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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 024 
l
2e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 9 juin 2009

[Enregistrement électronique]

(1255)

[Traduction]

    Je vous souhaite la bienvenue à la 24séance du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. Nous sommes aujourd'hui réunis pour entendre le témoignage de Roya Boroumand, directrice générale de la Abdorrahman Boroumand Foundation.
    Nous allons réserver quelques minutes à la fin de l'exposé de notre invitée pour planifier nos travaux futurs et décider si nous voulons entendre d'autres témoins sur l'Iran.
    Sans plus tarder, je cède maintenant la parole à Mme Boroumand.
    Je vous remercie de l'invitation à comparaître.
    Je vais d'abord commencer par un bref exposé, après quoi je serai à votre disposition pour répondre à vos questions.
    Il y a 30 ans, un régime fondé sur la négation des droits de la personne s'est installé en Iran. La République islamique d'Iran s'est consolidée par la mort de plusieurs milliers de personnes. La longue liste de dizaines de milliers de victimes rapportées prouve que la violence systématique n'a épargné aucun groupe social, politique, ethnique ou religieux — élèves du secondaire, étudiants universitaires, enseignants, femmes au foyer, généraux, membres du clergé, policiers ordinaires, sunnites, chiites, musulmans convertis à une autre religion, bahá'ís, chrétiens, zoroastriens, juifs, Kurdes, Turkmènes, Azerbaïdjanais, Français, Argentins, et ainsi de suite. Même le traducteur japonais de l'auteur Salman Rushdie n'a pas été épargné; il a été poignardé dans son université au Japon. Le régime de terreur instauré en Iran vise à réduire au silence toute dissidence, tant au pays qu'à l'étranger, et à continuer de projeter une image de dirigeants vivant en parfaite harmonie avec leur peuple.
    L'Iran est également un acteur régional important depuis trois décennies. Tout récemment, les ambitions nucléaires du pays ont été au coeur des préoccupations de la communauté internationale. Or, le nombre record des violations des droits de la personne fait rarement les manchettes. De la même manière, le gouvernement iranien a réussi à empêcher la communauté internationale de venir en aide aux défenseurs des droits de la personne et aux mouvements de lutte pour la démocratie en détournant l'attention des gouvernements des questions relatives aux droits de la personne. Qui plus est, en usant de menaces, de violence, de poursuites judiciaires et d'emprisonnements, il a également empêché beaucoup d'Iraniens d'avoir recours à l'aide de la communauté internationale, et ce, en toute confiance, persuadé qu'il y aurait peu de conséquences et que ces actes n'attireraient l'attention que pour une courte durée, tout au plus.
    Vu la détérioration de la situation et l'intensification des violences, l'avenir s'annonce sombre. En fait, au cours des dernières années, le nombre d'exécutions a atteint des sommets records. De fait, notre organisation en a recensé 468 en 2007, 381 en 2008 et 195 jusqu'à maintenant en 2009. À ce nombre s'ajoutent environ 400 morts en 2007, 300 en 2008 et 101 jusqu'à maintenant en 2009, victimes de fusillades, de heurts avec les forces de sécurité et de circonstances très suspectes.
    La situation des étudiants n'est pas beaucoup plus optimiste. En 2007, on comptait plus de 600 sommations à comparaître devant les tribunaux ou les comités de discipline universitaires. Elles visaient les étudiants qui avaient exercé leur liberté d'expression en formulant, en exposant ou en déposant des griefs. Jusqu'à présent, cette année, il y a eu 155 arrestations, 26 sommations à comparaître et 17 cas d'emprisonnement. Dans les universités, on compte 164 sommations, 76 expulsions et 70 suspensions.
    C'est un portrait plutôt sombre, mais il y a également beaucoup d'indicateurs positifs. Au cours des dernières décennies, on observe un intérêt croissant à l'égard des droits de la personne au sein d'une société civile dynamique. La société civile à l'extérieur de l'Iran, les gouvernements dont la politique étrangère intègre les droits de la personne et les médias peuvent contribuer à rendre le changement durable.
    Les leaders de la République islamique, grâce à une stratégie qui a fait ses preuves depuis longtemps, ont exporté leurs idées et ont mis sur pied une base politique et économique à l'extérieur du pays où le manque de légitimité est moins évident. Les réussites et les échecs de l'Iran ont un impact au-delà de ses frontières. Par conséquent, la communauté internationale ne devrait pas exclure de son programme la promotion des droits de la personne en Iran. Au contraire, il lui faut se concentrer sur les détails qui permettent une meilleure compréhension de la structure des violations des droits de la personne et une analyse plus précise.
(1300)
    Par exemple, beaucoup d'entre vous sont au courant de l'arrestation et de la libération de la journaliste irano-américaine Roxana Saberi. Or, la plupart d'entre vous n’ont probablement jamais entendu parler de Dana Boyasi, une militante pour les droits de la femme d’origine kurde, arrêtée au Kurdistan, ou encore de Mohammad Pourabdullah, l’un des 70 étudiants arrêtés en mars dernier après avoir protesté contre l'inhumation de martyrs de guerre dans la cour de son université. Ce jeune étudiant est toujours au cachot et l’on rapporte qu’il a été battu et qu’il est en mauvaise santé. Un autre étudiant, Behrouz Javid Tehrani, a quant à lui été arrêté lors des manifestations étudiantes de 1999. Oublié, il croupit en prison en très mauvaise santé.
