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Merci beaucoup, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité.
C'est une expérience quelque peu étrange que de témoigner devant son propre comité, d'autant plus que je suis le seul député libéral qui soit présent. Si donc vous me voyez me précipiter là-bas pour m'interroger moi-même, puis revenir à la course répondre à mes propres questions, je compte que vous comprendrez que c'est parce que nous essayons de réaliser des économies.
Je tiens à remercier tout le monde pour l'esprit de collaboration et de bonne volonté qui a jusqu'ici accompagné l'étude du projet de loi, surtout à l'étape de sa deuxième lecture, où tous les députés sauf un — et je travaille sur lui — ont voté en faveur du renvoi du projet de loi devant le comité. Je tiens également à remercier tous les partis qui ont été consultés au sujet du projet de loi. Nous nous sommes efforcés, comme vous le constaterez, de le modifier en conséquence.
Je souhaite remercier tout spécialement pour son travail la Fondation David Suzuki. Je tiens à en souligner tout particulièrement sa publication intitulée Vers une stratégie nationale de développement durable au Canada, parue en janvier 2007. Il me faut reconnaître que cela a été une grande source d'inspiration pour le projet de loi que vous avez devant vous, même si nous y avons, comme vous pourrez le voir, apporté un certain nombre d'importants changements.
Je tiens également à dire que j'ai largement consulté au cours des derniers mois l'actuel commissaire à l'environnement ainsi que son prédécesseur, et je tiens à les remercier de leurs contributions. Je précise cependant qu'ils n'ont pas de comptes à rendre pour ce qui est du texte que vous avez devant vous.
Je me suis par ailleurs efforcé d'intégrer au projet de loi un certain nombre de principes scientifiques plutôt essentiels et fondamentaux, et qui sont explicités à l'article 5 portant sur les « Objectifs de développement durable ». Ces principes sont empruntés au système The Natural Step, dont votre autre invité, Chad Park, de The Natural Step, va maintenant vous entretenir.
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Merci beaucoup, monsieur Godfrey, monsieur le président. C'est un plaisir pour moi d'être ici et d'avoir ainsi l'occasion de m'entretenir avec le comité.
Je suis ici aujourd'hui pour vous parler des principes de durabilité qui sont contenus à l'article 5 du et des raisons pour lesquelles ils sont un élément essentiel du projet de loi.
Dans le cadre de mes fonctions chez The Natural Step, j'ai travaillé avec des douzaines d'organisations qui ont trouvé ces principes utiles dans la planification de la durabilité, allant de municipalités aussi diverses que Whistler, en Colombie-Britannique, Olds, en Alberta et la municipalité régionale d'Halifax, en Nouvelle-Écosse, à des associations, des petites entreprises et des organisations de services communautaires, comme le Santropol Roulant, à Montréal, en passant par de grosses sociétés comme Alcan, The Co-operators et Nike.
Dans le cas de chacune de ces organisations et collectivités, j'ai moi-même été témoin du pouvoir que procure un ensemble rigoureux de principes scientifiques de durabilité jouant le rôle de boussole pour orienter et structurer les initiatives de changement en vue de la durabilité.
J'aimerais donc aborder trois choses dans mes remarques cet après-midi. Premièrement, d'où viennent ces principes? Deuxièmement, pourquoi sont-ils de façon générale importants? Et, troisièmement, pourquoi sont-ils tout particulièrement importants dans le contexte du projet de loi?
Cependant, avant de commencer, je tiens à souligner l'essence même de mon propos ici: si nous voulons être stratégiques à l'égard de la durabilité, il nous faut savoir vers quoi nous nous dirigeons. Il nous faut savoir ce qu'est la réussite en matière de pérennité.
Permettez que je commence à vous parler de l'origine des principes. Vers la fin des années 1980, frustré par des débats publics sans fin au sujet de questions de santé et d'environnement, un réseau de chercheurs suédois de renom, représentant toute une gamme de disciplines et mené par un chercheur en cancer, Karl-Henrik Robèrt, s'est lancé dans un processus en vue d'arrêter un consensus scientifique quant aux besoins d'une société durable. Au lieu de débattre dans le détail de chacun des besoins, ces scientifiques ont cherché à élaborer une définition axée sur des principes et suffisamment large pour englober l'ensemble des détails dans une optique de systèmes intégrés. Ils ont commencé par se concentrer sur ce quoi ils pouvaient s'entendre, plutôt que sur ce sur quoi ils n'étaient pas d'accord.
