Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Bonjour, mesdames et messieurs les témoins, invités et membres du comité. Nous entamons maintenant la 23e rencontre du Comité des affaires autochtones et du développement du Grand Nord.
[Traduction]
Nous accueillons ce matin le Conseil en Éducation des Premières Nations.
Chers collègues, nous recevons aujourd'hui des témoins qui ont demandé à comparaître devant le comité. Vous vous souviendrez que, lorsque nous avons visité Kitigan Zibi, la question du financement de l'éducation a été soulevée et, en fait, le chef Whiteduck a eu la gentillesse de nous remettre un document que le conseil avait préparé au sujet de leurs préoccupations, en y incluant des propositions.
Ce matin, nous accueillons Lise Bastien, directrice générale du Conseil ainsi que Raymond Sioui, directeur adjoint. Le chef Conrad Polson se joint également à nous ce matin et représente la collectivité de Timiskaming. Nous accueillons également le chef Ghislain Picard, qui représente l'Assemblée des Premières nations du Québec et du Labrador.
Bienvenue à vous tous.
Normalement nous prévoyons environ 10 minutes pour les remarques liminaires de nos témoins, mais je crois savoir, pour en avoir discuté avec Mme Bastien, que vous aurez peut-être besoin d'un peu plus de 10 minutes. Nous avons deux heures en tout pour les questions des membres.
Je cède donc d'abord la parole à Mme Bastien, qui dispose de 10 minutes, et après vos exposés liminaires, nous ouvrirons la période des questions.
Nous n'avons pas de copie du texte dans les deux langues officielles. Par conséquent, le document n'a pas été distribué à tous les membres, car nous laissons toujours le soin au témoin de décider ce qu'il veut faire.
Monsieur le président, madame la vice-présidente et monsieur le vice-président, honorables membres du comité, je vous remercie de nous recevoir ce matin.
Le Conseil en Éducation des Premières Nations est un organisme qui, comme son nom le dit, oeuvre en éducation auprès de 22 communautés des premières nations du Québec. Notre existence remonte à plus de 24 ans. Nous aidons tous les membres des communautés à améliorer la prise en charge de leur éducation à l'intérieur comme à l'extérieur de la communauté.
Ce matin, l'objectif de notre présentation concerne un mémoire que vous avez tous reçu à l'occasion de votre visite à Kitigan Zibi. Ces documents vous ont été remis par le chef Gilbert Whiteduck. Je vais vous présenter très rapidement le mémoire.
Nous n'allons pas compter cela dans votre temps de parole, madame Bastien. Nous continuons donc. Merci de votre indulgence. Je vous cède de nouveau la parole.
Le coeur de notre présentation concerne le sous-financement chronique en matière d'éducation, que ce soit au niveau primaire ou secondaire. On parle aussi du financement au niveau postsecondaire, de la formation professionnelle et de la construction d'écoles.
Au cours des dernières années, on a fait beaucoup de consultations et d'études sur le sujet. À la suite de nos nombreuses démarches de sensibilisation, dont une campagne exhaustive sur le sous-financement chronique menée par notre conseil, il y a eu plusieurs déclarations de ministres ou d'ex-premiers ministres sur le sous-financement et l'écart persistant entre le financement de l'éducation des premières nations et celui du reste du Canada.
C'est un fait qui n'a pas été uniquement soulevé par les premières nations; il a été confirmé par l'ex-premier ministre Martin, l'ex-ministre des Affaires autochtones de l'Ontario Michael Bryant et le premier ministre du Québec, Jean Charest. Ces gens ont dit que les dépenses allouées à l'éducation des enfants issus des premières nations sont deux fois moins élevées que celles accordées aux autres communautés. Le ministre de l'Éducation du Manitoba a lui aussi tenu à peu près les mêmes propos. Et la liste pourrait évidemment s'allonger.
Ce n'est pas seulement nous qui affirmons que l'écart entre le financement de nos écoles et de nos systèmes d'éducation est de plus en plus alarmant; des gens non issus du milieu affirment la même chose. Il est question d'éducation des enfants et d'avenir. Il ne faut pas prendre à la légère l'impact de l'écart entre les ressources allouées sur l'avenir de ces jeunes. Aussi, l'écart de financement a des conséquences très graves sur la capacité de notre système scolaire d'obtenir des résultats semblables ou comparables à ceux qu'obtiennent les autres systèmes. En fait, le manque de financement auquel sont confrontées nos communautés rend très difficile la prestation de services comparables.
Nous concluons que si rien n'est fait dans un avenir très rapproché pour réduire cet écart... Il y a une volonté d'intégrer les premières nations au système canadien, ce qui n'est pas souhaitable pour toute nation qui s'affirme.
Je demanderai maintenant à Raymond Sioui de vous présenter rapidement les grandes lignes du mémoire.
Je serai bref. Le mémoire du CEPN n'est pas la première analyse que nous faisons. C'est un peu le bilan de toutes nos analyses au sujet du financement. C'est un mémoire qui comprend quatre sections et qui fait une analyse sur le plan national et sur le plan de la province de Québec.
Une première section est consacrée au financement des écoles primaires et secondaires. Cette section fait état du sous-financement de l'éducation, qui est principalement dû à une formule de financement complètement désuète. C'est une formule qui a été élaborée en 1988 et qui n'a jamais été révisée depuis. C'est une formule qui attribue des fonds à certains éléments qui sont complètement sous-financés ou dont le financement est dérisoire.
Par exemple, en ce qui concerne l'enseignement des langues, les montants attribués sont nettement dérisoires. C'est aussi une formule qui ignore plusieurs coûts. Il y a eu différents développements dans les provinces qui n'ont pas été intégrés à la formule, dont les coûts pour exploiter des bibliothèques, intégrer les nouvelles technologies, la formation professionnelle — particulièrement au Québec, parce qu'elle se donne au palier secondaire — et les sports et loisirs. C'est aussi une formule qui, depuis 1996, n'a pas été indexée au coût de la vie ni en fonction de l'augmentation de la population. Bien entendu, cela a créé une perte de valeur énorme en termes de dollar constant, ce qui est signalé dans le mémoire.
Il y a une autre section au sujet du financement des systèmes éducatifs. En général, les systèmes éducatifs comportent trois niveaux. Le premier est celui des écoles. Le deuxième est celui des commissions scolaires — cela peut prendre différents noms selon les provinces. Le troisième niveau est celui des ministères.
Or, pour les premières nations, le seul financement disponible officiellement est celui destiné aux écoles des premières nations. Il n'y a jamais eu de financement reconnu officiellement pour les organisations régionales comme le CEPN. Cela pose donc un problème important lorsque l'on veut offrir des services de soutien à nos écoles qui soient comparables aux services que reçoivent les autres écoles du Canada.
Une troisième section porte sur le financement de l'éducation postsecondaire. Votre comité a produit un rapport à ce sujet dont la plus grande priorité est l'éducation postsecondaire des Autochtones du Canada. On en remercie le comité. Ce rapport documentait bien le sous-financement des étudiants. Principalement à cause du sous-financement, les listes d'attente se sont allongées, au fil des années. Aujourd'hui, elles comptent plus de 10 500 étudiants. Il y a également le sous-financement des établissements d'enseignement postsecondaire. Le rapport mentionne que ces établissements, malgré tout, connaissent un certain succès et augmentent de beaucoup le taux de diplomation, même si les conditions de sous-financement sont précaires.
Finalement, la quatrième section fait des recommandations au sujet du sous-financement et de la nécessité d'un cadre de financement pour l'éducation des premières nations qui tienne compte des véritables facteurs de coût.
J'aimerais aussi faire mention d'autres travaux du CEPN. Entre autres, j'ai fait parvenir, la semaine dernière, une étude réalisée en 2005 sur les coûts de l'éducation primaire et secondaire. J'aimerais surtout faire part du travail que l'on a fait depuis deux ans au sujet de l'élaboration d'une formule de financement.
Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien avait promis de renouveler la formule de financement. Cela faisait partie des Rapports sur les plans et priorités de 2005-2006 de l'administration centrale, qui se proposait d'établir un mode de financement adéquat. Cela faisait partie de la Planification stratégique 2005-2008 du bureau régional, et le bureau devait participer à l'élaboration d'une nouvelle formule de financement, mais cela ne s'est pas concrétisé.
Il y a environ cinq ans, un groupe national conjoint formé de l'Assemblée des Premières nations et du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien avait été mis sur pied pour étudier la formule de financement. Malheureusement, son financement a été retenu ou annulé avant qu'il ne puisse compléter son travail. Son travail consistait à procéder à la révision de la formule, après avoir fait des études de coûts. De plus, il était censé y avoir un renouvellement de la formule de financement et un renouvellement des autorisations, en avril 2008. Il n'y a pas eu de révision, et le statut quo s'est imposé.
(0910)
Le CEPN est vraiment d'avis que le financement des écoles devrait être déterminé en fonction d'une formule de financement adéquate, qui tienne compte de l'ensemble des coûts. À ce sujet, on partage la préoccupation de la vérificatrice générale qui dans son rapport de 2004 disait, et je cite: « Le ministère ne sait pas si le financement octroyé aux Premières nations est suffisant pour assurer le respect des normes qu'il a fixées en matière d'éducation, ni si les résultats obtenus sont proportionnels aux ressources fournies ».
Il y a aussi des chercheurs indépendants, dont M. Mendelson du Caledon Institute, qui disait que la reconnaissance et la compétence des premières nations en matière d'éducation nécessite un mécanisme de financement fondé sur des principes et un processus clairement définis qui ne sont pas assujettis à des décisions arbitraires ou unilatérales de la part du gouvernement fédéral.
Je vais demander au chef Conrad Polson de vous parler rapidement de l'impact réel dans sa communauté et de ce que ça veut dire en ce qui a trait aux modes actuels de gestion en éducation.
Bonjour. Je m'appelle Conrad Polson. Je suis le chef algonquin de la Première nation de Timiskaming.
Au lieu de modifier la formule de financement, le gouvernement fédéral a préféré financer diverses initiatives en vertu des accords de contribution. Mais, ces initiatives ne s'appuient pas sur une analyse des coûts sérieuse ou fiable et ne tiennent pas compte de tout ce qui s'est fait récemment dans les provinces. D'ailleurs, le régime actuel impose des exigences importantes aux administrateurs scolaires dans nos collectivités, et ce à plusieurs niveaux: la multiplication des exposés sur les projets et des rapports d'activité; le manque de souplesse des programmes; des affectations qui sont axées sur l'exercice financier, alors que c'est différent de la période de l'année scolaire; des retards pour le versement des crédits; et l'impossibilité de faire de la planification à long terme.
Les fonctionnaires du ministère eux-mêmes admettent, lors de nos réunions avec eux, que cette façon de faire donne lieu à une comptabilisation excessivement exigeante et détaillée, mais qu'ils sont bien obligés de suivre les règles. Les deux nouveaux programmes du MAINC, lancés, eux aussi, en vertu d'accords de contribution, en sont un excellent exemple. La première annonce a été faite en février 2008, alors que les lignes directrices relatives à ces nouveaux programmes ont été diffusées en décembre 2008 seulement, soit neuf mois après l'annonce. On a alors donné aux premières nations jusqu'au 16 février 2009 pour préparer des propositions fort complexes. Ces dernières ont disposé de moins de deux mois, y compris les fêtes de Noël, pour accomplir ce travail.
