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CHPC Rapport du Comité

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RAPPORT INTÉRIMAIRE SUR L'INDUSTRIE CANADIENNE DE LA CINÉMATOGRAPHIE

A.     INTRODUCTION

L’industrie de la cinématographie est une composante essentielle du secteur culturel canadien et en termes économiques, elle peut être considérée comme un exemple de réussite. Ainsi :

 de 1996 à 2001, l’industrie canadienne de la cinématographie était le troisième sous-secteur culturel en importance au Canada pour ce qui est de la contribution au produit intérieur brut (PIB); 
 au cours des 10 dernières années, cette industrie a généré au-delà de 134 000 emplois directs et indirects et les volumes de production (film et télévision) ont doublé pour atteindre près de 5 milliards de dollars par année, dont environ les deux tiers ont servi à la production de contenu canadien; 
 entre 1997-1998 et 2002-2003, les Canadiens ont été plus nombreux à fréquenter les salles de cinéma, comme en témoigne la progression du nombre d’entrées payantes, qui est passé de 99 à 125 millions. 

L’augmentation marquée de la fréquentation des salles de cinéma au Canada est particulièrement intéressante. Dans les années 1950, beaucoup d’analystes de l’industrie prédisaient l’arrêt de mort du long-métrage avec l’avènement de la télévision. Dans les années 1970, plusieurs pensaient que le magnétoscope allait de la même façon mettre en péril la fréquentation des salles de cinéma. Plus récemment — encore une fois en raison d’incessantes innovations technologiques comme le DVD, le PVR, la vidéo-sur-demande, la télévision numérique et la TVHD, le partage de fichiers entre pairs, etc. — certains ont craint que l’industrie de la cinématographie ait de plus en plus de mal à attirer des auditoires un tant soit peu importants. Pourtant, malgré l’éventail toujours plus vaste de choix qui s’offrent à eux pour meubler leurs moments de loisirs, les Canadiens ont continué d’affluer dans les salles de cinéma.

L’industrie canadienne de la cinématographie reste toutefois confrontée à certains problèmes. En effet, les recettes–guichet générées par la diffusion de longs métrages canadiens ont toujours représenté une petite portion de celles de l’ensemble des longs métrages projetés sur nos écrans. En fait, il y a longtemps déjà que la diffusion de films canadiens reste plafonnée à environ 2 p. 100. Une partie du problème est attribuable à la traditionnelle domination exercée par les productions cinématographiques américaines. C’est ce qui explique d’ailleurs que la plupart des autres pays producteurs de films (à l’extérieur des États-Unis) aient, au fil du temps, adopté des mesures pour soutenir et encourager leurs industries cinématographiques respectives.

Le soutien accordé par le gouvernement fédéral à l’industrie cinématographique canadienne s’est transformé au fil des ans. Pendant les 40 premières années qui ont suivi sa création en 1939, l’Office national du film du Canada (ONF) était le principal organisme auquel les Canadiens pouvaient s’adresser afin d’obtenir de l’aide pour financer une production cinématographique. Il ne faisait toutefois pas partie du mandat de l’ONF de contribuer à l’épanouissement de l’industrie cinématographique canadienne, il lui incombait plutôt d’aider à la formation de documentaristes et d’appuyer la production de films destinés à faire connaître et comprendre le Canada aux Canadiens et aux autres pays du monde.

En 1967, avec la création de la Société de développement de l’industrie cinématographique canadienne (maintenant devenue Téléfilm Canada), le gouvernement faisait une première tentative pour favoriser l’éclosion d’une industrie cinématographique appartenant à des intérêts canadiens et sous contrôle canadien. Depuis, une longue liste d’autres mesures incitatives ont été adoptées dans la même optique, notamment la déduction pour amortissement (1974 à 1995), le crédit d’impôt pour la production de films et de vidéos (1995 à aujourd’hui), le financement de la production télévisuelle canadienne (1997 à aujourd’hui); les initiatives de formation (1997 à aujourd’hui) et le crédit d’impôt pour services de production cinématographique ou magnétoscopique (1997 à aujourd’hui). Parallèlement, plusieurs provinces canadiennes ont accordé des crédits d’impôt ou des subventions pour attirer chez elles les productions cinématographiques.

La première politique cinématographique canadienne a été annoncée en 1988. La Politique concernant la distribution cinématographique, comme elle s’appelait à l’époque, visait à faire en sorte que les productions canadiennes jouissent d’un meilleur accès au marché. L’un des principaux éléments de cette politique reposait sur l’établissement de lignes directrices en matière d’investissements étrangers aux termes de la Loi sur Investissement Canada qui, entre autres choses, interdisait la prise de contrôle par des sociétés étrangères de maisons de distribution de films appartenant à des intérêts canadiens et sous contrôle canadien. L’adoption de la politique a aussi mené à la création du Fonds d’aide à la distribution de longs métrages administré par Téléfilm Canada et consacré au développement, à la production, à la distribution et à la commercialisation de longs métrages canadiens.

En 1998, le ministère du Patrimoine canadien a entrepris d’examiner la politique cinématographique canadienne. Voici ce que souligne un document de discussion produit à l’époque :

En dépit du succès des trente dernières années, les cinéastes canadiens éprouvent encore beaucoup de difficultés à présenter leurs réalisations au public. Le gouvernement du Canada veut se pencher sur ce problème en procédant à un examen de sa politique cinématographique. L’Examen de la politique cinématographique canadienne abordera les défis que doivent relever les longs métrages destinés aux salles de cinéma au Canada et aidera le gouvernement à déterminer les actions prioritaires à entreprendre. Cette initiative contribuera à créer un avenir où un plus grand nombre de Canadiens auront accès aux films de leurs compatriotes dans leurs salles de cinéma locales — des films qui reflètent leur propre réalité, leurs propres histoires et leur propre culture2.

La publication, en octobre 2000, du document intitulé Du scénario à l’écran — Une nouvelle orientation de politique en matière de longs métrages au Canada a été l’aboutissement de l’examen de la politique cinématographique. Cette nouvelle politique «  reflète l’orientation que le gouvernement fédéral entend désormais donner à son soutien, lequel a permis de construire une industrie et permettra maintenant de bâtir un public3  » et fait état des objectifs suivants :

 former et garder des créateurs de talent; 
 encourager la qualité et la diversité des films canadiens;  
 bâtir un public plus vaste, au Canada et à l’étranger, de films canadiens; et 
 conserver notre collection de longs métrages canadiens et la rendre accessible au public d’aujourd’hui et de demain4. 

La politique canadienne du long métrage était conçue de façon à tenir compte de chacun de ces objectifs en recentrant le soutien public — qui serait désormais distribué au moyen d’un nouveau mécanisme appelé le Fonds du long métrage du Canada — à toutes les étapes de la production cinématographique, allant de la scénarisation à la sortie sur les écrans d’un bout à l’autre du Canada. Elle introduisait aussi une nouvelle approche de soutien à l’industrie, fondée sur le rendement des producteurs et distributeurs et se fixait «  des objectifs ambitieux  », notamment celui «  de faire en sorte que les films canadiens conquièrent en cinq ans 5 p. 100 des recettes-guichet au Canada et élargissent les auditoires de longs métrages canadiens à l’étranger5  ». Pour y arriver, la politique visait à faire passer la moyenne des budgets de production à au moins 5 millions de dollars et à porter la moyenne des budgets de commercialisation nationaux et internationaux à au moins 500 000 $.

Il est difficile d’évaluer le succès de la politique du long métrage adoptée en 2000. Parce que la conception, la recherche de financement, la promotion et le lancement d’un film s’étendent habituellement sur plusieurs années, les données du début des années 2000 sont quelque peu trompeuses puisqu’elles portent sur des productions mises en chantier sous le régime de l’ancienne politique. Néanmoins, en 2001-2002, c’est-à-dire au cours du premier exercice qui a suivi l’adoption de la nouvelle politique, la valeur de la production destinée aux salles au Canada s’élevait à 978 millions de dollars, dont 241 millions en productions canadiennes. En 2003-2004, c’est-à-dire l’exercice sur lequel portent les données les plus récentes, le volume de la production destinée aux salles atteignait 1,46 milliard de dollars, dont 296 millions de dollars en productions canadiennes. Au cours de la même période, la proportion des recettes-guichet pour les films canadiens est passée de 1,7 p. 100 en 2001 à 4,6 p. 100 en 2004.

