Passer au contenu

FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

37e LÉGISLATURE, 3e SESSION

Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 1 avril 2004




¿ 0915
V         Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.))
V         M. Stockwell Day (Okanagan—Coquihalla, PCC)

¿ 0920
V         M. Paul Harold Macklin (Northumberland, Lib.)

¿ 0925
V         Le président
V         M. Bryon Wilfert (Oak Ridges, Lib.)
V         Le président
V         Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ)

¿ 0930
V         Le président
V         M. Stéphane Bergeron (Verchères—Les-Patriotes, BQ)

¿ 0935
V         Le président
V         L'hon. Diane Marleau (Sudbury, Lib.)
V         Le président
V         M. Stockwell Day
V         L'hon. Diane Marleau

¿ 0940
V         Le président
V         L'hon. Dan McTeague (Pickering—Ajax—Uxbridge, Lib.)
V         Le président
V         M. Stockwell Day
V         L'hon. Diane Marleau
V         Le président
V         M. Stockwell Day
V         Le président
V         M. Stockwell Day
V         L'hon. Diane Marleau
V         Le président
V         Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.)
V         Le président
V         M. Stockwell Day
V         Le président

¿ 0945
V         M. Stockwell Day
V         Le président
V         M. Stockwell Day
V         Le président
V         L'hon. Scott Brison
V         M. Stockwell Day
V         Le président
V         Mme Francine Lalonde
V         Le président
V         M. Stockwell Day
V         Le président
V         Le greffier du comité
V         Le président
V         Le greffier
V         Le président
V         Le greffier
V         M. Stockwell Day
V         Le président
V         Le greffier
V         Le président
V         M. Stockwell Day
V         Le président
V         Mme Francine Lalonde
V         Le président
V         M. Stockwell Day
V         Le président
V         Mme Francine Lalonde

¿ 0950
V         M. James Lee (attaché de recherche auprès du comité)
V         M. Stockwell Day
V         Mme Francine Lalonde
V         Le président
V         Mme Francine Lalonde
V         Le président
V         L'hon. Diane Marleau
V         Le président
V         L'hon. Diane Marleau
V         Le président
V         M. Stockwell Day
V         Le président
V         M. Stockwell Day
V         Le président
V         M. Stockwell Day
V         Le président
V         M. Stockwell Day
V         Le président
V         M. Stockwell Day
V         Le président
V         M. Stockwell Day
V         Le président
V         Le président

¿ 0955
V         Le président

À 1000
V         Le président
V         M. Carlo Dade (conseiller principal, Fondation canadienne pour les Amériques)

À 1005

À 1015
V         Le président
V         M. John Graham (président, conseil d'administration, Fondation canadienne pour les Amériques)

À 1020

À 1025
V         Le président
V         M. John Graham
V         Le président
V         M. Stockwell Day
V         Le président
V         M. Stockwell Day
V         M. Carlo Dade

À 1030
V         Le président
V         M. John Graham
V         Le président
V         Mme Francine Lalonde
V         M. Carlo Dade

À 1035
V         Le président
V         M. Paul Harold Macklin
V         M. John Graham

À 1040
V         M. Carlo Dade
V         Le président
V         Le très hon. Joe Clark (Calgary-Centre)
V         M. John Graham
V         Le très hon. Joe Clark
V         M. Carlo Dade

À 1045
V         Le président
V         M. Carlo Dade
V         Le président
V         M. Raymond Simard (Saint-Boniface, Lib.)
V         M. Carlo Dade
V         M. Raymond Simard
V         Le président
V         M. Bryon Wilfert

À 1050
V         M. John Graham
V         M. Carlo Dade
V         Le président










CANADA

Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


NUMÉRO 010 
l
3e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 1 avril 2004

[Enregistrement électronique]

¿  +(0915)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.)): Bonjour tout le monde.

    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous allons poursuivre les travaux du comité ce matin. Nous revenons au débat sur la motion modifiée de M. Day.

    Monsieur Day, je vous prie, la première motion à l'ordre du jour.

+-

    M. Stockwell Day (Okanagan—Coquihalla, PCC): Merci, monsieur le président.

    Nous tournons en rond dans ce débat. Pour faire un résumé de la façon dont cette affaire a évolué, à l'origine, cette motion bénéficiait de l'appui de tous les partis, ou du moins des députés de chacun des partis ont tenu une conférence de presse, affichant un certain niveau d'appui non partisan à l'égard de cette motion.

    La motion a été envoyée à tous les membres du comité, qui ont été avisés longtemps d'avance de la tenue du débat ici. J'ai déjà accepté un amendement à la motion. Certains membres du comité voulaient un aperçu juridique, qui a été fourni.

    À titre individuel, nous sommes tous d'accord, en principe, que personne n'appuie les attentats suicides. C'est là une certitude, et je n'ai aucun doute quant à l'opinion de chacune des personnes qui sont autour de cette table à ce sujet. C'est vil et inhumain.

    Selon l'aperçu juridique, ou du moins selon ce témoin, cela donnerait en quelque sorte plus de pouvoir aux gouvernements, tant au plan national qu'au plan international, pour empêcher et appréhender ceux qui inspirent, encouragent, entraînent et recrutent.

    En tant que comité, nous pouvons rester ici à discuter ad nauseam de toutes sortes de détails juridiques, à parler du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, et ainsi de suite. Je ne crois pas que nous devions faire cela pour pouvoir dire que nous appuyons cette motion. Elle finira par se retrouver devant des juristes, qui pourront en analyser le libellé du point de vue juridique.

    Comme je l'ai mentionné l'autre jour, lorsqu'on regarde le fond de la question, il s'agit en fait de quelques personnes—peut-être une majorité, qui sait?—qui sont très sensibles à la façon dont on pourrait appliquer cela à la situation au Proche-Orient, alors que des attentats suicides surviennent partout dans le monde.

    Certains d'entre vous voient peut-être les mêmes comptes rendus quotidiens que moi sur la violence terroriste partout dans le monde, et ces événements ne se limitent pas au Proche-Orient. On a vu encore un autre cas aujourd'hui, après l'histoire tragique de la semaine dernière où un jeune garçon d'une intelligence douteuse avait été recruté pour perpétrer un attentat suicide. Heureusement, cela ne s'est pas produit.

    On apprenait aujourd'hui que le Djihad islamique avait recruté un adolescent de 15 ans, Tamer Khawireh, pour perpétrer un attentat suicide. Il était un des quatre garçons de Naplouse recrutés par des groupes terroristes qui ont ensuite été arrêtés. Le père étonné de Khawireh, Massoud, a dit mardi qu'il avait communiqué avec le Djihad islamique pour l'obliger à s'expliquer. L'organisation s'est excusée, soutenant qu'elle avait mépris l'élève de 10e année pour un jeune de 18 ans.

    Je crois que nous devons nous demander quel message nous enverrons si nous votons contre cette motion.

    Si nous cessons de nous attarder à des détails juridiques, ce qui n'est pas notre travail, nous pouvons, à juste titre, examiner toutes sortes de questions, comme nous l'avons fait dans le passé. Nous nous sommes penchés sur des questions nucléaires. Nous examinons des questions liées à la santé. Nous n'avons pas à être des spécialistes et à connaître tous les moindres détails, mais il est très important d'appuyer, en principe, ce genre de motion. Cela ferait du Canada un chef de file. Nous disons toujours que le Canada est un chef de file.

    Depuis notre conférence de presse, j'ai reçu—et vous aussi peut-être—des appels des médias qui demandaient comment les choses progressaient relativement à cette motion. Je leur ai répondu qu'on en discutait et que certaines questions avaient été soulevées.

    Je veux que nous pensions au message, parce que je tiens à ce que cette motion fasse l'objet d'un vote aujourd'hui. Je suis convaincu que des élections seront déclenchées bientôt. À notre retour, nous avons fermement l'intention d'aller de l'avant avec cette mesure, en tant que gouvernement, mais cela ne sera peut-être pas avant l'automne. Nous devons envoyer le message maintenant.

    Ce sera intéressant de voir la réponse que chacun de nous donnera aux journalistes qui nous appelleront—car je suis certain qu'ils le feront compte tenu de l'intérêt que suscite cette question—pour demander si nous avons voté pour ou contre cette motion. Non seulement nous devons penser au message que nous enverrons en appuyant cette motion, mais nous devons aussi penser au message que nous enverrions en ne l'appuyant pas. Que dirions-nous au reste du monde? Que dirions-nous aux enfants qui ont besoin d'être protégés?

    Nous nous empressons, avec raison, de protéger les enfants contre les gens qui essaient de les attirer vers une vie de consommation de drogues ou vers une vie d'exploitation sexuelle par des pédophiles sur Internet. Nous envisageons même d'adopter des mesures législatives visant à protéger les enfants contre certains genres de boissons à l'école, et pourtant nous serions prêts à voter contre cette motion.

    Ce sont là mes sentiments. C'est une question qui me tient beaucoup à coeur. Il est important de penser aux conséquences que cela aura si nous appuyons cette motion—ce qui est le but recherché ici—, mais pensons aussi au message que nous enverrions en disant non.

    Merci, monsieur le président.

¿  +-(0920)  

    Merci, monsieur Day.

    Monsieur Macklin.

+-

    M. Paul Harold Macklin (Northumberland, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Tout d'abord, je tiens à dire clairement que je ne crois pas que qui que ce soit dans cette salle ne soit prêt à considérer les attentats suicides comme un comportement acceptable, quelle que soit la situation qui puisse se présenter.

    Toutefois, nous travaillons dans le cadre du droit international, et je crois que nous devons voir où nous nous situons dans ce cadre. Si, en tant que comité parlementaire, nous voulons contribuer de façon utile au débat et à la discussion sur les mesures que nous pourrions prendre pour jouer un rôle de chef de file, je crois que cela doit quand même se faire dans le cadre du droit international.

    C'est une chose que de faire une déclaration politique, mais si nous voulons vraiment changer notre façon de traiter avec ceux qui intenteraient des poursuites contre les auteurs de ce genre de crime, nous devons trouver une façon de le faire.

    Nous avons reçu aujourd'hui un document de la Direction de la recherche parlementaire. La dernière phrase de la conclusion dit ceci :

La nature de l'attaque et le fait qu'elle implique le suicide de son auteur n'entraînent pas, en droit international, une infraction qui puisse être considérée comme distincte d'une attaque systématique et généralisée contre des civils menée selon d'autres méthodes.