Après plus de 20 itérations de leur document, les chercheurs en sont arrivés à un consensus et leurs conclusions ont été endossées par le roi de Suède. Le résultat de leur travail a été envoyé par la poste à tous les ménages suédois et a été intégré au programme d'études de toutes les écoles de Suède. L'organisation sans but lucratif appelée The Natural Step, pour laquelle je travaille, a vu le jour en tant que véhicule pour diffuser ces renseignements et pour travailler avec les gouvernements et les entreprises pour en obtenir l'intégration dans leur planification et leurs processus décisionnels.
Depuis, le travail scientifique de ce premier réseau de chercheurs a été épluché et étayé par un bien plus vaste réseau international de chercheurs et diffusé dans des revues scientifiques évaluées par des pairs. Les principes de durabilité ont été adoptés par des milliers d'entreprises, de gouvernements et d'organisations sans but lucratif en tant que principes directeurs pour la durabilité. Et le processus d'application de ces principes par cette vaste gamme d'organismes a contribué à peaufiner encore les documents originaux, pour en faire un cadre de planification tangible et concret en vue de la prise de décisions en fonction de la durabilité.
Sur quoi les chercheurs se sont-ils entendus? Je vais épargner au comité le détail des travaux scientifiques rigoureux sous-tendant les principes, sauf à dire que le tout commence avec une compréhension de la terre comme étant un système et l'acceptation d'un certain nombre de lois scientifiques de base.
En reconnaissant que la durabilité de la vie sur terre est en réalité fonction de la capacité des cycles naturels de se perpétuer à jamais et que la nature se débrouillait en la matière fort bien jusqu'à tout récemment, les chercheurs ont identifié trois principales façons par lesquelles nous autres êtres humains, dans notre société industrielle moderne, bouleversons les cycles naturels, créant ainsi les nombreux problèmes qui font la une des journaux. Il y a donc trois principales façons, et je vais les passer en revue à tour de rôle dans le contexte des trois principes énoncés à l'article 5.
Premièrement, nous extrayons de la croûte terrestre des substances — divers minéraux, pétrole et gaz naturel et ainsi de suite — , accumulées sur des milliers ou des millions d'années. Nous les utilisons alors dans le cadre de nos produits et procédés, puis les rejetons dans la nature. Nous le faisons à un rythme plus rapide que celui auquel la nature redépose ces substances dans la croûte terrestre. En conséquence, elles s'accumulent dans les systèmes naturels et finissent par causer des problèmes si leurs concentrations deviennent trop élevées. Une surcharge de dioxyde de carbone dans l'atmosphère, de mercure dans nos poissons, de cadmium dans nos reins, et ainsi de suite sont autant d'exemples du phénomène.
C'est de cela que découle le premier principe en matière de durabilité, et qui figure à l'alinéa 5.(1)a). Notez que le premier principe ne dit pas que pour qu'une société soit durable elle ne doit strictement rien utiliser qui provienne de la croûte terrestre. Il ne dit pas qu'une société durable ne fait pas du tout d'extraction minière. Il dit cependant que lorsque nous utilisons des matières en provenance de la croûte terrestre, alors il nous faut le faire d'une manière qui en empêche l'accumulation dans les systèmes naturels. Cela veut dire qu'il faut les utiliser de façon efficiente et dans le cadre de produits et de procédés qui en permettent la recapture et la réutilisation, au lieu de leur rejet dans l'atmosphère, l'eau ou le sol.
Deuxièmement, nous combinons des molécules en de nouvelles molécules plus complexes que la nature n'a jamais vues auparavant, et nous utilisons ces molécules complexes dans des produits et des procédés qui vont aboutir à leur rejet dans des systèmes naturels. La nature ne les ayant jamais encore vues, elle ne peut pas les décomposer dans le cadre de ses cycles réguliers, et c'est ainsi que ces molécules commencent elles aussi à s'accumuler. C'est de cela que découle le deuxième principe, qui est énoncé à l'alinéa 5(1)b) du projet de loi.
Remarquez, encore une fois, que le deuxième principe ne dit pas qu'une société durable ne doit utiliser aucun produit chimique; il dit qu'une société durable exigera que l'on en fasse une utilisation efficiente et, plus important encore, qu'on les utilise de manière telle que l'on puisse les capturer et les réutiliser au lieu de les déverser dans la nature, où ils peuvent s'accumuler.