Malgré ces chiffres encourageants, certains sont d’avis que l’industrie cinématographique canadienne a plusieurs défis de taille à relever au cours des prochaines années. En voici quelques-uns :

 la performance relativement faible des films canadiens en salles sur le marché anglophone (en 2004, le marché francophone représentait 70 p. 100 du total des recettes-guichet réalisées par les films canadiens); 
 la durabilité des succès remportés sur le marché francophone (plus de 25 p. 100 de tous les films distribués sur le marché francophone du Canada en 2004 étaient des productions canadiennes); 
 la baisse du nombre total de productions étrangères au Canada (attribuable à la fermeté du dollar canadien et au fait que certains gouvernements étrangers offrent maintenant des encouragements fiscaux semblables à ceux consentis par le gouvernement fédéral et par les provinces). 

Ces préoccupations et les nombreux autres facteurs expliqués en détail dans le présent rapport contribuent à expliquer pourquoi le Comité permanent du patrimoine canadien a décidé en décembre 2004 d’entreprendre une étude exhaustive de l’évolution du rôle du gouvernement fédéral en appui à l’industrie canadienne de la cinématographie6. Depuis, le Comité a entendu au-delà de 180 témoins représentant les créateurs, les producteurs, les réalisateurs, les exploitants de salles de cinéma, les distributeurs, les scénaristes, les télédiffuseurs, les syndicats de même que les deux paliers de gouvernement. Il s’est aussi rendu à Winnipeg, à Toronto, à Montréal, à Halifax et à Vancouver pour y tenir des audiences et y effectuer des visites.

Le Comité est conscient que le ministère du Patrimoine canadien a récemment entrepris son propre examen quinquennal de la politique Du scénario à l’écran. Il ne croit toutefois pas que son étude fait double emploi. Au contraire, il est convaincu que ses travaux serviront à enrichir et à compléter ceux entrepris par le Ministère. Après tout, le mandat du Comité permanent du patrimoine canadien consiste à se pencher sur les questions et les mesures législatives qui concernent le portefeuille du Patrimoine canadien. Il s’ensuit donc qu’il est tout à fait conforme à son mandat d’évaluer le lien entre le soutien du gouvernement du Canada à l’industrie cinématographique et la mesure dans laquelle celui-ci atteint ses objectifs stratégiques, à savoir l’accès accru aux longs métrages canadiens et l’élargissement de leurs auditoires, et d’en faire rapport.

Cela étant, l’objectif du présent rapport provisoire consiste à passer brièvement en revue les témoignages recueillis jusqu’ici par le Comité depuis le lancement de son étude sur l’état actuel de l’industrie cinématographique et ses perspectives futures. Il propose aussi un mécanisme pour élaborer des recommandations en collaboration avec les intervenants de l’industrie en vue de la préparation du rapport final qui sera présenté plus tard cette année.

À l’instar des études antérieures du Comité, les parties qui suivent sont plus ou moins structurées autour des thèmes suivants : création, production, commercialisation, distribution, diffusion en salles et prochaines étapes. Même si ces thèmes ne sont en aucune façon mutuellement exclusifs, ils offrent la trame nécessaire pour évaluer dans quelle mesure la politique du long métrage est parvenue à atteindre ses objectifs quant au soutien de la production cinématographique canadienne «  du scénario à l’écran  ».

B.     APERÇU STATISTIQUE

Avant d’entrer dans le vif du sujet, il est utile d’examiner certaines des statistiques existantes sur l’état actuel de l’industrie cinématographique canadienne, qui sont pertinentes à la présente étude du Comité sur la politique du long métrage adoptée en 2000.

Production destinée aux salles selon la catégorie

La figure 1 donne un aperçu du volume de la production destinée aux salles par catégorie pour la période allant de 1996-1997 à 2003-2004. Dans l’ensemble, la valeur des activités de production destinées aux salles au Canada a presque triplé au cours de cette période, passant de 514 millions de dollars à 1,46 milliard de dollars.

Cette figure montre aussi comment la valeur de la production cinématographique canadienne a fluctué au cours de cette période, passant de 194 millions de dollars en 1996-1997 à 306 millions de dollars en 2002-2003. On constate aussi qu’au cours des deux derniers exercices qui se sont écoulés depuis l’adoption de la nouvelle politique du long métrage, la valeur totale de la production cinématographique canadienne a atteint environ 300 millions de dollars par année.


Figure 1

Production destinée aux salles selon la catégorie, 1996-1997 à 2003-2004

Figure 1 : Production destinée aux salles selon la catégorie, 1996-1997 à 2003-2004

Source : Association canadienne de production de film et télévision, Profil 2005, p. 17.


C’est toutefois la croissance fulgurante de la valeur des productions étrangères au Canada qui est peut-être l’aspect le plus intéressant de la figure 1. En 1996-1997, la valeur totale des productions étrangères au Canada s’élevait à 320 millions de dollars; en 2003-2004, ce chiffre avait atteint un niveau record de 1,2 milliard de dollars.

Production étrangère :
Production cinématographique ou magnétoscopique tournée au Canada par un studio ou un producteur indépendant étranger (américain ou autre), qui en conserve les droits d’auteur. Le Canada y trouve son profit grâce aux emplois créés directement et indirectement et à l’activité économique engendrée. (Source : ACPFT)


Productions portant visa destinées aux salles

La figure suivante donne un autre point de vue de la production cinématographique canadienne pour la période allant de 1996-1997 à 2003-2004. Durant cette période, le nombre total de productions cinématographiques certifiées «  canadiennes  » par le Bureau de certification des produits audiovisuels canadiens a varié d’une année à l’autre de 55 à 73.

Visa du BCPAC (Bureau de certification des produits audiovisuels canadiens) :
L’expression «  portant visa  » s’entend des productions réputées canadiennes par le BCPAC et en conséquence admissibles au crédit d’impôt pour production cinématographique ou magnétoscopique canadienne (CIPC). Sont exclues les productions étrangères ou canadiennes se prévalant du crédit d’impôt pour services de production cinématographique ou magnétoscopique (CISP), qui doivent aussi obtenir l’approbation du BCPAC, mais ne sont pas pour autant réputées «  canadiennes  ». (Source : ACPFT)



Figure 2

Nombre de longs métrages portant visa destinés aux salles selon la langue et la participation de Téléfilm,
1996-1997 à 2003-2004

 

Figure 2 : Films de langue anglaise

Figure 2 : Films de langue française

Figure 2 : Tous les films

Source : Association canadienne de production de film et télévision (Données du BCPAC)
Nota : «  Soutien de Téléfilm  » n’inclue pas le soutien du Fonds canadien de télévision.


Ce qui frappe le plus dans ces données, c’est la progression impressionnante du nombre de films de langue française portant visa, qui est passé de 11 à 1996-1997 à 29 en 2003-2004, et la soudaine baisse du nombre de films de langue anglaise portant visa au cours de la plus récente période de référence. En fait, entre 1996-1997 et 2002-2003, le nombre de films canadiens de langue anglaise ayant obtenu un visa du BCPAC oscillait normalement entre 40 et 50; alors qu’en 2003-2004, il n’a atteint que 27.

Selon le Profil 2005 de l’industrie cinématographique et télévisuelle au Canada de l’ACPFT, la baisse du nombre de productions portant visa est attribuable à un ou à plusieurs des facteurs suivants :

 le «  fléchissement de la demande internationale à l’égard des productions étrangères7  », y compris les productions canadiennes, qui a eu pour effet de réduire le financement qu’il est possible d’obtenir pour aider à couvrir le coût élevé de certaines productions canadiennes;  
 une baisse générale des coproductions avec le Royaume-Uni et d’autres pays européens, dont beaucoup offrent des encouragements fiscaux semblables à ceux mis en place par le Canada afin de favoriser les partenariats avec l’Europe; 
 le choix d’un certain nombre de réalisateurs canadiens de demander un crédit d’impôt pour services de production cinématographique ou magnétoscopique (CISP) (dont il est question plus loin) plutôt qu’un visa.  

