SDIR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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CANADA
Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 11 juin 2009
[Enregistrement électronique]
[Français]
À l'ordre, s'il vous plaît.
Nous formons le Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. Aujourd'hui, le jeudi 11 juin 2009, se tient notre 25e séance.
[Traduction]
Nous accueillons aujourd'hui deux témoins dans le cadre de notre étude des droits de la personne en Iran. Le premier, qui devrait arriver sous peu, est Houchang Hassan-Yari, professeur de science politique et d'économie au Collège militaire Royal du Canada. Nous accueillons également, par vidéoconférence à partir de la magnifique ville de Fort Lauderdale, Victor Comras, avocat.
Maître Comras, puisque M. Houchang n'est pas encore là, nous allons vous donner la parole en premier. Quand il va arriver, nous allons entendre son témoignage, puis entamer une série de questions. S'il n'est pas arrivé quand vous aurez terminé, nous allons passer directement aux questions.
La parole est à vous.
Merci, monsieur le président.
Je suis ici aujourd'hui pour vous parler des sanctions et de leur utilité potentielle pour dissuader l'Iran de maintenir des politiques qui menacent la paix et la sécurité internationales. Ce n'est pas seulement la question nucléaire qui nous inquiète, ici; c'est aussi l'appui de l'Iran au terrorisme international, son ingérence au Liban et en Irak, ses violations des droits de la personne et la tension grandissante entre les musulmans chiites et sunnites partout au Moyen-Orient.
Ces questions ne sont pas nouvelles. Elles existent depuis un certain temps et elles rendent le rôle de l'Iran au Moyen-Orient très dangereux; c'est l'une des principales raisons pour lesquelles nous devons vraiment nous inquiéter de l'acquisition d'armes nucléaires par l'Iran. Je ne crois pas que nous puissions encore douter que le programme nucléaire actuel de l'Iran, en particulier son programme d'enrichissement de l'uranium, vise à développer sa capacité nucléaire. Je crois que si nous laissons l'Iran y parvenir et si nous laissons la Corée du Nord maintenir son programme d'armement nucléaire, les conséquences sur la paix et la sécurité internationales seront dévastatrices, et il sera difficile de contenir la prolifération des armes nucléaires à l'avenir. Les enjeux sont donc très, très graves.
Je préconise depuis longtemps l'utilisation de sanctions économiques et politiques ciblées et réfléchies pour dissuader l'Iran et la Corée du Nord de mettre sur pied des programmes nucléaires irresponsables. Par « réfléchies », j'entends des sanctions conçues pour atteindre des objectifs précis en ayant une incidence sur les individus ou les entités, les groupes de dirigeants et la partie de la population susceptibles d'influencer la conduite en question. Je crois que la menace crédible de sanctions et l'utilisation de sanctions sont notre dernière chance de convaincre l'Iran et la Corée du Nord de modifier leur conduite sans que nous ayons à recourir à une intervention militaire dangereuse et coûteuse. Je ne pense pas que les sanctions actuellement appliquées à l'égard de l'Iran répondent à ce besoin ou critère. Il faut se rendre à l'évidence, les sanctions sans grand effet proposées actuellement ne fonctionneront tout simplement pas.
Les sanctions adoptées jusqu'ici par le Conseil de sécurité sont nettement insuffisantes pour inciter l'Iran à modifier sa conduite. Selon moi, elles traduisent plutôt le manque de volonté politique des pays clés, une volonté nécessaire pour faire face au non-respect de l'Iran des normes de non-prolifération. Le message a été clairement reçu par le régime iranien, ainsi que par le régime nord-coréen. L'Iran ne modifiera sa conduite que quand ses dirigeants seront convaincus que la communauté internationale va prendre les mesures nécessaires pour qu'il y ait des répercussions importantes sur eux, l'IRGC, ainsi que les entreprises ou autres entités qui les soutiennent et les secteurs vulnérables de l'économie iranienne. À mon avis, les dirigeants iraniens savent qu'un tel impact constituerait une menace très sérieuse pour la stabilité et la viabilité de leur régime.
Il y a trois ans, quand j'ai commencé à parler de l'utilisation possible de sanctions contre l'Iran, nous avions des raisons d'espérer que des sanctions sévères visant les éléments économiques vulnérables de l'Iran et l'isolement du régime des mollahs pourraient bien convaincre ces dirigeants de modifier leur conduite. Franchement, je suis beaucoup moins optimiste aujourd'hui. La communauté internationale a trop tardé à réagir avec efficacité aux provocations de l'Iran, et il ne reste pas assez de temps avant que l'Iran ne dispose d'une capacité nucléaire.
L'Iran se consacre à la mise au point d'armes nucléaires depuis de nombreuses années, et plus il s'approche du seuil de capacité nucléaire, moins nous avons de possibilités de faire face à cette situation dangereuse. Le programme nucléaire de l'Iran était déjà un sujet de préoccupation important en 2003, lorsque les dirigeants du G-8 se sont entendus pour essayer ensemble de dissuader ce pays de poursuivre un programme d'enrichissement de l'uranium non surveillé. Malheureusement, rien ne s'est produit. De nouveau, en 2006, au Sommet du G-8 présidé par la Russie, à Saint-Pétersbourg, les dirigeants ont averti l'Iran que son intransigeance persistante entraînerait des sanctions du Conseil de sécurité.
Cela a pris un peu de temps pour établir ces sanctions, mais l'Iran a accordé peu d'attention aux avertissements du G-8. Il a plutôt misé sur le fait que le marché international du pétrole était tendu, que les États-Unis étaient bloqués en Irak et qu'il serait protégé de toute initiative internationale efficace. Il a jugé que la communauté internationale n'allait probablement pas risquer d'être privée du pétrole iranien. Il a estimé pouvoir compter sur la Chine et la Russie pour empêcher toute action efficace de l'ONU. Il a renforcé ses principales installations nucléaires contre de possibles tirs de missiles et a conclu que les États-Unis n'étaient pas en mesure de lancer des opérations militaires soutenues pour détruire ses installations. Ce pari semble avoir réussi, du moins jusqu'à maintenant.
Le Conseil de sécurité a déjà pris trois séries de résolutions sur les sanctions contre l'Iran, mais en fait, il exercé peu de pressions pour que l'Iran modifie sa conduite. Le Conseil de sécurité menace maintenant de prendre d'autres sanctions, mais l'Iran semble demeurer intransigeant. Il semble peu craindre les nouvelles sanctions. D'après son expérience, il estime ne pas vraiment avoir à s'inquiéter. Les sanctions ne sont pas très importantes. Qu'est-ce qu'elles font? Elles gèlent les actifs de 40 personnes, de 35 entités associées au programme iranien d'enrichissement de l'uranium et de fabrication de missiles, mais Ahmadinejad, l'ayatollah suprême Ali Khamenei ou tout autre mollah à la tête du pays ne sont pas inclus dans cette liste de gel des actifs. Les sanctions prévoient l'interdiction limitée d'envoyer en Iran du matériel et des appareils technologiques sensibles. Elles demandent aux autres pays de faire preuve « de vigilance et de retenue » concernant la vente de marchandises sensibles à double usage et elles restreignent la capacité de l'Iran à vendre son propre équipement militaire à l'étranger. Enfin, elles avertissent la communauté internationale de se montrer extrêmement prudente lorsqu'elle traite avec les banques situées en Iran, en particulier les banques Sepah, Melli et Saderat. Même si ces sanctions ont rendu très complexe une situation économique déjà difficile en Iran, elles sont loin d'être suffisantes pour pousser l'Iran à abandonner ses ambitions sur le plan nucléaire. Il est évident que des sanctions beaucoup plus sévères sont nécessaires.
Dans le passé, le Conseil de sécurité a refusé d'imposer des mesures pour restreindre les investissements, les prêts, l'aide financière ou l'aide au développement en Iran. Les membres du Conseil de sécurité ont refusé de limiter les liens commerciaux avec l'Iran. Ils ont permis à la Russie de mettre en oeuvre un programme de promotion du commerce de plusieurs milliards de dollars en Iran et d'entretenir son réacteur nucléaire de fabrication russe. De plus, ils ont laissé l'Iran conclure plusieurs accords internationaux importants en matière d'exploitation pétrolière et gazière, et ils n'ont rien fait pour dissuader la Chine de mettre en place ses propres ententes généreuses pour l'exploitation à grande échelle des ressources pétrolières et gazières, y compris un contrat de 25 ans pour l'exploitation et l'exportation de gaz de PL, qui pourrait valoir jusqu'à 100 milliards de dollars. Ces projets d'envergure réduisent à néant les efforts déployés pour pousser l'Iran à modifier sa conduite. Il ne le fera que quand ses dirigeants seront convaincus que la communauté internationale va prendre les mesures nécessaires pour l'ébranler, parce que l'Iran sait que ces conséquences sur son économie pourraient affaiblir considérablement sa viabilité et les craint.