    Vous avez peut-être aussi entendu parler de la fermeture du bureau de la Nobel de la paix Shirin Ebadi. Or, ce que vous ne savez probablement pas, c’est que Mme Ebadi et les avocats de son ONG siégeaient à un comité promouvant la tenue d’élections légitimes, libres et justes. Le comité a réclamé des réformes électorales en novembre 2008 en soulignant que les lois et les pratiques iraniennes n’étaient pas conformes aux normes internationales. La réaction particulière du gouvernement en ce qui concerne les détracteurs des lois électorales ou les partisans d’un boycottage des élections ne retient pas toujours l'attention qu'elle mérite. C'est pourquoi peu de personnes savent que le jeune Kurde qui a été tué par les forces de sécurité, Shivan Qaderi, avait activement encouragé le boycottage des élections présidentielles de 2005. De même, on mentionne rarement les notes que reçoivent les étudiants punis pour avoir critiqué les lois électorales ou réclamé des boycottages ou un référendum sur la constitution, et l'on intervient encore moins.
    De la même manière, il est rare que l’on parle des lois sur les partis politiques, adoptées en 1981, qui ont exclu de la vie politique du pays une écrasante majorité des Iraniens. Abas Khorsandi, militant politique, purge actuellement une peine de neuf ans pour avoir créé le Parti démocratique de l'Iran, qui respecte en tous points la Déclaration universelle des droits de l'homme. Son seul crime est d'avoir créé un parti politique illégal.
    Il existe de nombreux autres exemples qui pourraient aider à comprendre comment se déroule la répression en Iran. L'exécution, l'été dernier, de Yaqoub Mehr-Nahad, un jeune militant qui avait créé une association dans le Baloutchistan pour la discrimination et la responsabilisation, en est un triste exemple. De même, son frère de 15 ans, Ibrahim, purge actuellement une peine de cinq ans de prison pour avoir tenté de faire connaître l’affaire de son frère.
    Les autorités de la République islamique agissent avec impunité et ne tolèrent aucune tentative visant à les obliger à rendre des comptes. Les activités concernant les droits des femmes, qui ont déjà été tolérées et étaient donc mieux connues à l’extérieur de l'Iran, mènent aujourd'hui à des poursuites judiciaires et à des peines d’emprisonnement. Ce genre de répressions sont souvent attribuées au président Ahmadinejad plutôt qu’à la société civile, ce que tente de dissimuler le gouvernement en criminalisant les activités des défenseurs des droits de la personne, des journalistes et des universitaires.
    La criminalisation des opinions divergentes et les aveux obtenus sous la coercition ne sont pas de nouveaux concepts dans la République islamique. Dès le début, le nouveau leadership révolutionnaire a éliminé les dissidents, les accusant d'être des espions ou des agents de puissances étrangères. Il a poussé l'absurdité jusqu’à prétendre que les marxistes-léninistes iraniens étaient des cellules américaines. Actuellement, les défenseurs des droits de la personne sont accusés d'actes perpétrés contre la sécurité nationale et de propagande contre la République islamique s'ils osent communiquer des renseignements aux pays étrangers. Cette attitude révèle que le gouvernement craint que des Iraniens de la classe non dirigeante tentent d’organiser et de promouvoir des idées et des modifications juridiques qui remettent en question la légitimité des grands principes de la République islamique.
    Pour éviter la circulation de l'information, les autorités isolent les défenseurs des droits de la personne, les journalistes et les dissidents ou les forcent à quitter le pays. En exil, ces porte-parole manquent souvent des ressources financières et des compétences linguistiques nécessaires pour poursuivre efficacement leurs activités. Le gouvernement peut facilement les accuser de collaboration avec les puissances étrangères et ainsi rendre la coopération et les communications risquées pour leurs alliés en Iran. La communauté internationale, si elle s’y intéresse le moindrement, délaisse alors rapidement ces activistes. La plupart d'entre eux — donc la plupart d'entre nous — deviennent alors inutiles aux yeux de ceux qui s'intéressent à l'Iran.
(1305)
    Le gouvernement a également réussi à détourner le regard de la communauté internationale au moyen de son programme nucléaire. En septembre dernier, par exemple, le président Ahmadinejad a fortement gagné en visibilité à New York, sans que d'autres points de vue soient présentés au public américain. Ahmadinejad est retourné en Iran en se vantant que les médias le suppliaient de leur accorder des entrevues et que l’on a couvert le gouvernement iranien d’éloges pour avoir inclus le peuple iranien dans ses projets.
    Au cours des dernières années, la communauté internationale n'a pas suffisamment gardé l'Iran dans le collimateur, en mettant l'accent sur trop peu de questions et en négligeant parfois les définitions et les principes. On ne s'est pas suffisamment intéressé aux détails, aux lois et aux discours en Iran, sauf dans quelques rapports sur les droits de la personne produits irrégulièrement. Les partisans de la réforme à l'extérieur de l'Iran ont accordé peu d'attention aux incohérences du gouvernement du président Khatami et n'ont donc pas prévu l'échec du mouvement réformiste.
    Dans un contexte où la violence et la militarisation augmentent, la situation semble désespérée. Les experts parlent souvent de l'apathie des Iraniens, mais elle ne peut guère justifier à elle seule la hausse du nombre d'arrestations et de poursuites, ce qui augure bien. Il y a donc de nombreux indicateurs positifs. Les défenseurs des droits de la personne revendiquent maintenant les droits de la personne et les valeurs universelles plus souvent et plus systématiquement que dans les années 1960 ou 1970. En fait, à cette époque, ils étaient peu nombreux.
