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Le témoin s'exprime en langue ojibway.]
Je tiens à remercier le comité du temps qu'il nous accorde ce matin.
Je suis le chef Terrance Nelson, et les chefs des premières nations du Traité 1 m'ont désigné pour vous présenter notre position. En raison des contraintes de temps, je passerai outre aux formalités et aborderai les questions directement. Le Traité 1 a été signé avec la Couronne britannique le 3 août 1971, au fort de pierre. Nos ancêtres ont signé le traité avec des intentions claires: préserver notre mode de vie, assurer notre souveraineté sur nos territoires de réserve, garantir des avantages partagés relativement à la totalité des 16 700 milles carrés de notre territoire, et avoir une cohabitation pacifique et respectueuse avec les sujets blancs ou autres de Sa Majesté.
Aujourd'hui, 900 000 personnes habitent sur notre territoire traditionnel de 10 millions d'acres. Notre position à l'égard du Traité 1 est simple, claire et nette. Avant que les immigrants n'arrivent sur nos terres, nous possédions tout le territoire. Nos droits nous étaient inhérents, et non pas accordés par une autre race ou un autre peuple. La Couronne ne nous a octroyé aucune terre en vertu d'un traité; elle n'avait pas de terres à nous donner, puisque ces terres nous appartenaient déjà. Nous n'avons jamais cédé ni abandonné notre territoire traditionnel. Nous avons seulement accepté de partager les bénéfices de nos terres. En vue d'obtenir le consentement des peuples autochtones pour permettre l'accès public au territoire de 16 700 milles carrés visé par le Traité numéro 1, la Couronne a fait des promesses et contracté des obligations exécutoires et formelles, comme en fait état le texte du traité.
L'une des principales obligations de la Couronne consiste à reconnaître notre propriété exclusive sur nos terres — les terres réservées à l'usage exclusif des peuples autochtones:
Et Sa Majesté la Reine convient et s'engage par le présent de mettre de côté et de réserver, pour le seul et exclusif usage des Indiens habitant la dite étendue, les lots de terre suivants, savoir... pour donner 160 acres à chaque famille de cinq, ou dans cette proportion pour les familles plus ou moins nombreuses...
Au cours des 138 années ayant suivi la signature du Traité 1, la Couronne n'a pas honoré la condition la plus fondamentale du traité: la promesse de reconnaître et de réserver 160 acres à chaque famille de cinq. Cinq des premières nations visées par le Traité 1 — Broken Head, Long Plain, Peguis, Roseau River et Swan Lake — attendent toujours un règlement relatif aux accords sur les droits fonciers issus de traités, ou DFIT, conclus avec la Couronne. Les deux autres premières nations du Traité 1, Sandy Bay et Sagkeeng, négocient actuellement des ententes sur les DFIT. Le processus lié aux DFIT ne représente qu'une seule des nombreuses violations des conditions du traité qui doivent être respectées par la Couronne.
Depuis 1871, les avantages qu'a pu tirer la Couronne de l'utilisation, de l'octroi de permis et du prélèvement d'impôt auprès des immigrants sur le territoire visé par le Traité 1 ont été immenses. Le seul accès légal dont bénéficie la Couronne sur nos 16 700 milles carrés de territoire est celui prévu dans le traité. Nous, les peuples autochtones, avons un droit de propriété sur toutes nos terres et nos ressources du territoire du Traité 1 et, en vertu des droits qui lui sont accordés dans le traité, la Couronne n'y a qu'un accès conditionnel.
Le 3 août 1871, la Couronne s'est vu accorder un accès conditionnel au territoire, mais seulement à des fins de colonisation et d'immigration. La Couronne a promis, dans le cadre des négociations en vue de la conclusion du traité de 1871, de rencontrer par la suite les peuples autochtones afin de préciser les avantages du traité. Cette promesse est inscrite dans le traité en ces termes:
...et pour qu'ils connaissent et soient assurés de ce qu'ils recevront annuellement en retour de la générosité et bienveillance de Sa Majesté.
Malgré de nombreuses décisions de la Cour suprême du Canada relativement au devoir de la Couronne de consulter et d'accommoder, et malgré nos récentes et nombreuses tentatives pour amener la Couronne à respecter ses obligations légales, cette dernière continue d'ignorer les dispositions du traité ainsi que ses propres tribunaux.