Troisièmement, nous dégradons physiquement la capacité de la nature de suivre ses cycles naturels en empiétant sur les aires naturelles, en surexploitant les ressources renouvelables et en érodant la capacité de la nature de traiter nos déchets. Voilà qui a amené le troisième principe, à l'alinéa 5(1)c).
Tous les effets en aval que nous connaissons et dont nous entendons régulièrement parler aux nouvelles, comme par exemple le changement climatique, les pluies acides, la déforestation, l'épuisement des stocks de poissons et les toxines dans nos jouets et qui s'accumulent dans nos tissus, peuvent être attribuables à l'un ou plusieurs de ces trois mécanismes écologiques. Ce sont tous des symptômes en aval de problèmes plus fondamentaux dans la façon dont sont conçues nos sociétés.
Maintenant que j'ai couvert les principes fondamentaux, j'aimerais vous expliquer brièvement pourquoi je pense qu'ils sont importants. Premièrement, même si les principes en matière de durabilité sont les exigences minimales pour la durabilité d'une société, ils servent à orienter nos efforts en vue de devenir plus durables en définissant véritablement ce que cela signifie.
Du fait qu'ils reposent sur des travaux scientifiques mais simples que tout le monde peut accepter, ils aident des groupes de personnes inter- et intra-organisations à surmonter leurs différences pour épouser des objectifs communs. D'autre part, dans le cas d'organisations qui s'efforcent d'être novatrices et de donner l'exemple en adoptant des pratiques et des technologies plus durables, les principes établissent les limites à l'intérieur desquelles l'innovation doit s'inscrire.
Les principes sont non prescriptifs. Ils énoncent tout simplement les conditions minimales en vue de la durabilité, laissant organisations, collectivités et gouvernements déterminer ce que cela signifie pour eux, dans leur situation propre. Les organisations peuvent ainsi commencer à scruter chacune de leurs décisions, qu'il s'agisse de décisions en matière d'immobilisations, de priorités de R-D, de programmes d'éducation ou autre, en fonction de leur capacité d'aligner encore davantage l'organisation sur ces principes.
Il n'est pas nécessaire, ni même possible, de réaliser la durabilité avec chaque acte ou investissement, mais nous pouvons utiliser les principes pour contrôler dans quelle mesure nos investissements et programmes nous font avancer dans la bonne direction et pour déterminer dans quelle mesure nous sommes novateurs. En l'absence de principes rigoureux pour cerner le succès, trop d'efforts de développement durable bien intentionnés deviennent des exercices de description du statu quo ou de justification d'améliorations marginales par rapport au statu quo.
Les chefs de file du mouvement du développement durable, dans les secteurs tant public que privé, sont ceux qui sont en mesure de puiser dans la capacité créatrice de leur personnel pour amener les innovations transformationnelles susceptibles d'amener des résultats sociaux, économiques et environnementaux positifs. Les principes de durabilité nous aident à comprendre ce qui doit en bout de ligne être fait pour atteindre l'objectif.
Maintenant que j'ai décrit les principes et expliqué leur importance, j'aimerais vous dire pourquoi je pense qu'ils sont importants et pertinents dans le contexte du projet de loi.
Premièrement, il s'agit ici clairement d'un sujet sur lequel il y a de vastes divergences de vues. Dans un tel contexte, il importe d'employer un vocabulaire commun pour parler d'une chose qui est aussi importante pour l'avenir de notre pays que la durabilité. Mon sentiment est que cette question est d'une importance vitale, étant donné surtout que les gouvernements changeront, que les politiciens se remplaceront, que les priorités se déplaceront, mais que les forces alimentant la nécessité d'un développement durable ne feront que se renforcer au fil du temps.
Deuxièmement, nous voulons que le Canada soit un leader dans la prochaine vague de durabilité, capitalisant sur la capacité des Canadiens d'être novateurs en matière de développement durable. Mon sentiment est que l'établissement de paramètres en vue de cet effort d'innovation est l'un des objectifs de ce projet de loi.
Troisièmement, nous avons maintes fois entendu de la bouche des commissaires à l'environnement et au développement durable actuel et antérieurs que les stratégies en matière de développement durable du ministère fédéral ne s'inscrivent pas sur un axe clair. Il n'est en conséquence guère étonnant qu'elles finissent souvent par être des exercices de description éloquente du statu quo ou des améliorations marginales à ce dernier.