    Face à la répression gouvernementale, les jeunes Iraniens ne sont pas tentés par les idéologies radicales ou la résistance armée. Ils rejettent pour la plupart la violence et cherchent d'autres moyens pour changer les choses. La campagne One Million Signatures illustre très bien cet effort, de même que divers mouvements étudiants. Mehr-Nahad est un autre exemple. Dans une région en proie à la violence comme le Baloutchistan, son organisation exige de manière non violente un terme à la discrimination et une reddition de comptes.
    L'autre indicateur positif a trait aux Iraniens ordinaires, qui sont plus accessibles et plus réceptifs relativement aux droits de la personne. La participation massive aux élections de 1997 et l'attention que l’on accorde maintenant aux candidats réformistes sont liées à ce qu’a dit Khatami dans sa campagne. Je vous rappelle qu’actuellement, les candidats qui intègrent les droits de la personne à leurs discours et à leur campagne retiennent bien l'attention du public.
    La technologie moderne est un facteur favorable, puisqu’elle permet de rejoindre le peuple iranien et de lui donner les moyens d'accéder au monde extérieur. Le gouvernement iranien ne peut pas se permettre de se débarrasser complètement d’Internet, ce qui isolerait les entreprises et les universités. Les jeunes Iraniens sont des cyberfutés qui réussissent à contourner les obstacles mis en place par le gouvernement, dont le filtrage.
    Un autre indicateur positif est la République islamique comme telle. De fait, elle n'a jamais écarté totalement les droits de la personne. Bien que les leaders aient rejeté ces droits sous prétexte qu'il s'agit d’une conspiration occidentale, ils n'ont pas pour autant répudié les conventions ratifiées par le Parlement iranien avant la révolution. Ils ont souvent interdit la venue d’observateurs chargés de surveiller les droits de la personne, mais ils en ont néanmoins retenu l'appellation en créant la Commission islamique des droits de l’homme et une direction générale des droits de la personne au sein de l’appareil judiciaire, par exemple. Les leaders iraniens parlent des droits et libertés lorsqu'ils voyagent à l’étranger et ils essaient de projeter une image d'harmonie avec le peuple, d'où leur aversion pour la diffusion des violations des droits de la personne.
    La surveillance des droits de la personne a un effet dissuasif. Il n'est donc pas surprenant d'entendre des déclarations comme la suivante : « Nous ne coupons pas les mains des voleurs en Iran parce que lorsque nous le faisons, nous devenons la cible des discussions sur les droits de la personne à l’étranger. » Ce sont là les propos du porte-parole du chef spirituel de Chiraz, qui a également affirmé avoir l’espoir que cette pratique soit autorisée un jour partout dans le monde.
(1310)
    L'ambiguïté qui caractérise l'attitude de l'Iran à l'égard des droits de la personne ouvre une voie, étroite toutefois, au progrès. Cependant, tout ce qui vient d'être énuméré ne suffit pas, au vu des tentatives de criminalisation, par le gouvernement, des actions visant à organiser et à promouvoir les droits de la personne. La négation de la liberté d'expression et, plus important encore, les campagnes contre les valeurs universelles sont également des obstacles sérieux que les Iraniens ne peuvent pas vaincre sans l'appui de la communauté internationale.
    Je profite de votre attention pour oser formuler quelques recommandations sur la façon dont vous et la communauté internationale pourriez aider à faire progresser les droits de la personne en Iran. Bien entendu, comme historienne, j'aspire toujours à la constance et à l'esprit de suite. Grâce à des programmes à long terme, qui n'excluraient personne, on devrait pouvoir appuyer le travail des défenseurs des droits de la personne. On devrait se concentrer sur les militants moins bien connus, qui travaillent dans des régions plus isolées et plus difficiles et dont le travail de promotion des droits de la personne est le plus périlleux. Dénoncez les mesures de répression et faites connaître les causes exactes qui les ont déclenchées. Intéressez-vous au cas des militants tant qu'ils sont en prison. Enquêtez sur les lois et les pratiques qui excluent la majorité des Iraniens et insistez sur l'impunité des forces de sécurité.
    Bien sûr, si vous nous connaissez mieux, votre travail de promotion des droits de la personne s'améliorera également. Si vous formez des traducteurs capables de lire le farsi et de dépouiller les journaux et les rapports iraniens, vous ne dépendrez pas exclusivement de nous comme source d'information et votre travail s'améliorera.
    Soyez fidèles à vos valeurs. Les Iraniens qui font la promotion des valeurs universelles comptent sur votre appui. Leur lutte est neutralisée et leur moral miné s'ils ont l'impression que la communauté des défenseurs des droits de la personne et les démocraties ne font pas respecter les normes internationales. Nous avons les mêmes droits et les mêmes besoins. Insistez, par exemple, sur la liberté d'association et d'expression. Plus important encore, combattez la propagande du gouvernement et donnez le ton. La République islamique ne respecte pas souvent les règles. Les défenseurs des droits de la personne ont besoin de tout votre appui moral et financier, d'où la nécessité de combattre la propagande du gouvernement concernant l'appui étranger aux militants des droits de la personne. Plutôt que de vous défendre des accusations de vouloir provoquer des révolutions de velours et des changements de régime, transportez le débat sur les motifs pour lesquels l'Iran arrête les militants. Concentrez-vous sur les lois concernant le droit de créer des associations et de propager les idées et concernant les partis politiques et les élections. Insistez sur les Iraniens exclus, y compris les musulmans pratiquants. Rappelez à la République islamique que les motifs qu'elle invoque pour justifier l'arrestation d'un défenseur des droits de la personne n'ont rien à voir avec des activités criminelles, mais qu'ils visent plutôt à masquer le bilan honteux de l'État et à boucher les yeux du peuple iranien. Ne laissez pas l'initiative à la République islamique sur ce que la communauté internationale a le droit d'appuyer ou de ne pas appuyer.