Ensuite, le ministère a pris plus de temps que prévu pour rendre sa décision, qui a été annoncée à la mi-juin, même si ce dernier s'était engagé à l'annoncer à la mi-mars. En plus de ce retard de trois mois, la décision finit par être annoncée à la fin de l'année scolaire, au moment où les écoles ferment pour les vacances d'été — un exemple typique de l'inefficacité qui caractérise le travail du MAINC.
Il est manifeste à présent que les écarts de financement, les abus administratifs et des exigences excessives compromettent gravement notre capacité à fournir les services que les écoles provinciales sont en mesure d'assurer et à prévoir des conditions de travail comparables. Si de telles restrictions continuent à nous être imposées, mes craintes concernant l'avenir de nos écoles seront d'autant plus justifiées. Comment pouvons-nous être concurrentiels dans de telles conditions? Comment notre système d'éducation peut-il survivre et assurer la survie de nos cultures et de nos langues dans ce contexte?
Monsieur le président, mesdames et messieurs membres du comité permanent, c'est un plaisir pour moi de me présenter à nouveau devant vous. Ça fait plusieurs fois qu'on vient au comité.
Au Québec, on a mis en place une série d'institutions qui représentent les communautés. Je pense que notre première obligation est d'appuyer ces institutions puisqu'elles ont été conçues et mises en place par les communautés que nous représentons. Mais d'un point de vue sans doute plus personnel — et je suis sûr de refléter ici l'opinion d'une grande majorité des chefs —, il y a une certaine lassitude par rapport au processus politique ou parlementaire, car il aboutit toujours à une fin de non-recevoir, à un cul-de-sac.
Je me permets d'insister là-dessus parce qu'il y a deux semaines, on était à l'ONU justement pour parler d'éducation. Le processus est rendu à un point tel qu'on est obligé de faire appel aux agences internationales pour savoir ce qui se passe au Canada par rapport à des politiques désuètes qui sont loin de répondre aux besoins réels des premières nations. Cela s'explique sans doute en partie par le fait que les premières nations sont beaucoup à la merci d'un gouvernement fédéral qui a toute la latitude voulue pour se faire juge et partie dans le domaine de l'éducation et dans sa relation avec les premières nations. Cela lui permet de rejeter des centaines d'études et autant sinon plus de recommandations faites à répétition, sans craindre de répercussions sur son électorat.
L'éducation n'est que la pointe de l'iceberg. Le problème est beaucoup plus vaste et concerne d'autres secteurs qui définissent le quotidien de nos communautés.
Il nous apparaît évident qu'aucun gouvernement n'oserait agir ainsi en regard du financement de l'éducation des autres citoyens canadiens sans craindre pour sa réélection. Je crains que les travaux du CEPN sur le financement de l'éducation et l'élaboration d'une nouvelle formule de financement subissent le même sort que des centaines, voire des milliers d'études ont déjà subi.
Il est difficile pour nous de continuer à croire — et à juste titre — à la volonté du gouvernement fédéral de mettre fin au sous-financement des programmes des premières nations, particulièrement les programmes d'éducation. Nous avons été échaudés trop souvent, et comme le dit l'expression populaire: « Chat échaudé craint l'eau froide ».
Par conséquent, je demande au comité d'exiger un engagement formel du gouvernement fédéral de donner suite aux travaux du CEPN relatifs à l'élaboration d'une nouvelle formule de financement, à défaut de l'avoir fait lui-même en collaboration avec les premières nations comme il s'y était pourtant engagé.
Nous recommandons — encore un peu d'eau dans le vin — qu'un petit groupe formé de deux ou trois experts désignés par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et de deux ou trois experts désignés par le CEPN analyse la formule élaborée par le CEPN, et que le gouvernement fédéral s'engage à respecter les conclusions de ce groupe d'experts et à les mettre en application rapidement. Nous recommandons également que ce groupe soit mis en place rapidement et dispose d'un délai maximal de six mois pour compléter ses travaux.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à chacun de nos témoins. Je suis ravi de vous voir parmi nous ce matin.
Votre mémoire a évidemment répertorié les écarts de financement, les problèmes structurels et les autres difficultés que présente votre système, et plus d'une étude ont d'ailleurs été menées sur cette question. Au Labrador, nous n'avons que deux écoles autochtones qui relèvent de l'APNQL, soit celles de Sheshatshiu et de Natuashish. Nous avons également les Inuits et les Métis, qui relèvent essentiellement du système provincial.
Aucune comparaison n'a été effectuée en ce qui concerne les résultats scolaires, soit les taux de réussite à l'école primaire et à l'école secondaire. Il n'existe pas d'études comparatives — du moins aucune étude qui aurait été menée dans ma province, même s'il semble que nous n'ayons pas encore réussi à réduire l'écart entre les premières nations et le reste de la population canadienne sur le plan de l'éducation, et notamment au niveau du rendement scolaire et du nombre de diplômés de l'enseignement secondaire.
Je lisais le rapport de Mendelson, qui disait qu'entre 1996 et 2006, les chiffres sont restés à peu près inchangés: seulement 40 p. 100 — c'était environ cette proportion-là, peut-être même moins — des étudiants obtiennent un diplôme d'études secondaires.
Il recommande que le financement soit relevé, mais plus de crédits, à eux seuls, ne permettront pas de régler le problème. Voilà ce qu'il préconise — et vous pourrez ne pas être d'accord avec moi à ce sujet: il dit que ce financement est nécessaire — en d'autres termes, il faut avoir des écoles et il faut que ces dernières disposent d'un financement suffisant pour mener leurs activités — mais il dit également qu'il faut un second niveau de services, voire même un niveau tertiaire de services, pour que le système soit efficace.
Est-ce ce que vous préconisez également pour le système d'éducation des premières nations, par opposition à…? Bien souvent, nous nous contentons de défendre certains principes; nous disons qu'il faut construire plus d'écoles et que nous avons besoin d'un plus grand nombre d'écoles. Mais, nous le savons déjà. Nous disons également qu'il faut moderniser les écoles, bien les entretenir, etc. Il faut plus d'enseignants et plus d'argent pour les activités. Je pense que c'est une évidence pour nous tous. Nous savons tous également que le plafond de financement de 2 p. 100 est problématique et devrait être supprimé.
Je me pose la question… En quelque sorte, vous représentez le deuxième palier de services, si je peux essayer de faire cette comparaison. De votre côté, avez-vous observé des améliorations en ce qui concerne l'expérience au Québec ou celle des personnes qui relèvent de la responsabilité de votre Conseil? Avez-vous observé des améliorations dans les écoles des premières nations qui n'assurent pas ces services de deuxième palier?
Les questions structurales m'intéressent également et, à ce sujet, je voudrais savoir ce que vous pensez de l'exemple de la Colombie-Britannique, où les premières nations ont la responsabilité de leur système d'éducation. Ces deux éléments m'intéressent. De plus, que pensez-vous de l'idée d'adopter une loi sur l'autorité scolaire des premières nations, comme le propose Mendelson, qui prévoirait que la participation soit facultative?
Je vais essayer de répondre à certaines de vos questions.
Premièrement, en ce qui concerne l'entente conclue en Colombie-Britannique, nous n'avons pas vraiment participé au processus. Donc, nous ne sommes pas au courant des résultats obtenus jusqu'ici, et il ne nous a pas été confirmé que l'entente de la Colombie-Britannique marche bien et donne de bons résultats. C'est peut-être le cas, mais je ne pense pas que cette possibilité nous intéresse tellement au Québec.
En Colombie-Britannique, l'entente en question a été signée il y a deux ans seulement, et ils en sont encore à négocier la formule de financement qui s'appliquera en vertu de la loi. Je me demandais simplement si vous approuvez ce genre de modèle ou d'approche.
Non, nous ne l'avons pas vraiment examiné. C'est-à-dire que nous l'avons examiné, mais ce n'est pas le genre de modèle que nous désirons instaurer au Québec.
Notre situation est différente de celle de la Colombie-Britannique, car nous avons beaucoup d'écoles qui appartiennent aux bandes et aux premières nations. En Colombie-Britannique, c'est différent; bon nombre de leurs étudiants fréquentent les écoles provinciales. Au Québec, nous cherchons plutôt à renforcer nos écoles de bandes.
Vous avez parlé de services de deuxième niveau et de tout l'aspect structurel. Selon nous, pour obtenir de bons résultats, il faut examiner tous les aspects de l'éducation, ce qui signifie, bien entendu, que les écoles dans les collectivités doivent bénéficier d'un financement approprié. C'est tout à fait essentiel. Par contre, les collectivités et les écoles elles-mêmes n'ont pas les moyens de prévoir tous les éléments et tous les services qui font qu'un système est de bonne qualité, si bien qu'il faut des services de deuxième niveau.
Comme vous le savez, nous en assurons un certain nombre, mais comme notre organisme constitue toujours une anomalie, notre contribution à cet égard est fonction des projets qui sont proposés, ce qui n'est pas du tout positif, étant donné qu'un système d'éducation doit être structuré en fonction d'un financement renouvelable, pour qu'il soit possible d'élaborer une vision pour son école et pour son système d'éducation.
Nous avons fait nos propres recherches. D'abord, nous avons mené de nombreux sondages sur les services de deuxième niveau, et nous avons tous les résultats de ces sondages. Mais, quand nous les avons présentés au MAINC à l'automne. soit en novembre 2008, on nous a dit: « Très bien, mais nous n'avons pas de fonds pour financer ce genre de choses. C'est bien ce que vous avez fait, et nous vous en remercions, mais c'est tout. »
J'estime également qu'il est tout à fait essentiel de soutenir les collectivités qui n'ont pas une grande population et d'essayer d'améliorer leur système. Elles ont tout autant droit à des services de qualité.
Nous pensons également qu'il faut dépasser le niveau secondaire; nous devons aussi élaborer notre propre système d'enseignement postsecondaire.
Vous n'avez pas besoin de m'expliquer comment fonctionne le système au Québec. Je pense que si je ne le comprenais pas, je ne mériterais pas d'être ici.
Moi non plus, je ne suis pas d'accord pour qu'on revienne à toutes les années avec un rapport et des demandes. Il faut qu'on trouve des solutions concrètes. La première solution, selon moi, est de faire sauter le plafond de 2 p. 100 le plus tôt possible et de toute urgence. Que ce soit un gouvernement ou un autre, il faut que ça saute. Il faut que l'argent se rende.
Je veux essayer de comprendre autre chose. Dans plusieurs provinces autres que le Québec, il y a des ententes entre le ministère de l'Éducation de ces provinces et diverses communautés autochtones dont des membres vont suivre des cours dans les écoles de ces provinces. Si j'ai bien compris, ce n'est pas le système que l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador priorise. Ai-je bien compris, madame Bastien?
