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CIIT Rapport du Comité

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EN DÉFENSE DE LA GESTION DE L'OFFRE À L'OMC

Le 28 décembre 2008, la présidence des négociations sur les produits agricoles à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a distribué la version la plus récente de l’ébauche de texte des modalités pour le secteur agricole – un document cadre qui servira d’assise aux négociations futures à l’OMC sur le commerce des produits agricoles. Ce document renferme des dispositions portant sur les produits sensibles qui, si elles étaient acceptées, compromettraient le régime de gestion de l’offre du Canada.

Les membres du Comité permanent du commerce international de la Chambre des communes appuient sans réserve la gestion de l’offre. Rappelons qu’en novembre 2005, la Chambre des communes a adopté à l’unanimité une motion affirmant ce qui suit :

Que, de l’avis de la Chambre, dans le cadre des négociations à l’Organisation mondiale du commerce, le gouvernement devrait mandater ses négociateurs pour qu’au terme de la présente ronde de négociations, le Canada obtienne des résultats faisant en sorte que les secteurs sous gestion de l’offre ne soient soumis à aucune réduction des tarifs hors contingents, ni à aucune augmentation des contingents tarifaires, et qu’ils concluent également une entente qui renforcerait la position des exportateurs canadiens de produits agricoles afin que tous ces secteurs puissent continuer à procurer aux producteurs des revenus justes et équitables.

Le Comité a décidé d’étudier la question de la défense de la gestion de l’offre par les négociateurs du Canada à l’OMC. La présente étude vise à faire en sorte que le Canada ne fasse pas de concessions au chapitre de la gestion de l’offre lors de futures négociations agricoles.

Le Comité a entendu les principaux responsables de l’élaboration et du maintien de la position de négociation du Canada : Stockwell Day, ministre du Commerce international, de même que Gilles Gauthier, négociateur en chef du Canada pour l’agriculture à l’OMC, et Don Stephenson, sous-ministre adjoint, Politique commerciale et négociations, au Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAECI). Le Comité a aussi reçu des témoignages et des mémoires écrits de divers intervenants des industries agricoles assujetties à un régime de gestion de l’offre.

L’OMC ET LA GESTION DE L'OFFRE AU CANADA

Au Canada, les industries de la volaille, des œufs et des produits laitiers sont assujetties à un régime de gestion de l’offre. En vertu d’un tel régime, la production intérieure est contrôlée et les prix sont établis à l’avance et rajustés pour tenir compte des coûts de production des agriculteurs. Des droits tarifaires élevés sont perçus sur les importations de ces produits pour prévenir que des fournisseurs étrangers n’entrent sur le marché canadien et fassent concurrence aux produits provenant du marché intérieur.

Dans une perspective commerciale, la gestion de l’offre opère de la façon suivante : l’OMC exige que le Canada offre un niveau minimal d’accès aux produits agricoles sur son marché intérieur. Dans le cas des produits dont l’offre est réglementée, cela se fait au moyen d’un régime de contingent tarifaire (CT). En vertu du régime de CT, le Canada permet l’importation de produits assujettis à un régime de gestion de l’offre jusqu’à un seuil préétabli, à des taux tarifaires relativement bas. Mais une fois le contingent tarifaire atteint, un permis d’importation spécial est requis pour toute importation supplémentaire, et les droits tarifaires qui s’appliquent alors sont prohibitifs, fermant ainsi à toute fin pratique le marché canadien aux importations excédant le seuil du CT[1].

Les témoins entendus par le Comité ont décrit l’importance du régime de gestion de l’offre du Canada pour garantir une rémunération juste et équitable aux agriculteurs, et contribuer à la sécurité alimentaire et à la souveraineté alimentaire du Canada. À leur avis, la gestion de l’offre est un outil important pour protéger la population canadienne contre les fluctuations des approvisionnements en aliments.

L’ébauche la plus récente du texte des modalités de l’OMC pour les produits agricoles renferme trois dispositions qui, si elles étaient acceptées, auraient des conséquences pour la gestion de l’offre au Canada. Voici ces dispositions :

  • Le paragraphe 71 exigerait que tous les pays développés membres désignent comme « produits sensibles » jusqu’à 4 p. 100 de leurs lignes tarifaires[2].


  • Le paragraphe 74 propose des contingents tarifaires plus élevés pour les produits sensibles, ouvrant de « nouvelles possibilités d’accès équivalant à non moins de 4 p. 100 de la consommation intérieure ».


  • Les paragraphes 61 et 73 auraient conjointement pour effet d’obliger le Canada à réduire globalement ses droits tarifaires hors contingent d’au moins 23 p. 100 pour les produits assujettis à un régime de gestion de l’offre.