Des principes de durabilité rigoureux pourront servir à l'élaboration d'objectifs et de mesures tangibles, choses qui sont essentielles au contrôle des progrès réalisés et à la reddition de comptes aux citoyens. C'est dans la loi que sont décrits les principes; c'est dans la loi que sont étayés nos inspirations en matière de justice ainsi que les principes qui guident nos actions. Aujourd'hui, je vous ai exposé trois principes fondamentaux qui, ensemble, décrivent les causes sous-jacentes de l'ensemble de nos défis environnementaux.
En conclusion, j'aimerais souligner que le fait de s'attaquer à chaque problème à la suite, une fois qu'il est devenu une menace, est une façon épouvantable de s'occuper de la société. C'est ainsi qu'une loi nationale sur le développement durable est l'endroit idéal pour consacrer un ensemble fondamental de principes de durabilité, car ils seront essentiels à notre réussite à long terme.
C'est tout. Merci.
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Je vais être assez bref pour ce qui est de vous exposer au préalable certains des changements que je propose, afin que les membres du comité comprennent ce dont nous discutons — pas le projet de loi antérieur.
Comme l'a souligné Chad, il y a eu, au cours des dernières années, beaucoup de critiques à l'égard de diverses stratégies ministérielles en matière de développement durable, et je songe aux critiques formulées par notre propre secrétaire parlementaire, M. Warawa, le panel d'experts sur l'avenir, les commissaires à l'environnement actuel et passés, ainsi que l'ancienne ministre de l'Environnement elle-même.
L'on a particulièrement déploré l'absence d'une stratégie nationale d'ensemble et, comme nous le dira, je l'espère, dans la deuxième heure, le commissaire, nous rappelant ses propres propos de jeudi et vendredi derniers, l'on a urgemment besoin d'un cadre de régie générale en matière de durabilité. En effet, vendredi, un groupe de 11 ONG à vocation environnementale a lui aussi expliqué la nécessité pour le gouvernement d'être redevable par le biais d'objectifs mesurables, d'indicateurs et de rapports d'étape.
Dans le libellé original du , il y avait deux objectifs. L'un visait la création d'une stratégie nationale de développement durable — et cet élément demeure. Le deuxième concernait la création d'un commissaire indépendant à l'environnement et au développement durable.
Depuis le dépôt initial du projet de loi, M. Lukiwski, M. Warawa, M. Vellacott, M. Jean et le Président de la Chambre ont tous exprimé des préoccupations quant au deuxième élément, la création d'un commissaire indépendant supposant l'établissement d'un nouveau bureau et de nouvelles dépenses et exigeant une recommandation royale, ce qui pose problème pour un projet de loi d'initiative parlementaire. C'est ainsi que j'ai supprimé cette référence, comme vous le constaterez dans le libellé modifié, que vous avez tous, je l'espère, reçu, en français et en anglais. Nous continuerons donc d'utiliser simplement le bureau existant du commissaire, tel que créé par la Loi sur le vérificateur général, de telle sorte qu'il n'y ait aucune nécessité de recommandation royale.
Un deuxième aspect soulevé par le Président de la Chambre, M. Warawa et M. Jean était que le créait un conseil consultatif mais sans traiter de l'aspect rémunération. Encore une fois, cela soulevait la question de la nécessité d'une recommandation royale. En conséquence, au paragraphe 7(3) du libellé modifié, le problème est réglé du fait qu'il y soit explicitement établi que les représentants nommés au conseil consultatif ne recevront pas de rémunération.
Les deux principales préoccupations du Président de la Chambre et d'autres ont donc été réglées.
[Français]
Les députés, plus particulièrement M. Bigras, M. Vellacott et M. Jean, ont soulevé une autre inquiétude quant au traitement des compétences fédérales et provinciales dans le projet de loi et dans l'annexe.
En reconnaissant ce problème, toute référence aux provinces a été enlevée de l'article 13. De plus, de nouveaux textes ont été proposés au paragraphe 5(2) et à l'alinéa 8(2)a) afin d'avoir le portrait de l'état du développement durable à l'échelle nationale, tout en respectant les compétences provinciales ainsi que la responsabilité spécifique du gouvernement fédéral envers ses ministères et ses politiques.
Il est primordial de travailler avec les provinces si nous voulons atteindre un développement durable au Canada. Par conséquent, nous invitons les députés à proposer des amendements aux articles 5 et 8 avec ce sentiment.