Quelles sont nos options? Il y a cinq options de base possibles: attendre et ne rien faire; chercher à convaincre l'Iran en entamant un nouveau dialogue direct avec le régime iranien; espérer, encourager ou fomenter un changement de régime; faire des pressions sur l'Iran en imposant des sanctions économiques et politiques de plus en plus sévères; ou recourir à la menace ou à l'utilisation de la force. Aucune de ces options n'est un plan d'action exclusif, et toutes les combinaisons sont possibles.
Je ne crois pas que nous puissions nous croiser les bras et regarder l'Iran se moquer du reste du monde sur cette question. Si nous ne faisons rien maintenant, nous aurons encore moins d'options plus tard. Nous ne pouvons nous permettre d'attendre que nos possibilités se limitent à recourir à une intervention militaire ou à apprendre à affronter un régime iranien encore plus dangereux et indiscipliné.
Pourquoi ne pas engager le dialogue avec l'Iran? Le gouvernement Obama l'a carrément proposé, et nous espérons que l'élection iranienne qui aura lieu demain nous permettra d'échanger avec un nouvel interlocuteur, peut-être plus rationnel que le président Ahmadinejad. Néanmoins, un dialogue sans moyens de pression pourrait bien s'avérer infructueux et risquerait de donner au régime iranien suffisamment de latitude et de temps pour renforcer sa capacité nucléaire.
Le président Obama a donné à l'Iran jusqu'à la fin de l'année pour démontrer sa volonté de cesser ses programmes d'enrichissement et autres programmes liés à la fabrication d'armes nucléaires. Cela ne lui donne plus que six mois environ. Nous devons être prêts à prendre des mesures supplémentaires rapidement au cas où les discussions échoueraient. Parler juste pour parler, sans établir de critères à court terme, laisserait tout simplement la possibilité à l'Iran de poursuivre son objectif sans en être empêché par les contraintes de l'Occident.
Je dois admettre que je ne suis pas très optimiste à ce chapitre. Les Européens ont tenté de dialoguer avec l'Iran durant plus de trois ans. Ils ont essayé par divers moyens de le convaincre de suspendre son programme d'enrichissement de l'uranium, mais ils n'ont réalisé aucun progrès réel. L'Europe a certainement plus de moyens de persuasion, de moyens de négociation et d'influence sur l'Iran ces temps-ci que nous, aux États-Unis. La possibilité que nous acceptions de normaliser les relations avec l'Iran ou de lever nos propres sanctions unilatérales n'est pas aussi attirant pour ce pays que nous aimerions le croire et ne nous assure pas tellement de bonne volonté. L'Iran a accepté les sanctions des États-Unis il y a longtemps; nous n'avons pas obtenu grand-chose de l'Iran la dernière fois que nous avons levé nos sanctions, il y a une vingtaine d'années.
Nous allons devoir mettre plus de pression sur l'Iran si nous voulons que le dialogue soit fructueux. Ce n'est qu'en intensifiant les moyens de pression économiques à l'échelle internationale que nous pourrons y parvenir, en envoyant un message clair à l'Iran pour lui dire, comme Mme Clinton l'a récemment déclaré, que des sanctions internationales « paralysantes » seront imposées, mais ce n'est pas une chose dont nous pouvons être certains. Les États-Unis ne peuvent évidemment pas agir seuls. Nous n'avons presque plus de sanctions unilatérales. Il faudra une action concertée du Conseil de sécurité ou du moins, de nos amis et alliés européens, canadiens et japonais.
Les sanctions peuvent être utiles lorsqu'elles sont conçues et combinées de façon judicieuse avec d'autres mesures visant des résultats précis. L'économie de l'Iran est très fragile, et la situation économique actuelle crée déjà une opposition interne aux politiques de l'imprévisible Ahmadinejad. Cela rend l'économie iranienne très sensible aux sanctions rigoureuses.
Les mollahs iraniens doivent également subir les effets de ces sanctions. Jusqu'ici, ils ont vraiment eu la partie facile. Étant donné la corruption qui règne dans les cercles dirigeants de l'Iran, il y a d'énormes sommes d'argent à l'extérieur de l'Iran qui pourraient être gelées si l'on ciblait les mollahs.
Les sanctions que le Conseil de sécurité applique actuellement, comme je l'ai déjà dit, ne visent pas à perturber ou à nuire à l'économie iranienne ou à ses relations commerciales normales, et jusqu'à maintenant, elles ne pénalisent aucunement les dirigeants iraniens; elles ne sont plutôt destinées qu'à limiter l'accès de l'Iran à la matière et à la technologie nucléaires. Je dis « limiter » parce que je ne crois pas que les sanctions vont l'arrêter.
Nous devons maintenant mettre en place un mécanisme pour imposer des sanctions qui ciblent ses éléments économiques vulnérables, qui peuvent vraiment faire pression sur l'Iran. Ce sont entre autres son système financier fragile, ses secteurs de l'énergie, des transports et des communications, et sa classe commerciale urbaine.
Le Trésor américain a déjà mis en oeuvre sa propre stratégie pour créer un stress additionnel sur le système bancaire iranien. Il a ciblé plusieurs banques iraniennes importantes et a convaincu le GAFI de lancer ses propres mises en garde concernant les transactions illicites des banques iraniennes. Il a mis fin aux transactions demi-tour et ainsi bloqué la capacité de l'Iran de dollariser bon nombre de ses transactions. Il a utilisé son influence sur le marché pour pousser les banques européennes et d'autres entreprises à y réfléchir à deux fois avant de faire affaire avec l'Iran.
Aux États-Unis, il y a aussi une menace grandissante de désinvestissement. Il existe un risque de publicité négative et de mauvaise réputation pour les institutions européennes et autres qui font affaire avec l'Iran lorsqu'elles veulent accéder au marché américain ou développer un marché de valeur aux États-Unis.
Maintenant, toutefois, il est temps de convaincre nos alliés européens et les autres partenaires économiques et commerciaux importants de l'Iran de collaborer avec nous pour cibler ce genre de mesures de façon efficace, même si nous ne pouvons pas obtenir une résolution du Conseil de sécurité pour le faire.
L'Europe est le principal partenaire commercial de l'Iran. Les pays européens exportent beaucoup plus de marchandises en Iran qu'ils n'en importent de ce pays, même si l'on tient compte du pétrole. Les entreprises et les banques européennes sont essentielles à la jeune classe moyenne iranienne. Des sanctions européennes pourraient, si elles sont conçues de façon adéquate, avoir un impact important sur les villes et la classe commerciale de l'Iran; cette classe commerciale est cruciale pour empêcher le taux d'emploi urbain de dégringoler. Il pourrait bien s'agir du talon d'Achille de l'Iran.
Je crois que la Russie et la Chine ne sont pas en mesure de remplacer rapidement ni d'atténuer immédiatement les effets qu'entraîneraient de telles sanctions. De plus, je doute fort qu'elles chercheraient à contourner ces sanctions de quelque façon que ce soit, si elles étaient convaincues que nous prenons ces mesures très au sérieux.
Les États-Unis ont déjà rompu complètement leurs liens financiers avec l'Iran, et nous avons fait en sorte qu'il soit extrêmement difficile et coûteux pour l'Iran d'effectuer des transactions en dollars américains. L'Europe pourrait bien menacer de faire de même pour les transactions en euros. Elle pourrait également supprimer ses programmes de crédits à l'exportation. Étant donné que l'Iran consomme quotidiennement 18 millions de gallons d'essence, elle importe maintenant — étonnamment, c'est un pays importateur — de 180 à 200 millions de gallons d'essence par mois. La hausse des prix du pétrole a déjà causé des désordres civils là-bas, et les pénuries d'essence pourraient avoir des répercussions importantes sur l'activité commerciale du pays. C'est une mainmise dont il faudrait se servir de façon plus efficace.
D'un autre côté, nous constatons que la Royal Dutch Shell joue encore un rôle consultatif auprès de l'Iran quant à la façon d'augmenter sa capacité de raffinage. Il faudrait mettre un frein à cette activité.