Deux secteurs me préoccupent. Le premier secteur concerne l'éducation au primaire et au secondaire. Je pense qu'il est essentiel qu'il soit développé par l'Assemblée des Premières Nations. Toutefois, il y a la question de la formation professionnelle et je ne sais pas comment vous envisagez une solution. Je vais le dire dans mes mots, avec respect pour mon grand chef de Témiscamingue. Je ne suis pas certain qu'on va aller installer une machine-outil dans l'école à Témiscamingue s'il y en a une dans l'école secondaire Rivière-des-Quinze.
Y a-t-il des ententes possibles entre les communautés de l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador et les écoles des commissions scolaires qui dispensent de la formation professionnelle? Si de telles ententes existent, les gérez-vous? En avez-vous le contrôle?
Je vais donner une partie de la réponse. La formation professionnelle concerne aussi l'école secondaire. Dans le système scolaire du Québec, à l'instar des autres provinces, les écoles secondaires offrent de la formation professionnelle. Elles décernent des diplômes d'études professionnelles, des DEP. C'est une chose que nos communautés, c'est-à-dire nos écoles secondaires, n'ont pas parce qu'il y a absence de financement. Il y a « zéro financement » pour la formation professionnelle dans nos écoles secondaires.
Ça rend les communautés incapables, par exemple aux niveaux 3, 4 et 5 du secondaire, d'amorcer une formation dite professionnelle pour nos jeunes. Ce qui est prouvé, c'est que les approches différentes, comme la formation professionnelle, constituent un atout majeur pour contrer le décrochage scolaire. Souvent, avant de perdre les jeunes du secondaire 3, il est possible de les retenir avec des études professionnelles. De plus, il y a l'aspect de l'étude de la formation professionnelle au niveau postsecondaire.
Je vais laisser M. Sioui en parler, car on a aussi une étude là-dessus. Je pense que nos études sont toutes complétées. J'espère qu'on n'en fera plus. Effectivement, on a des chiffres et des modèles en ce qui concerne la formation professionnelle.
Dans le cadre du forum socioéconomique, il y avait eu un engagement de financer deux études, soit une sur la formation professionnelle et une autre sur les services de deuxième niveau. On a complété ces études.
Dans le cadre de l'étude sur la formation professionnelle, on a examiné, bien entendu, les nombreuses formations professionnelles disponibles, celles qui peuvent se donner sans trop d'exigences dans une école secondaire, celles qui doivent êtres offertes par un regroupement ou au palier régional et celles qui sont beaucoup plus spécialisées et qui doivent être offertes par des centres très spécialisés au palier provincial. C'est ce qu'on a examiné.
En outre, on a examiné l'approche orientante qui existe au Québec, qui fait partie des parcours diversifiés qui sont offerts dans toutes les écoles, et pour laquelle il n'y avait pas de financement dans nos écoles.
C'est très important de bien orienter un étudiant quand il arrive au secondaire 2 et 3 et qu'on sait qu'il n'ira pas nécessairement à l'université, que ce n'est pas son objectif. On peut le récupérer grâce à la formation professionnelle. Il y a différents parcours. On a fait une étude très complète là-dessus aussi qui est prête à être déposée.
J'aimerais mentionner quelque chose en guise de complément, mais j'hésite à le faire parce que certaines personnes pourraient penser qu'on s'en tire quand même assez bien malgré nos doléances.
J'ai participé, samedi dernier, à une remise de diplômes à 49 personnes formées dans le domaine de l'assistance familiale et auxiliaire. Il s'agit de cours adaptés à la réalité du milieu en collaboration avec le Centre de formation professionnelle de Forestville. Pour ceux et celles qui connaissent leur géographie, c'est sur la Côte-Nord du Québec. Je pense que c'est une possibilité dans la mesure où les communautés le souhaitent. Ça n'empêche pas non plus et ça ne devrait pas empêcher la mise en place d'initiatives issues du milieu.
À cet effet, je pense que dans quelques semaines, si je ne me trompe pas, il y aura l'inauguration officielle d'un centre de formation virtuel qui engage la participation de deux communautés, soit celle de Mashteuiatsh et de Kahnawake. Je ne dirais pas que c'est fait sous l'égide de la Commission de la construction du Québec, mais c'est finalement lié à des discussions qui ont eu lieu avec elle. Ce sont vraiment des initiatives qui émanent directement du milieu. Je pense qu'il y a sans doute une possibilité sur les deux fronts, dans la mesure où les communautés le souhaitent. C'est là-dessus qu'il faut davantage insister.
Oui. La Première nation de Timiskaming n'a pas conclu d'accord particulier avec l'école à Notre-Dame-du-Nord. Mais, nous sommes confrontés à un problème. Notre école assure l'enseignement de la maternelle à la 8e année, et lorsque les enfants chez nous décident qu'ils préfèrent fréquenter une école de langue française, nous les encourageons à fréquenter l'école qu'ils préfèrent. Mais, le financement que nous recevons pour les enfants dans la réserve correspond à environ 4 500 $ par enfant. Lorsque les enfants intègrent le système provincial, nous devons payer deux fois plus, alors que nous ne touchons pas de crédits supplémentaires pour nous permettre de supporter ces frais. Voilà qui crée beaucoup de problèmes et d'incertitude pour nos enseignants qui ne peuvent plus à ce moment-là continuer à enseigner certains cours, étant donné que leur financement est réduit.
Dans les écoles situées dans les réserves, il y a un très grand nombre d'enfants qui ont des difficultés. Je me rends compte que c'est lié en grande partie aux effets néfastes des pensionnats et aux problèmes transgénérationnels. Donc, dans les réserves, il y a énormément d'enfants qui ont besoin des services d'éducateurs spécialisés.
Merci à vous tous de votre présence parmi nous aujourd'hui.
J'examinais un rapport intitulé « The Potential Contribution of Aboriginal Canadians to Labour Force, Employment, Productivity and Output Growth in Canada, 2001-2017 ». Je sais que vous connaissez le rapport en question. Je voulais simplement vous rappeler un certain nombre d'éléments.
On y lit ceci:
Les Autochtones qui sont titulaires d'un diplôme d'études secondaires ou d'études supérieures avaient de bien meilleurs résultats sur le marché du travail, à la fois en chiffres absolus et par rapport aux Canadiens non autochtones, que ceux qui n'en avait pas.
La contribution potentielle des Autochtones du Canada à la croissance globale de la population active entre 2000 et 2017 pourrait atteindre 7,4 p. 100.
Si, d'ici 2017, les Autochtones du Canada avaient la possibilité d'améliorer leur rendement scolaire pour qu'il soit égal à celui des Canadiens non Autochtones en 2001, le taux de croissance annuel du PIB au Canada augmenterait, en moyenne, de 0,036 point de pourcentage, soit d'un montant cumulatif additionnel de 71 milliards de dollars…
Avant de continuer, j'aimerais vous remercier de nouveau pour votre excellent travail, vos analyses et votre persistance.
Nous savons que les informations nécessaires existent et sont disponibles. Nous savons qu'il existe un écart de financement. Peu importe la province du Canada dont on parle, il existe un écart de financement.
Il existe déjà de nombreux rapports qui font état de la contribution importante qu'apportent les premières nations, les Métis et les Inuits à leurs collectivités, aux provinces, et au pays dans son ensemble, contribution qui pourrait potentiellement être encore plus importante. Avez-vous fait vos propres analyses des occasions qui sont perdues dans ce contexte? Il y a beaucoup d'autres éléments à examiner, me semble-t-il, mais en deuxième lieu, il convient de savoir ce qui nous empêche de corriger ce déséquilibre.
Non, je pense pas que nous ayons fait cette analyse-là, mais pour ce qui est des autres recherches que nous avons menées, tous les sondages et les diverses analyses, c'est nous qui les avons faits. C'est un travail très exigeant, surtout qu'elle ne laisse présager aucun résultat positif pour nos collectivités.
La seule réponse que je puisse vous faire serait de dire qu'il arrive un moment où il faut absolument arriver à comprendre, et je pense que ce moment est arrivé. Dans le contexte de l'actuelle crise économique, hier on nous a confirmé que le gouvernement allait investir de l'argent dans la compagnie GM. Je ne pense pas que ce dernier ait nécessairement disposé d'une analyse de tous les effets, mais il sait que, s'il refuse de faire ces investissements, l'impact au niveau de la perte d'emplois, etc. sera énorme. C'est la même chose pour l'éducation.
Comme vous venez de le dire, nous savons déjà qu'il existe un écart énorme, et il nous est impossible de dispenser des cours de formation professionnelle et de technologie, d'avoir des bibliothèques, etc., parce que nos ressources sont tout simplement insuffisantes. Pour moi, l'éducation doit être considérée comme un investissement car, si nous ne faisons rien maintenant, nous devrons payer tôt ou tard.
Je pense qu'il est déjà possible d'affirmer que nous payons le prix sous forme de coûts sociaux. Cela représente des dépenses considérables dans nos collectivités. Je ne prétends pas que nous allons pouvoir régler tous les problèmes, mais je suis convaincue que nous en réglerions une partie si nous avions un bon système d'éducation. Il nous serait possible de réduire nos dépenses sociales.
Pour moi, la réponse est tout à fait évidente, et les membres du comité, ainsi que les parlementaires en général, sont sans doute mieux placés que nous pour y répondre. Une partie de la réponse se trouve dans une déclaration de la vérificatrice générale en 2000, qui disait que si nous ne faisons rien, cela nous coûtera encore plus cher. Pour moi, c'est une partie de la réponse mais, en même temps, comme Lise vient de le dire, moins on fait maintenant dans ce domaine, plus les dépenses du gouvernement fédéral vont être importantes à court, à moyen et à long termes.
Je sais que nous sommes là ce matin pour parler d'éducation, mais le fait est que, si le gouvernement fédéral prenait le temps de réfléchir à la situation en matière de logement, par exemple, et de trouver une solution qui permettrait de combler les lacunes actuelles dans le domaine du logement, étant donné que le taux d'occupation a presque doublé dans les collectivités autochtones, comparativement aux autres localités canadiennes, ce genre de mesure pourrait également avoir une incidence positive sur l'éducation à moyen et à long termes. Nous en sommes tous conscients, à mon avis.
Il en va de même pour la santé et d'autres domaines liés à la réalité des premières nations. En ce qui me concerne, cela fait partie de la solution mais, dans l'ensemble, ce sont des éléments qu'il faut absolument examiner de plus près.
D'une certaine manière, nous avons déjà fait cela: entre 1992 et 1996, le gouvernement fédéral a dépensé 60 millions de dollars pour obtenir un rapport sur la situation. C'est quelque chose qui n'avait jamais été fait auparavant et qui ne l'a jamais été depuis, bien sûr. Nous avions là toutes les réponses nécessaires, et c'est sans doute le seul rapport qui ait jamais reçu l'appui unanime de nos chefs. Un plan avait été défini, qui existe toujours, d'ailleurs; mais, il n'y a eu guère de changement.
Me permettez-vous d'intervenir une seconde? Chef Picard, pourriez-vous nommer le rapport que vous venez de mentionner ou nous dire à quel moment il a été publié?
Je voudrais remercier nos témoins, et surtout Mme Bastien, de leur présence et aussi de leur patience pour ce qui est du rapport que nous avons reçu. Je vous en suis très reconnaissant.