    Comme je l'ai mentionné l'autre jour, si je comprends bien l'historique de la question, nous avons d'abord adopté une mesure législative intitulée Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre. Cette mesure concernait la mise en oeuvre du Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Au paragraphe 4(3) de cette loi, la définition du terme « crime contre l'humanité » comprend le meurtre, et il est clair que l'attentat suicide entre dans cette catégorie. La définition dit ceci :

... commis contre une population civile ou un groupe identifiable de personnes et, d'autre part, qui constitue, au moment et au lieu de la perpétration, un crime contre l'humanité selon...

Et c'est ici que le problème commence à se poser.

... le droit international coutumier ou le droit international conventionnel, ou en raison de son caractère criminel d'après les principes généraux de droit reconnus par l'ensemble des nations, qu'il constitue ou non une transgression du droit en vigueur à ce moment et dans ce lieu.

    Si on retourne au Statut de Rome de la Cour pénale internationale, le témoin que nous avons entendu a fait remarquer que ce qu'il y avait de troublant au paragraphe (1) de l'article 7, c'est que le crime contre l'humanité était défini comme étant « l’un quelconque desactes ci-après lorsqu’il est commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancéecontre toute population civile »

    Je crois que, si nous voulons trouver une façon de rendre service à la société, il est fort possible que nous devions nous pencher sur le fait que la définition d'un crime contre l'humanité comme étant une attaque généralisée ou systématique est peut-être beaucoup trop large pour qu'on puisse poursuivre les auteurs des actes que nous voyons aujourd'hui. Dans bien des cas, il pourrait être très difficile pour quiconque d'intenter de telles poursuites si on doit établir qu'il s'agit d'une attaque généralisée ou systématique alors que, en réalité, il peut s'agir simplement d'une attaque isolée contre une population civile.

    Je crois donc que, si nous voulons vraiment changer la façon dont la communauté internationale traite ce genre de crime, nous devons chercher à adopter une résolution qui mènerait à une modification de la définition qu'on trouve dans le Statut de Rome de la Cour pénale internationale et aussi dans notre propre loi.

¿  +-(0925)  

    Je crois que cela doit se faire au moyen d'une approche fondée sur la communauté des nations. Ce serait là la bonne façon de procéder.

+-

    Le président: Merci, monsieur Macklin.

    Monsieur Wilfert.

+-

    M. Bryon Wilfert (Oak Ridges, Lib.): J'ai écouté la discussion et je comprends certainement que le droit international, au moins depuis environ 1848, a évolué en réponse aux divers changements qui se sont opérés au sein de la communauté internationale relativement aux diverses façons de faire la guerre mises au point au fil des ans par les États impliqués ou non dans des conflits.

    M. Day ajoute une nouvelle notion au débat en proposant que nous considérions l'attentat suicide comme étant un crime contre l'humanité. Je comprends son point de vue et c'est une proposition qui mérite certainement d'être examinée. Dans la résolution qu'il a soumise au comité, il veut que le Parlement déclare que l'attentat suicide est un crime contre l'humanité. Dans les remarques qu'il a faites plus tôt, j'ai eu l'impression qu'il voulait simplement que nous donnions notre approbation pour fin de discussion. Sans savoir ce que sera le libellé exact, je crois que c'est très difficile pour nous.

    Je demandais l'autre jour pourquoi aucun autre État, ou particulièrement les Nations Unies qui jouent un rôle très actif dans le dossier du terrorisme international, n'avait débattu de façon précise la question des attentats suicides. Pourquoi n'a-t-on jamais examiné cette question précise? Je ne vois aucun problème à discuter du fond de la proposition, mais je ne crois pas que nous ayons assez de renseignements, venant de juristes ou d'autres États, relativement à ce que nous demandons en fait à la communauté internationale d'appuyer.

    M. Macklin a bien dit que personne n'appuyait les attentats suicides. La question qu'il faut se poser est la suivante : quel est l'objectif que nous visons réellement ici et quel résultat concret allons-nous obtenir si nous adoptons quelque chose? Je ne vois aucun problème à ce que nous disions que nous appuyons, en principe, l'idée que l'attentat suicide soit considéré comme un crime contre l'humanité. Cependant, je ne crois pas que nous puissions aller devant le Parlement et lui demander de ratifier quelque chose sans savoir exactement quel résultat cela donnera. Je voudrais que nous entendions d'autres témoignages d'experts.

    Il n'y a rien de mal à ce que nous soyons des pionniers, mais assurons-nous que nous savons exactement où cela nous mènera.

+-

    Le président: Merci, monsieur Wilfert.

    Madame Lalonde, s'il vous plaît.

[Français]

+-

    Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Merci.

    D'abord, je veux dire que les commentaires de Stockwell Day, avec qui j'ai fait des missions et que j'ai appris à connaître, m'ont choquée. D'une part, je le remercie de m'avoir fait lire et me documenter sur cette question, mais en même temps, je veux lui dire que je ressens aussi profondément que lui la nécessité pour le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce extérieur, comme pour mon propre parti, de prendre des positions qui vont faire avancer la résolution des conflits. Je parle, bien sûr, du conflit israélo-palestinien, qui est, nous nous en sommes aperçu dans l'étude que nous avons faite, la pire pomme de discorde entre le monde musulman--et même le monde qui n'est pas arabo-musulman--et, disons-le, notre monde.

    Qu'est-ce que j'ai retiré de mes études? Ceci: que la proposition a plusieurs implications. D'abord, elle a une implication juridique; M. Macklin vient d'en parler. M. Adler a été très clair: il ne fait pas confiance aux critères internationaux pour déterminer ce qui est un crime contre l'humanité.

    Par ailleurs, quand nous lisons les rapports de Human Rights Watch et d'Amnistie internationale, ce que nous constatons, c'est qu'en effet, ce n'est pas n'importe quel crime qui est considéré comme un crime contre l'humanité. Ce que je comprends, c'est que le droit international humanitaire a voulu stigmatiser des actions qui pouvaient entraîner leurs auteurs à être jugés dans les cours internationales et par n'importe quel pays. C'est bien de cela dont il s'agit. Cela universalise, à ce que j'ai compris, les causes. Donc, c'est cet aspect, soit l'aspect juridique, dont il nous a parlé très candidement, d'une part. Mais il y a aussi, pour les gens concernés, l'aspect stratégique. Quant à l'aspect moral, cela fait un bout de temps au Bloc québécois que l'on dénonce les attentats-suicides. Je l'ai fait devant un groupe de Palestiniens dont certains m'en veulent encore.

    Mais quel est l'enjeu pour moi? C'est que le Comité permanent des affaires étrangères, quand il se prononcera sur cette question, n'ait pas l'air de prendre parti, indépendamment d'une situation. Or, je n'ai pas vu que les crimes contre l'humanité étaient déterminés d'avance comme une certaine forme de mort, avec une certaine forme d'arme--l'attentat-suicide, c'est quelqu'un qui se fait sauter--, mais il y a le contexte, la nature, l'ampleur. Qu'on veuille rétrécir un peu, oui, cela peut avoir du bon sens, mais l'enjeu est qu'on ne se prononce pas seulement là-dessus, alors que sur le plan moral, encore une fois, personnellement, je suis parfaitement d'accord là-dessus, je l'ai dit dès le début. Mais qu'on ne donne pas l'impression qu'on cible les Palestiniens, alors qu'Amnistie internationale et Human Rights Watch ont fait les mêmes études pour déterminer que des façons d'agir de l'armée et de la direction de l'armée israélienne constituaient des crimes de guerre.

    Politiquement, on se retrouve avec des crimes de guerre qu'Israël nie, des crimes contre l'humanité que les Palestiniens nient. Politiquement, qu'est-ce qui reste? Il reste les Territoires occupés, le droit des Palestiniens de résister, reconnu par l'ONU, et la nécessité que partout les gens sensibles à leur drame cherchent à faire avancer la cause du règlement de ce terrible conflit.

    Moi, je dirais que s'il nous reste du temps, c'est plutôt dans ce sens qu'on doit travailler. Stockwell ne sera jamais capable de dire que c'est parce que je ne suis pas d'accord sur le fond, ce n'est pas vrai. Sauf que je n'ai pas le goût, en votant pour une proposition, de prendre parti, d'avoir l'air de prendre parti, de ne pas traiter de façon équitable, de ne pas permettre au comité même de continuer à avoir des positions qui soient respectées et qui puissent faire avancer les choses, parce qu'il faut être capable de parler aux deux côtés.

    Je m'arrête là. J'ai parlé longtemps, mais j'en avais besoin.

¿  +-(0930)  

+-

    Le président: Non, ça va, on vous a laissé tout le temps. Merci, madame Lalonde.

    Monsieur Bergeron, s'il vous plaît.

+-

    M. Stéphane Bergeron (Verchères—Les-Patriotes, BQ): Monsieur le président, je remercie M. Macklin pour son exposé fort éloquent témoignant d'une érudition certaine. Je suis fort conscient que cette question a des incidences juridiques. Cela dit, je ne crois pas que le droit soit quelque chose de statique et d'immuable. Le droit est quelque chose qui évolue avec l'évolution des moeurs sociétales, évidemment, et en conséquence, il peut apparaître nécessaire de faire évoluer le droit, y compris le droit international.

    Pour ma part, ce qui me permet, comme individu, comme homme politique, de distinguer entre un simple meurtre et ce qu'on appelle un attentat, que ce soit un attentat-suicide ou un attentat de quelqu'autre nature--et on se souviendra que dans notre propre législation au niveau criminel, on a fait des distinctions à cet égard au cours de dernières années--, c'est le fait que ce meurtre d'une, de douze ou de deux cent cinquante personnes soit occasionné par des motifs haineux et animé par des motivations politiques.

    Je n'ai personnellement, comme l'indiquait Francine, absolument aucun problème à condamner vigoureusement les attentats-suicides dirigés contre les populations civiles. J'aurais par contre une position totalement différente pour un attentat-suicide visant des objectifs militaires ou stratégiques. Mais un attentat-suicide dirigé spécifiquement contre des civils innocents, je n'ai aucune réserve à le condamner.

    Le problème fondamental que j'ai face à la motion que nous avons sous les yeux, c'est que je la trouve très restrictive, dans le sens où elle exclut d'emblée un événement absolument horrifiant dont nous avons tous et toutes été témoins il n'y a pas si longtemps: les attentats de Madrid. Il ne s'agissait pas d'attentat-suicide, mais il s'agissait, à mon sens, d'un attentat tout aussi condamnable que les attentats-suicides qui font un, deux, dix ou deux cent cinquante victimes à Tel Aviv, à Jérusalem ou ailleurs.