L'Europe, le Japon et le Canada pourraient également imiter les États-Unis et bloquer l'accès de l'Iran aux produits de haute technologie, y compris au matériel à double usage potentiel, ainsi qu'à l'expertise. Ensemble, nous pourrions exercer de fortes pressions sur les Émirats arabes unis, Dubaï et la zone franche de Jebel Ali, qui sert de point de transbordement pour tant de produits qui ne sont pas censés être envoyés là-bas.
L'Europe, le Canada et le Japon pourraient aussi envisager, comme nous, de restreindre l'accès des bateaux iraniens à leurs ports, de refuser d'assurer ou de réassurer les navires et les chargements iraniens ou d'augmenter les primes d'assurance pour les marchandises provenant d'Iran ou pour les navires qui les transportent. Nous pourrions commencer à imposer des restrictions de voyage. Nous pourrions cesser les échanges culturels, sportifs et scientifiques avec l'Iran. Ce sont des exemples de mesures que nous pourrions prendre ou menacer de prendre afin de convaincre l'Iran que nous sommes sérieux. Ces mesures sont notre dernière chance d'éviter une crise encore plus grave dans seulement quelques années.
Évidemment, il y a aussi l'aspect humain, dont votre sous-comité s'inquiète à juste titre, car les sanctions ont inévitablement une incidence sur les personnes les plus vulnérables, c'est-à-dire les pauvres, les aînés, les personnes handicapées et les enfants. Nous devons toujours être conscients des conséquences involontaires des sanctions et de la meilleure façon de les atténuer, sans que les sanctions cessent pour autant d'avoir des effets sur ceux qu'elles visent. Or, même en sachant qu'elles ont des conséquences imprévues et inévitables, les sanctions demeurent une solution beaucoup moins coûteuse, sur le plan des tragédies humaines et de la souffrance, que les stratégies militaires et la guerre.
Je crains également les conséquences et les tragédies humaines qui pourraient survenir si l'Iran était doté d'armes nucléaires et dirigé par des intégristes musulmans, qui n'hésitent pas à recourir aux attentats suicides et à sacrifier des innocents, ou par des gens comme Ahmadinejad, qui semble ne connaître aucune limite raisonnable.
Espérons que l'intégrité et la responsabilité vont finalement l'emporter en Iran et qu'au moins une partie de ces actes pourront être évités.
Je vous remercie de m'avoir écouté, monsieur le président.
Merci beaucoup, monsieur Comras. Notre autre témoin est arrivé pendant que vous faisiez votre exposé.
Je vous souhaite la bienvenue, monsieur Houchang Hassan-Yari. Pouvons-nous vous demander de faire tout de suite votre déclaration?
Merci beaucoup, monsieur le président.
Mesdames et messieurs, veuillez excuser mon retard. Je suis arrivé de Kingston un peu plus tôt et je me suis promené dans l'édifice central.
Je vais faire mon exposé en français, mais je me ferai un plaisir de répondre à vos questions en anglais, si vous le souhaitez.
Je vais mettre l'accent principalement sur la question dont on m'a demandé de parler, c'est-à-dire les droits de la personne en Iran. Si cela vous intéresse, je peux vous donner mon point de vue à propos de ce que M. Comras a mentionné, de ses idées sur la façon d'influencer le régime iranien.
[Français]
La question du respect des droits humains a toujours été une source de tension entre l'État et la société en Iran. Également, elle a toujours été rattachée aux appréhensions politiques et a toujours conditionné les relations entre l'État et la société. Cela n'est pas quelque chose de nouveau en Iran; cela existait avant la révolution; cela existe depuis plusieurs centaines d'années.
Si on remonte un peu dans l'histoire du pays, on constate par exemple que la révolution constitutionnelle du début du XXe siècle était effectivement une tentative de faire respecter les droits humains et de faire fléchir le pouvoir absolu de l'État en faveur d'une plus grande participation de la population dans les processus décisionnels. Le pays se trouvait dans la même situation dans les années 1950. Le conflit entre l'État et la société portait sur la question de la participation et sur celle du respect des droits humains. La situation était similaire dans les années 1960 quand il y a eu des révoltes qui ont été réprimées dans le sang: ces révoltes visaient une certaine amélioration des conditions de vie des individus. C'était aussi la même la chose au cours des années 1970, jusqu'en 1978-1979, quand la révolution a éclaté. Finalement, le 12 février 1979, la révolution qu'on appelle la révolution islamique a triomphé.
Autrement dit, tous ces épisodes avaient en commun un point central, soit la recherche par la société iranienne d'une vie meilleure, plus particulièrement la défense des droits humains. Cette lutte, je le rappelle, a cours depuis la révolution de 1979, tout en ayant subi certaines variations sur lesquelles on reviendra. L'intérêt est donc toujours de s'opposer aux excès du gouvernement et de réclamer un plus juste partage des ressources entre les Iraniennes et les Iraniens.
En principe, la révolution de 1979 a fait office de réponse aux événements du siècle passé. Plus particulièrement, elle visait à restituer le respect et la dignité des individus et de leurs collectivités. Les trois slogans majeurs de la révolution de 1979, soit « indépendance », « liberté » et « république islamique », représentaient effectivement ce que recherchaient les Iraniennes et les Iraniens. De un, on réclamait l'indépendance non seulement vis-à-vis des puissances étrangères, mais également vis-à-vis du gouvernement qui réprimait la société civile. De deux, on demandait la liberté d'expression, de manifestation, etc. De trois, on voulait une république islamique, la légitimité d'une république étant conférée par le peuple. Ces trois slogans résument assez bien ce que la société iranienne a recherché au cours de son histoire.
En fait de bilan, cette tentative d'améliorer les conditions de vie, de faire respecter les droits humains et de réclamer la gestion de la société constituait le point central de la révolution, et ce l'est encore aujourd'hui.
Cette question des droits comprend, de façon générale, deux dimensions importantes. D'abord, il y a la dimension individuelle par laquelle on reconnaît à la personne des droits qui sont prévus dans la Constitution de la République Islamique d'Iran, comme le droit au logement et à l'éducation par exemple, ou le droit de s'exprimer librement, sans crainte de répression.
D'autres droits allaient être promulgués et précisés par la loi.
Pour ce qui est de la deuxième dimension, il s'agit des droits collectifs, c'est-à-dire ceux dont j'ai parlé plus tôt, que les individus amènent au sein de leur collectivité et dont ils jouissent, au-delà des droits individuels. Par exemple, les minorités religieuses, qu'elles soient non musulmanes, juives, chrétiennes, zoroastriennes ou autres, ont aujourd'hui des représentants au sein du Parlement iranien, selon la Constitution de l'Iran. Il s'agit ici de droits collectifs.
En réalité, en dépit de ce qui est prescrit dans cette Constitution, l'interprétation de ces mêmes droits relève, bien entendu, des cours et des individus. Par conséquent, des interprétations parfois contradictoires créent de sérieux obstacles à l'exercice de ces droits, même s'ils sont prescrits dans la Constitution iranienne. J'ai relevé un certain nombre de facteurs qui pourraient expliquer l'existence de cette anomalie.
D'abord, il y a l'absence d'institutions puissantes pouvant résister à la pression des agents politiques et, bien entendu, des groupes d'intérêt. Il faut placer l'Iran de 2009 dans le contexte iranien. Autrement dit, il ne faut pas s'attendre à ce que les institutions canadiennes soient importées par l'Iran et qu'elles y fonctionnent à merveille. Il s'agit d'un pays du tiers monde qui essaie tant bien que mal de surmonter ses problèmes. L'un des plus importants, à mon avis, est justement la faiblesse de ses institutions. Elles sont vulnérables.
Il y a également la non-séparation des pouvoirs et la dépendance financière du pouvoir judiciaire envers les pouvoirs exécutif et législatif. Dans plusieurs cas, on constate en effet que les juges subissent une pression externe. Ils sont en quelque sorte obligés de rendre des décisions qui ne sont pas nécessairement compatibles avec leurs responsabilités. Même si, sur le papier, la séparation des pouvoirs existe, elle n'est pas appliquée.
On observe aussi une ingérence dans le domaine juridique de la part des exécutants. Par exemple, la police, qui devrait en principe être l'agent du pouvoir juridique, impose souvent des règlements qui ne sont pas nécessairement prescrits dans la loi. Autrement dit, le pouvoir de la police devient parfois plus important que celui des juges.