En donnant le feu vert à la construction de deux nouveaux pipelines sur notre territoire sans aucun bénéfice prévu pour les premières nations, la Couronne met en péril les avantages qu'elle a acquis par traité. Il s'agit de savoir quels moyens nous pourrions prendre pour faire respecter le principe d'honneur de la Couronne, dans la mesure où la GRC et les Forces armées canadiennes ne mettront pas à exécution les décisions de la Cour suprême du Canada.
Compte tenu de ces 138 années d'absence de mise en application des obligations par traité, les premières nations du Traité 1 et leurs chefs ont tranché que le défaut systématique de la Couronne de se conformer à la condition sur le partage des bénéfices des terres contraignait les premières nations à recueillir elles-mêmes ces bénéfices dûs à la partie autochtone au traité.
En tant que partie autochtone au Traité no 1, nous avons fait le serment d'une coexistence pacifique, serment que la Couronne a inscrit dans le traité comme suit:
Et les chefs soussignés s'engagent et s'obligent par le présent, pour eux-mêmes et pour ceux qu'ils représentent, d'observer rigoureusement ce traité et de toujours maintenir la paix entre eux et les sujets blancs de Sa Majesté, et de ne pas empiéter sur la propriété des sujets blancs ou autres de Sa Majesté ni aucunement les molester.
Les pipelines actuellement sur notre territoire transportent déjà pour 40 milliards de dollars de pétrole par an sur nos terres. Avec ces nouveaux pipelines qu'on construira, les recettes pétrolières annuelles atteindront plus de 100 milliards de dollars, sans qu'on verse aucun droit ni tarif aux Autochtones.
Tous ceux qui habitent sur le territoire visé par le Traité no 1, y compris les propriétaires fonciers ayant acheté des terres à la Couronne, se retrouvent dans la même position que des gens qui achètent des biens volés, ou des biens auxquels se rattachent des privilèges. En tant que propriétaires fonciers autochtones, nous détenons toujours un privilège et un titre sous-jacent relativement à la totalité des 16 700 milles carrés du territoire du Traité no 1, car la Couronne ne s'est pas acquittée de son obligation légale en vertu du traité.
Comme l'a écrit le juge Binnie dans la décision rendue par la Cour suprême relativement à l'affaire Mikisew, « La conclusion de traité est une étape importante du long processus de réconciliation, mais ce n'est qu'une étape ». Il a ajouté que: « les négociations [...] constituaient la première étape d'un long voyage qui n'est pas à la veille de se terminer ».
Quand une contravention fondamentale à un traité n'est pas résolue, nous, en tant que partie autochtone au traité, devons toujours nous réserver le droit de prendre des mesures directes si nous ne pouvons amener l'autre partie à respecter ses obligations légales.
Le gouvernement néglige de se conformer aux décisions de la Cour suprême du Canada et refuse de reconnaître les normes internationales en votant contre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Dans ce contexte, de quelles options disposons-nous pour nous assurer que la coexistence pacifique ne soit pas simplement un autre prétexte pour maintenir les peuples autochtones au 63e rang de l'indice du niveau de vie des Nations Unies, alors que ceux qui immigrent sur nos terres vivent extrêmement bien grâce à la vente des richesses que renferment nos terres et ressources?
Le non-empiètement sur la propriété des sujets blancs de Sa Majesté est un droit issu d'un traité accordé par les peuples autochtones à ceux venus s'installer sur nos terres. C'est un droit conditionnel au respect des conditions du traité par Sa Majesté. En tant que chefs des premières nations visées par le Traité no 1, nous n'avons aucun désir de rompre le traité, d'empiéter sur la propriété ni de molester en aucune façon les sujets blancs ou autres de Sa Majesté, mais il est important que la Couronne soit tenue responsable à l'égard de sa parole d'honneur.
Nous, les chefs des premières nations visées par le Traité no 1, sommes prêts à répondre à toutes vos questions concernant ce processus. Nous affirmons très clairement que la question du non-respect par la Couronne de la quantité de terres de 160 acres par famille de cinq demeure irrésolue depuis 138 ans. On nous a donné un outil juridique puissant: nous maintenons que la totalité des 10,7 millions d'acres de notre territoire traditionnel demeure notre propriété, car la Couronne n'a pas respecté ses obligations à l'égard des DFIT.