    Alors moi, j'ai un problème fondamental face à cette motion qui nous est inlassablement proposée de façon quasi intacte par M. Day et j'aimerais que nous puissions trouver une formule qui puisse nous permettre d'être beaucoup plus larges dans notre définition--et là-dessus, je rejoins M. Wilfert--sans qu'il s'agisse d'une position du Comité des affaires étrangères qui conduise nécessairement à une prise de position formelle, officielle et juridique de la part du gouvernement du Canada ou de la part de la Chambre des communes. Je pense que nous pouvons exprimer une opinion politique qui doit être--et je le conçois en fonction des arguments avancés par ma collègue--équilibrée, mais qui ne doit pas, dans un premier temps, avoir d'incidence de nature juridique à ce stade-ci.

¿  +-(0935)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Bergeron.

    Madame Marleau.

+-

    L'hon. Diane Marleau (Sudbury, Lib.): En ce sens, j'aimerais proposer un amendement qui demanderait qu'on repousse la décision sur cette motion jusqu'après les deux semaines de relâche, afin qu'on puisse mieux étudier les ramifications de ce qui est devant nous et qu'on puisse avoir une position plus équilibrée.

[Traduction]

    Je ne sais pas si vous seriez prêt à faire cela, monsieur Day, mais je propose que nous modifiions la motion et demande que la décision soit retardée jusqu'à ce que nous puissions examiner toute la question du terrorisme, afin de pouvoir rédiger une résolution qui soit plus équilibrée.

+-

    Le président: A-t-on des remarques à faire au sujet de l'intervention de Mme Marleau?

+-

    M. Stockwell Day: Avez-vous un libellé précis à proposer?

+-

    L'hon. Diane Marleau: Ce que je dis, c'est que, premièrement, nous n'avons pas fait un examen assez approfondi de la question. Nous devons vraiment regarder ce qui arrivera exactement et pourquoi, et ce que nous pouvons faire exactement—parce que personne ici n'appuie les attentats suicides—pour voir à ce que nous adoptions une approche équilibrée à l'égard de la question des attentats, qu'il s'agisse d'attentats suicides ou de tout autre genre d'attaque contre des populations civiles. Je demande simplement que nous retardions la décision ou le vote sur cette motion jusqu'à ce que nous ayons eu la chance de faire un examen approfondi de la question.

    Je crois que cela est important compte tenu du fait qu'il n'y a pas un seul pays que nous avons visité dans notre étude sur nos relations avec le monde musulman—et je ne suis pas allée dans chacun d'eux, mais j'imagine que c'était la même chose partout—où la question israélo-palestinienne n'était pas au coeur des nombreux défis qui se posent à l'échelle internationale.

    Je crois donc que nous avons une obligation envers nous-mêmes et envers la communauté internationale, soit celle de faire une étude approfondie des règles qui régissent cette question. Jouons un rôle de premier plan, mais, de grâce, faisons-le comme il faut.

¿  +-(0940)  

+-

    Le président: Monsieur McTeague.

+-

    L'hon. Dan McTeague (Pickering—Ajax—Uxbridge, Lib.): Monsieur le président, je suis d'accord. J'appuie ce point de vue, quoique, pour ce qui est de comprendre... et je félicite M. Day pour ses efforts. Je ne voudrais pas que nous précipitions l'ordre du jour à cause des élections. Si la question doit devenir un enjeu électoral, soit. Quoi qu'il en soit, je siège depuis peu à ce comité, mais j'ai déjà appris et j'ai pris conscience de la valeur des propos très éclairés faits à ce sujet à la fois par les députés d'en face, Mme Lalonde, M. Bergeron et par mes deux collègues, ici.

    Les réponses de M. Adler m'ont laissé sur ma faim, notamment en ce qui concerne mes préoccupations concernant le terrorisme et l'équivalence morale. Je pense que nous devrons entendre d'autres témoins et je suis prêt, si le comité est d'accord, à revenir sur cette question à notre retour dans deux semaines.

    Je pense donc que la proposition de Mme Marleau nous aiderait à mieux comprendre, comme on dit.

[Français]

l'ampleur de la situation. Il s'agit non seulement de cela, mais il faut prendre en considération que nous sommes présentement le seul pays en train de prendre une décision. Il ne faut pas que ce soit bousculé parce que nous avons une élection prévue à un moment donné dans l'avenir.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci.

    Quelqu'un veut-il ajouter quelque chose au sujet de la proposition de Mme Marleau?

    Monsieur Day.

+-

    M. Stockwell Day: Je vais proposer de mettre la question aux voix, et si les gens votent contre, nous y reviendrons après les élections.

    Je constate que certaines réserves ont été exprimées...

+-

    L'hon. Diane Marleau: Ne devons-nous pas voter d'abord sur l'amendement?

+-

    Le président: Oui. Je vais le laisser parler, puis nous y reviendrons.

    Monsieur Day

+-

    M. Stockwell Day: Sous réserve de ce qu'en pense le président, je crois qu'il y avait consensus au sujet de la dernière proposition d'amendement faite par Mme McDonough. Je pense que nous y étions tous favorables.

+-

    Le président: D'accord. Si je vous comprends bien, madame Marleau, vous demandez simplement que l'examen de cette motion...

+-

    M. Stockwell Day: Oh, vous faites référence à un possible amendement de votre part?

+-

    L'hon. Diane Marleau: Non, le report...

+-

    Le président: Oui, il y aurait report, et nous examinerons la question.

    Si la Chambre revient après le congé de Pâques, nous pourrions le faire le mardi suivant, trouver des témoins, demander au greffier...

    Je ne sais pas si vous avez des témoins comme M. Adler, qui a comparu devant le comité—sur votre suggestion, monsieur Day. Y a-t-il d'autres suggestions, peut-être Amnistie Internationale, Human Rights Watch, ou tout autre témoin que voudrait entendre un membre du comité, de façon à ce que, le moment venu, nous prenions la bonne décision?

    Madame Redman, je vous prie.

+-

    Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Je crois que M. Day est motivé par les meilleures intentions, et je pense que le fait d'inviter le genre de groupes dont vous parliez nous permettra non seulement de nous faire une opinion personnelle mais d'avoir un point de vue plus éclairé.

    Nous aurons peut-être une idée plus complète de la question, car lorsque j'ai demandé des éclaircissements quand M. Day a initialement saisi le comité de la question, j'ai demandé si cela aurait un effet contraignant pour la Chambre, et où cela nous mènerait. Si nous pouvons jeter plus de lumière sur la question et tenir un débat plus approfondi, nous nous conformerons peut-être davantage à l'intention de M. Day et nous ferons avancer la question.

+-

    Le président: Nous examinons la proposition de report, faite par Mme Marleau. Sommes-nous d'accord?

+-

    M. Stockwell Day: Propose-t-elle de déposer, de reporter ou...?

+-

    Le président: Une fois la motion proposée, elle ne peut plus être débattue.

¿  +-(0945)  

+-

    M. Stockwell Day: C'est tout ce que je veux savoir : que faisons-nous?

+-

    Le président: Je vais demander aux membres du comité s'ils sont d'accord au sujet de ce qu'a proposé Mme Marleau, à savoir que nous reportions la question et convoquions des témoins à comparaître le jour de notre retour, soit le mardi. J'ignore quelle est la date. Est-ce le 25?

    Nous serons de retour le 19. Ce serait mardi le 20.

    Une voix : Si nous revenons.

    Une voix : Nous reviendrons. Nous le tenons des dieux.

+-

    M. Stockwell Day: Je sais qui fera campagne pour vous dans votre circonscription, en votre absence.

    J'aimerais avoir un éclaircissement : s'agit-il d'une motion qui ne peut faire l'objet d'un débat?

+-

    Le président: Oui.

+-

    L'hon. Scott Brison: J'ignore pourquoi le premier ministre l'a dit à Stockwell.

+-

    M. Stockwell Day: Il me l'a dit dans son annonce d'hier soir. Cette information figurait parmi une centaine d'autres tuyaux.

    Avons-nous tenu le vote? Je suis contre la proposition.

    (La motion est adoptée à la majorité [voir les Procès-verbaux].)

+-

    Le président: M. Day a voté contre la motion, qui a été adoptée à la majorité.

    Je voudrais simplement demander quelque chose à Mme Lalonde.

[Français]

    Madame Lalonde, si on regarde le deuxième paragraphe concernant la reprise du débat sur votre motion sur l'ambassadeur du Danemark, vous aviez dit que vous nous reviendriez avec un nouveau texte, mais vous ne l'avez pas fait. Est-ce que nous pouvons l'enlever, pour le moment? Autrement, cela reviendra à toutes les fois. SI vous voulez la laisser là si nous n'en discuterons pas, c'est parfait.

+-

    Mme Francine Lalonde: Laissez-la là, parce qu'il faudrait que le comité se penche à nouveau sur cette question. Vous me faites travailler sur d'autres choses.

+-

    Le président: Ça va.

    Nous avons une reprise du débat avec Mme McDonough, mais elle n'est pas ici. Reprise du débat.

[Traduction]

    Nous reprenons le débat sur l'avis de motion suivant proposé par M. Day :

Que, lorsque le Budget principal des dépenses ou le Budget supplémentaire des dépenses sera renvoyé au comité, le comité invite le ministre et tout haut fonctionnaire compétent d'un ministère à comparaître à une séance du comité et, si possible, que cette séance soit télédiffusée.

    Voulez-vous que nous donnions suite à la motion, monsieur Day?

+-

    M. Stockwell Day: Je pense qu'il s'agit d'une motion simple, et je ne vois pas en quoi il serait utile de tenir un long débat à ce sujet. Oui, j'en fais la proposition.

+-

    Le président: Avez-vous quelque chose à ajouter, monsieur le greffier?

+-

    Le greffier du comité: J'ai une question, monsieur le président. Je crois que cela constitue un ordre du comité, à mon endroit, de communiquer avec les divers ministres pour les inviter à comparaître devant le comité.

+-

    Le président: Non, seulement dans le cas d'un budget spécial des dépenses.

+-

    Le greffier: Je pense que la motion vise tous les budgets des dépenses.

+-

    Le président: Il s'agit des budgets principaux ou des budgets supplémentaires.

+-

    Le greffier: Les budgets principaux ont été renvoyés à ce comité, monsieur le président.