La manipulation des centres de pouvoir et d'intérêt est un autre élément. En d'autres mots, les gens qui ont le pouvoir interviennent afin de faire pencher les choses en leur faveur. Il y a également la question de la discrimination. Dans certains secteurs de l'emploi, des crédits bancaires et d'autres domaines semblables, on constate en effet de la discrimination, ce qui est décrié ouvertement par la population, bien entendu.
Enfin, j'ai relevé la faiblesse relative de la société civile et des organisations non gouvernementales face à un gouvernement omnipotent.
Mais au-delà de ce que je viens de présenter très brièvement, il ne faut pas penser que la société iranienne est une société docile qui se résigne devant, disons, les excès du gouvernement. Au contraire, c'est une société vivante. Comme vous le savez peut-être, à peu près 75 p. 100 de la population iranienne a moins de 39 ans. Cette population est vivante et réclame ses droits dans des manifestations d'étudiants, de groupements de femmes, parfois de minorités, etc.
Si on jette un regard global sur la société iranienne depuis 1979, on voit un certain mouvement encore positif dans la bonne direction, malgré la répression et tout ce qu'on entend dans les nouvelles et les anecdotes. C'est un signe très encourageant d'une société qui essaie de revenir aux valeurs de la révolution, c'est-à-dire l'indépendance, la liberté et son rôle comme source de la légitimité.
Évidemment, cela ne signifie nullement qu'il n'y a pas de répression; il y en a. Si on compare la révolution iranienne de 1979 à 2009 aux révolutions les plus connues dans le monde comme la révolution bolchevique en Russie en 1917 et la Révolution française, qu'on appelle souvent la mère de toutes les révolutions, à ce qui s'est passé au Nicaragua vers la fin des années 1970 et le début des années 1980, aux événements qui se sont produits aux Philippines lors du départ de Marcos, on constate que durant les 30 années de la révolution iranienne, l'Iran a fait des pas énormes que les Français ou les Russes n'ont pas fait pendant plus de 70 ans.
Il s'agit simplement de comparer la situation actuelle, y compris dans le domaine des droits humains, aux excès qui se sont produits juste après la révolution. Cela signifie qu'il y a une lutte continue entre la société civile et le pouvoir iranien. À mon avis, le pouvoir recule. Autrement dit, le pouvoir cède devant les avancées de la société civile, d'où effectivement cet optimisme relatif que j'ai à l'égard de l'évolution de la société iranienne.
Que faire pour améliorer la situation? Je pense que la communauté internationale, y compris le Canada, a un rôle à jouer, mais ce rôle devrait être pondéré avec la réalité. On doit prendre en considération la réalité de l'Iran et ce que les Iraniennes et Iraniens recherchent.
À mon avis, contrairement à ce que plusieurs pensent, le premier pas le plus important est d'engager l'Iran dans un dialogue. On constate que depuis l'arrivée au pouvoir de M. Obama, le régime iranien, en particulier les plus durs au sein du régime iranien, est sur la défensive, si vous écoutez les discours du Guide, du leader, ceux d'Ahmadinejad et des autres. Les gens qui ne connaissent pas très bien la société iranienne pensent que 80 p. 100 du pouvoir appartient au leader et 20 p. 100 au président, tout simplement.
On peut facilement trouver au moins 11 centres de pouvoir en Iran. Autrement dit, le pouvoir en Iran est diffus, c'est-à-dire qu'il n'est pas concentré entre les mains de quelques individus, de Khamenei à Ahmadinejad. Si vous êtes intéressés, on peut revenir sur cette question plus tard.
Depuis ce qu'a dit le président Obama, on constate un changement subtil implicite dans le discours des dirigeants iraniens. C'est la raison pour laquelle je dis qu'ils sont sur la défensive. Je disais très souvent, lorsque M. Bush était au pouvoir — y compris en Iran, mais également dans les médias canadiens et étrangers —, que si les Américains étaient sérieux au sujet de la question du changement de régime, ils devaient engager le dialogue avec le régime iranien.
Si vous isolez le régime iranien, vous rendez tout simplement service aux plus extrémistes en Iran. C'est tout ce qu'ils cherchent. Le discours d'Ahmadinejad ne porte pas sur la question d'Israël. Il sait très bien qu'il n'a pas la capacité de rayer Israël de la carte du monde. Son discours sur l'Holocauste a été dénoncé par plusieurs, à l'intérieur de l'Iran. Il s'agit tout simplement de voir le discours des gens qui font partie du pouvoir, y compris Khatami et Rafsanjani, au lieu de se limiter aux informations transmises par les médias. Je vous invite à lire les discours et à voir ce qui se passe dans la société iranienne. Sur cette question, vous n'avez tout simplement qu'à regarder les débats télévisés qui ont lieu depuis quelques jours en Iran. Sans exception, les trois...
Puisqu'il faut laisser assez de temps aux membres du comité pour poser des questions, je vous encourage à finir votre commentaire.
Si vous regardez les débats, vous constaterez qu'il y a quatre candidats. Les trois autres dénoncent la politique étrangère d'Ahmadinejad. Ils disent que l'Iran ne doit pas se comporter de cette façon sur la scène internationale. Ils dénoncent les excès de langage d'Ahmadinejad. Ils disent, constatent et répètent que l'Iran ne cherche pas à obtenir l'arme nucléaire.
Il y a plusieurs années, on entendait aux nouvelles que l'Iran allait avoir l'arme nucléaire dans six mois, dans un an ou dans deux ans. Jusqu'à maintenant, on ne l'a pas constaté. Je rappelle qu'il s'agit tout simplement de lire les rapports de l'Agence internationale de l'énergie atomique. Le problème de l'Iran est que les dirigeants iraniens ne savent pas comment parler à la communauté internationale pour la rassurer. Ce que l'on voit aujourd'hui, pendant la campagne électorale, laisse énormément d'espoir quant à l'avenir de l'Iran et à son engagement envers la communauté internationale.
Merci beaucoup.
[Traduction]
Merci à nos deux témoins.
Nous disposons de moins de temps que d'habitude. Nous aurons tout juste le temps de permettre une série de questions de sept minutes chacune et une autre de cinq minutes, si tout le monde respecte scrupuleusement le temps alloué. Je vais devoir être très ferme pour limiter les longues questions et réponses. Je demande à tout le monde d'être le plus concis possible.
Cela dit, aimeriez-vous commencer, monsieur Cotler?
Merci, monsieur le président.
J'aimerais moi aussi remercier les témoins.
Ma première question s'adresse à M. Comras. Votre exposé portait naturellement sur le danger de la menace nucléaire et sur l'ensemble de sanctions qui pourraient cibler la vulnérabilité de l'Iran. Vous avez également parlé des diverses options possibles, mais vous avez mis l'accent sur l'importance de sanctions globales, stratégiques et ciblées. Vous n'avez pas fait mention de l'incitation au génocide sanctionnée par l'État en Iran, et je le comprends, parce que vous avez surtout parlé de la question nucléaire.
Malheureusement, nous sommes témoins — certains témoins nous l'ont dit — d'une incitation soutenue, systématique et répandue de la part de divers dirigeants en Iran, en particulier de l'ayatollah Ali Khamenei. Tout cela est fait en violation de l'interdiction, prévue dans la convention sur le génocide et dans le droit international, à l'incitation directe et publique au génocide, où l'on indique que les États signataires de la convention sur le génocide de même que la communauté internationale ont l'obligation de prévenir le génocide.
Ne devrions-nous pas inclure la question du génocide dans celle du nucléaire, puisque c'est dans le contexte de l'incitation au génocide que le problème du nucléaire se pose? En fait, si nous nous préoccupons uniquement de la question nucléaire, nous devrions être aussi inquiets — sinon plus — de savoir que le Pakistan possède des armes nucléaires. Il me semble que l'on ne peut pas vraiment séparer la question du génocide de celle du nucléaire. Si l'on se concentre uniquement sur le nucléaire, comme le fait la communauté internationale, on finit par diminuer, bien involontairement, l'importance du génocide. Pourtant, sur cette question, on entend parler de l'intention de rayer Israël de la carte au moyen d'une bombe. C'est là où il y a convergence dans les déclarations des dirigeants iraniens.
Par conséquent, ne devrions-nous pas prendre en considération la question du génocide et chercher à établir des sanctions en ce qui concerne l'incitation au génocide, afin de ne pas en diminuer l'importance par inadvertance en nous concentrant uniquement sur la question nucléaire?
