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AANR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mercredi 19 février 2003




· 1305
V         Le président (M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.))
V         Le grand chef Clarence Pennier («Stó :lõ Nation Government House»)

· 1310
V         Le président
V         M. Maurice Vellacott (Saskatoon—Wanuskewin, Alliance canadienne)

· 1315
V         Le grand chef Clarence Pennier
V         M. Maurice Vellacott
V         Le grand chef Clarence Pennier
V         M. Maurice Vellacott
V         Le grand chef Clarence Pennier
V         M. Maurice Vellacott
V         Le grand chef Clarence Pennier
V         M. Maurice Vellacott
V         Le président
V         M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD)
V         Le grand chef Clarence Pennier
V         M. Pat Martin
V         Le grand chef Clarence Pennier

· 1320
V         M. Pat Martin
V         Le grand chef Clarence Pennier
V         M. Pat Martin
V         Le grand chef Clarence Pennier
V         M. Pat Martin
V         Le grand chef Clarence Pennier
V         M. Pat Martin
V         Le président
V         M. Pat Martin
V         Le président
V         Le grand chef Clarence Pennier
V         Le président
V         Le grand chef Clarence Pennier
V         Le président
V         Le président

· 1325
V         M. Frank Brown (À titre individuel)
V         Le président
V         M. Frank Brown
V         Le président
V         M. Frank Brown
V         Le président
V         M. Frank Brown

· 1330
V         Le président
V         M. Frank Brown
V         Le président
V         Mme Shana Robinson (À titre individuel)

· 1335
V         Le président
V         M. Roland Gatin («Saltspring Islanders for Justice and Reconciliation»)

· 1340
V         Le président
V         M. Pat Martin
V         M. Roland Gatin
V         M. Pat Martin
V         Le président
V         M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.)
V         M. Roland Gatin
V         M. Charles Hubbard
V         M. Roland Gatin
V         M. Charles Hubbard
V         M. Roland Gatin
V         M. Charles Hubbard
V         Le président
V         M. Roland Gatin
V         Le président

· 1345
V         Mme Isabel Heaman (secrétaire en correspondance, Aboriginal Rights Coalition, Victoria)

· 1350
V         Le président
V         M. Reed Elley (Nanaimo—Cowichan, Alliance canadienne)
V         Mme Isabel Heaman

· 1355
V         Le président
V         M. Pat Martin
V         Mme Isabel Heaman
V         Le président
V         Mme Mary Wall («Parksville/Qualicum Kairos Group»)
V         Le président
V         Mme Mary Wall

¸ 1400
V         Mme Rosemarie Hague («Parksville/Qualicum Kairos Group»)
V         Mme Juliana Kratz («Parksville/Qualicum Kairos Group»)
V         Mme Mary Wall

¸ 1405
V         Mme Juliana Kratz

¸ 1410
V         Le président
V         Mme Rosemarie Hague
V         Le président
V         Mme Juliana Kratz
V         Le président
V         M. Cliff Atleo, Jr. (directeur, Conseil tribal de Nuu-chah-nulth)
V         M. Nelson Keitlah (coprésident de la région centrale, Conseil tribal de Nuu-chah-nulth)

¸ 1415
V         Le président
V         M. Cliff Atlea, Jr.

¸ 1420
V         Le président

¸ 1425
V         M. Reed Elley
V         M. Cliff Atleo, Jr.

¸ 1430
V         Le président
V         M. Pat Martin
V         Le président

¸ 1435
V         M. Pat Martin
V         Le président
V         M. Pat Martin
V         M. Cliff Atleo, Jr.
V         M. Pat Martin
V         M. Cliff Atleo, Jr.
V         M. Nelson Keitlah

¸ 1440
V         Le président
V         M. Charles Hubbard
V         M. Cliff Atleo, Jr.
V         Le président
V         M. Pat Martin

¸ 1445
V         M. Cliff Atleo, Jr.
V         M. Pat Martin
V         M. Cliff Atlea, Jr.
V         Le président
V         Mr. Nelson Keitlah
V         Le président
V         M. James Wilson (président, Conseil du district de Kwakiutl)

¸ 1450

¸ 1455
V         Le président
V         M. James Wilson

¹ 1500
V         Le président
V         M. James Wilson

¹ 1505
V         Le président
V         M. Micha Menczer (Conseil du district de Kwakiutl)

¹ 1510

¹ 1515
V         Le président
V         M. Micha Menczer
V         Le président
V         M. David Chatters (Athabasca, Alliance canadienne)

¹ 1520
V         M. James Wilson
V         M. David Chatters
V         M. James Wilson
V         M. David Chatters
V         M. James Wilson
V         Le président

¹ 1525
V         M. Pat Martin
V         M. Micha Menczer
V         M. Pat Martin
V         M. Micha Menczer
V         M. Pat Martin
V         M. James Wilson

¹ 1530
V         Le président
V         M. Charles Hubbard

¹ 1535
V         Le président
V         M. James Wilson
V         Le président
V         M. James Wilson
V         M. Charles Hubbard
V         Le président
V         Mme Gloria Cope («Aboriginal Neighbours»)

¹ 1540

¹ 1545
V         Le président
V         Mme Gloria Cope
V         Le président
V         Mme Gloria Cope
V         Le président
V         M. J. R. Wytenbroek (président du comité des droits de la personne, Malaspina Faculty Association, Collège universitaire Malaspina)

¹ 1550

¹ 1555
V         Le président
V         M. Maurice Vellacott
V         M. J. R. Wytenbroek
V         Le président
V         M. Pat Martin
V         M. J. R. Wytenbroek
V         Le président
V         M. Charles Hubbard
V         M. J. R. Wytenbroek
V         M. Charles Hubbard
V         Le président
V         M. J. R. Wytenbroek
V         Le président
V         M. J. R. Wytenbroek
V         Le président

º 1600
V         Mme Eileen Wttewaall (À titre individuel)
V         Le président
V         Mme Eileen Wttewaall
V         Le président
V         Mme Eileen Wttewaall
V         Le président
V         M. Richard Behn (coordonnateur, Northeast Aboriginal Trappers Society)

º 1605
V         Le président
V         M. Richard Behn
V         Le président










CANADA

Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles


NUMÉRO 032 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 19 février 2003

[Enregistrement électronique]

·  +(1305)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.)): Nous allons reprendre l'étude du projet de loi C-7, Loi concernant le choix des dirigeants, le gouvernement et l'obligation de rendre compte des bandes indiennes et modifiant certaines lois.

    Je suis heureux d'accueillir, de la Stó: lõ Nation Government House, le Grand chef, Clarence Pennier.

    D'entrée de jeu, je le remercie beaucoup d'avoir accepté de comparaître plus tôt. Si nous parvenons à devancer la comparution de tous les autres témoins, nous arriverons peut-être à l'heure à Prince Rupert.

    Nous avons 45 minutes à passer ensemble. Nous vous invitons à présenter votre exposé, après quoi nous vous poserons des questions.

    La parole est à vous.

+-

    Le grand chef Clarence Pennier («Stó :lõ Nation Government House»): Merci, monsieur le président.

    Je m'appelle Clarence Pennier. Je représente la nation Stó :lõ. Nous avons 19 collectivités dans lesquelles nous offrons des programmes et des services. Dix-sept de nos collectivités de la Colombie-Britannique sont associées au processus de négociation de traité.

    Je suis le Yewal Siyam nouvellement élu des Stó :lõ, titre qui s'apparente à celui de président de l'organisation. Je tenais simplement à remercier Nanaimo de m'avoir permis d'être ici pour témoigner cet après-midi.

    Au nom de la nation Stó :lõ, je remercie les membres du Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles de me permettre de témoigner devant eux sur le projet de loi C-7.

    Depuis des temps immémoriaux, les Stó :lõ utilisent et occupent traditionnellement S'olh Temexw, qui est notre terre, et Sxéxó :mes qui désigne les dons du Créateur, c'est-à-dire toutes les ressources de notre terre. Chaque Sxéxó :mes a un Shxweli, et tous sont interdépendants. Shxweli, c'est l'esprit des ressources, et nous dépendons d'eux dans tout ce que nous faisons.

    Nos enseignements font ressortir l'obligation que nous avons d'administrer un S'olh Temexw et Sxéxó :mes et de nous en occuper. Ils précisent en outre selon quelles modalités nous devons partager Sxéxó :mes entre nous et avec les autres.

    Les Stó :lõ sont un peuple distinct, doté d'une langue, d'une culture, de traditions et d'un territoire qui lui sont propres, et nous continuons d'exister. À titre de nation souveraine sur sa terre, ses ressources et son peuple, nous exerçons des droits qu'il faut reconnaître. Une nation assure l'ordre au moyen de ses lois, coutumes et traditions.

    D'autres Premières nations reconnaissent que nous possédons un territoire traditionnel. Il y a eu des dédoublement de compétences parce que nous sommes dotées de formes uniques de propriété. Suivant les relations établies entre nous, nous avons partagé avec nos voisins tribaux certaines parties de notre territoire.

    La richesse de notre terre et de nos eaux se composent de toutes les ressources, de surface et souterraines, renouvelables et non renouvelables. Sans nos droits sur la richesse de la terre et des eaux, notre droit d'exister à titre de peuple distinct et de fonctionner à titre de nation n'a plus de sens.

    Nos titres et nos droits autochtones nous permettent d'accéder à l'autodétermination. Pour survivre et prospérer, nous devons pouvoir continuer de façonner notre propre ordre social selon nos conceptions du monde, ce qu comprend le droit de déterminer la forme de gouvernement à laquelle nous nous en remettrons et le droit de définir les structures décisionnelles de nos collectivités.

    Nous continuerons d'affirmer notre langue, notre culture et notre riche patrimoine. Nous acceptons les responsabilités inhérentes à l'autonomie gouvernementale et demandons à Chichelh Si :yam, notre Créateur, de nous aider à gouverner avec sagesse, dans le respect de tous.

    Les titres et les droits autochtones sont essentiels à notre pérennité en tant que nation. La Loi constitutionnelle de 1982 porte ceci: «Les droits existants—ancestraux ou issus de traités—des peuples autochtones du Canada sont reconnus et confirmés.»

    En 1983, les Stó :lõ ont présenté un témoignage analogue sur l'autonomie gouvernementale au comité spécial présidé par M. Penner.

    En 1986, la Cour suprême du Canada a, dans l'arrêt Guerin décidé que le Canada a une responsabilité de fiduciaire vis-à-vis des Musqueam, laquelle s'applique à toutes les Premières nations.

    En 1985, les Stó :lõ ont présenté un exposé analogue devant le groupe de travail chargé d'examiner la politique sur les revendications globales.

    En 1990, la Cour suprême du Canada a, dans l'arrêt Sparrow, statué que le droit de pêche des Autochtones est protégé par la Constitution et que toute règle ou tout règlement empiétant sur ce droit doit être justifié.

    En 1992, on a créé la Commission des traités des la Colombie-Britannique, qui a pour mandat de veiller sur le processus. Elle allait veiller à ce que des traités soient négociés entre le Canada, la Colombie-Britannique et les Premières nations.

    En 1994—mais il faudrait dire en 1995—, le Canada a dit reconnaître le droit inhérent des Premières nations à l'autonomie gouvernementale à titre de droit autochtone existant. On a établi une politique sur le contenu et le déroulement des négociations.

    En 1995, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien a eu recours à A. C. Hamilton à titre d'agent d'enquête chargé de définir de nouvelles relations entre le Canada et les peuples autochtones.

    En 1996, la Commission royale sur les Peuples autochtones a publié son rapport exhaustif. Elle y formulait de nombreuses recommandations qui devaient favoriser l'établissement de relations de nation à nation avec le Canada.

·  +-(1310)  

    Le rapport et les recommandations ramassent la poussière sur une tablette. On a dépensé environ 56 millions de dollars pour recueillir de l'information auprès des Premières nations et d'autres, et les Stó :lõ ont comparu devant cette Commission royale.

    En 1997, la Cour suprême du Canada a, dans l'arrêt Delgamuukw, statué que les titres autochtones existent et constituent un droit sur le territoire lui-même.

    Dans les affaires Haida Gwaii et Taku River Tlingit, la Cour d'appel de la Colombie-Britannique a statué que les gouvernements ont l'obligation de consulter les Premières nations de façon significative avant que soient prises des décisions à l'égard de projets ayant un impact sur nos titres et nos droits autochtones. Le gouvernement doit également donner suite à nos préoccupations ou nous dédommager.

    La Déclaration sur les droits des Peuples autochtones n'a pas été officialisée ni adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies. Cependant, l'article 3 du projet de déclaration se lit comme suit:

Les peuples autochtones ont le droit de disposer d'eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel.

    L'article 4 se lit comme suit:

Les peuples autochtones ont le droit de maintenir et de renforcer leurs spécificités d'ordre politique, économique, social et culturel, ainsi que leurs systèmes juridiques, tout en conservant le droit, si tel est leur choix, de participer pleinement à la vie politique, économique, sociale et culturelle de l'État.

    Les Stó :lõ tiennent à indiquer clairement au Comité permanent que le texte de loi connu sous le nom de projet de loi C-7 est inacceptable. Il est inacceptable parce qu'il entraîne une délégation des pouvoirs du gouvernement fédéral, sans que soient reconnus les droits inhérents des peuples autochtones ou des Premières nations. Il est inacceptable parce qu'il empiète sur le droit des Autochtones à l'autonomie gouvernementale. Il est inacceptable parce qu'il est contraire au droit que nous avons de disposer de nous-mêmes en tant que peuple distinct. Il est inacceptable parce que les Stó :lõ sont partie au processus de négociation du traité et conserveront leur compétence sur leurs terres, leurs ressources et leur peuple. Il est inacceptable parce que nous n'avons pas été consultés aux termes de la common law existante.

    Notre conclusion, c'est que le projet de loi C-7 ne devrait pas s'appliquer aux Stó :lõ.

+-

    Le président : Merci beaucoup de votre témoignage.

    Nous allons passer directement aux questions. Monsieur Vellacott.

+-

    M. Maurice Vellacott (Saskatoon—Wanuskewin, Alliance canadienne) : En passant, j'aimerais poser quelques questions d'intérêt général.

    Combien de membres la bande Stó :lõ compte-t-elle?

·  +-(1315)  

+-

    Le grand chef Clarence Pennier: J'ai dit que 19 nations recevaient des programmes et des services de la nation Stó :lõ, et ces 19 Premières nations comptent environ 4 600 membres. Notre population est légèrement inférieure du fait que seulement 17 nations sont associées au processus de négociation de traités.

+-

    M. Maurice Vellacott: C'était ma question suivante. Avez-vous l'impression ou le sentiment que l'obligation de rédiger des codes et ainsi de suite aura pour effet de ralentir le processus d'accession à l'autonomie gouvernementale?

+-

    Le grand chef Clarence Pennier: Cela n'aura pas pour effet de ralentir les négociations en vue de notre accession à l'autonomie gouvernementale, mais, si nous allons négocier des dispositions touchant la gouvernance dans notre traité, le fait de nous assujettir à ce texte de loi est injuste puisque nous allons déjà être en processus de négociation.

+-

    M. Maurice Vellacott: Je veux poser une question par rapport à ce qu'ont dit d'autres témoins, et vous avez peut-être vous-même fait cette réflexion. Je veux parler du problème qui se pose lorsque, de nos jours, des bandes ont des ressources, qu'il s'agisse de bois, de pétrole, de gaz, et ainsi de suite. Comment faites-vous face au problème qui se pose lorsque vous avez affaire à des entités sociales qui ne souhaitent pas communiquer d'informations à tous leurs concurrents? Je ne sais pas s'il vous arrive d'être confrontés à une telle situation, mais pourriez-vous réagir à ce que j'ai dit? Comment les différentes bandes concernées font-elles face à ce problème? J'imagine qu'elles doivent communiquer les informations à leurs membres. Dans ce cas, elles se retrouvent dans une situation à peu près unique.

+-

    Le grand chef Clarence Pennier: Eh bien, un certain nombre de collectivités que nous représentons sont associées à des projets de développement économique. Lorsqu'elles négocient avec les entreprises, elles doivent fournir certaines données financières. Je ne suis pas en mesure de dire si elles fournissent des rapports vérifiés complets de leurs activités, parce que certaines d'entre elles comptent des entreprises florissantes qui génèrent des recettes considérables.

    Une des collectivités possède ce que nous appelons un mail linéaire, où se retrouvent un certain nombre de magasins. Pendant un certain nombre d'années, elle a négocié avec le district de Chilliwack et avec l'entrepreneur chargé de la construction. Mais, comme je l'ai indiqué, je ne sais pas si elle a dû communiquer tous ses états financiers vérifiés, comme lorsqu'on obtient du financement ailleurs.

+-

    M. Maurice Vellacott: J'imagine que les collectivités concernées communiquent aussi certaines informations à leurs propres membres.

+-

    Le grand chef Clarence Pennier: Dans certains cas, elles le font volontairement; dans certains autres, il faut un peu plus de temps pour que certains conseils fournissent ce genre d'informations financières.

+-

    M. Maurice Vellacott: Je vous remercie beaucoup.

+-

    Le président: Monsieur Martin.

+-

    M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Merci, monsieur le président, et merci, chef Pennier.

    Vous avez dit que, en 1983, les Stó :lõ ont témoigné devant le comité spécial sur l'autonomie gouvernementale présidé par M. Penner. Il y a un mois ou deux, j'a proposé que le comité élargisse ses cadres et accueille un représentant de l'Assemblée des Premières nations à titre de membre à part entière, qui aurait le droit de s'exprimer, mais pas celui de voter. C'est ce qu'on a fait dans le cadre de l'enquête Penner. Les membres du comité ont jugé que la question était suffisamment importante pour justifier la présence en tout temps d'un représentant autour de la table. Auriez-vous été favorable à une mesure de ce genre?

+-

    Le grand chef Clarence Pennier: Je pense qu'une telle mesure aurait été avantageuse pour le comité. C'est le regretté chef Joe Mathias qui siégeait au comité Penner.

+-

    M. Pat Martin: Voilà un renseignement utile.

    Nous venons tout juste d'entendre une présentation relativement détaillée de Satsan Herb George, chef adjoint régional de la Colombie-Britannique. La présentation comportait un certain nombre de recommandations précises.

    Dans votre mémoire, vous dites vous opposer au projet de loi C-7; vous n'y voyez pas d'utilité. Si les modifications proposées aujourd'hui par le chef adjoint régional de la Colombie-Britannique de l'Assemblée des Premières nations étaient acceptées, seriez-vous en mesure d'appuyer le projet de loi C-7?

+-

    Le grand chef Clarence Pennier: Après avoir écouté l'exposé de Satsan, je pense être en mesure de dire que je pourrais revenir devant les chefs de la nation Stó :lõ et de leur recommander d'appuyer les modifications en question. Ce que nous disons, c'est que le projet de loi, dans sa forme actuelle, est pour nous inacceptable. Si des améliorations tenant compte des éléments que nous souhaitons retrouver dans le projet de loi étaient apportées, nous serions satisfaits.

·  +-(1320)  

+-

    M. Pat Martin: Vous avez dit que la Commission royale sur les peuples autochtones avait été la consultation la plus exhaustive. À votre avis, y a-t-il dans le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones des recommandations dont on aurait pu s'inspirer et qui auraient pu être intégrées au projet de loi C-7?

+-

    Le grand chef Clarence Pennier: Il y a un moment que je n'ai pas consulté le rapport de la Commission royale. En un sens, je l'ai moi-même mis sur une tablette, mais on y retrouvait de nombreuses bonnes recommandations relativement à la création de liens de gouvernement à gouvernement, la reconnaissance des droits ancestraux et issus de traités d'Autochtones et leur droit à l'autonomie gouvernementale ou à la gouvernance.

    S'il avait sincèrement envisagé d'utiliser le rapport de la Commission royale, le gouvernement aurait pu s'en inspirer pour préparer ce genre de projet de loi.

+-

    M. Pat Martin: Croyez-vous avoir été adéquatement consulté pour l'élaboration du projet de loi C-7 et avoir eu une occasion suffisante d'y participer?

+-

    Le grand chef Clarence Pennier: Nous n'avons pas vraiment été consultés.

    En un sens, je suppose que nous n'avons pas profité de l'occasion qui nous était offerte d'inviter le ministère à venir et à nous fournir des renseignements, mais le fait pour un ministère de fournir de l'information n'est pas ce que j'appelle de la consultation. Nous aurions probablement eu le même genre de discussions: le gouvernement nous aurait annoncé le contenu du texte de loi, et nous aurions probablement indiqué que c'était pour nous inacceptable, tout en demandant comment nous devrions nous y prendre pour obtenir que des modifications soient apportées.