Nous profiterons de cette intervention pour vous présenter nos observations au sujet des deux rapports de 2005 et 2009 de la vérificatrice générale. En plus de commenter ces rapports, nous vous ferons part de l’expérience acquise au cours des 12 ans qu’a duré la mise en œuvre de la plus importante revendication territoriale dans l’histoire du Manitoba: l’Accord-cadre sur les droits fonciers issus de traités au Manitoba, ratifié le 29 mai 1997. Au cours des minutes qui suivent, nous mettrons les choses en contexte, soulignerons nos expériences et présenterons des recommandations visant à améliorer le processus lié aux DFIT.
L’Accord-cadre a été signé le 29 mai 1997, à la nation crie d’Opaskwayak, par le Comité sur les droits fonciers issus de traités au Manitoba — représentant des 20 premières nations — ainsi que par le Canada et le Manitoba. Il vise à procurer des terres aux 20 premières nations concernées, afin d'honorer l'engagement de longue date découlant de traités ratifiés par le Canada et les premières nations entre 1871 et 1910.
En vertu de l’Accord-cadre, 1,1 million d’acres de terre seront convertis en réserves appartenant aux premières nations pour compenser la superficie manquante au moment de la création des réserves. Le Manitoba fournira aux premières nations 985 000 acres de terres publiques. Le Canada offrira une indemnité de 76 millions de dollars, dont une fraction sera consacrée à l’achat d’une superficie de terres privées pouvant atteindre 114 677 acres, à l’intention des premières nations qui n’auront pas accès, dans leur voisinage immédiat, à une superficie suffisante de terres publiques.
Tous achats de terres appartenant à des propriétaires privés seront négociés de gré à gré entre vendeurs et acheteurs. L’Accord-cadre détermine le processus, les principes et les mécanismes acceptés par les gouvernements fédéral et provinciaux et par les 20 premières nations concernées. Dans la documentation que j'ai remise au greffier, on trouvera l’annexe A, qui décrit de façon plus détaillée le contexte du processus lié aux DFIT.
Le Comité sur les droits fonciers issus de traités a été mis sur pied à titre de « partie signataire » de l’Accord-cadre du Manitoba agissant au nom des premières nations concernées. Le comité est l’organisme central mandaté pour offrir aux premières nations une aide technique et professionnelle. Sur les 20 premières nations ayant des droits fonciers, 15 se sont prévalues de leurs droits en vertu des accords particuliers qu’elles ont conclus. Le Comité aide les premières nations à mettre en œuvre l’Accord-cadre sur les droits fonciers issus de traités au Manitoba et les accords particuliers négociés sous l’égide de l’Accord-cadre.
Cette aide englobe les processus de résolution des différends ainsi que l’encadrement des premières nations qui négocient des accords particuliers, tels que les ententes portant sur les aménagements et la prestation des services municipaux et sur les intérêts détenus par une tierce partie. L’annexe B, qui figure également dans la documentation fournie, présente un bref aperçu des processus liés à la mise en oeuvre. En ce qui concerne les rapports de 2005 et 2009 du BVG sur les obligations liées aux droits fonciers, aucun des deux rapports n’aborde le problème de la pénurie de ressources à laquelle font face toutes les parties, et plus particulièrement la question du financement qui s’est tari pendant toute la période allant de la ratification des ententes jusqu’à nos jours. Au terme des 12 années qui nous séparent de la signature de l’Accord-cadre, nous pouvons confirmer que seulement 28 p. 100 des objectifs de l’Accord-cadre ont été atteints, alors que nous avons dépensé une part du financement initial dépassant de loin ces 28 p. 100.
Cette mesure du rendement représente les transactions foncières les moins complexes. À ce rythme-là, il faudra au moins 25 ans pour mettre en œuvre l’Accord-cadre dans sa totalité. Signalons tout d’abord que le rapport de la vérificatrice générale de 2005 n’a pas examiné la principale politique fédérale – la Politique sur les ajouts aux réserves – qui, selon notre entendement, détermine le processus de création des réserves. Au mieux, cette politique ne sert qu’à garantir que les risques courus par le Canada sont atténués par des procédures que les premières nations ne saisissent pas clairement, et qui varient d’un intervenant à l’autre au sein d’AINC.