+-

    M. Stockwell Day: Ce serait donc à la demande du comité. Le greffier devrait...

+-

    Le président: La motion pourrait stipuler « Que, à la demande du comité ». Le texte pourrait commencer par « Que, à la demande du comité, lorsque le Budget principal des dépenses... » Est-ce d'accord?

+-

    Le greffier: Dans ce cas, quel est l'objet de l'amendement? Un amendement doit être une mesure exécutable, monsieur le président.

+-

    Le président: « À la demande du comité ».

+-

    M. Stockwell Day: En fait, monsieur le président, je pense que le texte est satisfaisant dans sa forme actuelle puisqu'il stipule « le comité invite ». Nous demandons simplement que la mesure soit adoptée, mais nous n'avons pas fait d'invitation précise. Le cas échéant, le greffier devrait évidemment informer le ou les ministres compétents.

    Il ne s'agit pas de les convoquer tous.

+-

    Le président: Pourriez-vous dire « peut inviter »? De cette façon, ce ne serait pas contraignant.

    Nous avons déjà la prérogative de faire une invitation. Ça ne change rien.

[Français]

+-

    Mme Francine Lalonde: Peut-être que cela veut dire qu'on utilise notre prérogative. C'est un message pour le greffier et les recherchistes de suivre cela. C'est de cette façon que je le comprends. La motion vise à dire au greffier et aux recherchistes de suivre, de s'occuper de nos affaires et de convoquer les ministres.

[Traduction]

+-

    Le président: Qu'en pensez-vous, monsieur Day?

+-

    M. Stockwell Day: Je ne pense pas que cela contraigne le greffier. Vous n'êtes pas obligé d'envoyer les invitations.

[Français]

+-

    Le président: Madame Lalonde.

+-

    Mme Francine Lalonde: C'était un peu une farce que je faisais, mais on ne suit pas tout. En effet, que les recherchistes et le greffier soient alertes à suivre ce qui nous concerne et qu'ils amènent cela quand on a une réunion, qu'ils nous disent qu'il y a telle chose qui concerne le comité et qu'ils nous demandent si on veut recevoir tels ministres ou tels officiels.

¿  +-(0950)  

+-

    M. James Lee (attaché de recherche auprès du comité): Aussi, normalement, le comité directeur aurait siégé et...

[Traduction]

+-

    M. Stockwell Day: Je ne demande pas aux greffiers d'être proactifs, quoi qu'ils le soient à l'occasion et nous leur en savons gré. Ce n'est pas l'intention de la mesure proposée ici.

[Français]

+-

    Mme Francine Lalonde: Alors, c'est un rappel au comité.

+-

    Le président: Je ne sais pas. Écoutez, on a le droit de le faire, on a toujours le droit de le faire, c'est une prérogative du comité.

+-

    Mme Francine Lalonde: Alors, à ce moment-là, qu'est-ce que ça veut dire, Stockwell?

+-

    Le président: C'est un rappel au comité qui nous dit qu'on devrait faire notre travail. Ça fait partie de notre travail que d'inviter les fonctionnaires, que ce soit ceux du Bureau de la vérificatrice générale ou du bureau du ministre, lorsqu'il y a le Budget principal des dépenses ou un Budget supplémentaire des dépenses. Je pense qu'on peut le faire.

    La seule chose, c'est que si on donne un ordre au greffier de le faire à chaque fois, cela peut changer l'ordre du jour des études que l'on fait.

[Traduction]

    Y a-t-il d'autres commentaires?

    Madame Marleau.

+-

    L'hon. Diane Marleau: Je n'ai aucune objection au sujet de ce que vous dites, monsieur le président, car c'est effectivement ce que nous devrions faire.

+-

    Le président: En effet, c'est exactement ce que nous devrions faire.

+-

    L'hon. Diane Marleau: Et c'est ce que nous faisons généralement.

+-

    Le président: Mais vous ne donnez pas d'ordre au greffier. Je veux simplement m'assurer qu'il ne s'agit pas d'un ordre au greffier.

+-

    M. Stockwell Day: Non, non.

+-

    Le président: Car ils doivent déjà préparer les choses pour de nombreux témoins, et remplir d'autres tâches semblables. Nous avons déjà suffisamment de travail. Ils ne veulent pas y voir un ordre.

+-

    M. Stockwell Day: Non, ce n'est pas ce que nous demandons.

+-

    Le président: Il ne s'agit pas d'un ordre. C'est la raison pour laquelle il faudra peut-être apporter un changement.

+-

    M. Stockwell Day: Monsieur le président, je ne voudrais pas qu'un de ces jours je ne puisse plus envisager, avec ceux qui siègent autour de cette table, qu'un comité puisse hésiter ou qu'il protège un ministre et décide par conséquent de ne pas le convoquer. J'espère ce que cela ne se produira jamais, quoi qu'il puisse arriver ici. Après les prochaines élections, cependant, qui sait quel groupe de filous pourrait nous remplacer.

+-

    Le président: Je crois, monsieur Day, comme M. Schmitz vient de nous le dire, que nous avons déjà ce pouvoir en ce qui concerne le Budget principal des dépenses et le Budget supplémentaire des dépenses, et le comité permanent se réunit. Je pense que nous pourrions laisser cette proposition de côté, parce qu'il s'agit d'une répétition. Mais l'autre, qui concerne la vérificatrice générale, est nouvelle. Je suis d'accord dans ce cas. S'il s'agit de la vérificatrice générale et d'un sujet qui relève de notre ministère ou de notre comité, je pense que nous devrions inviter la vérificatrice générale ou toute autre personne compétente.

    Monsieur Day.

+-

    M. Stockwell Day: Pour ce qui est du processus, la première proposition est sur la table. Je voudrais qu'elle soit mise aux voix.

+-

    Le président: Vous voulez mettre la première proposition aux voix?

+-

    M. Stockwell Day: Oui.

+-

    Le président: D'accord. Nous allons tenir le vote.

    Tant qu'il ne s'agit pas d'un ordre au greffier, nous sommes d'accord.

    Je pense que la question ne soulève aucun problème, puisqu'il s'agit d'une prérogative. Elle stipule « peut inviter ».

    (La motion est adoptée [voir les Procès-verbaux].)

+-

    M. Stockwell Day: Et la deuxième motion aussi, monsieur le président?

+-

    Le président: Oui. Je vais lire la motion :

Que, lorsqu'un chapitre d'un rapport de la vérificatrice générale porte sur un sujet qui relève du mandat du comité, le comité étudie la question et invite des fonctionnaires du Bureau de la vérificatrice générale du Canada ou tout haut fonctionnaire compétent d'un ministère à comparaître à une séance du comité et, si possible, que cette séance soit télédiffusée.

    (La motion est adoptée.)

+-

    Le président: Très bien. Merci.

    Nous avons terminé l'étude de l'ordre du jour. La séance est levée jusqu'à 10 heures, et nous reviendrons alors pour entendre les représentants de la Fondation canadienne pour les Amériques.

¿  +-(0955)  

+-

    Le président: S'ils sont ici à 10 heures, nous commencerons à ce moment-là. La séance est suspendue pour cinq minutes.

¿  +-  


À  +-  

À  +-(1000)  

[Français]

+-

    Le président: Nous allons donc reprendre nos travaux. Nous accueillons maintenant, comme témoins, de la Fondation canadienne pour les Amériques,

[Traduction]

    M. John W. Graham, président du conseil d'administration, et M. Carlo Dade, conseiller principal. Nous vous souhaitons tous deux la bienvenue au comité.

    Nous inviterons d'abord M. Dade de faire son exposé, après quoi nous entendrons les observations de M.Graham.

    Monsieur Dade, vous avez la parole. 

[Français]

+-

    M. Carlo Dade (conseiller principal, Fondation canadienne pour les Amériques):

    Bonjour, monsieur le président. Je dois avant tout vous remercier de m'offrir l'occasion de m'adresser au comité ce soir.

[Traduction]

    Afin de gagner du temps, et si vous le permettez, je vais sauter l'introduction. Je crois que vous avez des notes d'information à mon sujet. Je pense aussi que le comité connaît bien la FOCAL, sa mission et le travail qu'elle fait à Ottawa. Je ferai un exposé rapide et je répondrai ensuite à vos questions.

    La situation actuelle en Haïti est très difficile. Nous sommes tous attristés par la chute du gouvernement Aristide, l'échec du développement et des tentatives de promouvoir la démocratie et la croissance économique dans ce pays. La situation actuelle, cependant, est également porteuse de grandes possibilités et d'un grand défi pour Haïti. Mon propos portera principalement, ce matin, sur les possibilités actuelles qui s'offrent en Haïti, sur l'importance d'Haïti et sur les possibilités pour le Canada et pour notre politique étrangère.

    Je commencerai par résumer brièvement l'importance d'Haïti et des possibilités qui s'offrent au Canada et je parlerai ensuite de ce qu'il faut faire pour aller de l'avant et tirer profit de ces possibilités en Haïti.

    Haïti est importante pour le Canada pour trois grandes raisons. Il y a d'abord l'importance pour les intérêts nationaux canadiens, des intérêts concrets et des intérêts plus immatériels. En outre, le Canada jouit d'un avantage comparatif en Haïti par rapport à d'autres endroits dans le monde. Notre pays a également un rôle important à jouer en Haïti, compte tenu de nos relations avec les États-Unis.

    En ce qui concerne l'intérêt national, le Canada possède des intérêts importants à l'extérieur des États-Unis, pays avec lequel nous avons 80 p. 100 de nos échanges commerciaux, mais on peut certainement affirmer qu'un solide intérêt national peut également nous lier à Haïti. Le Canada compte entre 150 000 et 200 000 Canadiens d'origine haïtienne, qui vivent principalement au Québec. Compte tenu de la mondialisation de la migration, de l'hyper-migration que nous observons de nos jours, l'interdépendance des communautés est plus grande que jamais.

    Les problèmes, les questions et les ressources se déplacent entre les communautés à la vitesse des entreprises modernes. Les problèmes sociaux, les maladies sociales et les troubles sociaux se propagent entre les communautés internationales à la vitesse du déplacement des capitaux, des idées et des entreprises. Aussi, compte tenu de la présence d'une importante population d'origine haïtienne au Canada, les événements qui surviennent en Haïti revêtent une grande importance pour le Canada.