    Cependant, nous ne nous sommes pas prêtés à ce genre d'exercice avec le ministère.

    Je sais qu'il a tenté d'organiser des réunions d'information à l'intention de notre peuple, mais certaines n'ont pas été couronnées de succès.

+-

    M. Pat Martin: Le dernier témoin nous a dit que le fait de consulter les Autochtones sans tenir compte de leurs intérêts ne rime à rien. En d'autres termes, si vous consultez et que quelqu'un vous dit que «tel ou tel détail lui déplaît», mais que vous n'apportez pas de modification, la consultation n'a pas beaucoup de sens.

    Êtes-vous d'accord avec une telle déclaration?

+-

    Le grand chef Clarence Pennier: C'est vrai. C'est ainsi que les choses devraient se passer puisque, dans les deux affaires entendues par la Cour d'appel—Haida Gwaii et Taku River Tlingit—on a dit qu'il fallait consulter les Premières nations et tenir compte de leurs intérêts.

+-

    M. Pat Martin: C'est très utile, je vous remercie.

+-

    Le président: Y a-t-il d'autres questions?

    Monsieur Martin, voulez-vous quelques minutes de plus?

+-

    M. Pat Martin: J'ai terminé, merci.

+-

    Le président: Merci beaucoup de votre témoignage. Voulez-vous faire une déclaration de clôture?

+-

    Le grand chef Clarence Pennier: Oui, je veux bien.

+-

    Le président: Allez-y.

+-

    Le grand chef Clarence Pennier: Pour revenir à la question soulevée par M. Martin, les Stó :lõ n'ont pas pris le temps d'étudier le projet de loi C-7 aussi attentivement que le Satsan et l'Assemblée des Premières nations. Voilà pourquoi j'ai dit que je rentrerais chez moi pour étudier leurs recommandations de concert avec les chefs que je représente, et nous serons probablement en mesure de dire que nous sommes favorables aux améliorations proposées.

    Je vous remercie.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Est-ce que Cliff Atleo est présent dans la salle? James Wilson est-il présent dans la salle?

    Nous allons maintenant passer aux groupes de témoins. Je crois comprendre que nous avons avec nous Mae Gracey, Mary Wall et Rosemarie Hague du Parksville/Qualicum Kairos Group.

    Une voix: Mae Gracey n'est pas là.

+-

    Le président: Êtes-vous prêts à présenter votre exposé maintenant? Le cas échéant, nous vous en saurions gré. Mais si tous les membres de votre groupe ne sont pas là, c'est peut-être difficile.

    Je pense que le Parksville/Qualicum Kairos Group est prêt à présenter son exposé maintenant. Nous allons donc prévoir 20 minutes.

    Je n'insiste pas pour que vous témoigniez maintenant. Je demande si vous préférez...

    Y a-t-il dans la salle quelqu'un dont le témoignage soit prévu aujourd'hui? Êtes-vous disposé à témoigner maintenant? Voulez-vous vous avancer, s'il vous plaît?

    J'admets volontiers que l'exercice sert nos propres intérêts. Si nous pouvons accélérer un peu les choses, nous réussirons à nous rendre à Prince Rupert aujourd'hui.

·  +-(1325)  

+-

    M. Frank Brown (À titre individuel): Je m'appelle Frank Brown. J'arrive un peu à l'improviste. Je propose en quelque sorte d'agir à titre de bouche-trou. En réalité, mon intervention est prévue pour plus tard. Vous voulez que je continue, histoire de servir vos intérêts?

+-

    Le président: Nous allons d'abord établir si vous faites partie des témoins inscrits.

+-

    M. Frank Brown: Oui, je suis inscrit.

+-

    Le président: Vous vous appelez Monsieur Brown.

+-

    M. Frank Brown: C'est exact.

+-

    Le président: Eh bien, nous n'avions prévu personne pour parler de cette question. C'est spontané.

    Ne bougez pas.

    Ai-je vu un groupe inscrit à l'ordre du jour qui souhaite présenter son témoignage maintenant?

    D'accord, votre groupe n'est pas prêt, n'est-ce pas?

    Si vous représentez un groupe de témoins que vous êtes disposé à présenter votre exposé maintenant, nous allons vous octroyer 20 minutes. Entre-temps, j'invite quiconque souhaite prendre la parole pendant deux minutes à se présenter à la table, à donner son nom, et nous allons vous accorder deux minutes.

    Nous avons maintenant M. Frank Brown. La parole est à vous.

+-

    M. Frank Brown: Merci, monsieur le président.

    Je m'appelle Frank Brown, et je suis membre de la Première nation Heiltsuk de Bella Bella. Si je tiens à parler de la disposition, c'est pour veiller à ce qu'on n'empiète pas sur nos droits ancestraux. On utilise l'expression «non-dérogation».

    Si cela est très important non seulement pour moi, mais aussi pour la Première nation Heiltsuk, c'est parce que ma tribu exerce un droit ancestral commercial de récolter et de vendre des oeufs de hareng sur algue. Nous sommes la seule tribu au Canada qui exerce un droit ancestral commercial de récolter et de vendre des oeufs de hareng sur algue ou tout autre fruit de mer. Nous exerçons ce droit en vertu de l'article 35 de la Constitution du Canada. C'était dans l'arrêt Gladstone de la Cour suprême. Je préside ce comité pour mon village, ce qui est très important dans le contexte du travail que vous effectuez.

    Je suis venu ici et j'ai été témoin de vos travaux, de vos discussions sur la gouvernance, la gestion fiscale. Nous sommes au fait de la réalité économique de notre peuple et des ressources auxquelles nous avons présentement accès. Ma Première nation a accès à des ressources, en particulier les oeufs de hareng sur algue parce que, au fils des millénaires, mes ancêtres ont récolté des oeufs de hareng sur algue et les ont vendus à des tribus voisines. À l'arrivée des Japonais, nous leur avons aussi vendu des oeufs, et ainsi de suite. Nous avons un droit ancestral commercial défini, et maintenant nous avons quelque chose dont nous pouvons vraiment parler.

    Dans le contexte du projet de loi, il est très important qu'on n'empiète pas sur nos droits. Je pense que nous devons tenir compte de la question de la mise en valeur du potentiel. Vous avez entendu de nombreux commentaires à propos de ce genre de choses. Nous avons là un micro-exemple d'occasion donnée aux Premières nations de devenir véritablement autosuffisantes et d'accéder à l'autonomie gouvernementale au XXIe siècle, de réaffirmer l'utilisation préalable et ininterrompue de nos ressources naturelles.

    Ce qu'il y a eu, c'est que nous avons affirmé nos droits. Dans mon village, le taux de chômage est énorme. Comme vous le savez, la pêche commerciale au saumon s'est effondrée, et mon village est un village de pêche, et sa situation s'est détériorée. Maintenant, nous n'avons plus que les oeufs de hareng sur algue.

    Si le Satsan a raison d'affirmer qu'il s'agit d'un fait accompli et que le projet de loi sera adopté, nous tenons simplement à nous assurer que les choses seront faites correctement et qu'on n'empiétera pas sur nos droits.

    Je vous remercie.

·  +-(1330)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Je tiens à vous assurer que ce n'est pas un fait accompli que le comité consacrera beaucoup de temps à la question de la non-dérogation.

    Ce matin, j'ai proposé à mes collègues—et je sais qu'ils seront d'accord——que nous invitions le ministère de la Justice et le ministère des Affaires indiennes pour déterminer s'ils tentent de faire quelque chose à ce sujet—ce dont il s'agit et pourquoi. Nous allons prendre cette question très au sérieux.

    Je vous remercie.

+-

    M. Frank Brown: Merci, monsieur le président.

+-

    Le président: Y a-t-il quelqu'un d'autre qui souhaite témoigner à titre personnel même si son nom ne figure pas à l'ordre du jour?

    J'invite la dame assise dans le fond à parler pendant deux minutes. Après, nous inviterons Roland Gatin de les Habitants de l'île Saltspring pour la justice et la réconciliation. Cet exposé, d'une durée de dix minutes, suivra immédiatement.

    Shana Robinson, la parole est à vous.

+-

    Mme Shana Robinson (À titre individuel): Merci. Je m'appelle Shana Robinson, et je suis membre de la Première nation de Lyackson. Je suis membre élue de la Première nation de Lyackson. [Le témoin parle dans sa langue autochtone]...de permettre que cela se produise sur notre territoire ou, à tout le moins, de ne pas protester pour éviter que cela ne se produise sur notre territoire.

    Mes deux minutes seront brèves. Je tiens simplement à m'assurer que le comité prendra au sérieux les recommandations de l'Assemblée des Premières nations et du Satsan. Je pense qu'ils parlent très clairement pour la majorité des leaders des Premières nations de la province de la Colombie-Britannique. Cependant, il n'y a pas que les chefs qui soient touchés par le projet de loi; les membres élus du conseil le sont aussi. Ma collectivité m'a élue par une majorité de 90 p. 100, et plus de 70 p. 100 des membres ont exercé leur droit de vote. J'ai l'impression de les représenter de façon adéquate et responsable. Avec eux, je m'emploie à mettre en place des mesures de reddition de comptes pour notre structure de gouvernance.

    J'ai un diplôme en sciences politiques avec une mineure en sociologie. Si je fais ce travail, c'est parce que j'estime avoir une responsabilité au sein de la collectivité. Je n'ai pas besoin qu'une loi du Canada me dise de le faire. C'est une obligation que je m'impose à moi-même. Mon problème, c'est d'accéder aux fonds. Grâce à l'exploitation forestière sélective, nous avons plus de 600 000 $ en fonds d'immobilisations que nous souhaitons utiliser pour l'éducation. Nous avons dix étudiants de plus que ceux à qui le ministère des Affaires indiennes a les moyens d'assurer des études postsecondaires. Le ministère nous a dit que nous ne pouvions pas utiliser nos fonds d'immobilisations pour l'éducation. C'est un grave problème.

    Nous n'avons pas besoin d'un projet de loi; il faut au contraire que les contraintes que nous impose le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien soient assouplies, et nous devons nous rendre davantage de comptes à nous-mêmes.

    Reed, vous savez puisque, de concert avec le député provincial, vous avez assisté à une réunion des chefs de ma collectivité, que seul l'établissement de relations peut favoriser l'établissement de la confiance dont il a été question plus tôt, et j'espère que nous pourrons continuer de bâtir sur ces assises. Mais ce sont les mesures cadres instaurées par cette initiative dans le domaine de la gouvernance qui créent le problème.

    Je vous renvoie au Projet Harvard et à l'étude qui a été réalisée aux États-Unis. Ces hommes ont établi très clairement que la gouvernance légitime doit venir du peuple. Je ne sais pas combien de fois on vous l'a répété aujourd'hui. Être en mesure de créer des régimes par soi-même ou obéir à des régimes par défaut, ce n'est pas ce qu'on peut appeler une gouvernance venant du peuple.

    Je n'arrive pas à prononcer votre nom, Gérard—je suis certaine que ce n'est pas comme ça que vous dites—, mais je suis sûre que vos compagnons de Québec comprennent la lutte que notre peuple mène parce que d'autres personnes ne cessent de nous dire ou de tenter de nous dire comment vivre notre vie et bonifier notre collectivité. En ce sens, notre lutte ressemble à celle du Québec.

    Ce que je veux dire, c'est que des solutions cadres ne règlent pas le problème. Des régimes par défaut ne font que créer un calendrier ayant pour effet de presser des personnes d'accepter ce qu'elles n'accepteraient pas normalement. Des négociations de traité et de véritables mesures significatives en ce sens sont la meilleure façon de créer des débouchés économiques pour tous les Canadiens et d'aider les Premières nations à sortir de la pauvreté. La loi n'est pas la solution. [Le témoin parle dans sa langue autochtone]

·  +-(1335)  

+-

    Le président: Merci beaucoup. Vous vous êtes très bien tirée d'affaire.

    Nous allons maintenant entendre M. Roland Gatin. M. Gatin représente les Habitants de l'île Saltspring pour la justice et la réconciliation. Vous avez dix minutes pour votre exposé.

+-

    M. Roland Gatin («Saltspring Islanders for Justice and Reconciliation»): Merci.

    Je m'appelle Roland Gatin. Je parle au nom des Habitants de l'île Saltspring pour la justice et la réconciliation, groupe de citoyens inquiets qui, pendant deux ans, ont participé à des discussions portant sur des questions d'intérêt pour les Premières nations, leur histoire et les problèmes auxquels elles sont confrontées.

    Nous tenons à honorer le nom de la Première nation Snuneymuxw sur le territoire traditionnel de laquelle nous nous trouvons en ce moment.

    Le projet de loi C-7 est un affront aux Premières nations. C'est également un affront à tous les Canadiens qui attachent de l'importance à la Constitution. Avant que le projet de loi ne soit déposé devant le Parlement, on n'a pas consulté les Premières nations de façon respectueuse, significative ni fondée. Il est certain qu'on ne nous a pas considérés comme des partenaires. Jusqu'à présent, la démarche n'a pas respecté les quatre principes de partenariat définis par la Commission royale sur les peuples autochtones de 1996, à savoir la reconnaissance mutuelle, le respect, la responsabilité et le partage des terres, des ressources et des pouvoirs.

    L'appui des Premières nations pour le projet de loi C-7 a été limité, voire inexistant. L'Assemblée des Premières nations a déclaré qu'il était fondamentalement déficient et qu'on on ne pouvait corriger la situation au moyen de modifications ou d'ajustement mineurs. Elle a dit que le projet de loi doit être revu, et nous, comme de nombreux Canadiens non autochtones, sommes du même avis.

    Avant même l'existence du Parlement canadien, les Premières nations de cette terre appliquaient de nombreuses formes de gouvernance qui faisaient partie intégrante de leurs cultures au sein de leurs sociétés complexes. Malgré tout, en 1867, l'article 91 de la Loi constitutionnelle a cédé au Parlement fédéral la compétence législative sur les Indiens et les terres réservées pour les Indiens. Cependant, la Cour suprême du Canada a, en 1981, statué que le Parlement devait exercer cette compétence en évitant d'empiéter sur les droits ancestraux et issus de traités. L'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 a reconnu et confirmé ces droits.

    La gouvernance autochtone ou l'autonomie gouvernementale est une nécessité absolue pour que les Premières nations exercent ces droits. Dans les collectivités autochtones, on ne peut voir la gouvernance autochtone comme une simple gouvernance reposant sur des structures imposées. Il faut que la gouvernance vienne du peuple, conformément à ses cultures traditionnelles, compte tenu des besoins d'aujourd'hui. Quelle que soit la société, on ne peut dissocier la gouvernance des valeurs et des besoins humains, ni des terres et des ressources, notion qui est tout à fait absente du projet de loi à l'étude. Il ne reconnaît pas non plus le fait que les cultures traditionnelles avaient souvent trait aux droits communautaires.

    De façon unilatérale, le projet de loi oblige les Premières nations à élaborer des codes concernant l'élection, la gestion financière et l'administration, en plus de prescrire les critères auxquels ces codes doivent satisfaire. Sans fournir des ressources additionnelles suffisantes, on donne deux ans aux Premières nations pour élaborer de tels codes, après quoi un régime par défaut conçu par le ministère leur serait imposé. Voilà un exemple clair du déni de la véritable autonomie gouvernementale des Premières nations et d'une reconduction inacceptable du paternalisme inhérent à la Loi sur les Indiens. Il s'agit d'un empiétement sur les droits ancestraux.

    Permettez-moi maintenant de m'exprimer à titre personnel. Moi qui suis né au début de l'ère Trudeau, j'ai grandi dans une nation fière d'elle-même, où on m'a enseigné à valoriser l'idée d'une société juste et les promesses de la Constitution, et c'est ce que je fais. En vieillissant, je me suis rendu compte que, dans de nombreux cas, le Parlement avait cherché à revenir sur ses promesses et que j'ai plutôt intérêt à compter sur les tribunaux pour faire respecter les principes d'une société juste. J'ai appris à baisser la tête de honte face aux horreurs que les gouvernements divers et successifs ont perpétrées en mon nom. Plus jamais. Je veux être de nouveau fier du pays, comme nous devrions tous l'être.

    À titre de représentant du groupe, je vous prie instamment de revenir sur le projet de loi. Nous invitons plutôt le gouvernement canadien à prendre comme point de départ les recommandations de la Commission royale sur les peuples autochtones de 1996 de même que celles du groupe de travail mixte de 1998, que les Premières nations appuient. Le chef national, Matthew Coon Come, dans l'allocution qu'il a présentée devant le comité, a indiqué que l'Assemblée des Premières nations n'est pas favorable au projet de loi C-7 dans sa forme actuelle, mais il a dit que les Premières nations veulent travailler avec le Canada. Il a dit qu'il saluerait une approche fondée sur le partenariat et motivée par le respect. Le partenariat et le respect ne peuvent être qu'avantageux pour tous les Canadiens, qu'ils soient autochtones ou non, et il nous gagnerait le respect des collectivités du monde entier.

    Je vous remercie.

·  +-(1340)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Nous avons cinq minutes pour les questions. Nous allons donc commencer par une ronde de deux minutes.

    Monsieur Martin.

+-

    M. Pat Martin: Merci beaucoup, Roland. Je tiens à féliciter le groupe, les Habitants de l'Île Saltspring pour la justice et la réconciliation, de s'être donné la peine d'être ici aujourd'hui, et je salue la très bonne audience publique tenue à Saltspring sur le référendum, à laquelle j'ai assisté. Il s'est agi d'un exercice très utile.

    Vous avez à peu près résumé bon nombre des points principaux. Je remarque cependant que, dans votre présentation orale, vous avez indiqué qu'il fallait «revenir» sur le projet de loi, et non plus le «retirer». Puis-je tenir pour acquis que vous seriez en mesure de soutenir le projet de loi s'il était modifié conformément aux recommandations du chef adjoint Satsan?

+-

    M. Roland Gatin: Oui, nous avons à dessein changé ce mot aujourd'hui.

+-

    M. Pat Martin: C'est ce qu'il m'avait semblé.

    Ce sont les seules questions que j'avais. Merci beaucoup.

+-

    Le président: Merci.

    Chers collègues?

    Monsieur Hubbard.

+-

    M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.): Merci, Roland.

    Je suis un peu dérouté. Aux fins du compte rendu, pouvez-nous dire si l'organisme auquel vous appartenez à Saltspring est bénévole?

+-

    M. Roland Gatin: Oui.

+-

    M. Charles Hubbard: Et il représente à la fois des Autochtones et des non-Autochtones?

+-

    M. Roland Gatin: Je dirais que c'est là l'intention. Cependant, dans l'Île de Saltspring, très peu de membres des Premières nations vivent dans la collectivité. Le groupe se compose donc principalement de non-Autochtones.

    Certains des travaux auxquels nous avons été associés portent principalement sur la sensibilisation et la discussion des enjeux au sein de la collectivité. Chaque fois qu'il a été possible de le faire, nous avons tenté de jouer un rôle d'appui, et nous avons déployé des efforts pour en apprendre plus au sujet de nos voisins, en particulier les Hul'qumi'num de Duncan et des régions avoisinantes.

+-

    M. Charles Hubbard: Essentiellement, il s'agit donc d'un comité public de bénévoles qui luttent pour la justice et la réconciliation?

+-

    M. Roland Gatin: Oui.

+-

    M. Charles Hubbard: Je vous remercie. Je suis heureux de constater que chacun s'emploie à améliorer le sort de nos collectivités et de leurs habitants, à l'intérieur et à l'extérieur du projet de loi. Ici, la réconciliation revêt une importance particulière. Je vous remercie

+-

    Le président: Je vous remercie, monsieur Hubbard.

    Voulez-vous faire une déclaration de clôture? Nous avons encore un minute et demie.

+-

    M. Roland Gatin: J'aimerais faire deux ou trois commentaires. Ce que fait le projet de loi, me semble-t-il—en cela je reprends certains des commentaires faits par d'autres—c'est moins prôner l'autonomie gouvernementale que de permettre au gouvernement du Canada de prescrire une forme de gouvernement pour les Premières nations et de décider ce qui est dans leur intérêt.

    J'aimerais établir ici une analogie. Je penses que les Canadiens en général se sentent un peu dérangés lorsque la situation est renversée. À titre d'exemple, je mentionnerais les États-Unis. Lorsque les États-Unis disent au Canada comment nous devrions établir notre politique en matière de bois d'oeuvre, nos dépenses militaires et des choses de ce genre, nous sommes, à bon droit, irrités.