    Enfin, faites en sorte que nous restions pertinents. La communauté internationale devrait dissuader le gouvernement de pousser les défenseurs des droits de la personne et les journalistes à s'exiler, en maintenant la pertinence de ceux qui partent. À cette fin, vous pouvez leur donner les moyens nécessaires pour qu'ils continuent leur travail efficacement à l'étranger et qu'ils rendent la politique gouvernementale trop coûteuse. En faisant en sorte que nous restions pertinents, vous nous aiderez aussi à être plus efficaces.
    Je m'arrête ici. J'espère que cette entrée en matière suscitera des questions de votre part.
(1315)
    Merci beaucoup.
    Passons maintenant aux questions, en commençant par les libéraux. Je ne vous accorde qu'une série d'interventions, vu le manque de temps. J'en profite pour demander à notre témoin de bien vouloir nous en excuser. Un vote imprévu à la Chambre des communes nous a retardés.
    De toute façon, une série de questions, sept minutes par intervention.
    Professeur Cotler.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie le témoin, Mme Boroumand, de s'être présentée aujourd'hui et de nous avoir parlé, dans son important témoignage, des nombreuses violations des droits de la personne en Iran et de l'augmentation du nombre d'arrestations, de poursuites et d'exécutions. Je pense qu'il nous arrive de fermer les yeux sur la criminalisation des divergences d'opinions et la criminalisation de l'innocence ainsi que sur l'impunité dont jouissent les responsables. Vous avez aussi décrit un autre problème, que j'estime souvent passé sous silence, c'est-à-dire le caractère manipulateur des dirigeants iraniens qui s'emploient à favoriser la marginalisation, l'exclusion et même l'incitation à partir en exil de militants qui perdront ainsi leurs espoirs et cesseront d'être pertinents.
    Je pense également qu'il était important que vous décriviez certains signes encourageants qui sont fondamentaux : les voix qui commencent à se faire entendre, les techniques de communication et le fait que l'Iran est partie à des conventions internationales qui prônent le respect des droits de la personne. Nous devrions invoquer tous ces éléments pour obliger les dirigeants iraniens à rendre des comptes.
    Certaines de ces voix ont été entendues — comme jamais auparavant, diront certains — au cours de la semaine ayant précédé les élections iraniennes. Prévoyez-vous des changements, vu le nombre limité de candidats autorisés, et ces candidats partagent-ils une idéologie de base? Bref, cela change-t-il quelque chose si Ahmadinejad est défait et que quelqu'un comme Moussavi le remplace?
    Il est très difficile de répondre à cette question. Je pense que peu de différences séparent les candidats et que ces différences sont, d'après notre expérience, reliées au quotidien du peuple iranien. L'appui massif qu'a reçu le président Khatami aux élections de 1997 a mené à l'abstention de ses partisans aux élections présidentielles de 2005. En effet, le système juridique iranien n'autorise pas une réforme en profondeur des lois, et la constitution elle-même n'autorise pas sa propre réforme ou, du moins, des principaux éléments de sa doctrine qui empêchent l'ouverture de la scène politique iranienne.
    Tous les candidats dont nous parlons sont des révolutionnaires de la première génération. Ils ont un passé lourdement chargé. Dans les années 1980, M. Moussavi a été premier ministre pendant sept ans. Pendant qu'il a exercé le pouvoir, des milliers d'Iraniens — entre 14 ou 15 000 et 26 ou 27 000 — ont été exécutés pour des motifs politiques. Vers la fin de son mandat, en 1988, on relève un massacre de prisonniers qui avaient été condamnés à diverses peines. Certains, qui avaient purgé leur sentence, n'avaient pas été libérés parce qu'ils ne s'étaient pas repentis. Une délégation a visité les prisons, ce qui a entraîné la pendaison de quatre ou cinq autres prisonniers en quelques semaines.
    Ce n'est pas rien. C'est pourquoi je pense qu'aucun des candidats ne fait campagne pour une réforme ou des modifications de fond de la loi. À moins qu'une campagne ne porte sur une réforme de la loi qui s'appliquerait à rendre moins vague la constitution et à en exclure les références à des critères islamiques flous et qu'on ne s'emploie à séparer la religion et l'État, nous nous trouverons dans une impasse juridique.
(1320)
    Merci.
    Il vous reste encore quelques minutes, monsieur Cotler.
    Vous avez aussi formulé d'importantes recommandations à notre intention, notamment mettre sur pied un programme à long terme pour aider les défenseurs des droits de la personne, enquêter sur les lois et les pratiques ainsi que sur l'impunité des forces de sécurité, notamment, et insister sur les valeurs universelles et la liberté d'expression. Que pourraient faire plus particulièrement un groupe de parlementaires? Leur serait-il utile de chercher à mobiliser leurs homologues en Iran? Comment au juste notre travail sur les droits de la personne pourrait-il avoir un plus grand impact?
