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FAAE Rapport du Comité

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Au printemps 2003, le Comité a entrepris de se pencher sur des questions qui, bien que suscitant un vif débat international et ayant des répercussions de plus en plus importantes sur la politique étrangère du Canada, n’avaient été jusque-là que très peu étudiées d’un point de vue canadien1. L’influence de la religion sur la politique, et plus particulièrement de facteurs religieux sur la politique internationale, est une question délicate qui a été rendue encore plus controversée et problématique par les liens existant entre certaines convictions religieuses et des manifestations de violence politique extrêmes2. Les actes terroristes perpétrés au nom de l’Islam en particulier, comme ce fut le cas lors des événements tragiques du 11 septembre 2001, ont polarisé l’attention sur deux aspects particuliers du monde musulman, à savoir sur les relations des États occidentaux avec les États où les Musulmans représentent la majorité, ou une part importante, de la population, et sur leurs relations avec les minorités musulmanes, ou les communautés de la diaspora musulmane, qui représentent une part grandissante de leur population. Dans les deux cas, les Musulmans peuvent être amenés à se sentir injustement victimes d’allégations ou d’actions perçues comme ayant un caractère «  anti-islamique  ». Plus généralement, la communauté internationale craint que la propagation de certaines idées préconçues au sujet de l’Islam et des Musulmans ne créent ou n’aggravent des conflits. Nombreux sont ceux qui croient préférable d’encourager des initiatives visant à favoriser une meilleure compréhension du monde musulman ainsi qu’à s’attaquer aux causes du recours à la violence et aux raisons de son attrait, et ce, afin d’éviter ou, tout au moins, d’atténuer la dégradation des relations intérieures et internationales.

La présente étude, qui se veut exploratoire, a pour objet d’acquérir une meilleure compréhension des moyens par lesquels le Canada pourrait tirer le meilleur parti de ses relations avec les pays de ce que l’on appelle, de façon parfois simplificatrice, «  le monde musulman3  » et d’en déduire les conséquences, à l’avenir, pour la politique étrangère du Canada. Pour ce faire, le Comité a organisé, d’avril à juin, puis de septembre à novembre 2003, une série de tables rondes avec différents dignitaires officiels, experts et représentants d’organisations non gouvernementales. Des représentants du Centre international des droits de la personne et des droits démocratiques établi à Montréal ont aussi témoigné en février 2004. En outre, à l’automne de 2003, le secrétaire général de la Ligue des États arabes, Son Excellence Amre Moussa, a comparu devant le Comité, et le président du Pakistan, M. Pervez Moucharraf, a prononcé une allocution devant des parlementaires canadiens lors d’une réunion présidée par M. Bernard Patry, le président du Comité.

Outre ces audiences tenues au Canada, le Comité a poursuivi son étude dans d’autres pays. En mai, il a entrepris un voyage d’étude préliminaire à New York, à Londres, à Paris et au Maroc. En octobre, il s’est scindé en plusieurs groupes afin de mener une série de rencontres avec tout un éventail d’interlocuteurs (dont des hauts fonctionnaires, des parlementaires, des universitaires, des journalistes et des membres d’ONG) de divers pays du Moyen-Orient et de l’Asie du Sud et du Sud-Est, soit la Turquie, l’Iran, l’Arabie saoudite, la Jordanie, l’Israël, les Territoires palestiniens, l’Égypte, le Pakistan, l’Inde, la Malaisie et l’Indonésie.

Aussi nombreuses que puissent avoir été ces rencontres, il est bien évident que le Comité n’a pu couvrir qu’une fraction du monde musulman, et ce, de façon ponctuelle. Le Comité ne saurait donc prétendre que le présent document constitue un rapport exhaustif, tant au regard de l’étendue du rôle de l’Islam dans le monde contemporain qu’au regard des nombreux pays comptant une population musulmane importante. Le Comité a préféré se concentrer sur certains des points saillants — tels que l’attitude devant être adoptée par les gouvernements occidentaux face à l’extrémisme politique islamiste ou les relations de l’Islam à la démocratie libérale — qui sont ressortis de ces rencontres et ont des répercussions directes sur les relations entre États ainsi que sur les choix du Canada en matière de politique étrangère. Le Comité s’est plus particulièrement intéressé aux régions et aux pays visités, ainsi qu’à certaines situations où la diplomatie canadienne a été tout particulièrement sollicitée dans le cadre des relations qu’entretient le Canada avec d’importants pays musulmans.