Il y a quelques semaines, le comité a eu le privilège de visiter Kitigan Zibi. Nous avons été chaleureusement accueillis, en tant que comité, et je dois dire que c'était une visite très instructive. L'un des aspects de la visite était la visite de l'école, et j'ai trouvé cela très encourageant. Les installations semblaient bonnes, le personnel était de bonne humeur et les enfants semblaient bien aimer leur environnement; il y a néanmoins une chose qui m'a frappé quand nous sommes arrivés à la bibliothèque, et c'est qu'on nous a fait savoir que le financement actuel n'est pas suffisant pour permettre d'établir des bibliothèques dans les écoles.
Par la suite, nous avons reçu ce dépliant, que j'ai examiné en rentrant à Ottawa dans l'autocar. À la page 25, on dit que la formule de financement actuelle ne comprend pas le coût d'éléments essentiels d'un système d'éducation — par exemple, les bibliothèques, la technologie, les sports et les loisirs et les langues autochtones. Et, dans les notes d'information préparées par la Bibliothèque du Parlement pour la réunion d'aujourd'hui, on voit essentiellement la même affirmation au 6e paragraphe de la page 3, puisqu'on dit ceci: le modèle de financement ne tient pas compte d'éléments éducatifs comme les bibliothèques, la technologie de l'information et des communications, les sports et les loisirs, etc, etc.
Il est évident que cela m'a semblé un peu inquiétant, étant donné que mes propres enfants ont profité des bibliothèques, tout comme mes petits enfants en profitent maintenant. Pour moi, c'est un élément essentiel du financement qu'il faut prévoir pour l'éducation, et j'ai donc demandé à mon personnel de faire de la recherche à ce sujet. Or, l'information que m'a fournie le ministère ne cadre pas avec les affirmations que je vois dans les notes d'information de la Bibliothèque du Parlement, ni avec votre rapport.
Je voudrais donc vous lire des extraits des informations préparées par le ministère:
Financement des écoles — Normes sur les surfaces dans les écoles
AINC finance les écoles dans les réserves conformément à ses Normes sur les surfaces dans les écoles. Les Normes sur les surfaces dans les écoles prévoient une certaine superficie pour les bibliothèques situées à l'intérieur des écoles des premières nations, mais non pour les bibliothèques autonomes situées en dehors de l'école. Ces normes visant les bibliothèque dans les écoles sont considérées comme faisant partie des zones à usage particulier et visent donc les zones administratives, les salles polyvalentes, la bibliothèque et les centres de ressources, l'auditorium/gymnase, les salles des sciences, les salles des sciences économiques, les salles des arts industriels, les salles commerciales/informatiques et d'autres zones du même genre.
Ensuite on précise les éléments des normes qui s'appliquent. Une plus petite école ayant de 35 à 60 élèves n'aurait normalement qu'une salle polyvalente servant aussi de bibliothèque. Les écoles élémentaires de plus grande taille — et celle de Kitigan Zibi rentrent certainement dans cette catégorie — ayant 61 élèves ou plus aurait droit à une bibliothèque/centre de ressources ne servant qu'à cette fin.
Mais, il y a quelque chose qui manque dans tout cela, et je me demandais si vous pourriez expliquer les raisons pour lesquelles les montants versés par le ministère pour ces installations-là, et dont il est question dans les publications officielles du ministère, ne sont pas mentionnés dans ce rapport.
Je pense que vous parlez du financement des immobilisations. Cela fait partie des normes qui visent la construction des écoles. Vous avez raison: les normes touchant la construction des écoles prévoient une certaine norme pour les bibliothèques. Mais, nous savons bien qu'il existe un écart très important en ce qui concerne les sommes prévues pour la construction des écoles.
Je voudrais vous mentionner autre chose également. La formule de financement des écoles ne tient pas compte des frais d'entretien d'une bibliothèque, ni du coût des livres, du technicien, des bibliothécaires et du logiciel qu'il faut posséder pour bien gérer une bibliothèque. La formule de financement ne prévoit aucun crédit pour les frais de fonctionnement — c'est-à-dire, pour tout ce qui se passe à l'intérieur de la bibliothèque.
Donc, vous me dites qu'AINC prévoit du financement pour la superficie de la bibliothèque dans le contexte d'un projet scolaire, mais qu'une fois que la bibliothèque est en place, il n'y a pas de personnel, il n'y a pas de livres, il n'y a pas d'ordinateurs, il n'y a pas de salle des sciences…
C'est tout à fait ça. Et je ne suis pas en mesure de rencontrer les personnes qui travaillent au centre d'administration. Je suis au cours de ce financement. J'étais là à l'époque où ils l'ont créé il y a 20 ans, et je sais pertinemment que rien n'est prévu ni pour les livres, ni pour le fonctionnement.
Pourriez-vous donc m'expliquer pourquoi, à la page 25, on dit que la somme indiquée ne comprend pas le coût des éléments essentiels d'un système scolaire, tels que les bibliothèques? C'est parce qu'il est évident que les bibliothèques sont incluses. À mon avis, il faut obtenir d'autres éclaircissements au sujet du sens du libellé du rapport.
Mon autre question est celle-ci: je crois savoir qu'il existe d'autres ministères fédéraux qui apportent une contribution importante à l'éducation et ce, non seulement au niveau secondaire, mais au niveau postsecondaire également. Je crois également savoir que, par l'entremise de RHDCC, notre gouvernement fournit 200 millions de dollars de plus sur trois ans pour soutenir le Programme de développement des compétences pour les Autochtones, ainsi que 75 millions de dollars dans le cadre du nouveau Fonds d'investissement stratégique pour les compétences et la formation des Autochtones.
Donc, pourriez-vous nous brosser un tableau complet des efforts déployés par le gouvernement fédéral, pour que des Canadiens ordinaires, comme moi, comprennent qu'il y a plusieurs ministères qui participent? Si on examine les programmes isolément, on peut penser que c'est insuffisant; mais, quand on tient compte des divers silos qui existent dans les ministères fédéraux, en essayant de voir ce que cela représente globalement, on se rend compte que, en fait, les ressources financières et autres qui sont prévues pour aider à améliorer l'éducation des peuples autochtones sont en réalité plus importantes. Je vous félicite pour l'intérêt que vous portez à l'éducation et pour vos activités de promotion en ce sens. Je voudrais simplement m'assurer que nous avons un portrait complet de la situation.
Reste-t-il assez de temps pour me permettre de répondre?
Je pense que vous faites allusion au même régime que celui qui existe pour la province, mais ces programmes ne concernent pas les écoles proprement dites. Je crois que vous parlez plutôt de mesures d'emploi. C'est tout à fait différent. Ce n'est pas quelque chose qui va aider les écoles élémentaires et secondaires à se procurer de nouvelles technologies ou à mettre sur pied de nouveaux programmes de formation professionnelle.
De plus, je voudrais mentionner, en dernier lieu, qu'il ne convient pas de financer les écoles dans le cadre d'un projet annuel. Il doit s'agir de financement permanent qui repose sur une vision et des programmes d'enseignement.
Le temps est écoulé, mais je vois que le chef Picard voudrait ajouter quelque chose. Donc, nous allons prendre 30 secondes de plus pour entendre vos observations, chef Picard.
Il ne fait aucun doute que je m'intéresse à la question des ressources humaines. Mais, si j'ai voulu, moi aussi, répondre à votre question, c'est parce que dans la première année, soit en 1995, quand nous avons signé le premier accord sur les ressources humaines, nous insistions déjà sur l'écart très important qui existe entre la somme que touche le Québec et ce que touchent les premières nations dans le même secteur d'activité. En fait, d'après nos chiffres — même s'il existe cette enveloppe de 200 millions de dollars — nous avons toujours un manque à gagner de 80 millions de dollars, d'après les chiffres de 2009. Donc, là aussi, il y a du rattrapage à faire.
Pour moi, la bonne nouvelle, c'est que vous faites des progrès si vous constatez que les quatre partis ici représentés sont choqués d'apprendre que le gouvernement ne finance pas le fonctionnement des bibliothèques. Il est évident qu'un changement s'impose dans ce domaine.
Avant de poser ma question, pourriez-vous m'apporter un petit éclaircissement? Comme il y a plus d'Autochtones qui vivent hors réserve, dans les villes, etc., si un Autochtone habite Montréal ou Québec, est-ce que ses études sont totalement financées par le gouvernement du Québec ou, disons, par le gouvernement provincial s'il habite la ville?
Si vous vivez dans la réserve mais vous fréquentez une école provinciale, parfois le financement passe par la bande et parfois il passe par le gouvernement fédéral.
Supposons qu'on parle d'une personne qui habite un grand immeuble à Montréal. Est-ce que le montant que le gouvernement fédéral verse au gouvernement du Québec pour cet étudiant est le même que ce qu'il dépense par personne pour les écoles situées dans les réserves?
C'est-à-dire que les études des personnes vivant hors réserve ne sont pas financées en vertu d'un accord conclu avec le conseil de bande. En vertu de l'accord conclu avec le conseil de bande, nous savons que, lorsque certains conseils scolaires envoient un résident de leur collectivité dans une école provinciale, il arrive fréquemment — nous en avons de nombreux exemples — que le gouvernement fédéral verse une somme beaucoup plus importante à l'école provinciale qu'il n'accepte de payer pour le même étudiant qui fréquente une école des premières nations dans la réserve. C'est justement cela le problème.
Parfois, le gouvernement fédéral paie deux fois plus pour financer les études d'un enfant qui habite normalement la réserve que la somme qu'il accorde normalement à un école des premières nations. Quand il s'agit d'écoles extérieures, le financement n'est pas prévu en vertu d'un accord conclu avec la collectivité. C'est un transfert différent et nous n'avons pas énormément d'information à ce sujet.
J'espère que vous n'êtes pas en train de nous dire que l'information au sujet des sommes versées aux provinces par le gouvernement fédéral n'est pas publique. Quoi qu'il en soit, passons à autre chose.
Je crois qu'il conviendrait d'attirer votre attention sur la question des programmes destinés à l'enfance en difficulté. Il existe un budget particulier pour de tels programmes, et si la province demande du financement pour des enfants en difficulté ou des enfants qui sont membres d'une première nation, cette dernière a la priorité en matière budgétaire. À ce moment-là, les premières nations reçoivent ce qui reste du budget et le régime de responsabilisation n'est pas le même.
Existe-t-il des exemples — les chefs le sauraient peut-être — de parents qui, en raison de l'inégalité entre les deux systèmes d'éducation, auraient décidé de quitter la réserve pour que leurs enfants fréquentent une école provinciale, étant donné qu'elle est mieux financée? Ce serait triste, mais pouvez-vous nous dire si cela s'est déjà produit?
Non. Si les gens quittent la réserve, c'est parce qu'il n'y a pas de fonds suffisants pour leur permettre d'obtenir un logement, ce qui crée nécessairement un problème en ce qui concerne le financement des études.