    Je pense que toute discussion sur les droits de la personne est fructueuse. Selon les interlocuteurs, elle peut avoir des effets considérables.
    Ce sera le cas si vos interlocuteurs constatent que vous possédez bien le sujet, que vous ne paraphrasez pas simplement le New York Times ni des rapports venant d'Iran, mais que vous connaissez exactement la nature des problèmes juridiques. S'ils prétendent que le président iranien est élu démocratiquement, vous pouvez le nier et, peu importe les rapports que vous entretenez avec les dirigeants iraniens, ils savent que vous savez qu'ils ne sont pas élus démocratiquement.
    Il est important de procéder de la sorte. C'est pourquoi je vous enjoins à insister sur vos valeurs, à ne pas être tolérants sur les définitions et les principes, parce que, sinon, ils ne seront pas enclins à changer. S'ils pensent que vous croyez qu'ils sont démocratiquement élus, ils n'auront aucune raison de changer les lois sur les partis politiques.
    Il reste 30 secondes.
    Encore une petite question.
    Madame Boroumand, serait-il juste de dire que l'Iran est un régime autoritaire ou même, comme certains l'ont affirmé, totalitaire?
    Le régime est certainement autoritaire. Totalitaire, par définition, oui, mais davantage dans les années 1980. L'approche est désormais différente, bien que l'idéologie demeure totalitaire. C'est pourquoi les dirigeants iraniens n'apprécient pas tellement que l'on cherche à obtenir de l'information sur leurs désaccords avec la société.
    Ils cherchent à vous faire croire que les Iraniens forment un bloc monolithique quant à leurs volontés, à leur soutien à la puissance nucléaire, à leur bellicosité et à leur compréhension de la politique étrangère de leur gouvernement. En vérité, les Iraniens n'ont rien à dire dans le choix de cette politique, et certains d'entre eux se sont à maintes reprises montrés inquiets de l'emploi de la violence par leur gouvernement à l'extérieur de l'Iran.
    Il existe même un débat sur la puissance ou l'énergie nucléaire. Le Bureau pour le renforcement de l'unité, qui chapeaute les associations étudiantes, a publié un communiqué dans lequel il se dit très préoccupé par les ambitions nucléaires du gouvernement, qui attirent trop d'hostilité contre le pays à l'étranger et qui n'en vaut pas la peine ou est contraire aux intérêts nationaux de l'Iran. Cependant, les déclarations de cette nature ne rencontrent jamais d'audience, parce que le gouvernement ne le veut pas.
    Vous pourriez donc, entre autres choses, donner une voix aux sans-voix.
(1325)
    Merci.
    Madame Thi Lac, s'il vous plaît.

[Français]

    Bonjour, madame. Merci d'être là pour témoigner devant nous aujourd'hui. Notre horaire a été un peu bousculé, aujourd'hui. Nous serons donc concis dans nos interventions, puisque le temps nous est compté. Malheureusement, je vais devoir quitter après mon tour de questions, puisque je dois prendre la parole à la Chambre à 14 heures.
    Vous avez parlé de détention abusive, de violation des droits civiques des citoyens en Iran, d'exécutions qui résultaient de la criminalisation des défenseurs des droits de la personne, ce qui va à l'encontre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ratifié par le gouvernement iranien.
    J'entendais mon confrère M. Cotler parler de l'impunité permise par le gouvernement par rapport à ces situations. Je vous dirais que je pense que ça va encore plus loin que l'impunité.
    On sait qu'il y aura un scrutin le 12 juin prochain. Croyez-vous que les citoyens vont se présenter aux urnes de façon volontaire. Comment, selon vous, va se dérouler le vote? Certains citoyens pourraient-ils subir des pressions?
    Ce que les citoyens iraniens vont faire est toujours une surprise. Les Iraniens ont l'art de surprendre les analystes. Toutefois, il y a un grand effort pour les attirer aux urnes, en particulier avec l'idée que le président Ahmadinejad ne soit pas réélu. Il y a eu aussi, durant toutes ces décennies, un grand effort pour faire peur aux gens qui ne votent pas. C'est pourquoi les gens qui font la promotion du boycott des élections sont généralement mis en prison pour acte contre la sécurité nationale.
    Par exemple, chaque fois que vous votez, la dernière page de votre carte d'identité est tamponnée. Quand vous allez vous présenter pour un emploi, quand vous voulez un certificat de commerce, quand vous voulez être employé par une organisation étatique ou para-étatique, on vous demande toutes les pages de votre carte d'identité, y compris cette page-là. Quand vous voulez passer un examen pour l'université, on vous demande cette page, mais quand vous voulez passer votre permis, on ne vous la demande pas. Il y a un sous-entendu qui vous dit que si vous ne votez pas, ce sera su.
    À mon avis, ils ne peuvent pas faire quelque chose contre 50 millions d'Iraniens, mais il y a énormément de gens qui vont aux urnes par peur, pour ne pas se créer d'ennuis, si vous voulez. Vont-ils partir? Je pense qu'ils sont plus attentifs à la campagne des candidats qu'il y a un mois. Je pense donc que plus de gens iront voter qu'en 2005.
    Quand vous parlez de surprise et de défier ce que les analystes peuvent avoir prédit, quel serait selon vous le plus grand changement qui pourrait être apporté en matière de droits de la personne, à la suite de cette élection?
(1330)
    Aucun des candidats ne fait une campagne très sérieuse pour le changement, la réforme des législations. On parle des droits de l'homme, des droits des prisonniers. Les candidats font référence au fait que les gens ne devraient pas être en prison.