La politique sur les ajouts aux réserves semble être une politique d’AINC encadrée par le ministère de la Justice. Nous constatons que, dans certains cas, cette méthode d’évaluation du risque visant à rehausser le degré de certitude n’a pas éliminé le risque, mais l’a tout simplement transféré aux premières nations. Nous nous attendons à ce que le Canada, à titre de fiduciaire, explore et crée, en collaboration avec les premières nations, des instruments et des outils novateurs lui permettant d’offrir une certitude à toutes les parties, au lieu de se soustraire à toute responsabilité. En ce qui concerne la section du rapport de 2009 traitant de l’engagement ministériel de quatre ans portant sur le transfert annuel de 150 000 acres – ou 600 000 acres sur quatre ans –, nous voulons d’abord faire état de succès mitigés et de mesures du rendement douteuses.
Dans le cadre de cet engagement de quatre ans, le rapport de 2009 de la vérificatrice générale enregistre en 2007, à l’actif d’AINC, un transfert de 159 000 acres ainsi qu’une hausse de productivité par rapport aux années précédentes. Selon nous, le transfert d’une parcelle de terre publique de 58 000 acres la première année représente 36 p. 100 de la mesure du rendement établie.
Au cours de la deuxième année, le transfert d’une parcelle de terre publique de 82 000 acres aurait pu représenter 55 p. 100 de la mesure du rendement de la deuxième année. Toutefois, le transfert de cette parcelle a été reporté à la troisième année de l’engagement. Compte tenu de ce qui précède, il est difficile d’imaginer que quatre ans d’un engagement ferme puisse aboutir à un tel résultat.
Le comité reconnaît l’engagement de quatre ans du Canada, mais le pays doit viser au-delà de la cible de 120 parcelles qu’il s’est fixée, puisque 280 autres parcelles doivent être converties en réserves.
En résumé, le transfert de 159 000 acres résulte d’un effort soutenu de plusieurs années — de 10 ans, en fait — et non d’un ajustement ponctuel dans la gestion du dossier ou d’un changement de politique.
Ce commentaire est étayé dans le rapport de la vérificatrice générale qui déclare que le ministère n’a pas réduit les délais de traitement.
Le problème, en ce qui concerne les DFIT, tient au fait que le processus des ajouts aux réserves prend beaucoup trop de temps. Nous estimons que le processus actuel des ajouts aux réserves est fondamentalement déficient, et on nous a mis au défi de mettre le doigt sur le problème, qui n’est transparent ni pour les premières nations bénéficiaires, ni pour le Comité sur les droits fonciers issus de traités. Selon nous, le Manitoba et le Canada ont besoin de cinq à sept ans pour transférer et convertir en réserve une parcelle de terre publique non grevée d’hypothèque ou de charges. Il s’agit de terres à l’égard desquelles des tiers ne détiennent pas d’intérêts ni de charge hypothécaire ou autre – en d’autres mots, les transactions foncières les plus faciles. Dans un cas précis, il a fallu 14 ans pour ajouter une parcelle de terre à une réserve.
Le processus de surveillance lui-même peut prendre jusqu’à deux ans, et le processus d’examen environnemental préalable, un an. Le processus de désignation visant à créer un droit de tenure à bail sur une terre peut prendre un minimum d’un an. Nous avons découvert que les ententes conclues avec les municipalités pour la prestation de services ou de services publics peuvent prendre cinq ans ou plus. Il ne s’agit là que d’exemples. La pire situation survient lorsque les premières nations ont conclu une entente pour le transfert d’un terrain sélectionné et qu’elles se voient refuser le financement ou perdent des possibilités de développement en raison de la longueur du processus.
Le processus de revendication territoriale actuellement en vigueur au Canada exige que la revendication soit validée, négociée, réglée et surtout mise en œuvre. Au cours de la phase de mise en œuvre de l’Accord-cadre, environ 470 parcelles sélectionnées ou acquises par 15 premières nations doivent encore être converties en réserves. Chaque parcelle a été sélectionnée ou acquise de façon stratégique par les premières nations bénéficiaires avec des objectifs communs d’autosuffisance, de développement économique ou d’autonomie politique, pour n’en citer que quelques-uns. Ces parcelles sélectionnées par chacune de ces premières nations sont assujetties d’abord aux politiques et processus du Canada, et ensuite à ceux de l’Accord-cadre. Les politiques, pratiques et processus gouvernementaux sont devenus un obstacle majeur et manquent de transparence pour les premières nations concernées; il semble généralement que les membres du personnel d’AINC assujettissent la mise en œuvre aux directives du ministère de la Justice ou s’attribuent toute responsabilité découlant des nouveaux ajouts aux réserves.