CE QUE LE COMITÉ A ENTENDU

Les intervenants représentant les secteurs agricoles assujettis à un régime de gestion de l’offre, ainsi que certains députés, ont exprimé des inquiétudes au sujet de la menace potentielle que représente l’ébauche des modalités de l’OMC pour le régime de gestion de l’offre. Des préoccupations ont aussi été soulevées au sujet de la position du Canada sur la gestion de l’offre au cours des négociations commerciales bilatérales avec l’Union européenne (UE).

Dans le cas des négociations de l’OMC, les intervenants et les membres du Comité ont affirmé que le Canada aurait dû exprimer plus énergiquement son objection à ce que les négociations reprennent sur la base de l’ébauche de texte des modalités – un texte qui menace clairement la gestion de l’offre. Dans le cas des négociations Canada-UE, on a fait remarquer que la gestion de l’offre n’avait pas été explicitement exclue de la section 3.1 du Rapport conjoint Canada-Union européenne – le document exploratoire qui décrit les sujets que doivent aborder les négociations bilatérales.

Le négociateur en chef du Canada pour l’agriculture, M. Gauthier, a donné l’assurance au Comité que le gouvernement du Canada avait donné des directives claires à l’équipe de négociation pour s’assurer que les décisions portant sur la façon dont les producteurs agricoles canadiens commercialisent leurs produits continueraient d’être prises au Canada et non par le biais d’accords commerciaux internationaux. Il a indiqué que la position du Canada sur cette question est extrême et que, par conséquent, elle est difficile à défendre, mais la plupart des pays comprennent que dans le cadre de négociations complexes à l’OMC, chaque pays cherche à défendre ses intérêts, de manière à la fois offensive et défensive. Le Canada n’est pas différent sur ce plan; nous tentons de promouvoir nos intérêts tout en maintenant une position ferme pour défendre notre régime de gestion de l’offre.

M. Gauthier a précisé que le Canada avait insisté pour que la proposition contenue dans le texte des modalités visant à permettre aux pays développés de désigner comme produits « sensibles » 4 p. 100 de leurs lignes tarifaires était insuffisante pour protéger ses industries dont l’offre est réglementée. Afin de protéger adéquatement les secteurs assujettis à la gestion de l’offre, le seuil de 4 p. 100 doit être porté à 6 p. 100. M. Gauthier a informé le Comité qu’un compromis avait été proposé pour permettre au Canada de désigner comme produits sensibles 6 p. 100 de ses lignes tarifaires en échange d’un relèvement du seuil de son CT pour ces produits – ce qui aurait permis que plus de produits étrangers entrent sur le marché canadien. Cette proposition n’était pas acceptable pour les industries canadiennes assujetties à un régime de gestion de l’offre.

M. Stephenson a aussi rappelé au Comité que l’ébauche de texte des modalités ne représentait pas un compromis accepté ou ne menaçait pas le régime de gestion de l’offre. Il a expliqué que l’ébauche de texte des modalités aux fins des négociations avait été rédigée par l’actuel président du groupe de négociation comme document de consensus possible et point de départ des négociations. Il ne s’agit ni d’un texte accepté ni d’un texte ayant reçu un appui consensuel.

Le ministre Day a réitéré l’engagement ferme du Canada envers la gestion de l’offre:

Nous convenons de la direction très claire, très ferme qu'a prise le Parlement canadien en 2005 : il faut que nous protégions notre régime de gestion des approvisionnements. C'est là notre position, et nous allons continuer à la maintenir[3].

Il a rappelé au Comité que le Canada ne sera pas obligé de signer une entente qui ne lui convient pas. Les accords de l’OMC sont négociés par voie de consensus et le Canada ne peut être forcé d’accepter une entente; il peut quitter la table de négociation en tout temps.

CONCLUSION

Le Comité était satisfait d’entendre que le gouvernement du Canada avait donné instruction à ses négociateurs à l’OMC de défendre la gestion de l’offre. Nous sommes conscients qu’agir ainsi face à l’opposition qui s’exprime à l’OMC est une tâche difficile et nous apprécions les efforts faits par nos négociateurs commerciaux à cet égard. Le Comité continue de soutenir le gestion de l’offre et, par conséquent, recommandons ce qui suit :

Recommandation :

Que le gouvernement du Canada affirme son soutien sans équivoque au système de gestion de l’offre du Canada et s’engage à le défendre.


[1] À titre d’exemple, le droit tarifaire applicable dans la limite du contingent à l’importation de lait est de 7,5 p. 100, mais le taux de droit sur toute importation excédant le contingent est de 241 p. 100.

[2] Il est à noter que le texte qui suit directement le paragraphe 71 précise que le Canada a affirmé qu’il ne donnerait pas son accord à cette restriction.

[3] Chambre des communes, Comité permanent du commerce international, 40e Parlement, 2e session, Témoignages, le jeudi 8 octobre 2009. 11h50. Disponible sur le site : /HousePublications/Publication.aspx?DocId=4134772&Mode=1&Parl=40&Ses=2&Language=F