[Traduction]
Un dernier changement d'envergure, découlant de critiques faites par M. Jean et confirmées par les commissaires actuel et antérieurs, est qu'il importe qu'il y ait une ligne de démarcation entre l'élaboration et la mise en oeuvre d'un système de surveillance du développement durable. En conséquence, la responsabilité quant à l'élaboration du système de surveillance relèvera dorénavant du secrétariat du cabinet, en vertu du paragraphe 13(a). Le fardeau de la responsabilité est ainsi retourné au secrétariat, le commissaire étant responsable de se prononcer sur les résultats obtenus par le biais du processus de rapport.
En plus de ce qui précède, plusieurs amendements d'ordre administratif sont proposés dans le nouveau libellé. Par exemple, nous avons décidé que nous n'avons pas besoin d'y établir un nouveau processus de pétition; le processus déjà en place couvrira ce qu'il nous faut faire. Nous n'avons pas non plus besoin des amendements corrélatifs à la Loi sur le vérificateur général, du fait que nous ne changions pas le rôle du commissaire. Le commissaire ne sera plus tenu de faire une évaluation pour déterminer si l'ébauche de stratégie nationale pour le développement durable a des chances d'atteindre l'objectif visé, car cela déborderait du rôle du commissaire. Au lieu de cela, le commissaire examinera la stratégie et présentera ses observations « notamment quant à savoir si les cibles et les stratégies de mise en oeuvre peuvent être évaluées ».
En conclusion, ce que j'essaie de faire c'est amener l'adoption du projet de loi C-474, afin d'entamer un processus grâce auquel le Canada se lancera sur la voie d'un développement durable. Comme l'a indiqué M. Park, il ne s'agit pas ici du mot de la fin quant à savoir quoi faire en matière de durabilité; il s'agit d'un moyen d'enclencher une nouvelle manière de penser gouvernementale qui finira par voir le jour.
Si vous regardez l'annexe à la fin du projet de loi, vous y verrez que tous les souhaits et aspirations qui y figurent servent d'illustration et sont en évolution. Nous sommes loin d'approcher des objectifs qui sont esquissés à la fin du projet de loi. Il nous faudra sans nul doute travailler fort, de concert avec les provinces, pour progresser en ce sens. Le Canada a une obligation envers ses enfants, son environnement, sa vitalité économique à long terme et ses cosignataires d'engagements internationaux d'établir une stratégie nationale de développement durable.
Nous tenons à nous rappeler que d'autres pays ont franchi ce pas — la Suède, le Royaume-Uni, la Norvège et l'Allemagne — et qu'une occasion merveilleuse se présente à nous également. Notre objectif, donc, est de lancer le pays sur la bonne voie.
Merci beaucoup.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je ne suis pas contre le principe du projet de loi présenté par M. Godfrey, mais je pense que plusieurs éléments vont devoir y être changés de façon à ce qu'il permette de bonnes relations entre les provinces et le gouvernement fédéral. Il y a entre autres l'annexe dans laquelle on établit les objectifs et les éléments d'objectifs que touche ce projet de loi. On y parle aussi de déchets urbains et du taux de recyclage. Le Québec a adopté une politique sur les matières résiduelles, mais l'attitude Canada knows best fait croire que si ça vient d'en haut, du gouvernement fédéral, c'est meilleur.
Je me demande comment une stratégie de développement durable se situant principalement dans le cadre de responsabilités fédérales peut être mise en oeuvre. Je me demande pourquoi, monsieur Godfrey, vous n'avez pas intégré l'évaluation environnementale stratégique, qui date de plus de 25 ans au gouvernement fédéral. C'est en outre une directive du premier ministre qui devrait être appliquée par tous les ministères, que ce soit Transports Canada, Agriculture et Agroalimentaire Canada ou Santé Canada. D'ailleurs, le dernier rapport du commissaire à l'environnement et au développement durable indique que Santé Canada n'applique pas l'évaluation environnementale stratégique.
Plutôt que de faire en sorte que le commissaire à l'environnement vérifie des politiques qui, en principe, relèvent des provinces, pourquoi n'avez-vous pas exigé qu'en vertu de la loi, comme le font certains pays, le gouvernement fédéral et les ministères fédéraux soient tenus de faire cette évaluation chaque fois qu'ils déposent un plan, une politique ou un programme? On nous a présenté des mesures réglementaires aujourd'hui. Ont-elles été soumises à l'évaluation environnementale stratégique? Tous les ministères y sont-ils soumis? Il me semble qu'on aurait dû intégrer à ce projet de loi une approche coercitive, obligatoire, législative, réglementaire, plutôt que d'avoir recours au commissaire à l'environnement pour qu'il vérifie si les provinces se conforment aux objectifs du projet de loi.