Importance du financement accordé aux productions portant visa

Malgré la baisse du nombre de productions portant visa (c.-à-d. «  réputées canadiennes  ») en 2003-2004, la valeur totale des productions cinématographiques «  canadiennes  » atteignait 296 millions de dollars, soit seulement 10 millions de moins que l’année précédente alors que la valeur des productions portant visa s’établissait à 306 millions de dollars (voir la figure 1). Il y a donc lieu de penser que la taille des budgets des longs métrages canadiens — un objectif clé de la nouvelle politique du long métrage — est à la hausse. Comme en témoigne la figure 3, la taille des budgets de longs métrages s’est progressivement accrue ces dernières années sur les deux marchés linguistiques. Par exemple, en 1996-1997, seulement 9 films portant visa avaient des budgets égaux ou supérieurs à 5 millions de dollars, comparativement à 24 films en 2002-2003.


Figure 3

Nombre de longs métrages portant visa destinés aux salles selon la langue et la valeur totale du financement canadien,
1996-1997 à 2003-2004

Figure 3 : Films de langue anglaise

 

Figure 3 : Films de langue française

Figure 3 : Tous les films

Source : Association canadienne de production de film et télévision (Données du BCPAC)


Coproductions officielles

Un important sous-ensemble des données présentées aux figures 2 et 3 porte sur une catégorie de films connus sous le nom de «  coproductions officielles  ». Le Canada est signataire de 49 accords de coproduction avec 53 pays. Comme les accords de coproduction se fondent sur le principe de la réciprocité, environ la moitié des budgets des œuvres réalisées sont dépensés ici. De plus, au moment de juger de la conformité aux exigences relatives au contenu canadien, une coproduction officielle, dans la mesure où elle respecte le critère établi (c.-à-d. un niveau minimal de travail de création et de financement de la part de chacun des pays participants), est automatiquement certifiée par le BCPAC comme une production canadienne.

La figure 4 donne une idée du volume de coproductions officielles de longs métrages canadiens pour la période allant de 1996-1997 à 2003-2004, selon la langue et l’obtention ou non d’un soutien financier de la part de Téléfilm.


Figure 4

Nombre de coproductions officielles de longs métrages canadiens portant visa selon la langue et le soutien de Téléfilm
1996-1997 à 2003-2004

 

Figure 4 : Films de langue anglaise

Figure 4 : Films de langue française

Figure 3 : Tous les films

Source : Association canadienne de production de film et télévision (Données du BCPAC)
Nota : «  Soutien de Téléfilm  » n’inclue pas le soutien du Fonds canadien de télévision.


Dans l’ensemble, cette figure montre que le nombre de coproductions officielles de longs métrages a été quelque peu fluctuant ces dernières années, l’écart variant de 14 productions portant visa en 1996-1997 à 23 en 2002-2003. Elle permet aussi de constater que le soutien financier de Téléfilm à l’égard des coproductions officielles s’est accru ces dernières années, les producteurs de film de langue française étant les principaux bénéficiaires de cette hausse.

Recettes-guichet et part du marché

La figure 5 donne une idée des recettes-guichet canadiennes et de la part du marché selon la provenance des œuvres au cours des cinq dernières périodes de référence.



Figure 5

Recettes-guichet et part du marché selon la provenance des œuvres, 2000 à 2004

Figure 5 : millions $Figure 5 : %

Source : Association canadienne de production de film et télévision, ministère du Patrimoine canadien


Comme l’illustre cette figure, les recettes-guichet réalisées par les films étrangers, dont la grande majorité sont des productions américaines, représentent pas moins de 97 p. 100 de tous les films vus par les Canadiens entre 1999 et 2003. Certaines données tendent toutefois à démontrer que la sortie en salles de films canadiens gagne en popularité. En 2000, par exemple, la part du marché occupée par les productions canadiennes n’était que de 2,3 p. 100; alors qu’en 2004, ce pourcentage atteignait 4,6 p. 100.

Comment se définissent les marchés anglophone et francophone?
S’entend de «  marché francophone  » tous les films canadiens présentés en français dans les salles de cinéma canadiennes et de «  marché anglophone  », tous les films canadiens présentés en anglais dans les salles de cinéma canadiennes. (Source : ACPFT)

Part des recettes-guichet selon la langue du marché

Il importe de souligner que l’essentiel de l’augmentation de la part du marché canadien ces dernières années s’explique par la popularité grandissante des films canadiens sur le marché francophone. La figure 6 donne une idée de la part des recettes-guichet selon la langue du marché pour 2001 à 2004.


Figure 6

Recettes-guichet (en millions de dollars) et part du marché selon la langue du marché, 2001 à 2004

Recettes-guichet

Part du marché

Figure 6 : Recettes-guichet - Marché anglophone

Figure 6 : Part du marché - Marché anglophone

Figure 6 : Recettes-guichet - Marché francophone

Figure 6 : Part du marché - Marché francophone

Figure 6 : Recettes-guichet - Marché canadien

Figure 6 : Part du marché - Marché canadien

Source : Association canadienne de production de film et télévision, ministère du Patrimoine canadien
Nota : Certaines sommes peuvent ne pas correspondre aux totaux indiqués parce que les chiffres ont été arrondis.


Comme on peut le constater, la part du marché francophone canadien occupée par les œuvres canadiennes a connu un essor extraordinaire, passant du simple au double, soit de 12,3 p. 100 en 2001 à 26,9 p. 100 en 2004. Durant cette même période, la part du marché anglophone occupée par les œuvres canadiennes a elle aussi progressé, mais très légèrement, passant de tout juste de 0,2 p. 100 en 2001 à 1,6 p. 100 en 2004.

Crédits d’impôt

Les crédits d’impôt fédéraux (et provinciaux) sont une autre mesure importante de soutien aux productions cinématographiques tournées au Canada. Il existe deux sortes de crédits d’impôt fédéral : le Crédit d’impôt pour production cinématographique ou magnétoscopique canadienne (CIPC) et le Crédit d’impôt pour services de production (CISP). Le CIPC permet le remboursement de 25 p. 100 des dépenses de main-d’œuvre admissibles engagées par un producteur admissible, excluant toute aide reçue, aux fins d’une production cinématographique ou magnétoscopique canadienne portant visa. Le CISP rembourse 16 p. 100 des dépenses de main-d’œuvre admissibles engagées par une société de production admissible, excluant toute aide reçue, au titre de services fournis au Canada par des résidants canadiens ou des sociétés canadiennes imposables pour la création d’une production agréée (production admissible ne portant pas visa, c’est-à-dire n’ayant pas obtenu la certification de production canadienne du BCPAC). Bref, le CISP est une mesure d’incitation pour l’industrie; elle vise à encourager la production de films (par des Canadiens ou des étrangers) au Canada. Le CIPC est une mesure incitative culturelle visant à récompenser les Canadiens qui produisent des longs métrages typiquement canadiens.

Malheureusement, les données sur le nombre total de longs métrages ayant bénéficié d’un CIPC ou d’un CISP sont difficiles à obtenir et sont normalement regroupées avec celles concernant les mesures de soutien des productions télévisuelles canadiennes. La figure 7 présente des données fournies par des représentants du BCPAC qui ont comparu devant le Comité.


Figure 7

Crédits d’impôt pour les productions portant visa et pour les productions agréées du BCPAC, de 1999-2000 à 2003-2004

Crédit d’impôt pour production cinématographique ou magnétoscopique canadienne (CIPC)

Crédit d’impôt pour services de production (CISP)

Nombre de productions portant visa

Nombre de productions agréées

Valeur des CIPC accordés

Valeur des CISP accordés

Source : Données du BCPAC (telles que déclarées par l’Agence du revenu du Canada)
Nota : Les données de 2003-2004 sont incomplètes.