Le caractère inadéquat de l’assise territoriale des peuples autochtones du Canada a été dénoncé dans divers rapports, y compris celui de la Commission royale sur les peuples autochtones. Toutefois, le gouvernement continue à axer ses interventions sur la responsabilité qui peut découler des ajouts aux réserves. Les premières nations et leurs organismes se retrouvent aux prises avec des modalités de mise en œuvre ou l’inaction du gouvernement. Cela n’a de toute évidence pas fonctionné et tend à ternir la relation et à perpétuer une méfiance séculaire. Il faut également signaler la pénurie de ressources humaines et financières qui affecte l’ensemble des processus liés aux DFIT pour toutes les parties.
En ce qui a trait au volet provincial de la mise en œuvre, il semble que le Manitoba soit là pour protéger les intérêts des tierces parties ou qu’il intervienne à titre de quatrième partie et fonctionne dans le cadre de son propre régime foncier. À titre d’exemple, on peut citer Manitoba Hydro, une société d’État du Manitoba. Plutôt que de contribuer de façon proactive au règlement des questions relatives aux intérêts de tiers, il semble que le Manitoba continue à favoriser les intérêts du secteur privé comme si les DFIT ou les revendications territoriales étaient accessoires aux autres intérêts détenus dans les terres publiques. Cela éloigne de l’esprit et de l’intention des dispositions régissant les DFIT ou des obligations constitutionnelles en vigueur, et compromet les efforts déployés par les premières nations pour régler la question des intérêts des tierces parties.
En ce qui concerne les intérêts des tierces parties, nous avons prévu ce que l’avenir réserve à la mise en œuvre des droits issus de traités et constatons que si le Canada respecte son engagement ministériel de quatre ans au cours des deux prochaines années, il aura des problèmes à trouver des terres à arpenter dès 2011.
Pour se préparer à cela, le Comité des droits fonciers issus de traités a mis sur pied une Stratégie relative aux intérêts de tierces parties et investi les fonds des premières nations (600 000 $ en 2008-2009 et 600 000 $ en 2009-2010), afin de renforcer la capacité de celles-ci de régler la question.
La stratégie, en vue de régler la question des intérêts des tierces parties, propose une approche axée sur un classement des parcelles par ordre de priorité et établit des plans détaillés précisant le traitement, les options, les méthodes, les profils de compétence, les défis à relever et les occasions à saisir. Notre intention est de créer des parcelles libres de toute charge pour aider le Canada non seulement à respecter son engagement ministériel de quatre ans, mais également à s'acquitter de la totalité de son obligation légale de transfert de 1,1 million d'acres, conformément à l'Accord-cadre du Manitoba.
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Je vais passer immédiatement à la conclusion. Merci.
Plutôt que de chercher à atteindre des objectifs de promotion du développement économique et de l'autonomie gouvernementale et politique des premières nations, le gouvernement se contente tout simplement de remplir les obligations qu’il a contractées en vertu des accords. Cela semble être le cas pour d’autres revendications territoriales, générales ou particulières, à l’échelle du pays.
Le peu de ressources humaines et financières affectées par le gouvernement au règlement de l’ensemble des accords sur les DFIT subordonne la mise en œuvre aux ressources disponibles. L’insistance du gouvernement sur le risque et la responsabilité, en vertu de politiques et de pratiques gouvernementales manquant de transparence, finira par affecter la phase de mise en œuvre de tout accord de revendication territoriale conclu au Canada.
Le Canada doit élargir la portée de son engagement ministériel de quatre ans sans perdre de vue l’ensemble de ses obligations constitutionnelles. Cet engagement de quatre ans a une portée étroite et ne vise que 120 parcelles, soit 30 parcelles par an pendant quatre ans. Ces parcelles font déjà partie du système depuis pas mal de temps et il s’agit des transactions foncières les moins complexes. Pour aller au-delà de l’engagement de quatre ans, il faudra mettre sur pied un plan de mise en œuvre à plus long terme doté de toutes les ressources nécessaires qui englobera les 260 parcelles grevées d’intérêts de tierces parties ou d’autres charges.