    Il me semble que ce projet de loi sur la gouvernance fait la même chose pour les Premières nations. Il détermine comment les choses se passeront dans des domaines sur lesquels nous n'exerçons aucune compétence légitime. Le pouvoir qu'exerce le gouvernement fédéral est un pouvoir qu'il s'est arrogé, mais que, me semble-t-il, il n'a pas vraiment. Voilà ce que je voulais dire.

+-

    Le président: Je vous remercie beaucoup

    Je vais passer de nouveau la liste en revue, au cas où quelqu'un serait arrivé.

    Est-ce que M. Cliff Atleo, Jr. est là?

    M. James Wilson?

    Mme Gloria Cope?

    Mme Isabel Heaman? D'accord.

    Voyons voir, vous représentez l'Aboriginal Rights Coalition. Si vous souhaitez présenter un exposé, nous avons dix minutes à vous consacrer.

    Je vous invite à commencer.

·  +-(1345)  

+-

    Mme Isabel Heaman (secrétaire en correspondance, Aboriginal Rights Coalition, Victoria): J'ai préparé un exposé de cinq minutes.

    J'aimerais honorer la nation Nanaimo sur le territoire traditionnel de laquelle nous nous trouvons présentement. Elle travaille à son projet d'entente de principe, et nous lui souhaitons la meilleure des chances.

    Je suis membre de l'Aboriginal Rights Coalition (ARC) de la Colombie-Britannique, qui a des sections locales à Victoria et à Vancouver, en plus de faire partie d'une organisation nationale, autrefois appelée Projet Nord et qui porte maintenant le nom de Kairos. L'organisme parent a été fondé en 1975, au moment de l'enquête sur le pipeline de la vallée du MacKenzie pour aider à faire valoir le point de vue des Autochtones concernés, ce qui n'était pas le cas à l'époque et ne l'est peut-être toujours pas aujourd'hui. Cela demeure notre vocation, mais, à notre niveau, soit celui de l'ARC Victoria, nous fonctionnons à titre de groupe communautaire.

    Nous avons suivi le processus relatif aux traités de la Colombie-Britannique depuis le début et avons été membres du South Island Regional Advisory Committee, comité d'intérêt de tierces parties, pendant plusieurs années, où nous avons surveillé trois tables, pour la nation Snuneymuxw et pour les associations des traités concernant les Te'mexw à Victoria et les Hul'qumi'num, groupe de la vallée de Cowichan. Voilà nos antécédents.

    Le gouvernement fédéral dit que la Loi sur la gouvernance des Premières nations va moderniser le processus législatif et permettre aux bandes d'instituer leurs propres codes relativement au choix des dirigeants, à l'administration et à la reddition de comptes en matière de finances et de politique. Ce sont là des objectifs louables, toutes les parties en conviennent. La question est de savoir si le projet de loi, dans sa forme actuelle, permettra de les atteindre ou nuira à leur réalisation.

    La Loi sur la gouvernance des Premières nations établit la procédure que devront suivre les Premières nations pour élaborer des codes régissant les élections, la gestion financière et l'administration. On s'attend des Premières nations qu'elles assument ces tâches compliquées sans fonds additionnels, alors qu'elles manquent déjà d'argent et de personnel. Or, si les bandes n'arrivent pas à établir ces codes dans les deux ans, elles se verront imposer par le ministère des Affaires indiennes une formule «taille unique» qui s'appliquera à toutes les bandes, en dépit de leur grande diversité. Malheureusement, cette approche rigide associée à des échéances serrées nous paraît être une voie directe vers la frustration, la confusion et le non-respect des règles.

    C'est le ministre qui disposera du pouvoir final au sujet des appels relatifs aux élections, et il aura le pouvoir de revoir et de contrôler les affaires financières des Premières nations. La reddition de comptes est certes nécessaire, mais si c'est le ministre qui dicte les règles, il y a lieu de se demander quelle autonomie auront vraiment les Premières nations. Comment peut-on responsabiliser les gens au niveau local si les décisions sont en fait prises à un autre niveau?

    Le projet de loi souffre par ailleurs d'omissions cruciales. Il ne faut nulle place aux pratiques traditionnelles. Les conditions d'admission restent inchangées de manière que ce sont les dispositions de la Loi sur les Indiens qui continueront de s'appliquer. Des mesures cruciales qui contribueraient à développer l'indépendance et à bâtir à long terme manquent. On pense par exemple au développement des capacités, à l'éducation, au partage des ressources et à la participation à l'établissement des institutions de gouvernance.

    Ces lacunes sont encore plus frappantes quand on pense à la façon dont s'est déroulé le processus de négociation des traités en colombie-Britannique et au traité conclu avec les Nisga'a.

    Le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial et les Premières nations sont partenaires dans ces projets—le processus de négociation des traités et le traité conclu avec les Nisga'a. Contrairement à la procédure acceptée, le gouvernement libéral nouvellement élu de la Colombie-Britannique a décidé l'année dernière, malgré l'opposition des populations autochtones, d'organiser un référendum conçu pour miner les droits des Autochtones. Sans résultat. Fort heureusement, le gouvernement fédéral a maintenu les principes enchâssés dans la Constitution et le processus d'application des traités. Cette expérience avortée du gouvernement de la Colombie-Britannique montre que de recourir à des pratiques passées discréditées est voué à l'échec. Impossible de revenir en arrière et de faire les choses comme dans «mauvais» vieux temps.

    En outre, le gouvernement fédéral a introduit des mesures créatives et progressistes dans le processus comme le fait d'offrir des crédits pour constituer des réserves de terres et pour le développement des capacités. Le ministre Nault est intervenu personnellement pour garantir la coopération des gouvernements locaux à Nanaimo lorsque l'accord de principe a suscité de la résistance. Il faut rendre à César ce qui appartient à César: le gouvernement fédéral a fait preuve de leadership et d'initiative et a trouvé des moyens de faire aboutir la négociation en Colombie-Britannique.

·  +-(1350)  

Pourquoi ne fait-il pas la même chose dans le cadre du présent projet de loi? Il est tout à fait surprenant que le projet de loi ne contienne aucune mesure créative analogue. Nous savons qu'il est en mesure de le faire.

    On s'est aussi rendu compte qu'il ne suffit pas de consulter les Premières nations, mais qu'il faut leur permettre de participer activement à l'établissement de tout nouveau système, comme l'a montré le traité conclu avec les Nisga'a. Les chefs Nisga'a ont négocié une entente, ils ont travaillé dur pour en expliquer les dispositions à leurs memebres et les leur faire accepter. Manifestement, il est essentiel que toutes les parties concernées se donnent entièrement au projet pour qu'il fonctionne. Ce genre de processus bilatéral prend du temps et ne peut pas être précipité. Le jeu en vaut la chandelle, parce qu'on obtient alors des résultats stables et durables.

    Ce qui est décevant dans le projet de loi, c'est que, à première vue, il ne fait que perpétuer les lois sur les Indiens adoptées depuis 1876 et qu'on semble revenir à l'attitude coloniale d'antan où c'est Ottawa qui décidait ce qui est bon pour les Autochtones et leur imposait des règlements en conséquence. C'est ce type de démarche qui nous a placés dans la situation insatisfaisante dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui. Cette attitude n'a pas donné de bons résultats à l'époque et va certainement susciter une vive résistance maintenant. Personne ne souhaite être le sujet ou le pupille de l'État au lieu d'être un membre productif de la société.

    Beaucoup de gens parmi les non-Autochtones répugnent à occuper une position de suzerains coloniaux et regrettent que le gouvernement ait choisi d'adopter cette attitude vis-à-vis des Premières nations. Nous ne voulons pas sous-estimer les problèmes formidables qu nous devons surmonter. Il faudra voir loin, faire preuve de volonté politique et s'armer de courage pour les affronter. Mais on n'a pas d'autre choix que de collaborer avec les Autochtones pour en arriver à des solutions mutuellement satisfaisantes.

    On ne pourra aboutir à des solutions justes et durables qui enrichiront la société canadienne qu'en obtenant le consentement des Premières nations au sujet des lois qui régiront leur vie. L'honneur de la Couronne et le bien-être des Autochtones n'exigent rien de moins.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Nous avons trois minutes pour les questions.

    Monsieur Elley.

+-

    M. Reed Elley (Nanaimo—Cowichan, Alliance canadienne): Merci beaucoup d'avoir témoigné cet après-midi.

    Je me demandais simplement si votre groupe voit une issue à ce problème, s'il sait comment notre instance et les peuples autochtones pourraient collaborer pour parvenir à des formes d'autonomie gouvernementale.

+-

    Mme Isabel Heaman: Je pense que nous devons établir une forme de mécanisme de consultation officiel, comme dans le cas du processus de négociation de traités. Dans le cadre de ce processus, des équipes s'assoient de part et d'autre de la table et suivent un programme selon une procédure officielle, puis elles formules des recommandations, négocient, et ainsi de suite. Des règles de base sont établies dès le départ.

    Voyez comment le processus de négociation de traités est organisé. À titre d'exemple, les Te'mexw de la région de Victoria ont six sous-groupes réunis au sein d'une association de traités plus grande. La collectivité tout entière compte sept bandes dans l'association de traités. En plus, il y a le Sommet des Premières nations qui se prononce sur la politique générale pour les 50 tables associées au processus. Il faut donc établir une forme de consultation officielle et fonctionnelle.

·  +-(1355)  

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Martin.

+-

    M. Pat Martin: Merci beaucoup de votre mémoire des plus intéressants. J'ai pris beaucoup de notes.

    Merci d'avoir relevé un des aspects de l'imposition de cette méthode bureaucentrique d'élection du chef et des membres des conseils conformément à la Loi électorale. On fait fi de nombreuses pratiques traditionnelles.

    Dans un groupe que j'ai rencontré à titre personnel, une aînée autochtone m'a dit que, dans son village, les femmes n'étaient pas admissibles au poste de chef. Tout le monde a répondu que c'était terrible. Puis elle a ajouté: mais les hommes ne sont pas autorisés à voter.

    De toute évidence, on a affaire à un système relativement égalitaire qui a évolué au fil des millénaires, mais qui, en vertu des nouvelles règles, n'aurait plus droit de cité.

    Je vous invite donc, si vous le voulez, à utiliser le temps qu'il vous reste pour parler des pratiques traditionnelles et de leur valeur.

+-

    Mme Isabel Heaman: Il est très difficile de les intégrer. Une fois de plus, je fais référence au processus de négociation de traités. Prenez le traité conclu avec les Nisga'a : il compte 400 pages. Voilà essentiellement le modèle qu'on tente d'utiliser dans le cadre du processus de négociation de traités.

    On a affaire à de petites bandes qui comptent environ 200 habitants, et on a des pages et des pages de documents—célébration du mariage, garde des enfants, et tout le reste. Tout doit être lié dans un souci de constitutionnalisation. Tout doit être conforme ou supérieur aux normes provinciales, pas vrai? C'est écrit noir sur blanc.

    On ne fait absolument aucune place à la contribution des aînés, qui jouent un rôle prépondérant dans la société autochtone. Les aînés font beaucoup de travail et fournissent de nombreux conseils. On dépend donc très lourdement d'eux.

    Si on écrit tout noir sur blanc, jusqu'aux normes provinciales ou plus encore, il n'y a plus de place pour les pratiques autochtones, les traditions culturelles autochtones. Il est très difficile de légiférer dans ce domaine.

+-

    Le président: Merci beaucoup de votre excellent exposé.

    M. Cliff Atleo, Jr. est-il ici? Êtes-vous prêt à témoigner? Avez-vous besoin de quelques minutes?

    Y a-t-il dans la salle quelqu'un qui ne s'est pas encore adressé au comité et dont le témoignage n'est pas prévu, mais qui aimerait avoir deux minutes pour faire une déclaration?

    Y a-t-il, parmi nos témoins, quelqu'un qui souhaite prendre dix minutes?

    Monsieur Atleo, de combien de temps avez-vous besoin? Prenez le temps qu'il vous faut. J'aimerais seulement savoir si je devrais attendre ou suspendre nos travaux.

    Personne n'est donc prêt à témoigner à ce moment-ci?

    Avancez-vous, je vous prie.

    Vous appartenez toutes les trois au Parksville/Qualicum Kairos Group?

    Vous avez dix minutes. Soyez les bienvenus. Nous apprécions votre coopération.

    Allez-vous parler toutes les trois ou allez-vous désigner une porte-parole?

+-

    Mme Mary Wall («Parksville/Qualicum Kairos Group»): Non, nous allons parler toutes les trois.

+-

    Le président: Vous allez devoir partager le temps qui vous est alloué. Nous avons dix minutes. La parole est à vous.

+-

    Mme Mary Wall: D'abord et avant tout, je tiens à remercier les Salish de la côte de nous avoir permis de venir sur leur terre aujourd'hui, et je remercie également les membres du comité de l'occasion qui nous est donnée de comparaître et de présenter un mémoire. Enfin, nous tenons à reconnaître et à souligner les efforts que vous déployez pour les Premières nations de notre pays et vos préoccupations à cet égard.

    Dans notre mémoire, nous avons pour but de mettre en lumière un certain nombre de valeurs, de principes et de préoccupations dans le contexte des efforts que nous déployons pour établir des relations justes avec nos voisins autochtones. D'un point de vue local, nous voulons vous communiquer respectueusement les préoccupations précises les plus importantes pour nous, ici, à titre d'organisation confessionnelle.

¸  +-(1400)  

+-

    Mme Rosemarie Hague («Parksville/Qualicum Kairos Group») : Nous avons quelques points à soulever et quelques recommandations à formuler. D'abord et avant tout, chacun, Autochtones et non-Autochtones confondus, aimerait que la responsabilité budgétaire et juridique de même que la justice démocratique soient des éléments essentiels de la gouvernance autochtone. Mais l'imposition de codes ou de règles arbitraires de mise en oeuvre de ces principes prévue par le gouvernement nous semble traduire une attitude paternaliste et avilissante vis-à-vis de nos amis autochtones.

    Ce que nous craignons, c'est d'avoir affaire ici à un des problèmes qui font que les relations entre Autochtones et non-Autochtones se dégradent au lieu de s'améliorer. À titre de non-Autochtones, nous devons coexister avec les Premières nations dans une atmosphère d'harmonie, de respect mutuel et de justice.

    Toute disposition législative sur la gouvernance doit naître des besoins, des traditions culturelles et de la diversité des peuples eux-mêmes; sinon, l'efficacité du gouvernement est réduite.

    Nous partageons également l'inquiétude des petites bandes isolées qui ne disposent peut-être pas des ressources pour répondre aux échéanciers fixés pour l'adoption du code ou du budget. Nous vous recommandons de consulter, dans une atmosphère de respect mutuel, chacune des bandes sur ses projets d'amélioration administrative et de travailler avec elles en consultation, ainsi qu'on nous l'a répété si souvent hier et aujourd'hui, compte tenu de leurs situations et de leurs valeurs locales uniques. On devrait avoir grand soin de prévoir des mécanisme de soutien, des fonds et des échéanciers souples adéquats pour la mise en oeuvre du code.

    Deuxièmement, le projet de loi C-7 est muet sur l'importance que revêt la reconnaissance des pratiques judiciaires des Premières nations  : la justice réparatrice, les cercles de guérison, les traditions sacrées et la valeur d'objets traditionnels vénérés, comme des masques et des costumes. Ces traditions, de concert avec les potlatchs, font partie intégrante du monde d'organisation communautaire de nos amis autochtones et servent à donner naissance à leurs valeurs traditionnelles, en particulier ici sur la côte ouest.

    Nous recommandons que l'on aide les collectivités des Premières nations à préserver leurs traditions culturelles chaque fois qu'il est possible de le faire et qu'on les aide à récupérer des éléments de leurs précieux consumes qui ont été volés pendant la célèbre interdiction des potlatchs.

+-

    Mme Juliana Kratz («Parksville/Qualicum Kairos Group»): Le troisième point ou problème, c'est que les femmes, par le passé, ont joué un rôle majeur en prodiguant des soins à des membres de leurs collectivités en les soutenant et qu'elles ont servi de ressources vivantes pour l'histoire de leur famille et de leur culture. À l'heure actuelle, bon nombre d'entre elles sont titulaires de diplômes d'études supérieures, en droit, en anthropologie et dans d'autres domaines, et elles ont apporté une contribution considérable, avec imagination et vision, à l'avenir des Premières nations. Dans le projet de loi C-7, il n'est fait aucune mention de leur rôle dans un futur régime d'autonomie gouvernementale pour les Autochtones.

    Recommandation  : consulter les femmes des Premières nations et leur demander leurs conseils et leur aide dans le cadre de la préparation du nouvel avenir des Autochtones.

+-

    Mme Mary Wall: Vous vous demandez peut-être pourquoi trois Blanches sont ici et se montrent si préoccupées, mais nous avons l'impression que cela est important pour tous les Canadiens, pas seulement pour les Autochtones, mais aussi pour les non-Autochtones. Il s'agit d'un très grave problème auquel nous devons faire face. Nous allons peut-être aborder ce problème sous l'angle de mères—je devrais peut-être dire de grands-mères—, et nous aimerions insister sur la justice, le respect et le partage avec nos amis autochtones.

    Le projet fédéral de gouvernance autochtone que nous avons tous consulté met presque exclusivement l'accent sur les questions touchant la responsabilité administrative et budgétaire au lieu de s'attaquer à la question plus vaste liée au droit déjà prévu par la loi qu'ont les Autochtones de se gouverner eux-mêmes et de détenir des titres juridiques sur leur territoire. On a déjà cité un certain nombre de ces textes, en particulier l'article 35 de la Constitution canadienne de 1982. Ainsi, le gouvernement fait fi de l'histoire en plus de faire fi des droits ancestraux reconnus. Fait peut-être plus important encore, il fait fi de l'attitude moderne et plus éclairée de bon nombre de ces Canadiens non autochtones, qui est rapidement en voie de remplacer les attitudes colonialistes du passé. Un nombre toujours grandissant de ces Canadiens considèrent comme importante une attitude fondée sur l'équité, la justice, le respect et les sentiments de bon voisinage vis-à-vis les Premières nations.

    J'aimerais comparer le projet de loi à ce que j'ai entendu des groupes autochtones de notre région dire à propos de leur vision de l'avenir ou de l'autonomie gouvernementale. En ce qui concerne les rouages de l'autonomie gouvernementale, ils ont une vision tout à fait différente de celle du gouvernement. Ils comprennent la nécessité d'améliorer les pratiques administratives et la reddition de comptes dans de nombreux conseils de bande, mais pas dans tous, et ils l'acceptent. Encore plus importante à leurs yeux est leur volonté de faire reconnaître et confirmer leurs titres de propriété sur un nombre suffisant de terres traditionnelles pour pouvoir édifier des collectivités de personnes économiquement autosuffisantes, capables de préserver leurs valeurs culturelles et traditionnelles. Du même souffle, ils auraient la possibilité de régler leurs problèmes sociaux, sanitaires et économiques.

    Ils aimeraient ensuite collaborer avec les collectivités non autochtones voisines pour préserver les terres et les ressources dans le respect de l'écologie pour que chacun puisse les utiliser de façon juste et équitable. Ils aimeraient occuper leur juste place au Canada, à titre de premiers habitants respectés, de personnes ayant droit à la gratitude des Canadiens pour tout ce qu'elles ont apporté à notre histoire et à notre culture communes et qui, après avoir été traitées pendant trop longtemps de façon honteuse au pays, méritent la justice.

    Ce que nous recommandons, c'est qu'on commence à voir dans la responsabilité les améliorations administratives une étape seulement d'un processus qui conduira à une vision générale plus importante de l'autonomie gouvernementale des Autochtones. Ce projet de vision existe déjà dans le raport de la Commission royale sur les peuples autochtones qui, depuis 1996, ramasse la poussière sur des tablettes à Ottawa. À l'époque, ce document a reçu l'appui du gouvernement fédéral et des leaders autochtones. Le moment n'est-il pas venu de le mettre en application?

    Nous aimerions terminer par un poème.

¸  +-(1405)  

+-

    Mme Juliana Kratz: Avec votre permission, je vais vous lire un poème écrit par une Autochtone, Rebeka Tabobondung. Je suis certaine que vous l'avez déjà rencontrée. Si je prends cette liberté, c'est parce qu'il s'agit d'un poème humain destiné à des êtres humains.