    J'ai une expérience de 30 ans. Ce n'est pas le cas des jeunes Iraniens qui n'ont pas vécu les années 1960, etc. Pour moi, être enthousiaste en pensant qu'il y aura de grands changements, c'est difficile. Je pense qu'il y aura peut-être de petites différences quant à la liberté d'expression et aux libertés privées au niveau de la rue, de l'université, mais je ne crois pas qu'il y aura de grands changements, parce que cela ne peut pas se produire sans l'accord du Conseil des gardiens. Or, les membres de ce conseil sont nommés soit par le guide spirituel lui-même, soit par le chef de l'appareil judiciaire, qui lui-même est nommé par le guide suprême. C'est donc un système bloqué. D'ailleurs, l'assistant du ministre de l'Intérieur qui organise les élections a dit dans une interview, il y a quelque temps, que pour eux, peu importe qui gagne les élections, puisque les candidats ont été sélectionnés parmi des insiders du régime, c'est-à-dire des amis du régime, donc ils n'ont aucune crainte. Pour moi, tant qu'il n'y a pas une campagne ouverte contre le droit de veto du guide spirituel et la séparation de la religion et de l'État, qui cause ce problème que nous avons, il n'y aura pas grand changement.
    Vous avez parlé tout à l'heure de condamnations de citoyens iraniens qui avaient mis sur pied des partis politiques. On sait qu'il y en a qui sont emprisonnés présentement. Sont-ils emprisonnés jusqu'au scrutin ou s'agit-il de peines...?
    Ils sont emprisonnés pour neuf ans. Le parti de M. Khorsandi a été créé récemment et n'existait que sur Internet. Maintenant, plusieurs membres sont en Norvège, en Suède. Ce sont des réfugiés politiques. La peine est de neuf ans de prison. Il y a eu un autre monsieur qui est mort récemment parce qu'il était malade et qu'il n'a pas eu suffisamment de soins. Il avait aussi écopé de quatre ans. M. Tabarzadi, qui était un partisan virulent du régime et qui, finalement, a changé de bord et créé une coalition démocratique qui incluait des étudiants, des commerçants et un peu de tout, a fait beaucoup d'années de prison aussi. Maintenant, il parle mais il ne fait rien. En fait, c'est impossible puisque la loi ne permet aucun regroupement politique, aucune organisation politique qui n'est pas loyale aux objectifs de la république islamique et qui n'adopte pas les principes de la république islamique. Par conséquent, c'est impossible, en vertu de la loi, d'avoir un parti politique sur la base de la Déclaration universelle des droits de l'homme.
    Merci.

[Traduction]

    Monsieur Marston, vous êtes le prochain intervenant.
    Merci, monsieur le président.
    Je prie notre invitée de bien vouloir m'excuser aussi. J'ai été la dernière personne à me présenter dans la salle, parce que ma sortie du vote a été retardée.
    Je suis plutôt d'accord avec la partie de votre témoignage dans laquelle vous dites comment le Canada doit se joindre à la communauté internationale et, d'une voix puissante, prendre à partie, sur les tribunes internationales, les atteintes aux droits de la personne en Iran. Vous avez parlé d'impunité, et, dans ce comité, nous avons maintes fois entendu parler de pays sud-américains ou d'autres pays qui semblent avoir un régime totalitaire...
    J'ai écouté votre témoignage sur les élections iraniennes et sur l'éventuelle défaite de M. Ahmadinejad. J'aimerais savoir une chose. Un candidat du nom de Khatami se serait désisté en faveur de l'aspirant actuel. Je vous poserai quelques questions, libre à vous d'y répondre. Quelle serait la manoeuvre politique derrière ce désistement? Est-il symptomatique d'un problème?
    Les trois dirigeants suprêmes, avez-vous dit, étaient des amis du régime, je crois. Est-ce symptomatique d'un certain changement qui en train de se produire? Des médias le prétendent. De fait, j'ai lu quelque chose hier soir ou la veille sur l'excitation suscitée en Iran par les élections et sur l'animation qui ne s'était pas vue dans les rues depuis des années. Compte tenu d'un éventuel remaniement au sein du groupe des dirigeants, vu aussi l'excitation du peuple, une victoire électorale est-elle possible et peut-être aussi un changement en temps voulu?
    Je ne parle pas de l'après-élection, mais du fait que le terrain pourrait être préparé pour un changement. Je le dis parce que nous savons, au Canada, que la révolution déclenchée par les étudiants iraniens a été détournée de son but par les religieux et que 70 p. 100 de la population iranienne reste davantage partisane de cette révolution originelle que de la présente.
(1335)
    Nous avons connu l'ère Khatami. Le président Khatami a fait descendre beaucoup de personnes dans la rue. Une participation qui ne s'était pas vue depuis 1979. Des abstentionnistes ont voté pour la première fois depuis 1979. Cela a entraîné la répression contre les étudiants et la fermeture de journaux. Il s'est donc créé une ouverture très importante qui a permis d'entendre les discours sur les droits de la personne. Puis on les a fait taire, parce que, évidemment, plus vous en donnez, plus les gens en veulent, ce qui, vous le savez, entraîne un problème.
    Le problème aujourd'hui, c'est que l'enthousiasme des gens... Ce sont de très jeunes gens, qui n'ont pas connu les années 1980 ou qui ne s'en souviennent pas. Pour eux, M. Moussavi est un nouveau venu. On insiste beaucoup sur les 20 années de sa carrière d'architecte et on parle de ses réalisations. Pendant les sept années où il a été premier ministre, on compte au moins 10 000 exécutions. Il n'y a donc pas matière à plaisanter.