Je ne suis pas en train de dire que je vais voter contre le projet de loi. On peut y lire ceci :
e) faire en sorte que les villes canadiennes deviennent dynamiques, propres, prospères, sûres et durables et offrent une bonne qualité de vie;
Je n'ai rien contre cela, mais à ce que je sache, les villes et les villages sont des créatures des provinces et non du gouvernement fédéral. Comment peut-on, dans un projet de loi fédéral, dire aux villes canadiennes de faire en sorte de devenir dynamiques, propres et prospères? Je ne vous dis pas que ça ne doit pas se faire, mais ne le fait-on pas déjà dans certaines provinces, où l'on applique des politiques en matière de gestion des matières résiduelles? Il me semble qu'il y a là un problème de responsabilité.
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Ce que nous avons essayé de faire, premièrement, c'est ne pas déborder du cadre propre à un projet de loi d'initiative parlementaire. C'est pourquoi nous avons supprimé la référence à un nouveau bureau indépendant, du simple fait que cela créerait un nouveau budget, ce qui exigerait des dépenses, ce que nous ne pourrions pas autoriser. Nous avons également voulu travailler très étroitement avec le commissaire afin qu'il ne soit responsable d'aucun élément du projet de loi, ainsi qu'avec son prédécesseur, ce pour bien comprendre là où nous nous sommes trompés par le passé et comment faire pour éviter le flou dont vous faites état et qui a été une source de frustration pour tout le monde.
Vous voudrez confirmer la chose lorsque M. Thompson comparaîtra devant vous, mais le conseil général qu'on nous a donné, premièrement, était qu'il nous fallait imposer la responsabilité quant à l'élaboration de ces plans et la reddition de comptes quant à leur surveillance aux agences et au gouvernement en tout premier lieu, mais qu'il fallait également, comme le fait le projet de loi, porter la chose à un tout autre niveau. Voilà pourquoi nous avons proposé ce secrétariat du cabinet, qui assurait cette fonction de coordination qui a jusqu'ici été absente.
À l'heure actuelle, et, encore une fois, vous voudrez interroger M. Thompson là-dessus, le plan est tel que différents ministères proposent des initiatives au petit bonheur la chance — je pense que ce serait là une façon généreuse de décrire la chose. Il n'y a personne en haut qui soit responsable de rassembler tous les éléments, ni de rendre compte des raisons pour lesquelles nous ne progressons pas. Il n'y a aucun incitatif en vue de la production d'un plan de durabilité qui soit réellement bon; il n'y a rien qui récompenserait un sous-ministre qui aurait fait un travail formidable.
Le premier principe était de ne pas provoquer une résistance passive de la part des ministères — je pense que je suis peut-être un peu trop sévère ici quant à l'actuelle notion de plan de développement durable —, mais de dire non, il nous faut avoir un comité du cabinet, un secrétariat du cabinet qui organise cette activité et qui soit chargé d'en faire rapport tous les trois ans et de veiller à ce que les différents ministères fassent chacun rapport, de manière cohérente, aux trois ans, pour que le tout soit ensuite surveillé par le commissaire.
Il s'agit d'une tentative pour contrer les critiques relatives aux raisons pour lesquelles la chose n'a pas fonctionné par le passé. Encore une fois, M. Bigras a très bien fait ressortir à quel point il est facile d'adopter des lois que les gens puissent ignorer, ce qui n'est vraiment pas bien, alors comment faire pour créer une chaîne de responsabilités et un ensemble de principes qui soient suffisamment robustes, ainsi que des mécanismes de reddition de comptes qui obligent les gens à faire ce qui est énoncé ici? Ils ne l'ont pas fait jusqu'ici.
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Je serais très heureux de discuter de cela.
Je me souviens d'une occasion dans une autre vie, au Bureau du vérificateur général, où j'étais chargé de la responsabilité de diriger une vérification relativement à un de ces rapports d'agence — il s'agissait en l'espèce d'une évaluation et non pas d'une vérification. On m'avait remis une ébauche du rapport. Le rapport de l'agence avait pour objet d'indiquer dans quelle mesure l'agence avait atteint ses objectifs.
