime organisé et les mesures législatives prises pour les contrer, il fallait tenir beaucoup plus de réunions que ce qu’on avait prévu au départ.

La deuxième raison justifiant un plus grand nombre de réunions sur le crime organisé est que les questions soulevées étaient à la fois nombreuses et complexes. Par exemple, il a été question de la prévention de la criminalité par opposition à la dissuasion, et les points de vue des témoins sur cette question divergeaient selon les antécédents de chacun. Le Comité a décidé de recevoir les témoignages de divers témoins, notamment des représentants d’organisations responsables de l’application de la loi, des victimes, des travailleurs sociaux, des universitaires, des journalistes, des gens d’affaires, des fonctionnaires et des membres du public. Ces nombreux témoins ont fait part au Comité d’opinions diversifiées sur les nombreuses questions étudiées dans le présent rapport.

La troisième raison pour laquelle il fallait tenir plus de réunions dans le cadre de l’étude est qu’il n’existait pas de définition unique du « crime organisé » qui pouvait s’appliquer à l’ensemble du Canada. Dans un pays aussi diversifié, il n’est pas étonnant que le crime organisé revête autant d’aspects différents d’une région à l’autre, et c’est pourquoi une mesure législative peut donner des résultats dans une région, mais non dans une autre. Afin de bien cerner la nature du crime organisé à l’échelon local, le Comité a donc jugé important d’examiner le plus grand nombre de régions possible d’après le budget et le temps dont il disposait.

Le Comité a dû faire des choix difficiles pour ses déplacements. Il a finalement entendu des témoins à Ottawa, il s’est déplacé à Vancouver, à Montréal, à Halifax, à Toronto, à Edmonton et à Winnipeg pour y tenir des audiences publiques et il a reçu des mémoires de différents particuliers et organismes[1]. Il ne pouvait pas se rendre dans toutes les collectivités souhaitées, mais il estimait que les villes choisies étaient représentatives de la diversité des activités du crime organisé au Canada. En marge de son étude sur le crime organisé, le Comité a aussi recueilli des témoignages sur le projet de loi C-14, Loi modifiant le Code criminel (crime organisé et protection des personnes associées au système judiciaire)[2], et aux fins de son étude pour déclarer certains groupes comme des organisations criminelles[3]. Il a aussi tiré parti des témoignages entendus lors de la 1re session de la 39e législature dans le cadre de son étude sur les « gangs de rue »[4].

LA NATURE DU PROBLÈME

Le crime organisé représente une menace grave à long terme pour nos institutions, notre société, notre économie et notre qualité de vie. Bon nombre de groupes du crime organisé utilisent ou exploitent l’économie légitime d’une manière ou de l’autre. Ils peuvent ainsi isoler leurs activités, blanchir les produits de la criminalité et commettre des crimes financiers, sous une façade légitime. Ils profitent des occasions qui se présentent partout au pays et créent des réseaux transnationaux complexes afin de faciliter leurs activités criminelles et de déjouer les mesures d’application de la loi.

Le Comité a appris que les gangs et la criminalité organisée existent chez nous depuis au moins 150 ans. De jeunes marginaux privés de leurs droits, unis qu’ils étaient par leur mépris des lois, ont décidé il y a longtemps de se servir du crime pour s’enrichir. De nouveaux débouchés se sont ouverts au crime organisé lorsque les drogues illicites ont commencé à être plus largement accessibles, en raison de la facilité accrue du commerce et des déplacements internationaux[5].

Le crime organisé fait intervenir des criminels en cravate, des gangs et différents acteurs canadiens et étrangers. C’est un phénomène préoccupant non seulement en raison de ses conséquences directes, comme la vente de drogues illicites, mais aussi en raison de ses conséquences indirectes, comme la violence qu’il engendre dans les grandes villes lorsque des groupes du crime organisé rivaux tentent de prendre le contrôle d’un territoire pour y vendre de la drogue.

Au crime organisé sont associés des coûts immédiats et directs pour les victimes. Il peut s’agir de coûts financiers, mais surtout de blessures et de traumatismes psychiques et affectifs. Les pertes subies par les victimes, par exemple la violation de leur sentiment de sécurité personnelle, sont durables et difficiles à mesurer. Les victimes peuvent se trouver n’importe où, car le crime organisé ne connaît pas de frontières et il est présent dans toutes les villes, peu importe leur taille. Les activités criminelles s’exercent partout et prennent diverses formes : fraudes dans Internet, vente de produits de contrefaçon et violation des lois sur la propriété intellectuelle. Le coût du crime est assumé non seulement par les victimes, mais également par les compagnies d’assurance qui le refilent ensuite aux entreprises, puis aux consommateurs. C’est ainsi que le fardeau personnel du crime organisé s’étend à l’ensemble de la société. Le prix à payer pour les contribuables est également énorme, puisqu’il en coûte plus cher pour faire appliquer la loi et pour financer les systèmes judiciaires et correctionnels.

De plus en plus, le maintien de l’ordre à l’échelle nationale exige l’élaboration de stratégies et de programmes axés sur les éléments internationaux du crime organisé. À l’heure actuelle, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et les services de police locaux s’efforcent principalement de réduire la menace et la portée du crime organisé. Pour faire échec à la prolifération des organisations criminelles et arriver à démanteler leurs structures et sous-groupes, il est crucial d’améliorer la coordination, l’échange et l’utilisation des renseignements criminels. Le partage des ressources facilite en effet l’intégration des services de police, ainsi que l’élaboration de plans et de stratégies en matière d’application de la loi, et il aide la police à transmettre l’information sur l’étendue et l’incidence du crime organisé.

Le Comité a certes eu l’occasion au fil de ses audiences de se faire une idée bien précise des répercussions du crime organisé sur la vie des Canadiens. Il a aussi perçu un certain niveau de frustration à propos de la façon dont le système judiciaire fonctionne à cet égard. Plusieurs témoins ont dit avoir l’impression que le système judiciaire avait un préjugé favorable envers l’accusé plutôt qu’à l’endroit de la victime[6].

LOIS RELATIVES AU CRIME ORGANISÉ

L’infraction de participation à un gang a été édictée en 1997 dans le projet de loi C-95[7]. À l’époque, le terme « gang » avait été défini comme tout groupe, association ou autre organisation d’au moins cinq personnes, constitué de façon formelle ou non et qui remplit deux conditions : 1) l’une de ses principales activités consiste à commettre des actes criminels définis par la présente loi ou une autre loi fédérale et passibles d’un emprisonnement maximal de cinq ans ou plus; 2) ses membres ou certains d’entre eux commettent ou ont commis, au cours des cinq dernières années, une série d’actes criminels passibles d’un emprisonnement maximal de cinq ans ou plus. Cette infraction était passible d’un emprisonnement maximal de 14 ans et exigeait que l’accusé ait participé aux activités d’un gang ou ait été partie à la perpétration d’un acte criminel pour le compte d’un gang.

Entré en vigueur en l’an 2000, le projet de loi C‑22 portait création du Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE)[8]. Le CANAFE est un organisme indépendant chargé de recueillir, d’analyser et de communiquer des renseignements dans le but de faciliter la détection, la prévention et la dissuasion du blanchiment d’argent et du financement des activités terroristes au Canada et à l’étranger. Il reçoit des déclarations transmises par les institutions et les intermédiaires financiers, analyse et porte un jugement sur l’information recueillie, et communique aux services de police et à d’autres parties autorisées, aux termes de la loi, les renseignements se rapportant à des soupçons de blanchiment d’argent. Le CANAFE communique également au Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) les renseignements ayant trait à des activités pouvant constituer une menace envers la sécurité du Canada.

De l’avis de policiers et de procureurs, la définition d’« organisation criminelle » était trop complexe et trop restreinte. C’est pourquoi, en 2002, on a élargi cette définition au moyen du projet de loi C-24[9], en :

  1. réduisant de cinq à trois le nombre de personnes que doit compter un groupe pour être considéré comme une organisation criminelle;
  2. supprimant l’exigence voulant qu’au moins un des membres ait participé à la perpétration d’actes criminels pour le compte du gang dans les cinq dernières années;
  3. en élargissant la portée des infractions définissant les organisations criminelles, qui jusque-là se limitait aux actes criminels passibles d’une peine maximale de cinq ans ou plus, à toutes les infractions graves[10].

Par conséquent, la définition d’« organisation criminelle » exige maintenant qu’un groupe, quel qu’en soit le mode d’organisation, respecte deux conditions : 1) composé d’au moins trois personnes se trouvant au Canada ou à l’étranger; 2) dont un des objectifs principaux ou une des activités principales est de commettre ou de faciliter une ou plusieurs infractions graves qui, si elles étaient commises, pourraient lui procurer — ou procurer à une personne qui en fait partie —, directement ou indirectement, un avantage matériel, notamment financier. Le Code criminel[11] prévoit toutefois expressément que l’expression « organisation criminelle » ne s’applique pas à un groupe d’individus formé au hasard pour la perpétration immédiate d’une seule infraction. L’« infraction grave » est définie comme tout acte criminel passible d’un emprisonnement maximal de cinq ans ou plus, ou toute autre infraction désignée par règlement. La facilitation d’une infraction n’exige pas que la nature de celle-ci soit connue, ni que l’infraction soit réellement commise. Le fait de commettre une infraction comprend le fait de participer à sa perpétration ou de conseiller à une personne d’y participer[12].

Le jugement d’un tribunal sur la question de savoir si un groupe doit ou non être considéré comme une organisation criminelle est rendu au cas par cas et ne s’applique qu’aux individus en cause. Par exemple, les Hells Angels[13] ont été reconnus comme une organisation criminelle par les tribunaux, mais il n’y a pas de répertoire officiel de cette décision, et l’étiquetage n’est pas permanent non plus. En d’autres termes, il faut pour chaque cause de nouveau faire la preuve qu’un groupe particulier est une organisation criminelle.

Il y a dans le Code criminel trois infractions précises relatives aux organisations criminelles. L’une d’elles est la participation aux activités d’une organisation criminelle (art. 467.11 du Code criminel; passible d’un emprisonnement maximal de cinq ans). Cette disposition habilite les policiers à faire enquête et à porter des accusations à l’endroit de personnes qui agissent dans le but de renforcer la capacité de l’organisation de commettre des actes criminels. Il peut s’agir, par exemple, d’individus qui blanchissent de l’argent pour une organisation criminelle, et l’aident ainsi à dissimuler leurs produits illégaux. En 2010, Statistique Canada signale qu’il y a eu 10 dérogations à l’article 467.11 et que 26 personnes ont été accusées d’avoir commis cette infraction[14].

La deuxième concerne la perpétration d’une infraction au profit d’une organisation criminelle (art. 467.12 du Code criminel; passible d’un emprisonnement maximal de 14 ans). Les personnes visées sont celles qui commettent les divers actes criminels dont l’organisation tire profit comme, par exemple, l’importation ou l’exportation de drogues, l’extorsion, les incendies criminels, les enlèvements, les actes de violence, les infractions liées au jeu et le blanchiment d’argent. Statistique Canada signale qu’il y a eu 39 dérogations à l’article 467.12 en 2010 et que 85 personnes ont été accusées d’avoir commis cette infraction[15].

Le fait de charger une personne de commettre une infraction pour le compte d’une organisation criminelle est la troisième infraction et elle est passible d’un emprisonnement à perpétuité (art. 467.13 du Code criminel). Statistique Canada signale qu’il y a eu 50 dérogations à l’article 467.13 en 2010 et que 39 personnes ont été accusées d’avoir commis cette infraction[16]. Les peines imposées pour les trois types d’infraction doivent être purgées consécutivement à toute autre peine[17]. Lorsque ces infractions ont été ajoutées au Code criminel, de nouveaux instruments d’enquête ont aussi été créés pour contrer les activités des organisations criminelles. Ce sont notamment les engagements à ne pas troubler l’ordre public[18], les nouveaux pouvoirs de saisie des produits de la criminalité conférés par l’élargissement de la définition d’« infraction désignée » dont les produits peuvent être saisis[19], les pouvoirs accrus qui permettent le recours à la surveillance électronique[20] et une nouvelle disposition en matière de mise en liberté sous caution qui inverse le fardeau de la preuve dans le cas des individus accusés des nouvelles infractions[21].

Il y a lieu de noter que le fait d’être membre d’une organisation criminelle ne constitue pas une infraction. Les articles 467.11 et 467.12 n’exigent pas que l’accusé soit un membre proprement dit du groupe qui constitue l’organisation criminelle, mais c’est une condition en vertu de l’article 467.13. Il faut aussi garder à l’esprit que d’autres dispositions du Code criminel peuvent s’appliquer à des situations mettant en cause le crime organisé. Ces autres dispositions sont les suivantes : complot (article 465), former ensemble le projet de poursuivre une fin illégale (article 21), aider et encourager quelqu’un à commettre une infraction (article 21) et conseiller à une autre personne de commettre une infraction (article 22). Ces dispositions du Code criminel doivent être interprétées conjointement avec les dispositions qui définissent les trois infractions relatives aux organisations criminelles.

Les dispositions législatives du Code criminel concernant le crime organisé sont encore relativement nouvelles. En Ontario, dans l’affaire R. c. Lindsay[22, le juge a conclu en 2005 que les Hells Angels étaient une « organisation criminelle » au sens où elle est définie dans le Code criminel. De façon précise, le tribunal était convaincu hors de tout doute raisonnable que l’un des objets principaux des Hells Angels consistait à faciliter une ou plusieurs infractions graves, notamment le trafic de drogues, dans le but vraisemblablement de procurer un avantage financier à ses membres. C’était la première fois au Canada qu’un juge reconnaissait un groupe, et non des individus, comme étant une « organisation criminelle » au sens du Code criminel.

Dans l’affaire R. c. Aurélius, un gang de rue a été reconnu comme une « organisation criminelle » et certains contrevenants appartenant au gang se sont vu imposer des peines plus lourdes[23]. Dans cette affaire, les membres d’un gang de rue se livraient au trafic de cocaïne au profit d’une organisation criminelle conformément à la description faite à l’article 467.12 du Code criminel. En conséquence, certains membres de ce gang de rue particulier ont été reconnus coupables de « gangstérisme ».

Dans un mémoire au Comité portant sur les tendances des poursuites visant le crime organisé[24], l’auteur laisse entendre qu’il est souvent difficile de justifier la nécessité de porter des accusations en vertu des dispositions du Code criminel relatives aux organisations criminelles (plutôt que de s’en tenir simplement aux accusations sous-jacentes), étant donné la complexité accrue que les accusations d’organisation criminelle confèrent à la poursuite. La durée d’emprisonnement additionnelle qu’il est possible d’obtenir en vertu de l’article 467.14 du Code criminel (peines consécutives) à l’égard de ces accusations n’est souvent pas proportionnelle au temps et à l’énergie qu’il faut déployer pour arriver à prouver ce genre d’infractions. De plus, le fait de porter des accusations contre des acteurs secondaires peut compliquer indûment la poursuite.

Un procureur du Bureau de lutte au crime organisé du Québec a bien expliqué au Comité la complexité et la spécialisation des ressources nécessaires à l’engagement de poursuites pour des infractions d’organisation criminelle[25]. Le succès des poursuites engagées contre des membres des Hells Angels au Québec et le démantèlement du club de motards Bandidos au Québec sont attribuables en partie aux changements législatifs susmentionnés, mais aussi à d’autres facteurs, dont :

  • la création d’escouades spécialisées;
  • la participation de différents corps policiers;
  • des enquêtes de longue durée ciblant des organisations criminelles au grand complet;
  • l’utilisation d’agents civils d’infiltration;
  • la création d’équipes spécialisées de procureurs, comme le Bureau de lutte aux produits de la criminalité, en 1996, et le Bureau de lutte au crime organisé, en 2000;
  • la construction du Centre de services judiciaires Gouin; et
  • la rénovation de plusieurs salles de cours au Québec, qui ont permis de tenir des méga-procès à plusieurs endroits en même temps.

Outre les lois portant expressément sur les organisations criminelles, les lois d’application générale peuvent aussi être utiles pour entamer des poursuites et faire échec au crime organisé. La Police régionale d’Halifax, par exemple, a mis en place l’Opération Infraction[26]. Puisqu’il est généralement admis que la majorité des crimes sont commis par un nombre limité de contrevenants, l’Opération Infraction consiste à surveiller étroitement les délinquants relâchés dans la communauté afin qu’ils respectent leurs conditions de libération et ne récidivent pas. L’objectif est de veiller à ce que les personnes soupçonnées de participer activement à la perpétration d’autres délits se conforment rigoureusement à leurs conditions de libération. En cas de non-conformité, de nouveaux chefs d’accusation sont portés, ce qui entraîne un resserrement des conditions ou la réincarcération du contrevenant. La Police régionale d’Halifax croit que l’Opération Infraction a démontré que le respect des conditions de libération a un effet dissuasif qui peut contribuer à réduire la criminalité. Il est extrêmement important à cet égard de veiller à ce que les mandats d’arrestation soient exécutés. La sécurité de la communauté s’en trouve améliorée parce que les personnes qui sont illégalement en liberté ont moins d’occasions de commettre des crimes; elles seront arrêtées et ne pourront donc pas se livrer à de nouvelles activités criminelles.

LES ORGANISATIONS CRIMINELLES AU CANADA

En 2008, on a recensé plus de 900 groupes du crime organisé, dont environ 300 gangs de rue[27]. En 2011, le Service canadien de renseignements criminels (SCRC) a recensé 729 groupes criminels[28]. Le SCRC explique que la fluctuation du nombre de groupes criminels est attribuable à un certain nombre de facteurs, notamment la grande mobilité des criminels, la répression policière et la modification des méthodes de collecte de renseignements. Dans son Rapport sur le crime organisé 2010, le SCRC se concentre sur les gangs de rue. Il y indique que, depuis 2006, le nombre de gangs de rue recensés par les organismes chargés de l’application de la loi a augmenté à cause de divers facteurs possibles, dont l’identification de groupes criminels de niveau supérieur en tant que gangs de rue, l’identification de cellules de gangs plus larges en tant que nouvelles entités, le fractionnement de gangs de rue en groupes criminels plus petits ou certains gangs qui changent de nom[29].

L’objectif principal du SCRC est de faciliter la production et l’échange en temps opportun de renseignements en matière de criminalité au sein des corps de police canadiens. Il appuie les efforts visant à réduire les ravages causés par le crime organisé, en fournissant des produits et services relevant du renseignement stratégique et en offrant leadership et savoir-faire à ses organismes membres. Le SCRC chapeaute tous les organismes d’application de la loi au Canada et à ce titre, il a l’appui de tous les intervenants et organismes membres pour jouer un rôle actif, objectif et autonome dans le réseau complexe de liens qu’il gère.

Dans son témoignage devant le Comité, le SCRC a classé les groupes du crime organisé au Canada en quatre catégories selon le niveau de menace qu’ils représentent. Les groupes de la catégorie un représentent le niveau de menace le plus élevé et ont des ramifications interprovinciales ou internationales. Vingt-quatre organisations criminelles en font actuellement partie[30]. Les groupes de la catégorie deux exercent des activités de portée internationale ou interprovinciale également, mais il a été établi qu’ils représentent un niveau de menace inférieur aux groupes de la catégorie un. On en recense 262 au Canada à l’heure actuelle. Les groupes de la catégorie trois exercent leurs activités dans une seule province, mais dans plus d’une région, c’est-à-dire dans plus d’une ville; 121 organisations criminelles appartiennent à cette catégorie. Enfin, les groupes de la catégorie quatre sont confinés à un secteur, comme une ville; 210 groupes criminels font partie de cette catégorie. Le nombre de groupes dans chacune des catégories fluctue sans cesse. Le SCRC n’a pas catégorisé 30 groupes pour diverses raisons et 82 groupes ont suscité l’intérêt du SCRC une fois terminée l’évaluation de la menace qu’ils représentent pour la nation[31].

À l’échelle nationale, le Lower Mainland de la Colombie-Britannique, le Sud de l’Ontario et le Grand Montréal sont considérés comme les principales plaques tournantes de la criminalité, parce que ce sont celles où l’on trouve la plus forte concentration de groupes du crime organisé et les marchés criminels les plus actifs et les plus dynamiques. En 2010, sur les 56 homicides liés à des gangs qui ont été commis dans les dix métropoles du Canada, 82 % ont été commis à Toronto, à Montréal et à Vancouver[32].

Selon le chef de district responsable des services de la GRC dans la région de Toronto, les organisations criminelles misent sur leur capacité d’adaptation pour survivre et prospérer[33]. Le SCRC signale qu’au départ, le crime organisé était constitué de groupes hiérarchisés et homogènes du point de vue ethnique, racial et culturel, qui étaient soumis à des règles ainsi qu’à des codes de conduite stricts. De nos jours, la police décèle davantage de groupes pluriethniques. Les groupes du crime organisé, autrefois fondés sur une structure autoritaire régie par des règles, sont maintenant moins structurés. Les membres et associés de ces groupes entretiennent des relations plus ou moins étroites au sein de structures de direction variées[34]. Les différents groupes du crime organisé forment des alliances de durée et d’ampleur variables dans le but d’amasser des richesses et d’en assurer la légitimation.

La multiplication des organisations criminelles de divers milieux culturels est également mise en évidence dans un rapport sur le crime organisé au Québec remis au Comité[35]. Le rapport sur l’état de la situation 2009 fait une distinction entre les activités du crime organisé au Québec selon l’appartenance : crime organisé de souche asiatique; crime organisé de souche autochtone; crime organisé de souche italienne; crime organisé traditionnel de souche québécoise; gangs de rue; crime organisé de souche latino‑américaine; crime organisé de souche est-européenne; crime organisé de souche du Proche et du Moyen-Orient et motards criminels. Lorsque des alliances ou associations sont nécessaires à la bonne marche de leurs entreprises criminelles, les membres du crime organisé n’hésitent pas à recourir à l’expertise d’autres criminels. L’entente entre le crime organisé traditionnel de souche italienne et les motards criminalisés en ce qui concerne la répartition du territoire pour la vente de drogues est un exemple de ce genre de collaboration. Les rivalités, par exemple, pour prendre le contrôle de groupes criminels ou s’emparer des marchés criminels, peuvent toutefois donner lieu à de la violence.