Le Comité s’est fixé pour objectif de contribuer à éclairer et à promouvoir la politique canadienne à l’égard des pays du monde musulman en tirant parti de la bonne image que possède généralement le Canada à l’étranger en tant que pays ouvert, tolérant et pluraliste. Le Comité pense qu’il s’agit là d’une occasion majeure pour le Canada d’imposer sa marque de façon différente et constructive. Il lui faudra pour cela composer avec un contexte international extrêmement difficile et controversé qui, comme les interlocuteurs du Comité l’ont souligné à de maintes reprises, ne doit pas être simplifié de façon exagérée. Ces interlocuteurs ont également exhorté le Canada à préserver son indépendance en matière d’analyse et d’action politiques.

La partie I du rapport s’attache à définir les principales questions de contexte général ayant des répercussions sur l’élaboration d’une politique canadienne efficace. La partie II du rapport s’attache ensuite à définir les éléments constitutifs d’une approche constructive reflétant les intérêts et les valeurs du Canada.

Les partie suivantes examinent les relations du Canada avec les régions et les pays visités par les membres du Comité à la lumière des différents points définis dans les parties I et II. L’accent est tout particulièrement mis sur les possibilités que présentent ces relations pour l’avancement des relations du Canada avec le monde musulman, et ce, tant dans un contexte bilatéral que multilatéral.

Le Comité est bien conscient que cette étude ne fait que survoler la question et qu’il nous est impossible, en l’état, d’offrir des conclusions ou des recommandations définitives. Nous pensons néanmoins qu’il est extrêmement important que le Canada poursuive ses efforts visant à mieux comprendre la complexité des phénomènes et des forces en présence afin de défendre la sécurité, le bien-être et les intérêts à long terme des Canadiens dans un monde qui soit, pour tous, plus pacifique, plus juste et plus démocratique.


1Conformément à une motion adoptée le 6 février 2003 prévoyant l’étude, par le Comité, des relations du Canada avec les pays du monde musulman.
2La réapparition de la religion comme facteur important dans les relations internationales est un phénomène frappant des dernières années. Comme on le fait observer dans l’introduction à un symposium sur le sujet, rarement a-t-on discuté dans les temps modernes du rôle de la religion dans les affaires internationales avec un sentiment d’urgence aussi aigu qu’aujourd’hui. (“Beyond beliefs: Religion”, Harvard International Review, xxv:4, hiver 2004, p. 32. Voir aussi Fabio Petito et Pavlos Hatzopoulos, dir., Religion in International Relations: The Return from Exile, Palgrave Macmillan, New York, 2003; Mary Ann Tétrault et Robert Denemark, dir., Gods, Guns, and Globalization: Religious Radicalism and International Political Economy, Lynne Rienner Publishers, Boulder, à paraître (juin 2004). Citons aussi le programme du congrès de l’Association des études internationalesqui a eu lieu à Montréal en mars 2004 sous le thème de «  L’hégémonie et le mécontentement qu’elle suscite  » où figuraient près de 12 groupes d’experts et plus de 60 communications traitant de facteurs religieux sous une forme ou une autre, surtout en rapport avec l’islam.
3Nous convenons que l’emploi de ce terme peut sembler relever d’une généralisation abusive, mais il a le mérite de souligner, dès le départ, l’importance géopolitique d’une population mondiale de plus de 1,4 milliard de Musulmans. Voir l’annexe I un état de la population musulmane mondiale par région et par pays.