    En outre, il existe un réel danger que l'instabilité en Haïti se propage ailleurs dans les Antilles. C'est important pour les intérêts du Canada à la grandeur de cette région. Si les représentants de la Banque Scotia étaient ici, ils pourraient vous parler du récent achat de la troisième banque en importance de la République dominicaine. Nous ne devons pas oublier non plus les répercussions possibles sur la Jamaïque ou les Bahamas, dont la population est à 40 p. 100 d'origine haïtienne.

    La situation est également importante pour les relations canado-américaines—j'y reviendrai—et pour notre intérêt national, la promotion de la démocratie. Haïti pose un défi grandissant en regard de la Charte démocratique interaméricaine. Elle pose également un défi grandissant relativement à la part que nous voulons prendre à la promotion de la démocratie et à la primauté du droit dans cette région.

    Au plan de l'avantage comparatif, trois aspects cruciaux sont dignes de mention. Il y a d'abord la langue. Le Canada compte une importante communauté de langue créole, et une vaste communauté de langue française. C'est un avantage important du point de vue de l'efficacité de notre engagement en Haïti. Bien qu'il existe une différence importante entre le créole et le français, il est beaucoup plus facile de passer du français au créole que de l'anglais au créole; dans ce dernier cas, c'est chose à peu près impossible

    Aussi, en dépit des différences entre le français et le créole, la présence d'une vaste communauté de langue française revêt une importance cruciale du point de vue de notre présence en Haïti. Cela aura une incidence sur la mission des États-Unis dans cette région et sur les missions des pays de la région. Les Chiliens auront la tâche un peu plus facile, puisqu'un fort pourcentage de la population parle espagnol, mais ce sera extrêmement difficile pour des anglophones.

    Permettez-moi de faire une courte digression.

À  +-(1005)  

    Il y a un mois ou un mois et demi, The Globe and Mail publiait, relativement à notre participation à l'opération ATHENA en Afghanistan, un article sur la recherche de traducteurs du pachtou au français. Alors que nous nous apprêtons à envoyer... le crois que c'est le 22e Régiment, on recherche désespérément des traducteurs qui puissent travailler du français au pachtou. Nous avons cherché partout, mais nous n'avons trouvé personne.

    Le fait est intéressant, parce qu'il met en évidence une véritable difficulté. Certains diraient que cette difficulté accroît le risque d'une mission en Afghanistan. Une question se pose : Au moment où nous cherchons à définir le rôle du Canada dans le monde, à trouver notre rôle dans le monde, où détenons-nous un avantage comparatif? Cette question rejoint les propos de Paul Martin, que j'ai repris dans mes notes écrites, sur la nécessité de nous affirmer sur la scène mondiale, mais d'intervenir là où nous pouvons faire une différence. C'est là que l'avantage comparatif prend son importance.

    Je crois que dans le cas d'Haïti, la langue, mais aussi l'histoire, offrent un avantage comparatif important. Le Canada et les pays des Antilles sont les seuls États des Amériques à avoir toujours entretenu une relation positive avec Haïti. Nous n'avons pas participé à la politique d'isolement, d'embargo, de racisme et d'attaque contre Haïti. C'est très important pour pouvoir travailler en Haïti. C'est l'une des raisons qui expliquent la grande efficacité de CARICOM. Cette organisation est perçue comme neutre, du moins historiquement, par les Haïtiens. Quand ils pensent aux Français, les Haïtiens se rappellent les 150 millions de francs or qu'ils ont dû payer. Lorsqu'ils se tournent vers les États-Unis, la liste est si longue qu'on ne sait par où commencer. Quant aux organisations multilatérales, les Haïtiens ont à leur sujet la même opinion qu'à l'égard des Français et des Américains. Pour ce qui est de leurs voisins d'Amérique latine, ces derniers les ont toujours isolés et snobés; ils ne les ont jamais reconnus.

    Le Canada et les États des Antilles ont toujours entretenu des relations différentes avec l'Haïti, ce qui leur assure des possibilités énormes et un capital politique considérable qui doit être mis à profit en Haïti. Nous devons cependant prendre soin de ne pas le dilapider dans le cadre des engagements actuels. Le Canada est également perçu, dans cette région, comme un contre-poids à la lourde présence des États-Unis dans cette région. Notre pays est vu comme la voix de la modération et on lui prête une influence positive, en tant que pays donateur. Ce sont autant d'atouts favorables à notre engagement.

    Quant aux relations avec les États-Unis, je pense que cette question n'a pas soulevé beaucoup d'intérêt et j'aimerais y consacrer quelques minutes. Du point de vue des intérêts concrets, je pense qu'il est important, pour le Canada et Haïti, d'examiner nos relations avec les États-Unis.

    En Haïti, à la différence de notre mission en Afghanistan et de nos autres missions ailleurs dans le monde, le Canada a une véritable occasion de collaborer étroitement et à égalité avec les États-Unis, dans un contexte multilatéral, bien entendu. Les États-Unis joueraient évidemment un rôle de premier plan, et le Canada pourrait avoir le deuxième rôle en importance. C'est important pour surmonter les différends dans les Antilles et pour construire et renforcer, ou reconstruire et solidifier, selon la formulation qu'on veut employer, les relations avec les États-Unis.

    Les États-Unis seraient heureux d'une participation du Canada et souhaitent le voir prendre l'initiative en Haïti. Le gouvernement américain en a déjà plein les bras en Afghanistan et en Irak, sans oublier les risques que représentent la Corée et le Moyen-Orient. Les États-Unis n'arrivent pas à accorder toute l'attention requise pour réussir en Haïti. Ils ont suffisamment de ressources et d'argent, mais la réussite repose sur une attention à long terme et aux plus hauts échelons, ce que le gouvernement américain est incapable de faire en Haïti. Le Canada a donc l'occasion d'intervenir dans ce pays et d'y jouer un rôle de premier plan, ce que le gouvernement américain accepterait volontiers.

    Nous avons récemment reçu, à Ottawa, Roger Noriega qui dirige le Bureau des affaires de l'hémisphère occidental, et Adolfo Franco, administrateur responsable de l'Amérique latine. Tous deux ont reconnu l'intérêt d'une participation du Canada. Nous avons tenu des discussions préliminaires et il y a eu une entente de principe sur la tenue d'une conférence, à Montréal, au sujet de la coopération Canado-américaine en Haïti. Il s'agit d'une entente de principe; nous commençons à peine à étudier la question. Cela démontre néanmoins l'intérêt et l'ouverture des États-Unis pour un rôle de premier du Canada dans ce dossier.

    Je voudrais également parler brièvement du rôle du Brésil, dont on n'a pas parlé. Les Brésiliens se sont engagés à envoyer des troupes dans le cadre de la mission de maintien de la paix des Nations Unies. Ils pourraient envoyer 1 000, 2 000 et même 3 000 soldats. Leur contingent pourrait être le plus important en Haïti.

    Les Brésiliens entretiennent également d'excellentes relations avec Haïti. Les Haïtiens aiment tout ce qui vient du Brésil. Je pense que la plupart des Haïtiens, s'ils avaient le choix entre les États-Unis et le Brésil, choisiraient d'émigrer vers le Brésil. Si vous aviez été présents à Haïti pendant la Coupe du monde, vous vous seriez crus à Recife ou dans quelqu'autre ville brézilienne. On y voyait des Brésiliens partout.

    Le Brésil se perçoit comme une puissance secondaire dans les Amériques, et Haïti pourrait constituer pour les Brésiliens une première étape vers la concrétisation de ce rôle. C'est pour eux l'occasion de sortir d'Amérique du Sud et de jouer un rôle dans l'hémisphère et sur la scène mondiale. Comme pour la France qui a pu profiter de la situation en Haïti pour améliorer ses relations avec les États-Unis, la situation en Haïti offre au Brésil l'occasion de régler ses différends avec les États-Unis et de collaborer plus étroitement avec ce pays. Je retiens donc les événements récents touchant le Brésil.

    Pour ce qui est des choses à faire pour permettre à Haïti de progresser, on a déjà observé des réussites dans ce pays, tant sur le plan politique que sur celui du développement économique. Le projet de l'Hydro-Québec à Jacmel est perçu, non seulement à Haïti et en Amérique latine mais ailleurs dans les pays en voie de développement, comme un exemple de réussite.

    Pour ce qui est de l'avantage comparatif, il faut travailler avec la diaspora. La diaspora envoie chaque année entre 600 millions et 900 millions de dollars US à Haïti. C'est la plus importante source d'aide pour Haïti. Le Canada est le pays qui a la plus longue expérience en matière de collaboration avec les groupes de la diaspora et leur participation au financement de projets de développement dans leur pays d'origine. Ce projet est en Haïti. Il a été lancé il y a plus de 10 ans. Nous avons cherché à le répéter aux États-Unis. Il illustre une fois de plus le leadership du Canada en Haïti. Voilà une autre possibilité de collaboration tant avec la communauté haïtienne chez nous qu'avec les États-Unis.

    En ce qui concerne l'engagement, il est généralement reconnu qu'il devra s'agir d'un engagement à long terme. Tout le monde, de Kofi Annan à George Bush et des Européens aux organisations multilatérales estiment que la situation a assez duré en Haïti. Nous ne nous sommes jamais réellement engagés comme nous aurions dû le faire. Le moment est maintenant venu d'être sérieux, de tirer les leçons du passé et de rompre avec ce passé.

    Il n'y a aucune raison, il n'est écrit nulle part qu'Haïti doive subir la pauvreté et l'anarchie et que les efforts pour intervenir dans ce pays et lui venir en aide soient voués à l'échec. Nous pouvons faire une différence en Haïti; nous pouvons rompre avec le passé. Le Canada a aujourd'hui une véritable occasion de mettre en valeur tout le potentiel d'Haïti. Partout dans le monde, on prend conscience que la situation a assez duré en Haïti et qu'il faut rompre avec le passé. La communauté internationale est en voie de modifier son point de vue sur Haïti, sa conception du développement et ses anciennes façons de faire. Haïti offre une possibilité de succès et le Canada pourrait jouer un rôle de premier plan à cet égard.

    Je crois en avoir suffisamment dit. J'en resterai là.

À  +-(1015)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    M. Graham aurait peut-être lui aussi quelques observations à faire.

    Monsieur Graham, nous vous écoutons.

+-

    M. John Graham (président, conseil d'administration, Fondation canadienne pour les Amériques): Merci, monsieur le président.

    Je n'ai pas préparé de discours et je n'aborderai pas les questions dont mon collègue, Carlo, a si bien traité. Je passerai à l'étape suivante. Carlo a bien précisé le rôle que le Canada peut jouer, nos aptitudes pour jouer ce rôle ainsi que la collaboration que nous pouvons obtenir de la part d'autres pays.