Le Comité a aussi appris que les nouveaux groupes du crime organisé sont moins enclins que leurs prédécesseurs à exhiber les atours ou les « marques » des gangs traditionnels (p. ex. le symbole des Hells Angels sur les blousons). La plupart de ces nouveaux groupes n’utilisent pas de noms, de tatouages, de vêtements ou de bijoux pour s’identifier. Cela complique beaucoup les poursuites en vertu des dispositions sur le crime organisé[36]. La mondialisation est une autre tendance observée au sein du crime organisé. À l’instar des entreprises légitimes, la portée des activités du crime organisé a de plus en plus de ramifications nationales et internationales, au point où c’est maintenant devenu la norme[37].

ACTIVITÉS DES ORGANISATIONS CRIMINELLES

On a souvent dit au Comité que les activités du crime organisé sont motivées par la recherche du profit. Pour cette raison, le crime organisé ne se limite pas à un seul marché ni à une seule région. Il va là où il y a de l’argent à faire. Les activités criminelles qui touchent plusieurs secteurs de compétence obligent les différents organismes d’application de la loi à travailler ensemble et à échanger des renseignements.

Le marché des drogues illicites demeure le marché criminel le plus important au Canada; en effet, le commerce de la drogue représente 57 % de ce marché. La majorité (83 %) des groupes du crime organisé vend des drogues illicites. La cocaïne est la plus populaire, suivie du cannabis et des drogues synthétiques[38]. Pour donner une idée de l’ampleur du commerce de la drogue, indiquons que dans la région de l’Atlantique, depuis 2008, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a procédé à des saisies de drogue dans des conteneurs maritimes qui totalisaient plus de 176 millions de dollars. Il s’agissait principalement de hachisch provenant de l’Asie et de l’Afrique et de cocaïne provenant de l’Amérique du Sud[39]. S’il est difficile de déceler les conteneurs suspects, c’est que le crime organisé recourt à des compagnies légitimes pour dissimuler les cargaisons de drogue. Parmi les 109 groupes du crime organisé qui sont ciblés dans les provinces de l’Atlantique, 99 sont impliqués dans le trafic illégal de stupéfiants et 90 % du commerce de stupéfiants en Nouvelle-Écosse est attribuable au crime organisé[40]. Le Canada est aussi devenu un pays source pour les drogues synthétiques (comme l’ecstasy et la meth en cristaux). Les groupes du crime organisé font entrer clandestinement au Canada des produits chimiques précurseurs d’autres pays sources comme la Chine et l’Inde. Le Canada exporte toujours de grandes quantités d’ecstasy et de méthamphétamine pour répondre à la demande croissante du marché international[41].

L’une des caractéristiques du crime organisé est qu’il est résolu à assurer le monopole de la production, de la distribution et de la vente de biens illicites dans n’importe quel marché[42] et qu’il fonctionne donc comme une entreprise. Les gens du crime organisé ont pu cerner les limites et les points forts des techniques d'enquête policière, en prenant connaissance des éléments de preuve qui doivent être communiqués conformément à la loi. Ainsi, ils ne possèdent plus de biens à leur nom, ils louent des véhicules, ils utilisent des prête-noms et ils possèdent des biens à l'étranger. Le crime organisé se spécialise dans certains secteurs et en change pour s’orienter vers d’autres qui présentent moins de risques et rapportent des profits plus alléchants.

Lorsque des organismes chargés d'appliquer la loi arrivent à perturber ou à démanteler certains groupes criminels, leurs opérations ne donnent habituellement que des résultats à court terme. Elles laissent des vides temporaires dans lesquels se produit une expansion du marché, ou elles créent des occasions intéressantes dont les groupes criminels organisés en bonne posture peuvent tirer parti. De manière générale, les marchés criminels résistent très bien aux opérations de perturbation à long terme, car la demande des consommateurs au Canada est assez grande pour que les réseaux criminels continuent leurs activités et que d’autres groupes criminels prennent la place des réseaux démantelés par la police[43].

En 2011, le SCRC indiquait que la criminalité financière représentait environ 11 % des activités criminelles. La fraude par carte de paiement occupe de loin la plus grande part de ce marché et ne cesse de prendre de l’ampleur[44]. La fraude par carte de paiement comprend les vols de carte, les demandes frauduleuses de carte de paiement, les faux dépôts, l'écrémage ou la contrefaçon. La fraude en valeurs mobilières et la fraude hypothécaire constituent d’autres crimes financiers qui intéressent le crime organisé.

La part restante (32 %) des activités criminelles concerne d’autres biens et services illicites, notamment le vol, la contrebande d’alcool ou de tabac, le commerce du sexe et la traite de personnes.

Le Comité a appris que le plus grand volume d’activités de traite de personnes au Canada se fait à l’intérieur du pays et il vise de jeunes Canadiennes. La traite se fait par l’entremise de réseaux du crime organisé[45]. Le SCRC signale que les gangs de rue facilitent le recrutement, le contrôle, le déplacement et l’exploitation de Canadiennes dans le commerce sexuel au pays, lequel touche principalement les bars de strip-tease dans plusieurs villes du pays[46].

Au cours des réunions tenues dans six villes du Canada en plus des audiences à Ottawa, le Comité a pu se renseigner sur les nombreux groupes et les diverses activités du crime organisé. Des groupes fonctionnant selon le modèle de la mafia jouissent d’une emprise considérable dans certains secteurs tandis que dans d’autres, ce sont des gangs autochtones ou d’autres gangs ethniques qui tiennent les rênes. Il semble que le commerce de drogues illicites soit un élément commun des activités du crime organisé, qui portent également sur la traite de personnes, les produits contrefaits, le jeu illégal, le blanchiment d’argent et le vol de véhicules. La violence engendrée par les conflits entre groupes du crime organisé qui se disputent les marchés lucratifs, tel le marché des drogues illicites, est un autre aspect du crime organisé souvent mentionné par les témoins au cours des audiences. Cette violence est exacerbée et peut être dirigée vers d’innocents spectateurs si des armes à feu sont utilisées. Enfin, dans certaines villes, des témoins ont mentionné que le crime organisé s’étendait à des secteurs d’activité « légitimes » comme celui de la construction. C’est ce mélange d’aspects légitimes et d’aspects illégitimes qui fait qu’il est difficile de distinguer les groupes du crime organisé et de les poursuivre en justice.

Les activités que nous venons d’énumérer peuvent être très lucratives et comportent moins de risque pour les organisations criminelles lorsqu’elles excluent le commerce de drogues illicites. Par exemple, la contrebande de tabac peut être aussi lucrative que la contrebande de drogues, mais le risque de poursuites est moins élevé et les sanctions sont moins sévères[47].

Un nouveau complice, d’ordinaire appelé un « facilitateur », encourage également les activités des organisations criminelles. Les facilitateurs sont des spécialistes d’un domaine, par exemple des avocats et des comptables, et ils sont souvent membres d’un ordre professionnel. Ils ne sont pas forcés de collaborer avec une organisation criminelle, mais ils décident de le faire moyennant de généreux honoraires. On les recherche pour leurs services d’expert et aussi parce qu’ils sont liés à des règles de confidentialité. Il est souvent difficile de prouver que les facilitateurs savaient que l’organisation pour laquelle ils accomplissaient du travail était impliquée dans des activités illégales. Le secret professionnel auquel ils sont tenus peut également compliquer le travail de la police[48].

Les organisations criminelles recourent davantage à la violence pour prendre possession d’un territoire et le défendre. Les gangs de rue sont devenus plus violents et imprévisibles. En 2010, la police a signalé 94 homicides commis par des gangs, contre 72 en 2000[49]. Il s’agit d’homicides liés à des groupes du crime organisé et à des gangs de rue et de décès d‘innocentes victimes qui se trouvaient sur les lieux au moment des incidents. Le pourcentage d’homicides attribuables à des gangs par rapport à l’ensemble des homicides est passé de 13,2 % en 2000 à 17 % en 2010. La plupart de ces homicides (56) ont été commis dans les plus grandes régions métropolitaines de recensement (RMR) du Canada. Toujours en 2010, un peu moins de la moitié de l’ensemble des homicides au Canada ont été perpétrés dans les 10 plus grandes RMR (269 sur 554), mais 60 % des homicides liés aux gangs y ont été commis (56 sur 94). Dans la région métropolitaine de Toronto, la police a déclaré 20 homicides liés aux gangs, soit plus que dans toute autre RMR. Cependant, si l’on tient compte de la population, c’est Winnipeg (4 homicides liés aux gangs) qui affichait le taux le plus élevé en 2010 parmi les 10 grandes régions métropolitaines[50].

Les deux graphiques suivants illustrent l’augmentation des homicides attribuables aux gangs par rapport aux autres homicides :

Des armes à feu sont utilisées plus souvent dans les homicides attribuables à des gangs que dans tout autre type d'homicide. En 2010, 76 % des homicides liés aux gangs au Canada ont été perpétrés à l'aide d'une arme à feu, comparativement à environ 18 % des homicides qui n'étaient pas imputables à des gangs. Entre 2000 et 2010, une arme de poing a été utilisée dans presque 60 % des homicides commis avec une arme à feu[51]. À titre de comparaison, pour la même période, une arme de poing a été utilisée dans environ 12 % des homicides non liés aux gangs. Le couteau était l’arme utilisée le plus fréquemment dans ce type d’homicides[52]. Les membres des gangs ont commencé à se vêtir de vestes à l’épreuve des balles et à modifier leurs véhicules pour se blinder. Le nombre d’homicides attribuables à des gangs augmente en règle générale (bien qu’il ait diminué récemment) depuis 1991, année où on a commencé à recueillir des données sur le sujet, et ce, malgré le fait que le taux global des homicides au Canada diminue généralement depuis le milieu des années 1970.

Par ailleurs, le nombre de jeunes inculpés d’homicides attribuables à des gangs a augmenté généralement depuis 2002. Le nombre de jeunes accusés d’homicides liés aux gangs a culminé en 2007 (35 jeunes ont été accusés de cette infraction), puis il a régressé en 2008 (10) et il a augmenté en 2010 (14). Comparativement aux adultes, un plus grand nombre d’homicides impliquant des jeunes est lié à des gangs. En 2010, parmi les incidents où des jeunes faisaient l’objet d’accusations, 25 % étaient attribuables à des gangs, comparativement à 12 % des incidents où des adultes ont été accusés[53].

Compte tenu de la nature clandestine des activités criminelles, il est difficile d'évaluer les répercussions globales du crime organisé au pays, mais vu la diversité des marchés criminels, nous savons qu'elles sont considérables. Certaines formes d'activités criminelles, par exemple la revente de drogues dans les rues, les voies de fait, la violence et bien sûr l'intimidation, sont très visibles et touchent des gens et des collectivités au quotidien. À l'inverse, les opérations clandestines, par exemple la fraude hypothécaire, le vol de véhicules et la fraude d'identité, représentent des menaces à long terme pour les établissements et les consommateurs canadiens[54].

On a également dit au Comité qu’il est difficile d’évaluer les répercussions globales du crime organisé au pays parce que seulement le tiers des crimes perpétrés au Canada sont signalés à la police, mais les statistiques de la police sont souvent utilisées à tort pour indiquer le taux de criminalité réel. Il s’ensuit que les décideurs, les médias, le système judiciaire et le public peuvent être induits en erreur[55]. On a vivement recommandé au Comité de jeter un coup d’œil au rapport de Statistique Canada La victimisation criminelle au Canada[56], qui donne une idée plus juste de l’ampleur des activités criminelles au Canada. Selon l’Enquête sociale générale de 2009, qui est à l’origine de l’enquête sur la victimisation, environ 7,4 millions de Canadiens – soit un peu plus du quart des personnes de 15 ans et plus – ont déclaré avoir été victimes d’un incident criminel au moins une fois au cours des 12 mois précédant l’enquête, mais seulement 31 % des incidents criminels ont été portés à l’attention de la police en 2009[57].

On a fait savoir au Comité que s’il est difficile d’établir des statistiques exactes sur la criminalité, c’est entre autres parce que l’Enquête sur les victimes de la criminalité n’est menée par Statistique Canada que tous les cinq ans. Les médias portent donc plus attention aux rapports annuels sur les crimes signalés à la police. On a dit au Comité que l’approche largement utilisée à l’heure actuelle qui consiste à établir un lien entre le nombre de crimes signalés à la police et l’ampleur de la criminalité était erronée, trompeuse et devait être modifiée[58].

Des mises en garde s’imposent si on veut comparer les résultats des enquêtes sur les victimes de la criminalité et le nombre de crimes signalés à la police. Au Canada, il existe deux principales sources de données sur la prévalence de la criminalité : les enquêtes sur la victimisation, telle que l’Enquête sociale générale (ESG), et les enquêtes auprès de la police, dont la Déclaration uniforme de la criminalité (DUC). Ces deux enquêtes diffèrent pour ce qui est du genre, de la couverture, du champ d’application et des sources d’information. L’ESG est une enquête par sondage, dont l’échantillon se composait en 2009 d’environ 19 500 personnes âgées d’au moins 15 ans. Quant à la DUC, elle consiste en un recensement des incidents signalés aux services de police dans tout le Canada. L’ESG permet de recueillir de l’information sur huit infractions, et la DUC, des données sur plus d’une centaine de catégories de crimes.

Une autre différence importante entre les deux sondages est que la DUC recense les incidents criminels qui sont déclarés à la police alors que, dans le cadre de l’ESG, on interroge les répondants au sujet de leur expérience personnelle de victimisation. De nombreux facteurs peuvent influer sur le taux de crimes signalés à la police qui est établi au moyen de la DUC, par exemple la volonté du public de signaler les crimes à la police, la déclaration des crimes par la police à la DUC et les modifications apportées aux lois, aux politiques et aux pratiques d’exécution. Les données sur la victimisation de l’ESG permettent d’estimer le nombre de crimes non déclarés à la police. Comme les répondants sont invités à donner des renseignements sur les expériences qu’ils ont vécues en tant que victimes, l’ESG permet de recueillir des données sur les crimes qui sont signalés ou non à la police. Le nombre de crimes non déclarés peut être considérable. Ainsi, en 2009, on a évalué que 88 % des agressions sexuelles et 77 % des vols de biens de ménages n’avaient pas été déclarés à la police. Les taux de victimisation issus des enquêtes sur la victimisation sont donc beaucoup plus élevés que les taux établis au moyen des statistiques sur les crimes déclarés à la police.

Néanmoins, selon l’ESG de 2009, 93 % des Canadiens se disaient très satisfaits ou plutôt satisfaits de leur sécurité personnelle, comme c’était le cas dans l’ESG de 2004. En tout, 90 % des répondants ont déclaré qu’ils se sentaient en sécurité lorsqu’ils marchaient seuls dans leur quartier la nuit. Des questions au sujet des perceptions de la criminalité dans la communauté ont aussi été posées aux Canadiens dans le cadre de l’ESG; 62 % des répondants ont dit qu’ils croyaient que les taux de criminalité dans leur communauté n'avaient pas changé au cours des cinq dernières années[59].

Les enquêtes sur la victimisation ont quand même des limites : elles dépendent de l’exactitude des comptes rendus fournis par les répondants; elles peuvent uniquement porter sur certains types d’incidents; elles ne permettent pas de recueillir des données sur les crimes pour lesquels il n’y a pas de victimes évidentes (p. ex. prostitution ou conduite avec facultés affaiblies), ni sur les crimes dont les victimes sont des entreprises ou des écoles, sont décédées (comme dans le cas des homicides) ou sont des enfants (personnes âgées de moins de 15 ans pour l’ESG).

RECOMMANDATION

Le Comité recommande que Statistique Canada réalise l’Enquête sur les victimes de la criminalité tous les ans et que le gouvernement du Canada lui fournisse à cet effet les fonds nécessaires, afin que les décideurs, les services de police, le système juridique et le public disposent d’une meilleure mesure des activités criminelles au Canada.

MEMBRES DU CRIME ORGANISÉ EN PRISON

L'adoption de mesures antigangs, combinée à des enquêtes policières bien coordonnées et audacieuses, a apparemment permis d'envoyer un plus grand nombre de membres et d'associés de gangs dans les établissements du Service correctionnel du Canada. On a dit au Comité qu’au 30 novembre 2011, 2 293 contrevenants sous la responsabilité du SCC étaient membres de groupes du crime organisé ou associés à de tels groupes. En tout, 70 % (ou 1 605) de ces contrevenants étaient incarcérés et 30 % (ou 688) étaient sous une quelconque supervision communautaire. Le total des contrevenants sous la surveillance du SCC s’élevant à 23 021; ceux liés à des gangs représentent donc 9,96 % de ce total[60].

Le type d’organisation criminelle le plus important est les gangs de rue qui représentent 39 % de la population carcérale nationale liée à des gangs. Au cours des 10 dernières années, cette population sous la surveillance de SCC a connu une augmentation rapide et la tendance devrait se maintenir. Au deuxième rang des organisations criminelles sous la surveillance du SCC se trouvent les gangs autochtones (26 % de la population), suivi des bandes de motards (17 %), du crime organisé traditionnel (8 %), des autres types de gangs (7 %) et des gangs asiatiques (3 %)[61]. Les gangs de rue et les gangs autochtones, qui totalisent 76 % des associés du crime organisé sous la surveillance du SCC, sont surtout présents dans la région des Prairies, qui s’occupe de 83 % des dossiers des membres de gangs autochtones et de 38 % de ceux des membres des gangs de rue.

L’augmentation du nombre de membres de gangs placés sous la responsabilité du SCC entraîne des difficultés pour celui-ci :

  • les questions de pouvoir et de domination par voie d’intimidation, d’extorsion et de violence;
  • les incompatibilités ou rivalités entre les divers groupes;
  • la distribution de drogues au sein des établissements;
  • le maintien de liens criminels avec des organisations criminelles de l’extérieur;
  • le recrutement de nouveaux membres de gangs; et
  • la possibilité d’intimidation, de manipulation et de corruption du personnel.

À cause des rivalités entre gangs, il arrive parfois que le SCC ne puisse intégrer les contrevenants et qu’il doive au contraire séparer certains types de gangs. Cependant, la séparation ne constitue pas toujours une solution réaliste à la gestion des gangs. La gestion du risque fondée sur le renseignement sert à examiner la dynamique des gangs et à prévenir les conflits entre gangs. Par ailleurs, le SCC vise à donner aux membres de gangs l’opportunité de ne plus être associés à un gang[62].

On a également dit au Comité que la prison n’avait parfois pas d’effet dissuasif sur certains jeunes; en fait, elle pouvait même servir de tremplin[63]. Pour les délinquants primaires, la prison devient un lieu où former des associations négatives. Le système carcéral offre aux gangs un lieu où recruter des membres et le crime devient plus organisé. Les services de soutien nécessaires à tout changement significatif ne sont pas toujours offerts, de sorte que les associations créées en prison deviennent le réseau de soutien des ex-détenus.

L’une des difficultés reliées à la présence de membres du crime organisé dans les prisons est que les prisonniers sont en grande majorité remis en liberté à un certain moment. De prime abord, la question ne semble pas avoir une bien grande portée. On a fait savoir au Comité qu’en 2010-2011, la Commission des libérations conditionnelles du Canada avait rendu 308 décisions de libération conditionnelle dans 139 dossiers de délinquants condamnés pour un infraction d’organisation criminelle. Sur un total de 23 054 décisions rendues, cela représente 1,3 % des décisions de l’exercice. Depuis 1998-1999, la Commission a rendu 1 917 décisions sur la mise en liberté sous condition de délinquants déclarés coupables d’une infraction d’organisation criminelle[64].

La Commission précise que, pour rendre sa décision, elle a l’entière discrétion d’utiliser l’information sur la violence ainsi que sur les activités de crime organisé et de gang. Elle peut tenir compte des rapports sur la conduite criminelle d’un délinquant pour lequel il n’y a eu aucune déclaration de culpabilité[65]. Par ailleurs, l’article 133 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition[66] accorde à la Commission des libérations conditionnelles le pouvoir d’imposer les conditions qu’elle juge nécessaires pour protéger la société et contribuer à la réinsertion sociale du délinquant. L’appartenance de ce dernier à une organisation criminelle est l’un des facteurs pris en compte. Un autre facteur dont tient compte tout plan de libération conditionnelle est la question de savoir si le placement du délinquant dans la collectivité peut conduire à son association avec des membres d’organisations criminelles ou des associés de ces organisations[67].

L’obligation d’agir équitablement impose à la Commission des libérations conditionnelles de communiquer au délinquant l’information qu’elle utilise pour rendre sa décision. Elle a assuré au Comité qu’elle prend les mesures pour protéger les renseignements de nature délicate afin d’obtenir ce dont elle a besoin, que les délinquants connaissent leurs droits aux termes de la loi et que les sources d’information et les enquêtes en cours de réalisation soient protégées.

Récemment, la Commission des libérations conditionnelles et le service de police régional d’Halifax ont collaboré à la création d’un nouveau rapport de police qui fournit des renseignements pertinents et détaillés sur les délinquants sans compromettre les sources d’information et les enquêtes. Selon la Commission, cinq détachements de la GRC l’utilisent et d’autres services de police songent à le faire[68].

Un autre point concernant les membres du crime organisé qui sont remis en liberté est qu’il n’est plus possible d’isoler les gangs ou d’en tenir les membres éloignés les uns des autres. Le SCC tente d'intervenir auprès des contrevenants dès leur incarcération jusqu’à leur libération et même par la suite pour qu’entre autres, ils acquièrent des compétences liées à l’emploi. Une équipe multidisciplinaire composée d’agents de probation, de coordonnateurs de l’emploi communautaire, de psychologues et de travailleurs en santé mentale, suit les progrès des contrevenants et va même jusqu’à effectuer une vérification auprès des employeurs[69].