    

Réconciliation

Nous ouvrons les yeux à notre histoire
après un sommeil forcé
Nous nous la réapproprions
en la respirant dans nos poumons
Au début elle nous mettra en colère
parce que nous prendrons la mesure de ce qu'on nous a volé
et des années au cours desquelles vous nous avez regardés souffrir
nous verrons comment vous nous voyez
et comment en imitant vos coutumes
nous avons tué les nôtres.

Nous pleurerons, pleurerons et pleurerons
car jamais plus nous ne serons les mêmes
Mais pour pleurer nous rentrerons chez nous
et nous nous verrons au milieu de ce gigantesque gâchis
et nous refermerons le cercle en murmurant doucement
et il sera ancien et il sera nouveau

Puis nous vous insufflerons notre histoire
vous verrez combien elle est forte et vivante
et vous vous rendrez compte que vous en faites partie
Au début vous serez étonnés
parce qu'elle est trop grande pour qu'on l'appréhende d'un coup
et vous ne voudrez pas y croire
vous verrez comment vous nous voyez
et vos usages catastrophiques
combien nous avons perdu

Et vous pleurerez, pleurerez et pleurerez
parce que jamais nous ne serons les mêmes
Mais nous pleurerons avec vous
et nous nous verrons au milieu de ce gigantesque gâchis
et nous refermerons le cercle en murmurant doucement
et il sera ancien et il sera nouveau.

¸  +-(1410)  

+-

    Le président: Heureusement qu'il y a les grands-mères. Merci beaucoup. Nous apprécions votre témoignage. Qu'autant de non-Autochtones soient venus ici pour partager et nous aider à améliorer la qualité de vie des Autochtones nous encourage. C'est pour nous réconfortant. Merci.

+-

    Mme Rosemarie Hague: Nous n'avons pas le temps pour des questions?

+-

    Le président: Non, nous avons dépassé le temps qui nous était imparti. Navré.

+-

    Mme Juliana Kratz: Merci de la fabuleuse organisation que vous avez mise en place ici.

+-

    Le président: Merci.

    Je crois comprendre que Clif Atleo est ici, à titre de directeur du Conseil tribal Nuu-chah-nulth. Nelson Keitlah l'accompagne.

    Nous avons 45 minutes au maximum. Nous vous invitons à présenter votre exposé, après quoi nous vous poserons des questions.

+-

    M. Cliff Atleo, Jr. (directeur, Conseil tribal de Nuu-chah-nulth): Merci.

    Nelson Keitlah, qui siège à côté de moi, est le coprésident de la région centrale du Conseil tribal Nuu-chah-nulth. C'est lui qui va faire la déclaration liminaire.

+-

    M. Nelson Keitlah (coprésident de la région centrale, Conseil tribal de Nuu-chah-nulth): [Le témoin parle dans sa langue autochtone]

    Bon après-midi aux membres du comité. C'est pour nous un privilège que de comparaître devant vous en cette journée importante pour vous entretenir d'un sujet si important. Nous sommes heureux de participer et d'apporter notre contribution en tant que membres de la nation Nuu-chah-nulth.

    Nous sommes plus de 7 000 à résider du côté ouest de l'île de Vancouver. À tous les points de vue, nous participons très activitement à notre développement. Nous tenons à dire aux membres du comité que ce n'est pas la première fois que nous comparaissons devant des comités et des comités permanents menant des études relatives à notre peuple. Nous espérons sincèrement que le projet à l'étude aura des effets positifs sur nous, les Autochtones, comme les non-Autochtones. Au sein du Conseil tribal Nuu-chah-nulth, nous travaillons en ce sens depuis un certain nombre d'années : nous souhaitons améliorer le sort de notre peuple dans le monde économique tout autant qu'améliorer sa situation socio-économique et nous déployons des efforts en ce sens. Les progrès sont parfois lents, mais nous avons le sentiment de travailler avec sérieux à l'amélioration de la qualité de vie de notre peuple.

    Aujourd'hui marque une étape importante de notre histoire puisque nous sommes venus ici à Snuneymuxw pour défendre nos intérêts et ce que nous voyons de nos propres yeux. Une fois de plus, nous vous remercions du temps que vous nous consacrez.

    Mon collègue, Cliff Atleo, Jr., continuera en vous présentant le mémoire écrit. Mes sincès remerciements.

¸  +-(1415)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Monsieur Atleo.

+-

    M. Cliff Atlea, Jr.: J'ai présenté un document intitulé «Mémoire du Conseil tribal Nuu-chah-nulth au Comité permanent des affaires autochtones, du développment du Grand Nord et des ressources naturelles concernant le projet de loi C-7 (Loi sur la gouvernance des Premières nations».

    En 1973, lorsque le Premier ministre Pierre Trudeau a retiré le livre blanc de 1969, il a déclaré que jamais plus son gouvernement ne tenterait d'imposer aux Indiens du pays des changements qu'ils ne désirent pas. M. Trudeau et M. Jean Chrétien, alors ministre des Affaires indiennes ont été contraints de retirer le livre blanc et ses notions mal conçues d'égalité en raison de l'outrage et du front uni sans précédent des peuples autochtones d'un océan à l'autre. Ce que Jean Chrétien n'a pas réussi à réaliser alors, Robert Nault, son nouveau ministre des Affaires indiennes, tente de le faire aujourd'hui avec la Loi sur la gouvernance des Premières nations.

    Le Conseil tribal Nuu-chah-nulth craint fortement que la loi sur la gouvernance ne soit qu'une tentative de la part du gouvernement fédéral de se soustraire à ses obligations juridiques et fiduciaires sous prétexte de faire ce qu'il faut pour les Indiens. La Loi sur la gouvernance n'a pas la gouvernance pour objet, du moins aux yeux des Ha'wiih des Nuu-chah-nulth, nos chefs héréditaires. Si le gouvernement du Canada était sérieux dans le dossier de la gouvernance, il s'attaquerait résolument au problème de notre droit inhérent à l'autodétermination dans le cadre de véritables négociations de gouvernement à gouvernement qui résulteraient en un traité juste et équitable répondant aux normes internationales qui régissent de tels accords.

    Le Conseil tribal Nuu-chah-nulth s'inquiète vivement de la réthorique paternaliste et propre à semer la discorde de la machine à relations publiques du ministère des Affaires indiennes. Le gouvernement a beau donner l'assurance que le processus n'aura pas d'incidence sur les négociations de traité, nous avons du mal à le croire. Se présenter à la table de négociation avec des mandats limités et rigides au moment même où on tente de rafistoler la Loi sur les Indiens frôle les négociations de mauvaise foi. Nous espérons que le gouvernement du Canada ne va pas empoisonner le puits des négociations de bonne foi de façon aussi coercitive. Les Ha'wiih et le Conseil tribal des Nuu-chah-nulth souhaitent sincèrement l'établissement de nouvelles relations avec le Canada fondées sur la justice, l'honnêteté et le respect, au moyen d'un règlement négocié.

    Nous prions instamment le ministre des Affaires indiennes et le gouvernement fédéral de tenir compte des préoccupations et des recommandations présentées ici au moment de la préparation des modifications.

    Je vais maintenant vous résumer succinctement les préoccupations et les recommandations issues de la Muschum, la base, les Ha'wiih, les chefs héréditaires, et des Ah-iiha-pit, les conseillers des Premières nations Nuu-chah-nulth. Premièrement, les objectifs de l'initiative en matière de gouvernance ne s'attaquent pas au véritable problème auquel sont confrontés les Autochtones. Nos gens s'inquiètent du chômage, du logement insuffisant, de statistiques désolantes dans le dossier de l'éducation, de taux de suicide et de mortalité infantile disproportionnellement élevés ainsi que d'un grand nombre d'autres problèmes sociaux et économiques. On ne réglera pas ces problèmes en bricolant la Loi sur les Indiens pour faire face à des préoccupations administratives.

    Deuxièmement, s'agit-il bien de gouvernance? Ce que nous comprenons, c'est que le MAINC souhaite modifier le statut juridique et la capacité des bandes ainsi que la nature des réserves. Sous le prétexte fallacieux de stimuler le développement économique autochtone, la constitution des bandes en société et la transformation des réserves en terres à fief simple dégagent le gouvernement fédéral de ses obligations de fiduciaire. Nous sommes d'accord pour dire que la Loi sur les Indiens doit disparaître, mais on doit le faire de façon responsable.

    Troisièmement, l'approche est à la fois paternaliste et lourde. Le ministre Nault a déclaré que les modifications de la Loi sur les Indiens ne seront pas facultatives. Indépendamment de ce que les Autochtones disent ou font, le MAINC entend mettre en oeuvre les modifications d'une façon qu'on ne peut qualifier que de paternaliste. On doit mettre un terme à l'assujettissement continu des Autochtones du pays.

    Quatrièmement, le processus de consultation est déficient. Le Conseil tribal Nuu-chah-nulth estime qu'on n'a pas prévu assez de temps pour le processus de consultation. En fait, on a souligné que, tandis que l'affaire Corbiere portait sur des questions beaucoup plus étroites que la présente initiative en matière de gouvernance, vous avez alloué moins de temps pour un éventail plus large de questions et de préoccupations.

    Cinquièmement, la réthorique de la consultation insiste trop lourdement sur les droits individuels. Dans les sociétés traditionnelles Nuu-chah-nulth, on équilibre les droits individuels et collectifs de façon ingénieuse. En ciblant les Indiens de la base et en faisant fi des leaders, le gouvernement fédéral impose aux Autochtones des valeurs euro-canadiennes touchant les droits individuels. Même vos propres tribunaux ont déclaré que les droits et les titres ancestraux ont une application collective unique.

    Sixièmement, les modifications proposées de la méthode de sélection des dirigeants et des droits de vote nous inquiètent. Nous sommes d'accord pour dire que le système actuel est déficient et doit être amélioré. Nous sommes d'avis que les amélirations doivent être effectuées par les Ha'wiih, les Ah-iiha-pit et la Muschum des Nuu-chah-nulth pour notre propre peuple. On ne réglera pas le problème en remplaçant un système imposé par un autre.

¸  +-(1420)  

    De plus, on craint que les modifications proposées n'affectent quelques-unes de nos Premières nations qui recourent à un système de coutumes reconnaissant les structures de gouvernance et les Ha'wiih traditionnels

    Septièmement, nous en avons contre la réthorique qui entoure les questions touchant la reddition de comptes. Personne ne conteste la nécessité d'un gouvernement fort tenu de rendre des comptes, mais, une fois de plus, nous ne pensons pas que l'imposition d'un système étranger arrangera les choses. L'affirmation selon laquelle la plupart des gouvernements autochtones sont corrompus ou non tenus de rendre des comptes est trompeuse et inexacte.

    Voici maintenant un résumé des recommandations concernant la Loi sur la gouvernance des Premières nations.

    Premièrement, cessez de gaspiller l'argent des contribuables dans cette consultation creuse et cette initiative mal conçue. On a consacré un temps, des sommes et des connaissances indicibles à la Commission royale sur les peuples autochtones. Pourquoi consulter de nouveau lorsque le rapport de la CRPA énonce clairement les mesures que le gouvernement fédéral devrait prendre pour faire avancer la cause du droit des Autochtones à disposer d'eux-mêmes? Adoptez la solution honorable et donnez suite aux recommandations du rapport de la CRPA.

    Deuxièmement, acquittez-vous de vos obligations de fiduciaires et mettez notre potentiel en valeur en nous aidant à bâtir des collectivités fortes sur les plans social, économique et culturel. Investissez l'argent que vous consacrez à l'initiative en matière de gouvernance et à sa campagne massive de relations publiques dans une véritable mise en valeur du potentiel des Premières nations.

    Troisièmement, négociez des traités justes et honorables qui reconnaissent nos systèmes de gouvernance traditionnels et nous permettent de rebâtir nos collectivités de façon que nous puissions revenir aux sociétés puissantes et aisées d'avant le contact. On pourra y parvenir si le gouvernement fédéral vient à la table muni de mandats souples et de la volonté politique de corriger les préjudices passés.

    Quatrièmement, si la tentative de modifier la Loi sur les Indiens pour améliorer entre-temps la vie des Premières nations est sincère, nous prions instamment le gouvernement fédéral de travailler avec l'Assemblée des Premières nations et d'autres organisations qui représentent les Autochtones en vue d'élaborer un véritable mécanisme de collaboration. On doit également adopter des échéanciers réalistes et accorder des délais suffisants pour consulter de façon exhaustive, élaborer des politiques et les mettre en oeuvre de façon efficace. Lorsque vous êtes tentés d'imposer des changements sans avoir obtenu un consensus préalable, n'oubliez pas les mots du regretté Premier ministre.

    Cinquièment, entre-temps, entre aujourd'hui et le règlement des traités, le gouvernement fédéral peut assurer un soutien plus grand en matière de gouvernance en introduisant des dispositions législatives habilitantes qui permettent aux Premières nations d'élaborer leurs propres constitutions. En outre, le Canada peut, pour les chefs et les conseils élus des Premières nations, financer des programmes de formation dans les domaines de l'élaboration de politiques, de règlements, de budgets et d'autres secteurs administratifs.

    Sixièmement, l'ignorance est l'ennemie. Financez des campagnes d'éducation honnête à l'intention des Autochtones et des non-Autochtones concernant l'histoire, les droits et la nécessité de règlements justes. Seule une population éduquée et sensible pourra mettre au point et soutenir des solutions durables et significatives.

    Je vous remercie.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Je n'ai pas suivi l'ordre du jour, et, à titre de président, je devrais prêter attention. Lorsque vous avez parlé d'une campagne d'information, je m'attendais à autre chose. Vous êtes la première personne à parler d'une campagne d'information pour présenter aux Canadiens nos partenaires, nos concitoyens, les gens qui nous aident et les gens que nous devrions aider. Je suis tout à fait d'accord avec vous.

    Comme je l'ai dit plus tôt après l'exposé des trois dames, nous sommes encouragés de constater que tous les témoins non autochtones se disent en faveur de la cause autochtone. Mais ce n'est pas vrai pour tous les Canadiens, nous le savons. À titre de députés, nous recevons des appels, beaucoup d'appels, et certains d'entre eux ne sont pas plaisants. Il est facile de réagir à ces appels, car nous comprenons les problèmes, mais il faut informer tous les groupes au pays.

    Je blâme un peu le ministère des Affaires indiennes qui, malgré toutes ses années d'expérience et l'ampleur de son personnel, n'a pas su faire connaître davantage ce projet de loi. Nous travaillons sur ce projet de loi depuis trois ans, nous l'avons préparé et nous avons pris un an pour le rédiger et le déposer. Nous nous consacrons à ce projet de loi depuis juin, et nous poursuivrons nos efforts, mais on paie des personnes pour informer les gens. Je suis contrarié par le peu d'information qu'on nous transmet au sujet du projet de loi C-7, et j'espère qu'on corrigera la situation avant longtemps.

    Chers collègues, si vous le permettez, j'aimerais ajouter quelque chose. Je ne suis pas ici pour vendre le budget. Je ne dirai même pas s'il est bon ou mauvais; nous ne nous lancerons pas dans ce débat. Je vois dans le budget des occasions que nous devrions saisir, et je dresserai une liste de ce que le budget a à offrir. Le budget fait encore l'objet de débats, et on est loin d'avoir tranché. Nous apprendrons bientôt ce que les Canadiens en pensent, mais je nommerai les initiatives annoncées qui concernent les Autochtones.

    Lorsque nous parlons de la commission, certaines de ces choses se réalisent, bien que cela ne soit probablement pas suffisant. Nous devrions saisir ces occasions, comme cet engagement de 1,3 milliard de dollars sur cinq ans pour les programmes de santé. Il nous en faut plus, mais l'engagement est là : il faut saisir l'occasion et en tirer le maximum. On compte affecter 600 millions de dollars des réserves aux réseaux d'aqueduc et d'égout. Dieu sait que nous en avons besoin. On affecte 172,5 millions de dollars sur 11 ans pour la langue et la culture autochtones, dont 18 millions de dollars au cours des deux prochaines années.

    J'ai présidé un comité qui s'est penché sur l'éducation dans les réserves des Premières nations, et nous avons constaté qu'une génération complète ne parle pas la langue. Nous devons prendre immédiatement des mesures, car s'il est possible de rétablir la situation après une génération, ce ne sera pas le cas après deux.

    Il y a 72 millions de dollars sur deux ans pour l'éducation, la formation et l'emploi; 42 millions de dollars sur deux ans pour les programmes policiers; 20 millions de dollars sur deux ans pour Entreprise Autochtone Canada; 17 millions de dollars sur deux ans pour aider à répondre aux besoins des Autochtones en milieu urbain; 12 millions de dollars pour l'octroi de bourses; et 6 millions de dollars sur deux ans pour la liaison entre le gouvernement et les Métis et les Indiens non inscrits.

    Il en faut beaucoup plus, certes. Je ne soulève pas cette question pour défendre le budget et dire qu'il s'agit d'un bon budget; je ne m'engagerai pas là-dedans. Mais il offre néanmoins des occasions que nous devrions saisir, et je tenais à le signaler.

    Passons maintenant à la période de questions. Monsieur Elley, vous avez cinq minutes.

¸  +-(1425)  

+-

    M. Reed Elley: Merci beaucoup d'être venu nous présenter votre point de vue aujourd'hui.

    Tout d'abord, un peu plus de détails sur moi-même. Mon fils est un Ahousat et fait partie du Conseil tribal de Nuu-chah-nulth, alors, au fil des ans, j'ai entretenu certains liens avec le conseil. Je sais que vous faites ce que vous pouvez pour améliorer la situation de votre peuple, et je tiens à saluer vos efforts. Et il reste encore beaucoup de choses à faire.

    J'aimerais revenir brièvement aux commentaires du président sur votre sixième point, où vous affirmez que l'ignorance est un ennemi. Il y a longtemps que je fais la promotion d'une première étape qui, selon moi, a sombré dans l'oubli, c'est-à-dire la négociation de traités et, de fait, toute forme de relation intergouvernementale qui donnerait les résultats que nous espérons tous pour les peuples autochtones, et c'est cette étape qui rassemble les Non-Autochtones et les Autochtones afin que nous puissions nous comprendre. Nous formons deux splendides solitudes depuis bien trop longtemps. Malheureusement, notre histoire n'a rien de splendide.

    Alors, j'apprécie ce que vous dites, Cliff, car je crois qu'au bout du compte c'est la cause même du problème. Si nous n'arrivons pas à nous comprendre, si nous n'arrivons pas à bâtir un respect et une confiance réciproques, toutes les mesures, législatives ou autres, que nous prendrons ne permettront pas vraiment, au bout du compte, de résoudre le problème.

    Je suis très intéressé à savoir quelle mesure le conseil Nuu-chah-nulth prend à l'échelon local pour composer avec la situation, et quelles mesures vous préconisez, pour ce qui est de, peut-être, rebâtir la base.

+-

    M. Cliff Atleo, Jr.: Merci, monsieur Elley.

    Je crois que la sensibilisation est un enjeu crucial, comme on peut le constater lorsqu'on écoute les tribunes téléphoniques et qu'on entend des experts dire, par exemple, que le traité conclu avec les Nisga'a est trop généreux, que les négociateurs ont sacrifié le pays en versant tant d'argent aux Nisga'a. Pour les peuples des Premières nations, et les Nuu-chah-nulth en particulier, il est très pénible d'entendre de tels propos, en raison des milliards de dollars qui se sont envolés des territoires, des territoires non cédés.

    Le problème tient au fait que nous avons affaire à une population et à des institutions gouvernementales qui n'arrivent pas à faire face à leur passé colonialiste. Il n'y a pas si longtemps, le racisme institutionnel était courant. Bien sûr, pour ce qui est du droit de vote, de la liberté, de l'interdiction du potlatch, et toutes sortes de choses, cela ne remonte qu'à 50, 60, 70 ou 80 ans, ce qui n'est pas très loin. Le problème auquel nous sommes confrontés à l'heure actuelle, c'est que la population est devenue insensible aux événements du passé.

    Je ne peux vous dire à quel point nous entendons souvent des remarques comme: «eh bien, je n'ai rien fait. Je n'ai tué personne et je n'ai jamais limité la liberté de qui que ce soit», ou «je ne devrais pas avoir à payer, car je n'ai aucune responsabilité personnelle à cet égard; par conséquent, les impôts que je paie à la sueur de mon front ne devraient pas servir à indemniser les peuples autochtones. Si vous n'arrivez pas à vous en sortir, c'est votre problème». Cela nous mène au coeur du problème, lorsque je mentionne qu'il devient facile et commode de faire fi du passé colonial.