Mais, pour en revenir à ce dont vous parlait Lise, à savoir les programmes destinés à l'enfance en difficulté, nous avions un enfant en difficulté qui a dû passer par le système d'éducation provincial. Le ministère des Affaires indiennes n'était aucunement réticent à payer 48 000 $ pour cet enfant. Nous l'avons ramené, et le ministère a ensuite accordé 48 000 $ pour trois enfants vivant dans la réserve. Donc, voilà le genre de problèmes auxquels nous sommes confrontés dans ce domaine.
Pour l'assistance sociale, le ministère des Affaires indiennes paient exactement ce que paie la province, sous pour sous. C'est différent selon la province, mais c'est exactement le même montant. Donc, ne trouvez-vous pas incohérent que, dans le secteur de l'éducation, le fédéral ne verse pas le même montant que la province — en d'autres termes, qu'on vous donne beaucoup moins pour votre système d'éducation dans la réserve?
Rappelez-vous que les frais de scolarité varient en fonction de la région, et non pas de la province. En appliquant leur formule de financement, ils tiennent compte du type d'école, de la population, de la situation socioéconomique et d'autres facteurs en fixant les frais de scolarité. C'est pour cela que ce n'est pas un calcul aussi facile que pour le système d'assistance sociale, où les montants sont les mêmes. Ce n'est pas la même chose.
Nous avons établi que, pour des écoles comparables, les sommes versées au Québec et au Nouveau-Brunswick sont plus élevées. Ils peuvent payer, disons, 12 000 $ par étudiant dans un cas, 13 000 $ dans d'autres cas, et jusqu'à 22 000 $ par étudiant dans d'autres cas encore. Donc, c'est différent.
Oui, j'ai un très bref commentaire, et je vais être très direct avec vous.
Pour moi, l'intention est très claire. Il s'agit de faire sortir les Indiens des réserves et de les faire placer sous la responsabilité du système provincial, tant dans le secteur du logement que dans celui de l'éducation. C'est pour cela que le modèle adopté par la Colombie-Britannique est présenté comme une sorte de modèle pour toute la nation. À mon avis, nous avons parfois tendance à mettre tout le monde dans le même panier. Il se trouve qu'il y a un plus fort pourcentage d'Indiens vivant hors réserve au Québec que dans n'importe quelle autre région du pays, en dehors du Nord.
Je voudrais remercier les témoins de leur présence aujourd'hui.
La question de l'éducation des premières nations revêt une grande importance pour moi, dans ma vie. Sans éducation, je n'aurais jamais pu être ici parmi vous. D'ailleurs, je vous signale que je suis membre d'une première nation — le premier député à l'être. Il y a également un certain nombre de Métis qui se sont identifiés comme tels. Nous somme tous là pour comprendre la situation en matière d'éducation.
Si je me fonde sur mes propres expériences, je peux vous affirmer que, si je n'avais pas pu obtenir une éducation, je n'aurais jamais pu obtenir un emploi, je n'aurais pas pu progresser, et il est même probable que je ne serais pas là devant vous aujourd'hui en tant que député élu à la Chambre des communes. Je pense également que les Autochtones devraient s'enorgueillir d'être membres d'une première nation et s'assurer de poursuivre des études postsecondaires. Moi, j'ai dû payer une partie de mes études postsecondaires. J'ai obtenu de l'aide de la part du MAINC, et j'en suis très reconnaissant, mais il faut parfois prendre l'initiative d'aller plus loin et de poursuivre ses études, si on veut atteindre ses objectifs.
En 2006, pendant le mandat de l'ancien ministre des Affaires indiennes, Jim Prentice, le fédéral, le Conseil en éducation des premières nations et l'Assemblée des Premières nations du Québec et du Labrador ont signé un protocole d'entente sur l'éducation. Le Conseil en éducation des Premières nations a touché la somme de 731 000 $ pour diverses initiatives, y compris 150 000 $ pour mettre en oeuvre le protocole d'entente et 365 000 $ pour étudier la faisabilité d'un régime d'enseignement postsecondaire pour les premières nations. Pouvez-vous me dire où en est cette étude à l'heure actuelle? Le savez-vous?
Je crois que vous confondez deux choses. Le ministre Prentice a assisté au forum, et nous y avons signé un accord sur l'étude des services de deuxième niveau que nous avons déposé en novembre. On nous a dit tout simplement que notre analyse était assez bonne, mais que le ministère n'avait pas les crédits nécessaires pour y donner suite.
Vous avez également parlé des établissements postsecondaires du Québec.
Oui, nous allons vous en faire parvenir une copie.
Je ne me souviens plus du nom du SMA à qui nous l'avons présentée. Je me rappelle qu'il nous a remerciés pour notre bon travail en nous disant que l'étude leur serait utile, mais qu'ils n'avaient pas les fonds nécessaires pour créer des services de deuxième niveau ou pour donner suite à l'étude. Mais la réponse est oui, l'étude est terminée.
Je voudrais simplement ajouter que, dans le protocole d'entente que nous avons signé, les autorités fédérales s'engageaient à collaborer avec nous à la mise en oeuvre d'un système d'éducation plus complet pour les premières nations. Nous espérions que, après le dépôt de cette étude, cet engagement serait respecté, mais la seule réponse que nous avons obtenue consistait à nous dire: « C'est une bonne étude. Bravo. Elle va nous aider à l'avenir, mais nous n'avons pas d'argent pour financer ce genre de chose. » C'est une réponse que nous avons eu du mal à accepter au moment de déposer notre étude. Nous avons fait du bon travail, mais le gouvernement n'avait pas d'argent pour financer quoi que ce soit, même s'il reconnaissait la valeur de l'étude que nous avions effectuée.
Je suis un peu curieux, notamment par rapport à ma propre collectivité autochtone. Je voudrais en savoir plus long sur les fonds accordés aux premières nations du Québec. Je sais que le montant dépend de la population, etc., mais je suis tout de même curieux. Chef Polson, combien recevez-vous actuellement pour les membres de votre première nation au titre de l'éducation? Qui contrôle le portefeuille de l'éducation?
Pour une école exploitée par la bande, nous recevons 518 000 $ par année. Nous pouvons éventuellement obtenir 200 000 $ de plus pour les programmes destinés aux enfants en difficulté. Ensuite, il est possible qu'on nous donne encore 90 000 $, mais ce financement peut aussi disparaître du jour au lendemain. C'est ce qui arrive pour bon nombre des programmes dispensés dans les collectivités. Il n'y a jamais d'uniformité et, pour le personnel, il n'y a pas de sécurité non plus, étant donné que, d'une année à l'autre, le programme peut changer. Avez-vous remarqué que les programmes ont été annoncés en février, alors que les critères l'ont été en décembre seulement? Qui plus est, nous devions obtenir les résultats à la mi-mars, alors que nous attendons toujours. La période des vacances estivales va bientôt commencer, et comment sommes-nous censés planifier les activités de la prochaine année scolaire sans qu'on nous garantisse que les fonds nécessaires nous seront versés au moment opportun?
Bien sûr, c'est déplaisant de voir qu'au Canada, on trouve le moyen de faire venir des immigrants et de dépenser des fortunes énormes pour tenter de les intégrer alors qu'il y a des gens natifs d'ici pour lesquels on n'est pas prêt à dépenser un minimum d'argent afin de leur permettre de faire partie de la population de ce pays.
Par exemple, en 2008, selon une étude, il y avait une perte de 6,2 p. 100 au chapitre des montants minimums nécessaires pour l'éducation, ce qui représentait, comme le grand chef Picard vient de le mentionner, quelque chose comme 80 millions de dollars additionnels qui devaient s'appliquer. Peut-on dire raisonnablement que cette année, il faudrait possiblement 90 millions de dollars pour remettre à niveau le système d'éducation?
De plus, pourriez-vous me dire si le système de gouvernance des montants accordés au système d'éducation des premières nations est adapté aux besoins d'aujourd'hui?
Tout à l'heure, on a parlé de l'importance d'enlever le 2 p. 100 d'augmentation. Il ne faudrait pas oublier que ce 2 p. 100 a eu un impact pendant plus de 10 ans et que cela a occasionné des pertes de financement pour les premières nations pendant 10 ans. Donc, il y a une perte cumulative, au Canada, qui dépasse 1,5 milliard de dollars. Juste pour l'année 2008-2009, je pense que ce sont 233 millions de dollars, pour l'ensemble du Canada, qui seront perdus. Au Québec, la perte est proportionnelle. Je pense que pour l'année 2008-2009, elle est de l'ordre de 25 millions de dollars. La perte cumulative, pour le Québec, était de l'ordre de 90 millions de dollars. Donc, il faudrait être sérieux dans les analyses et tenir compte de tout ce qui a été perdu pendant ces 10 ou 12 ans et du rattrapage qu'il y a à faire.
Quant à la deuxième question, c'est très important d'avoir un mécanisme plus objectif et plus structuré, d'où l'importance qu'on accorde à l'instauration d'une formule de financement adaptée pour les écoles qui tienne compte de l'ensemble des coûts. Cette formule n'a jamais été révisée. Si quelqu'un pense qu'une formule développée en 1988, à partir d'un montant existant... On a dit qu'il y avait tant d'argent pour les frais de scolarité et on a séparé ici et là ce qui restait.
Comme vous le dites, au Québec, pour franciser les nouveaux arrivants, on donne plus de 2 000 $ au niveau primaire et plus de 3 000 $ au niveau secondaire. Cette formule donne aux premières nations environ 400 $ pour l'enseignement des langues des premières nations et pour l'enseignement d'une langue seconde. Y a-t-il quelque chose de comparable à ce chapitre? Ce sont des langues menacées.
C'est une formule désuète. Si quelqu'un veut soutenir qu'elle n'est pas désuète, qu'il le fasse, mais il aura un moyen défi à relever.
Je pense aussi qu'on peut toujours faire des comparaisons, par exemple sur le plan des langues, mais il faut arrêter d'improviser. On n'improvise pas quand on finance des systèmes aussi essentiels que l'éducation. On ne peut pas dire que cette année on a tant de millions et que par conséquent, on va devoir se contenter de faire ceci ou cela. Il faut que cela soit basé sur des analyses de besoins.
On ne pourrait pas demander à la population canadienne en général combien elle reçoit sur le plan de l'éducation, et décider si c'est assez sans avoir fait d'évaluation des besoins réels en éducation. Tous les systèmes provinciaux ont fait cet exercice. Ils ont évalué ce qu'il faut pour qu'il y ait un bon système d'éducation. Après cela, ils disent combien ça coûte et combien on investit. Il n'est pas question de ne pas parler des besoins sous prétexte que c'est inutile puisque c'est tout ce qu'on a.
Non, nous devons respecter les critères qui nous sont essentiellement imposés pour l'exploitation des écoles et tout ce qui touche l'éducation.
Je voulais réagir à vos premiers commentaires sur le fait que le Canada s'empresse de soutenir les immigrants qui s'établissent chez nous mais a beaucoup de mal à soutenir les premières nations, alors qu'il s'agit des premiers peuples. Mme Crowder parle d'un déséquilibre; or, ce déséquilibre ne disparaîtra pas, à mon avis, tant que le gouvernement fédéral n'aura pas reconnu et accepté que les Autochtones possèdent le titre et les droits ancestraux sur leurs territoires. Si les collectivités autochtones bénéficiaient de leur juste part des ressources naturelles, nous ne serions pas obligés de nous asseoir dans des salles comme celle-ci pour demander l'aumône au gouvernement, alors que cet argent appartient en réalité aux collectivités.