RECOMMANDATION

Le Comité recommande que le Service correctionnel du Canada élabore de solides programmes de réadaptation, incluant des évaluations de la santé mentale, pour les contrevenants impliqués dans le crime organisé. Ces programmes de soutien doivent se poursuivre après la libération des contrevenants afin de faciliter leur réinsertion dans la société.

RECOMMANDATION

Le Comité recommande que la Commission des libérations conditionnelles du Canada poursuive sa collaboration avec les services de police afin de créer des rapports de police qui fournissent des renseignements pertinents et détaillés sur les délinquants sans compromettre les sources d’information et les enquêtes.

ÉTABLISSEMENT D’UNE LISTE DES ORGANISATIONS CRIMINELLES

Le moyen le plus simple de prouver l’existence d’une organisation criminelle est d’obtenir une déposition d’un membre à cet effet. Or, très souvent, les procureurs n’ont pas accès à ce genre de témoins. Ils doivent donc utiliser d’autres types de preuves, par exemple des dispositifs d’écoute, une surveillance visuelle et le recours à des policiers banalisés. Ces façons de procéder peuvent être dangereuses et complexes, et elles supposent un certain nombre de délais. Prouver qu’un groupe est en fait une « organisation criminelle » au sens du Code criminel est l’étape la plus laborieuse des poursuites engagées contre une organisation criminelle.

On a dit au Comité que, même si la police ne conteste pas les critères établis pour la désignation des organisations criminelles, elle conteste le fait que cela n’a aucun poids devant les tribunaux. À titre d’exemple, on a parlé du chapitre des Hells Angels du Manitoba, reconnu par la Cour du Banc de la Reine du Manitoba comme étant une organisation criminelle, mais dont la preuve est à refaire chaque fois que des membres de cette organisation sont poursuivis[70]. Prouver qu’un groupe est une organisation criminelle est une opération coûteuse qui prend beaucoup de temps. Les ressources financières et humaines requises pour l’établissement de la preuve seraient sans doute mieux dépensées si elles servaient à cibler d’autres organisations criminelles.

À l’heure actuelle, le droit canadien ne prévoit pas de moyen pour établir une liste des organisations criminelles comme celui qui est utilisé pour les groupes terroristes. Bien qu’on reconnaisse dans certaines décisions importantes des tribunaux canadiens que certains groupes criminels, comme les Hells Angels, sont des « organisations criminelles » au sens du Code criminel, la Couronne doit prouver chaque fois où il est question de tels groupes que l’affaire concerne une organisation criminelle selon la définition juridique. Des tribunaux de la Colombie-Britannique, de l’Ontario et du Manitoba ont statué que, dans l’état actuel du droit, la décision selon laquelle un groupe constitue une organisation criminelle ne peut s’appliquer qu’à l’accusé devant la cour.

On a fait savoir au Comité que l’établissement de la preuve dans ces causes déjà très exigeantes occasionne souvent de longs retards. Pour alléger le fardeau de la Couronne, des témoins ont suggéré d’établir une liste officielle des organisations criminelles considérées comme telles dans la jurisprudence, sous le régime du Code criminel[71]. L’un des avantages possibles de cette liste est qu’elle réduirait le temps nécessaire à la Couronne pour prouver qu’un groupe devant la cour est en fait une « organisation criminelle ». La Couronne pourrait donc se consacrer aux autres éléments de l’infraction. Cette liste empêcherait aussi les organisations criminelles de s’annoncer comme telles et d’intimider le public.

Les organisations criminelles qui figureraient sur la liste, dont les Hells Angels, ont été désignées comme telles dans maintes décisions des tribunaux. En ce qui concerne d’autres groupes qui ont un nom distinctif et qui ont déjà été déclarés organisations criminelles par les tribunaux, le représentant du ministère de la Justice du Québec a mentionné les Bandidos et la Cosa Nostra. Quant aux autres organisations, on a signalé qu’il faudrait peut-être attendre que les tribunaux aient tiré suffisamment de conclusions et que la preuve soit claire avant d’inscrire leurs noms sur une liste.

On a dit au Comité que la tenue d’une liste d’organisations criminelles n’était cependant pas sans difficulté. Par exemple, le droit afférent aux organisations criminelles est encore relativement récent. Changer les règles à ce stade-ci pourrait donner lieu à des contestations constitutionnelles (notamment le droit de s’associer librement) et compliquerait davantage une sphère du droit déjà complexe. Une autre question constitutionnelle qui pourrait être soulevée est que la liste serait assortie de sanctions infligées par suite d’une décision exécutive et non judiciaire. Cela soulève des questions non seulement au sujet de la transparence du processus duquel découle la décision d’établir une liste, mais également au sujet de la présomption d’innocence prévue à l’alinéa 11d) de la Charte, car elle substitue une décision du Cabinet à la preuve d’un élément essentiel d’un crime.

Le processus d’établissement de la liste serait en outre difficile à gérer. Il serait difficile de désigner les groupes moins structurés, par exemple les gangs de rue, dont le nom et la composition changent constamment et dont les actes sont imprévisibles. Comme la composition de certains gangs change très souvent, il serait difficile de prouver que le groupe en cause est le même que celui qui est inscrit sur la liste. Une liste des organisations criminelles serait donc toujours incomplète et désuète.

Cependant, la principale objection à l’établissement d’une liste d’organisations criminelles est qu’elle ne réduirait peut-être pas le fardeau de la police ou des procureurs de la Couronne. La police devra encore recueillir des éléments prouvant l’existence d’une organisation criminelle et prouvant le lien entre l’accusé et l’organisation. Cela occasionnera les mêmes délais qu’on veut éviter en créant une liste. Il faudra encore faire comparaître des témoins experts pour qu’ils expliquent le contexte et le fonctionnement de l’organisation criminelle afin que le juge ou le jury puisse comprendre l’affaire dont il est saisi. Qui plus est, il n’est pas toujours nécessaire de prouver l’existence d’une organisation criminelle. Le procureur n’a qu’à prouver que trois ou quatre individus formaient un groupe à des fins criminelles. Pour infliger les pénalités plus sévères applicables aux organisations criminelles, point n’est besoin de prouver que le groupe traduit devant le tribunal peut porter le nom des « Hells Angels » par exemple.

Une liste des organisations criminelles peut se révéler une arme à double tranchant. Elle peut être utile dans le cas de certaines organisations criminelles plus structurées et plus durables comme les Hells Angels. Mais la défense pourrait évoquer le fait que certains groupes ne figurent pas sur la liste pour laisser croire qu'on n'a pas fait la preuve hors de tout doute raisonnable qu’il s’agit d’organisations criminelles[72].

À l’instar des listes d’interdiction de vol, une liste des organisations criminelles pourrait causer des problèmes non négligeables aux personnes dont le nom s’y trouverait inscrit à tort. Ces personnes pourraient avoir du mal à faire retirer leur nom de la liste et verraient leur liberté personnelle grandement entravée[73]. Les divers problèmes possibles ont été exposés dans un rapport du Bureau de l’inspecteur général du département américain de la Justice, dans lequel il est indiqué que le Federal Bureau of Investigation (FBI) avait communiqué des renseignements incomplets et inexacts qui devaient s’ajouter à la liste des terroristes recherchés du gouvernement des États-Unis. Le FBI avait omis d’y inclure les dossiers de personnes soupçonnées de terrorisme et d’en retirer les dossiers de personnes lavées de tout soupçon[74].

On a également dit au Comité que le ministère de la Justice examinait d’autres options que la création d’une liste des organisations criminelles. Par exemple, les juges pourraient être autorisés à prendre connaissance d’office des décisions antérieures; des décisions judiciaires pourraient ainsi s’appliquer à d’autres causes, et il ne serait plus question d’un processus de désignation gouvernemental qui se déroule entièrement à l’extérieur des salles d’audience. Il y aurait une présomption réfutable selon laquelle les juges pourraient prendre connaissance d’office d’un ensemble de faits semblables exposés dans une cause antérieure, mais la défense aurait le droit de contester cette connaissance d’office.

Une autre option à l’étude est l’adoption de mesures législatives qui préciseraient le genre de preuve pouvant être admise pour démontrer l’existence d’une organisation criminelle[75]. Une troisième option est que le Parlement déclare que la question de déterminer si un groupe est une organisation criminelle ou non est une question de droit, de sorte qu’un juge puisse se prononcer sur cette question avant qu’un procès n’ait lieu conformément au paragraphe 645(5) du Code criminel[76]. Enfin, une quatrième option consiste à demander à un expert des gangs de préparer un affidavit par application de l’article 657.3 du Code criminel et d’y joindre le témoignage présenté dans une cause antérieure qui a prouvé l’existence d’une certaine organisation criminelle. À moins que la défense ne conteste cet élément de preuve d’une certaine manière, un jugement antérieur d’un tribunal devrait s’appliquer à la cause ultérieure[77].

Compte tenu de l’ensemble des préoccupations exposées précédemment, le Comité ne croit pas que le moment est propice à la création d’une liste des organisations criminelles qui pourrait être utilisée dans les poursuites judiciaires contre des groupes. Il invite plutôt le ministère de la Justice à examiner d’autres options qui rendraient les poursuites engagées contre des organisations criminelles plus efficientes et, partant, plus expéditives.

RECOMMANDATION

Le Comité recommande que le ministère de la Justice examine à fond d’autres options que la création d’une liste des organisations criminelles, qui rendraient les poursuites engagées contre des organisations criminelles plus efficientes et, partant, plus expéditives.

ÉCHANGE DE RENSEIGNEMENTS ENTRE ORGANISMES CHARGÉS DE L’APPLICATION DE LA LOI

L’application d’une approche policière au crime organisé doit elle-même être organisée. Le Comité a appris qu’un des problèmes qui se posent en Colombie‑Britannique est qu’il n’existe aucune organisation à l'échelle régionale ayant pour mandat de combattre la criminalité organisée[78]. Différents services de police travaillent dans différents « silos », mais il n’y a pas d’organisation unique de compétence provinciale œuvrant à l’échelle régionale.

Une tentative de coordination des services de police à un niveau plus élevé a débouché sur la création du SCRC, qui a commencé ses activités en 1970 et qui est composé de près de 400 organismes d’application de la loi au Canada. Son objectif est de prendre les rênes de l’élaboration d’une approche intégrée et axée sur le renseignement pour la lutte contre le crime organisé au Canada. Le SCRC s’emploie à faciliter la production et l’échange opportuns de renseignements criminels parmi les organismes d’application de la loi au Canada. Il peut compter sur 10 bureaux provinciaux qui sont indépendants. Il produit un rapport sur le crime organisé qui expose certaines des tactiques qu’utilisent les groupes criminels pour victimiser des Canadiens. Ce rapport renseigne également sur la dynamique des groupes criminels, sur leurs méthodes et sur les marchés criminels.

La Section de l’analyse des renseignements stratégiques du SCRC est responsable de l’élaboration de divers produits de renseignements stratégiques, dont l’Évaluation nationale annuelle de la menace posée par le crime organisé et les crimes graves, l’Appréciation nationale des renseignements criminels sur le crime organisé et les crimes graves et le Rapport annuel sur le crime organisé au Canada. La Section a élaboré et mis en œuvre une méthode et un système de veille stratégique pour améliorer les pratiques d’application de la loi actuelles grâce à une approche proactive en matière de contrôle et de prévention de la criminalité.

À l’heure actuelle, des unités conjointes d’organismes d’application de la loi à tous les échelons mènent des enquêtes intégrées sur des organisations criminelles. Des équipes binationales dont font partie les autorités américaines se concentrent en particulier sur le crime transfrontalier; à cette fin, elles échangent des renseignements et conjuguent leurs efforts au quotidien. Des liens ont également été établis avec des services de police étrangers pour combattre la dimension mondiale du crime organisé.

Réponse intégrée canadienne au crime organisé, ou RICCO, qui représente l’ensemble des services de police du Canada, a récemment été créée pour coordonner l’application d’un plan stratégique de lutte contre le crime organisé ou le crime grave, par l’intégration des efforts déployés par les services de police canadiens aux niveaux municipal, provincial-territorial, régional et national. Des renseignements sont communiqués dans l’ensemble du pays et les décisions opérationnelles sont prises par un comité formé de représentants des différents organismes d’application de la loi au Canada. L’objectif de RICCO est d'opérationnaliser les renseignements produits par le SCRC de concert avec les bureaux provinciaux de renseignements de sécurité. Un objectif clé du programme RICCO est d'intensifier la coopération interprovinciale aux fins de l’échange de renseignements et de la coordination opérationnelle au Canada. Selon le SCRC, RICCO jette les bases qui permettront aux organismes d'application de la loi de tout le pays d'échanger l'information avec plus de rapidité, de fiabilité et d’efficience. On s'attend à ce que les communications améliorées se traduisent par de meilleurs résultats opérationnels.

Le Système automatisé de renseignements criminels (SARC) est la base de données nationale des organismes canadiens chargés de l’application de la loi pour les informations et les renseignements criminels sur le crime organisé et les crimes graves. Grâce au réseau du SARC, les organismes d’application de la loi de tous les échelons collaborent à la collecte, à l’analyse et à l’échange de renseignements criminels dans tout le pays. Le SARC, créé en 1976, était destiné à un groupe de 50 utilisateurs canadiens. De nos jours, ils sont plus de 1 400 à l’utiliser. Outre les questions de capacité, ce qu’il manque, c’est la possibilité de profiter des innovations technologiques pour que les organismes chargés de l’application de la loi, de quelque compétence qu’ils soient, puissent mettre en commun et consulter des renseignements en temps réel. Les activités criminelles ne se limitent pas aux régions géographiques et l’information permettant d’y faire la lutte devrait pouvoir circuler librement. Le SCRC a affirmé au Comité qu’il faut remplacer le SARC; comme le crime organisé évolue et se complexifie, la valeur de l’information et du renseignement pour les organismes d’application de la loi vient du fait qu’ils peuvent les recueillir, les comprendre et les transmettre rapidement[79].

Le Service de renseignements criminels Ontario (SRCO) voit d’un bon œil l’introduction par le SCRC d’un modèle qui explique les rouages du crime organisé au sein de réseaux fluides, animés de l’esprit d’entreprise et actifs sur les marchés illicites comme sur les marchés licites. Cela s’inscrit dans une nouvelle orientation de l’analyse du crime organisé au Canada fondée non plus sur la menace mais sur le risque[80].

Dans l’ancien modèle, le SCRC se concentrait uniquement sur les acteurs criminels. Avec le modèle hybride, on met l’accent à la fois sur les acteurs criminels et sur leur environnement opérationnel. Cet environnement englobe les secteurs économiques licites et illicites. Le crime organisé est vu comme un ensemble de réseaux peu structurés et peu étendus qui réagissent aux fluctuations des environnements économique, politique et juridique. Le modèle met aussi l’accent sur l’interconnectivité et l’interdépendance des marchés licites et illicites, et il décrit les réseaux criminels comme étant rationnels et axés sur le profit.

On peut encore avancer que le modèle institutionnel appliqué par les services de police est trop compartimenté et gêne considérablement la circulation de l’information transmise par les services de police fédéraux, comme la GRC, à leurs partenaires fédéraux, provinciaux et municipaux. Plus précisément, les questions concernant les attestations de sécurité fédérales, les bases de données nationales en matière de sécurité et les structures de rapports hiérarchiques restrictives empêchent toute véritable intégration et tout échange de renseignements efficace. Il faut y remédier pour assurer le partage intégral du renseignement. Un policier a affirmé qu’il fallait une perspective provinciale de l’application de la loi et non une perspective émanant d’un organisme[81]. De l’avis du Comité, on pourrait même parler d’une perspective d’application de la loi nationale, voire internationale.

On a dit au Comité que certaines restrictions législatives entravent la capacité de la police d’échanger des renseignements avec ses partenaires nationaux et internationaux chargés de l’application de la loi. Pour accroître l’efficacité des enquêtes sur le crime organisé, il faut un cadre législatif précis portant sur l’échange de renseignements criminels. Il conviendrait d’abolir les restrictions législatives lorsqu’elles ne sont pas nécessaires à la protection de la vie privée ou à d’autres fins[82].

Une pratique qui s’est révélée très utile dans le cas des poursuites contre le crime organisé est le recours aux services d’un « poursuivant de gangs régional ». On ne saurait exagérer les gains d’efficience en matière d'enquête et de poursuite réalisés grâce à l'affectation d'un procureur spécialisé. Les enquêtes sont généralement bien circonscrites, les mandats sont exécutés sans délai et les accusations indiquées sont portées. Le recours à un poursuivant spécialisé qui a une excellente connaissance du dossier facilite les ordonnances de détention lors des audiences sur la libération sous caution et les plaidoyers de culpabilité. Comme le prévoient le programme des contrevenants chroniques du service de police de Vancouver et le groupe de travail sur le vol d’identité, des procureurs de la Couronne provinciaux spécialisés interviennent tôt à l'étape de l'enquête. Les poursuivants de gangs régionaux regroupent les chefs d'accusation et produisent la preuve à l’audience sur la libération sous caution, au procès et à l’étape de la détermination de la peine. Grâce à ces mesures, on a obtenu des ordonnances de détention et des plaidoyers de culpabilité dans 90 % des cas[83].

RECOMMANDATION

Le Comité recommande de revoir les restrictions législatives concernant l’échange de renseignements criminels sur le crime organisé, afin de déterminer si elles ont toujours lieu d’être ou si elles devraient être abolies pour faciliter les efforts des organismes responsables de l’application de la loi dans la lutte contre le crime organisé.

RECOMMANDATION

Le Comité recommande de mettre à niveau le Système automatisé de renseignements criminels de façon qu’il puisse gérer le volume grandissant de renseignements recueillis sur les activités du crime organisé au Canada. La création d’une nouvelle plate-forme technologique pour ce système, assortie des mesures de sécurité qui s’imposent, peut augmenter considérablement l’efficacité des analystes, des enquêteurs et des agents du renseignement.

DIVULGATION DE LA PREUVE

La décision R. c. Stinchcombe[84] de la Cour suprême du Canada (1991) et la jurisprudence subséquente obligent les procureurs à divulguer les renseignements pertinents à l’accusé. Les renseignements sont jugés pertinents s’il existe une possibilité raisonnable qu’ils puissent être utilisés pour étayer la preuve à charge, pour soutenir une défense ou encore pour prendre une décision de nature à influencer les actions de la défense. En outre, le fardeau incombe toujours à la Couronne de sorte que la preuve doit être divulguée dès la communication de renseignements additionnels. L’obligation de divulgation s’applique même après la condamnation de l’accusé, c’est-à-dire même après que des appels ont été tranchés et que les délais d’appel se sont écoulés. L’obligation de divulgation de la preuve s’inscrit dans le droit de l’accusé à une défense pleine et entière. Ce droit est garanti à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés[85].

En raison de l’existence du droit à une défense pleine et entière, le critère préliminaire de pertinence est peu rigide. La Cour suprême exige la communication de renseignements qui peuvent être raisonnablement utilisés par l’accusé pour réfuter la preuve et les arguments de la Couronne, pour présenter un moyen de défense ou pour parvenir à une décision susceptible d'avoir un effet sur le déroulement de la défense, par exemple de présenter ou non une preuve[86]. La divulgation peut également favoriser le règlement des questions de fait en litige, y compris l’inscription de plaidoyers de culpabilité en début de procédure.

L’obligation de divulgation comporte certaines exceptions. La divulgation de l’identité ou du lieu de résidence d’un témoin peut être retardée pour empêcher l’intimidation ou le harcèlement du témoin ou de sa famille, ou dans des cas où elle mettrait en péril leur vie et leur sécurité ou entraverait l’administration de la justice. En pareils cas, le procureur de la Couronne doit communiquer les renseignements dès que le report n’est plus justifié. Il doit aviser la défense qu’une partie de la communication est retardée sans que cela porte atteinte au motif du report[87]. Dans le contexte du crime organisé, une autre revendication de privilège de non-divulgation surgit lorsque la divulgation de l’information pourrait permettre d’identifier un indicateur confidentiel de la police. La seule exception au privilège relatif aux indicateurs de police s’applique lorsque l’information doit être divulguée pour établir l’innocence de l’accusé. Les renseignements qui sont propres à révéler des techniques, méthodes et tactiques d’enquête secrètes utilisées par la police et qui pourraient nuire à de futures enquêtes faisant appel aux mêmes techniques, méthodes et tactiques sont généralement protégés contre toute communication.

Bien que les principes qui sous-tendent l’obligation de divulgation puissent être acceptés, des difficultés pratiques peuvent surgir. Dans les enquêtes concernant le crime organisé, bon nombre de documents doivent être communiqués à la défense, ce qui entraîne des coûts importants et retarde la procédure. Les exigences énoncées dans la décision Stinchcombe représentent un fardeau considérable pour la police et grèvent les ressources judiciaires. Par ailleurs, des litiges peuvent surgir au sujet du genre de renseignements jugés pertinents ou entrant dans la catégorie des renseignements protégés. Les litiges et les reports de divulgation peuvent ralentir les procès et même entraîner le rejet de poursuites[88]. La mauvaise utilisation possible de l’information divulguée est un autre sujet de préoccupation. Tout en respectant le droit de l’accusé à une défense pleine et entière, des témoins ont dit au Comité qu’il faudrait songer à accélérer le processus de divulgation et à définir avec clarté et précision le degré de pertinence.

Compte tenu du volume considérable de documents à communiquer dans les poursuites concernant le crime organisé, la divulgation électronique est maintenant le moyen privilégié. Cette forme de divulgation réduit les coûts, prend moins de place que les copies papier et se prête bien à la communication de documents originaux obtenus à l’aide d’outils de surveillance électronique, audio et vidéo. Pour que l’information soit divulguée sans tarder, les procureurs et les agents de police doivent faire preuve de prévoyance, en planifiant la divulgation dès le début de l’enquête. Pour éviter de compliquer indûment l’enquête, il faut en fixer l’orientation, et l’information divulguée doit être compréhensible et intelligible[89].