    L'un des arguments très simples que je soulève pour contrer ce point de vue, c'est que nous avons une dette nationale. Certes, je peux avancer que je n'ai rien fait pour contribuer à cette dette nationale, mais cela ne nous libère pas de notre responsabilité de la payer. On ne peut pas se rendre à la banque et dire: «eh bien, ce n'est pas moi qui ai contracté cette dette, c'est Trudeau, alors allez voir Justin», ou quelque chose comme ça. Ce n'est pas comme cela que les choses fonctionnent. C'est une responsabilité collective. Nous sommes collectivement responsables de veiller à ce que notre société soit juste.

    Votre question sur les mesures locales que prend le conseil tribal Nuu-chah-nulth est plutôt large. Nous sommes ici pour témoigner au nom du conseil tribal, qui représente 14 nations. Nombre de ces communautés ont entrepris plusieurs initiatives afin de travailler avec l'industrie et les collectivités et de leur faire comprendre ce que nous voulons réaliser, et en quoi nos droits et notre place inhérente sont uniques. Prenons par exemple la Première nation de Hupacasath: la chef Judith Sayers a été très active dans le cadre du référendum tenu par sa province, tendant la main aux communautés, prenant part à des discussions à l'occasion d'assemblées municipales, et rencontrant des conseils régionaux, des conseils municipaux et des groupes communautaires, et ce genre de choses. Je crois que chaque Première nation a tenté d'accomplir cela à divers échelons.

    De plus, les membres de notre table de négociation se sont montrés très ouverts à l'idée de discuter de nos enjeux dans les établissements d'enseignement, du niveau primaire jusqu'au collège et à l'université, en passant par les écoles secondaires, à prendre part au débat et à tenter de faire connaître les enjeux.

¸  +-(1430)  

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Martin.

+-

    M. Pat Martin: Merci, monsieur le président, et merci à vous de votre excellent exposé.

    Il y a de nombreux bons points à signaler, mais, avec seulement cinq minutes, c'est difficile. Je m'attacherai à la question que vous avez soulevée au sujet de la mésinformation, ainsi qu'au discours pompeux que l'on tient au sujet de la responsabilité.

    J'ai déjà été réprimandé par le président, qui m'a dit de ne pas mentionner le nom des partis politiques, mais on a mené dans la Chambre des communes, au cours des deux années qui ont précédé le dépôt de ce projet de loi, une campagne concertée au cours de laquelle un parti d'opposition s'acharnait à mentionner des cas isolés de mauvaise gestion financière dans les régions éloignées et tentait de brosser un portrait peu flatteur où toute communauté des Premières nations était soit corrompue soit coupable d'une mauvaise gestion flagrante des fonds, et que, par conséquent, le temps n'était pas venu d'accorder l'autonomie gouvernementale. C'est l'opposition officielle, —aussi bien le mentionner—qui a consacré son temps à faire cela. Il s'agissait d'une campagne concertée pour tenter d'établir la preuve que...

+-

    Le président: Un instant.

    J'étais occupé à planifier des activités. Est-ce que M. Martin attaque encore l'alliance? S'il vous plaît, ne faites pas cela. Vous perturbez les travaux du comité lorsque vous faites cela, et je ne le tolérerai pas.

¸  +-(1435)  

+-

    M. Pat Martin: J'aborde un point spécifique du mémoire.

+-

    Le président: Je vous invite à ne pas nommer les gens et les partis par leur nom; cela évitera qu'on vous fasse le même coup, et nous arriverons à avancer. Je vous prie de poursuivre et de suivre la règle.

+-

    M. Pat Martin: J'ai dit ce que j'avais à dire.

    J'ajouterai quelque chose au sujet de l'argent. Vous avez soulevé la question, affirmant qu'on devrait cesser de dépenser de l'argent pour promouvoir quelque chose que personne au pays ne veut voir se réaliser. C'est votre message, je suppose.

    J'aimerais entendre vos commentaires sur la somme que l'on compte affecter à la mise en oeuvre du projet de loi C-7, et j'aimerais savoir si, selon vous, le projet de loi réussira tel quel ou si on procédera à des changements. On prévoit 123 millions de dollars pour la mise en oeuvre dans les 600 et quelque collectivités de partout au pays.

    Croyez-vous qu'il est judicieux d'appliquer les deniers publics à la mise en oeuvre ou à l'imposition de ces changements, alors que cet argent pourrait être affecté à des programmes, comme la santé, l'éducation, le logement, ou autre chose?

+-

    M. Cliff Atleo, Jr.: Merci, monsieur Martin.

    Je crois que le mot clé de votre question est le verbe «imposer», et il renvoie à la cause de nos préoccupations, à ce que nous percevons comme la nature paternaliste du projet de loi, et au fait que les artisans des politiques et les politiciens ne peuvent échapper à l'approche paternaliste propre à un tel processus.

    Nous sommes d'avis que, peu importe le montant dépensé, qu'il s'agisse de 100 $ ou de 100 000 $, il y aura toujours des problèmes avec tout changement s'il s'agit toujours d'une solution imposée, si la responsabilité commence à la tête. Ainsi, je crois qu'il est davantage question d'habiliter les Premières nations à se doter d'une véritable autonomie gouvernementale et de reconnaître clairement cette autonomie, d'une façon qui ne correspondra pas nécessairement à l'idée que les gens se font du cadre constitutionnel. Pour y arriver, ils doivent faire face à la question du colonialisme.

    Merci.

+-

    M. Pat Martin: Puisque le président a mentionné le budget, j'aimerais connaître votre opinion sur le fait que le budget d'hier accorde 2,5 milliards de dollars aux militaires, c'est-à-dire 50 000 personnes au total, et que le budget total du MAINC est de 7 milliards de dollars pour un million de personnes—pour payer toute leurs écoles, le logement, l'éducation, les usines d'épuration des eaux usées, les routes, etc.

    Imaginez si ce budget prévoyait de verser directement 2,5 milliards de dollars aux communautés des Premières nations. On aurait probablement assisté à des émeutes dans les rues.

    Pourriez-vous commenter l'ensemble du budget du MAINC et sa capacité de dispenser tous ces services à un si grand nombre de gens?

+-

    M. Cliff Atleo, Jr.: Je ne suis pas en mesure de commenter le budget du MDN, mais j'aimerais céder la parole à mon aîné, Nelson, qui souhaite répondre aux commentaires que vous avez formulés plus tôt.

+-

    M. Nelson Keitlah: Merci beaucoup.

    Tout d'abord, en ce qui concerne la responsabilité, nous avons déployé de grands efforts dans notre conseil tribal pour veiller à ce que la responsabilité soit une priorité. Nous existons sous le nom de Conseil tribal Nuu-chah-nulth depuis 25 ans. Nous n'avons pas échoué à l'occasion d'une vérification; nos livres sont en règle. Alors nous nous vantons de cette réalisation—nous pouvons tenir les livres nous-mêmes et nous occuper de nos affaires.

    Même si l'argent est un enjeu important à certains endroits, la solution ne tient pas uniquement à l'argent, nous ne pouvons pas tout comptabiliser sous forme de dollars et de cents. Cela ne peut fonctionner, même s'il y a ici certains aspects matérialistes. Le logement continue d'être un enjeu très urgent, et il y a évidemment d'autres choses dont nos communautés ont besoin. Mais nous continuons de nous efforcer de tirer le maximum de ce que nous avons à notre disposition.

    Puisque nous avons lu au sujet d'un budget plus généreux et que nous savons qu'un enjeu antérieur est peut-être entré en ligne de compte, nous voulons l'interpréter et savoir ce qu'il veut vraiment dire... et nous sommes reconnaissants; nous ne sommes pas méfiants à vie. Mais nous cherchons à déterminer comment nous pouvons mieux travailler et collaborer avec le gouvernement.

    À une certaine époque, nous faisions beaucoup de bruit pour faire entendre nos exigences, nous dégradions et dénoncions le gouvernement, nous arrivions à nos fins en misant sur l'embarras, mais les choses ont bien changé. Les enjeux et les études que nous avons présentés au gouvernement sont là, et ils sont bien réels.

¸  +-(1440)  

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Hubbard.

+-

    M. Charles Hubbard: Merci, monsieur le président.

    Très brièvement, j'aimerais vous remercier de votre témoignage et de vos commentaires sur vos préoccupations quant au système et à son fonctionnement. Je crois qu'il préoccupe toutes les personnes qui prennent part au processus de consultation. Vous avez affirmé, certes, qu'il était imparfait. Je sais que certaines personnes n'ont probablement pas été consultées, mais il y a d'autres cas où les gens avaient l'impression que la consultation ne s'adressait pas à eux, ou qu'ils ne devraient pas participer.

    Mais on constate que l'expérience de votre conseil tribal s'est très bien déroulée, et d'autres pourraient peut-être en tirer un apprentissage. Peut-être qu'en regardant le projet de loi C-7, vous pourriez dire qu'il ne change pas grand-chose à ce que vous avez fait dans le passé. J'ignore si c'est le cas, mais il est certain que le comité serait intéressé à entendre vos suggestions.

    Pour ce qui est de votre deuxième préoccupation, c'est-à-dire la notion de fief simple, j'ignore pourquoi vous croyez que le projet de loi C-7 changera le statut de vos terres. Y a-t-il un aspect particulier du projet de loi que vous voulez signaler à cet égard? Parce que c'est un aspect très important de la démarche utilisée pour nouer des liens au cours des dernières années. Et si vous avez d'autres suggestions concernant le projet de loi...

    Le greffier recevra les mémoires plus tard, ce qui pourrait aussi mettre en relief certains aspects particuliers qui vous préoccupent et qui préoccupent votre peuple.

+-

    M. Cliff Atleo, Jr.: Merci, monsieur Hubbard.

    Nous serions probablement disposés à fournir une liste plus détaillée de nos préoccupations à une date ultérieure.

    Nos préoccupations relatives au changement de statut juridique et de capacité, ainsi que les préoccupations concernant l'autre projet de loi, la loi sur la gestion des terres, tiennent non pas nécessairement aux dispositions comme telles, mais bien à la méfiance quant aux motifs. Nous avons l'impression que le ministère des Affaires indiennes éprouve de la frustration après des années et des années de litige.

    Même si certains de ces changements semblent habiliter les Premières nations et procurer des débouchés économiques, ils semblent aussi limiter la responsabilité juridique du gouvernement. Changer le statut juridique des terres, par exemple, permettrait aux Premières nations d'intenter des poursuites ou d'être poursuivis d'une façon qui n'était pas possible avant. Compte tenu de l'insuffisance de notre capacité globale, nous estimons qu'une telle situation offre beaucoup d'incertitude et est très difficile à gérer. Il en va de même pour la terre.

+-

    Le président: Merci.

    Nous avons le temps de faire un tour de table de deux minutes, et nous aimerions prévoir un peu de temps pour le mot de la fin.

    Monsieur Martin.

+-

    M. Pat Martin: Vous n'êtes pas la première personne à mentionner la Commission royale sur les peuples autochtones. C'est l'une des commissions royales les plus exhaustives jamais entreprises. Je crois que seulement quatre de ces recommandations ont été mises en oeuvre partiellement.

    Croyez-vous que le projet de loi C-7 aurait pu être élaboré à partir des recommandations de la commission royale au lieu de devenir le projet de loi actuellement proposé? Aurait-il été préférable pour le gouvernement de s'engager dans cette voie?

¸  +-(1445)  

+-

    M. Cliff Atleo, Jr.: Je suis de cet avis. Je crois que nous constatons, non seulement dans le cas de ce projet de loi, mais aussi à la table de négociation de traités, qu'il y a une réticence à aborder de façon réelle des enjeux comme la justice, l'équité et l'égalité, en raison de la nature contentieuse de notre société. Les avocats qui contribuent à l'élaboration des politiques exercent une influence écrasante. Par exemple, l'un des problèmes clés à la table de négociation est ce refus d'aborder la question de l'indemnisation, car le fait d'accepter d'aborder cette question suppose qu'on a fait quelque chose de mal, et cela pourrait se révéler très coûteux sur le plan juridique.

    Ainsi, le rapport de la CRPA fait état de problèmes flagrants que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien éprouverait trop de difficultés à résoudre de façon valable.

+-

    M. Pat Martin: Plusieurs personnes, dont vous faites partie, ont signalé que le projet de loi C-7 a été déposé en raison de la décourageante lenteur des négociations. Je suppose que je tente de soulever la question de la négociation de bonne foi.

    Si, après s'être présenté à la table de négociations pour établir un consensus, une partie déclare: «nous commençons à en avoir marre, nous imposerons notre offre initiale», est-ce que quiconque peut affirmer qu'il s'agit d'une négociation de bonne foi?

+-

    M. Cliff Atlea, Jr.: La question du mandat a toujours été un défi pour les Premières nations de partout au pays. Elle n'a pas changé de façon importante depuis environ 30 ans, et il est difficile de déterminer si elle changera au cours des 30 prochaines années, mais nous espérons certainement que si.

+-

    Le président: Merci.

    Nous avons le temps, alors nous vous invitons à présenter vos observations finales. Je profite de l'occasion pour m'excuser de cette interruption inopportune.

+-

    Mr. Nelson Keitlah: Merci beaucoup, monsieur le président.

    Nous tenons à réitérer notre détermination à participer à cette démarche qui sera fructueuse et importante pour tout le monde.

    Merci.

+-

    Le président: Cliff, avez-vous quelque chose à ajouter? Non.

    Je vous remercie beaucoup. Votre témoignage sera cité et nous aidera à faire un meilleur travail.

    Nous accueillons ensuite James Wilson, président du Conseil du district de Kwakiutl—et je suis certain que vous corrigerez ma prononciation. Bienvenue. Je vois que vous êtes accompagné de M. Micha Menczer.

    Nous disposons de 45 minutes. Nous vous invitons à présenter votre exposé, et nous passerons ensuite aux questions et réponses. Nous vous écoutons.

+-

    M. James Wilson (président, Conseil du district de Kwakiutl): Monsieur le président, je disais justement à mes enfants, derrière, que je ne sais pas ce qui se produit lorsque je participe à ces audiences : ma bouche s'assèche, et toute l'humidité se déplace vers mes mains. Donnez-moi un instant pour me ressaisir.

    Merci à vous, membres du comité, de nous entendre. Je m'appelle James Wilson, et je suis président du Conseil de district de Kwakiutl dans le nord de l'île de Vancouver.

    Notre documentation vous a été remise. J'aimerais seulement effectuer un survol des documents que vous avez reçus. Notre organisme existe depuis plus de 30 ans. Vous trouverez un bref historique dans la documentation.

    J'aimerais attirer votre attention sur le milieu du document. Si vous ouvrez le livret au milieu, vous trouverez une carte qui illustre l'emplacement de nos nations membres. L'encart nomme les nations que nous représentons; c'est en leur nom que je vous parle aujourd'hui. Je tenais à vous le signaler. Je n'irai pas dans les détails. Vous pourrez utiliser votre documentation comme lecture de détente.

    Comme je l'ai déjà signalé, le conseil existe depuis 30 ans. Au tout début, nous nous étions rassemblés quelque peu en réaction au livre blanc de 1969. Nos dirigeants savaient qu'il était important de se réunir. Pour recevoir toute forme de financement ou de reconnaissance, ils devaient former une société distincte. Le nom, c'est-à-dire le Conseil de district de Kwakiutl, tire ses origines du nom de l'agence, qui s'appelait la Kwakiutl Agency. C'est de là que nous tirons notre nom.

    Le conseil de district de Kwakiutl représente des nations du Nord. Et dans le Sud, près du 50e parallèle, autour de la région de Campbell River, se trouvent quatre nations de Laich-Kwil-Tach. Il ne s'agit pas de bandes Kwakiutl; ils sont Laich-Kwil-Tach, mais ils font partie du conseil tribal. Le nom, comme je l'ai dit, a été adopté par souci de commodité pour le ministère et les autres, et parce qu'il s'agissait d'un nom bien connu.

    Quant à moi, je suis issu de la bande de Cape Mudge, située sur la pointe sud de l'île de Quadra. Mon père est issu de la nation Haxwamis. Vous n'en trouverez aucune mention dans vos documents, et vos chercheurs ne trouveront rien sur cette nation, car on l'a forcée à fusionner avec celle de l'île Gilford en 1948. Soudainement, ils sont disparus.

    C'est le sort qu'on a réservé à un très grand nombre de nos nations, surtout dans ma région natale. Par souci de commodité, ils ont fusionné les peuples et les ont déplacés dans des centres urbains—Willard Bay, Campbell River, Port Hardy. La situation est devenue problématique, car tout le monde veut récupérer leurs terres ancestrales et établir leur propre structure de régie, en marge de la Loi sur les Indiens.

    Certaines de nos nations sont assujetties au système héréditaire. Elles demeurent sous le régime du système héréditaire. Vous avez entendu le témoignage du chef John Smith hier soir. Il vous a parlé de certaines des préoccupations actuelles à l'égard du système héréditaire. Bien que John ne soit pas membre de notre conseil tribal, il est notre voisin et il travaille avec le peuple Laich-Kwil-Tach de la région de Campbell River à la table de négociation.

¸  +-(1450)  

    De nombreux aspects complexes entrent en jeu. Les 27 tribus de notre région ont été fusionnées et n'en font plus que 15. Nous parlons diverses langues, et nous ne sommes qu'à 60 milles les uns des autres. À 30 kilomètres au sud se trouve un système totalement différent, celui des Salish du littoral, qui étaient autrefois nos ennemis. Mais nous avons conclu nos traités avec les Salish du littoral et les Kwakiuts du Nord.

    Si vous demandez à quelqu'un, si vous demandez à Miles Richardson si les Haïdas ont déjà entendu parler du peuple Kwakiutl, il dirait... En fait, quand j'ai rencontré Miles pour la première fois, il était en compagnie d'autres conseillers du Conseil de bande de Skidegate, et nous avions entendu les mêmes histoires au sujet de la dernière guerre entre le peuple Laich-Kwil-Tach et les Haïdas de la région de Campbell River.

    Je m'écarte du sujet.

    Votre livret contient un volumineux document intitulé «Constitution of Kwakiutl League of Nations». Il s'agit d'un document conceptuel produit par Mme Daisy Sewid-Smith, avec notre collaboration, au milieu des années 90. Quand je parle de «nous», je fais référence à la bande de Cape Mudge. Ils ont pris part aux négociations sur l'autonomie gouvernementale avec le Canada sous le gouvernement Mulroney et ensuite sous le gouvernement libéral. Ils n'ont jamais terminé, pour une raison quelconque—changements de politique, changement de gouvernement. Nous n'avons jamais terminé cette démarche. Mais c'est le genre de travail que les gens envisagent. On cherche à fusionner le traditionnel et le contemporain afin de répondre aux besoins de tous.

    Est-ce que cela fonctionnera sous le régime de la Loi sur la gouvernance des Premières nations? Non. Et nous verrons pourquoi. Les autres documents figurant ici expliquent aussi pourquoi cela ne fonctionne pas aussi bien que certaines de nos recommandations, mais nous arriverons à cette question. Je suis certain que vous y arriverez en parcourant vos documents, mais je tiens à poursuivre afin que vous puissiez poser vos questions.

    La documentation contient aussi deux documents produits par Micha Menczer, mon collègue. Il s'agit d'une analyse juridique et d'un document intitulé «The Aboriginal Right of Self-Government and the First Nations Governance Act: Can They Co-exist?» Ces documents contiennent certaines des choses que je dirai et répondent à certaines des questions que vous vous poserez.

    Du côté droit du livret se trouve un résumé du document plus volumineux, le document conceptuel. Si vous n'y voyez pas d'objection, j'aimerais aborder ce document dès maintenant. La page couverture présente le système actuel, sous le régime de la Loi sur les Indiens. Et si vous tournez la page, on présente le système qui combinerait des éléments traditionnels et contemporains. Il s'agit d'un système de clans dotés de ses propres mécanismes d'appel et de résolution de conflits. Le document conceptuel décrit en détail ce que chacune de ces composantes signifie. La troisième page résume les devoirs et les responsabilités des agents de chacun des divers composants de ce modèle classique que nous avons examiné.

    Cela dit, j'aimerais passer rapidement à autre chose. Je suis certain que mes cinq ou dix minutes tirent à leur fin.

¸  +-(1455)  

+-

    Le président: Nous avons amplement de temps. Prenez tout le temps que vous voulez.

+-

    M. James Wilson: D'accord. Merci.

    Je parlais des aspects complexes propres à notre région et de la difficulté d'en arriver à une entente qui convient à tout le monde. La seule façon de réussir, c'est de leur permettre de le faire eux-mêmes et d'assumer la responsabilité quant au produit final.