La figure indique que le nombre de productions cinématographiques et télévisuelles ayant obtenu un CISP a fluctué de 236 en 2000-2001 à 96 en 2003-2004. La valeur totale de cette mesure de soutien allait de 14 millions de dollars en 1999-2000 à 82 millions de dollars en 2002-2003. Quant au CIPC, la valeur total du soutien financier accordé aux productions cinématographiques et télévisuelles portant visa était à son niveau le plus bas, soit 116 millions de dollars, en 1999-2000 et à son niveau le plus haut, soit 183 millions de dollars, en 2001-2002. Le financement de ces productions représentait 164 millions de dollars en 2003-2004.

Sources de financement

Il ne faut pas sous-estimer l’importance globale des crédits d’impôt et d’autres formes d’aide financière gouvernementale pour l’industrie cinématographique canadienne. La figure 8 présente une ventilation des sources de financement des productions portant visa destinées aux salles de cinéma de 2000-2001 à 2003-2004.


Figure 8

Sources de financement des productions portant visa destinées aux salles de cinéma, 2000-2001 à 2003-2004

Source : Association canadienne de production de film et télévision, Profil 2005, p. 22.
Nota : «  Financement public  » englobe l’aide provenant du Fonds canadien de télévision (Programme de participation au capital), des gouvernements provinciaux, de Téléfilm Canada et d’autres ministères et organismes fédéraux; «  Autres investisseurs privés  » englobent l’aide provenant de maisons de production, de fonds de production privés, du Fonds canadien de télévision (Programme de droits de diffusion) et d’autres investisseurs du secteur privé.


La figure montre dans quelle mesure les cinéastes du Canada sont devenus tributaires de l’aide financière du gouvernement fédéral et des provinces. Par exemple, en 2000-2001, près de 15 p. 100 de l’ensemble de l’aide financière provenait de programmes de financement public direct (comme ceux de Téléfilm) et 18 p. 100 de celle-ci était accordée indirectement par les crédits d’impôt fédéraux et provinciaux. En 2003-2004, près de 40 p. 100 de toute l’aide financière provenait de programmes publics (comme Téléfilm) et 22 p. 100 de crédits d’impôt, ce qui signifie que le gouvernement finance aujourd’hui plus de 60 p. 100 de chaque film d’un cinéaste canadien.

Une autre évolution intéressante que présente la figure 8 est la baisse soudaine du financement provenant de l’étranger. Par exemple, en 1999-2000, 29 p. 100 (non indiqué dans la figure) de l’aide financière accordée aux longs métrages portant visa provenait de l’étranger; en 2003-2004, les contributions étrangères ne représentaient plus que 10 p. 100. Comme il a été mentionné, le fléchissement de la demande internationale à l’égard des productions canadiennes explique, en partie, cette baisse.

Autres données et mesures du rendement

Jusqu'à présent, des données récentes ont été présentées au sujet du nombre de longs métrages produits au Canada, du nombre de films portant visa, de l’importance des budgets, du nombre de coproductions officielles, des recettes-guichet, de la part de marché des films canadiens et de l’évolution des sources de financement. Dans plusieurs cas, ces données se sont révélées très utiles pour déterminer la mesure dans laquelle certains objectifs de la politique du long métrage ont pu être atteints. Par exemple, on a pu constater ce qui suit : 

 la part globale de marché de l’industrie cinématographique canadienne se rapproche de l’objectif de 5 p. 100 énoncé dans la politique; 
 la part de marché des longs métrages canadiens de langue française dépasse désormais 25 p. 100; 
 les films canadiens de langue anglaise ont toujours du mal à attirer des auditoires, quoique ceux-ci aient augmenté légèrement, leur part de marché étant passé de 0,2 p. 100 en 2001 à 1,6 p. 100 en 2004 
 les budgets de production sont à la hausse et un nombre croissant de budgets dépassent le seuil de 5 millions de dollars proposé dans la politique;  
 bien que les recettes-guichet aient diminué dans l’ensemble en 2004, celles provenant de longs métrages canadiens ne cessent d’augmenter8 
 le financement public accordé à la production cinématographique canadienne est plus important que jamais.  

Ces données ne peuvent toutefois nous renseigner sur les auditoires de films canadiens à l’étranger et sur d’autres situations (c’est-à-dire à l’extérieur des cinémas canadiens) où les Canadiens écoutent des longs métrages canadiens ou y ont accès parce que les données à ce sujet ne sont pas recueillies systématiquement.

L’absence de telles données combinée à l’inexistence de données démographiques sur les Canadiens qui fréquentent les salles de cinéma représentent un écueil pour l’évaluation complète de la politique canadienne du long métrage. En effet, le présent rapport traitera ci-après du fait que les auditoires canadiens ont aujourd’hui accès à des films canadiens auprès de sources beaucoup plus nombreuses qu’autrefois (p. ex. location et vente de DVD, télévision à la carte, vidéo sur demande, Internet). Malheureusement, les données disponibles à cet égard sont presque inexistantes.

Parallèlement à ce problème, il faut noter la nature vague et subjective de certains objectifs stratégiques qui sont au cœur de la politique du long métrage de 2000. Celle-ci vise notamment à «  encourager la qualité et la diversité des films canadiens  », mais quelles mesures du rendement pourraient servir à évaluer un tel objectif?

Dans la même veine, la politique vise essentiellement à «  remplir les salles de cinéma d’un public enthousiasmé par les films canadiens9  ». Est-ce toutefois la meilleure solution pour joindre les Canadiens? Est-il réaliste d’essayer de les joindre au moyen d’une infrastructure cinématographique créée par Hollywood pour les films de Hollywood? Cette question ainsi que celle des mesures pertinentes du rendement seront reprises plus loin dans le présent rapport. Pour l’instant, voici un bref aperçu des témoignages que le Comité a entendus jusqu’à présent au sujet de l’industrie canadienne de la cinématographie.

C.;OBSERVATION PRÉLIMINAIRES SUR LES TÉMOIGNAGES ENTENDUS JUSQU'À PRÉSENT

Comme il a été mentionné, le Comité a entendu jusqu’à présent plus de 180 témoignages et reçu plus de 80 mémoires. La partie qui suit ne constitue pas un résumé complet de ce qui a été dit à ce jour; il s’agit plutôt d’observations sur les principales questions soulevées. Le Comité reconnaît que beaucoup de ces questions exigent un examen plus approfondi. Cela étant dit, il juge important de mettre l’industrie du cinéma au fait de ses observations préliminaires sur certaines de ces questions importantes et sur des constantes qui ressortent depuis le début de l’étude en février dernier.

Création, production et commercialisation

La création et l’éventuelle diffusion en salles d’un long métrage forment un processus complexe alliant le travail de scénaristes, de producteurs, de directeurs, d’acteurs et d’une foule d’importants employés techniques, notamment les responsables de l’éclairage, du décor, du son, des prises de vue, des costumes et du maquillage10. Toutefois, des témoins ont mentionné à maintes reprises au Comité que l’élément le plus important d’un film réussi est l’histoire, le scénario.

Le document sur la politique du long métrage de 2000, intitulé Du scénario à l’écran, reconnaît en partie l’importance de la scénarisation en indiquant que, conformément à la nouvelle politique, des ressources accrues seront consacrées à la rédaction de scénarios, partant du principe selon lequel des scénarios plus nombreux et plus intéressants donneront lieu à la production de longs métrages plus nombreux et mieux réussis. 

Bien sûr, le scénario, aussi soigné soit-il, ne garantit pas le succès d’un long métrage. D’autres activités sont essentielles à la création d’un film réussi. Le film doit être produit, ce qui implique qu’un producteur sécurise le financement du film et mette en place tous les éléments nécessaires à la production (p. ex. le travail avec un directeur ou un caméraman). Le producteur doit aussi veiller à ce que le film soit commercialisé, distribué et présenté.

Les étapes entourant la création, la production, la commercialisation, la distribution et la diffusion en salles sont souvent décrites comme la chaîne de valeur d’un film réussi. Si l’un des éléments de la chaîne n’est pas en place, le film risque de ne pas connaître de succès.