On a signalé au Comité que les gens du crime organisé se servaient des documents communiqués pour prendre connaissance des techniques d’enquête de la police. La contre-surveillance pose donc un gros problème. Qui plus est, les techniques d’enquête classiques ne sont plus aussi efficaces qu’avant. Le chef de police de Calgary était d’avis qu’il fallait revoir la décision Stinchcombe afin de simplifier les exigences de divulgation pour la police et, s’il y a lieu, de camoufler les techniques policières pour déjouer les groupes du crime organisé et les empêcher de mettre au point des techniques de contre-surveillance. Selon lui, il convient de recourir davantage à la technologie pour régler les problèmes que pose la quantité d’éléments de preuve à divulguer. Enfin, il a suggéré d’élargir les moyens de poursuite fédéraux en augmentant le nombre de postes et le financement[90].

Un autre problème que pose la divulgation est le fait qu’on ne sait pas vraiment quels sont les renseignements pertinents que la police doit divulguer. Faute d’un critère préliminaire de pertinence bien défini, la police a l’impression de divulguer de l’information sans valeur probante. Déterminer si certains renseignements sont pertinents devient une affaire d’opinion, et cela, au détriment de la cohérence. On se demande alors pourquoi certains renseignements sont pertinents dans un procès mais non dans un autre. Il faut établir des paramètres bien définis pour la divulgation de renseignements pertinents.

Le Comité a entendu des témoins représentant le Service des poursuites pénales du Canada, qui ont signalé les difficultés liées à la divulgation de volumes de renseignements considérables dans les poursuites engagées contre le crime organisé. On a cependant indiqué au Comité que trois principes étaient appliqués pour garantir le bon fonctionnement du processus de divulgation. Le premier est la « prévoyance » : la divulgation doit être planifiée dès le début de l’enquête et des procureurs doivent être assignés dès le début de la procédure pour aider les enquêteurs à planifier la divulgation de la preuve à mesure qu’elle est recueillie. Le deuxième principe est la « focalisation », qui consiste à restreindre l’étendue des enquêtes de manière à éviter l’éparpillement. Enfin, le troisième principe est l’« organisation », qui vise à rendre la divulgation compréhensible et intelligible. Il faut donc classer les éléments de preuve en fonction de leur utilité, et ce, dès le début[91].

Patrick Lesage, ancien juge en chef de l’Ontario, et le professeur Michael Code ont également traité de la divulgation de la preuve dans le Rapport sur l’examen de la procédure relative aux affaires criminelles complexes[92]. Patrick Lesage s’est présenté comme témoin devant le Comité et a admis qu’il est difficile de légiférer sur un concept comme celui de la « pertinence ». Il a parlé de la codification de la divulgation dans le cas des dispositions sur la protection des victimes de viol, mais il a souligné la complexité des règles dans ce domaine[93]. Certaines recommandations contenues dans leur rapport font écho à celles qu’a formulées le Service des poursuites pénales devant le Comité. Par exemple, dans le rapport, on recommande une collaboration plus étroite entre la police et la Couronne à l’étape antérieure au dépôt d’accusations dans les grandes causes complexes (comme celles qui impliquent le crime organisé). Cette collaboration se traduirait notamment par une aide à la préparation du dossier de divulgation de la preuve. Selon une autre recommandation contenue dans le rapport Lesage-Code, les demandes de documents extérieurs au dossier d’enquête, présentées par la défense, seraient soumises à un certain nombre de conditions, dont l’une est d’indiquer clairement les documents en question et d’expliquer en quoi ils peuvent aider la défense.

RECOMMANDATION

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada encourage, de concert avec ses homologues provinciaux et territoriaux, la collaboration étroite entre la police et les procureurs dans les poursuites contre le crime organisé, afin qu’ils planifient la divulgation de la preuve dès le début de l’enquête. La divulgation devrait reposer sur des paramètres de pertinence qui, dans la mesure du possible, sont codifiés. Le modèle de codification pourrait être le processus qui a abouti aux dispositions sur la protection des victimes de viol. Toute demande de documents supplémentaires présentée par la défense devrait être clairement définie de manière à circonscrire les documents en question et à expliquer en quoi ils peuvent aider la défense.

RECOMMANDATION

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada établisse, de concert avec ses homologues provinciaux et territoriaux, un modèle de divulgation électronique qui puisse servir de mémoire type de la Couronne dans tous les cas afférents au crime organisé qui sont longs et complexes. Ce mémoire devrait être le fruit d’une collaboration entre la police et la Couronne et il devrait exclure, des exigences de divulgation, les renseignements permettant d’identifier des indicateurs confidentiels ou de révéler les techniques d’enquête policières secrètes, entre autres.

DÉTERMINATION DE LA PEINE

À quelques reprises, on a dit au Comité que le système juridique canadien est encombré de récidivistes qui accaparent d’énormes ressources juridiques et de ressources affectées à l’application de la loi. Il serait possible d’alléger le fardeau de la police et du système de justice en réduisant les comparutions des récidivistes devant la cour. Il est question ici du syndrome de la porte tournante : certains contrevenants sont arrêtés maintes et maintes fois, mais les peines qui leur sont infligées ne semblent pas adaptées à leur comportement de récidiviste. On considère que c’est la société qui en subit le contrecoup et que les contrevenants s’en tirent relativement à bon compte[94].

Avant de prononcer une peine, les juges prennent en considération les anciennes condamnations, qui constituent des facteurs aggravants judiciairement admis. Les anciennes condamnations donnent une indication du caractère des contrevenants, lesquels ne peuvent être considérés comme des délinquants primaires qui sont inexpérimentés ou qui se sont comportés de manière inhabituelle. Les juges peuvent tenir compte des anciennes condamnations à des fins de dissuasion, surtout si les infractions vont en s’aggravant. Il se peut toutefois que ces condamnations ne soient pas particulièrement pertinentes si elles ont été prononcées il y a longtemps ou si elles s’appliquaient à d’autres comportements. Les témoins estimaient néanmoins qu’on n’accordait pas suffisamment d’importance aux récidives dans la détermination des peines. Selon eux, le moyen le plus simple d’y remédier était d’insérer ce facteur parmi les principes de détermination de la peine du Code criminel.

Le Comité a appris que, contrairement à d’autres types de crimes au Canada, où certaines dépendances ou la stupidité peuvent être le facteur de motivation principal, les acteurs du crime organisé sont inspirés par l'appât du gain et le profit, et ils s'appuient sur la victimisation continue des naïfs et des innocents. On a donc vivement recommandé au Comité de reconnaître que des crimes graves exigent des sentences graves[95]. Le Comité a également appris que, contrairement aux autres détenus, les personnes reconnues coupables d’infractions liées à des organisations criminelles étaient plus susceptibles d’être mariées, d’avoir un emploi et d’être en santé, et elles avaient peu de problèmes de toxicomanie. Encore une fois, elles semblaient motivées par le profit plutôt que par des circonstances socioéconomiques. Les détenus appartenant au crime organisé purgent généralement de plus longues peines d’emprisonnement, mais après avoir obtenu une libération conditionnelle, ils s’en tirent généralement mieux[96].

Le Comité a également appris que le blanchiment d’argent est une importante source de revenu pour le crime organisé; il est quasi impossible de diriger une organisation criminelle sans recourir au blanchiment d’argent. Cela peut conduire à la corruption et à l’infiltration d’entreprises légitimes[97]. On a également dit au Comité que des peines plus sévères témoignent de l’exemplarité de la peine et du sentiment de justice dans la collectivité, deux objectifs de la détermination de la peine. Au Canada, cependant, la durée moyenne des peines est de 30 jours pour les infractions criminelles, et nous n’arrivons à rien avec le statu quo. Si de plus longues peines étaient infligées, nous pourrions nous attendre à une diminution des activités criminelles[98].

RECOMMANDATION

Le Comité recommande de modifier le Code criminel pour qu’il soit possible d’infliger des peines minimales obligatoires dans le cas d’infractions commises par des organisations criminelles, notamment l’infraction visée à l’article 467.13 du Code Criminel – Charger une personne de commettre une infraction.

RECOMMANDATION

Le Comité recommande de modifier le Code criminel pour augmenter la sévérité des peines infligées pour blanchiment d’argent.

LE CRIME ORGANISÉ ET LES JEUNES

À plusieurs reprises, on a indiqué au Comité qu’il fallait intervenir tôt dans la vie des personnes susceptibles de se joindre aux rangs du crime organisé. Un témoin a expliqué au Comité que nous pourrions commencer à intervenir dès l’âge de quatre ans parce que le diagnostic de trouble de comportement et de trouble oppositionnel avec provocation peut être posé à cet âge-là. À la troisième année d’école primaire, on peut déterminer quels enfants seront des récidivistes toute leur vie et lesquels seront simplement des délinquants pendant leur adolescence[99]. Environ 5 ou 6 % des criminels font partie de cette catégorie et exercent une grande influence sur les jeunes. On croit qu’une intervention hâtive est nécessaire pour miser sur les points forts de l’enfant et l’éloigner de la voie antisociale.

Le danger que présentent les gangs est le réseau social déjà établi qu’ils offrent. Les gangs fournissent des occasions sociales et économiques comme toute autre entreprise, à la différence que leurs activités sont illégales. Il ne faut aucun talent particulier pour appartenir à un gang : tout ce qu’il faut, c’est un besoin d’argent ou d’appartenance, et subir des pressions sociales[100].

Un témoin qui dirige un programme de prévention et d’intervention pour jeunes âgés de 16 à 24 ans a indiqué au Comité que les participants au programme étaient absolument coupés d’autres activités dans la collectivité. L’objectif du programme est de leur inculquer un sentiment d’appartenance à quelque chose de plus grand qu’eux, ce qui réduit le risque d’appartenance à un gang[101]. Pour vraiment empêcher les jeunes d’adhérer à un gang, il faut à tout prix comprendre comment ils en viennent à dévier du droit chemin et quels sont les facteurs de risque qui les poussent à s’intégrer à des gangs.

Au sujet des risques, on a signalé au Comité une étude réalisée par le Centre national de prévention du crime, selon laquelle les facteurs de risque les plus importants en ce qui concerne l’appartenance à un gang comprennent les influences négatives dans la vie des jeunes, un faible sentiment d’appartenance à la collectivité, une trop grande confiance envers des pairs à personnalité antisociale, une supervision parentale inadéquate, l’abus de drogues ou d’alcool, un faible potentiel sur le plan scolaire et une faible employabilité, ainsi que le besoin de reconnaissance et d’appartenance[102]. Un certain nombre d’études indiquent que les facteurs de risque d’appartenance à un gang sont présents bien avant l’intégration du jeune à un gang. À moins de s’y attaquer très tôt, les expériences négatives vécues à un jeune âge et la criminalité qui s’ensuit ne feront que renforcer l’adoption durable d’un comportement délinquant[103].

Des témoins qui œuvrent auprès de jeunes qui risquent de s’intégrer à des gangs ont dit au Comité qu’il faut se demander pourquoi les jeunes sont attirés par les gangs et comment on peut les en éloigner. Lorsque les jeunes deviennent membres d’un gang, il est souvent trop tard pour les détourner de la criminalité.

Les jeunes qui risquent le plus de verser dans la criminalité sont souvent issus de familles à faible revenu, vivent dans l’isolement social, ne réussissent généralement pas bien à l’école et ne nourrissent pas beaucoup d’espoir quant à leur réussite future. Le Comité a appris que la criminalité juvénile découle en grande partie d’un manque de supervision de la part des adultes ou qu’elle est déterminée par des besoins de survie. Faute d’une intervention adéquate, les jeunes qui s’adonnent à des activités criminelles mineures comme s’introduire illégalement dans des lieux, s’approprier un véhicule à moteur, consommer des boissons alcooliques sans en avoir l’âge légal et troubler la paix continueront de le faire avec ou sans gang[104]. Les crimes violents commis par des jeunes sont le plus souvent liés à des gangs et ceux-ci exercent beaucoup d’attrait chez les jeunes : ils leur procurent statut, gain financier, protection, encadrement, affiliation et excitation[105].

On a mentionné au Comité que des programmes de prévention visant à créer des occasions positives pour les jeunes, en particulier les jeunes à risque, permettaient de réduire la criminalité et nécessitaient beaucoup moins de financement. Des activités parascolaires offertes au moment le plus propice pour le crime juvénile rapportent beaucoup plus que l'argent investi[106].

Des témoins qui œuvrent auprès de jeunes ont souligné que pour être efficaces, les interventions doivent être durables et fiables. Elles sont moins efficaces si les programmes ont une durée limitée ou si le financement est supprimé au terme d’un projet pilote. Beaucoup de temps et d’énergie sont consacrés à la présentation de demandes de financement et à l’établissement de contacts, ce qui entrave l’efficacité des programmes destinés aux jeunes. Il peut être difficile de trouver du personnel quand on ignore si les fonds seront renouvelés. Le roulement de personnel entraîne la perte de connaissances spécialisées et des relations établies par le personnel avec les jeunes[107]. Il faut offrir aux jeunes des programmes accueillants auxquels ils peuvent avoir accès en tout temps.

Le Comité a appris que certaines initiatives de prévention du crime ont fait leur preuve. De nombreux organismes réputés interviennent auprès des jeunes et répondent à leurs besoins. Les jeunes ont besoin d’acquérir des compétences et de la confiance, mais pour cela il faut des programmes de longue durée. En fournissant un financement adéquat et durable, en misant sur l’amélioration des programmes fructueux et en procédant à des évaluations des répercussions à long terme, les gouvernements pourraient s’assurer que les fonds donnent les meilleurs résultats possibles. Pour chaque jeune mis à l’abri d’un mode de vie criminel, les coûts du système de justice pénale se trouvent réduits.

Un témoin a parlé au Comité du rapport coût-efficacité des programmes parascolaires et des systèmes de soutien par opposition au coût de l’incarcération[108]. Il a également été fait mention d’un rapport rédigé par le Comité en 1993 auquel fait allusion l’Institut pour la prévention de la criminalité dans son rapport intitulé Bâtir un Canada plus sûr[109]. L’Institut cite le rapport de 1993 du Comité permanent de la justice et du Solliciteur général, aussi appelé le rapport Horner, dans lequel on recommande que l’équivalent de 5 % du budget fédéral affecté à la justice pénale serve à la prévention de la criminalité. Dans le rapport Horner, il est fait mention d’une analyse coût-avantage du projet de la Perry Preschool, mis en œuvre au Michigan en 1962. Dans le cadre de ce projet, des enfants de trois et quatre ans issus de milieux pauvres ont bénéficié chaque jour d'un enseignement préscolaire de deux heures et demie et ils ont reçu des visites hebdomadaires à domicile d’une heure et demie. Comparativement à un groupe de contrôle qui ne participait pas au programme, ces enfants ont été plus nombreux à terminer leurs études secondaires, à fréquenter des établissements d’enseignement postsecondaire et à occuper un emploi; ils ont été moins nombreux à dépendre de l’aide sociale ou à faire l’objet d’un rapport d’arrestation. L’analyse coût-avantage indiquait que pour chaque dollar investi dans un programme d’un an, le rendement était de cinq dollars. D’une part, moins de ressources publiques sont consacrées aux participants d’âge préscolaire puisqu’ils ont de meilleures chances d’être plus instruits et de travailler et, d’autre part, le coût associé à leurs infractions criminelles moins graves est réduit[110].

Les facteurs de risque ne conditionnent pas les crimes ni ne garantissent que les personnes qui y sont exposées commettront des crimes. Un milieu familial qui offre un soutien, un niveau adéquat de soutien social (par exemple des programmes de loisirs communautaires) et la cohésion sociale peuvent enrayer les effets des désavantages socioéconomiques. Les facteurs de risque touchent cependant d’une manière disproportionnée certains groupes au Canada, comme en témoignent leurs taux de criminalité et de victimisation plus élevés. Les enfants, les jeunes et les familles autochtones représentent l’un de ces groupes. Par rapport aux moyennes établies pour l’ensemble des Canadiens, les Autochtones ont des revenus et un taux de scolarité plus faibles, un taux de chômage, un taux de consommation d’alcool et d’autres drogues et un taux d’éclatement de la famille plus élevés, de même que de moins bonnes conditions de logement[111].

L’une des approches appliquées au Canada en matière de criminalité et de victimisation est l’approche réactive selon laquelle on attend qu’il y ait victimisation, on compte sur la victime ou sur un témoin pour appeler la police, puis celle-ci fait enquête et arrête le suspect; un tribunal est ensuite saisi de l’affaire et le contrevenant risque une sanction. Un problème que pose cette approche est qu’une grande proportion de Canadiens ne signale pas à la police les incidents criminels. Dans l’Enquête sociale générale de 2009, Statistique Canada indique que 31 % des incidents criminels sont portés à l’attention de la police[112]. Un deuxième problème que présente l’approche réactive est que, parmi les cas portés à l’attention de la police, seulement quelques-uns débouchent sur des accusations formelles et sont traduits en justice. Seulement 58 % des causes entendues devant un tribunal pour adultes et 60 % de celles entendues par un tribunal de la jeunesse se soldent par une condamnation[113]. Certains types de crimes, par exemple la violence faite aux enfants, la violence conjugale et les agressions sexuelles, sont particulièrement sous-déclarés et échappent ainsi au système de justice pénale. Un troisième problème lié à l’approche réactive est que les contrevenants qui purgent une peine d’emprisonnement ne sont pas nécessairement réadaptés à leur retour dans la société. Par ailleurs, la population carcérale n’englobe pas tous les contrevenants. Enfin, l’approche réactive ne prend pas toujours en compte les facteurs sous-jacents associés au comportement criminel.

Le chef de police de Saskatoon a dit au Comité : « Si nous ne réussissons pas à résoudre les problèmes sociaux qui contribuent à la criminalité — pauvreté, logements insalubres, racisme, toxicomanie et agressivité — l'activité des gangs sera florissante et ceux-ci resteront une option viable pour les marginalisés. On peut bien emprisonner les membres des gangs, ils retrouveront en sortant de prison le même environnement et il est très probable qu'ils reprendront les mêmes activités[114]. »

La lutte contre le crime organisé n’est pas sans espoir : près de 80 % des contrevenants appartenant à un gang se disent insatisfaits de leur vie et préféreraient vivre en marge de la sous-culture du gang[115]. Il y a place pour une intervention visant à amener les membres des gangs à se dissocier. Cette intervention sera cependant laborieuse, compte tenu du potentiel de violence et d’hostilité qu’il faut évaluer et gérer pendant l’incarcération des contrevenants et leur réinsertion dans la société.

RECOMMANDATION

Le Comité recommande que, de concert avec ses homologues provinciaux et territoriaux, le gouvernement du Canada alloue davantage de ressources, de manière stable et durable, pour les jeunes qui risquent de verser dans la criminalité. Les fonds devraient permettre aux jeunes à risque de bénéficier de programmes qui les éloignent des gangs et qui favorisent un autre mode de vie que celui offert par les gangs.

DROGUES ET CRIME ORGANISÉ

Divers témoins ont dit au Comité qu’une caractéristique des gangs urbains est que les drogues illicites sont au cœur de leurs activités. Les crimes commis pour des motifs liés aux drogues incluent les infractions contre les biens, les vols qualifiés, les agressions et les homicides. Une autre caractéristique est l’exploitation des jeunes toxicomanes. Le Comité a appris que le temps d’attente moyen au Manitoba pour être admis dans un centre de désintoxication se situe entre 7 et 90 jours[116]. En général, le séjour est de 21 à 28 jours, ce qui est sans rapport avec la durée d’intoxication du corps.

Les jeunes toxicomanes sans logement stable et permanent sont particulièrement vulnérables aux prédateurs du crime organisé. Un logement stable est la base nécessaire pour aider les toxicomanes à recevoir des soins. De piètres conditions de logement ou l’absence de logements constituent l’une des causes fondamentales de la criminalité sur lesquelles le Comité devrait se pencher, comme on le lui a vivement recommandé à maintes reprises. Le logement n’est pas une panacée, mais il fournit la plate-forme à partir de laquelle il est possible de mieux offrir d’autres services[117].

Des représentants de Statistique Canada ont cependant indiqué au Comité que les crimes liés aux drogues ne font pas partie de la Déclaration uniforme de la criminalité, introduite en 1962. Il s’agit pourtant d’un secteur très lucratif pour le crime organisé.

On a dit au Comité que 1,9 million de plants de marihuana ont été saisis en 2007, soit huit fois plus qu’en 1993 (238 000 plants). Presque sept fois plus de marihuana a été saisie : de 7 314 à 49 918 kilogrammes. Pour le crime organisé, le commerce de la drogue est très lucratif et rapporte, en Colombie-Britannique seulement, environ 6 milliards de dollars par an. Selon l’Organized Crime Agency de la Colombie-Britannique, les groupes du crime organisé détiennent 85 % du commerce de marihuana. La majeure partie de ce commerce se fait avec les États-Unis, où la drogue est échangée contre des armes à feu, de la cocaïne, de la MDMA (ecstasy) et du tabac illégal[118].

En plus de financer le crime organisé, la culture illégale de la marihuana implique des risques pour la sécurité publique, dont les incendies, l’électrocution, les dangers structurels et la violence. Cette violence se traduit par des homicides, des confrontations armées, des fusillades au volant de voitures et des extorsions.