    Je voudrais parler brièvement du modèle à adopter. La communauté internationale, et particulièrement les États-Unis, le Canada et, dans une certaine mesure, la France et d'autres pays, sont intervenus au cours des 25 dernières années lorsque des catastrophes ont frappé Haïti pour tenter de remettre sur pied un État en déchéance. On en a été témoins après la chute du gouvernement de Baby Doc, le gouvernement de Jean-Claude Duvalier, au milieu des années 80, suivi de trois années du règne d'un gouvernement militaire absolument épouvantable. Les quelques infrastructures qui existaient en Haïti ont presque toutes été démolies pendant cette période.

    En 1994, lorsqu'Aristide a repris le pouvoir, la communauté internationale a tenté de reconstruire les infrastructures, de reconstruire un système qui fonctionnerait. De toute évidence, elle n'y est pas parvenue, ni au niveau des infrastructures politiques qui auraient soutenu l'expérience démocratique que fut l'élection d'Aristide, ni au niveau des infrastructures économiques. Le pays a continué de régresser.

    Entre-temps, vers le 20 ou le 21 février, lorsqu'une entente est intervenue entre Aristide, CARICOM et les États-Unis pour lancer une sorte d'opération de sauvetage, l'occasion nous a filé entre les doigts et les fragments fragiles des infrastructures qui restaient encore en Haïti, dans certaines régions d'Haïti, pour faire respecter la loi, maintenir l'ordre et soutenir un peu l'économie se sont effondrés.

    Je crois sincèrement que la communauté internationale et nous en particulier devons examiner attentivement le modèle que nous pouvons adopter pour obtenir de meilleurs résultats que ceux des 25 dernières années afin de donner à Haïti la chance de s'en sortir. À mon avis, nous devrions analyser ce qui se fait en Bosnie et au Timor oriental, là où la communauté internationale est intervenue dernièrement. Ces interventions n'ont pas été un succès à tous les égards. Il ne fait aucun doute que la situation économique en Bosnie demeure périlleuse. Je ne connais pas très bien la situation au Timor oriental. Dans les deux cas, l'ordre a été rétabli, ce qui est extraordinaire.

    En Bosnie, il n'y a pas eu d'assassinat politique délibéré depuis la fin de la guerre en 1995, ce qui remarquable. Dans le cas de la Bosnie, cela a été accompli grâce à l'Accord de Dayton. L'Accord de paix de Dayton a accordé à un certain nombre d'organisations internationales—le Bureau du Haut-Représentant, organisme essentiellement européen créé à cette fin, l'OSCE, l'Organisation pour la sécurité et la collaboration en Europe, et l'OTAN, sous la forme d'une force appelée à l'origine IFOR qui est maintenant devenue la SFOR—ainsi qu'à des agences des Nations Unies la responsabilité, partagée avec les Bosniaques, de gouverner la Bosnie.

À  +-(1020)  

    Une formule similaire a été appliquée dans le cas du Timor oriental, et j'imagine que nous pourrions trouver bien d'autres exemples.

    Nous avons besoin toutefois d'un engagement à long terme, un engagement d'environ 10 ans qui serait de nature internationale au lieu d'être uniquement fondée sur la bonne volonté de quelques pays et de ne prévoir aucun échéancier ferme.

    En Haïti, les organisations internationales doivent occuper en partie l'espace abandonné par le gouvernement haïtien. Il n'y a pas de gouvernement légitime en Haïti pour l'instant.

    Nous devons faire preuve d'une grande prudence—et quand je dis « nous », je veux parler du Canada ou de la communauté internationale dans son ensemble—en tentant de régler ce problème, sinon, nous pourrions devenir la cible des anticolonialistes. Nous ne voulons pas parler de tutelle. D'ailleurs, nous n'avons pas parlé de tutelle dans le cas de la Bosnie ou du Timor oriental. Il faut confier certains pouvoirs à la communauté internationale pour remettre Haïti sur ses pieds.

    Dès que les choses progresseront, dès que possible, ces pouvoirs devront être remis aux organisations haïtiennes. Au tout début d'une telle opération, il serait essentiel, pour des raisons non seulement pratiques mais aussi idéologiques, de veiller...

À  +-(1025)  

+-

    Le président: Monsieur Graham, je vous demanderai de conclure, puisque nous n'avons qu'une demi-heure et que les députés voudraient vous poser des questions. Merci.

+-

    M. John Graham: Je suis désolé, je me suis emballé.

    Il serait essentiel de veiller à obtenir, dès le départ, la collaboration d'Haïtiens, à profiter du soutien de la diaspora haïtienne.

    Merci.

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Graham.

    Nous passerons maintenant aux questions et aux réponses, mais je voudrais tout d'abord souhaiter la bienvenue au très honorable M. Clark, qui n'est pas officiellement un membre associé du comité.

    Nous vous souhaitons la bienvenue et sommes heureux et honorés que vous ayez demandé de siéger à notre comité. C'est un honneur de vous avoir parmi nous.

    Commençons. Nous voulons que tous aient la chance de poser des questions. Je rappelle que nous prévoyons cinq minutes pour chaque question suivie de la réponse.

    Monsieur Day.

+-

    M. Stockwell Day: Il y a toujours de l'espoir, monsieur le président, et nous espérons sûrement de bonnes choses pour Haïti. Deux cents années d'échecs constants ne peuvent toujours être attribuées aux forces extérieures, même si elles ont joué un certain rôle.

    Il reste des possibilités, le Canada en offre quelques-unes, surtout grâce à notre population au Québec qui est vraiment en mesure de créer des liens avec le peuple haïtien.

    Permettez-moi de poser la question suivante. Je ne sais pas si l'un de nos témoins a la réponse ou si le président pourrait m'éclairer. De toute l'aide financière que le Canada a accordée à Haïti, que ce soit par l'entremise de l'ACDI ou autrement, pendant le règne d'Aristide, quelle proportion—et une estimation sommaire me satisfera—notre gouvernement a-t-il versée au gouvernement haïtien par rapport à des ONG? Avez-vous une idée?

+-

    Le président: D'après ce que je comprends, plus aucune aide financière n'était accordée. Je n'ai pas de données pour le premier mandat de M. Aristide, alors je ne peux pas vous donner de réponse, mais au cours du dernier mandat de M. Aristide, le gouvernement du Canada n'a accordé aucune aide au gouvernement haïtien. Toute l'aide bilatérale a été acheminée par l'entremise d'ONG.

    Je me suis rendu en Haïti, et l'aide a été accordée à des projets très précis réalisés dans certaines régions, peut-être pas à Port-au-Prince comme tel, mais notre gouvernement n'a versé aucune aide au gouvernement haïtien.

+-

    M. Stockwell Day: Vous savez fort bien pourquoi je pose la question. De toute évidence, dans les régions pauvres, les groupes ont grandement intérêt à montrer qu'ils sont forts, que la force engendre le droit et qu'ils peuvent faire preuve de leadership si cela peut leur permettre de mettre la main sur une fortune.

    Y a-t-il moyen pour le Canada de prendre les choses en main et de collaborer avec les autres pays pour veiller à ce que l'aide financière ne soit pas versée au gouvernement, mais plutôt consacrée à des projets, aux infrastructures, à des choses du genre? Pouvons-nous coordonner les choses afin de pouvoir déterminer à quoi sert l'aide consentie par d'autres pays et de dissuader ainsi les bandes de voyous de prendre le pouvoir pendant quelque temps dans l'espoir de toucher l'argent et de le cacher dans une banque à l'étranger?

+-

    M. Carlo Dade: C'est une très bonne question. Il s'agit d'un problème urgent, pas seulement dans le cas d'Haïti, mais pour tout ce qui touche au développement international. Évidemment, l'exemple que nous offre Haïti est flagrant, mais pas nécessairement le pire. Les exemples que nous donnent d'autres pays où la communauté internationale et nous intervenons pourraient être objectivement et subjectivement qualifiés des plus flagrants.

    Toutefois, le Canada peut prendre certaines mesures, surtout en Haïti. Il pourrait premièrement faire preuve de leadership au niveau de l'effort international. Si vous prenez les commandes, si vous convoquez des réunions, si vous dirigez ces réunions et mettez de l'avant certaines mesures, alors vous faites avancer les choses et vous exercez beaucoup plus d'influence que si vous arrivez à la dernière minute et vous rangez de l'avis de la majorité.

    En termes de mesures concrètes, il faut songer au rôle important que peut jouer la diaspora. On peut examiner le modèle appliqué en Afghanistan, par exemple, où dans le cadre du projet de l'Organisation internationale pour les migrations, des membres de la diaspora afghane ont été recrutés pour travailler au sein de ministères et d'entreprises civiles. Vous prenez des gens de l'extérieur qui ont travaillé, disons, au Québec, à Ottawa, où à New York ou Miami et qui ont des attentes différentes en matière de transparence. Nous avons vu ce que cela donnait avec le président actuel d'Haïti.

    On pourrait aller plus loin. L'une des grandes options à envisager viserait à remettre sur pied la banque centrale d'Haïti. Il s'agissait de l'organisation la plus transparente d'Haïti, une organisation extrêmement efficace qui fonctionnait bien. Elle nous offrirait un bon moyen d'acheminer l'aide nécessaire. Plusieurs membres compétents de la diaspora haïtienne occupent des postes importants au sein de sociétés multilatérales à Washington, notamment de la Société financière internationale et de la Banque interaméricaine de développement. En rétablissant la banque centrale grâce à la forte présence de membres de la diaspora, vous prendriez les moyens d'éviter le problème que vous mentionniez.

    Des organisations pourraient envoyer certains de leurs employés en détachement, comme l'OIM l'a fait en Afghanistan. Vous pourriez compter sur des gens qui ont appuyé la communauté internationale et travaillé de près avec elle. Nous avons fait les premiers pas dans cette direction. Si vous examinez la composition du gouvernement, vous constaterez la présence de gens qui ont travaillé à l'ONU et ailleurs. Donc, nous avons déjà pris des mesures en ce sens. Je le répète, nous avons l'occasion en Haïti de mettre à l'épreuve de nouvelles formules d'aide au développement et d'apprendre de nos erreurs du passé. Nous pourrions connaître énormément de succès dans ce domaine.

À  +-(1030)  

+-

    Le président: Vous avez 30 secondes, monsieur Graham.