Le Comité a entendu de nombreuses plaintes concernant la chaîne de valeur, plus particulièrement en ce qui a trait à la création et à la diffusion de longs métrages de langue anglaise. Bien que le document Du scénario à l’écran reconnaisse l’importance de la rédaction de scénarios, des témoins ont fait remarquer que, dans la pratique, très peu de ressources ont été ajoutées à celles qui sont offertes pour la scénarisation. En fait, le Programme d’aide à l’écriture de scénarios du Fonds de financement de longs métrages canadiens, administré par Téléfilm Canada, n’obtient que 2,3 millions de dollars du budget global du Fonds qui est de 100 millions de dollars.

En outre, même si la politique reconnaît l’importance du producteur, un certain nombre de règles, de règlements et d’exigences (p. ex. du BCPAC et de Téléfilm) font obstacle à la production et à la commercialisation de films. Les critiques visaient notamment :

 les exigences relatives aux droits d’auteur; 
 les rajustements à la baisse et les dispositions de récupération de Téléfilm; 
 l’absence de préfinancement ou la difficulté à obtenir ce genre de financement;  
 le retard dans la réception du paiement des crédits d’impôt;  
 les dates fixes établies chaque année pour les décisions en matière de financement. 

Le processus de prise de décision de Téléfilm est un autre facteur qui a soulevé de nombreuses critiques. Celles-ci comportaient deux éléments, soit la tendance de toujours de Téléfilm à ne pas tenir compte de l’importance de trouver un auditoire et l’échec de l’organisme à dispenser un soutien adéquat à la commercialisation.

Avant l’adoption de la nouvelle politique du long métrage, les organismes de financement du gouvernement comme Téléfilm Canada n’ont jamais utilisé l’auditoire possible comme un critère de financement des projets de film; le potentiel de réussite n’entrait tout simplement pas en ligne de compte. Voilà qui explique en partie le piètre bilan des longs métrages canadiens (du moins avant 2000) pour ce qui est d’attirer des auditoires au Canada et à l’étranger. Voilà qui permet également d’expliquer pourquoi un objectif clé de la nouvelle politique du long métrage est de «  bâtir un public plus vaste, au Canada et à l’étranger, de films canadiens  ». D’ailleurs, comme des témoins l’ont mentionné au Comité à plusieurs reprises, un film est inutile si personne ne le voit.

En plus de critiquer le niveau des fonds offerts à l’élaboration de scénarios et le processus de prise de décision, les témoins ont déploré l’insuffisance de l’aide financière accordée à la commercialisation. Même si, dans le document Du scénario à l’écran, on reconnaît l’importance de la commercialisation et que le budget moyen de commercialisation semble avoir augmenté, il reste d’énormes difficultés à surmonter dans la commercialisation des longs métrages de langue anglaise. 

Dans le marché nord-américain, les films canadiens de langue anglaise sont en concurrence avec des centaines de films étrangers (pour la plupart américains). Généralement, le budget de commercialisation d’un film américain est identique voire supérieur aux coûts de production du long métrage. Ainsi, un film qui coûte 30 millions de dollars américains à produire aura probablement un budget de commercialisation d’approximativement 30 millions de dollars américains. Très peu de films canadiens ont un budget de commercialisation de plus de 150 000 $, et la plupart en ont un beaucoup plus modeste. Il s’ensuit que de nombreux longs métrages canadiens financés par Téléfilm dans le passé n’ont pas eu de véritable sortie en salles (c’est-à-dire qu’ils n’ont été présentés que dans un ou deux cinémas, notamment parce qu’ils ne disposaient pas d’un budget de commercialisation pour la sortie en salles).

De plus, en raison de la relative insuffisance des budgets de commercialisation des films canadiens de langue anglaise, la plupart des Canadiens n’ont pas la moindre idée de l’existence de ces films ni de la possibilité de les voir. Un témoin a déclaré au Comité que même le cinéphile le plus déterminé a de la difficulté à trouver et, à plus forte raison, à voir des longs métrages canadiens de langue anglaise.

Selon un autre témoin, les recettes-guichet de divers films canadiens de langue anglaise présentés au cours des six derniers mois (se terminant en mai 2005) allaient de 14 000 $ à 144 000 $. Le prix d’une entrée étant d’environ 10 $, cela signifie que certains films n’ont eu qu’un auditoire de 2 000 personnes, tandis que ceux qui ont connu le plus de succès n’ont été vus que par environ 15 000 personnes. 

Des témoins ont toutefois fait remarquer que ces problèmes ne touchent pas la commercialisation des longs métrages canadiens de langue française, plus particulièrement au Québec où le vedettariat est florissant depuis quelques années. La principale différence entre la commercialisation des films canadiens de langue anglaise et celle des films de langue française est le fait que ces derniers ne livrent pas concurrence aux longs métrages hollywoodiens. Les films américains n’obtiennent pas un bon rendement dans les marchés de langue française du Canada; comme le marché est beaucoup plus petit, le budget moyen de commercialisation est plus susceptible d’être suffisant pour atteindre l’auditoire de langue française.

Mesure du succès

Comme il a été mentionné, au moment de mesurer le succès des longs métrages canadiens, il importe de définir clairement notre but. Les films de langue française ont connu du succès, individuellement (p. ex. Les Invasions barbares) ou ensemble (recettes-guichet); Malheureusement, on ne peut en dire autant des films de langue anglaise.

Il est irréaliste de s’attendre à ce que ces films livrent concurrence aux superproductions de Hollywood. Après tout, la superproduction type coûte environ 100 millions de dollars américains et dispose dans certains cas d’un budget de commercialisation et de promotion supérieur au budget annuel du Fonds de financement de longs métrages canadiens.

Compte tenu de cette réalité économique, plusieurs témoins ont signalé au Comité que la réussite des films canadiens de langues française et anglaise devrait se mesurer en regard des films indépendants à l’échelle mondiale (en anglais, en français et dans d’autres langues). Si c’était le cas, nous serions confrontés à la pauvreté des données sur le rendement des films indépendants (p. ex. la part de marché et les recettes-guichet moyennes) avec lesquelles comparer la réussite des longs métrages canadiens.

Par ailleurs, si nous devons comparer le rendement des films canadiens à celui des productions indépendantes étrangères, un problème de définition se pose. Par exemple, bien que la plupart des gens de l’industrie devinent en quoi consiste un film indépendant, à savoir un film créé par un producteur (qui en détient probablement les droits) qui ne travaille pas directement pour une grand studio, ils ignorent que plusieurs voies peuvent être empruntées pour le produire. C’est pourquoi il est difficile de trouver des définitions qui satisfassent tout le monde. Le film américain Sideways (À la dérive) est décrit comme un film indépendant, mais il a été entièrement financé par Searchlight Pictures, une division de 20th Century Fox. On le considère toutefois comme un film indépendant parce qu’il ne correspond pas aux films habituellement présentés par un studio, qu’il n’est pas une suite et qu’il n’est pas conçu comme une «  franchise  ». Manifestement, la classification des films représente un grand défi pour les responsables de l’élaboration de mesures de rendement adéquates.

Distribution et diffusion

On a beau créer et produire des longs métrages canadiens, il faut également que les Canadiens les regardent. Le distributeur de films a un rôle essentiel à jouer entre la création d’un film et son visionnement par le public. Il achète les droits de distribution d’un film auprès du producteur et veille ensuite à en assurer la promotion, la commercialisation et la diffusion en salles, mais il peut aussi décider d’investir dans un film donné. Le distributeur est par conséquent un élément essentiel de l’industrie de la cinématographie au Canada.

Pour obtenir les droits de distribution, le distributeur verse habituellement au producteur une avance sur les recettes futures ou lui offre une garantie d’un rendement fixe. Le distributeur paye généralement le coût du tirage des films ainsi que la publicité et met son expertise à contribution afin d’élaborer une stratégie de commercialisation. Il travaille en étroite collaboration avec les exploitants de salles de cinéma : les recettes provenant de la vente de billets sont partagées entre les distributeurs et les exploitants selon des pourcentages établis. En plus d’organiser le lancement du film dans les salles de cinéma, le distributeur planifie la sortie du film par la suite en format DVD ou autre et paie les frais de la stratégie de commercialisation à cet effet.