Je suis tout à fait d'accord avec vous. M. Ahmadinejad menace de rayer Israël de la carte, et l'on craint grandement qu'il soit capable de le faire avec des armes nucléaires. C'est l'une des principales raisons pour laquelle nous ne pouvons nous permettre de laisser l'Iran se doter d'armes nucléaires. Il y a un risque pour Israël, et je crois que cela amplifie toute la situation. Vous l'avez très bien expliqué.
En plus, il existe depuis longtemps des conflits entre intégristes chiites et intégristes sunnites. Nous connaissons les principes politiques des groupes Wahabi et al-Qaïda, qui considèrent la communauté chiite comme apostate. Ils échangent en termes apocalyptiques. La possibilité que l'Iran puisse se doter d'armes nucléaires est très inquiétante à bien des égards.
Il faut comprendre qu'il est question non seulement de non-prolifération, mais aussi du pire risque qui pourrait déstabiliser toute une région et compromettre la paix à l'échelle internationale.
Pourquoi croyez-vous que l'Europe aurait davantage d'influence dans les discussions avec l'Iran que le Canada ou les États-Unis, par exemple?
L'Europe a une influence considérable parce qu'elle est un partenaire commercial essentiel à l'Iran. La valeur des échanges commerciaux entre les États-Unis et l'Iran est d'environ 250 millions de dollars par année, et entre le Canada et l'Iran, ils sont d'environ 350 millions. Par comparaison, les échanges commerciaux entre l'Europe et l'Iran totalisent environ 60 milliards de dollars. L'Europe est le principal partenaire commercial de l'Iran, et sa capacité d'imposer à l'Iran des mesures sur ces échanges peut avoir une énorme incidence. C'est pourquoi je mets l'accent sur nos alliés européens et l'influence qu'ils peuvent exercer sur l'Iran, s'ils le veulent.
C'est une partie importante du commerce, mais je parle surtout du commerce non pétrolier. Évidemment, prendre des sanctions contre l'Irak pourrait avoir des répercussions sur l'échange pétrolier, mais je ne crois pas que ce soit l'élément principal des sanctions. L'Iran dépend tellement de son pétrole qu'il ne décidera pas d'arrêter d'en exporter. La question est de savoir dans quelle mesure la communauté internationale et l'Europe pourraient décider de limiter les exportations de pétrole de l'Iran.
[Français]
Merci beaucoup aux deux témoins d'être venus ici ce matin pour se faire entendre.
Merci particulièrement à M. Hassan-Yari, qu'on a convoqué, qu'on a inclus sur la liste de nos témoins, et qui a pu être avec nous ce matin même s'il a disposé de peu de temps.
Monsieur Hassan-Yari, la semaine prochaine, vous présenterez une conférence qui s'intitule Le tournant de l'élection présidentielle en Iran: Le dialogue avec Téhéran est-il possible? On sait que demain sera jour d'élection en Iran.
Ma première question porte sur les faiblesses des institutions dont vous avez parlé plus tôt. Quels changements l'élection de M. Hassan Moussavi pourraient entraîner, considérant l'importance qu'on connaît au conseil religieux en Iran? Quel serait son pouvoir, en tant que président, face au Guide suprême?
Merci, madame.
La structure des pouvoirs en Iran est extrêmement complexe, et je pense qu'elle est unique au monde. Pour l'expliquer de façon très brève, il y a, au sein de cette structure, des gens qui sont élus et d'autres qui ne le sont pas. Les élus partagent certains pouvoirs et ceux qui ne sont pas élus partagent l'essentiel des pouvoirs. Cela varie avec les personnalités.
Pour ce qui est de l'élection d'un nouveau président, si Moussavi devait être élu, il y aurait d'abord et avant tout un changement de ton, ce qui est, je pense, très important. Le genre de discours belliqueux d'Ahmadinejad sur la question d'Israël, de l'Holocauste, etc., qui a causé énormément de tort à l'Iran sur la scène internationale ne sera plus entendu. D'ailleurs, les autres en prennent note, y compris Khamenei.
D'ailleurs, on en a été témoin durant les huit années de présidence de Khatami. Si vous analysez le discours de Khamenei, qui était le leader durant ces huit années, vous verrez qu'il y a des différences notables entre les types de discours qu'il a tenus avant et après cette période. Autrement dit, malgré son pouvoir conféré par la Constitution, Khamenei ne veut pas ou ne peut tout simplement pas dire non au président qui est élu.
Cependant, je ne m'attends pas à ce que les institutions qui sont en place actuellement soient bouleversées complètement, pour la simple et bonne raison que cela prend du temps. C'est pour cela que j'ai insisté sur les trois décennies qu'a duré la révolution.
Toutefois, les institutions qui sont en place sont en train de s'adapter. Je vous cite un seul exemple. Le directeur de la radio et de la télévision, qui est nommé par le leader, a décidé d'accorder 45 minutes d'antenne à Ahmadinejad pour intervenir et pour répondre aux accusations des autres candidats. Sous la pression des manifestations dans la rue et des dénonciations des autres candidats, ces 45 minutes ont été réduites à 20, chose rarissime en Iran post-révolutionnaire. C'est que les membres du Conseil des gardiens, qui ne sont pas élus mais qui filtrent les candidats, ont dit qu'ils étaient contre le fait d'accorder ne serait-ce qu'une minute à Ahmadinejad. Pourtant, en Iran, plusieurs pensent que c'est le Conseil qui a mis Ahmadinejad au pouvoir. Il y a donc la société civile qui peut faire des pressions.
Effectivement, les institutions sont faibles. D'ailleurs, dans le cas de certaines institutions, il est bien qu'elles soient faibles, parce qu'elles sont vulnérables. À mon avis, ceux qui guident ces institutions sont aussi vulnérables. Il s'agit donc de trouver une façon d'utiliser ce vote populaire pour faire avancer la cause des droits humains et de la société civile.
En fait, ma deuxième question porte sur ce que vous venez d'aborder, les valeurs de la révolution.
On sait que la campagne pour la présidence a donné lieu à des manifestations monstres, à une bataille épique sur Facebook. On a également vu des débats télévisés enlevants. Visiblement, la campagne à la présidence a soulevé des passions tant en Iran qu'au sein de la grande diaspora perse.
Parmi les enjeux dont on a discuté, il y a eu l'économie, la liberté individuelle et surtout l'image que projette la république islamique à l'étranger.
Malgré les violations des droits humains que l'on connaît et qu'on dénonce, y a-t-il une ouverture à la discussion en Iran? Pourriez-vous nous expliquer cette situation assez paradoxale?
Tout à fait, vous avez raison de soulever les contradictions qui existent en Iran.
Quand les attaques terroristes contre les États-Unis ont eu lieu, les Iraniens étaient les seuls dans l'ensemble de la région du Moyen-Orient à sortir et à manifester en faveur des victimes américaines.
Premièrement, cela veut dire que les gens sont à la recherche d'autre chose que ce que cherche le leadership. C'est un point important.
Deuxièmement, j'ai imprimé quelques photos des manifestants, en particulier, des femmes — si vous êtes intéressés, vous pouvez les regarder — qui montrent qu'une participation aux débats publics a effectivement lieu. Cela veut dire que les femmes iraniennes, comme les autres, cherchent autre chose.
C'est pourquoi j'insiste sur la question de s'adresser à l'Iran et de ne pas l'isoler, parce que ces gens que vous voyez seront les premières victimes de tout isolement. D'ailleurs, l'isolement n'a pas fait tomber le régime irakien. Les sanctions n'ont tué que les Irakiens, pas Saddam Hussein et son armée. Dans le cas de l'Iran, qui est incomparable à celui de l'Irak avant l'invasion de 2003, vous avez une société qui bouge, qui fait des pressions sur le gouvernement pour qu'il y ait des changements.
Vous pouvez voir ces photographies dans n'importe quel blogue iranien ou même dans les sites officiels du gouvernement iranien. Selon les normes que nous vivons ici, ces photographies sont ridicules, mais dans le contexte iranien, elles sont révolutionnaires.
Autrement dit, la société iranienne n'est pas d'accord avec le gouvernement iranien dans tous les domaines. Vous aviez mentionné les valeurs révolutionnaires, l'économie, les libertés, etc. À mon avis, cela signifie qu'il y a un changement. Il s'agit tout simplement d'étudier la société iranienne. C'est pourquoi j'insiste énormément devant ce sous-comité pour que vous étudiez ce qui se passe dans la société iranienne. Ne réagissez pas au discours inflammatoire des gens comme Ahmadinejad, etc.