Il se trouve que je m'étais rendu à Whitehorse et que je revenais par avion de Vancouver à Ottawa. Je disposais d'environ cinq heures, alors j'ai sorti cette ébauche de rapport — elle faisait 95 pages. Je l'ai lue pendant que je traversais le pays. Alors que je survolais Calgary, j'ai commencé à me méfier un tout petit peu. À hauteur de Regina, j'étais vraiment très inquiet. Rendu à Winnipeg, j'étais presque fâché. Les 95 pages racontaient une bonne histoire sur cette agence et sur ce qu'elle faisait, mais je ne pouvais pas deviner, à partir de ce qui était écrit, si c'était bon ou mauvais, car je n'avais pas la moindre idée des attentes qui avaient été établies pour l'agence pour l'année.
Je ne dis pas cela pour critiquer l'agence en question. Les rapports sur le rendement des ministères et des agences font l'objet d'une dure lutte depuis fort longtemps. Je pense que ces rapports s'améliorent, mais ce n'est pas chose facile de les rédiger.
Je me souviens d'être descendu de l'avion, et le lendemain je déjeunais avec le dirigeant de l'agence. Je lui ai dit: « Vous savez, cette lecture a été intéressante en un sens, car j'ai pu comprendre tout ce que vous avez fait l'an dernier. Mais ce qu'il y a de frustrant est que je ne sais pas si c'était bon ou mauvais. Je ne sais pas si vous avez eu une bonne année ou une mauvaise année, et cela dépend entièrement de ce que vous dites compter réaliser dans le courant de l'année ». Il a ri, en quelque sorte, et a dit que j'avais raison.
Dans ce cas particulier, l'année suivante, et surtout l'année d'après, l'agence a inscrit dans son rapport quelles étaient ses attentes. Et je pense que le rapport était beaucoup plus pertinent, en tout cas plus pertinent pour des comités comme celui-ci.
Voilà ce que j'ai en tête en matière d'attentes, monsieur Godfrey.
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Merci beaucoup de ces deux questions.
Pour ce qui est de l'aspect juridique et constitutionnel, j'ai eu tendance à envisager le projet de loi comme ne visant que l'activité du gouvernement fédéral. En vertu de ce projet de loi, nous serions chargés de vérifier la qualité des renseignements en matière de rendement qui auraient été fournis au sujet de ce que fait le gouvernement fédéral.
La loi vise également, comme l'a mentionné M. Godfrey, l'état de l'environnement à l'échelle nationale, ce qui concernerait certainement tous les paliers de gouvernement, et d'autres aspects encore, j'imagine. Notre évaluation ne couvrirait pas cela. Il y a cependant un article sur ce que nous serions tenus de faire dans le cadre du projet de loi et qui dit que nous serions libres de faire toutes les recommandations et toutes les observations que nous souhaiterions, et ce au sujet de toute question.
Clairement, s'il y avait quelque chose dans la documentation sur « l'état de l'environnement » — nous lirions certainement cela et ne le laisserions pas tout simplement de côté —, s'il y avait là quelque chose d'extrêmement trompeur, vous pouvez être certain que nous dirions quelque chose. Quant à la question de savoir si cela serait couvert par notre évaluation formelle, la réponse est non. D'accord?
Nous avons, bien sûr, soumis cela pour examen à nos propres conseillers juridiques. Vous savez, l'on ne se promène nulle part aujourd'hui sans ses avocats, et j'ai eu des discussions avec des membres de notre propre personnel au bureau et qui sont des juristes. Je pense qu'à ce stade-ci, pour ce qui est de l'ébauche, il n'y a aucun problème pour nous.
Quant à savoir si c'est la meilleure façon de renforcer le processus de SDD, c'est une façon. C'est un élément dont nous espérons qu'il fera partie de l'examen par le gouvernement du processus de la SDD, mais il y a sans doute d'autres éléments qui seront dévoilés par cet examen, et dont les récompenses et les sanctions dont M. Cullen a parlé et les meilleures pratiques d'autres pays ne sont sans doute pas les moindres. Nous pourrions, j'imagine, tirer des leçons du vécu d'autres pays, de leurs façons de faire, qui pourraient ou non être différentes.
L'examen par le gouvernement du processus de SDD serait donc certainement plus vaste que le cadre global que nous examinons ici, mais ce cadre global ferait certainement partie, en tout cas je l'espère, de cet examen.