Étant donné que le distributeur doit investir des sommes considérables dans un film avant sa sortie, il est dans son intérêt, bien entendu, que le film soit vu par le plus vaste public possible. Le distributeur se montre donc habituellement assez sélectif lorsque vient le moment de choisir un film à distribuer et il a tendance à évaluer le «  succès  » potentiel d’un film en fonction des recettes. C’est pourquoi il importe que les distributeurs adoptent une stratégie de distribution conçue de façon efficace bien avant la sortie en salle d’un film.

En ce qui a trait à la diffusion, plusieurs témoins ont mentionné la possibilité d’imposer aux diffuseurs des contingents à l’écran afin d’accroître la visibilité des films canadiens. Il faudrait adopter un règlement qui obligerait les cinémas à présenter un certain pourcentage de films canadiens.

Ces témoins ont souligné la réussite du règlement sur le contenu canadien qui oblige les radiodiffuseurs du Canada à présenter un certain pourcentage d’émissions canadiennes à la télévision ou de musique canadienne à la radio afin de respecter les conditions de leur licence de radiodiffusion. Ils ont soutenu que cette réussite pouvait servir de modèle pour établir des exigences semblables en matière de contenu canadien aux fins de la diffusion en salle de longs métrages canadiens.

Le gouvernement fédéral peut légiférer et réglementer le contenu canadien présenté à la télévision et à la radio parce qu’il a le pouvoir d’adopter des mesures législatives touchant la radiodiffusion en vertu de la Loi sur la radiodiffusion. Ce pouvoir de réglementation découle de la Loi constitutionnelle de 1867 qui réservait au Parlement le pouvoir de réglementer les «  lignes de bateaux à vapeur ou autres bâtiments, chemins de fer, canaux, télégraphes et autres travaux et entreprises reliant la province à une autre ou à d’autres provinces, ou s’étendant au-delà des limites de la province11  ». Au fil du temps, ce pouvoir a englobé la radiodiffusion étant donné que les ondes sont considérées comme une ressource publique limitée qu’il est préférable de réglementer à l’échelle nationale12.

Toutefois, l’attribution de licences relatives à la distribution et à la diffusion de films au Canada relèvent du domaine de la propriété et du droit civil et, à ce titre, sont entièrement de compétence provinciale, en vertu du paragraphe 92(13) de la Loi constitutionnelle de 186713. Par conséquent, toute tentative de la part du gouvernement fédéral de réglementer directement la distribution et la diffusion de films contreviendrait à cette disposition constitutionnelle. Bref, le Parlement n’a tout simplement pas le pouvoir constitutionnel d’adopter des lois imposant des contingents à l’écran pour les films canadiens.

Cela dit, le pouvoir constitutionnel que détient le gouvernement fédéral en matière de réglementation du commerce et de l’investissement étranger lui offre en fait une porte d’entrée dans la réglementation de la distribution et de la diffusion de films au Canada. Depuis 1988, la Loi sur Investissement Canada interdit la prise de contrôle d’entreprises de distribution détenues et contrôlées par des Canadiens. De plus, toute nouvelle société de distribution de propriété étrangère établie au Canada ne peut importer et distribuer que des produits de marque dont l’importateur possède les droits mondiaux ou dans lesquels il est un grand investisseur. Cette précision des droits mondiaux est importante parce que les distributeurs américains n’ont habituellement que des droits de distribution en Amérique du Nord.

Fait essentiel, certains distributeurs étrangers — qu’on appelle aussi les «  grands studios américains  » — ne sont pas assujettis à cette politique puisqu’ils existaient avant 1988. Les grands studios mènent des activités au Canada depuis les années 1930, ayant revendiqué à l’époque le Canada comme partie de leur territoire de distribution nord-américain. Ce fait historique explique pourquoi ces entreprises sont autorisées à poursuivre leurs activités commerciales comme avant, malgré le changement de politique qu’a établi en 1988 la Loi sur Investissement Canada.

Les principales mesures de financement de la production cinématographique canadienne (c’est-à-dire Téléfilm, le Fonds canadien de télévision et le crédit d’impôt pour production cinématographique ou magnétoscopique canadienne) exigent que ces films soient distribués par des entreprises détenues et contrôlées par des intérêts canadiens. Cela signifie que les distributeurs étrangers n’ont pas le droit de distribuer des longs métrages canadiens. Au Canada, les entreprises étrangères peuvent uniquement distribuer des produits cinématographiques (films) de propriétaires. Le film de propriétaire est celui dont le distributeur possède les droits mondiaux ou dans lequel il est un grand investisseur. Les autres films étrangers doivent être distribués au Canada par une entreprise canadienne autre que les grands studios américains comme Paramount, Columbia ou Universal, qui a acquis les droits de distribuer n’importe quel film au Canada.

En 2004, 36 entreprises canadiennes et étrangères faisaient la distribution cinématographique au Canada, dont 8 grandes sociétés de distribution canadiennes et 8 grands distributeurs américains. La figure 9 montre la part des recettes-guichet réalisées au Canada par des distributeurs canadiens et étrangers dans les années 2001 et 2004. On constate que le principal distributeur canadien pour ces deux années a été Alliance, qui a remporté 14,1 p. 100 du marché. Dans l’ensemble toutefois, presque 75 p. 100 de tous les films au Canada en 2001 et 2004 ont été distribués par des entreprises sous contrôle étranger.



Figure 9

Part des recettes-guichet totales réalisées au Canada par distributeur, 2001 et 2004

2001

2004

Distributeur

Recettes-guichet
(millions $)

Part en
%

Titres

Distributeur

Recettes-guichet
(millions $)

Part en
%

Titres

 

Warner Bros
Alliance
Universal
FOX
Paramount
SONY
Buena Vista
MGM
Dreamworks
Odeon Films Int,
Blackwatch
Autres (canadiens)
Christal
Seville
TVA

 

129,8
114,5
104,0
102,7
86,7
74,7
67,6
34,9
34,5
24,1
15,0
9,5
6,7
4,6
4,3

 

16,0
14,1
12,8
12,6
10,7
9,2
8,3
4,3
4,2
3,0
1,8
1,2
0,8
0,6
0,5

 

33
62
23
26
28
31
19
10
11
46
3
151
17
22
20

 

Warner Bros
SONY
Alliance
Dreamworks
Buena Vista
Universal
FOX
Paramount
Odeon/AA
Equinoxe
MGM
Lion's Gate
Christal
Autres (canadiens)
TVA
Seville

 

130,9
129,1
127,6
91,9
91,4
82,7
81,4
58,7
37,7
24,3
11,7
10,5
9,6
7,4
5,1
2,9

 

14,5
14,3
14,1
10,2
10,1
9,2
9,0
6,5
4,2
2,7
1,3
1,2
1,1
0,8
0,6
0,3

 

37
22
60
10
25
20
32
25
57
11
18
12
40
146
21
30

Sous contrôle canadien

178,7

22,0

341

Sous contrôle canadien

225,1

24,9

377

Sous contrôle étranger

634,8

78,0

161

Sous contrôle étranger

677,8

75,1

189

Total

813,6

100,0

502

Total

902,9

100,0

566

Source : Ministère du Patrimoine canadien

En rouge : distributeurs sous contrôle canadien
En bleu : distributeurs sous contrôle étranger


En 2000, le Bureau de la concurrence, informé que certains jugeaient que les grands américains possédaient un avantage commercial indu, a fait enquête sur la distribution et la diffusion de longs métrages au Canada. Selon certains exploitants de salles de cinéma, les grands distributeurs, ainsi que les grands exploitants, se sont livrés à des pratiques anticoncurrentielles. D’après les allégations :

 les grands distributeurs fournissent aux principaux exploitants des licences exclusives de diffusion de films;  
 les principaux exploitants, profitant de leur influence sur le marché, font pression sur les distributeurs afin que ces derniers n’accordent pas de licences aux exploitants indépendants pour les films lucratifs;  
 les principaux exploitants s’alignent avec leur propre groupe de grands distributeurs, à l’exclusion des autres exploitants.  