Je vous remercie beaucoup, monsieur Comras et monsieur Hassan-Yari, d'être ici avec nous aujourd'hui.
[Traduction]
Merci, monsieur le président.
Je tiens à présenter mes excuses à nos témoins. Il fallait que je sois présent à la Chambre parce que j'avais une motion à présenter, alors j'essaie de rattraper mon retard.
J'aimerais commencer par vous dire qu'il y a 30 ans, j'ai habité six mois en Arabie saoudite. Selon les dates que vous avez indiquées, c'était juste avant la révolution. Un vendredi, j'ai commis l'erreur de passer à côté du stationnement de la grande mosquée. Selon la charia, les châtiments sont infligés les vendredis. Sans le savoir, je suis passé par là moins de cinq minutes après une décapitation. Quand je suis passé, un homme se faisait couper la main. Cela m'a donné un sens aigu du fondamentalisme là-bas. C'est au cours de cette période que la prise d'otages en Iran a eu lieu.
Là où je veux en venir, et la raison pour laquelle je m'adresse à vous, monsieur Yari, c'est que c'est l'une des premières fois que j'entends un témoin parler d'engagement. J'ai tendance à favoriser l'engagement, alors je penche automatiquement de ce côté.
Divers témoins nous ont parlé de l'engagement des jeunes et du nombre considérable de jeunes âgés de moins de 30 ans. J'ai quelques questions à vous poser. D'abord, ces jeunes comprennent-ils comment la révolution a commencé et comment le clergé a pratiquement endigué cette révolution?
Par ailleurs, nous savons qu'à cause des sanctions imposées à l'Irak, 500 000 enfants sont morts. Je ne suis donc certainement pas du même avis que tout le monde.
Ma dernière question, monsieur, est la suivante. Quand j'étais en Arabie saoudite, on appelait les États-Unis le « Grand Satan », mais pas le Canada. Il n'était vraiment pas considéré comme tel. La communauté iranienne voit-elle encore le Canada de cette façon? À votre avis, les travaux de notre comité auraient-ils une incidence réelle là-bas?
Je vous remercie beaucoup de vos questions.
Évidemment, nous devons vraiment dénoncer la violence, quelle qu'en soit la source. Par conséquent, en ce qui concerne la décapitation et les autres choses dont vous nous avez parlé, qui se sont produites en Arabie saoudite, ce n'est tout simplement pas acceptable, comme les lapidations en Iran, d'ailleurs.
Pour répondre à vos questions au sujet des jeunes et de la façon dont ils voient la révolution, les révolutionnaires et le détournement de la révolution, oui, ils sont au courant. Ils savent également que leurs parents ont fait la révolution, mais ils disent très clairement qu'ils recherchent autre chose. Cela ne veut pas dire qu'ils n'adhèrent pas aux valeurs de la révolution. Ils disent la même chose que vous, soit qu'ils ont participé à la révolution pour autre chose, mais que le résultat est différent.
C'est pourquoi, dans les universités, par exemple, ou dans les blogues ou même les journaux, du moins ceux qui ne sont pas soumis à la censure, il y a une chose qui est tout à fait évidente, et c'est le changement. Je le dis très souvent, et je le dis en français, alors je ne sais pas si la version anglaise est aussi bonne que la version française:
[Français]
la seule chose qui est constante en Iran, c'est le changement.
[Traduction]
La seule chose qui est constante en Iran, c'est le changement.
[Français]
Ça veut dire que pour les Iraniens, c'est une situation inacceptable. Les jeunes sont très éduqués et la plupart n'ont pas vécu la révolution proprement dite et n'ont pas visité d'autres pays. Pourtant, en leur parlant, vous constatez qu'ils sont extrêmement ouverts au monde et que l'exemple que j'ai mentionné plus tôt, c'est-à-dire les vigiles pour les attaques terroristes contre les États-Unis, démontre un certain décalage entre le pouvoir et la jeunesse.
[Traduction]
Les jeunes Iraniens veulent plus de possibilités — pour le travail et les études, notamment — et c'est là une source d'espoir, selon moi, en Iran. C'est pourquoi j'ai dit, au début, que je vois un véritable espoir en Iran.
Le farsi est l'une des principales langues utilisées sur Internet. Il y a des milliers de blogues qui émanent de l'Iran, et la grande majorité dénonce le pouvoir. Autrement dit, si l'on s'attaque ou cause du tort à la société iranienne, toute cette bonne volonté va disparaître. J'en suis absolument certain. Les Iraniens sont extrêmement nationalistes, pas chauvins, mais nationalistes. Ils défendent leur pays, et quel que soit l'attaquant, ils vont résister. C'est ce qui serait tragique dans cette situation, parce que ces sanctions servent uniquement les éléments les plus extrêmes en Iran. Les jeunes Iraniens ne veulent pas être traités de la sorte.
Quant à la façon dont les Iraniens voient les États-Unis et le Canada, pour des millions d'entre eux, le Canada est un pays de rêve — je n'exagère pas et je ne dis pas cela parce que je suis ici. Les Iraniens, y compris ceux qui vivent ici, disent que le Canada est une version améliorée des États-Unis, c'est-à-dire que les Canadiens ont accès aux mêmes progrès technologiques, entre autres, sans avoir les mêmes problèmes que les Américains. Pour les Iraniens, le Canada est très différent des États-Unis.
Les Iraniens ne détestent pas les États-Unis, loin de là. Il faut faire la distinction entre le discours révolutionnaire et la réalité de la population iranienne. En parlant aux Iraniens, y compris à ceux qui travaillent pour le gouvernement — et je parle à bon nombre d'entre eux — vous constaterez qu'en privé, ils cherchent à obtenir un visa pour venir au Canada ou pour envoyer leurs enfants aux États-Unis. Telle est la réalité en Iran. Le discours est une chose, mais la réalité en est une autre.
Ils considèrent le Canada comme un pays pacifique; un pays dont le climat est froid, de toute évidence, mais un endroit paisible où l'on peut vivre sa vie. Cela veut dire qu'ils n'approuvent pas les restrictions qui existent dans leur propre pays sur le plan de la moralité; je ne dis pas cela de manière péjorative, mais je parle des interventions policières contre les femmes et les jeunes hommes, entre autres.
Ce qu'ils veulent, c'est vivre en paix et en harmonie avec tout le monde. Au cours des prochains jours, 1,2 million d'Iraniens, qui viennent juste de finir leur secondaire, vont subir ce que l'on appelle en Iran un concours. C'est un genre de test, d'examen. Ils vont se soumettre à un examen pour être admis à l'université.
Les universités peuvent accepter environ 10 à 12 p. 100 de ces jeunes. Il y a donc 1,2 million de personnes qui souhaitent fréquenter l'université, mais qui n'ont pas toutes la chance d'y être admises, des gens qui veulent poursuivre des études et qui veulent, à mon avis, vivre dans la paix. Je parle ici de la majorité, pas de la totalité. Ces gens recherchent la paix, la prospérité et l'harmonie avec le reste du monde. Et c'est précisément ce que nous voyons ces jours-ci dans les rues en Iran. Ils dénoncent toutes sortes d'excès, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, commis par certains dirigeants iraniens.
Merci.
Merci, monsieur le président.
Monsieur Comras, je vous remercie de votre explication et de la liste détaillée des sanctions possibles que le Canada, le Japon ou d'autres pays pourraient prendre contre l'Iran. Vous avez également mentionné que les États-Unis ont épuisé presque toutes les possibilités en ce qui concerne les sanctions. Ils ont fait pratiquement tout ce qu'ils pouvaient faire. Quels sont les effets de ces sanctions?
Les sanctions américaines ont un impact, notamment sur les décisions prises par les conseils d'administration de sociétés implantées en Europe et ailleurs dans le monde, et sur la communauté financière internationale, qui se montre plus prudente à l'égard de l'Iran. Toutefois, cet impact, s'il est significatif, reste insuffisant, car il ne nous permet pas d'atteindre l'objectif visé, qui est de convaincre le régime iranien de ralentir, à tout le moins, sa marche vers le nucléaire, le développement de son programme d'enrichissement d'uranium.
Ces mesures constituent un modèle intéressant. Si d'autres pays acceptaient de les appliquer, nous arriverions peut-être à persuader l'Iran de se plier aux normes internationales.