    Je crois que, à moins qu'il y ait déblocage, ne serait-ce qu'une suspension de certaines règles pour permettre à cinq personnes, disons, qui ne sont pas amies du régime, d'entrer au Parlement pour y avoir une franche discussion, sans craindre pour leur sécurité si jamais... Parce que, soyons réalistes: MM. Moussavi et Khatami ont été ministres de l'Orientation islamique pendant 12 ans. Il y a aussi M. Karroubi et tous les autres. M. Rezaï a commandé les gardes révolutionnaires iraniens au plus fort de la période d'agressivité de la République islamique à l'extérieur de l'Iran. Devant les perspectives d'ouverture, ils craignent que le peuple iranien ne leur réserve le sort qu'ils ont fait subir au régime qui les a précédés.
    Voici notre problème. Nous avons besoin de nouveaux visages. Chez les amis de la République islamique, vous constatez que la jeune génération s'exprime davantage sur les droits de la personne et qu'elle prendrait volontiers plus de risques, parce qu'elle-même ne se sent pas menacée.
    Nous sommes donc, je pense, dans une impasse. Je suis sortie de mon domaine. Mon domaine, ce sont les droits de la personne, et je me fais votre analyste politique. Rappelez-vous que je suis une militante pour les droits de la personne et que je vois les choses sous cet oeil.
    J'ai une question qui correspond davantage à votre rôle de militante pour les droits de la personne. J'aimerais en savoir plus au sujet de Mme Ebadi. Que fait-elle aujourd'hui? Son exposé devant le comité, il y a deux ans, avait été très stimulant. Elle est certainement une source d'inspiration. Vous en avez parlé plus tôt dans votre témoignage. Comment va-t-elle, si je peux me permettre cette question?
    Eh bien! Son bureau reste fermé, mais je n'entends plus parler du harcèlement auquel elle a été soumise immédiatement après cette fermeture. Dans les rues, il y avait une présence très intimidante de personnes qui lui étaient hostiles. Elle continue de réclamer la réouverture de son bureau.
    Ce qui est réconfortant, je pense, dans le cas de Mme Ebadi, c'est qu'elle est désormais connue personnellement de la communauté internationale, ayant fait le tour, vous ayant rencontrés, vous et d'autres personnes. De ce fait, il serait trop risqué pour le régime de lui faire du mal. Cela lui permet de poursuivre ses activités, mais peut-être à un rythme plus lent.
    Je m'en ferais davantage pour la sécurité des personnes que vous ne connaissez pas.
(1340)
    Je serais plutôt d'accord avec vous. C'est très clair. Elle est donc libre alors? Elle n'est pas incarcérée?
    Oui, elle est libre. Elle n'est pas incarcérée.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup.
    C'est maintenant le tour de M. Sweet, pour les conservateurs.
    Madame Boroumand, merci d'avoir pris le temps de témoigner devant le comité.
    J'ai sous les yeux un article intitulé Une mise en accusation contre ma conscience. Il a été rédigé par Ladan Boroumand. Qui est-ce au juste?
    C'est ma soeur.
    C'est un document convaincant. L'un des risques du travail en comité comme celui-ci, où on parle tant des droits de la personne, c'est de parfois perdre la question de vue. Je voudrais simplement lire un paragraphe dans un court passage qui m'a captivé. Voici:
Parmi les milliers d'hommes et de femmes n'ayant commis aucun crime et qui se sont retrouvés devant les pelotons d'exécution, mon souvenir se tourne vers le sourire d'une jeune fille de 17 ans du nom de Mona Mahmudnizhad. Ses yeux rieurs illuminaient son joli visage et les mèches de ses cheveux intensifiaient cette lumière. Elle a été détenue pendant quelques mois. Ils voulaient qu'elle dénonce sa religion bahaï et elle a refusé. Elle a été pendue avec neuf autres femmes Bahaï le matin du samedi 28 juin 1984.
    Ladan souligne vraiment le fait suivant: que vous soyez bahaï ou opposant au régime, les dirigeants, s'ils veulent vous accuser à tort d'adultère ou d'homosexualité ou de tout ce qui n'entre pas dans le spectre étroit de ce qu'ils pensent être bon pour le monde ou, bien sûr, inoffensif pour leur autorité, sont prêts à tout, de la torture à l'exécution, pour vous réduire au silence.
    Vous avez parlé de la campagne d'un million de signatures. A-t-elle eu des résultats? Avez-vous perçu un changement dans le régime, une pression qui a changé quelque chose?
    La campagne a eu plusieurs résultats encourageants.
    Avant d'examiner le régime, il faut regarder le chemin parcouru. La société civile iranienne n'était pas organisée. Tout comme les mouvements politiques iraniens, elle reposait souvent sur des individus qui étaient le gage de sa survie. Ces individus, parfois charismatiques, étaient des cibles faciles pour le régime, parce qu'il suffisait de décapiter l'organisation pour qu'elle disparaisse. Les organisations manquaient d'expérience et de coordination entre elles.
    La campagne a montré à la société civile iranienne que si l'on mettait les questions de personnalité de côté pour collaborer en vue du même objectif, on était beaucoup plus fort et beaucoup moins vulnérable à la répression. Pour une personne arrêtée, 15 autres prenaient sa place. Deux personnes s'occupent des régions kurdes et deux autres du reste du pays. Il n'y a pas de grand chef.