Grâce à ces ententes avec les grands distributeurs, les principaux exploitants ont le premier droit de refus de licence pour les longs métrages, ce qui, selon certains, a pour effet de réduire considérablement et même d’empêcher la concurrence sur les marchés de diffusion cinématographique au Canada.

Le Bureau de la concurrence a fait enquête sur ces allégations afin de déterminer si les pratiques en cause portaient atteinte à la Loi sur la concurrence, en vertu des articles 75 (refus de fournir) ou 79 (abus de position dominante). Il a déterminé que les distributeurs sont titulaires des droits d’octroi de licences pour leurs longs métrages au Canada. Cependant, une licence ne constitue pas un produit selon la définition du terme donnée à l’article 75 de la Loi. Par conséquent, le Bureau a jugé qu’il ne pouvait pas donner suite aux plaintes des exploitants présentées en vertu de l’article 75 de la Loi sur la concurrence.

Pour ce qui est de la question de l’abus de position dominante, le Bureau a constaté que certains grands distributeurs semblent préférer traiter avec l’un ou l’autre des principaux exploitants de salle et qu’ils ont pour habitude d’accorder la licence de diffusion d’un long métrage à un seul exploitant dans une région locale ou «  zone  ». Cependant, compte tenu du grand nombre de longs métrages distribués d’un bout à l’autre du Canada au cours de la période de cinq ans examinée, le Bureau a conclu à l’insuffisance de preuves pour appuyer l’allégation voulant que les principaux exploitants aient réussi à faire pression auprès des distributeurs pour les empêcher de fournir des films aux exploitants indépendants.

Les témoins qui ont comparu devant le Comité ont souligné un certain nombre de défis que doit relever l’industrie de la distribution et de la diffusion cinématographique canadienne. Or, le principal défi est la présence et la puissance des grands américains et leur influence sur le choix des films présentés et sur la durée de leur présence en salle. Les systèmes de distribution ont donc une profonde incidence sur le choix des films présentés. Les distributeurs choisissent les films en fonction de leur rentabilité et se sont généralement les superproductions hollywoodiennes qui générèrent le plus de revenus. Un film qui ne génère pas suffisamment de ventes au guichet est tout simplement retiré des écrans.

De plus, il peut arriver qu’un long métrage canadien qui fait de meilleures recettes que d’autres films qui jouent en même temps soit retiré en faveur d’un autre film perçu comme ayant un potentiel de grand succès de salle. Ce manque de visibilité et de temps dans les salles, conjugué à l’incapacité de faire concurrence aux grands américains, constitue une source de frustration considérable.

Comme nous l’avons déjà souligné, il est dans l’intérêt du distributeur que les films dans lesquels il investit tant avant leur sortie atteignent le plus large public possible. Les distributeurs se montrent donc très sélectifs quand vient le moment de choisir les films qu’ils distribueront. Ce fait, conjugué au nombre restreint de distributeurs canadiens, fait que certains considèrent ces derniers comme des «  portiers  » dotés du pouvoir de choisir ou d’écarter les projets. C’est un problème considérable : sans entente avec un distributeur canadien, un producteur canadien ne pourra pas obtenir les fonds publics nécessaires pour réaliser son projet.

De plus, la sélectivité des distributeurs risque de créer une certaine «  zone de confort  » au-delà de laquelle ils hésiteront à s’aventurer. Se dessine ainsi une tendance à adopter le type de film jugé le plus susceptible d’obtenir un succès financier, ce qui pourrait renforcer le statu quo, au détriment des distributeurs et des films qui se situent à l’extérieur de cette zone de confort.

Les sommes dont disposent les distributeurs canadiens pour la distribution et la promotion de longs métrages canadiens constituent un autre sujet d’inquiétude. En effet, il existe de nombreuses mesures visant à encourager la création et la production cinématographiques au Canada, mais la distribution fait un peu figure de parent pauvre. Étant donné l’hégémonie des grands américains et l’argent qu’ils sont à même de verser dans la distribution et la promotion de leurs produits, les distributeurs canadiens ont fort à faire pour faire remarquer leurs films. Ils ne semblent donc pas avoir l’influence qu’ont les distributeurs américains, qui ont l’appui d’exploitants affiliés.

De plus, les budgets et les plans de distribution et de commercialisation semblent parfois imaginés après coup, plutôt que de faire partie intégrante du processus de création et de production. Il semble donc nécessaire d’insister davantage sur l’importance de la commercialisation et de la promotion comme éléments essentiels de la distribution des longs métrages canadiens. Il est également des plus importants d’établir une bonne stratégie de commercialisation et de distribution avant la sortie en salle d’un film.

Aux questions financières se rajoute celle de l’obligation de rendre compte. Des organismes, comme Téléfilm et d’autres, exigent un plan de distribution et de commercialisation, mais certains s’inquiètent de ce qu’il semble exister peu de façons de vérifier que les distributeurs concrétisent ces plans. Il a donc été suggéré que Téléfilm et d’autres organismes fédéraux qui fournissent des fonds et un appui puissent obliger les distributeurs à rendre compte de plans de promotion et de commercialisation légitimes et viables.

À l’heure actuelle, seules les entreprises de distribution détenues et contrôlées par des Canadiens peuvent distribuer des films canadiens. Afin d’obtenir des fonds publics pour leurs projets, les producteurs doivent absolument s’entendre avec des distributeurs canadiens. Comme nous l’avons déjà souligné, ceux-ci ne disposent pas des ressources financières considérables dont jouissent les distributeurs étrangers et surtout américains. Les producteurs canadiens doivent donc choisir entre les incitatifs gouvernementaux ou un plus large éventail de distributeurs.

Selon certains témoins, si les producteurs canadiens pouvaient traiter avec les entreprises de distribution étrangères qui ont accès au marché canadien (c.-à-d. les grands studios américains), ils pourraient proposer leurs projets à un plus vaste bassin d’entreprises, ce qui aurait pour effet d’accroître la concurrence et pourrait, avec le temps, hausser les niveaux de financement public et privé. 

Enfin, un dernier problème de distribution concerne la distribution physique du film et l’usure que cause ce processus à la pellicule même. À l’heure actuelle, on produit des copies du film analogique qui sont distribuées aux cinémas. Le film est joué ensuite de nombreuses fois avant d’être transmis à la prochaine salle, qui le fera jouer à son tour de nombreuses fois, et ainsi de suite. Les salles de cinéma qui ne reçoivent pas les premières copies d’un film doivent attendre qu’une copie se libère. De plus, chaque projection abîme légèrement la pellicule de sorte que sa qualité ne cesse de se détériorer.

Le cinéma informatique présente une nouvelle technologie qui pourrait changer radicalement la façon dont les films sont distribués au Canada et ailleurs, puisqu’il s’agit d’un mode de transmission électronique des films qui pourrait s’avérer beaucoup plus rentable.

À l’heure actuelle, les films analogiques (non numériques) sont imprimés sur pellicule et distribués ensuite individuellement à chaque salle de cinéma. Il arrive souvent que les films canadiens ne puissent pas sortir en même dans un grand nombre de cinémas en raison du coût prohibitif de la production de ces copies analogiques. De plus, le processus de projection et le transfert physique du film d’un cinéma à l’autre contribuent à la détérioration des copies, comme nous l’avons expliqué précédemment. En outre, certains cinémas sont obligés d’attendre avant de recevoir à leur tour une copie.

La distribution numérique évite tous ces problèmes. Les reproductions numériques sont pratiquement parfaites, de la première copie à la millième. Mais en outre, les films en format numérique peuvent être distribués plus facilement et à plus vaste échelle. Ils peuvent être distribués à de nombreux cinémas à la fois, sans perte de qualité et à prix réduit. Les avantages de cette nouvelle formule de distribution cinématographique sont manifestes.

Toutefois, elle n’est pas sans inconvénient. Le film en format électronique distribué par voie électronique doit parvenir à une salle de cinéma équipée du matériel nécessaire pour projeter un film numérique. Les frais à engager pour transformer une salle de cinéma analogique en salle numérique peuvent être extrêmement élevés, voire prohibitifs pour pratiquement toutes les petites salles indépendantes. À l’heure actuelle, le Canada compte moins d’une douzaine d’écrans à projection numérique, tandis que le Royaume-Uni en a déjà 50 et que les Pays-Bas sont aussi très actifs dans ce domaine.