+-

    M. John Graham: L'OCDE offre des mécanismes pour coordonner l'aide des donateurs. Dans ce cas-ci, la coordination serait assurée par la Banque interaméricaine de développement.

+-

    Le président: Merci.

    Madame Lalonde, s'il vous plaît.

[Français]

+-

    Mme Francine Lalonde: Merci, monsieur le président.

    Merci beaucoup pour votre propos optimiste. Comme le disait Dany Laferrière, un poète et romancier haïtien qui a vécu à Montréal, à Miami et qui est revenu à Montréal récemment et que j'entendais beaucoup parler avec amour d'Haïti, le peuple haïtien a survécu à 200 ans de gouvernements dictatoriaux et incompétents, et il est toujours optimiste. Alors, je pense qu'il faut miser sur le peuple haïtien. On peut faire en Haïti beaucoup avec peu, contrairement à d'autres endroits du monde. Les ONG que j'ai rencontrées, les Haïtiens qui sont ici, les gens de la diaspora--car il y a beaucoup d'Haïtiens qui travaillent ici et qui vont travailler là-bas--font qu'il y a déjà beaucoup de gens disponibles, et si on les met à la tâche, ça peut être étonnant de voir ce qu'on peut faire assez rapidement.

    Mais il faut s'assurer du désarmement--c'est très important, on s'en est parlé--, de l'État de droit, comme certaines ONG nous l'ont dit, et de la démocratie. La démocratie est essentielle. Je lisais un rapport de l'ACDI à l'effet que si tout l'argent qu'on a investi dans la police et la magistrature semble avoir été perdu, c'est parce que quand Aristide est revenu, il a politisé les structures. En politisant les structures, au fond, toutes les leçons apprises ne pouvaient pas s'exprimer.

    Mais ça prend un financement à long terme, comme vous l'avez dit. Je suis très contente que vous disiez cela, parce qu'il y a aussi la faute de la communauté internationale face à la pauvreté épouvantable dans laquelle vit le peuple haïtien en ce moment, et ce, à tout point de vue.

    Quand je vois qu'on a engagé 8 milliards de dollars d'ici 2009 pour l'Afghanistan, où ils sont 28 millions d'habitants, je sais, bien sûr, qu'il y a des conditions tout à fait différentes, mais il me semble qu'en Haïti, il faudrait aussi bientôt manifester--et la conférence dont vous parliez peut être intéressante--un intérêt soutenu, à long terme. Je pense que pour que les Haïtiens réinvestissent là-bas, pour que d'autres investissent là-bas, pour qu'on se lance, il faut avoir cet espoir-là. Il faut que dans trois mois, il y ait de nouveau... Cela ne se peut pas qu'il y ait des militaires seulement trois mois, surtout pour désarmer. Pour désarmer, ça prend quelqu'un qui a autre chose qu'un bâton à opposer à celui qui sera désarmé.

    Je m'arrête là pour vous dire que je suis intéressée, mais j'aimerais vous entendre parler de l'environnement; vous n'en avez pas parlé. Il me semble que dans l'environnement et l'agriculture, on peut assez rapidement développer des emplois qui pourraient procurer ces salaires, de la nourriture et de l'espoir à bien du monde.

+-

    M. Carlo Dade: Merci de votre question. Je voudrais premièrement faire un petit commentaire sur la démocratie.

[Traduction]

    Pendant le règne d'Aristide, nous avons beaucoup investi en Haïti dans le développement des institutions démocratiques et de la démocratie sans investir tout autant dans le développement économique, la création d'emplois et d'autres choses. Nous avons vu ce que cela a donné.

    L'Irak nous donne un autre exemple intéressant. Au début de l'invasion de l'Irak, la plus récente, la première série de manifestations ne portait pas sur l'occupation, mais bien sur la pénurie d'emplois. Il ne faut pas oublier que le développement économique va de pair avec le développement démocratique. Comme l'un ne va pas sans l'autre, il faut songer aux deux.

    Pour répondre à votre question sur le développement rural, je dirais que cela nécessitera beaucoup de travail. La situation est en partie attribuable à des facteurs structurels. L'agriculture en Haïti a été ravagée tant par l'aide alimentaire... USAID et, dans une moindre mesure, l'ACDI nourrissent la moitié de la population haïtienne, ce qui rend le développement agricole très difficile.

    Par contre, un engagement à long terme, un exercice bien planifié qui durerait au moins dix ans et qui pourrait se poursuivre plus longtemps peut contribuer à améliorer la situation.

    Haïti est l'économie la plus ouverte de l'hémisphère occidental d'après l'OMC. Il est donc grandement possible d'assurer l'essor économique d'Haïti, mais on l'oublie à cause des échecs vécus en Haïti. Il reste que c'est l'économie la plus ouverte de l'hémisphère occidental. Le potentiel est là.

À  +-(1035)  

+-

    Le président: Monsieur Macklin, s'il vous plaît.

+-

    M. Paul Harold Macklin: Merci beaucoup, monsieur le président, et merci aux témoins qui ont accepté de comparaître aujourd'hui.

    Je voudrais revenir à l'exemple de la Bosnie qui pourrait nous servir de modèle. Il ne fait aucun doute que, dans l'ensemble, les accords de Dayton se sont révélés utiles pour amener les intérêts internationaux à collaborer afin d'atteindre un but commun. Notre présence là-bas depuis neuf ans semble avoir des effets très positifs, même si j'ai pu y observer récemment que les changements institutionnels se font très lentement, surtout dans le domaine des droits de la personne. C'est donc dire que la durée proposée de notre intervention, même à dix ans, est probablement un minimum.

    Parlons du concept de l'accord de Dayton. Premièrement, je voudrais discuter de qui devrait être partie à ce genre d'accord. Qui a l'autorité morale et l'appui populaire nécessaires pour mener à bien ce processus? Dans quelle mesure cet engagement devrait-il être pris par des puissances internationales et dans quelle mesure devrait-il être pris par des puissances de l'extérieur d'Haïti, autrement dit par des organisations comme CARICOM, l'OEA ou d'autres intérêts? J'aimerais savoir comment nous pouvons éviter la tutelle tout en atteignant les objectifs que nous avons peut-être atteints ou que nous sommes sur le point d'atteindre, espérons-le, en Bosnie grâce aux accords de Dayton.

+-

    M. John Graham: C'est une très bonne question et il n'est pas facile d'y répondre.

    Les organisations que vous avez mentionnées, CARICOM et l'OEA, de même que les Nations Unies devraient probablement participer au processus. La participation de CARICOM serait importante. CARICOM entretenait un meilleur dialogue que nous avec Aristide avant la chute de son régime. À mon avis, cela était attribuable en grande partie au fait que cette organisation est petite, ne représente aucune menace et est formée essentiellement de Noirs. Par conséquent, la participation de CARICOM au processus serait essentielle. L'OEA est également active dans ce secteur depuis longtemps et un Canadien participe aux activités de l'OEA en Haïti depuis au moins quatre ans, si je ne m'abuse. Il s'agit d'un homme appelé Lee et, si vous pouvez l'attraper—je crois qu'il se trouve actuellement à Port-au-Prince—vous verrez qu'il fut témoin de certaines rencontres.

    Je ne saurais vous préciser ce qu'impliquerait, sur le plan légal, la création d'un tel processus. Les spécialistes devraient analyser les expériences antérieures, examiner ce qui a bien fonctionné et ce qui a moins bien fonctionné au Timor oriental et en Bosnie.

    Je crois qu'il serait essentiel d'avoir l'adhésion du gouvernement provisoire haïtien à un tel accord comme vous avez obtenu l'assentiment de Milosovic et d'autres chefs de guerre en Bosnie. Il faudra le convaincre de signer si nous voulons jeter des bases politiques solides.

    Je m'arrête ici, parce qu'il m'est impossible de vous donner une meilleure réponse à une question aussi importante.

À  +-(1040)  

+-

    M. Carlo Dade: Très brièvement, je peux vous dresser la liste des pays qui pourraient prendre les devants. Il y a le Canada, les États-Unis, la France, le Brésil, l'Union européenne, CARICOM de même que la Jamaïque. Ces pays formeraient le noyau des intervenants.

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Clark, s'il vous plaît.

+-

    Le très hon. Joe Clark (Calgary-Centre): Merci.

    Je voudrais d'aborder remercier mes collègues du comité de m'avoir conféré le titre de membre associé. Je l'apprécie grandement. Cela ne se transformera pas en un exercice de souveraineté-association, je peux vous en assurer.

    Dans le cas des banques, j'aurais une suggestion à faire. Outre la contribution de la diaspora, dans un pays comme le Canada, beaucoup de gens maintenant à la retraite possèdent une vaste expérience des opérations des banques privées et des institutions financières internationales. J'ai la conviction qu'un effort concerté—que pourrait recommander notre comité—pour mettre à profit les compétences de ces gens n'occasionnerait pas de lourdes dépenses. Il serait assez utile de collaborer avec la diaspora.

    Je voudrais revenir sur la question que posait M. Macklin et qui m'intéresse énormément. Je suis très sensible aux observations faites au cours de séances précédentes par Mme Lalonde et d'autres intervenants au sujet du développement et, en particulier, du renforcement des institutions en Haïti, compte tenu des 200 années de prospérité qu'a connues, dans l'ensemble, ce pays. Au cours de ces 200 années, il y a eu des hauts et des bas. Je suis très sensible à la question de la souveraineté. Je suis conscient que l'idée de la tutelle serait mal accueillie partout dans le monde.

    Je me demande si FOCAL est en mesure d'élaborer un processus, en collaboration avec des organisations similaires à la sienne établies dans d'autres pays ou avec les organisations qu'a mentionnées M. Dade. Il ne serait pas nécessaire d'élaborer une feuille de route exhaustive.

    Il ne fait aucun doute qu'il est juste de dire—et loin de moi l'idée de critiquer quoi que ce soit—qu'il est clairement ressorti du témoignage que nous ont livré, l'autre jour, les représentants de l'ACDI et du ministère des Affaires étrangères, que ces deux grands organismes sont sceptiques en ce qui concerne les solutions qui viendraient de l'étranger. Ils sont également inquiets, à juste titre, de tout engagement de la part du Canada qui nous coûterait plus cher que ce que nous pouvons prévoir.

    Nous avons donc besoin de modèles, et il me semble que FOCAL est peut-être en mesure de collaborer avec d'autres intervenants pour élaborer un cadre de travail que nous pourrions, comme d'autres d'ailleurs, tout au moins analyser. Est-ce une proposition pratique?