    En outre, la campagne est axée sur des enjeux. Elle a donc rejoint beaucoup d'Iraniens. Aujourd'hui, nombreux sont ceux qui sont au courant de la campagne, laquelle a rayonné dans tout l'Iran. C'est pourquoi elle a attiré la répression. Le pouvoir ne s'est pas beaucoup occupé de la campagne avant tout cet activisme pour les droits de la femme, mais, parce qu'elle s'est organisée et qu'elle est devenue efficace, les autorités s'en sont pris à elle. Dès lors que la campagne s'adresse efficacement aux gens et que les gens sont au courant, les dirigeants, les réformistes et leur état-major doivent écouter. Même si rien ne se passe, ils savent qu'une exigence sérieuse a été formulée.
    Le gouvernement d'Ahmadinejad a proposé un projet de loi qui annulait les gains modestes que les femmes iraniennes avaient réalisés en matière de divorce et de garde des enfants. La réaction a été telle, de la part des militantes pour les droits de la femme et de tous les autres, qu'il a retiré le projet de loi. C'est la première fois, je crois, que cela arrive. Il y a donc eu des victoires, bien qu'elles soient petites. Mais la victoire pour nous, en ce moment, c'est que ces mouvements se perpétuent. Ils se perpétuent et prospèrent. C'est là que se trouve la victoire. C'est là que l'on sait que le gouvernement reculera.
(1345)
    Cela nous enseigne que l'effort incessant et la persistance donnent des résultats.
    À la fin de votre témoignage, vous y êtes allée de plusieurs recommandations. La première concernait les ressources destinées aux militants. Sommairement, que vouliez-vous dire?
    Je ne parle pas nécessairement des gouvernements, mais des groupes en général. Les groupes de militants pour les droits de la personne en Iran ne reçoivent pas de financement. C'était aussi le cas au Maroc, en Algérie et ailleurs. L'Iran ne fait pas exception.
    Cela me rappelle mon travail sur les droits de la femme au Maroc. Mon adjointe devait se présenter à son étude d'avocats pour gagner sa vie — à peine — puis elle devait s'occuper de pauvres femmes victimes de violence familiale, pendant ses congés, le soir, à l'heure des repas. Elle était très bonne, mais elle ne pouvait pas être totalement efficace. Si elle avait pu militer pour les droits de la femme tout en touchant un salaire, les gains auraient été plus nombreux. C'est ce que je voulais dire, je crois. Une étudiante s'est plainte à moi de ses frais mensuels de téléphone qu'elle encourt à essayer d'organiser les étudiants de Zanjan et de Tabriz. Sa facture de téléphone cellulaire est très salée, et sa famille ne peut pas se permettre cette dépense.
    Je pense donc que, lorsque la communauté des militants pour les droits de la personne est en mesure d'appuyer les communautés homologues d'Iran et d'ailleurs, les gouvernements sont un peu plus sensibles. Je suis convaincue qu'il y a moyen d'y parvenir. Toutefois, le gouvernement iranien, en criminalisant tout contact entre le monde extérieur et l'Iran est parvenu à dissuader les militants pour les droits de la personne d'obtenir plus d'argent, ce qui les ralentit. Je parle d'argent, mais n'omettons pas les appuis, l'appui moral, la visibilité, tout cela. Si vous faites traduire régulièrement ce qui s'écrit là-bas, c'est une forme d'appui, déjà, parce que si les enjeux de là-bas obtiennent de la visibilité ici, le gouvernement devra reculer.
    C'est de tout cela dont je parle — ils ont besoin d'aide. Il est déjà arrivé que le gouvernement menace d'accuser d'espionnage ceux qui aident ces militants. Il s'est fait alors répondre : « D'accord, passons à autre chose ». Il y a d'abord eu des ateliers pour la société civile, puis on a reculé. Les ateliers se donnaient à l'extérieur de l'Iran, à la frontière. Cela aussi est devenu dangereux. Alors, les ateliers, au lieu de porter sur les droits des femmes ou sur les droits civils, peu importe, sont devenus des ateliers de photographie et de journalisme.
    Au bout du compte, personne ne fait plus rien, parce que tout ce que tente la communauté internationale et que le peuple iranien lui réclame devient un acte criminel. Il faut donc mettre fin à cela, mais je ne sais pas comment. Mais en reculant, nous ne mettrons pas fin aux brimades; au contraire, nous les encouragerons.
    Madame Boroumand, merci beaucoup. Veuillez également remercier votre soeur pour son article qui pousse beaucoup à la réflexion.
    Elle sera très heureuse de l'apprendre. Je suis bien contente.
    Merci beaucoup, madame Boroumand. Nous vous sommes très reconnaissants de votre témoignage.
    Veuillez nous excuser de cette réunion écourtée. Néanmoins, le temps qui vous a été alloué a été très bien mis à profit. Je sais que nous avons tous trouvé votre témoignage très instructif. Il nous aidera à préparer notre rapport. Je vous en suis reconnaissant.
    Merci.
    Merci de m'avoir invitée. Je suis désolée de l'annulation du vol.
(1350)
    Il n'y a pas de quoi. Nous avons réussi à obtenir tous les renseignements que nous voulions. Votre témoignage nous a été très utile.
    Chers membres du comité, nous allons maintenant siéger à huis clos.
    [La séance se poursuit à huis clos]
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