Je suis désolé, mais j'ai ça à l'esprit depuis le début de la réunion. Toute la matinée, j'ai voulu vous dire cela, car c'est la réalité à laquelle nous sommes confrontés.
J'aimerais remercier tous nos témoins d'avoir bien voulu nous rencontrer aujourd'hui pour discuter d'un sujet bien important qui constitue un enjeu majeur pour les premières nations.
J'ai eu l'occasion de vivre dans des localités isolées en Ontario, au Manitoba, en Saskatchewan, en Colombie-Britannique, et au Cercle polaire arctique — mais pas du tout au Québec — et je considère par conséquent que je connais bien la situation de localités de ce genre. D'ailleurs, je partage vos préoccupations au sujet des divergences qui existent entre les différentes régions du pays en ce qui concerne l'état de nos écoles — à la fois l'état physique de nos écoles et leur capacité d'assurer des services, notamment au-delà du niveau postsecondaire, et de dispenser la formation requise. Pour avoir travaillé dans un certain nombre de collectivités isolées des premières nations, je sais que lorsque la formation est disponible à proximité, soit dans la localité elle-même ou dans les environs, les possibilités de succès sont meilleures. D'ailleurs, nous y travaillons.
Aujourd'hui, on nous a fait savoir qu'il existe peut-être des écarts de financement et des problèmes structurels. Sans vouloir contredire quiconque, je me permets de rappeler que ces phénomènes ne sont pas apparus au cours des trois dernières années seulement; en fait, ils sont présents depuis une vingtaine d'années environ, depuis une génération, disons, étant donné que les premières nations travaillent généralement en fonction d'un plan décennal ou quinquennal. D'ailleurs, le chef Picard évoquait le Rapport de la vérificatrice générale en l'an 2000, où elle parlait de ce que cela coûterait si nous refusions d'agir. Donc, nous parlons de réalités auxquelles un gouvernement récemment élu, quel qu'il soit, devrait nécessairement s'attaquer progressivement.
Il me semble qu'il y a néanmoins beaucoup de bonnes nouvelles. Le plan établi par le gouvernement actuel consiste à investir 268 millions de dollars de plus sur cinq ans — d'ailleurs, je vois des gens qui hochent la tête, ce qui laisse entendre qu'ils reconnaissent que c'est vrai — et 75 millions de dollars chaque année par la suite. D'ailleurs, ce financement vient s'ajouter au 1,7 milliard de dollars déjà investi dans les programmes d'éducation à l'intention des membres des premières nations.
Je peux vous dire que depuis huit mois que je suis député, notre gouvernement a annoncé la construction d'au moins 10 nouvelles écoles dans des collectivités autochtones isolées d'un bout à l'autre du Canada. Étant donné le rythme auquel nous travaillons actuellement, il est clair, me semble-t-il, que nous cherchons à nous attaquer à de graves problèmes en ce qui concerne l'éducation dans les réserves, contrairement à ce que des gouvernements précédents peuvent prétendre.
Au cours des prochaines minutes, j'aimerais donc parler de ce qu'on peut faire pour faire progresser les choses. Le CEPN préconise que les premières nations assument de nouveau le contrôle de leurs systèmes d'éducation. Nous parlons plus précisément du programme des partenariats en éducation créé par le gouvernement, soit des partenariats tripartites dans le secteur de l'éducation, et d'une collaboration plus intensive avec les provinces, de même que les écoles et les organismes autochtones.
J'ai lu vos rapports et je comprends la nature de vos préoccupations. Mais, je sais également — c'est l'autre son de cloche — que certaines provinces ont bien collaboré avec les collectivités autochtones dans la mesure où elles s'assurent que, lorsque des étudiants autochtones terminent leurs études primaires et secondaires, ils sont sur un pied d'égalité avec les étudiants qui sortent d'autres écoles provinciales. Voilà qui les aide justement à respecter les conditions d'admission aux collègues et universités.
Êtes-vous favorable à ce genre de programme? Et, sinon, pourquoi? Et, êtes-vous d'accord pour reconnaître que notre gouvernement a, de façon générale, pris la bonne orientation pour ce qui est d'atteindre un certain nombre d'objectifs prioritaires, et ce en vue de régler certains des problèmes épineux qui prévalaient au cours des 13 années qui ont précédé notre démarche?
Je ne vais pas dire que vous savez pertinemment que nous ne sommes pas d'accord avec deux initiatives qui ont été lancées. Le problème, c'est que, si vous donnez de l'argent à une école provinciale pour qu'elle améliore ses services, vous devez donner le même montant à une école de bande, et ce pour ne pas aggraver l'écart qui existe entre les deux et pour éviter de favoriser l'intégration de membres des premières nations dans les écoles provinciales.
Je suis d'accord avec vous pour dire que les étudiants autochtones doivent être sur un pied d'égalité avec les autres. Pourquoi, dans ce cas, ne pas réexaminer la formule de financement actuelle, qui ne prévoit pas l'égalité avec les provinces, et nous permettre d'apporter aux écoles autochtones les changements importants qui sont essentiels?
Ne pensez-vous pas que, vu la nature de cette relation tripartite, il s'agit d'abord de déterminer quelles ressources…? On nous a dit plus tôt que ce n'est pas simplement une question de ressources et qu'il y a d'autres dimensions importantes — qui ne sont peut-être pas liées aux ressources — qui nous empêchent de normaliser le système.
Je voulais intervenir sur cette question. Même s'il y a eu cette année des investissements dans des projets d'immobilisations dans les écoles, je voudrais soulever dans ce contexte le rapport du directeur parlementaire du Budget qui indique qu'il n'y a « pas de crédits parlementaires précis pour le financement de l'infrastructure scolaire des premières nations » et qu'il existe des données « rares sur les dépenses liées à l'infrastructure scolaire » dans les collectivités des premières nations.
Il continue en disant « qu'il est absolument nécessaire d'adopter une approche et une méthodologie systématiques pour déterminer le financement annuel qui doit être réservé chaque année par AINC à l'infrastructure scolaire des premières nations ». Je voulais vous faire part de ses remarques car le directeur parlementaire du Budget présente à la fois le pire scénario et le meilleur scénario, et quel que soit le scénario qu'on retient, on ne peut que conclure que les écoles des premières nations sont gravement sous-financées. Voilà donc pour la question des immobilisations.
Je voudrais maintenant revenir sur la question des frais de fonctionnement. Deux ou trois personnes ont parlé de l'accord conclu en Colombie-Britannique. Je ne prétends certainement pas parler pour les premières nations de la Colombie-Britannique, mais je sais que certaines d'entre elles nous ont fait savoir à plusieurs reprises que le modèle en question est adapté à la situation en Colombie-Britannique et, quant à la possibilité que ce modèle s'applique de façon générale aux autres régions du pays, disons que les premières nations de la Colombie-Britannique estiment que ce n'est tout simplement pas possible.
L'autre élément important qu'il convient de mentionner par rapport à l'accord conclu en Colombie-Britannique, c'est que, même s'il a été très bien accueilli en Colombie-Britannique, cette loi est en vigueur depuis plusieurs années maintenant et les intéressés n'ont toujours pas reçu de financement. La semaine dernière, d'ailleurs, j'ai demandé au ministre où en étaient les choses, et on m'a garanti que les négociations sont toujours en cours. Donc, trois ans plus tard, ces négociations qui influent directement sur les enfants dans les collectivités et la capacité des écoles de dispenser des programmes d'éducation aux étudiants autochtones, sont compromises, en réalité. Donc, s'il y en a qui veulent célébrer la conclusion de cet accord, je pense qu'ils feraient bien de se rappeler la réalité actuelle, à savoir un manque d'argent, comme toujours.
Je voulais simplement aborder la question du fonctionnement. Le problème des bibliothèques a été soulevé. M. Rickford nous rappelle à juste titre que ce n'est pas le gouvernement actuel qui a décidé qu'il n'y aurait pas de financement pour les bibliothèques. Je tiens à ce que ce soit bien clair. En fait, j'ai visité une école récemment où le ministère avait fourni les crédits nécessaires pour construire le bâtiment, mais ils avaient été obligés de demander des dons pour être en mesure d'obtenir des livres pour la bibliothèque. Ils se sont prévalus de l'initiative de Bartleman en Ontario pour la remplir de livres.
Peut-être pourriez-vous nous parler des autres services qui ne sont pas couverts par votre financement de base. Si je ne m'abuse, la technologie n'est pas couverte.
Vous avez raison. La technologie n'est pas incluse dans la formule de financement. Encore une fois, nous parlons de la formule de financement, qui n'est pas correcte à l'heure actuelle. La technologie n'est pas incluse, ce qui veut dire qu'il n'y a pas d'argent pour acheter des ordinateurs et des logiciels, engager un technicien, etc. Il y a aussi les sports et les loisirs. Par exemple, nous ne recevons rien pour l'établissement d'un programme de sport-études. Nous touchons 215 $ par étudiant pour la préservation et l'enseignement des langues.
Oui, par étudiant, alors que c'est tout à fait impossible. Comme vous pouvez vous l'imaginer, dans une école de 150 étudiants, on n'a pas de fonds suffisants pour recruter un enseignant ou faire quoi que ce soit dans le domaine des langues.
Il y a aussi la question de la formation professionnelle, que j'ai mentionnée tout à l'heure. Il n'y a pas d'argent non plus pour de tels programmes; notamment au niveau secondaire.
Des réformes importantes ont été entreprises au Québec. Tous les programmes d'études ont été réexaminés. On a aussi donné beaucoup de formation aux enseignants, aux administrateurs, etc. Mais, nous n'avons rien reçu pour tout cela, et donc, comment peut-on tenir compte de ces réformes? C'est très important.
J'aimerais dire également que, s'agissant de formation professionnelle, nous avons reçu une lettre — en date de juin 2006, me semble-t-il — de notre administrateur, soit le directeur de l'Éducation à l'Administration centrale d'AINC, qui reconnaît que leurs programmes ne permettent pas de financer la formation professionnelle et qu'il voudrait travailler avec nous pour réexaminer les programmes. Mais, cela ne s'est jamais produit. Donc, il y a beaucoup d'éléments.
Si vous me permettez, j'aimerais vous demander de vous rappeler les deux initiatives lancées par le gouvernement fédéral, dans le cadre desquelles il était question de 268 millions de dollars sur cinq ans. Comme je vous l'ai déjà dit, en 2008-2009 seulement, nous devrions perdre 233 millions de dollars — en une seule année. Nos écoles perdront plus de 200 millions de dollars, ou quelque chose de ce genre, et je ne pense donc pas qu'elles pourront continuer longtemps, si cette situation perdure. Elles sont de moins en moins concurrentielles et de moins en moins en mesure d'assurer les mêmes services que d'autres premières nations et d'autres écoles provinciales. Elles demandent simplement que leur gouvernement leur permette de dispenser des programmes et des services comparables. Comme vous le savez, cela ne pourra pas continuer encore longtemps. Il va y avoir une fuite vers les écoles provinciales à cause de cette situation.