Les produits du crime organisé au Canada sont généralement imposables[119]. L’Agence du revenu du Canada (ARC) administre le Programme spécial d’exécution en vue de percevoir de l’impôt auprès des personnes soupçonnées de tirer un revenu d’activités illégales. La culture de marihuana recèle un vaste potentiel de recettes fiscales inexploité parce que les revenus provenant de cette culture ne sont pas imposés. Il n’est pas possible de prélever de l’impôt sur cette activité illégale lucrative parce qu’il n’existe pas de mécanisme permettant d’échanger automatiquement des renseignements sur les activités de production de stupéfiants avec l’ARC. Le risque pour les producteurs de marihuana de faire l’objet d’une vérification pourrait exercer un effet dissuasif, privant en partie le crime organisé d’une importante source de financement. On a suggéré au Comité que les organisations policières soient tenues de signaler à l’ARC tout dossier lié à la production de drogues[120]. La section « Produits de la criminalité » renferme un exposé plus détaillé de la question ainsi qu’une recommandation.[121]

RECOMMANDATION

Le Comité recommande que, de concert avec ses homologues provinciaux et territoriaux, le gouvernement du Canada affecte davantage de ressources aux services de toxicomanie et aux places dans les centres de désintoxication afin de réduire les temps d’attente. Les toxicomanes sont particulièrement vulnérables aux efforts de recrutement du crime organisé de sorte que toute aide visant à amoindrir leur vulnérabilité serait utile.

RECOMMANDATION

Le Comité recommande qu’en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, Statistique Canada inclue toutes les infractions liées aux drogues dans la Déclaration uniforme de la criminalité.

PRODUITS DE LA CRIMINALITÉ

Le blanchiment d’argent est une activité courante entreprise par les organisations criminelles. Elle leur permet d’octroyer une apparence de légitimité à leurs revenus de sources criminelles. Selon Statistique Canada, en 2010, 646 affaires déclarées par la police concernaient des infractions au Code criminel relatives aux produits de la criminalité et impliquaient 546 contrevenants présumés.[122] Il s’agit donc d’un problème important.

Le premier texte législatif s'attaquant aux produits de la criminalité est entré en vigueur au Canada en 1989. En 2005, une loi a modifié le Code criminel[123] afin de renverser le fardeau de la preuve dans les cas de demandes de confiscation relatives aux produits de la criminalité visant un accusé déclaré coupable d’une infraction d’organisation criminelle ou d’une infraction à certaines dispositions de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.[124] Ainsi, en vertu du paragraphe 462.37(2.01) du Code criminel, le tribunal est tenu d’ordonner la confiscation des biens du contrevenant s’il est convaincu, selon la prépondérance des probabilités, soit que celui-ci s’est livré à des activités criminelles répétées, soit que son revenu de sources non liées à des infractions désignées ne peut justifier de façon raisonnable la valeur de son patrimoine. Le contrevenant peut toutefois éviter la confiscation s’il démontre, selon la prépondérance des probabilités, que les biens ne constituent pas des produits de la criminalité.

De nombreux témoins ont déclaré devant le Comité que les dispositions de cette loi ne sont pas efficaces — et donc, ne sont pas ou peu utilisées[125] — pour confisquer les biens liés à une organisation criminelle, étant donné que le poursuivant doit toujours faire la preuve, hors de tout doute raisonnable, de la propriété des biens. Selon Martine Fontaine, officier responsable de l’Unité mixte des produits de la criminalité de la GRC à Montréal : « La complexité des enquêtes tient au fait qu'il faut démontrer que l'individu possède des biens alors que, selon le registre foncier, la propriété appartient à sa femme, à sa fille, à son frère, à son père ou à sa défunte mère ou que, la voiture est une voiture de location. Les comptes bancaires sont cachés derrière des compagnies, des fiducies (…)[126] »

Les organisations d’application de la loi et les procureurs de la Couronne préfèrent donc avoir recours aux lois provinciales sur la confiscation des produits d’activités illégales. Les services policiers peuvent avoir recours à ces lois de façon indépendante pour régler les affaires n'ayant pas abouti, ou pour lesquelles il n'y a pas suffisamment d'éléments de preuve pour procéder à une confiscation en vertu du Code criminel.

Les lois provinciales ont, en effet, mis en place un régime de confiscation plus souple. Par exemple, la Loi de 2001 sur les recours civils[127] de l’Ontario — dont la validité constitutionnelle a été reconnue par la Cour suprême du Canada[128] — n’exige pas une allégation ou une preuve qu’une personne donnée a commis un crime en particulier. De plus, l’instance en confiscation fondée sur la Loi de 2001 sur les recours civils ne requiert pas l’identification du propriétaire des produits de la criminalité. L’exemple donné par la Cour suprême porte sur l’argent saisi dans une maison secrète d’un gang : « Dans un tel cas, le procureur général peut être en mesure de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que l’argent constituait un produit de la criminalité en général sans identifier un crime ou un criminel en particulier[129]. »

Afin d’augmenter l’efficacité et l’utilisation des dispositions de la partie XII.2 du Code criminel sur la confiscation des produits de la criminalité relatifs aux organisations criminelles, Francis Brabant, conseiller juridique à la Sûreté du Québec, a mentionné la possibilité de modifier le fardeau de la preuve en substituant la prépondérance des probabilités à la preuve au-delà de tout doute raisonnable, lorsqu’il s’agit d’établir la propriété des produits de la criminalité relatifs à une organisation criminelle[130]. De cette façon, il serait plus facile pour le poursuivant de démontrer qu’un bien, appartenant en apparence à une personne qui sert de paravent, appartient en réalité à un membre d’une organisation criminelle, et donc, de pouvoir en faire la saisie et la confiscation. Le Comité est d’avis que la confiscation des produits de la criminalité des organisations criminelles représente le nerf de la guerre au crime organisé et soutient ainsi la mise en place de mesures la facilitant, tout en respectant les droits et libertés des individus.

RECOMMANDATION

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada étudie la possibilité de modifier la partie XII.2 du Code criminel afin que la preuve de la propriété des produits de la criminalité puisse se faire par prépondérance des probabilités dans le cas d’infractions d’organisations criminelles.

Les membres du crime organisé recourent fréquemment à des sociétés pour dissimuler la propriété de leurs produits de la criminalité. À l’heure actuelle, les sociétés présentent certains documents de constitution en société et fournissent des rapports d’information annuels aux autorités fédérales et provinciales. Or, les lois provinciales et fédérale sur la constitution des sociétés n’exigent souvent que le nom et les coordonnées d’un fondateur et d’un administrateur, et non des actionnaires. Les rapports annuels comprennent l’adresse de l’entreprise, les noms des agents et des directeurs ainsi que leurs adresses de résidence, et certains autres renseignements. Ces renseignements ne comprennent toutefois pas ceux qui ont trait à la propriété. Ceci complique d’autant plus les enquêtes policières sur les organisations criminelles et la confiscation de leurs biens.

L’utilisation de prête-noms, qui est la norme dans le milieu du crime organisé, complique également les enquêtes policières. Selon Yvan Poulin, avocat général au Service des poursuites pénales du Canada: « C'est une très grande difficulté que de lier à des individus des biens qu'on tente de confisquer. Il y a plusieurs années, c'était le problème majeur et je vous dirais que c'est toujours le même problème. Peu importe qu'on ait réduit ou transféré le fardeau aux accusés dans certains cas, encore faut-il lier un bien à un individu pour le confisquer[131]. »

Si l’utilisation de prête-noms est nécessaire à assurer une saine concurrence, selon Ken Froese, juricomptable et directeur général principal de Froese Forensic Partners Ltd., il devrait avoir une limite de temps à l’utilisation d’un mandataire. On pourrait alors brosser un tableau plus exact de l'implication des personnes faisant l'objet d'une enquête policière et de leurs finances[132]. Il préconise donc de limiter à un an la période pendant laquelle un prête-nom pourrait être utilisé, à partir de la date de la constitution en société. Après quoi, la société serait tenue de fournir les renseignements relatifs à la propriété, ou de présenter une demande d’exemption. Les enquêtes sur les profils financiers des individus soupçonnés de criminalité organisée seraient ainsi facilitées.

RECOMMANDATION

Le Comité recommande que, lors de la prochaine réunion des ministres fédéral, provinciaux et territoriaux responsables de la Justice, on étudie la possibilité de modifier les lois fédérale et provinciales régissant les sociétés par actions au Canada, afin que les statuts constitutifs d’une société et ses rapports annuels comprennent des renseignements relatifs à la propriété de la société, notamment les noms et les adresses des actionnaires. Les Ministres devraient également étudier la possibilité de fixer un temps limite à l’utilisation des prête-noms, afin de connaître l’identité des propriétaires, des administrateurs et des dirigeants.

Les organisations criminelles utilisent parfois plus d’une douzaine d’institutions financières différentes partout au pays et dans le monde pour faciliter le recyclage de leurs produits de la criminalité. Les ressources d’un seul service de police ne peuvent donc pas suffire à suivre les déplacements de fonds illicites. C’est pourquoi le CANAFE a été créé en 2000. Dans la réalisation de son mandat, le CANAFE peut communiquer des renseignements aux services de police lorsqu’il existe des motifs raisonnables de soupçonner qu’ils seraient utiles aux fins d’enquête ou de poursuite relativement à une infraction de blanchiment d’argent ou de financement d’activités terroristes. Le CANAFE représente une source de renseignements utiles pour tous les services de police du Canada en possédant la capacité de suivre la trace de l’argent issu d’activités criminelles partout au pays et à travers le monde.

Aux termes de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, certaines entités et personnes — comme les institutions financières, les courtiers en valeurs mobilières, les comptables et les casinos — sont tenues de transmettre au CANAFE des renseignements sur différents types d’opérations financières. Notamment, ils doivent communiquer au CANAFE des renseignements concernant les opérations douteuses ayant trait au blanchiment de l’argent ou au financement du terrorisme, quelle que soit la valeur monétaire en cause, et les opérations en espèces de 10 000 $ ou plus.

Durant l’une des enquêtes sur les Hells Angels, des difficultés à suivre la piste de l’argent ont été rencontrées à cause que l'argent liquide et ses produits n’étaient pas placés dans des institutions financières ni comptabilisés. Il est très difficile de retracer des transactions en argent comptant et alors d’établir un profil financier des personnes soupçonnées de criminalité organisée. Généralement, ces types de personnes dépensent d’importantes sommes en argent liquide. Ken Froese, qui a examiné les circonstances dans lesquelles des sommes assez élevées en espèces sont dépensées, juge qu’il serait utile aux enquêtes policières sur le crime organisé de pouvoir retracer les paiements de 10 000 $ ou plus en espèces faits auprès des marchands de véhicules à moteur, des entreprises qui exploitent des guichets automatiques privés[133], des entreprises de construction et de rénovation de résidence, des hippodromes, des cabinets d’avocats et les paiements comptant de 1000 $ ou plus effectués dans les hôtels. La déclaration de ces achats importants en argent comptant – dont il est raisonnable de croire qu’il s’agit du type d’achat qu’effectuerait un membre d’un groupe du crime organisé – aiderait les organisations d’application de la loi à dresser le profil financier d’une personne ou d’un groupe de personnes faisant l’objet d’une enquête[134]. Or, ces entreprises suggérées par M. Froese ne sont pas actuellement soumises à l’obligation de communiquer des renseignements au CANAFE. Par contre, de l’avis de Chantal Jalbert, directrice adjointe des opérations régionales et conformité du CANAFE, la liste actuelle d’entités déclarantes est complète et elle fonctionne efficacement[135].

RECOMMANDATION

Le Comité recommande de modifier le régime de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes afin que les marchands de véhicules à moteur, les entreprises qui exploitent des guichets automatiques privés, les entreprises de construction et de rénovation de résidence, les hippodromes, et les cabinets d’avocats déclarent les transactions de 7 500 $ ou plus en espèces au CANAFE. Des balises devront toutefois être mises en place afin que l’obligation de déclaration faite aux cabinets d’avocats respecte les règles de confidentialité et le secret professionnel.

L’article 462.48 du Code criminel prévoit que le procureur général peut présenter une demande à un juge pour obtenir de l’ARC les renseignements fiscaux d’une personne à l’égard de laquelle il existe des motifs raisonnables de croire qu’elle a commis une infraction de criminalité organisée, une infraction de terrorisme, une infraction désignée en égard aux substances, par exemple le trafic, la production, l’importation ou l’exportation de drogues, ou une infraction de recyclage des produits de la criminalité provenant de la commission d’une infraction désignée en égard aux substances.

Bien que le narcotrafic demeure le marché criminel le plus important pour les organisations criminelles, celles-ci ont diversifié de plus en plus leurs activités criminelles, comme les crimes financiers, le recyclage des produits de la criminalité, le vol d’identité, la contrebande de tabac, le trafic d’armes, le trafic d’êtres humains, la cybercriminalité, le vol de véhicules et la contrefaçon de produits de consommation et de médicaments. On a mentionné au Comité que l’actuel champ d’application de l’article 462.48 est trop restreint. Au cours d’une enquête, la police a indiqué qu’elle n’avait pas les outils nécessaires pour obtenir des renseignements fiscaux du gouvernement fédéral[136]. Si l’on veut que la lutte au crime organisé soit efficace, on doit pouvoir s’attaquer aux revenus du crime organisé, peu importe leurs sources, et non uniquement aux revenus provenant du marché de la drogue. L’article 462.48 devrait donc être modifié pour permettre aux procureurs d’avoir accès aux renseignements fiscaux d’une personne à l’égard de laquelle il existe des motifs raisonnables de croire qu’elle a commis une infraction de recyclage des produits de la criminalité provenant de la commission de toute infraction criminelle poursuivie par mise en accusation.

RECOMMANDATION

Le Comité recommande de modifier l’article 462.48 du Code criminel afin d’inclure l’infraction de recyclage des produits de la criminalité commise à l’égard de biens, objets ou produits qui proviennent de la perpétration d’une infraction désignée au sens du paragraphe 462.3(1) du Code criminel.

Les produits de la criminalité sont imposables au même titre que les revenus légitimes. L'ARC a le pouvoir d'utiliser un certain nombre d'outils visant à faire respecter les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu, incluant des mesures civiles et des poursuites au criminel pouvant mener à des amendes, à des pénalités et à des peines d'emprisonnement. Dans le cadre de son Programme spécial d'exécution, l’Agence effectue des vérifications à l'égard des personnes soupçonnées de tirer des revenus du crime organisé ou de toute autre activité criminelle. Ces vérifications permettent d'établir une nouvelle cotisation, et d'appliquer des pénalités et intérêts s'il y a lieu. L'Agence administre également le Programme d'enquêtes criminelles (PEC). Dans le cadre de ce programme, l'Agence procède à des enquêtes dans des dossiers où l'évasion fiscale, la fraude et autres violations sérieuses des lois fiscales sont soupçonnées.

L'ARC collabore étroitement avec la GRC, les services de police provinciaux et locaux, ainsi qu'avec d'autres organismes d’application de la loi, dans le but de freiner l'expansion et le développement du crime organisé. Depuis 2003, une relation a été établie avec les organisations policières pour qu’ils fassent rapport à l’Agence des cultures de drogues illégales. Toutefois, il a été soulevé devant le Comité que les organisations policières ne sont pas obligées de faire rapport de tous les dossiers liés à la production de drogues[137]. Afin que l’ARC puisse faire appliquer les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu sur les produits de la criminalité à un plus grand nombre de cultures de drogues illégales, il serait important que les services de police au Canada signalent à l’Agence tous les cas de production de drogues illégales.

RECOMMANDATION

Le Comité recommande que les Ministres fédéral, provinciaux et territoriaux responsables de la justice, du revenu et de la sécurité publique étudient la possibilité d’imposer aux organisations d’application de la loi l’obligation de faire rapport à l’Agence du revenu du Canada des cas de production de drogues illégales au Canada.

Les biens ou l'argent saisis et confisqués qui ne servent pas à indemniser les victimes ou qui ne peuvent retourner à une tierce partie innocente seront confisqués au profit de la Couronne. Les produits confisqués au profit de la Couronne seront alors partagés, sous forme de programmes de subventions, entre les paliers de gouvernement et les services de police, selon la contribution de chacun à la confiscation et suivant une formule législative. Au fédéral (par exemple, en matière d’accusations relatives aux drogues), le partage s’établit en vertu du Règlement sur le partage du produit de l’aliénation des biens confisqués, pris en vertu de la Loi sur l’administration des biens saisis. C’est la Direction de la gestion des biens saisis qui assume les responsabilités liées à la gestion et à l'aliénation des biens en vertu d'une ordonnance de gestion émise par un tribunal.

La Direction de la gestion des biens saisis ne peut se charger de la gestion des biens tant qu’une ordonnance d'un tribunal ait préalablement été obtenue en ce sens. Or, une telle ordonnance peut parfois prendre d'une semaine à six mois avant d’être rendue. Pendant ce temps, c'est le service de police qui hérite de la responsabilité et des coûts liés à la gestion des biens en question. Don Perron, qui travaille au Bureau de la lutte contre le crime organisé et fait partie de l’unité de la confiscation d'actifs criminels et vol d’identité à la police provinciale de l'Ontario, a fait remarquer que les services de police ne disposent pas des ressources nécessaires pour se charger de cette gestion temporaire[138]. La Direction de la gestion des biens saisis devrait donc pouvoir se charger de la gestion des biens dès le moment de leur saisie.

RECOMMANDATION

Le Comité recommande de modifier le Règlement sur le partage du produit de l’aliénation des biens confisqués et la Loi sur l’administration des biens saisis afin que la Direction de la gestion des biens saisis puisse se charger de la gestion des biens dès leur saisie.

Bien que les provinces semblent recevoir un partage juste des fonds saisis en vertu de la législation sur la confiscation des produits de la criminalité, Peter Shadgett, directeur au Service de renseignements criminels de l’Ontario, a soulevé des inquiétudes quant à l’utilisation de ces fonds pour lutter de façon efficace contre le crime organisé[139]. Les produits confisqués seraient assez importants pour autofinancer, du moins en partie, les efforts des organisations d’application de la loi dans la lutte à la criminalité organisée.

RECOMMANDATION

Le Comité recommande que, lors de la prochaine réunion des Ministres fédéral, provinciaux et territoriaux responsables de la justice, on étudie la possibilité d’octroyer davantage les fonds résultants de la confiscation des produits de la criminalité à la lutte au crime organisé.

ACCÈS LÉGAL

Selon plusieurs témoins, dont des représentants des forces de l’ordre, la législation sur l’écoute électronique n’a pas suivi l’évolution récente des technologies de télécommunication. Malgré quelques amendements, la structure de la partie VI du Code criminel, qui traite de l’écoute électronique, est demeurée généralement inchangée depuis 1974. Il n’existe à l’heure actuelle aucune loi canadienne contraignant tous les fournisseurs de services de télécommunication, y compris les fournisseurs de services Internet et les fabricants d’appareils de télécommunication, à utiliser des appareils qui permettent les interceptions. Par conséquent, l’interception légale des communications par les forces de l’ordre est de plus en plus difficile, voire impossible dans certains cas; les délais sont longs et les coûts élevés. Or, ce mode d’enquête est souvent essentiel dans la lutte contre le crime organisé. Qui plus est, lorsque l’interception est possible, ce ne sont pas tous les fournisseurs de services de télécommunication qui rendent l’information accessible aux organisations d’application de la loi sous une forme normalisée.

Une loi pourrait remédier à cette absence de standard dans la capacité d’interception des télécommunicateurs. Le projet de loi C-30[140], déposé récemment, exige que les télécommunicateurs aient les moyens d’intercepter les communications transmises sur leur réseau et de fournir les communications interceptées selon les modalités précisées par l’organisme d’application de la loi, notamment le décryptage des communications si le télécommunicateur dispose de la technique pour le faire. Des responsables de l’application de la loi ont suggéré d’étendre ces exigences aux fabricants d’appareils de télécommunication, comme les BlackBerry et autres téléphones intelligents.

RECOMMANDATION

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada introduise une loi obligeant les fournisseurs de services de télécommunication et les fabricants d’appareils de télécommunication à intégrer à leurs équipements et à leurs réseaux une capacité d’intercepter les télécommunications.

RECOMMANDATION

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada introduise une loi obligeant les fournisseurs de services de télécommunication et les fabricants d’appareils de télécommunication à décrypter les communications légalement interceptées ou fournir de l’assistance aux organismes d’application de la loi à cet effet.

Selon les organismes d'application de la loi, il est difficile d'obtenir des fournisseurs de services de télécommunication, de façon constante, l'information de base sur les noms et adresses de leurs clients. Sans dispositions législatives explicites, certains fournisseurs divulguent volontairement cette information, alors que d'autres exigent qu'un mandat soit présenté avant de fournir l'information demandée. De plus, des jugements contradictoires sur le sujet ont été rendus. Si certains tribunaux exigent des organismes d’application de la loi qu’ils possèdent un mandat pour forcer les fournisseurs de services à leur divulguer les noms et adresses de leurs clients, d’autres sont d’avis qu’un mandat n’est pas nécessaire[141].

Ainsi, dans certains cas, un service de police qui détient une adresse de protocole Internet (adresse IP) associée à la commission d’une infraction devra obtenir un mandat afin de contraindre le fournisseur de services Internet à lui fournir le nom de l’abonné lié à l’adresse IP. Toutefois, la demande de mandat devra généralement comprendre le nom du suspect de l’infraction.

Pour remédier à ce problème, un régime spécial pourrait être mis en place permettant aux organismes d’application de la loi de contraindre, sans ordonnance d’un tribunal, mais à certaines conditions, un fournisseur de services de télécommunication à leur fournir des informations de base identifiant un de leurs abonnés, comme son nom, son adresse IP, son adresse de courrier électronique ou son numéro de téléphone. Le projet de loi C-30 prévoit une telle mesure.

RECOMMANDATION

Le Comité recommande qu’un mécanisme législatif soit mis en place permettant aux organismes d’application de la loi de contraindre, sans mandat, les fournisseurs de services de télécommunication à leur fournir des informations de base identifiant leurs abonnés. Des mesures de protection de la vie privée devront toutefois être prévues et une autorisation judiciaire préalable sera toujours nécessaire pour que ces organismes puissent intercepter des communications privées.