Les sanctions exercent des pressions sur les autorités iraniennes, mais pas assez, selon vous. Qu'en est-il du citoyen iranien moyen? Est-ce qu'il blâme le gouvernement pour l'imposition des sanctions étrangères? Est-ce que cela l'incite à essayer de changer le régime?
Je ne le crois pas. La plupart des Iraniens savent que les politiques économiques désastreuses du gouvernement sont à l'origine de bon nombre des difficultés qu'ils éprouvent. Mentionnons, par exemple, l'augmentation du taux de chômage, le ralentissement économique. La production pétrolière est également considérée comme un facteur.
On ne peut pas dire que les sanctions sont responsables du marasme économique que connaît l'Iran. Elles ne sont pas assez punitives. Les sanctions américaines existent depuis tellement longtemps que leur mise en oeuvre, comme je l'ai mentionné, a été digérée. Le président Clinton a instauré tout un train de mesures en 1995. Depuis, l'Iran a réussi, dans presque tous les domaines, à pallier les difficultés causées par le manque de produits et de services en provenance des États-Unis. Elle a malheureusement également trouvé des moyens de contourner les sanctions. Les imprimantes Hewlett Packard, par exemple, sont très recherchées en Iran. Elles transitent par le Dubai. De nombreux produits américains continuent d'entrer en Iran par l'entremise de pays tiers.
Encore une fois, je ne crois pas que les sanctions américaines provoquent le genre d'impact que vous avez décrit.
Vous avez raison de dire qu'il est essentiel d'avoir recours à des moyens de pression pour faire avancer le dialogue. Il faut toujours avoir un plan B. Or, si les sanctions actuelles ne sont pas efficaces — et elles sont nombreuses, car les États-Unis, du fait qu'ils constituent un important partenaire commercial, peuvent exercer une influence énorme sur n'importe quel pays —, je me demande si des sanctions additionnelles venant de pays plus petits ne contribueraient pas à inciter le régime à changer.
Je me demande également si les électeurs n'attribuent pas leurs difficultés aux sanctions, et si des sanctions nouvelles n'augmenteraient pas le risque de soulèvement dans le pays.
Vous pouvez commenter ces points, si vous voulez. Par ailleurs, je voudrais savoir ce qui empêche l'Europe de prendre des sanctions contre l'Iran? Est-ce l'absence de volonté politique? L'existence de relations réciproques? Qu'est-ce qui l'empêche d'agir?
À mon avis, rien n'empêche l'Europe d'imposer des sanctions à l'Iran. Je sais que la question continue de faire l'objet de débats et de discussions. Le président Sarkozy et le premier ministre Brown ont tous deux indiqué que l'adoption de sanctions pourrait être nécessaire. Ils ont déjà essayé de convaincre leurs partenaires européens d'aller de l'avant avec celles-ci.
L'administration américaine précédente a cru, à un moment donné, que l'Europe allait agir dans ce dossier. Lorsque le rapport de la CIA a été rendu public, la communauté internationale a conclu, à tort, que l'Iran ne cherchait pas à développer une capacité nucléaire, ce qui a eu pour effet, sur le coup, d'ébranler la volonté politique de nombreux dirigeants européens. En fait, si l'Europe trouve difficile d'appliquer des sanctions, c'est parce qu'elle vit elle aussi une récession économique et que les sanctions nuisent non seulement à l'État visé par celles-ci, mais également aux entreprises européennes. Certains pays, comme l'Allemagne, l'Italie et l'Autriche, qui entretiennent d'importantes relations commerciales avec l'Iran, hésitent à exiger de leurs entreprises qu'elles coupent ces liens.
C'est normal.
Nous avons parlé brièvement de la situation démographique de l'Iran. D'après certaines données, 70 p. 100 des Iraniens ont moins de 30 ans. Près de la moitié des personnes qui vont voter demain ont également moins de 30 ans. Croyez-vous que les jeunes vont provoquer un revirement, qu'ils vont faire vivre à l'Iran une sorte de révolution tranquille s'ils commencent à exercer leur influence, s'ils ont des attentes différentes des gens plus âgés?
Je ne connais pas vraiment la situation politique interne de l'Iran. Toutefois, je suis un optimiste et je crois que les jeunes vont amener des changements, avec le temps. Je ne sais pas si cela va se produire de mon vivant.
À mon avis, cette élection ne modifiera pas de façon radicale les politiques iraniennes. Je doute que l'on assiste à un virage marqué dans la gestion du programme de l'enrichissement d'uranium, à une ouverture d'esprit. Nous devons attendre que des signaux soient lancés — et j'espère me tromper, mais jusqu'ici, aucun des deux candidats ne l'a fait —, des signaux qui indiquent qu'ils sont prêts ou disposés à entreprendre des discussions constructives et, à tout le moins, à suspendre les activités d'enrichissement d'uranium ou les programmes de développement de missiles.
M. Hassan-Yari, j'ai été un peu surpris de vous entendre dire que le dialogue entamé par les États-Unis avec l'Iran a pour effet de mettre les dirigeants sur la défensive. Je n'ai jamais entendu une chose pareille. Je me demande si vous avez d'autres preuves qui corroborent ce que vous dites, car je constate exactement le contraire. D'après tous les témoignages que nous avons entendus, cette apparence de dialogue leur permet de poursuivre leurs activités d'enrichissement, de gagner du temps, de continuer à faire ce qu'ils feraient autrement. L'Iran traite les pays étrangers comme des idiots puisqu'il accepte uniquement de dialoguer avec eux. Sur quoi vous fondez-vous pour dire que cette situation les met sur la défensive?
Merci d'avoir posé la question.
Avant d'entamer un dialogue, il faut établir un cadre de paramètres, car le but ici est non seulement de parler aux Iraniens, mais d'atteindre un objectif, étant donné qu'ils vont eux aussi chercher à obtenir quelque chose pour faire avancer le dossier.
Si vous analysez de près les discours des candidats — des trois candidats, si on laisse de côté Ahmadinejad, parce que nous connaissons tous sa position —, vous allez constater que les trois s'entendent sur la nécessité d'entreprendre des discussions sur la question nucléaire avec la communauté internationale. Tous les candidats, y compris Ahmadinejad, veulent maîtriser la technologie. Il s'agit, pour eux, d'un droit. D'après le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, c'est un droit. De nombreuses personnes, y compris M. Obama... En m'en venant ici, j'ai lu dans un journal que le sénateur Kerry est également en faveur du programme d'enrichissement lancé par l'Iran. Cela veut dire qu'il existe des droits, des obligations.
Il faut absolument engager avec l'Iran un dialogue très franc, très ouvert — et non secret, comme cela s'est déjà produit dans le passé —, un dialogue où nous pouvons discuter franchement de nos préoccupations, où les Iraniens peuvent exposer leurs inquiétudes. La discussion pourra se poursuivre sur ces bases.
Vous voulez savoir s'il existe des signes, des preuves tangibles qui démontrent qu'ils sont sur la défensive. Il y en a. On peut les trouver très facilement. Voilà pourquoi il est essentiel d'analyser leurs propos, leurs gestes. Prenons, par exemple, les discours prononcés par Khamenei durant le mandat de l'administration Bush. Chaque fois que George Bush disait quelque chose de positif — et il le faisait plutôt rarement —, Khamenei le rejetait immédiatement. Si vous comparez la position de Khamenei à celle d'Obama, vous allez voir qu'il se trouve dans une position très inconfortable. Par exemple, récemment, dans la ville de Mashhad, avant que la campagne n'atteigne une telle intensité, il anticipait déjà sur le discours qu'Obama allait prononcer au Caire. Il a dit qu'Obama s'exprimait bien, parce qu'il l'avait déjà entendu par le passé. Il avait saisi le message qu'Obama avait adressé aux Iraniens, lors du nouvel an iranien. Il a dit que ses paroles étaient encourageantes, agréables, mais qu'il fallait du concret.
Autrement dit, si vous comparez ces déclarations avec ce qu'il avait l'habitude de dire au sujet des présidents américains avant l'arrivée d'Obama, vous allez constater qu'il refusait carrément de dialoguer avec ces gens. Comme je l'ai déjà mentionné, il adorait entendre George Bush, Reagan et McCain parler de bombardements. Il n'attendait que cela.
Donc, leurs propos montrent clairement qu'ils se trouvent dans une situation très difficile. C'est évident.
Merci.