Je suis très préoccupé par ce qui a été dit au sujet du financement des bibliothèques, par exemple. Moi, aussi, j'ai visité l'école de Kitigan Zibi. Je crois savoir qu'ils ont fait construire à l'école une bibliothèque qui était bien financée, mais qu'ils ont ensuite décidé de l'agrandir et de créer également une bibliothèque publique. C'est là que le problème s'est posé concernant le non-financement de certaines activités.
Le lendemain, j'ai assisté à l'inauguration d'une école à Big Horn, en Alberta. Ils ont une bibliothèque et un gymnase qui ont été pleinement financés. Toutes les activités dont vous dites dans votre rapport et vos témoignages qu'elles ne sont pas financées le sont, en réalité. AINC a déclaré de façon définitive que le financement des bibliothèques comprend l'achat de fournitures, de livres, d'ordinateurs, de matériel multimédia et de mobilier. Je ne comprends donc pas pourquoi il existe cette divergence d'opinions sur la question. J'aimerais bien qu'on tire la situation au clair.
On nous a fourni ce rapport. Si j'ai bien compris, il a été financé en partie par RHDCC, mais non par AINC. Est-ce exact?
En fait, pour préparer ce rapport… Je ne pense pas que nous ayons obtenu des fonds pour préparer ce rapport-là. Nous en avons obtenu pour la préparation d'un autre rapport, mais seulement environ 10 p. 100. Mais nous n'avons rien reçu pour celui-ci.
D'accord. Quand j'ai fait part au ministère de vos propos au sujet des bibliothèques, ils ne semblaient pas du tout être au courant de ce que vous affirmiez. Bien sûr, c'est tout à fait contraire à la politique du ministère.
Ils n'étaient pas au courant du fait que vous disiez des choses qui sont tout à fait contraires à la politique du ministère, comme si c'était réellement la politique du ministère.
Peut-être cela dépend-il de la personne à qui on parle à AINC, car nous avons fait partie d'un groupe de travail mixte avec le ministère pour examiner cette formule. D'ailleurs, ils ont mené une étude en 2006. Cette étude conclut également qu'aucun financement n'est accordé pour les frais de fonctionnement d'une bibliothèque — et là, il s'agissait d'une étude conjointe. Donc, je suppose que tout dépend de la personne à qui on s'adresse au ministère et de son interprétation de la formule. Il y a peut-être un montant de prévu.
Ce que nous essayons de vous faire comprendre, c'est que la formule de financement ne prévoit aucun montant pour faire fonctionner une bibliothèque et pour renouveler les matériaux. Voilà ce que nous sommes en train de vous dire, et c'était aussi la conclusion d'une étude menée conjointement avec le ministère. J'ai une copie avec moi. Elle n'est pas traduite, mais c'était ça la conclusion d'un groupe de travail mixte.
Je ne sais pas… peut-être avez-vous une nouvelle formule de financement dont nous ne sommes pas au courant. Mais, je peux vous assurer que nous appliquons la même formule de financement nationale depuis 20 ans, et que ce genre de choses n'est pas du tout inclus.
Eh bien, en nous fondant sur les témoignages que nous avons reçus aujourd'hui, nous pourrons certainement aller au fond des choses.
Tout à l'heure, vous avez parlé du protocole d'entente signé en octobre 2006 avec AINC, l'Assemblée des Premières nations du Québec et du Labrador et votre conseil. J'aimerais savoir quelles ont été les principaux éléments de ce protocole d'entente et quelles mesures ont été prises par votre organisme pour y donner suite.
Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, nous avons fait un exposé lors du forum. Nous souhaitions établir des services de deuxième niveau, mais le ministère a décidé à la place de financer deux autres études, à savoir une étude sur la formation professionnelle et une étude sur les services de deuxième niveau. Comme je vous l'ai déjà expliqué, nous avons reçu des crédits pour mener cette étude de grande envergure sur les services de deuxième niveau. Nous avons eu recours à l'ensemble des ressources de notre collectivité et de nos représentants, et nous avons élaboré un plan quinquennal pour la mise en oeuvre des services de deuxième niveau. Comme je vous l'ai fait remarquer tout à l'heure, le ministre a pris un engagement à la suite de cette étude: il a dit que le ministère collaborerait avec nous pour créer des services de deuxième niveau. Mais maintenant, la réponse qu'on nous donne est non, parce qu'ils n'ont pas d'argent pour financer ce genre de choses. Or, c'était un aspect important de l'accord conclu entre nous. S'agissant de la formation professionnelle, nous essayons depuis 12 ou 15 ans de faire comprendre au ministère que cela pose problème. Le ministère a reconnu que c'était un problème, nous avons mené une étude, et qu'est-ce qui se passe maintenant? Eh bien, nous attendons qu'AINC donne suite à l'étude.
Sauf respect pour mon collègue M. Rickford, le seul progrès que j'ai observé jusqu'à maintenant se situe au niveau de la vitesse d'élocution du discours qu'il vient de prononcer. Entre le milieu des années 1990 et le début des années 2000, 30 écoles étaient construites en moyenne. D'ailleurs, ce résultat a été vérifié par le directeur parlementaire du Budget, qui représente une autorité indépendante. D'ailleurs, si c'est à cette vitesse-là qu'ils font avancer leurs dossiers, que Dieu nous vienne en aide si jamais il y a un ralentissement.
Je tiens à dire à tous ceux qui sont présents aujourd'hui qu'il faut absolument reconnaître qu'il existe un écart. Dans certains cas, on semble vouloir semer la confusion. Mais, le fait est qu'il existe un écart au niveau du rendement scolaire et du financement, et il faut absolument trouver des solutions. Pour moi, chaque partie doit reconnaître que c'est cela la réalité. Quant à savoir qui en est responsable, nous pouvons toujours en débattre en tant que responsables politiques. Mais, cet écart existe sur les plans tant du financement que du rendement scolaire, et il est donc temps de trouver des solutions face aux problèmes structurels ou systémiques qui existent actuellement.
S'agissant de financement, la nouvelle formule de financement va certainement susciter un débat. Mais, je voudrais en revenir à quelque chose qui a également été mentionné par la vérificatrice générale. Que pensez-vous de l'idée d'adopter une loi sur les pouvoirs en matière d'éducation des peuples autochtones qui serait facultative, plutôt qu'obligatoire? Là je m'inspire des propositions de l'Institut Caledon. Si j'ai parlé de la Colombie-Britannique, c'est seulement parce que je me demandais si on pourrait éventuellement s'inspirer de ce qu'ils ont fait dans cette province — je ne pensais pas nécessairement qu'on pourrait appliquer ce modèle de façon générale. Y a-t-il certains éléments de ce régime qu'on pourrait retenir ou appliquer ailleurs?
Je me demande s'il ne serait pas approprié de tenir des consultations en bonne et due forme et, au lieu d'imposer une mesure législative, opter pour la corédaction, et peut-être aussi la participation facultative. Est-ce quelque chose qui pourrait convenir à votre conseil? Si nous tenions des discussions avec d'autres autorités ailleurs au Canada, pensez-vous que ce serait une bonne idée?
Oui, nous avons déjà eu ces discussions, et je suis sûre que ce serait acceptable, à condition que ce soit de véritables consultations et que la structure établie à cette fin soit appropriée. Mais, entre-temps, il faut tout de même agir rapidement pour régler le problème urgent de l'écart qui existe et de l'insuffisance des services que nous assurons à nos étudiants.
Je n'ai qu'un seul commentaire à faire en réaction à l'observation de mon collègue. Je pense qu'il convient de vous faire remarquer — et je précise que je ne cherche pas ainsi à ouvrir un débat contradictoire avec mon collègue, même si je conviens de répéter cela — que si nous avions continué à travailler à leur rythme, nous n'aurions sans doute jamais réussi à construire des écoles car, d'après leurs calculs à eux, il n'y aurait plus d'écoles à construire. Donc, nous essayons simplement de prendre les mesures qui s'imposent.
Si vous me permettez, chef Polson, je voudrais changer de sujet pour vous demander vos observations au sujet de la langue, la culture et toute cette idée d'assimilation. Je vous félicite, d'ailleurs, d'être un champion de la protection des langues et de la culture autochtones. Évidemment, ayant passé presque une dizaine d'années de ma vie dans des collectivités autochtones isolées, j'ai compris petit à petit que bon nombre des enfants qui vont à l'école ont toujours l'anglais comme langue seconde, ce que je trouve formidable, notamment dans des collectivités comme Pikangikum. C'est une véritable preuve de leur engagement.
Les enseignants ne parlent pas toujours le dialecte local d'Ojibway, par exemple, mais les adjoints des enseignants réussissent à combler les lacunes. D'ailleurs, j'ai examiné des éléments de pédagogie concernant l'éducation des enfants qui prévoit l'intégration de solides exercices culturelles et de l'utilisation de la langue en prévision de cela.
Êtes-vous généralement d'accord avec moi pour dire que les responsables de l'éducation de chaque collectivité devraient jouir de la marge de manoeuvre nécessaire pour élaborer des programmes d'études qui permettront de protéger ce genre de choses et que, à l'heure actuelle, le système est suffisamment souple pour le permettre?
La langue est certainement une chose importante à ramener dans les collectivités, et il est évident que c'est un avantage; cependant, entre le fait de parler une langue et de la comprendre, il y a tout de même une différence. Un mot en anishnabi signifie plusieurs chose à la fois, si bien qu'il n'existe pas une seule traduction. Il pourrait s'agir d'un tambour. En anglais, un tambour est un instrument de musique, mais dans la langue anishnabi, un tambour a d'autres significations. C'est également le battement du coeur de la Terre mère qu'on peut entendre d'un bout à l'autre du pays. Mais, nous faisons face à de très graves difficultés pour ce qui est de réintégrer la culture et la langue.
Je suis chef traditionnel. Je pratique mes traditions et je pratique ma culture. Comme je ne parle pas la langue, je suis obligé de m'adresser aux aînés pour comprendre les enseignements culturels. Nous avons à notre école un enseignant algonquin que nous finançons par l'entremise du budget qui est assuré à notre école. Il ne s'agit pas d'un programme précis que nous dispensons à notre école. Nous devons faire en sorte qu'il soit disponible pour que les générations futures en profitent.
Pour faire une analogie, on peut dire que, dans notre cas, nous n'avons que 10 $, mais il nous faut en dépenser 15 $. Par conséquent, nous sommes obligés de tout réorganiser au sein des divers programmes pour être en mesure de répondre à nos besoins. Établir les rapports par la suite est toujours difficile. Bon nombre de collectivités et bon nombre de personnes sont accusées de mauvaise gestion des crédits qu'on leur donne, alors que c'est faux.
Chef Polson, je ne vous parle pas de mauvaise gestion de crédits. Ma question ne se voulait pas incendiaire. Il s'agit simplement de comprendre… Je comprends que ce n'est pas uniquement une question de langue. J'ai étudié le français de façon intensive, mais je sais qu'il faut se mettre dans le contexte pour comprendre comment une langue peut être un instrument culturel.