Plusieurs témoignages entendus par le Comité ont révélé que le remplacement fréquent de téléphones cellulaires par les membres du crime organisé (par exemple, un même appareil peut être utilisé seulement quelques heures pour la commission d’une infraction pour ensuite être abandonné) et le recours aux services cellulaires prépayés compliquent la tâche des organismes d’application de la loi, car ils permettent aux usagers de demeurer anonymes. À l’heure actuelle, aucune obligation n’est imposée aux marchands de téléphones cellulaires de vérifier l’identité des acheteurs.

RECOMMANDATION

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada étudie la possibilité d’introduire une loi obligeant les marchands de téléphones cellulaires à vérifier l’identité des futurs acheteurs. Il pourra également déterminer s’il serait approprié d’imposer une telle obligation aux fournisseurs de services de télécommunication.

Une autorisation judiciaire d’écoute électronique peut être accordée initialement pour une période maximale de 60 jours (alinéa 186(4)e) du Code criminel). Cette période maximale a été prolongée à un an dans le cas d’une enquête sur une infraction de criminalité organisée (art. 186.1 du Code criminel). Par contre, comme l’a fait remarquer Me Claude Bélanger, ancien avocat général principal au ministère de la Justice, l’autorisation pour installer un GPS sur un véhicule afin d’en suivre les déplacements (mandat de localisation) peut uniquement être accordée pour une période maximale de 60 jours, et ce, peu importe le type d’infraction (par. 492.1(2) du Code criminel). D’autres mandats de localisation ont été émis, mais on a fait savoir au Comité que plus on multiplie les interventions pour poursuivre une enquête, plus on multiplie les risques de mettre en péril cette enquête[142]. Le Comité est d’avis que l’harmonisation de la période maximale pour un mandat de localisation avec celle d’une autorisation d’écoute électronique serait utile à la lutte au crime organisé.

RECOMMANDATION

Le Comité recommande que l’article 492.1 du Code criminel soit modifié afin de permettre l’utilisation d’un mandat de localisation pour une période initiale maximale d’un an dans le cas d’une enquête sur une infraction de criminalité organisée.

Un des problèmes soulevés devant le Comité a été l’utilisation, par les organisations criminelles, de techniques d’antisurveillance pour repérer les appareils d’écoute électronique de la police et pour créer des champs d’interférence. Selon le Chef de police de Calgary, Rick Hanson, de nombreux agents de police qui effectuaient des contrôles routiers ont ainsi perdu l'usage de leur téléphone et, dans certains cas, de leur radio à cause de ces dispositifs de brouillage[143].

RECOMMANDATION

Le Comité recommande que le Gouvernement du Canada examine la possibilité de créer une infraction au Code criminel concernant l’utilisation, la possession, la vente, la fabrication et l’importation d’appareils de brouillage.

MÉGAPROCÈS

Les mégaprocès se caractérisent généralement par de longues enquêtes, pour lesquelles on recourt habituellement à l’écoute clandestine et à des entreprises conjointes, d’où un grand nombre d’accusés et de chefs d’accusation ainsi qu’une preuve volumineuse. Dans les causes afférentes au crime organisé, il arrive souvent que les accusés ont utilisé des méthodes perfectionnées pour éviter d’être repérés ou qu’ils ont été impliqués dans des activités criminelles d’envergure. Pour établir la preuve, la poursuite doit parfois produire une pléthore de transcriptions d’écoute électronique, de rapports de surveillance, de déclarations des témoins et autres éléments de preuve documentaire. Ces causes représentent un défi de taille pour tous les intervenants du système judiciaire.

Le 25 février 2008, le ministère du Procureur général de l’Ontario a demandé à l’ancien juge en chef Patrick Lesage et au professeur Michael Code (maintenant juge) d’examiner la procédure relative aux affaires criminelles complexes. Un rapport d’examen contenant 41 recommandations a été publié le 28 novembre 2008[144]. Bon nombre de ces recommandations ont été reprises au fédéral dans le projet de loi C-2, Loi modifiant le Code criminel, sanctionné le 26 juin 2011[145].

Les auteurs du rapport Lesage-Code indiquent qu’en règle générale, les mesures législatives applicables aux organisations criminelles prévoient une forme aggravée d’infractions déjà existantes, s'il est possible de prouver que l’accusé fait partie d’une « organisation criminelle ». Bon nombre de mégaprocès, en Ontario et ailleurs, sont reliés à des gangs et exigent un temps d'audience supplémentaire considérable pour prouver le facteur aggravant additionnel d’« organisation criminelle ». Les auteurs signalent que, dans la cause portant sur une « organisation criminelle » en Ontario et faisant jurisprudence, l'infraction sous-jacente était une extorsion que la Couronne a été en mesure de démontrer sans grande difficulté en une semaine; la partie du procès portant sur l’« organisation criminelle » s'est ensuite prolongée pendant environ six semaines avec la présentation d'une preuve longue et complexe sur les Hells Angels[146].

En 2011, au Québec cette fois, une autre décision a été rendue dans un dossier lié aux Hells Angels, soit la décision R. c. Auclair[147]. Cent cinquante-six personnes présumées associées aux Hells Angels ont été arrêtées en 2009 et accusées de diverses infractions, notamment de meurtre, de complot pour meurtre, de trafic de stupéfiants, de complot pour trafic de stupéfiants et de commission d’un acte criminel au profit ou sous la direction d’une organisation criminelle ou en association avec elle. Les accusés ont demandé un arrêt des procédures alléguant, notamment, qu’il s’agissait d’un abus de procédures en raison de délais déraisonnables anticipés avant la tenue du procès.

La Cour supérieur du Québec a conclu qu’il était impossible de tenir un seul procès pour les 29 chefs d’accusation impliquant les 155 accusés (un accusé était décédé avant la décision de la Cour). Elle a déclaré qu’il n’y avait pas d’abus de procédures, mais a regroupé les accusés selon le lieu et les accusations portées contre eux.

Le fait que le Québec ne disposait que deux salles d’audience où tenir les procès posait un problème majeur à la Cour. La nécessité de tenir 13 procès à la suite du regroupement des accusés faisait en sorte que certains d’entre eux devaient attendre jusqu’en 2021 avant de subir leur procès, en raison de la disponibilité des deux seules salles d’audience convenables. La Cour a estimé qu’il s’agissait d’un délai déraisonnable et a ordonné de tenir des procès seulement pour les accusations de meurtre et de complot pour meurtre. Elle a aussi ordonné la mise en liberté de ceux qui ne faisaient pas face à ces chefs d’accusation (31 accusés au total). La Cour a fait remarquer qu’il revient aux corps de police et aux procureurs de planifier les enquêtes et poursuites en fonction de la capacité du système judiciaire. La décision fait l’objet d’un appel devant la Cour d’appel du Québec.

Le projet de loi C-2 ne règle pas le problème du manque de salles d’audience, qui relève de la compétence provinciale, mais répond à bon nombre de questions liées aux mégaprocès. En effet, le projet de loi C-2 ajoute au Code criminel la Partie XVIII.1 afin de permettre la nomination d’un juge responsable de la gestion de l’instance. Il peut s’agir d’un juge différent du celui qui préside le procès, mais il a de vastes pouvoirs préparatoires à l’instruction, notamment le pouvoir de trancher des questions concernant la divulgation et la recevabilité de la preuve et les témoins experts. De telles décisions lient le juge qui préside le procès, à moins qu’elles ne servent pas l’intérêt de la justice.

Le projet de loi C-2 prévoit également la tenue d’une audience conjointe pour la prise des décisions préliminaires qui lient des procès distincts mais connexes tenus dans la même province et devant une cour de même juridiction. De façon similaire, la tenue de procès séparés sur de multiples chefs d’accusation ou de multiples accusés peut être remise à plus tard pour permettre de trancher les questions de divulgation et de recevabilité de la preuve, ainsi que celles touchant la Charte des droits qui s’appliqueront aux procès subséquents. Le projet de loi C-2 prévoit également qu’en cas d’avortement de procès, certaines décisions rendues dans le cadre de ce procès lient les parties lors de tout nouveau procès. Enfin, il permet de corriger plus facilement les erreurs dans les actes d’accusation et d’éviter les enquêtes sur le cautionnement lorsqu’un acte d’accusation est présenté[148].

Par ailleurs, afin de protéger les jurés, le projet de loi C-2 dispose qu’ils seront appelés par numéro, plutôt que par leur nom, et que l’accès aux cartes et aux listes de jurés peut être limité au besoin pour la bonne administration de la justice. Il autorise également l’assermentation d’un maximum de 14 jurés dans le cas de longs procès, sous réserve du processus de sélection au hasard qui établit quels jurés délibéreront[149].

Bien qu’il n’en soit pas question dans le projet de loi C-2, le rapport Lesage-Code examine aussi des moyens d’éviter les longs délais procéduraux dans les grandes poursuites pour terrorisme. Une importante caractéristique des poursuites pour terrorisme, qui les distingue des autres causes criminelles longues et complexes, est la probabilité que des éléments de preuve relatifs à la « sécurité nationale » fassent partie du dossier. Les allégations de privilège, prévu à l’article 38 de la Loi sur la preuve au Canada[150] seront désormais une caractéristique commune à ces causes. L’article 38 retire la question de la sécurité nationale au tribunal de première instance et confère la compétence exclusive à la Cour fédérale. Il prévoit aussi les appels interlocutoires[151]. Ces deux caractéristiques de l’article 38 ont pour effet de retarder les procès pour terrorisme. L’article 38 pourrait être modifié afin que la Cour supérieure de justice ait compétence pour statuer sur les allégations de privilège relatif à la sécurité nationale, et pour interdire la possibilité de porter en appel ces décisions avant la fin du procès.

Les plaideurs non représentés présentent une autre difficulté pour les mégaprocès. Les accusés non représentés qui veulent diriger le procès ou en perturber le déroulement, ou encore qui connaissent mal le fonctionnement d’un procès, peuvent transformer un procès relativement simple en une affaire longue et complexe. Il devient alors difficile pour le juge de première instance de garantir un procès juste et efficient à l’accusé non représenté ou se représentant lui-même. Le juge de première instance peut avoir du mal à concilier la nécessité de demeurer impartial et le besoin d’intervenir pour protéger les droits de l’accusé. Or, le paragraphe 651(2) du Code criminel prévoit le droit de l’accusé de se représenter lui-même et la Cour suprême du Canada a déterminé qu’une personne accusée peut décider de recourir ou non à un avocat[152].

Bien que tout accusé ait le droit d’assister à l’ensemble de son procès, le tribunal peut l’éloigner de la salle d’audience, par application de l’alinéa 650(2)a) du Code criminel, s’il interrompt les procédures et nuit au bon déroulement du procès. Le juge de première instance n’est cependant pas habilité à désigner un avocat pour l’accusé non représenté. Le Code criminel pourrait être modifié pour lui conférer ce pouvoir. Il existe un précédent qui permet de désigner un avocat, quelle que soit l’intention de l’accusé. Aux termes du paragraphe 672.24(1) du Code, le tribunal qui a des motifs raisonnables de croire qu’un accusé est inapte à subir un procès est tenu, si l’accusé n’est pas représenté par un avocat, de lui en désigner un.

Le Service des poursuites pénales du Canada s’est aussi intéressé à la question des mégaprocès. Il est favorable à la coopération entre les procureurs de la Couronne et l’organisme d’enquête. Il signale que les procureurs doivent évaluer constamment chaque dossier en fonction du double critère fondé sur la probabilité raisonnable de condamnation et sur l’intérêt public qui détermine la décision d’intenter une poursuite. Les accusations devront être examinées avant leur dépôt. En ce qui concerne l’évaluation du facteur de l’intérêt public, il faut tenir compte de ce qui est stratégiquement possible. Une poursuite d’une envergure et d’une complexité telles que les jurés s’y perdent n’est pas de l’intérêt public[153].

RECOMMANDATION

Le Comité recommande de modifier la Loi sur la preuve au Canada pour que la Cour supérieure de justice ait compétence pour statuer sur les allégations de privilège relatif à la sécurité nationale et pour interdire la possibilité de porter en appel ces décisions avant la fin d’un procès.

RECOMMANDATION

Le Comité recommande de modifier le Code criminel pour conférer le pouvoir de désigner un avocat à un accusé se représentant lui-même lorsque sa présence rend un procès équitable impossible.

PROGRAMMES DE PROTECTION DES TÉMOINS

En 1984, la GRC a mis en œuvre le programme de protection des témoins (PPT) afin de protéger les personnes qui collaborent avec le système juridique. La Loi sur le programme de protection des témoins[154], entrée en vigueur en 1996, garantit que les personnes cherchant à se prévaloir du programme comprennent clairement leurs droits et leurs obligations, ainsi que l’étendue de la protection pouvant leur être accordée. Elle précise également les critères d’admission des témoins, les obligations des responsables de l’administration du programme et l’obligation de faire rapport au Parlement.

Le PPT fédéral est l’une des ressources disponibles pour l’application de la loi au Canada qui peut offrir protection et soutien aux témoins qui ont collaboré avec le système judiciaire et dont la sécurité est menacée. Cette protection peut être particulièrement utile dans les affaires relatives au crime organisé en raison de la violence extrême dont est capable le crime organisé, des ressources financières considérables dont il dispose et de sa détermination à exercer des représailles contre ceux qui coopèrent avec la loi. Les organisations criminelles ont des moyens de plus en plus importants pour retracer et intimider les témoins ou leur causer du tort, souvent grâce à l’utilisation étendue de la technologie. Les mesures de protection des témoins doivent donc évoluer et être adaptées avec le temps[155].

Le PPT fédéral n’est pas le seul programme du genre au Canada. Les provinces de l’Alberta, de l’Ontario, du Québec, du Manitoba et de la Saskatchewan se sont dotées d’un tel programme. Les programmes de l’Alberta, du Manitoba et de la Saskatchewan reposent sur la législation, tandis que ceux du Québec et de l’Ontario sont fondés sur des politiques adoptées par la police. Les programmes provinciaux, ainsi que les programmes municipaux, visent généralement à répondre aux besoins à court terme des témoins avant un procès, et ils ne s’appliquent pas nécessairement aux personnes qui ont besoin d’une protection à vie ou d’un changement d’identité.

Le gouvernement fédéral n’affecte pas de fonds aux PPT fédéral, provinciaux ou municipaux, ce qui peut entraver les enquêtes sur des crimes graves pour lesquelles on ne dispose pas de ressources suffisantes pour offrir une protection aux témoins. La GRC dépense actuellement environ 7 à 8 millions de dollars pour la protection de 830 témoins, mais ces chiffres peuvent fluctuer facilement[156]. Outre le salaire des agents, les fonds peuvent servir à diverses fins : réinstallation, logement, changement d’identité, services de psychologie et soutien financier pour faciliter le rétablissement des témoins ou pour les aider à subvenir à leurs besoins. Au sujet du financement, on a dit au Comité que les services de police locaux doivent assumer le coût de la protection offerte dans le cadre du PPT, qui est prohibitif pour les services de police de petite taille[157]. Si le programme n’est pas utilisé et que des témoins demeurent dans l’ombre, il devient de plus en plus difficile d’infiltrer le crime organisé.

Une fois admis au PPT, le témoin doit conclure un accord de protection établissant les obligations des deux parties. L’article 11 de la Loi indique qu’il est interdit de communiquer sciemment, directement ou indirectement, des renseignements au sujet du lieu où se trouve un ancien ou actuel bénéficiaire ou de son changement d’identité. Les personnes qui bénéficient du programme ou qui en ont bénéficié peuvent néanmoins communiquer des renseignements à leur sujet dans la mesure où cela ne nuit pas à l’intégrité du programme ou ne met pas en danger la sécurité d’autres bénéficiaires. La GRC peut mettre fin à la protection du bénéficiaire si celui-ci a délibérément passé outre à une condition de l’accord ou si des éléments de preuve ont été présentés de manière erronée. La Loi autorise le ministre de la Sécurité publique à conclure un accord avec un gouvernement étranger ou avec une cour ou un tribunal international pour admettre au PPT des ressortissants étrangers.

Une difficulté liée au PPT est le manque de ressources. La multiplication des activités des gangs au Canada et les défis que représente la prestation de services de protection aux personnes qui sont associées aux gangs et qui souhaitent présenter des témoignages, mais qui craignent de le faire par crainte de représailles, représentent des difficultés particulières pour le bon déroulement du programme. Ainsi, même lorsque le nombre de personnes qui profitent du PPT diminue, le budget ne diminue pas nécessairement, puisque des améliorations sont apportées au programme et que les coûts de protection de chaque témoin augmentent.

Les provinces demandent aussi que des changements soient apportés au PPT pour accroître leur capacité à obtenir des documents fédéraux d'identification sans avoir à faire admettre leurs témoins au PPT fédéral comme c’est le cas à l’heure actuelle[158]. La GRC et Sécurité publique Canada appuient cette idée et élaborent actuellement un processus sûr pour la mettre en pratique[159].

Le Comité n’a pas procédé à un examen minutieux du PPT fédéral, mais le Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes en a réalisé une étude approfondie. Son rapport intitulé Examen du programme de protection des témoins a été publié en mars 2008 et renferme neuf recommandations[160]. Dans sa réponse au rapport, le gouvernement du Canada indique : « Il faudra donc consacrer suffisamment de temps à l’étude des pratiques exemplaires et des leçons retenues chez nos partenaires internationaux afin d’élaborer, avec la collaboration de nos partenaires fédéraux, provinciaux et territoriaux, le meilleur programme possible pour le Canada. Des consultations avec nos partenaires sont en cours, et les recommandations qu’a formulées le Comité aideront certainement à orienter les prochaines améliorations apportées au Programme[161]. »

Le Comité prend acte que, dans son témoignage, la GRC a indiqué qu’elle avait élaboré un document comportant une série de recommandations. Elle envisage premièrement de modifier la Loi sur le programme de protection des témoins afin de mieux répondre aux besoins des services de police provinciaux. Deuxièmement, dans le but d’améliorer les services offerts, la GRC apporte des changements à son PPT afin, par exemple, de l’axer « davantage sur les bénéficiaires », de promouvoir plus efficacement la sécurité du personnel affecté au PPT et du public et d’assurer une meilleure reddition de comptes. La GRC met la dernière main à un modèle d’évaluation et de gestion des risques qui assurera l’application uniforme des normes nationales avant l’admission au programme. De plus, la formation a été améliorée et les besoins sociopsychologiques des

personnes protégées sont mieux pris en compte. Enfin, de nouvelles technologies serviront à suivre les dossiers, à solutionner les problèmes et à rendre des comptes avec une plus grande exactitude[162].

RECOMMANDATION

Le Comité recommande que des fonds du gouvernement fédéral soient affectés au programme de protection des témoins. Ces fonds devraient au moins constituer un niveau de base pour l’administration du PPT en fonction des besoins actuels. Il conviendrait de revoir chaque année le financement du programme et de l’augmenter, si besoin est, pour faciliter la lutte contre le crime organisé.

RECOMMANDATION

Le Comité reconnaît que la Gendarmerie royale du Canada et Sécurité publique Canada cherchent actuellement à faire modifier le Programme de protection des témoins pour que les responsables des programmes provinciaux de protection des témoins puissent obtenir des documents fédéraux d'identification sans avoir à faire admettre leurs témoins au programme fédéral de protection des témoins et recommande que la modification soit apportée dès que possible.

QUESTIONS RELATIVES À LA FRONTIÈRE

À Edmonton, le Comité a appris que l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), région des Prairies, avait effectué en 2009[163] des saisies de stupéfiants d’une valeur de 17 millions de dollars. Il s’agissait principalement de cocaïne provenant de l’Amérique du Sud, de doda des États-Unis et de khat de l’Afrique. Dans la plupart des cas, la drogue était transportée par voie aérienne à l’extérieur de la région des Prairies, mais le nombre d’expéditions de drogue a augmenté dans les aéroports internationaux de Calgary et d’Edmonton. Un défi pour l’ASFC est de déceler les envois et les conteneurs suspects, étant donné que le crime organisé recourt à des entreprises légitimes pour dissimuler les envois[164].

À Winnipeg, un témoin a exposé au Comité les problèmes liés à la frontière de 460 kilomètres entre le Manitoba et les États-Unis. Les groupes du crime organisé sont conscients des avantages qu’offrent les zones reculées bordant cette frontière, le risque de dépistage étant minime. En outre, la proximité des États-Unis leur est attrayante en raison du vaste bassin de clients éventuels pour les marchandises illicites. On a dit au Comité que les groupes du crime organisé diversifient leurs activités en important et en vendant des biens contrefaits. Le risque d'appréhension est faible et les enquêtes, qui s’effectuent souvent des deux côtés de la frontière, peuvent être très complexes et concerner des victimes dans plusieurs administrations et pays, ce qui rend les poursuites difficiles, voire impossibles[165]. Une autre menace possible que présente la frontière pour le Manitoba est le port de Churchill que pourrait utiliser le crime organisé pour obtenir un accès relativement facile à l’Amérique du Nord. Cette menace se fera davantage sentir à mesure que l’accès océanique à la baie d’Hudson pourrait être libre de glaces dans un proche avenir.

Au cours des audiences tenues à Montréal, on a parlé au Comité de l’ampleur du problème lié au contrôle frontalier. Dans la région du Québec, l’ASFC est responsable de la sécurité dans 32 postes frontaliers terrestres, 25 aéroports (incluant 3 aéroports internationaux), 9 ports, 6 gares ferroviaires et 5 bureaux de douane intérieurs. Chaque année au Québec, l’ASFC traite les dossiers de plus de 4 millions de voyageurs aériens et de 6 millions de voyageurs empruntant les voies terrestres, de même qu’environ 2 millions d’expéditions commerciales, et elle soumet à des examens 600 000 d’entre eux chaque année. En 2008, dans la région du Québec, l’ASFC a appliqué près de 16 000 mesures d’exécution de la loi qui ont donné lieu à 2 451 saisies de narcotiques et à 378 saisies de devises[166].