Le fait est que l’ajout de terres aux réserves prend beaucoup trop de temps. Le Canada doit l’admettre et modifier fondamentalement sa politique en vue d’éliminer les problèmes systémiques. Tout changement de politique proposé pour ajouter des terres aux réserves doit favoriser l’atteinte des objectifs établis par les premières nations, tels que les projets de développement économique, et tendre à réduire les délais du processus d’ajout de terres aux réserves.
Lorsqu’on compare les projets d’aménagement des terres avec ceux des premières nations de la Colombie-Britannique, on estime que si 1 p. 100 des terres faisant l’objet des accords sur les droits fonciers au Manitoba étaient aménagées d’ici 2023, les premières nations concernées pourraient en retirer 4 milliards de dollars en investissements, 87 millions de dollars en recettes fiscales foncières et 40 millions de dollars en frais de service.
Nous recommandons de réévaluer les ressources requises pour mettre en œuvre les revendications des DFIT, d'élaborer une nouvelle politique ou une nouvelle stratégie, d'explorer les options et de s’engager à adopter cette nouvelle approche, en collaboration avec les premières nations. Le Canada doit s’engager et garantir qu’il disposera d’un plan de mise en œuvre doté de toutes les ressources nécessaires, et poursuivre en mettant sur pied un système centralisé de suivi et de surveillance pour suivre les progrès de la mise en œuvre.
Je m'arrêterai là.
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Tout d'abord, je vous remercie d'être ici. J'ai lu tous les documents, je vous ai tous écoutés, et ma première réaction a été d'admirer votre patience incroyable. Je connais certains de vos collègues qui auraient bloqué des routes pour bien moins que cela, et depuis très longtemps.
Nous avons entendu la vérificatrice générale. Les conservateurs et les libéraux ont beau dire ce qu'ils voudront, c'est du pareil au même parce que ces deux partis gouvernent depuis 1871. Au comité, nous voulons savoir ce que nous pouvons faire, et c'est pour cela que nous vous avons demandé de comparaître devant nous.
Que pouvons-nous faire pour — je vais utiliser une expression polie: « donner un coup de pied dans la fourmilière » — qu'il se passe quelque chose rapidement? Cela n'a pas de sens, cela fait presque 100 ans que vous attendez. Que pouvons-nous faire aujourd'hui? Doit-on vous dire de vous présenter devant les tribunaux? Vous le faites déjà. Faut-il parler aux deux gouvernements?
Vous avez des représentants des deux principaux partis, devant vous. Ils vont se remplacer l'un l'autre, cela peut prendre quelques années, mails ils vont se remplacer l'un l'autre. Que pouvons-nous faire?
Au Québec, nous avons la « Paix des braves », nous avons fait un bon bout de chemin. Vous allez le voir cet après-midi, avec le projet de loi C-28, que nous faisons de bons bouts de chemin, mais que fait-on chez vous?
Allez-y, monsieur Chief, vous avez levé la main souvent. Ce sera ensuite le tour de M. Nelson.
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Je suis tout à fait d'accord avec vous.
En 1994, le nouveau ministre des Affaires indiennes, Ron Irwin, a déclaré, devant une assemblée de 1 000 personnes réunies au Manitoba, qu'il voulait être le dernier à occuper ce poste. Il souhaitait que les Autochtones atteignent l'autonomie gouvernementale. Il a dit qu'il voulait éteindre les lumières pour toujours au moment de quitter les bureaux des Affaires indiennes, avant le démantèlement du ministère.
Eh bien, 15 ans plus tard, les lumières sont toujours allumées aux Affaires indiennes. En fait, nous sommes souvent obligés d'avoir recours aux services du ministère.
Il est vrai que les ministres prennent beaucoup d'engagements. Les parlementaires veulent régler les problèmes. Malheureusement, l'existence d'une bureaucratie hors de contrôle les empêche de le faire.
Nous devrions, effectivement, nous rencontrer plus souvent. En tant que parties à un traité, nous devons respecter les obligations de l'accord. La Couronne et les parlementaires doivent faire la même chose. Ce facteur est très important.