Je vous ai laissé poser des questions pendant sept minutes, et ensuite pendant un autre tour de cinq minutes. Je vais donc accepter une dernière question. Madame Mendes.
Merci beaucoup, monsieur le président.
[Français]
Professeur Hassan-Yari, j'aimerais vous poser une question sur la vulnérabilité des institutions iraniennes.
D'abord, pourquoi jugez-vous que les institutions sont vulnérables et comment pourrait-on s'assurer qu'elles soient un peu plus respectueuses des besoins de la population iranienne?
C'est une excellente question. Les institutions sont vulnérables, en effet. Songez que le Canada a pris plusieurs décennies, plusieurs siècles peut-être pour arriver à ce que nous avons aujourd'hui ici, dans la salle. Ce n'était pas le cas dès le départ.
Pour la France, pour les États-Unis et pour tous les pays, c'est la même chose. Je ne compare pas entièrement les choses, simplement sur le plan de la forme. Cela signifie que la réalité est ce qu'elle est. Quand je parle de la vulnérabilité des institutions iraniennes, je parle, par exemple, du Parlement élu librement. Quand les gens passent par le filtre du Conseil des gardiens de la Constitution, l'élection est libre.
Pourtant, le Parlement ne joue pas son rôle, à savoir le rôle qui lui est assigné par la population, c'est-à-dire de la représenter sur le plan du pouvoir. Par exemple, quant le sixième Parlement — ce que l'on appelle le Parlement réformateur — a pris le pouvoir, il y a quelques années, en 1997 ou 1998, le premier acte de ce Parlement a été la révision de la loi sur les médias. Le Parlement voulait éliminer la censure et les pressions sur les journalistes et les médias. Le jour même où le Parlement a commencé à en discuter, le leader Khamenei a écrit une lettre qui a immédiatement été lue par l'un des candidats actuels, M. Karoubi, qui était le président du Parlement à cette époque. La lettre était très claire. En une, deux ou trois phrases, Khamenei a demandé au Parlement de suspendre tout simplement le débat. Le Parlement a arrêté le débat. Cela allait à l'encontre de la Constitution iranienne. M. Karoubi a dit que, comme c'était un décret de l'État, il fallait suspendre le débat. Il a suspendu le débat au grand dam des députés qui n'étaient pas contents du tout. D'ailleurs, cette question continue de hanter M. Karoubi au cours de la campagne électorale actuelle. Certains individus sont donc vulnérables au sein du Parlement, pour avoir arrêté un mouvement tout à fait démocratique et légitime.
En ce qui concerne la photographe canadienne Kazemi qui a été assassinée dans une prison iranienne, croyez-vous que la vulnérabilité des institutions légales, dont les tribunaux, a quelque chose à voir avec l'impunité dont ont bénéficié les coupables et surtout avec l'outrage commis par l'État iranien relativement à un acte commis contre une citoyenne canadienne? La vulnérabilité de vos institutions va-t-elle aussi loin que cela?
L'Iran ne reconnaît pas la double nationalité. Je suis canadien et iranien. Dès que je mets le pied en territoire iranien, j'arrête d'être canadien. C'est pourquoi Mme Kazemi, selon la loi iranienne, était une citoyenne iranienne et non canadienne. Je suis très content que vous ayez posé la question parce que ça illustre ce que j'essaie de dire, c'est-à-dire que le pouvoir n'est pas homogène, il est diffus.
L'assassinat de Mme Kazemi a fait l'objet d'une enquête par le gouvernement de Khatami, quand il était président. Je n'utilise pas le mot « assassinat » parce que je suis ici; je l'ai également utilisé à Téhéran. M. Khatami a constitué une commission d'enquête, qui a finalement trouvé que Mme Kazemi avait été tuée dans la prison et que quelqu'un en était responsable. Le gouvernement de l'époque a demandé au pouvoir judiciaire de trouver le coupable.
Le pouvoir exécutif a fait son travail et a donné le rapport à l'autre pouvoir pour qu'il fasse son travail. L'autre pouvoir n'a pas fait son travail pour la simple raison que la personne qui a été accusée ou soupçonnée d'être l'assassin était M. Mortazavi, un jeune juge qui voulait d'ailleurs venir étudier au Canada. Apparemment, c'est lui qui allait être accusé ou, disons, traîné devant les tribunaux. Comme ce dernier a apparemment l'oreille du leader et est protégé ou appuyé par lui, ultimement, ça pourrait remettre en question le leader.
Comprenez-vous ce que j'essaie de dire? En Iran, il y a ce qu'on appelle des lignes rouges qu'on ne peut pas franchir. Ça, c'était une ligne rouge. N'importe quel Iranien, qu'il soit contre ou pour le régime, vous dira que ce que M. Khatami a fait démontre clairement ce que j'essaie de dire, c'est-à-dire la vulnérabilité des institutions. La bonne nouvelle, c'est qu'étant donné que le pouvoir n'est pas homogène mais hétérogène, il se dénonce de l'intérieur. Évidemment, M. Khatami n'était pas en mesure de redonner la vie à Mme Kazemi, sauf que sa mort n'est pas passée inaperçue.
[Traduction]
Merci beaucoup.
M. Sweet me signale qu'il aimerait poser une question. Est-ce que le comité est d'accord?
Allez-y, monsieur Sweet.
Merci, monsieur le président.
Nous avons eu l'occasion d'entendre M. Hassan-Yari commenter les propos de M. Comras concernant les sanctions. J'ai pensé que M. Comras pourrait nous dire, en guise de conclusion, ce qu'il pense du témoignage de M. Hassan-Yari, étant donné qu'il n'a pas du tout le même point de vue que M. Comras.
Merci.
Si je me fie à ce que j'ai entendu, pour venir à bout des problèmes sérieux que pose l'Iran — les menaces à la paix et à la sécurité internationales, les menaces envers Israël, le programme d'armes nucléaires —, nous devrions uniquement compter sur la bonne volonté du peuple iranien de limiter le pouvoir d'action du gouvernement, de l'empêcher de poursuivre ses politiques. Par ailleurs, si le pays se dote d'armes nucléaires ou développe une capacité nucléaire, la bonne volonté du peuple iranien va contribuer à freiner le gouvernement, à éviter qu'il menace la paix et la sécurité internationales. Franchement, cet argument ne tient pas.
Les sanctions nuisent aux gens, influencent les politiques gouvernementales. Il arrive parfois que les gens souffrent, et il s'agit là d'une conséquence imprévue et, parfois, très tragique. Quelqu'un a dit que 500 000 enfants sont morts en Irak. De nombreux enfants sont morts en Irak. Toutefois, ils sont morts à cause non pas des sanctions, mais des gestes de Saddam Hussein, de la façon dont il a réagi aux sanctions. D'après le rapport Ahtisaari, les services humanitaires, les denrées alimentaires, les produits destinés à la population civile, l'équipement médical, tout a toujours été disponible en Irak. Or, l'Irak a préféré utiliser les fonds distribués dans le cadre du programme pétrole contre nourriture non pas pour venir en aide à ses habitants, mais pour construire des palais, se réarmer en cachette, se refortifier dans certains domaines. Donc, ce sont non pas les sanctions, mais la réaction de Saddam Hussein à celles-ci, qui sont à l'origine du problème.
Mais les sanctions causent du tort. Elles exercent des pressions sur les gens, les institutions. Elles doivent être appliquées de manière judicieuse, et il est possible de le faire si l'on veut neutraliser les entités, les principaux défenseurs, les bailleurs de fonds, du régime. Parallèlement, les sanctions peuvent servir à convaincre les citoyens que le régime ne défend pas leurs intérêts, qu'ils doivent faire plus.
Je pense que la situation iranienne se rapproche davantage de celle qu'a vécue la Serbie. La Serbie avait un leader, M. Milosevic. Toutefois, certaines institutions démocratiques et personnes ont été durement touchées par les sanctions, et c'est ce qui les a poussées à se débarrasser de M. Milosevic, de l'envoyer à La Haye.
Je pense que les pressions exercées par la population et la menace ressentie par les dirigeants — en ciblant le régime lui-même et en encourageant la population à accentuer les pressions sur celui-ci — vont être perçues comme un facteur de risque et inciter le régime à reconnaître le fait qu'il doit modifier ses politiques. Nous ne pouvons nous permettre d'attendre que la nouvelle génération d'Iraniens — et peut-être la prochaine — parvienne à l'âge adulte et finisse par influencer la situation. Trop de crises graves auront vu le jour pendant cette période.
Merci.
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