Un autre aspect du travail de l’ASFC a trait à l'exécution de la loi en matière d'immigration à l'intérieur du pays. Dans ce secteur, les employés s’assurent de l’expulsion des personnes jugées interdites de territoire au Canada. L’application de la loi concernant le crime organisé dans ce secteur revêt une grande importance pour l’ASFC en raison de l’article 37 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés[167]. Cet article dispose que tout résident permanent ou ressortissant étranger est interdit de territoire pour criminalité organisée s’il est a) membre d’un groupe du crime organisé; b) se livre, dans le cadre de la criminalité transnationale, à des activités telles le passage de clandestins, le trafic de personnes ou le recyclage des produits de la criminalité.

Outre la saisie de marchandises illégales, dont les produits chimiques précurseurs utilisés dans la fabrication d'ecstasy et de méthamphétamines, et l’application de mesures d’exécution de la loi en matière d’immigration à l’intérieur du pays, la Division des enquêtes criminelles de l’ASFC effectue des enquêtes et intente des poursuites pour infractions criminelles aux dispositions législatives du Canada qui ont trait à la frontière. Les enquêtes et les poursuites peuvent viser des personnes soupçonnées de fausse déclaration, d'évasion ou de fraude concernant la circulation internationale de marchandises et de personnes.

Enfin, la Division du renseignement de l’ASFC a le mandat de repérer les menaces pour le Canada et de communiquer l’information à ses partenaires dans l’exécution de la loi. Les agents et les analystes du renseignement travaillent ensemble à des dossiers qui portent sur des questions comme le contrôle des exportations, les enfants disparus, les faux documents et la contrebande de différents types de produits, dont le tabac, les drogues illicites et les armes. Le travail de la Division du renseignement peut permettre d’identifier des individus qui font partie de groupes, comme ceux du crime organisé[168]. À Toronto, le Comité en a appris sur les activités que mène l’Unité du renseignement de l’Aéroport international Pearson ou l’Unité du renseignement YYZ. Le travail de cette unité a abouti au congédiement de plus de 50 employés de l’Aéroport.

MISE EN LIBERTÉ PROVISOIRE PAR VOIE JUDICIAIRE

L’article 515 du Code criminel permet de garder en détention avant le procès les personnes pour lesquelles on a des motifs de croire qu’elles ne se présenteraient pas devant le tribunal pour répondre à des accusations à leur endroit ou pour lesquelles on a des motifs de croire qu’elles commettraient d’autres infractions si elles étaient libérées. L’une des préoccupations exprimées par l’ex-chef de police d’Edmonton a trait non pas tant aux mesures législatives nécessaires pour protéger la population comme aux processus législatifs qui ne sont pas utilisés dans leur pleine mesure. Cela vaut tout particulièrement pour les contrevenants chroniques et pour les récidivistes. Pour cette raison, le public n’est pas bien protégé contre d’autres crimes[169].

L’ex-chef Boyd a fait mention d’études réalisées à Edmonton et à Halifax en 2006 et en 2008 qui ont porté sur les antécédents des délinquants criminels. Ces études ont révélé que des délinquants ont été arrêtés et libérés des douzaines de fois alors qu’ils n’avaient pas respecté leurs conditions de remise en liberté en de nombreuses occasions et qu’ils avaient commis d’autres crimes, mettant ainsi en danger la population. On pourrait penser, d’après leurs antécédents, qu'ils devraient être privés de leur capacité légale par mesure de détention préventive. Souvent, les délinquants chroniques sont des personnes qui souffrent d'une dépendance à l'alcool ou aux drogues; il s’agit d’un problème de santé. Ils causent du tort à autrui en voulant obtenir de l’argent pour se procurer de la drogue ou de l’alcool, et cela devient un problème pour le système de justice pénale. On a vivement recommandé au Comité de rendre obligatoire l’évaluation des risques effectuée pour les enquêtes sur le cautionnement. Autrement dit, il doit être fait mention de cette évaluation dans la décision de libérer un accusé pendant son procès. On a aussi exhorté le Comité à remanier les dispositions législatives sur le cautionnement pour qu’elles tiennent compte de différentes mesures comme la surveillance électronique.

RECOMMANDATION

Le Comité recommande de modifier l’article 515 du Code criminel pour qu’il y soit précisé que l’une des conditions des ordonnances de mise en liberté provisoire par voie judiciaire soit le port d’un dispositif de télésurveillance.

AIDE JURIDIQUE

Dans le rapport Lesage-Code, il est indiqué qu’Aide juridique Ontario (AJO) pourrait avoir contribué au phénomène des procès criminels démesurément longs en Ontario, en réduisant constamment les tarifs de l’aide juridique alors que les procès deviennent de plus en plus longs et complexes, d’où l’abandon de ce genre d’affaires par un grand nombre des membres les plus éminents du barreau. On pouvait se fier à ces avocats chevronnés pour étudier les points essentiels d’un procès et pour les mener de manière responsable et efficace. Mais aujourd’hui, ces avocats évitent généralement les procès longs et complexes parce qu’ils sont impossibles sur le plan financier. Les avocats inexpérimentés qui assument de longs procès au tarif de l’aide juridique ont besoin de conseils et de supervision pour mener une défense qui ne prolonge pas indûment les procès.

AJO administre le programme de gestion des causes majeures (GCM), qui s’applique aux affaires criminelles de grande envergure pour lesquelles on prévoit des coûts beaucoup plus élevés que ceux qui correspondent à un certificat ordinaire. En général, le programme de GCM couvre des causes pour lesquelles AJO dépense entre 20 000 $ et 75 000 $. Les affaires qui coûtent plus de 75 000 $ font l’objet d’une surveillance encore plus serrée qui est exercée par un groupe d’experts, le Comité des exceptions. Environ 25 % du budget des causes criminelles d’AJO est consacré aux affaires visées par la GCM. Ces affaires sont de plus en plus menées par des avocats peu expérimentés; dans le rapport Lesage-Code, il est indiqué qu’entre 1999 et 2007, on a enregistré une baisse de 15 % du nombre d’avocats d’expérience à avoir pris un mandat d’aide juridique.

Pour corriger cette situation, on privilégie le versement d’honoraires plus élevés et une restriction de l’admissibilité, afin que des avocats hautement qualifiés acceptent des causes longues et complexes. L’augmentation des honoraires incitera des avocats d’expérience à assumer la défense dans de telles causes. Les procès devraient ainsi être moins longs et moins coûteux, car les avocats se concentreront généralement sur les véritables enjeux de l’affaire et ils n’auront aucune raison de prolonger indûment les procès.

Un autre point qui touche au rôle de l’avocat dans les procès complexes est le problème du recrutement et du maintien en fonction d’avocats très compétents au sein du Service des poursuites pénales du Canada. On a mentionné au Comité que la rémunération des procureurs fédéraux est maintenant inférieure à celle des procureurs d’un certain nombre de provinces. Après avoir acquis suffisamment d’expérience, des procureurs fédéraux s’en vont travailler pour les provinces moyennant un salaire de 40 à 60 % plus élevé[170].

RECOMMANDATION

Le Comité recommande d’examiner la contribution fédérale à l’aide juridique pour les mégaprocès où intervient une loi fédérale (par exemple les poursuites intentées en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances), afin d’attirer des avocats d’expérience.

RECOMMANDATION

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada examine les salaires des procureurs du Service des poursuites pénales du Canada afin d’établir s’ils sont comparables aux salaires versés aux procureurs des services de poursuites provinciaux.

ÉDUCATION PUBLIQUE

L’éducation publique est un élément fondamental de la lutte contre le crime organisé. Elle revêt plusieurs formes, dont l’une consiste à renseigner le public sur les dangers des biens contrefaits, par exemple sur les effets préjudiciables des médicaments contrefaits. Une personne peut penser faire une bonne affaire en achetant un produit contrefait à très bon prix. Bien des gens ont cependant été exploités pour fabriquer ce produit et le profit va directement dans les poches du crime organisé.

Pour contrecarrer la fraude effectuée au moyen de cartes de paiement, les détenteurs des cartes doivent être au courant des escroqueries du crime organisé et des façons de se protéger. L’achat de tabac de contrebande peut sembler avantageux du point de vue financier, mais ce n’est pas un crime « sans victime » parce qu’il finance d’importants groupes du crime organisé et entraîne une perte considérable de recettes fiscales.

Le Comité a appris que le crime organisé mise sur sa capacité de flouer des gens naïfs et vulnérables, d’où la nécessité de l’éducation publique. Il faut joindre les gens dès leur jeune âge afin de leur transmettre des messages exacts au sujet des drogues et des cyberprédateurs. Ce sont ces éléments qui aboutissent à la prostitution et à l’adhésion à des gangs. La réussite soutenue des fraudes dans Internet ne peut s’expliquer autrement que par l’ignorance du public. Il faut un engagement national en matière d’éducation pour réduire les niveaux de victimisation[171].

RECOMMANDATION

Le Comité recommande d’examiner les programmes fédéraux d’éducation publique afin d’évaluer leur pertinence et leur efficacité à réduire le niveau de victimisation attribuable au crime organisé.

PRÉVENTION DE LA CRIMINALITÉ

Tout au long des audiences, des agents de police ont dit au Comité que pour combattre efficacement le crime organisé, il fallait une puissante stratégie d’exécution doublée d’une stratégie de prévention tout aussi solide. Le travail de la police en bout de chaîne serait beaucoup plus facile si le problème pouvait être résolu à l'entrée[172]. Autrement dit, les programmes de déjudiciarisation que prévoit la Loi sur le système de justice pénale pour adolescents ont leur raison d’être, mais il faut des endroits pour mettre en œuvre ces programmes. Si les jeunes vivent une situation terrible pour commencer et si l’unique solution que nous avons pour les aider est de les plonger dans le système judiciaire, nous ne pouvons nous attendre à ce que les activités criminelles cessent[173].

Un autre aspect de la politique de prévention de la criminalité touche les immigrants. Le Comité a appris que le manque d’accessibilité et le manque de programmes destinés aux enfants et aux jeunes immigrants auront des conséquences plus tard lorsqu’ils auront des démêlés avec la justice[174].

Enfin, on a indiqué au Comité que, pour prévenir la criminalité, il est nécessaire de collaborer non seulement avec la police, mais avec les intervenants de différents secteurs : environnement, logement, santé, éducation, jeunesse et services sociaux. Ces intervenants ciblent les secteurs et les groupes les plus à risque et mettent en place des installations et des services de soutien, pour l’éducation et le loisir, que pourront choisir les jeunes au lieu de se tourner vers des gangs. C’est grâce à ces efforts, alliés à ceux des responsables de l’application de la loi, que nous obtiendrons les résultats escomptés[175]. Comme l’a expliqué un témoin, il importe d’offrir des services de police ciblés et proactifs pour lutter contre le crime organisé, mais si nous nous concentrons sur le seul aspect du maintien de l’ordre sans nous attaquer aux facteurs qui influencent la criminalité, nous ne ferons jamais de percées importantes dans la prévention de la criminalité au départ[176].

RECOMMANDATION

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada collabore avec les provinces et les territoires à la mise en œuvre d’un programme complet de prévention du crime.


[1]              Vous trouverez une liste des témoins et une liste des mémoires en annexe.

[2]              Le projet de loi C-14 a reçu la sanction royale le 23 juin 2009 et est devenu L.C. 2009, ch. 22. Il est entré en vigueur le 2 octobre 2009.

[3]              Ces témoignages ont été recueillis les 12 mai 2009, le 26 mai 2009 et le 15 juin 2009.

[4]             Ces témoignages ont été recueillis les 30 janvier 2007 et 1er février 2007. Le 13 décembre 2006, le Comité avait adopté la motion suivante :

                Attendu que plusieurs témoins importants ont indiqué aux membres du Comité qu'il existe un lien important entre la commission d'infraction avec des armes à feu, les gangs de rue et le crime organisé;

                Attendu que le devoir des parlementaires est de voter des lois sur la base de données probantes et concluantes;

                Il est proposé que le Comité permanent de la justice et des droits de la personne ne débute l'étude article par article du projet de loi C-10, avant d'avoir consacré deux séances de comité additionnelles à l'étude des gangs de rue, et deux séances additionnelles à l'étude du bilan de l'effet des lois C-95 et C-24 sur le gangstérisme, lois adoptées en 1997 et 2001.

                Il est aussi proposé que concernant le gangstérisme, les attachés de recherche produisent un résumé de la jurisprudence et remettent aux membres du Comité un dossier composé de l'intégral des jugements rendus par les cours. »

[5]              Témoignage de Neil Boyd, professeur de criminologie, Université Simon Fraser, devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, 30 avril 2009, http://www2.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?DocId=3853912&Language=F&Mode=1&Parl=40&Ses=2.

[6]              Mémoire de Ray Hudson, gestionnaire, Élaboration des politiques et Communications, Chambre de commerce de Surrey, au Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, 30 avril 2009.

[7]              L.C. 1997, ch. 23.

[8]              L.C. 2000, ch. 17.

[9]              L.C. 2001, ch. 32.

[10]           L’article 467.1 du Code criminel définit une infraction grave comme suit : « Tout acte criminel — prévu à la présente loi ou à une autre loi fédérale — passible d’un emprisonnement maximal de cinq ans ou plus, ou toute autre infraction désignée par règlement. » Dans le Règlement désignant des infractions comme infractions graves, un certain nombre d’actes criminels sont considérés comme des « infractions graves » aux fins des dispositions concernant le crime organisé. Certains actes criminels qui sont l’œuvre du crime organisé ne répondent pas toujours à la définition d’« infraction grave » parce qu’ils ne sont pas passibles d’un emprisonnement d’au moins cinq ans. Des groupes ne sont donc pas considérés comme des « organisations criminelles » au sens du Code criminel. Le Règlement désigne comme étant graves 11 infractions liées au jeu, à la prostitution et à la drogue. On peut consulter ce règlement à : http://canadagazette.gc.ca/rp-pr/p2/2010/2010-08-04/html/sor-dors161-fra.html.

[11]           L.R.C. 1985, ch. C-46.

[12]           Code criminel, art. 467.1.

[13]           R. v. Lindsay; 2005 CarswellOnt 2911; [2005] O.T.C. 583; R. c. Myles (2007) 48 C.R. (6th) 108 (C.S. Ont.).

[14]           Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique, Programme de déclaration uniforme de la criminalité fondée sur l’affaire (DUC 2).

[15]           Ibid.

[16]           Ibid.

[17]           Code criminel, art. 467.14.

[18]           Code criminel, par. 810.01(1).

[19]           Code criminel, par. 462.3(1).

[20]           Code criminel, partie VI.

[21]           Code criminel, sous-al. 515(6)a)(ii).

[22]           R. v. Lindsay; 2005 CarswellOnt 2911; [2005] O.T.C. 583; R. c. Myles (2007) 48 C.R. (6th) 108 (C.S. Ont.).

[23]           R. c. Aurélius (2007), QCCQ 227.

[24]           Bullerwell, Dane, étudiant en droit, mémoire intitulé Les tendances des poursuites visant le crime organisé à l’intention du juge Wachowich, 26 mars 2010.

[25]           Témoignage de Randall Richmond devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, 30 janvier 2007, http://www2.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx? DocId=2645085&Language=F&Mode=1&Parl=39&Ses=1.

[26]           Police régionale d’Halifax, Modèle d’intervention communautaire des services de police.

[27]           Témoignage du Service canadien des renseignements criminels devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, 11 mars 2009, http://www2.parl.gc.ca/ HousePublications/Publication.aspx?DocId=3742931&Language=F&Mode=1&Parl=40&Ses=2.

[28]           Témoignage du Service canadien des renseignements criminels devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, 16 février 2012, http://prismweb.parl.gc.ca/IntranetDocuments/CommitteeBusiness/41/1/JUST/Meetings/Evidence/JUSTEVBLUES21.HTM.

[29]           Service canadien de renseignements criminels, Rapport sur le crime organisé 2010, p. 18, http://www.cisc.gc.ca/annual_reports/annual_report_2010/document/report_oc_2010_f.pdf.

[30]           Les Hells Angels, qui appartiennent à cette catégorie supérieure, sont le plus important gang de motards au Canada. Toutefois, le 15 avril 2009, 156 mandats d’arrestation ont été émis à l’endroit de membres à part entière et d’associés des Hells Angels dans le cadre de l’opération policière SHARQC (Stratégie Hells Angels Région Québec). Des accusations ont été portées pour gangstérisme, trafic de substances désignées, complot en vue de commettre un meurtre et meurtre.

[31]           Témoignage du Service canadien de renseignements criminels devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, 16 février 2012, http://prismweb.parl.gc.ca/IntranetDocuments/CommitteeBusiness/41/1/JUST/Meetings/Evidence/JUSTEVBLUES21.HTM.

[32]           Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique, L’homicide au Canada, 2010, ministre de l’Industrie, octobre 2011, tableau 47, http://www.statcan.gc.ca/pub/85-002-x/2011001/article/11561/tbl/tbl04-fra.htm.

[33]           Mémoire du surintendant Robert Davis, chef de district, Région du Grand Toronto, Gendarmerie royale du Canada — Division O, au Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, 25 mars 2010.

[34]           Service canadien de renseignements criminels, Rapport sur le crime organisé 2010, p. 12, http://www.cisc.gc.ca/annual_reports/annual_report_2010/document/report_oc_2010_f.pdf.

[35]           Le crime organisé au Québec, L’état de la situation 2009.

[36]           Mémoire du commissaire adjoint Alistair D. Macintyre, officier responsable de la surveillance des enquêtes criminelles de la GRC en Colombie-Britannique, au Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, 30 avril 2009.

[37]           Mémoire de l’inspecteur Clemens Imgrund, officier responsable du Programme des renseignements criminels, Division K, GRC, au Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, 29 mars 2010.

[38]           Témoignage du Service canadien de renseignements criminels devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, 16 février 2012, http://prismweb.parl.gc.ca/ IntranetDocuments/CommitteeBusiness/41/1/JUST/Meetings/Evidence/JUSTEVBLUES21.HTM.

[39]           Mémoire de David Aggett, directeur, Division de l’exécution de la loi et du renseignement, Agence des services frontaliers du Canada, région de l’Atlantique, au Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, 23 octobre 2009.

[40]           Mémoire du surintendant Brian Brennan, Gendarmerie royale du Canada, Divison H, Nouvelle-Écosse, au Comité permanent de la justice et des droits de la personne, 23 octobre 2009.

[41]           Service canadien de renseignements criminels, Rapport sur le crime organisé 2010, p. 26, http://www.cisc.gc.ca/annual_reports/annual_report_2010/document/report_oc_2010_f.pdf.

[42]           Mémoire de l’inspecteur Sylvain Joyal, officier responsable, Section de lutte antidrogue de Montréal, Gendarmerie royale du Canada, Division C, 22 octobre 2009.

[43]           Témoignage de Donald R. Dixon, directeur général, Service canadien de renseignements criminels, devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, 11 mars 2009, http://www2.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?DocId=3742931&Mode=1&Parl=40&Ses =2&Language=F.

[44]           Témoignage du Service canadien de renseignements criminels devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, 16 février 2012, http://prismweb.parl.gc.ca/ IntranetDocuments/CommitteeBusiness/41/1/JUST/Meetings/Evidence/JUSTEVBLUES21.HTM.

[45]           Témoignage de Julian Sher, au Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, 22 octobre 2009, http://www2.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?DocId= 4167421&Mode=1&Parl=40&Ses=2&Language=F.

[46]           Service canadien de renseignements criminels, Rapport sur le crime organisé de 2008, http://www.cisc.gc.ca/annual_reports/annual_report_2008/human_smuggling_2008_f.html.

[47]           Voir la note 33.

[48]           Témoignage de l’inspecteur Denis Morin, Sûreté du Québec, devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, 22 octobre 2009, http://www2.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?DocId=4167422&Mode=1&Parl=40&Ses=2&Language=F .

[49]           Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique, L’homicide au Canada, 2010, ministre de l’Industrie, octobre 2011, Tableau 6, http://www.statcan.gc.ca/pub/85-002-x/2011001/article/11561/tbl/tbl04-fra.htm.

[50]           Ibid.

[51]            Julie McAuley, directrice, Centre canadien de la statistique juridique, Le crime organisé, mémoire présenté au Comité permanent de la justice et des droits de la personne, 1er février 2012.

[52]           Ibid.

[53]            Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique, L’homicide au Canada, 2010, ministre de l’Industrie, octobre 2011, http://www.statcan.gc.ca/pub/85-002-x/2011001/article/11561/tbl/tbl04-fra.htm.

[54]           Témoignage de Donald R. Dixon, directeur général, Service canadien de renseignements criminels, devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, 11 mars 2009, http://www2.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?DocId=3742931&Mode=1& Parl=40&Ses=2&Language=F#Int-2652663.

[55]           Chambre de commerce du Canada, résolution adoptée à l’assemblée générale annuelle, 18 septembre 2007, http://www.chamber.ca/images/uploads/Resolutions/2009/2009%20FRENCH/PolicyBook_French-07-09.pdf.

[56]           Samuel Perreault et Shannon Brennan, Statistique Canada, La victimisation criminelle au Canada, 2009, été 2010, http://www.statcan.gc.ca/pub/85-002-x/2010002/article/11340-fra.htm.

[57]           Les raisons le plus souvent invoquées pour ne pas signaler les incidents à la police étaient les suivantes : l’incident n’était pas assez important (68 %); la police n’aurait rien pu faire (59 %); l’incident a été réglé d’une autre façon (42 %) et il s’agissait d’une affaire personnelle (36 %).

[58]           Témoignage de Darcy Rezac, directeur, Chambre de commerce de Vancouver, devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, 25 mars 2009, http://www2.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?DocId=3775476&Language=E&Mode=1&Parl=40&Ses=2.

[59]           Samuel Perreault et Shannon Brennan, Statistique Canada, La victimisation criminelle au Canada, 2009, été 2010, http://www.statcan.gc.ca/pub/85-002-x/2010002/article/11340-fra.htm.