Oui, et c'est pour cela que vous avez tant de mal à comprendre. Ce n'est pas uniquement chez nous que le problème se pose. C'est un problème pour l'ensemble de la communauté autochtone; tous les éléments sont liés.
Il y a encore quatre personnes qui voudraient poser une question, mais nous allons nous en tenir à environ trois minutes — donc, de brèves questions. La parole est donc à M. Lemay, suivi de Mme Crowder et de M. Bagnell, et ensuite, j'aurais une dernière petite question à poser.
Je connais bien le dossier. Nous allons recevoir les « autorités » du ministère après la rencontre d'aujourd'hui. Mis à part l'hypothétique possibilité que soient supprimés des 2 p. 100, quelles questions claires sur l'éducation voudriez-vous qu'on leur pose pour avoir des solutions rapides?
La seule chose qui me vient en tête est de leur demander s'ils pensent que la formule de financement, qui n'a pas été revue depuis 20 ans, est toujours adéquate et, si la réponse est négative, ce qu'on entend faire.
Je voudrais revenir sur ce que disait le chef Polson au sujet du fait que, si des étudiants quittent la réserve pour fréquenter une école hors réserve — une école provinciale, autrement dit — la bande doit payer le taux provincial pour la région sans recevoir des crédits additionnels pour compenser son manque à gagner. Donc, d'après ce que j'ai pu comprendre, vous finissez souvent par avoir un manque à gagner dans votre fonds d'éducation, étant donné que vous devez payer en fonction du taux provincial plus élevé.
Donc, même si ces étudiants fréquentent une école provinciale, le gouvernement provincial paie le taux provincial pour la région; mais, quand ces mêmes étudiants fréquentent une école autochtone, même s'ils ne vivent pas dans la réserve, le gouvernement provincial est avantagé, puisque le taux est inférieur.
C'est justement pour cette raison que je vous disais que cela créait énormément d'incertitude pour les enseignants, pour ce qui est de s'engager à revenir année après année. Dans notre cas, nous avons eu la grande chance d'avoir des enseignants qui sont tombés amoureux de notre collectivité; même si leur salaire est inférieur de 30 p. 100 à ce qu'ils toucheraient hors réserve, ils reviennent toujours parce qu'ils adorent travailler avec les enfants. Ils adorent l'atmosphère et ils sont très dévoués.
Mais, la situation est certainement difficile. Si nous engageons un groupe d'enseignants pour l'automne prochain, alors que 10 ou 20 enfants décident de fréquenter une autre école, nous sommes obligés malgré tout de respecter les conditions du contrat et de payer les enseignants qui sont sur place — alors qu'il faut bien comprendre que c'est 30 p. 100 ou 40 p. 100 de moins que ce que nous recevons.
Je me demandais si vous auriez des estimations de l'augmentation du coût de l'inflation chaque année pour le système d'éducation, de même qu'une estimation de l'augmentation de la population autochtone qui profite de votre système d'éducation, car cela va évidemment faire grimper vos coûts, sans tenir compte du fait que votre financement n'est même pas suffisant en ce moment.
Entre 1996 et 2006, l'augmentation aurait dû être de 6,2 p. 100 au Canada, et au Québec, c'était moins; je pense que c'était 4,3 p. 100 ou quelque chose de ce genre. Donc, il y avait un écart de 2 .p. 100.
Je parle de l'accroissement de la population et du coût de la vie, pris ensemble, chaque année.
J'ai devant moi un document de la province indiquant que leurs dépenses au titre de l'éducation ont augmenté à un rythme supérieur à celui de l'inflation, soit 31,9 p. 100 par rapport à 15,2 p. 100 entre 1999-2000 et 2006. Donc, dans la province, la croissance de leur budget a été supérieure au taux d'inflation et à l'accroissement de la population, alors que c'était l'inverse pour les premières nations. Donc, l'écart est encore plus important.
J'ai une dernière question. Vous avez brièvement abordé la question des langues. Peut-être pourriez-vous nous en parler un peu plus — en vous assurant bien de nous indiquer si vous parlez du français ou des langues autochtones.
Je crois savoir que, lorsque le gouvernement actuel est arrivé au pouvoir, le financement destiné aux langues autochtones au Canada a fait l'objet de compressions importantes. Il me semble que c'était au ministère du Patrimoine canadien.
Pour en revenir à la formule de financement, je vous disais tout à l'heure que 215 $ sont prévus par étudiant pour l'enseignement des langes. Le programme de Patrimoine canadien prévoyait la somme de 160 millions de dollars sur cinq ans, mais il a fait l'objet de compressions budgétaires il y a trois ou quatre ans, me semble-t-il.
D'ailleurs, nous faisons face à une situation particulière dans nos écoles. Dans bon nombre d'entre elles, nous devons enseigner deux langues — le français et l'anglais — alors que nous devrions surtout enseigner la langue autochtone; mais, comme vous le savez certainement, notre budget ne nous le permet pas.
Si j'ai le temps, j'aimerais en profiter pour vous dire qu'il est très important de faire les bonnes comparaisons. Parfois nous parlons de financement accordé pour des activités autres que l'éducation, mais il faut bien comprendre que, au Québec et dans toutes les autres provinces, ils reçoivent également des crédits pour des activités autres que l'éducation. Il faut donc faire attention et toujours s'assurer de comparer des montants fournis au titre de l'éducation.
De même, nous entendons souvent parler de comparaisons avec l'école provinciale typique. Or, il n'est pas possible de comparer une école autochtone avec une école provinciale typique. Il faut la comparer à des écoles du même genre en tenant compte de conditions socioéconomiques, de l'isolement des collectivités, de la question de la langue, etc. Il faut donc faire attention en établissant des comparaisons avec les écoles provinciales typiques. Ce n'est pas une comparaison juste.
Je voudrais vous poser un ou deux petites questions.
La première s'adresse à Mme Bastien. Dans vos remarques tout à l'heure, vous avez cité les propos de M. Bryant, l'ancien ministre des Affaires autochtones de l'Ontario, de même que ceux du premier ministre Charest, qui disait que la différence de financement est de 50 p. 100. Peut-être pourriez-vous nous apporter des éclaircissements à ce sujet, car d'après votre rapport, l'écart est de 4,3 p. 100. À votre avis, que voulait dire le premier ministre Charest en disant que l'écart de financement atteignait 50 p. 100?
D'abord, le premier ministre Charest a mentionné que deux fois l'écart égale 100 p. 100, mais je ne sais pas d'où il obtenait ces chiffres, car d'après notre sondage, nous en obtenons un peu plus. Donc, je pense que c'était à la suite du programme présenté dans le budget de février 2008, où il était question de 70 millions de dollars pour l'intégration. Après cela, les provinces ont commencé à se demander si elles allaient vraiment intégrer le régime éducatif des premières nations dans leur système.
C'est pour cette raison, selon moi, que les responsables des différents ministères provinciaux disaient que ce serait une bonne chose et qu'ils voudraient éventuellement intégrer les systèmes éducatifs des premières nations dans leur système provincial. Mais le budget pose problème car, à l'heure actuelle, le financement qu'on leur accorde est trop faible.
Je n'ai pas la version anglaise avec moi, mais je sais qu'on disait que, avant qu'un transfert de ce genre puisse se faire, il faudrait revoir le budget.
J'ai un autre petit point à soulever. C'est le chef Picard, me semble-t-il, qui exprimait des inquiétudes concernant le fait que certaines sommes accordées au titre de l'éducation passent par ce que vous appelez des « accords de contribution financière ». Peut-être pourriez-vous me donner un exemple précis d'un accord de ce genre ou du programme dont vous parliez dans ce contexte.
Je devrais peut-être vous parler de la majoration des salaires des enseignants. Nous recevons 14 000 $ par an pour rajuster les salaires de nos enseignants.
Est-ce distinct du plafond de 2 p. 100? Donc, il existe ce programme de majoration des salaires dont vous pouvez vous prévaloir. Êtes-vous obligé de faire une demande pour y avoir accès?
Donc, il faut présenter une demande. À ce moment-là, vous demandez des fonds pour la majoration des salaires; est-ce en plus de l'augmentation de 2 p. 100 de vos affectations de fonds générales?
Je voudrais simplement ajouter, parce que nous avons cité les propos de la vérificatrice générale, que nous aurions pu inclure dans notre texte de nombreux autres extraits des rapports de la vérificatrice générale, notamment ceux qui concernent le type d'accords conclus par le gouvernement et nos collectivités. Bon nombre de ces accords ne cadrent pas avec la réalité de nos collectivités.
Selon moi, s'il y a un message qu'on voudrait vous communiquer ce matin, c'est de vous demander quand nous pourrons prendre au sérieux toutes ces questions, laisser de côté l'esprit de clocher et nous attaquer directement au problème car, comme je vous le disais tout à l'heure, il semble que nous soyons à la merci d'un processus que nous ne contrôlons absolument pas. Le prix que nous avons à payer est manifeste dans la situation dans laquelle nous nous trouvons, pas seulement dans le domaine de l'éducation, mais dans tous les secteurs qui touchent nos collectivités.
Je voulais ajouter quelque chose. M. Lemay nous a demandé quelle question on voudrait qu'il adresse au ministère des Affaires indiennes. Pour moi, la question serait celle-ci: combien de milliers ou de millions de dollars ont été dépensés pour des études qui ont débouché sur exactement le même résultat? Quand vont-ils passer à l'action?
À mon avis, tout le monde devrait mettre de côté son ego pour trouver des solutions.
Je dois dire que cette réunion a été très informative et nous vous sommes reconnaissants pour votre exposé et vos réponses aux questions des membres. Comme vous le savez, et comme les membres le savent certainement, cette question revêt une importance critique pour les peuples autochtones de tout le Canada.
Chers témoins, pourriez-vous rester encore une minute avant que nous ne levions officiellement la séance?
Nous avons une petite question administrative à traiter, si les membres du comité sont d'accord. Je vous ai fait distribuer le calendrier des réunions d'ici la fin de la session qui nous amène au 23 juin. Si vous êtes d'accord, nous allons traiter une petite question administrative avant de lever la séance.
Les trois éléments qui se trouvent dans la colonne de gauche de votre calendrier pour les 9, 16 et 23 juin sont les sujets proposés par le sous-comité pour les dernières réunions de la session. Vous allez voir que nous ne proposons pas de réunion officielle le 23. Nous avions déjà convenu de ne pas nous réunir le 11, étant donné que c'est l'anniversaire des excuses officielles présentées par le gouvernement aux victimes des pensionnats. Donc, si vous êtes d'accord — à moins qu'il n'y ait d'autres questions — nous allons nous organiser en fonction du calendrier et du programme qu'on vous a distribués.
Nous avons également convenu que s'il y avait un problème du côté du développement économique du Nord, nous étudierions le financement de la gouvernance des premières nations. Il a été question du 9 ou du 16 juin. Ça va?
C'était justement notre plan B, monsieur Lemay et c'est justement ce que nous allons faire s'il est impossible d'obtenir un bon groupe de témoins pour nous parler du développement économique du Nord.
Y a-t-il d'autres questions? S'il n'y a plus de questions, nous allons suivre ce programme et supposer que cela vous convient.
Encore une fois, je félicite nos témoins de ce matin.