    Les solutions universelles ne fonctionnent pas. Elles ne fonctionneraient même pas si on les appliquait aux 27 tribus de ma région. Notre conseil tribal, qui comprenait initialement quinze membres, n'en compte plus que 10, et à diverses fins on fractionne le nombre à cinq, à cinq et cinq sous forme d'alliances diverses, en raison du système qu'on nous a imposé, de la création d'une société distincte régie par les règles de la Societies Act provinciale. Cela ne fonctionne pas.

    Nous avons tenté de nous adapter, d'évoluer et de faire fonctionner les choses au meilleur de nos capacités, mais pour une question aussi importante que celle-ci, une solution unique n'est pas universellement applicable.

    Je ne sais pas si les témoins antérieurs des dernières semaines ont mentionné le Harvard Project américain. Il y a aussi un document produit pour l'APN par Stephen Cornell, Miriam Jorgenson et Joseph Kalt. J'ajoute cela à la discussion.

¹  +-(1500)  

+-

    Le président: L'auteur a témoigné devant notre comité, mais nous allons certainement reconnaître sa contribution et l'apprécier.

+-

    M. James Wilson: Merci.

    Il est très difficile de mentionner tous les enjeux, alors j'ai tenté d'en mentionner le plus grand nombre possible pour vous procurer une bonne lecture divertissante. C'est très facile à lire, croyez-moi. Je vous laisserai le numéro de téléphone de Micha, et vous pourrez communiquer avec lui si vous avez des questions.

    J'aimerais maintenant me pencher sur la loi sur la gouvernance et mentionner quelques points que je soulève dans mon mémoire. J'aimerais expliquer pourquoi la Loi sur la gouvernance des Premières nations n'est pas en harmonie avec la notion d'autonomie gouvernementale avancée par le Conseil des Dénés kaskas (CDK).

    Je ne sais pas quoi dire au sujet de l'approche de consultation. L'approche adoptée n'était pas très bonne. Elle ne respectait d'aucune façon les Premières nations et le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Malheureusement, c'est une attitude que les gouvernements provinciaux et fédéral ont adoptée au cours des quelque 100 dernières années. Ils ne le reconnaissent tout simplement pas.

    On nous a étudiés ad nauseam. Ces documents mentionnent le rapport Penner, qui remonte à il y a vingt ans. Il est très pertinent maintenant. Il n'y a aucune volonté politique de donner suite à cela. C'est une bonne idée d'étudier les peuples autochtones et de cerner les problèmes, mais il n'y a aucune volonté politique de donner suite à ces rapports. Il y a eu le rapport de la CRPA, il y a douze ans. Ce rapport compte 300 pages de recommandations sur l'autonomie gouvernementale et la gouvernance des peuples autochtones. Nous avons le rapport du Sénat. On n'a donné suite à aucun de ces rapports.

    Ensuite, il y a les affaires judiciaires. Vous avez déjà entendu parler de l'affaire Delgamuukw, de l'affaire Campbell et de toutes les autres. C'est passionnant de lire certains commentaires des juges de la Cour suprême. La meilleure approche consiste à s'asseoir et à négocier et à ce que toutes les parties fassent des concessions afin qu'on arrive à une entente. Rien de cela ne s'est jamais produit. Il est plus facile pour les gouvernements de tenir leur position, de puiser dans leurs coffres et de taxer tout le monde davantage afin qu'ils puissent aller devant les tribunaux et faire traîner les choses. Il y a quelques années, un juge a déclaré que les frais liés à l'affaire dont il était saisie devaient être assurés par le gouvernement provincial. Voilà peut-être la solution : les frapper au portefeuille.

    Je pourrais passer quelques jours à dialoguer avec vous. Je dois tenter de ne pas m'égarer.

    Micha, donnez-moi un coup de coude si je m'égare.

    Une autre raison pour laquelle cette approche ne fonctionnera pas tient au fait que le modèle législatif se fonde non pas sur la reconnaissance des droits des Premières nations, mais bien sur la délégation de pouvoir. Le projet de loi établit des normes minimales et consent des droits limités aux peuples autochtones.

¹  +-(1505)  

    La loi consacre la prépondérance des dispositions fédérales, au-delà de ce qui est nécessaire aux relations avec les Premières nations. Elle permet également au gouvernement fédéral de conserver des pouvoirs considérables, qui, si nous donnions suite à toutes les autres études et affaires instruites devant des tribunaux, ne devraient pas se révéler nécessaires. Il ne devrait pas être nécessaire pour le ministre de conserver tous les pouvoirs discrétionnaires que lui accorde la loi.

    Parmi les constatations des observateurs aux États-Unis, il est question du fait qu'une solution universelle ne saurait s'appliquer à ces affaires, particulièrement quand elle ne concorde pas avec le système de gouvernement traditionnel de la nation, ou dans le cas qui nous occupe--aux États-Unis--des tribus. Cette approche ne fonctionne tout simplement pas.

    Je dois revenir au processus de consultation. Quand le ministre et d'autres personnes affirment «nous avons parlé avec 10 000 personnes»—, eh bien, il faut savoir que 10 000 personnes sur un million n'est pas un si grand nombre. Dans les affaires comme celle-ci—vous faites tous de la politique—, on sait que les gens qui souhaitent le plus prendre la parole sont ceux qui sont en colère. À mon avis, les conclusions étaient donc faussées, et les responsables ne sont pas venus mener une consultation appropriée auprès de nous.

    Je ne connais pas la solution au problème. C'est une affaire que nous allons certainement devoir régler ensemble et, pendant que mon esprit s'affaire à tirer une conclusion, je suis sûr d'avoir formulé certaines recommandations sur la manière dont il faudrait procéder, si je n'avais pas été si nerveux.

    J'aimerais formuler quelques remarques finales au sujet de certaines des recommandations, puis vous pourrez me poser des questions.

    L'approche que nous souhaiterions voir adopter en ce qui concerne la reconnaissance de l'autonomie gouvernementale présenterait les caractéristiques suivantes:

    --une formule de négociation appropriée qui se fonde sur la volonté de créer une véritable relation gouvernementale;

    --l'attribution de fonds adéquats aux Premières nations pour l'éducation ainsi que le soutien et l'élaboration de leurs régimes gouvernementaux autonomes, ce qui supposerait une éducation et un apprentissage en rapport avec les systèmes politiques historiques des gens parlant le Kwakiutl et le N'Quatqua;

    --un financement approprié pour la mise en oeuvre de toute nouvelle entente relative à l'autonomie gouvernementale;

    --par la voie d'une loi, la reconnaissance officielle de la part du gouvernement fédéral d'un traité qui sert à reconnaître dûment le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, plutôt que de reprendre le modèle délégué et conditionnel qui se trouve dans la loi; et

    --le respect dû aux régimes de gouvernement des Premières nations, sans l'application unilatérale de normes et de règles de prépondérance de la part du Canada.

    Y a-t-il autre chose, Micha?

    Mon collègue souhaiterait ajouter quelque chose à notre bref exposé.

+-

    Le président: Monsieur Menczer.

+-

    M. Micha Menczer (Conseil du district de Kwakiutl): «Bref—voilà le mot d'ordre pour aujourd'hui.

    Le Conseil de district de Kwakiutl a beaucoup approfondi la question. Les résultats de ses travaux nous ont été fournis dans un mémoire par écrit, ce que le conseil considérait comme une meilleure façon de transmettre son point de vue, étant donné l'importance de la question.

    Je veux simplement attirer votre attention sur quelques exemples particuliers, en guise de complément aux propos de M. Wilson. Je crois que le point de départ, fondamentalement, c'était une méthode de reconnaissance appropriée de ce que les Autochtones estiment être leur droit inhérent, c'est-à-dire l'autonomie gouvernementale, et que les tribunaux, comme nous le voyons de plus en plus avec des affaires comme celle de Delgamuukw et de Campbell et toute une série de communications scientifiques, reconnaissent davantage. De même, il y a le rapport de la commission royale d'enquête, dont vous êtes tout à fait au courant, j'en suis sûr; le rapport Penner d'il y a 20 ans—, rapport du comité permanent que vous formez sur l'autonomie gouvernementale—, où on recommandait une reconnaissance claire, sous forme de loi, du droit des Autochtones à l'autonomie gouvernementale; et, enfin, le récent rapport du Sénat, celui de 2000, qui, encore une fois, parlait d'une reconnaissance qui soit claire. Rien de tout cela ne se retrouve dans ce projet de loi.

    Dans la mesure où le comité est à la recherche d'un mécanisme qui permettrait d'avoir de meilleures relations de travail avec les premières nations, je crois que le point de départ est là. Si on étudie les objectifs de ce projet de loi et le préambule, on voit qu'il y est uniquement question d'une «politique» du gouvernement fédéral visant à reconnaître cela. C'est une question très simple, sur le plan technique, comme vous le savez tous, et comme le sait votre personnel—de dire simplement que le gouvernement fédéral reconnaît ceci et que la loi est établie pour en faciliter la mise en oeuvre. C'est le genre d'approche que cherche à établir KDC.

    Si on commence vraiment au début, en lisant la rubrique «objet», l'article 3, on n'a pas à aller très loin avant de voir que le législateur dit... J'ai parlé du préambule; il est question de la politique aux termes de laquelle le Canada reconnaît le droit inhérent dont il est question. Eh bien, si le Parlement parle par la voix des lois, notre recommandation—c'est que, simplement, cela dit que le Canada reconnaît bel et bien le droit inhérent. Ce n'est pas de la politique dont il est question; c'est ce dont parle le projet de loi.

    De même, l'article 3—encore une fois, c'est la rubrique «objet», là où les Premières nations commencent à voir ce dont il s'agit—laisse voir qu'il s'agit «d'offrir aux bandes des outils de gouvernance plus efficaces en attendant la négociation du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale et sa mise en oeuvre».

    Cette formulation donne à penser que le Canada tient pour conditionnels les droits relatifs à l'autonomie gouvernementale, c'est-à-dire qu'il faut une négociation avant qu'ils n'existent. Ce n'est pas ce qu'affirment les tribunaux; ce n'est pas ce qui est dit dans le rapport Penner d'il y a 20 ans; ce n'est pas ce qu'a dit la commission royale d'enquête; ce n'est pas ce qu'a dit le comité sénatorial; et ce n'est pas ce que disent les Premières nations. Donc, au départ, il semble que le législateur fasse fausse route.

    Jim vous a parlé du modèle délégué. Cela réside dans le fait qu'on fait fausse route au départ. Si vous adoptez une loi qui prévoit ce cadre, il ne peut y avoir que délégation, alors que si vous établissez une loi qui parle de reconnaissance, vous créez un contexte où vous pouvez établir une reconnaissance officielle par la voix du Parlement—qui est la voix du Canada—et fournir aux Premières nations un mécanisme pour mettre cela en oeuvre à l'intérieur de certaines limites. Je ne crois pas que l'un quelconque des commettants de Jim parle d'exercer l'autonomie gouvernementale ou des pouvoirs sans aucune limite et sans aucune coopération avec le Canada. Tout de même, ce projet de loi ne permet même pas de préparer une telle discussion.

    On peut en évoquer un exemple précis: c'est quand vous parlez d'élections. Le document conceptuel préparé par Daisy Sewid-Smith est un document très important. C'est une éminence qui connaît très bien les manières traditionnelles et qui a été honorée d'un doctorat en droit et qui est très bien respectée partout au Canada, et en Colombie-Britannique, où elle est très bien connue. Elle a été appelée à étudier ces systèmes traditionnels et les besoins modernes afin de trouver un mécanisme—un document conceptuel—qui servirait à engager la discussion. Son document fait cela de manières très pratiques. Il a suscité de très bonnes discussions.

    Mais une des choses qu'a pu vous dire M. Wilson et dont vous êtes conscient, j'en suis sûr, c'est qu'il existe de nombreux systèmes de transmission héréditaire de l'autorité et d'autorité traditionnelle qui sont particulièrement actifs dans notre région du pays, là où il y avait une solide forme de gouvernance avant l'arrivée des Européens.

¹  +-(1510)  

    Vous connaissez peut-être le potlatch. La description est un peu plus fouillée. Il ne s'agissait pas que de festoyer, comme une analyse superficielle le ferait voir. C'était un mode d'économie, une façon d'établir des relations économiques. C'était une méthode pour conférer les titres politiques. Il y avait toute une série de choses qui étaient combinées à cela.

    Si vous regardez la Loi sur la gouvernance, on voit que le législateur reconnaît quelque peu la coutume en ce qui concerne les codes établis pour le choix des dirigeants, mais il exige que les règles en la matière passent par des codes d'élections, ce qui veut dire qu'il doit y avoir une mise aux voix. La coutume ne saurait s'appliquer s'il n'y a pas de mise aux voix. Ensuite, le code portant sur le choix des dirigeants doit comporter des mécanismes d'appel, et cela doit se faire dans les deux ans.

    Ce n'est pas du tout cohérent. Comment appliquer des votes à un système de transmission héréditaire de l'autorité? C'est tout à fait incohérent. Comment dire qu'il doit y avoir appel du choix d'un dirigeant quand c'est la méthode héréditaire qui s'applique? Comment appliquer un délai de deux ans à cela?

    Ce n'est qu'un petit exemple qui permet de voir que quelqu'un, en lisant cela, à première vue, pourrait dire: «eh bien, c'est très bon; le législateur reconnaît les élections selon la coutume.» Mais si, de fait, on regarde l'impact sur le système héréditaire, on voit que ce n'est pas possible. Cette façon de le reconnaître sonne creux.

    J'ai quelques observations toutes petites à formuler. C'est vraiment dans les questions que réside le problème.

    La loi reconnaît tout de même l'attribution de pouvoirs plus grands aux Premières nations dans les articles sur les pouvoirs dont vous avez parlé, et les pouvoirs relatifs à l'exécution sont plus grands à certains égards. Par contre, si vous travaillez au sein des communautés et que vous voyez ce qui se révèle nécessaire, vous voyez qu'il n'y a pas de contexte judiciaire pour l'exécution. De nombreuses Premières nations, qu'il s'agisse d'une action individuelle ou d'une action du conseil tribal, se tournent vers leur propre système judiciaire pour traiter des cas de transgression de leur loi. Le législateur ne dit rien là-dessus. Cela situe les affaires judiciaires dans le cadre provincial.

    Il y a dans la Loi sur les Indiens, à l'article 107, un mécanisme qui prévoit la nomination de juges de paix et qui a servi à nommer des représentants des Premières nations chargés d'appliquer leurs propres lois et de traiter des transgressions à cet égard, ce qui me paraît être un mécanisme très constructif. Mais, comme vous le savez, il y a un moratoire sur ces nominations.

    Les Premières nations ont donc droit à une loi qui traite de gouvernance, mais qui ne leur accorde aucun pouvoir quand il s'agit d'appliquer leurs propres lois ou leur propre système de gouvernance.

    Il a beaucoup été question récemment de la reconnaissance d'un pouvoir élargi en ce qui concerne l'aide à l'enfance. Il n'y a rien de cela dans le projet de loi. On discute de la question du jeu, qui a été portée devant les tribunaux, et d'une plus grande emprise des Premières nations sur cet outil qui peut servir de moteur à une économie en difficulté en certains endroits. Il n'y a rien de cela là-dedans.

    Il y a donc eu une certaine expansion, mais il existe encore des secteurs fondamentaux dont les Premières nations parlent depuis des années—devant la commission royale d'enquête, devant les comités parlementaires et sénatoriaux—et cela ne se trouve pas dans le projet de loi.

    J'aurais une ou deux observations à formuler pour terminer, et vous pouvez me mettre dans le même sac que Jim : nous pourrions consacrer beaucoup de temps à cela, mais c'est pour cela que vous avez le mémoire.

    Le ministre dispose toujours d'un pouvoir discrétionnaire énorme s'il veut intervenir—je crois que cela se trouve à l'article 10—et si on étudie ce pouvoir, on voit qu'il est très mal défini. Il y est question d'un «manquement important» aux règles. Eh bien, pour déterminer de tels cas, le ministre dispose d'un pouvoir absolu. Il y est dit aussi que le ministre, dans de tels cas, peut imposer des mesures correctives, depuis l'entente jusqu'à l'intervention d'une tierce partie, en passant par la cogestion. Mais, encore une fois, pour déterminer les mesures correctives, il dispose d'un pouvoir discrétionnaire absolu.

    La Première nation qui prend connaissance de ce texte constate donc que, à bien des égards, elle se trouve dans une position qui est pire que celle que prévoient actuellement les accords de financement ou les accords de transfert des responsabilités en matière de santé, où cela est mieux défini. Il est très difficile, pour qui étudie la question, de s'opposer à une mesure quand un ministre exerce son pouvoir discrétionnaire. Le ministre détermine donc qu'il y a eu manquement aux règles et décide de la mesure qu'il faut prendre, et la Première nation ne peut pas faire grand-chose pour lutter contre cela.

    Ce n'est pas le chemin qui va mener à une meilleure relation en ce qui concerne la gouvernance. Les Premières nations ne disent pas qu'il ne faut pas rendre des comptes et tout cela, mais tout est dans la manière.

    Voilà donc quelques exemples.

¹  +-(1515)  

+-

    Le président: Je dois vous interrompre. Je ne vous demanderai pas quel métier vous exercez, mais si c'est là un bref exposé...

+-

    M. Micha Menczer: Non, c'était là les dernières observations que j'avais à formuler, mais je croyais que quelques exemples--

+-

    Le président: Je comprends. Vous allez avoir une autre occasion de le faire, mais j'aimerais qu'un certain temps soit accordé pour que les députés puissent poser des questions.

    Nous disposons d'une quinzaine de minutes. Nous allons procéder en segments de cinq minutes. Qui veut commencer?

    Monsieur Chatters.

+-

    M. David Chatters (Athabasca, Alliance canadienne): C'est un concept intéressant et, pour essayer de ne pas être partial, il nous faut reconnaître que ce projet de loi ne provient pas de notre parti. Nous avons reçu pour tâche de venir ici, de mener à bien une consultation, de rédiger des modifications et d'essayer d'améliorer le projet de loi, et je vais certainement participer à ce processus.

    Au tout début, quand j'ai été élu à la Chambre des communes, il y a de cela dix ans, et que le gouvernement a précisé à quoi ressemblait sa reconnaissance du droit inhérent des Autochtones à l'autonomie gouvernementale dans le livre rouge du Parti libéral, j'avais l'impression que cela sonnait creux. Depuis trois jours, depuis quelques jours, enfin depuis que nous travaillons à ce projet de loi, le comité a certainement pu prendre conscience du fait que si, aujourd'hui, le gouvernement reconnaît le droit inhérent des Autochtones à l'autonomie gouvernementale, il faut se demander : pourquoi sommes-nous là? Car s'il le fait, il n'y a rien à négocier.

    En tote franchise, nous devrions plutôt être réunis ici pour des discussions et des négociations concernant l'obligation fiduciaire; autrement dit, comment allons-nous nous partager les frais et comment allons-nous vous fournir les ressources nécessaires pour que vous puissiez maintenir votre autonomie gouvernementale. Cela me semble vraiment bizarre de voir que nous sommes en train de faire ceci, étant donné le point de vue exprimé par le gouvernement, mais il ne semble pas vraiment faire ce qu'il dit croire qu'il fait.

    J'oublierai cette question pour vous demander peut-être de formuler quelques observations sur la façon dont il faudrait s'y prendre, selon vous, pour s'attaquer au véritable problème en jeu, c'est-à-dire l'obligation fiduciaire et les ressources nécessaires à la mise en oeuvre de l'autonomie gouvernementale.

¹  +-(1520)  

+-

    M. James Wilson: Je dois certainement dire que je suis d'accord avec vous en ce qui concerne le livre rouge et la politique de reconnaissance des droits inhérents à l'autonomie gouvernementale. Nous avons connu ces engagements et l'évolution de la politique et, dans une grande mesure, cette déclaration du gouvernement nous avait beaucoup stimulés. Mais, en réalité, sur le terrain et durant les négociations, rien n'est vraiment survenu. De fait, cela a servi à brouiller les choses.

    Quand je dis «nous», je parle... Micha a travaillé pour la Première nation de Wei Wai Kai, c'est-à-dire la bande de Cape Mudge, la bande numéro 623. Je suis moi-même le numéro 6230022701. Il n'y a que les gens comme nous qui sont numérotés comme cela. De toute façon...

+-

    M. David Chatters: Je ne suis pas d'accord avec cela. Je suis moi-même numéroté au gouvernement. Je crois que nous sommes tous pris avec ce problème.