[60]           Service correctionnel du Canada, Document d’information du SCC sur les gangs — Statistiques et stratégie : préparé pour le JUST, 15 décembre 2011.

[61]           Ibid. Il importe de noter qu’un contrevenant peut être associé à plus d’un gang.

[62]           Ibid.

[63]           Mémoire de Resource Assistance for Youth (Winnipeg) au Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, 30 mars 2010.

[64]           Lettre de Harvey Cenaiko, président de la Commission des libérations conditionnelles du Canada, adressée au Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, 19 janvier 2012.

[65]           Dans la décision Fernandez c. Canada (Procureur général), 2011 FC 275 (2011), la Cour fédéral conclut que la Commission des libérations conditionnelles peut interroger un délinquant sur un comportement antérieur qui aurait pu étayer une poursuite relative à une infraction d’organisation criminelle dont il n’a pas été accusé. À la suite de cette décision, la Commission a ordonné le maintien en incarcération du délinquant après la date prévue pour sa libération d’office, jusqu’à l’expiration du mandat de dépôt.

[66]           L.C. 1992, ch. 20, par. 133(3) « L’autorité compétente peut imposer au délinquant qui bénéficie d’une libération conditionnelle ou d’office ou d’une permission de sortir sans escorte les conditions qu’elle juge raisonnables et nécessaires pour protéger la société et favoriser la réinsertion sociale du délinquant. »

[67]           Lettre de Harvey Cenaiko, président de la Commission des libérations conditionnelles du Canada, adressée au Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, 19 janvier 2012.

[68]           Ibid.

[69]           Témoignage de Jan Fox, directrice de district, Bureau de district de l’Alberta/Territoires du Nord-Ouest, Service correctionnel du Canada, devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, 29 mars 2010, http://www2.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx? DocId=4391311&Mode=1&Parl=40&Ses=3&Language=F.

[70]           Mémoire de l’inspecteur John Ferguson, agent responsable, Police des drogues et de l'équipe intégrée contre le crime organisé, Division D, Gendarmerie royale du Canada, au Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, 30 mars 2010.

[71]           Témoignage de Jocelyn Latulippe, inspecteur-chef, directeur des enquêtes criminelles, Sûreté du Québec, devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, 12 mai 2009,  http://www2.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?DocId=3890919&Mode=1&Parl= 40&Ses=2&Language=F.

[72]           Témoignage de William Bartlett, avocat-conseil, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice, devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, 12 mai 2009, http://www2.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?DocId=3890919& Mode=1&Parl=40&Ses=2&Language=F.

[73]           Mémoire de l’Association canadienne des libertés civiles, au Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, 25 mars 2010.

[74]           The Federal Bureau of Investigation’s Terrorist Watchlist Nomination Practices, Département américain de la Justice, Bureau de l’inspecteur général, Division des vérifications, rapport de vérification 09-25, mai 2009, http://www.justice.gov/oig/reports/FBI/a0925/final.pdf.

[75]           Voir la note 72.

[76]           Témoignage de Christopher Mainella, avocat-conseil, Service des poursuites pénales du Canada, devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, 26 mai 2009, http://www2.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?DocId=3920857&Mode=1&Parl=40&Ses=2&Language=F.

[77]           Témoignage de Paul Burstein, avocat et conseiller juridique, Burstein & Unger, à titre personnel, devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, 15 juin 2009, http://www2.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?DocId=3993315&Mode=1&Parl=40&Ses=2&Language=F.

[78]           Témoignage de Robert Gordon, professeur et directeur, École de criminologie, Université Simon Fraser, devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, 30 avril 2009, http://www2.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?DocId=3853912&Mode=1& Parl=40&Ses=2&Language=F.

[79]           Témoignage du Service canadien de renseignements criminels devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, 16 février 2012, http://prismweb.parl.gc.ca/ IntranetDocuments/CommitteeBusiness/41/1/JUST/Meetings/Evidence/JUSTEVBLUES21.HTM.

[80]           Voir le site Web du Service canadien de renseignements criminels, http://www.SCRC.gc.ca/ products_services/model_poster/poster_mod_f.html.

[81]           Mémoire de l’inspecteur John Ferguson, agent responsable, Police des drogues et de l'équipe intégrée contre le crime organisé, Division D de la Gendarmerie royale du Canada, au Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, 30 mars 2010.

[82]           Témoignage de l’inspecteur Robert Bazin, officier responsable, Intégrité des frontières, Division D, Gendarmerie royale du Canada, 30 mars 2010, http://www2.parl.gc.ca/HousePublications/ Publication.aspx?DocId=4399041&Mode=1&Parl=40&Ses=3&Language=F.

[83]           Mémoire de l’inspecteur Bob Stewart, Service de police de Vancouver, présenté au Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, 30 avril 2009.

[84]           [1991] 3 R.C.S. 326.

[85]           R. c. O’Connor [1995] 4 R.C.S. 411, par. 74.

[86]           R. c. Egger [1993] 2 R.C.S. 451 à 467.

[87]           Le Service fédéral des poursuites — Guide, chapitre 18, « La communication de la preuve avant le procès », http://www.justice.gc.ca/fra/min-dept/pub/sfp-fps/fpd/ch18.html.

[88]           Dans la décision R. c. Askov, [1990] 2 RCS 1199, on a soutenu qu’un délai de presque deux ans après l’enquête préliminaire était excessif et déraisonnable. Aux termes de l’alinéa 11b) de la Charte canadienne des droits et libertés, tout inculpé a le droit d’être jugé dans un délai raisonnable. Le caractère « raisonnable » dépend de la longueur du délai, de l’explication du délai, de la renonciation et du préjudice subi par l’accusé.

[89]           Mémoire du Service des poursuites pénales du Canada, 15 avril 2010.

[90]           Mémoire de Rick Hanson, chef de police de Calgary, 29 mars 2010.

[91]           Témoignage d’Yvan Poulin, avocat général, Bureau régional du Québec, Service des poursuites pénales du Canada, 15 avril 2010, http://www2.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?DocId=4423055& Mode=1&Parl=40&Ses=3&Language=F#Int-3094404.

[92]           Présenté au procureur général de l’Ontario, Rapport sur l’examen de la procédure relative aux affaires criminelles complexes, novembre 2008, http://www.attorneygeneral.jus.gov.on.ca/french/about/pubs/ lesage_code/lesage_code_report_fr.pdf.

[93]           Témoignage de Patrick Lesage, ancien juge en chef de la Cour supérieure de l’Ontario, à titre personnel, 15 avril 2010, http://www2.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?DocId=4423055&Mode=1& Parl=40&Ses=3&Language=F.

[94]           Mémoire de la Chambre de commerce du Grand Victoria au Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, 30 avril 2009.

[95]           Témoignage de Rick Hanson, chef de police, Calgary Police Service, 29 mars 2010, http://www2.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?DocId=4391311&Mode=1&Parl=40&Ses=3&Language=F.

[96]           Témoignage de Larry Motiuk, conseiller spécial, Équipe du renouvellement de l’infrastructure, Service correctionnel Canada, 29 avril 2010, http://www2.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx? DocId=4481483&Mode=1&Parl=40&Ses=3&Language=F.

[97]           Témoignage d’Antonio Nicaso, auteur et journaliste, à titre personnel, 25 mars 2010, http://www2.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?DocId=4382472&Mode=1&Parl=40&Ses=3&Language=F.

[98]           Témoignage du professeur John Martin, University of the Fraser Valley, à titre personnel, 20 avril 2010, http://www2.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?DocId=4447605&Mode=1&Parl=40&Ses=3&Language=F.

[99]           Témoignage de Matt Logan, psychologue opérationnel à la retraite, Gendarmerie royale du Canada, Groupe des sciences du comportement, Crimes majeurs, devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, 30 avril 2009, http://www2.parl.gc.ca/HousePublications/ Publication.aspx?DocId=3854946&Mode=1&Parl=40&Ses=2&Language=F.

[100]         Témoignage de Marshall Williams, membre, In My Own Voice (Halifax), devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, 28 octobre 2009, http://www2.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?DocId=4184077&Mode=1&Parl=40&Ses=2&Language=F#Int-2920982.

[101]         Mémoire de Laura Johnson, coordonnatrice de projets — Just TV (Winnipeg), au Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, 30 mars 2010.

[102]         Centre national de prévention du crime, Les gangs de jeunes : les facteurs de risque favorisant l’adhésion, 2007, http://www.publicsafety.gc.ca/prg/cp/bldngevd/_fl/2007-YG-2_f.pdf.

[103]         Ibid.

[104]         Mémoire de Resource Assistance for Youth (Winnipeg) au Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, 30 mars 2010.

[105]         Mémoire de Michael Owen, Clubs des garçons et des filles de Winnipeg, au Comité de la justice et des droits de la Chambre des communes, 30 mars 2010.

[106]         Ibid.

[107]         Mémoire de Macdonald Youth Services (Winnipeg) au Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, 30 mars 2010.

[108]         Voir la note 105.

[109]         Institut pour la prévention de la criminalité, Bâtir un Canada plus sûr — Premier rapport du Groupe de travail national sur la prévention de la criminalité, Université d’Ottawa, septembre 2007, http://www.socialsciences.uottawa.ca/ipc/fra/documents/IPC_NatlWkgGrp-F1.pdf.

[110]         Comité permanent de la justice et du Solliciteur général (Commission Horner), Prévention du crime au Canada : Vers une stratégie nationale, 1993, Ottawa, Chambre des communes.

[111]         Bâtir un Canada plus sûr, p. 14.

[112]         Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique, La victimisation criminelle au Canada, 2009, ministère de l’Industrie, été 2010, http://www.statcan.gc.ca/pub/85-002-x/2010002/article/11340-fra.htm.

[113]         Bâtir un Canada plus sûr, p. 11.

[114]         Témoignage de Clive Weighill, chef de police, Service de police de Saskatoon, devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, 30 mars 2010, http://www2.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?DocId=4399041&Mode=1&Parl=40&Ses=3&Language=F#Int-3071310.

[115]         Mémoire d'Hugo Foss, psychologue, Service correctionnel du Canada, région des Prairies, au Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, 29 mars 2010.

[116]         Mémoire de Resource Assistance for Youth (Winnipeg) au Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, 30 mars 2010.

[117]         Mémoire de la Chambre de commerce du Grand Victoria au Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, 30 avril 2009.

[118]         Disrupting Canada’s Marijuana Grow Industry: Four deterrents intended to limit a primary funding source for Organized Crime Groups, mémoire présenté au Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes par la ville de Surrey, la ville de Langley, la Division E de la Gendarmerie royale du Canada et Darryl Plecas, professeur à l’École de criminologie et de justice pénale, Université de la vallée du Fraser, 30 avril 2009.

[119]         Agence du revenu du Canada, Document d’information, Les produits de la criminalité sont imposables, novembre 2006, http://www.cra-arc.gc.ca/nwsrm/fctshts/2006/m11/fs061123-fra.html.

[120]         Témoignage de Len Garis, chef, Services d’incendie de Surrey, devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, 30 avril 2009, http://www2.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?DocId=3854946&Mode=1&Parl=40&Ses=2&Language=F#Int-2733198.

[121]         Voir la page 46 et la recommandation qui le suit.

[122]         Julie McAuley, directrice, Centre canadien, Le crime organisé, mémoire présenté au Comité permanent de la justice et des droits de la personne, 1er février 2012.

[123]         L.C. 2005, ch. 44 (projet de loi C-53).

[124]         Il s’agit des infractions de trafic, d’importation, d’exportation et de production de drogues.

[125]         La GRC a utilisé certaines dispositions de cette loi pour obtenir des ordonnances de blocage dans quelques dossiers, dont le dossier de l'opération Colisée, qui visait la Mafia montréalaise. Témoignage de l’inspecteur Martine Fontaine, officier responsable, Unité mixte des produits de la criminalité, Montréal, Gendarmerie royale du Canada, 22 octobre 2009, http://www2.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?DocId= 4167422&Mode=1&Parl=40&Ses=2.com&Language=F).

[126]         Témoignage de l’inspecteur Martine Fontaine, officier responsable, Unité mixte des produits de la criminalité, Montréal, Gendarmerie royale du Canada, 22 octobre 2009, http://www2.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?DocId=4167422&Mode=1&Parl=40&Ses=2.com&Language=F.

[127]         L.O. 2001, ch. 28.

[128]         Chatterjee c. Ontario (Procureur général), [2009] 1 R.C.S. 624.

[129]         Ibid., par. 47 (Cour).

[130]         Témoignage de Francis Brabant, conseiller juridique, Sûreté du Québec, 22 octobre 2009, http://www2.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?DocId=4167422&Mode=1&Parl=40&Ses=2&Language=F.

[131]         Témoignage d’Yvan Poulin, avocat général, Bureau régional du Québec, Service des poursuites pénales du Canada, 15 avril 2010, http://www2.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?DocId=4423055&Mode= 1&Parl=40&Ses=3.com&Language=F.

[132]         Témoignage de Ken Froese, directeur général principal, Froese Forensic Partners Ltd., 13 avril 2010, http://www2.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?DocId=4423056&Mode=1&Parl=40&Ses=3&Language=F.

[133]         C’est-à-dire, exploitées par des entreprises qui ne sont pas des institutions financières reconnues.

[134]         Témoignage de Ken Froese, directeur général principal, Froese Forensic Partners Ltd., 13 avril 2010, http://www2.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?DocId=4423056&Mode=1&Parl=40&Ses=3.com&Language=F.

[135]         Témoignage de Chantal Jalbert, directrice adjointe, Opérations régionales et conformité, Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada, 15 avril 2010, http://www2.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?DocId=4423055&Mode=1&Parl=40&Ses=3&Language=F.

[136]         Témoignage de l’inspecteur Martine Fontaine, officier responsable, Unité mixte des produits de la criminalité, Montréal, Gendarmerie royale du Canada, 22 octobre 2009, http://www2.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?DocId=4167422&Mode=1&Parl=40&Ses=2&Language=F.

[137]         Témoignage de Len Garis, chef, Services d’incendie de Surrey, 30 avril 2009, http://www2.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?DocId=3854946&Mode=1&Parl=40&Ses=2&Language=F.

[138]         Témoignage de l’inspecteur Don Perron, Bureau de la lutte contre le crime organisé, Unité de la confiscation d'actifs criminels et vol d’identité, Police provinciale de l'Ontario, 13 avril 2010, http://www2.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?DocId=4423056&Mode=1&Parl=40&Ses=3&Language=F.

[139]       Témoignage du surintendant Peter Shadgett, directeur, Service de renseignements criminels Ontario, 25 mars 2010, http://www2.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?DocId=4382472&Mode=1&Parl= 40&Ses=3&Language=F.

[140]         Loi édictant la Loi sur les enquêtes visant les télécommunications électroniques criminelles et leur prévention et modifiant le Code criminel et d’autres lois, 41e législature, 1re session, (http://www.parl.gc.ca/content/Bills/411/Government/C-30/C-30_1/C-30_1.PDF).

[141]         Voir R. c. McNeice, 2010 BCSC 1544 (Cour suprême de la Colombie-Britannique); R. c. Brousseau, 2010 ONSC 6753 (Cour supérieure de justice de l’Ontario), R. c. Kwok, [2008] O.J. 2414 (Cour de justice de l’Ontario), R. c. Wilson, 2009 Carswell Ont 2064 (Cour supérieure de justice de l’Ontario), R. c. Cuttell, 2009 Carswell Ont 5896 (Cour de justice de l’Ontario).

[142]         Témoignage de Claude Bélanger, ancien avocat général principal, ministère de la Justice, à titre personnel, 30 janvier 2007, http://www2.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?DocId=2645085&Mode=1& Parl=39&Ses=1&Language=F.

[143]         Témoignage de Rick Hanson, chef de Police, Calgary Police Service, 29 mars 2010, http://www2.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?DocId=4391311&Mode=1&Parl=40&Ses=3&Language=F.

[144]         Honorable Patrick J. Lesage et professeur Michael Code, Rapport sur l’examen de la procédure relative aux affaires criminelles complexes, novembre 2008, http://www.attorneygeneral.jus.gov.on.ca/french/ about/pubs/lesage_code/lesage_code_report_fr.pdf.

[145]         Pour plus de renseignements sur le projet de loi C‑2, voir le site : http://www.parl.gc.ca/LegisInfo/BillDetails.aspx?Mode=1&billId=5085519&Language=F.

[146]         R. v. Lindsay; 2005 CarswellOnt 2911; [2005] O.T.C. 583; R. c. Myles (2007) 48 C.R. (6th) 108 (C.S. Ont.).

[147]         2011 QCCS 2661.

[148]         L’article 577 du Code criminel autorise le procureur général ou le sous-procureur général à renvoyer directement une affaire pour procès même s’il n’y a pas eu enquête préliminaire ou si l’accusé a été libéré au terme de l’enquête préliminaire.

[149]         Le paragraphe 644(2) du Code criminel prévoit qu’un jury est régulièrement constitué tant que le nombre de jurés n’est pas inférieur à 10.

[150]         L.R.C. 1985, ch. C-5.

[151]         L’article 38.04 de la Loi sur la preuve au Canada permet au procureur général du Canada de demander en tout temps à la Cour fédérale de rendre une ordonnance portant sur la divulgation de renseignements sensibles ou potentiellement préjudiciables. L’article 38.09 de la Loi permet d’interjeter appel d’une ordonnance de divulgation devant la Cour d’appel fédérale.

[152]         R. c. Swain, [1991] 1 S.C.R. 933 à 972.

[153]         Le Service fédéral des poursuites : Guide, chapitre 54, Gestion des mégaprocès, http://www.justice.gc.ca/eng/dept-min/pub/fps-sfp/fpd/ch54.html.

[154]         L.C. 1996, ch. 15.

[155]         Témoignage du surintendant Eric Slinn, directeur, Sous-direction des drogues et du crime organisé, GRC, devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, 16 février 2012, http://www.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?DocId=5391481&Mode=1&Parl= 41&Ses=1&Language=F.

[156]         Ibid.

[157]         Témoignage de Frank A. Beazley, chef de police, municipalité régionale de Halifax, devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, 23 octobre 2009, http://www2.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?DocId=4167423&Mode=1&Parl=40&Ses=2&Language=F.

[158]         Témoignage du surintendant principal Thomas Bucher, directeur général, Drogues et crime organisé, Gendarmerie royale du Canada, devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, 13 avril 2010, http://www2.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx? DocId=4423056&Language=F&Mode=1&Parl=40&Ses=3.

[159]         Témoignage du surintendant Eric Slinn, directeur, Sous-direction des drogues et du crime organisé, GRC, devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, 16 février 2012, http://www.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?DocId=5391481&Mode=1&Parl= 41&Ses=1&Language=F.

[161]         La réponse complète du gouvernement du Canada se trouve à : http://www2.parl.gc.ca/HousePublications/ Publication.aspx?DocId=3599123&Mode=1&Parl=39&Ses=2&Language=F.

[162]         Témoignage du superintendant Eric Slinn, directeur, Sous-direction des drogues et du crime organisé, GRC, devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, 16 février 2012, http://www.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?DocId=5391481&Mode=1&Parl= 41&Ses=1&Language=F.

[163]         Témoignage de Mike Skappak, directeur, Enquêtes, Région des Prairies, Agence des services frontaliers du Canada, 29 mars 2010, http://www2.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?DocId=4391311& Mode=1&Parl=40&Ses=3&Language=F.

[164]         Mémoire de l’Agence des services frontaliers du Canada au Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, 29 mars 2010.

[165]         Témoignage de Robert Bazin, officier responsable, Intégrité des frontières, Division D de la Gendarmerie royale du Canada, devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, 30 mars 2010, http://www2.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?DocId=4399041& Mode=1&Parl=40&Ses=3&Language=F.

[166]         Mémoire d’Angelo De Riggi, gestionnaire des programmes régionaux, Direction du renseignement, Agence des services frontaliers du Canada, région du Québec, 22 octobre 2009.

[167]         L.C. 2001, ch. 27.

[168]         Mémoire de Bonnie Lou Gancy, directrice, Service du renseignement, région du Grand Toronto, Agence des services frontaliers du Canada, région du Grand Toronto, 25 mars 2010.

[169]         Mémoire du Michael J. Boyd, ex-chef de police d’Edmonton, 29 mars 2010.

[170]         Témoignage de Marco Mendicino, président par intérim, Association des juristes de justice, devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, 30 avril 2009, http://www2.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?DocId=3854946&Mode=1&Parl=40&Ses=2&Language=F.

[171]         Témoignage de Rick Hanson, chef de Police, Calgary Police Service, 29 mars 2010, http://www2.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?DocId=4391311&Mode=1&Parl=40&Ses=3&Language=F.

[172]         Témoignage de l’inspecteur John Ferguson, officier responsable, Police des drogues et de l'équipe intégrée contre le crime organisé, Division D de la Gendarmerie royale du Canada, devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, 30 mars 2010, http://www2.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?DocId=4399041&Mode=1&Parl=40&Ses=3&Language=F.

[173]         Témoignage de Clive Weighill, chef de police, Service de police de Saskatoon, devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, 30 mars 2010, http://www2.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?DocId=4399041&Mode=1&Parl=40&Ses=3&Language=F.

[174]         Témoignage du révérend père Julius Tiangson, directeur exécutif, Gateway Centre for New Canadians, devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, 25 mars 2010, http://www2.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx? DocId=4382472&Mode=1&Parl=40&Ses=3&Language=F.

[175]         Témoignage de Margaret Shaw, Sociologie et criminologie, Centre international pour la prévention de la criminalité (Montréal), devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, 22 octobre 2009, http://www2.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?DocId=4167421&Mode=1&Parl=40&Ses=2&Language=F.

[176]         Témoignage de Frank A. Beazley, chef de police, Police régionale de Halifax, devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, 23 octobre 2009, http://www2.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?DocId=4167423&Mode=1&Parl=40&Ses=2&Language=F.