D.     CONCLUSION

L’écologie du cinéma

Le présent rapport a souligné l’importance de la sortie en salle d’un film, et des témoins ont insisté sur certaines améliorations qui doivent être apportées dans ce domaine, mais il importe de signaler que la sortie d’un film en salle, en 2005, ne représente pas la même proportion du public ou des recettes que pour un film lancé dans les années 1950. En effet, au début des années 1950, la totalité des recettes d’un film provenait de sa diffusion en salle, mais ce n’est plus le cas de nos jours. La vente et la location de DVD, la télévision à la carte et la vente de droits de télédiffusion génèrent dorénavant une grande partie des rentrées. D’ailleurs, selon un article paru récemment dans le Wall Street Journal, la sortie en salle de nombreux films constitue en fait un élément important de la stratégie globale de commercialisation et ne produit souvent que 20 p. 100 des recettes d’un film14.

La politique du long métrage de 2000 ne tient pas complètement compte des changements subis par ce que l’on pourrait appeler «  l’écologie  » du cinéma. La diffusion des films canadiens se fait probablement surtout au moyen de la télévision et de l’achat ou de la location de DVD et de vidéos. En effet, les téléspectateurs constituent certainement un plus vaste public que les quelques milliers de cinéphiles qui se rendent voir les films au cinéma.

Pour ces raisons et d’autres, il serait peu judicieux d’évaluer le succès de Du scénario à l’écran uniquement en fonction du succès d’un film en salle. Cela ne veut pas dire que la présentation en salle est sans importance, mais elle ne compose qu’un des nombreux modes de diffusion des longs métrages canadiens auprès du public canadien.

En fait, même si la présente étude porte principalement sur des éléments de base de l’industrie cinématographique du Canada, il est clair aux yeux du Comité que cette industrie est étroitement liée à la fois au système canadien de télédiffusion et au tournage de films étrangers au Canada. Les habiletés requises pour produire des œuvres de fiction télévisuelles ou pour travailler avec des producteurs étrangers sont justement celles qu’il faut pour assurer une industrie cinématographique canadienne saine et viable.

Des témoins se sont aussi interrogés sur le fait que la politique de 2000 se concentre sur les longs métrages, à l’exclusion des documentaires longue durée. Ils ont souligné que le documentaire est une force de la production canadienne, et qu’une définition étroite du long métrage (c’est-à-dire qui exclut les documentaires longue durée) affaiblit cet atout.

Prochaines étapes

Un rapport intérimaire ne peut, par définition, être complet. Le Comité est bien conscient que son exposé des enjeux examinés jusqu’à maintenant présente des lacunes. Cela ne signifie toutefois pas qu’il ne s’intéresse pas aux autres questions qui ont été soulevées. Ainsi, le rapport n’aborde pas les questions suivantes :

 la définition de «  long métrage  »; 
 l’importance de la diversité culturelle; 
 la contribution qu’apportent, à l’industrie cinématographique canadienne, les services de tournage de films étrangers; 
 les droits d’auteur et les droits de propriété intellectuelle; 
 l’importance des crédits d’impôt fédéral; 
 l’importance des mesures d’appui provinciales; 
 la conservation et la préservation; 
 l’importance croissante des documentaires de courte et de longue durée; 
 le rôle des écoles de formation; 
 l’audio et le mixage; 
 le doublage et le sous-titrage; 
 la propriété des exploitants et des distributeurs; 
 le rôle de Téléfilm Canada; 
 le rôle du Fonds canadien de télévision; 
 le rôle du CRTC;  
 le rôle des radiodiffuseurs publics et privés du Canada; 
 le rôle du Bureau de la concurrence; 
 la structure générale du système de financement; 
 le rôle des festivals du film canadiens et internationaux;  
 le rôle des délégués commerciaux, des ambassades et des consulats du Canada;  
 les nouvelles technologies et les méthodes innovatrices de distribution (p. ex. le cinéma informatique et le cinéma numérique); 
 les politiques, les stratégies de financement et les régimes fiscaux des pays étrangers. 

De plus, le Comité devra analyser plus en profondeur les témoignages entendus lors de ses récentes audiences dans l’Ouest et dans la région de l’Atlantique et consulter davantage les intervenants de l’industrie et du gouvernement.

Même si un certain nombre de questions n’ont pas été abordées, le Comité se considère prêt à passer à la deuxième ronde de présentations. Dans la prochaine étape de son étude, le Comité aimerait se concentrer tout particulièrement sur les questions qui figurent à l’annexe B.

Le Comité est d’avis que la première ronde de ses travaux (de février à juin 2005) lui a permis de mieux comprendre les enjeux de base dans l’industrie du long métrage au Canada. La deuxième phase de ses travaux, qu’il entend entreprendre à la rentrée parlementaire en septembre 2005, devrait lui permettre de se concentrer davantage sur les questions de l’annexe B. Cette deuxième phase ne comportera peut-être pas d’audiences, mais le Comité voudra néanmoins connaître l’avis des intervenants de l’industrie. Le Comité invite donc les parties intéressées à présenter leurs réponses aux questions de leur choix d’ici le 15 septembre 2005. Il n’est pas nécessaire de répondre à toutes les questions.

Le Comité demande aux intéressés de ne pas présenter leurs réponses sous la forme d’un mémoire habituel, et précise que :

 les réponses doivent être claires et concises et proposer un libellé de recommandations visant les diverses questions touchant l’industrie cinématographique au Canada; 
 chaque recommandation devrait être suivie d’un court paragraphe qui décrit ou justifie les avantages ou inconvénients pouvant découler des mesures proposées; 
 les recommandations doivent, autant que possible, pouvoir être réalisées avec les ressources actuellement disponibles et ne pas nécessiter de ressources additionnelles. 

Le Comité attend avec impatience d’entreprendre la prochaine étape de son étude et remercie tous ceux qui ont contribué à ses travaux à ce jour. *



2Examen de la politique cinématographique canadienne, document de discussion, ministère du Patrimoine canadien, février 1998, p. 1.
3Du scénario à l’écran — Une nouvelle orientation de politique en matière de longs métrages au Canada, Gouvernement du Canada, octobre 2000, p. 1.
4Ibid.
5Ibid.
6Voir le mandat que s’est donné le Comité aux fins de cette étude à l’annexe A.
7ACPFT, Profil 2005, Rapport économique sur la production cinématographique et télévisuelle au Canada, p. 11.
8Le nombre d’entrées ainsi que l’augmentation ou la réduction du prix des billets influent sur les recettes-guichet. Le Comité traitera de cette question de façon plus approfondie dans son rapport final.
9Du scénario à l’écran — Une nouvelle orientation de politique en matière de longs métrages au Canada, Gouvernement du Canada, octobre 2000, p  5.
10L’éducation et la formation de ces personnes sont des éléments importants d’une politique complète du long métrage. Le document Du scénario à l’écran n’en traite toutefois pas directement et c’est pourquoi le présent rapport provisoire n’aborde pas la question. Le rapport final du Comité contiendra par contre un partie importante consacrée à l’éducation et à la formation. 
11Loi constitutionnelle de 1867, alinéa 92(10)a).Constitution Act, 1867, s. 92(10)(a).
12Voir par exemple le Renvoi relatif à la radio, [1932] A.C. 304. 
13En l’affaire Nova Scotia Board of Censors et al and McNeil (1978), 84 D.L.R. (3d) 1.
14De nos jours, le passage d’un film en salle forme en fait une campagne de commercialisation des produits dérivés à venir. [...] Il y a 50 ans, toutes les recettes que touchait le studio provenaient de la projection du film en salle; de nos jours, ces recettes ne représentent que 20 p. 100 du total. Wall Street Journal, Jessie Eisinger, «  Weekend Box Office Isn’t the Ticket  », mercredi 25 mai 2005, p. C1.