+-

    M. James Wilson: Peut-être que Micha peut... je dois y réfléchir.

+-

    M. David Chatters: Je crois que nous devons d'abord reconnaître--et le président y a fait allusion il y a quelques minutes--que le gouvernement du Canada, de fait, transfère maintenant quelque dix milliards de dollars en programmes et services autochtones au Canada, et que notre budget, hier, a probablement pour effet d'y ajouter un milliard de dollars. Je ne veux pas dire que le gouvernement est l'unique responsable de cela, qu'il n'avance pas ou qu'il n'essaie pas d'avancer. La capacité qu'a le gouvernement du Canada de mettre en oeuvre les conclusions de la commission royale d'enquête demain n'existe probablement pas.

    C'est de ces choses qu'il nous faut parler, et non pas de savoir si vos structures de gouvernement sont les bonnes. Ce sont vos affaires. Vous avez cela, et le gouvernement dit que vous avez cela. Nous ne parlons pas des vraies choses. Je voulais simplement savoir ce que vous en pensez, peut-être en termes généraux.

+-

    M. James Wilson: Eh bien, j'ai toujours de la difficulté quand j'entends dire les gens que des milliards et des milliards de dollars vont aux Premières nations; personne ne semble savoir comment cela est défini. Vous êtes tous là, et on dépense pour que cette démarche puisse avoir lieu. Le coût de tout ce processus est-il attribué aux dépenses pour les Autochtones?

    Il est facile de dire «non», il ne l'est pas, mais tout cela est mis dans le même sac, et je suis sûr que M. Chatters, à un moment donné, va prendre le chiffre et dire: eh bien, c'était...de toute façon, nous n'allons pas revenir là-dessus. Nous ne voulons pas une prise de bec de votre côté.

+-

    Le président: Je peux vous dire qu'il y a un budget pour les comités, pour que ceux-ci puissent étudier les lois et se déplacer, et c'est de ce budget que provient l'argent. Il n'y a aucun doute là-dessus. Mais cela ne veut pas dire que d'autres choses, qui peuvent sembler distinctes, ne proviennent pas de ce budget; je ne dis pas cela.

    Monsieur Martin.

¹  +-(1525)  

+-

    M. Pat Martin: Merci, monsieur le président.

    Merci, monsieur Wilson; vous nous avez présenté un exposé intéressant. Je suis d'accord avec la plupart de vos observations. J'aimerais bien avoir un exemplaire de votre exposé. Avant que je parte, nous allons peut-être pouvoir nous organiser pour en obtenir un; j'aimerais en apporter un exemplaire chez moi, si nous pouvons nous organiser.

    Vous avez examiné le projet de loi par le menu, et vous avez recommandé un remaniement de la formulation du préambule. Vous avez déclaré que l'article sur l'objet du projet de loi pourrait être formulé différemment. Je suis d'accord avec vous sur ces deux points.

    Dans les recommandations initiales de l'Assemblée et des Premières nations du vice-chef Satsan--c'est là qu'il est question de l'article non dérogatoire. Recommanderiez-vous que...? De fait, à trois endroits, dans vos recommandations, vous parlez d'un article non dérogatoire. Quel est votre point de vue--à quel endroit et à quel moment faudrait-il faire intervenir un tel article?

+-

    M. Micha Menczer: L'objet d'un article non dérogatoire est également abordé dans un des mémoires. Comme le président l'a reconnu, je suis avocat. Il en est question dans les deux mémoires que j'ai préparés. Je crois que c'était considéré comme un ajout au préambule et à l'article sur l'objet du projet de loi.

    La disposition non dérogatoire montre simplement qu'il n'est pas question d'enlever quoi que ce soit. Cela n'a pas vraiment pour effet d'attribuer quelque chose ou d'accorder une reconnaissance plus officielle. M. Chatters avait raison : il n'est pas question d'attribuer quelque chose; il est question pour le Canada de reconnaître officiellement un droit. Le Canada parle par la voix de ses lois.

    Je crois que la position de l'APN, et certes la position de KDC, c'est que tous les trois serviraient à renforcer ce projet de loi. À l'évidence, l'objet, à notre avis, est faussé. Dès le départ, ce n'est pas le bon message qui est envoyé aux Premières nations.

+-

    M. Pat Martin: Cela m'a intéressé de vous entendre dire : et encore, le projet de loi C-7 fait augmenter les pouvoirs du ministre à certains endroits, plutôt que de céder des pouvoirs effectifs aux Premières nations. Pourriez-vous nous donner des précisions là-dessous?

+-

    M. Micha Menczer: En ce moment, particulièrement en ce qui concerne la question de la gestion des finances et des comptes à rendre, le financement des Premières nations passe par des ententes--ententes sur les transferts budgétaires et ententes sur les transferts en matière de santé. Les ententes particulières dont il est question prévoient des mesures correctives qui permettent au ministre d'intervenir si jamais les choses déraillent.

    Si je me fie à mon expérience, non seulement au KDC, mais au sein d'autres communautés où j'ai travaillé, il existe des dispositions plus précises et certaines mesures de protection pour contrer une intervention qui devient trop facile. Une étape de médiation pourrait être prévue, sinon une Première nation pourrait avoir accès à une façon de remettre en question l'exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre en cas de manquement important aux règles ou en ce qui concerne la mesure, sans devoir intenter--que Dieu me garde--une action d'envergure devant les tribunaux. Cela a été prévu dans d'autres ententes. Ce n'est pas un instrument juridique ou technique qui soit compliqué, mais c'est un élément qui manque.

    Hormis les cas les plus extrêmes de mauvaise foi ou de faute de commission de la part du ministre, auquel cas il faut intenter une poursuite coûteuse, le ministre dispose d'une marge discrétionnaire absolue. Or, comment assumer de tels coûts si on a déjà des difficultés financières?

+-

    M. Pat Martin: Vous marquez un point.

    Avec le peu de temps qu'il me reste, nous pourrions parler des coûts associés à la mise en oeuvre du projet de loi C-7, que ce soit sous sa forme actuelle ou, il est à espérer, sous la forme modifiée que nous allons lui donner.

    Les petites Premières nations ont été nombreuses à affirmer que, étant donné le fardeau que représentent déjà leurs obligations administratives, cela va coûter très cher. Il faudra que l'argent provienne des fonds pour d'autres programmes, par exemple le logement ou la santé, pour que puisse être apportée cette modification des façons de faire.

    Qu'en pensez-vous?

+-

    M. James Wilson: C'est extrêmement coûteux. Je parle d'expérience, étant de la bande de Cape Mudge, étant donné ce que Cape Mudge a fait au cours des quelques dernières années. Comme je l'ai dit plus tôt, la bande de Cape Mudge a participé à des négociations avec le Canada en vue de l'adoption d'une entente sur l'autonomie gouvernementale, un modèle délégué qui devait être appliqué en fonction de ce cadre, pour que le cadre soit là au moment où le traité prendrait fin. Cela s'est effondré. Ensuite, on a essayé de recoller les morceaux et de mettre en place certains des éléments qui faisaient partie de cette discussion, dont un code sur les élections. Il a été très coûteux de mettre tout cela ensemble. Cela a pris beaucoup de temps, et, une fois que nous y sommes parvenus, nous avons déclenché des élections et nous approchions vite de la date du scrutin, et la Loi sur les indiens disait qu'il fallait le faire dans tel ou tel délai, mais les gens, dans l'intervalle, s'étaient déjà prononcés au cours d'un référendum.

    Toute cette démarche a été coûteuse. Il a fallu beaucoup de temps pour retrouver tous les membres de la bande, partout en Amérique du Nord, pour leur dire qu'il y allait avoir un scrutin. L'élection a été déclenchée, et pour résumer, le ministre a signé le code cinq jours avant l'élection que nous avons organisée à l'occasion du référendum, et cela a été jugé conforme aux règles de la Loi sur les Indiens en matière d'élections. Nous étions dans une zone grise, et personne ne savait si le conseil établi était légitime ou non. La bureaucratie nous harcelait et nous invectivait, disant qu'elle allait venir prendre possession de notre bureau parce que nous avions raté le délai. C'était le chaos total, et le Conseil privé a signé le document à peine deux jours avant le scrutin.

    Une des craintes que j'ai, même quand il s'agit de comparaître devant votre comité, c'est d'attirer les représailles du ministre et des bureaucrates, pour avoir fait valoir notre point de vue. Ce n'était pas un très bon exemple de la façon dont les choses devraient fonctionner.

    Je ne veux pas prendre trop de temps, mais Cape Mudge participe à des négociations sur l'autonomie gouvernementale depuis 1969. Les gens ont voté en 1972, et il manquait une voix et demie. Tout ce que nous avons pu obtenir de tout cela, c'est un code, qui, soit dit en passant, doit être ratifié à nouveau au moyen d'un autre référendum, sous le régime du projet de loi C-7.

¹  +-(1530)  

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Hubbard.

+-

    M. Charles Hubbard: Merci, monsieur le président.

    Chef, il est probable que les discussions que nous avons eues aujourd'hui avec vous et M. Menczer ont fait ressortir plusieurs points très importants.

    D'abord et avant tout, monsieur le président, je crois qu'il faut être très méfiant face aux chiffres.

    Je sais, monsieur Chatters, que vous ne cherchiez pas à induire quiconque en erreur, certes, mais je crois que nous devrions étudier la question des dix ou 11 milliards de dollars et nous assurer de ne pas véhiculer le mauvais message. Je crois que c'est probablement un peu exagéré.

    Nous souhaitons également étudier la question, dont on vient de faire mention, de l'appel de noms. Selon le projet de loi qui est proposé, il faut 25 p. 100 pour la ratification, l'approbation. Comme le chef James l'a mentionné, si la moitié des gens vivent hors de la réserve--et ils pourraient se trouver n'importe où--, il est très coûteux d'essayer de préserver les coordonnées de chacun, de savoir où transmettre les lettres, de faire venir les bulletins de vote. La partie du projet de loi qui traite de l'obligation d'obtenir 25 p. 100 devrait probablement être révisée.

    Aussi, je me suis mis à réfléchir quand vous avez parlé de mesures de redressement. Je sais que vous avez présenté de bons renseignements là-dessus, et je vous en félicite. Vos statuts, par exemple, semblent englober nombre des éléments dont il est question dans le projet de loi C-7.

    Mais les mesures de redressement représentent une autre partie--et, probablement, monsieur Menczer, vous avez mentionné cela pour ce qui est de votre...

    Il semble, chef James, que vous disiez aussi que le redressement doit être un jeu qui se fait dans les deux sens. Pendant de nombreuses années, j'ai été directeur dans une assez grande école secondaire. Celui qui avait un emploi comme le mien était une sorte d'intermédiaire. Je songe à l'argent que je peux obtenir de diverses sources et j'essaie de voir si je peux l'investir au bon endroit; l'intermédiaire a parfois un boulot très difficile à accomplir, parce que tout le monde a des attentes. Mais est-ce qu'il vous appartient à vous de l'offrir?

    Monsieur le président, nous devrions probablement étudier la question du redressement en songeant non pas seulement aux gens en bas de l'échelle qui souhaitent qu'une situation soit redressée, mais aussi les gens au milieu qui essaient de voir un redressement, c'est-à-dire que le ministre et le MAINC, le ministère, se concerte avec le chef et le conseil.

    Vous avez certainement fait valoir de nombreux arguments légitimes, chef James. Vous couvrez beaucoup de terrain. Nous apprécions certainement cela. Nous allons étudier ces questions et, il est à espérer, nous allons trouver quelques idées.

    L'autre grand argument que vous faites valoir, c'est que, selon vous, la loi est trop empreinte de paternalisme. Ce n'est pas tellement une sorte de coopération; ce serait plutôt quelqu'un qui dit: «Voici ce qu'il faut faire.»

    Il y a peut-être le ton du texte, monsieur le président, qu'il faudrait revoir aussi.

    Merci.

¹  +-(1535)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Voilà qui met un terme à cette partie de l'audience. J'aurais aimé vous accorder un peu de temps pour une conclusion, mais l'exposé a duré 30 minutes.

+-

    M. James Wilson: Je crois qu'il me reste peut-être un peu de temps.

+-

    Le président: Êtes-vous avocat? D'accord, je vous crois. Vous avez une minute.

+-

    M. James Wilson: Merci, monsieur le président.

    Il y a une chose dont je voudrais m'excuser. Quand je me suis assis et que je me suis présenté, j'ai omis de saluer les gens de Snuneymuxw et de les remercier de permettre que nous organisions nos séances ici, sur leur territoire.

    Pendant qu'il me reste une douzaine de secondes, je souhaite simplement saluer mes enfants, qui sont assis à l'arrière. Ils vivent ici et y fréquentent l'école. Ils ont vécu beaucoup de choses, avec un père qui s'éloigne de la maison pour participer à des activités comme celle-ci.

    Encore une fois, merci. On ne sait jamais, je vous verrai peut-être à Prince Rupert.

+-

    M. Charles Hubbard: Lesquels sont vos enfants? Est-ce qu'ils pourraient se lever?

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    J'ai beaucoup de respect pour les avocats. Ne vous en faites pas si je vous taquine.

    Nous allons maintenant entamer notre table ronde. Accueillons Mme Gloria Cope, de l'organisme Aboriginal Neighbours, pour dix minutes.

+-

    Mme Gloria Cope («Aboriginal Neighbours»): Merci beaucoup.

    Je tiens à saluer moi aussi les gens de Snuneymuxw. J'habite leur territoire, et il fait très bon y vivre.

    Je veux d'abord vous dire bonjour, ensuite, vous raconter une petite histoire avant d'entamer mon programme. Cela remonte à quelques années.

    J'étais à l'aéroport de Calgary en compagnie d'une dame de la Première nation de Salish; nous étions dans la boutique de souvenirs, où nous regardions des cartes de souhaits. Sur ces cartes de souhaits de l'Ouest, il y avait des cowboys, des Indiens, etc. Elle m'a dit: «Gloria, j'ai toujours eu un faible pour le cowboy.» Je lui ai dit: «J'ai toujours eu un faible pour les Indiens.» Elle a dit: «Je parlais de l'Indien.»

    Aboriginal Neighbours souhaite vous remercier de l'occasion que vous nous offrez de comparaître devant vous aujourd'hui. Je m'appelle Gloria Cope. Je prends la parole au nom de mon groupe, Aboriginal Neighbours. Sous l'égide de l'Église anglicane du Canada, nous avons formé notre groupe en 1996, en guise de réponse du diocèse à la question du mauvais traitement des jeunes Autochtones dans les internats. Notre but, c'est d'accompagner nos voisins tandis qu'ils recherchent une forme de guérison et de favoriser l'établissement de relations nouvelles entre les Autochtones et les Non-Autochtones de l'Église et de la collectivité dans l'ensemble. Nous sommes bénis parce que nous comptons des membres autochtones et non autochtones qui savent qu'une bonne relation est essentielle au bien-être du Canada.

    Après six ans, la valeur des travaux de pionniers que nous effectuons commence à être reconnue au sein de l'Église anglicane partout au Canada. Grâce à ces travaux, nous nous sommes sensibilisés aux questions autochtones et à l'effet que les lois du passé ont eu sur les Premières nations. Il est apparent que le projet de loi envisagé aujourd'hui pose une nouvelle menace pour leur bien-être. De nombreuses préoccupations ont été exprimées ici aujourd'hui, mais j'aimerais souligner que, chez Aboriginal Neighbours, nous nourrissons les mêmes préoccupations. Il est question des conséquences qui se tapissent en quelque sorte derrière les tournures juridiques du projet de loi C-7.

    Tout de même, ce sur quoi les préoccupations ainsi exprimées n'insistent pas suffisamment, c'est le fait que, malgré de nombreuses commissions et études, décision de la Cour suprême, déclaration en faveur de négociations transparentes et équitables, la politique gouvernementale à l'égard des Premières nations n'a pas vraiment évolué depuis l'adoption de la loi sur les Indiens de 1876, qui assujettit les Premières nations à une forme d'asservissement sous le régime de l'État. De fait, il existe toujours un écart énorme entre les peuples du Canada ou entre les Premières nations et ceux qui ont eu le privilège de s'établir sur leur territoire.

    Le prix Nobel Aung San Suu Kyi, de la Birmanie, à l'occasion d'un message vidéo enregistré à la quatrième conférence mondiale sur les femmes des Nations Unies, en 1995, a tenu les propos suivants:

[...] la race humaine ne se divise pas en deux camps opposés qui incarneraient le bien et le mal. Elle est partagée entre ceux qui sont capables d'apprendre et ceux qui sont incapables de le faire. Je parle non pas d'apprendre au sens étroit, c'est-à-dire de faire des études dans un établissement, mais plutôt d'apprendre en tant que processus d'absorption des leçons de la vie, qui nous permet d'accroître la paix et le bonheur dans notre monde.

    Ce que j'ai appris de mes amis des Premières nations, c'est qu'il faut ce genre d'apprentissage pour que nous puissions repenser ce que nous croyons déjà savoir. Einstein a déjà fait remarquer que rien ne saurait changer si nous ne changeons pas notre façon de penser. Si difficile que cela puisse être, nous devons particulièrement reconnaître que ce à quoi nous avons affaire ici, c'est un préjugé sous-jacent qui est énorme. Si vous vous reportez aux années 60, vous allez voir le genre de changement dont je parle. Le mouvement des droits civils et le mouvement féministe sont venus contester les préjugés raciaux et sexuels qui avaient cours dans le monde occidental. C'était une époque radicale et difficile, mais cela a changé notre façon de penser.

¹  +-(1540)  

    Je suis certaine que certains d'entre vous l'avez fait aussi. Ces travaux-là ne sont pas encore terminés, mais c'est un très bon début. C'est le genre de changement qui doit caractériser notre relation avec nos frères et soeurs des Premières nations.

    Notre défi consiste à mieux ouvrir les oreilles pour écouter. Pour progresser, il nous faut corriger les torts du passé. Pour faire cela, nous devons prendre le temps de vraiment comprendre de quoi il s'agit, non pas de notre perspective actuelle, mais plutôt en ouvrant les oreilles, du point de vue des Premières nations.

    Cela est essentiel, c'est d'une importance capitale. Nous n'allons jamais bâtir un Canada nouveau s'il repose sur des fondements d'injustice et de méfiance. Depuis plus de 100 ans, notre arrogance coloniale a fait taire ces gens qui parlent d'un point de vue autre que le nôtre. Leur patience à notre égard a été incroyable. Mais cela ne durera pas toujours. À coup sûr, ils ne se soumettront jamais, ni ne faudrait-il qu'ils le fassent.

    Ma propre réflexion à ce sujet n'a changé que depuis 12 ans environ, mais voilà une autre histoire. Pour ceux d'entre vous qui croient que je vous fais perdre votre temps avec des balivernes d'idéaliste, je vous mets au défi d'étudier la racine des problèmes qui sévissent dans des pays comme l'Irlande et Israël. Ce qu'on voit dans ces pays aujourd'hui, c'est le résultat du fait que les gens n'ont pu aller au-delà de leurs propres perspectives, de façon à pouvoir considérer l'histoire qu'ils ont en commun avec les autres, de l'autre côté de la clôture.

    Jusqu'à cette année, le Canada était respecté dans la communauté internationale en tant que pays qui accorde de la valeur au pouvoir, à la paix et à la réconciliation. Ne ratons donc pas l'occasion qui nous est offerte; cela a des conséquences mondiales. Nous vivons actuellement à une époque qui présente la possibilité d'agir, de créer une harmonie des cultures.

    Nul besoin d'être un génie pour le voir. Il suffit d'apprendre à connaître l'autre, de l'écouter en tant qu'égal ou, pour le dire comme le disent les Premières nations, de traiter de nation à nation.

    C'est seulement lorsque les gens vont se connaître et se faire confiance que nous allons pouvoir mettre en commun nos deux sagesses et en faire les fondements du Canada de l'avenir. Cela ne s'est pas encore fait, et jusqu'à ce moment-là, il faut retirer le projet de loi C-7.

    Nous sommes d'avis, après mûre réflexion, que le projet de loi C-7 nuirait aux membres des Premières nations. Par conséquent, Aboriginal Neighbours recommande que les conclusions de la Commission royale sur les peuples autochtones, née à l'instigation du gouvernement, soient adoptées et mises en oeuvre en consultation avec les Premières nations. Après cinq années de consultations difficiles et exhaustives et des dépenses qui se chiffrent dans les millions de dollars, nous avons eu droit à une réflexion équitable et globale sur les problèmes auxquels font face nos voisins des Premières nations.

    Aboriginal Neighbours souhaite vous remercier à nouveau de l'occasion qui lui est offerte de comparaître aujourd'hui devant le comité.