+-

    M. John Graham: Avez-vous un délai en tête?

+-

    Le très hon. Joe Clark: Tout ce que je peux dire, c'est le plus tôt possible. Notre comité se trouve dans une situation inhabituelle. Si nous voulons agir, il faut songer aux élections qui pourraient être déclenchées sous peu. Donc, il faudrait agir plus tôt que tard.

+-

    M. Carlo Dade: Voulez-vous dire au printemps ou...?

À  +-(1045)  

+-

    Le président: Deux semaines.

+-

    M. Carlo Dade: Bien sûr. Je n'ai pas besoin de sommeil.

    Deux semaines suffiraient peut-être à examiner l'ensemble de la situation et à déterminer les options possibles qui pourraient être analysées plus en profondeur.

    Pour ce qui est de définir les mécanismes à utiliser, je crois que la conférence conjointe canada-américaine qui doit avoir lieu à Montréal serait l'occasion idéale pour étoffer d'autres options possibles.

    Il existe plusieurs exemples de mécanismes qui fonctionnent bien en Afghanistan et aux Balkans. J'ajouterais que c'est la voie que nous empruntons de plus en plus avec les États déchus. Dans une certaine mesure, nous reconnaissons à quel point il est logique d'aider les États déchus, et cela nous incite à agir. L'engagement de la communauté internationale dans les Balkans et en Afghanistan prouve bien que nous reconnaissons la logique des choses.

    Si nous appliquons cette logique à d'autres régions du monde et si nous examinons les possibilités qui nous sont offertes ailleurs, nous comprenons encore plus clairement pourquoi nous devrions reconnaître et appliquer cette logique dans une région qui constitue essentiellement notre troisième frontière, les Caraïbes.

    Donc, je pense que, en deux semaines, nous pourrions rédiger un rapport préliminaire qui préparerait la voie à une analyse ultérieure plus approfondie.

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Simard maintenant.

+-

    M. Raymond Simard (Saint-Boniface, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Vous avez parlé des langues comme étant un grand avantage pour tout programme de reconstruction ou d'assistance qui pourrait être mis en oeuvre. Vous avez parlé aussi, dans vos notes d'allocution, de l'Organisation mondiale de la Francophonie à laquelle le Canada est, je crois, le deuxième plus grand contributeur. Notre premier ministre a de plus annoncé que le Canada jouerait un plus grand rôle au sein de cette organisation.

    J'aimerais savoir si vous croyez que cette organisation peut jouer un rôle particulier, ou si vous êtes d'avis que le passé colonial de la France pourrait l'empêcher de jouer ce rôle? C'est ma première question.

    Deuxièmement, je pense que nous croyons tous qu'une solution à long terme s'impose dans le cas présent. Tous semblent engagés jusqu'à la prochaine grande crise. Quelle structure établissez-vous pour vous assurer de garder l'attention du monde sur ce pays?

+-

    M. Carlo Dade: Je sauterai très ouvertement la première question et passerai à la deuxième.

    Oui, vous avez parfaitement raison. Pour ce qui est de votre deuxième question, c'est essentiellement ce qui est arrivé en Haïti. Non seulement notre attention a décliné, mais notre dernier échec a conditionné le prochain.

    L'échec en Somalie a conduit à l'engagement en Haïti. La crainte de la construction d'une nation et de la détérioration de la mission a conditionné dans une large mesure notre échec en Haïti. Nous pouvons prévenir ce genre de situation en étant simplement conscients de nos échecs les plus récents et en nous assurant qu'ils n'en provoqueront pas un autre.

    Pour concevoir la structure, il faut un leadership, la mise sur pied d'un organisme et de l'argent. Ce n'est pas nécessairement le montant d'argent qui importe. Le Canada n'a pas à supporter le fardeau de la reconstruction de Haïti ou du réinvestissement en Haïti—les États-Unis et la communauté internationale s'en chargeront—, mais le Canada peut assumer la charge et le défi du leadership.

    Au niveau financier, il faut pouvoir compter sur une structure et les fonds doivent être non seulement engagés mais aussi transférés. Si l'argent est transmis, si le chèque est déjà encaissé et entre les mains d'une tierce partie, pour un quelconque protectorat international ou un organisme mandaté par l'ONU, si l'argent est transféré et si le budget est disponible, alors la structure va survivre. Par contre, si on doit dépendre de versements aux six mois ou à chaque année, la structure va s'écrouler lorsque l'attention va décliner. Dans le cas de Haïti, nous devons nous demander si nous pouvons nous permettre de laisser cette situation se reproduire.

    C'est un État déchu. Il frappe à notre porte. Nous y sommes retournés constamment et nous avons toujours réinvesti. La vieille méthode nous a coûté encore plus cher. Nous devons y mettre fin et nous pouvons le faire en établissant une structure, en incitant d'autres pays ou organismes à verser de l'argent dans la structure et en laissant la structure fonctionner.

+-

    M. Raymond Simard: Je vous remercie.

+-

    Le président: Merci, Monsieur Simard.

    Monsieur Wilfert s'il vous plaît.

+-

    M. Bryon Wilfert: Monsieur le président, même si j'ai manqué malheureusement les présentations, car j'étais à la Chambre, le sujet m'intéresse. La communauté internationale a nourri de grands espoirs quand Aristide est arrivé au pouvoir la première fois, puis il est revenu et reparti encore une fois.

    Selon le vieil adage, ceux qui n'apprennent pas de leurs erreurs sont condamnés à les répéter. Il semblerait en effet que nous n'avons pas appris beaucoup.

    Vous parlez d'États déchus et la Somalie en est certes un excellent exemple. Selon vous, quelles conditions faut-il créer en Haïti pour lui permettre d'avancer? Il est clair que nous devons pouvoir compter sur des dirigeants haïtiens qui sont respectés de la population. Je serais curieux de savoir qui, selon vous, ferait l'affaire.

    L'approche doit évidemment être multilatérale et tenir compte du fait que la solution ne peut être imposée. En fait, les lignes sont déjà tracées.

    Vous avez mentionné les pays du CARICOM comme un exemple. Alors que la Jamaïque applaudissait Aristide, d'autres ont littéralement refusé de reconnaître le nouveau régime en Haïti. Que devons-nous faire si nous disons d'un côté que nous ne voulons pas imposer de solution, et de l'autre côté, que c'est un État déchu? Nous ne sommes pas encore parvenus à trouver de solutions, même à court terme, qui soient très efficaces.

À  -(1050)  

+-

    M. John Graham: Brièvement, l'établissement de conditions efficaces peut être considéré comme la formule secrète que personne ne détient encore. Je crois, comme vous le dites, que cela nécessite une approche multilatérale.

    Comme je l'ai dit plus tôt concernant cette approche, si on arrivait à un accord comme celui de Dayton qui proposerait l'appui du leadership intérimaire de Haïti, ils devraient l'approuver.

    Il existe des leviers. L'argent qui sera fourni par la communauté internationale est l'un des leviers qui doit être utilisé pour parvenir à ce type d'accord. La partie de ces fonds consacrée à l'aide humanitaire ne devrait pas être bloquée pendant la durée des négociations, mais celle destinée à la reconstruction de la nation peut servir de levier pour nous aider à en arriver à un accord réalisable.

+-

    M. Carlo Dade: Il est important de tenir compte du contexte changeant de Haïti. Le régime d'Aristide était voué à l'échec dès les élections de 2000 aux États-Unis. Le gouvernement des États-Unis appuyait activement l'opposition dans son action visant à miner le régime d'Aristide. Une profonde animosité personnelle régnait à l'endroit d'Aristide au sein de l'administration, mais ce dernier jouissait d'un profond soutien personnel parmi les membres du Black Caucus du Congrès et les libéraux de la Chambre. Ce qui a réellement perdu le gouvernement, c'est qu'il y avait un double discours à l'égard de Haïti, sans qu'aucun ne passe par les voies diplomatiques. C'est ce qui s'est passé en Haïti.

    Cette situation a changé. Quel que soit le gouvernement qui sera mis en place maintenant, il n'aura pas à faire face à l'antipathie de l'administration et il est peu probable qu'il fasse l'objet d'une forte antipathie de la part du Black Caucus du Congrès. En effet, ces derniers ne souhaitent pas le retour d'Aristide au point de détester celui qui prendra sa place, dans la mesure où les choses semblent faites démocratiquement. Cela crée une situation qui permet d'entreprendre la reconstruction des institutions. Cette fois, il n'y aura pas d'influence extérieure en Haïti.

    Il faut profiter de l'occasion. Il y a encore de bons éléments en Haïti, comme le Centre pour la libre entreprise et la démocratie de Hernando de Soto. Lionel Delatour, qui a travaillé à Washington, est encore au pays. Dans le secteur privé, il y a le président de la Sogebank et Carl Braun le président de la Unibank, la plus grosse banque de Haïti. Du côté de Washington, il y a Gerard Johnson à la BID, si je me souviens bien de son nom. Il y a aussi quelqu'un de haut niveau à la SFI. Il y a de bons candidats à l'intérieur et à l'extérieur de Haïti qui peuvent commencer à rebâtir des institutions.

    Encore une fois, on commence par la banque centrale. C'est la seule institution qui a travaillé en Haïti, la seule qui a inspiré confiance, qui était considérée comme transparente et qui était vraiment efficace. À partir de là, on peut commencer à rebâtir d'autres institutions, utiliser l'argent qui rentre et travailler avec la diaspora... c'est un processus qui fonctionne par étapes. On se concentre sur un élément central sur lequel on peut placer de l'argent et on travaille à partir de là.

    Du côté de l'aide à apporter, il est fondamental de générer des emplois. On doit amener la population de Haïti à apporter sa participation. Si les gens ont des emplois, si on crée des campagnes de travaux publics, les gens vont embarquer. Depuis 10 ans, la population haïtienne cherche désespérément un signe quelconque d'amélioration économique, de création d'emploi, ou de changement. Si on peut montrer quelque chose de positif, si on peut montrer que le changement a des effets concrets sur la vie des gens, par des choses simples—comme des travaux publics ou des emplois—, cela aura un impact énorme.

-

    Le président: Je vous remercie beaucoup, messieurs Dade et Graham, de vous être présentés devant notre comité.

[Français]

    Merci à mes collègues. Si le Parlement revient après Pâques, nous aurons, le mardi, des témoins concernant le sujet des attentats-suicides.

    Le 22, si nous sommes toujours ici, nous aurons la visite du dalaï-lama à notre comité.

    La séance est levée.