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Je voudrais faire quelques brefs commentaires avant de poser ma question.
Il y a une tendance qui commence à se manifester. Le membres de la Commission Crie-Naskapie nous ont dit, mardi, que la bureaucratie représente l'un des plus gros obstacles aux progrès. C'est ce que nous constatons dans le cas du Manitoba: les dossiers sont mal gérés, les responsabilités des tierces parties sont mal définies, ainsi de suite.
Par ailleurs, il semble y avoir une politique de deux poids deux mesures au Canada, comme vous l'avez si bien signalé. Les membres de la commission ont indiqué que l'on s'attendait à ce qu'ils tiennent des référendums sur toutes sortes de questions, puisque les municipalités et les autres paliers de gouvernement, eux, ne le font pas. On a fixé le pourcentage de votes requis lors des référendums. Or, au Canada, aucun pourcentage minimum n'est imposé aux administrations municipales lors des élections. Dans bon nombre des cas, les membres se font élire avec un taux de participation de moins de 20 p. 100.
Passons maintenant aux ajouts aux réserves que prévoient les ententes sur les droits fonciers issus de traités. Je crois comprendre qu'une fois la question des droits fonciers réglée, il faut entreprendre la négociation des ajouts aux réserves, ce qui veut dire que l'on peut passer des années à discuter des droits fonciers, et ensuite des années à discuter des ajouts aux réserves. Ensuite, si vous avez reçu des terres dans le cadre d'une entente sur les droits fonciers issus de traités, il se peut que vous ayez à payer des taxes municipales ou autres en attendant que soit déclenché le processus d'ajouts aux réserves. Est-ce vrai?
C'est tout à fait ridicule.
Quelqu'un a parlé du processus suivi en Saskatchewan. Est-ce qu'après avoir négocié les droits fonciers issus de traités, ils sont passés directement aux ajouts aux réserves? Est-ce que le processus, en Saskatchewan, était plus rapide?
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Bonjour, messieurs et mesdames les membres du comité. Je suis le chef Fontaine. Je représente la Première nation de Sagkeeng.
Comme on l'a mentionné, Sagkeeng et Sandy Bay sont deux des sept premières nations visées par le Traité no 1 qui attendent toujours de prendre part au processus des DFIT. La demande que nous avons présentée en 2001 a été rejetée, au motif qu'elle était incomplète.
Pour revenir aux commentaires de M. Lemay concernant le fait que les Traités nos 1 et 2 servent de modèle aux ententes à venir, ces traités, à mon avis, sont reliés entre eux. L'un constitue le prolongement logique de l'autre.
Pour ce qui est des titres ancestraux non éteints en regard des terres, si vous jetez un coup d'oeil au Traité no 1, vous allez voir qu'il ne comporte aucune clause d'extinction générale qui s'applique aux terres situées à l'extérieur des zones délimitées par le Traité no 1. Le titre ancestral prétendument cédé visait les terres limitées par les lignes de démarcation des réserves. Nous avons présenté une revendication en 2007 en vue de faire reconnaître le titre ancestral non éteint sur les terres qui nous appartiennent. Il est question ici de terres de la Couronne et de terres visées par les droits issus de traités. Toutes ces revendications sont reliées; elles le sont toutes les trois.
La Première nation de Sagkeeng conteste le titre ancestral non éteint visé par le Traité no 1, le gouvernement n'ayant pas négocié avec notre collectivité. J'espère que le projet de loi C-30 va solutionner le problème. Grâce à la Loi sur le tribunal des revendications particulières, nous n'aurons pas à attendre, nous l'espérons, sept ou huit ans pour régler le dossier. Nous sommes prêts à entreprendre les négociations sur les droits fonciers issus de traités.
Je suis ici en tant qu'observateur.
Je voulais également parler brièvement du processus d'exploitation des sables bitumineux et des pipelines qui traversent nos terres traditionnelles. Je veux dire, rapidement, que le pétrole sale existe bel et bien et qu'il y a une dimension humaine à toute cette problématique. La dimension humaine, ce sont, bien sûr, les premières nations. Les traités de 1871 — les territoires, la forêt, les mines. Pas une seule maison n'a encore été construite avec le bois qui provient de nos forêts traditionnelles. Il en va de même pour tout le reste.
Merci.