¹  +-(1545)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Nous n'avons pas assez de temps pour faire le tour, mais vous nous autoriserez peut-être une petite observation.

    Cela fait mal un peu de savoir que certains d'entre vous croyez nous faire perdre notre temps. Ceux parmi nous qui ont la feuille de route voulue--et je compte tous les partis--pour faire partie de comités exotiques comme celui des Affaires étrangères et voyager de par le monde siègent à notre comité parce qu'ils sont dévoués envers une tâche qu'ils abordent sincèrement.

+-

    Mme Gloria Cope: Je l'apprécie et je le sais. Je vous ai observé aujourd'hui et hier, et je sais que cela ne doit pas être facile de rester là assis pendant des heures. Mais voici le message que je souhaite que vous transmettiez à Ottawa, à Robert Nault, que j'ai écouté ce matin en entrevue avec Don Newman à l'émission Politics. Pour lui, le tour était joué, et cela m'a vraiment choquée. Il y a donc un message très certain que vous devez lui transmettre. Je vous souhaite bonne chance.

+-

    Le président: Vous allez peut-être être soulagée, vous et d'autres, de savoir que notre comité n'est pas un comité du gouvernement, ce n'est pas un comité du ministre et ce n'est pas un comité du Premier Ministre. C'est un comité de la Chambre des communes. La personne qui nous a confié notre tâche est Peter Millikin, président de la Chambre.

    Merci beaucoup.

+-

    Mme Gloria Cope: D'accord, monsieur.

    J'ai ces documents. Qui en veut?

+-

    Le président: Veuillez les remettre à la greffière. Elle s'occupera de les faire traduire et de les remettre aux gens;

    Je souhaite la bienvenue à Mme J. R. Wytenbroek, du Collège universitaire Malaspina, et présidente du comité des droits de la personne de la Malaspina Faculty Association. Veuillez prendre place à l'avant, Nous disposons de dix minutes.

    Pendant que vous vous préparez, je dirai aux autres personnes présentes--pour ceux d'entre vous qui ne s'adresseront pas au comité ou qui ne sont pas censés s'adresser au comité, nous allons vous accorder deux minutes pour présenter des observations tout juste à la suite de l'exposé de M. Wytenbroek.

+-

    M. J. R. Wytenbroek (président du comité des droits de la personne, Malaspina Faculty Association, Collège universitaire Malaspina): Merci.

    C'est avec bonheur que je me trouve ici aujourd'hui, et je me réjouis de l'occasion qui m'est offerte de m'adresser à vous. Vous avez en main un exemplaire de mon mémoire, et je vais en citer certains extraits, mais pas l'intégralité.

    Je m'appelle Lynn Wytenbroek. Je suis présidente du comité des droits de la personne de l'Association des enseignants du Collège universitaire Malaspina. Mon exposé portera donc sur les aspects relatifs aux droits de la personne du projet de loi C-7.

    Dans le roman applaudi qu'il a écrit à propos du colonialisme en Afrique, Au coeur des ténèbres, Joseph Conrad présente Kurtz, favori colonial et auteur d'atrocités innommables à l'encontre des Africains. À un moment donné, Kurtz s'exclame: «Exterminez toutes ces brutes!» en parlant des Africains. À l'article de la mort, il livre ses dernières paroles au commandant du bateau: «L'horreur! L'horreur!» Quand Marlow retourne en Europe et que la fiancée de Kurtz lui demande quelles ont été ses dernières paroles, de façon diplomate, mais avec honnêteté et brutalité, il dit: «Il a dit votre nom».

    Au nom de la société d'origine européenne qui prédomine ici au Canada, depuis plus de 200 ans, le gouvernement fédéral, aux côtés des autres institutions au Canada, a commis à répétition des actes horribles d'oppression coloniale à l'encontre des gens des Premières nations. Il y a eu des tentatives faites de régler le problème indien, comme on pouvait l'appeler à l'époque, par l'extermination délibérée des gens eux-mêmes au moyen de la distribution de couvertures infestées par le virus de la variole—un acte de génocide racial. Il y a eu négligence par inadvertance, et aussi le programme d'assimilation au moyen d'un génocide culturel, dont certains éléments étaient les internats, conçus pour éliminer les traditions des Premières nations, les religions, les langues et la culture.

    Le gouvernement fédéral a cessé d'essayer d'exterminer délibérément et directement les Premières nations et a fermé ses internats, ce dont nous sommes tous reconnaissants. Au moment où les églises et d'autres institutions recherchent la réconciliation avec les Premières nations, le gouvernement dépose le projet de loi C-7, qui va directement à l'encontre de la reconnaissance, au sein de la société dans son ensemble, du fait que les processus socio-politiques et la culture des Premières nations sont différents de ceux de la société canadienne dans son ensemble, tout en demeurant valables.

    En essayant d'instaurer de nouvelles façons des politiques de génocide socio-politique, le projet de loi C-7 va à l'encontre de plusieurs documents de l'ONU concernant les droits de la personne auxquels le Canada a apposé sa signature ou apporté sa contribution. La Déclaration universelle des droits de l'homme cite, à l'article 22, que chacun a le droit de réaliser les «droits économiques, sociaux et culturels indispensables à sa dignité».

    Le projet de déclaration de l'ONU sur les droits des peuples autochtones apporte une précision à ce droit humain fondamental: on y lit d'abord l'affirmation où est reconnu «le droit de tous les peuples à être différents, à s'estimer différents et à être respectés en tant que tels». Cela veut dire que les Autochtones, entre autres, doivent pouvoir se gouverner eux-mêmes d'une manière qui est particulière à leurs normes culturelles, et non pas aux normes imposées par des gens ou des organismes de l'extérieur.

    L'article premier du Pacte international relatif aux droits civils et politiques affirme que tous les peuples ont le droit à l'autodétermination. En vertu de ce droit, ils peuvent déterminer librement leur statut politique. Ce sont précisément ces dispositions en matière d'autonomie que le projet de loi C-7 menace de faire disparaître. De plus, l'article 7 de la même déclaration dénonce vivement le génocide sous toute forme:

Les peuples autochtones ont le droit, à titre collectif et individuel, d'être protégés contre l'ethnocide ou le génocide culturel, notamment [...] toute forme d'assimilation ou d'intégration à d'autres cultures ou modes de vie imposée par des mesures législatives, administratives ou autres;

    Le projet de loi C-7, encore une fois, fait précisément ce qui est interdit par l'article 7. Il impose aux Premières nations une structure de gouvernance uniforme qui fait fi des structures de gouvernance très variées qui sont les leurs et exige d'elles qu'elles s'intègrent au modèle prédominant de structure politique canadienne au niveau municipal. Il ne prévoit ni le temps ni les ressources nécessaires pour que l'on propose des variations individuelles par rapport à ce modèle. Et encore, même si ce but était réalisé, cela exigerait encore un degré d'assimilation que les Premières nations ont dénoncé à répétition comme étant inacceptable.

¹  +-(1550)  

    Au XXIe siècle, une telle dérive néo-colonialiste dépasse les bornes. Il faut abandonner tout à fait le projet de loi C-7 pour mettre en oeuvre plutôt les recommandations de la commission royale de 1996 sur les peuples autochtones. La commission royale a représenté une entreprise exhaustive, comme mon collègue vient de le souligner. Les résultats ont été jugés satisfaisants par les Premières nations de tout le Canada.

    À propos de la question de la gouvernance, la commission royale conclut:

[...] il faut laisser les autochtones exercer leur autonomie et élaborer leurs propres solutions. Il faut mettre fin au paternalisme débilitant et discriminatoire qui caractérise depuis 150 ans la politique fédérale dans le domaine.

    Le fait que le rapport de la commission royale ait été tout simplement mis sur les tablettes et que personne n'en tienne compte, cependant que le gouvernement fédéral continue d'appliquer des lois discriminatoires, est inacceptable.

    Les recommandations formulées à la suite de cet examen des droits de la personne reposent également sur le fait que le Canada s'est vu reprocher très récemment, soit en 1999, par le Comité des droits de l'homme de l'ONU, le traitement qu'il réserve aux membres des Premières nations et la lenteur qu'il met à élaborer des solutions acceptables aux problèmes auxquels font face les gens des Premières nations ici au Canada. Étant que d'autres groupes, y compris les Premières nations au Canada, se sont plaints auprès de ce même comité des problèmes en question, le Canada doit vraiment examiner sa place dans le monde en ce qui concerne les droits de la personne.

    Sur le plan des droits de la personne, notre bilan est extrêmement bon par rapport à ceux des autres pays, et cela nous vaut un grand respect, mais c'est un respect qui diminue rapidement, en proportion avec la lenteur que nous mettons à améliorer notre traitement des Premières nations, conformément aux déclarations et ententes internationales en question.

    Parmi les recommandations que nous formulons pour nous rétablir en tant que pays qui se soucie vraiment des droits fondamentaux de toutes les personnes à l'intérieur de ses frontières, notons les suivantes:

    ...Le gouvernement fédéral devrait créer un climat de confiance et de respect concernant son processus et ses intentions à l'égard des Premières nations en agissant de bonne foi et en acceptant que les Premières nations aient voix au chapitre en ce qui concerne leurs terres, leurs ressources, leur gouvernance et d'autres droits inscrits dans les recommandations de la commission royale sur les peuples autochtones;

    ...Le gouvernement fédéral devrait reconnaître le fait que le projet de loi C-7 va à l'encontre non seulement des ententes internationales sur les droits de la personne, mais aussi de sa propre Constitution;

    ...Le gouvernement fédéral devrait donc faire en sorte que la Loi sur les Indiens ainsi que l'ensemble des ajouts et des amendements qui sont proposés concordent avec sa propre Constitution ainsi qu'avec les déclarations internationales; et

    ...Enfin, le Canada devrait rétablir sa place dans le monde à titre de chef de file des droits de la personne, en théorie et en pratique, en éliminant le projet de loi C-7 et en adoptant les recommandations de la commission royale sur les peuples autochtones, qui sont acceptables aux yeux des peuples acceptables et qui concordent avec tous les documents de l'ONU sur les droits de la personne.

    Merci.

¹  +-(1555)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Nous disposons d'une minute et demie si quelqu'un souhaite poser une question afin d'avoir des précisions, et nous allons accorder le même temps aux autres députés qui le souhaitent.

+-

    M. Maurice Vellacott: Ma question, madame Wytenbroek, s'articule autour de l'idée que le projet de loi propose d'appliquer la Loi canadienne sur les droits de la personne dans la mesure voulue pour quelle concorde avec des principes qui suscitent l'égalité. À partir de cela, nous savons aussi qu'il y a une autre partie du projet de loi qui semble bien «avoir préséance» sur ces mesures de protection—c'est-à-dire que les besoins ou les aspirations d'un gouvernement autochtone peuvent avoir préséance sur les besoins de protection prévus dans la Loi canadienne sur les droits de la personne. Avez-vous des observations à formuler là-dessus, ou croyez-vous qu'il s'agit d'une bonne idée? Autrement dit, dites-nous ce que vous pensez du fait que les droits des femmes autochtones soient protégés pour la première fois.

+-

    M. J. R. Wytenbroek: Oui. Pour revenir à la commission royale, étant donné que la commission royale était acceptable, qu'elle a eu lieu à la suite d'une consultation poussée auprès de membres de la communauté autochtone des deux sexes, je proposerais que nous en fassions tout au moins un point de départ. S'il faut poursuivre encore la discussion concernant l'égalité entre les sexes, alors certainement il faut le faire. Mais à l'époque où on a fait cela, en 1996, la commission a été acceptée de façon générale; je reviendrai donc à cette position.

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Martin, voulez-vous prendre la dernière minute?

+-

    M. Pat Martin: Oui, si j'ai une minute. Merci.

    Je m'intéresse au passage que vous avez cité de la Déclaration des droits des peuples autochtones. L'article 7 dit expressément: «[...] toute forme d'assimilation ou d'intégration [...] imposée par des mesures législatives, administratives ou autres [...]» Je ne saurais imaginer une description plus exacte de ce que le projet de loi C-7 vise à faire. Si vous avez d'autres observations à ce sujet, elles seraient appréciées.

+-

    M. J. R. Wytenbroek: Avec le peu de temps qu'il me reste, je dirai simplement que le projet de loi C-7 fait exactement cela. Il va à l'encontre des droits législatifs et administratifs à l'autodétermination et, par conséquent, ne peut être considéré comme une réaction possible à la lumière de cette déclaration, dont le Canada a participé très activement à une partie de la rédaction.

+-

    Le président: Monsieur Hubbard.

+-

    M. Charles Hubbard: Merci, monsieur le président.

    Nous avons droit ici à un document très complexe sur les droits de la personne. Je présume, madame Wytenbroek, que c'est la pensée derrière le projet de loi C-7 bien plus que certains éléments du projet de loi qui vous cause des soucis? En avez-vous fait une étude minutieuse?

+-

    M. J. R. Wytenbroek: Je n'en ai pas fait une étude minutieuse. Je l'ai certainement parcouru, ou j'ai lu les parties qui portent sur les droits de la personne, et il me semble qu'il se trouve dans le projet de loi C-7 des énoncés directs--ce n'est pas seulement en principe--par exemple, qui vont absolument à l'encontre de ce projet de déclaration de l'ONU dont nous discutions.

+-

    M. Charles Hubbard: Monsieur le président, auriez-vous l'obligeance de lui demander de présenter un mémoire, peut-être, à l'intention du comité sur les éléments particuliers du projet de loi C-7 qui lui causent des soucis?

+-

    Le président: Pourrions-nous vous demander de transmettre cela à la greffière? Nous le ferons circuler.

+-

    M. J. R. Wytenbroek: Je serai heureuse de le faire.

+-

    Le président: Merci beaucoup, et nous vous remercions d'avoir présenté votre exposé.

+-

    M. J. R. Wytenbroek: Merci.

+-

    Le président: Est-ce que M. Steve Lawson est présent? Non? Nous allons donc passer aux déclarations des particuliers.

    M. Frank Brown. Non?

    Mme Terri Brown? Elle n'est pas là?

    Mme Lois Powell?

    Mme Shana Robinson?

    Eileen Wttewaall? Bon, allez-y.

º  +-(1600)  

+-

    Mme Eileen Wttewaall (À titre individuel): Je remercie le comité du travail qu'il accomplit et les Autochtones chez qui nous nous retrouvons.

    Je suis Eileen Wttewaall, de Saltspring Island. Nous travaillons à la fois de concert avec le groupe oecuménique Kairos et le groupe pour la justice et la réconciliation.

    Ayant été ici toute la journée et ayant écouté les différents exposés, je vois qu'il y a un véritable affrontement entre les visions du monde--entre des politiques gouvernementales qui, en général, sont paternalistes et vidées de coopération et de respects que réclament les Premières nations dans chacun de leurs exposés.

    Un point de vue repose sur l'idée de valider la domination des droits qu'ont l'individu et le groupe d'utiliser librement de tout moyen nécessaire pour harnacher les énergies de la nature et des êtres humains en vue de favoriser une prétendue avancée. L'autre repose sur l'idée selon laquelle, en tant qu'individu et collectivité, les gens ne constituent qu'un petit segment de la grande toile de vie et que si nous en détruisons une partie, nous détruisons une partie de la toile qui soutient la vie sur notre planète.

    Je vois ce qui est survenu du fait de la Loi sur les Indiens depuis 1876 et l'attente qui y est sous-jacente, soit que les nations indiennes représentent une société en phase terminale qui finirait par disparaître naturellement en passant de leur sauvagerie originelle à la civilisation canadienne. Cette attitude colonialiste, empreinte de supériorité et de volonté d'assimilation, a été et demeure aujourd'hui le principe directeur des modifications périodiques apportées à la loi.

    Le rejet vif et prévisible par les Premières nations du projet de loi C-7, si vous voulez mon avis, invalide le projet de loi--qui ne saurait servir à créer une relation plus juste et donc plus saine entre les gens des Premières nations et le gouvernement fédéral. Je vois donc--

+-

    Le président: Vous devez tirer une conclusion. Vous avez dépassé les deux minutes allouées.

+-

    Mme Eileen Wttewaall: D'accord.

+-

    Le président: Prenez 10 ou 15 secondes.

+-

    Mme Eileen Wttewaall: Je vois ici l'occasion pour le gouvernement du Canada de prendre la situation en main, de songer à toutes les choses dont vous avez entendu parler et qui mettent le gouvernement fédéral au défi de prendre les choses en main, de dire que nous ne souhaitons pas l'assimilation de nos Premières nations, que nous souhaitons travailler avec elles, travailler en vue de nous donner un pays plus fort et meilleur.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    M. Richard Behn.

    S'il reste quelqu'un, nous avons encore du temps.

+-

    M. Richard Behn (coordonnateur, Northeast Aboriginal Trappers Society): D'abord, j'aimerais reconnaître la providence et la bénédiction du Créateur .

    J'apprécie le fait que les gens de Snuneymuxw vous aient permis d'organiser votre audience ici, sur une partie de leur territoire.

    Il y a quelques années, au moment où la commission Penner faisait enquête sur la situation des Autochtones au pays, elle a entamé ses travaux tout juste au bout du chemin, à un endroit qui s'appelle Snuneymuxw, ou Nanoose.

    Je vais prendre mes deux minutes pour voir si je peux y rendre compte de mes 52 années d'expérience, en si peu de temps.

    Je suis un produit des internats. On m'a inscrit à l'école avant mon sixième anniversaire de naissance. J'ai passé neuf ans dans l'établissement, où j'ai été l'objet des mauvais traitements dont vous faites la lecture dans les journaux et, malheureusement, dont vous entendez parler dans les affaires judiciaires, et qui ont visé à apporter la justice à cette affaire, à régler la situation et à mettre en perspective les actes qui ont été commis sur la personne des Autochtones au Canada. Je sais que c'est un fardeau que je vais porter jusqu'à la fin de mes jours. Ce n'est pas qu'il s'agisse d'un choix de ma part, mais c'est tout simplement la vie qui est comme ça. J'en ai assez parlé maintenant.

    Je suis ici au nom de la North East Aboriginal Trappers Society, groupement aux attaches plus ou moins strictes qui réunit, si vous voulez, les dirigeants des territoires traditionnels ou concessions de piégeage qui existent dans le nord-est de la Colombie-Britannique.

    Je suis né dans l'ancienne ville de Fort Nelson.

    Notre peuple a été assujetti à plusieurs actes et textes de loi qui ont détruit sa capacité de fonctionner de la façon dont il avait été formé et élevé. Les protocoles traditionnels qui nous permettaient de nous gouverner nous-mêmes ne sont pas une chose que d'autres vont nous donner en cadeau. L'autonomie gouvernementale ne vient que du fait de l'avoir. S'il y a quelqu'un qui doit le donner, ce n'est pas de l'autonomie gouvernementale.

º  -(1605)  

+-

    Le président: Excusez-moi, mais nous sommes rendus à deux minutes et demie. Je vais vous accorder 30 autres secondes.

+-

    M. Richard Behn: Je l'apprécie, monsieur le président.

    Le comité doit véhiculer un message tout à fait sans équivoque : le projet de loi C-7 ne va pas résoudre le problème; il va l'aggraver. De fait, il va causer davantage de tort, et les Autochtones ne vont pas s'entendre pour dire qu'il faut permettre à un autre groupe de personnes de déterminer, pour nous, ce qu'est l'autonomie gouvernementale.

-

    Le président: Merci beaucoup. Vos observations sont dans le compte rendu.

    Y a-t-il quelqu'un qui aurait souhaité prendre la parole, mais qui n'en a pas eu l'occasion?

    Merci beaucoup à tous ceux qui ont participé. Nous avons certes appris beaucoup de choses aujourd'hui—il y a beaucoup d'émotions—et cela nous aidera à faire notre travail. Ce que nous avons à faire n'est pas facile. Nous savons que, une fois notre travail fait et le projet de loi C-7 renvoyé à la Chambre des communes, la Loi sur les Indiens ne sera pas un bon texte de loi; ce sera un texte de loi qui comporte des défauts. Si nous pouvons l'améliorer jusqu'à ce que nous puissions mieux faire par d'autres moyens et garantir l'autonomie gouvernementale et toutes les choses dont vous parliez, nous allons faire de notre mieux pour améliorer le texte de loi. Mais nous ne croyons pas un seul instant que le travail qui nous est confié en rapport avec le projet de loi C-7 nous permettra de régler tous les problèmes.

    Merci beaucoup. Votre ville est belle. Vous êtes beaux, et notre travail ici a été un plaisir.

    La séance est levée.