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AANR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mercredi 12 février 2003




¹ 1535
V         Chef Bill Erasmus (chef national, Nation Dene; vice-chef, Assemblée des Premières nations, Territoires du Nord-Ouest)

¹ 1540

¹ 1545

¹ 1550

¹ 1555

º 1600
V         Le président
V         M. Maurice Vellacott (Saskatoon—Wanuskewin, Alliance canadienne)

º 1605
V         Chef Bill Erasmus
V         M. Maurice Vellacott
V         Chef Bill Erasmus
V         M. Maurice Vellacott
V         Chef Bill Erasmus

º 1610
V         M. Maurice Vellacott
V         Chef Bill Erasmus
V         M. Maurice Vellacott
V         Chef Bill Erasmus
V         M. Maurice Vellacott
V         Chef Bill Erasmus
V         Le président
V         M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ)
V         Chef Bill Erasmus

º 1615
V         M. Yvan Loubier

º 1620
V         Chef Bill Erasmus
V         Le président
V         M. Julian Reed (Halton, Lib.)
V         Chef Bill Erasmus
V         M. Julian Reed

º 1625
V         Chef Bill Erasmus
V         M. Julian Reed
V         Chef Bill Erasmus
V         M. Julian Reed
V         Chef Bill Erasmus
V         M. Julian Reed
V         Chef Bill Erasmus
V         M. Julian Reed
V         Chef Bill Erasmus
V         M. Julian Reed
V         Le président
V         M. Yvan Loubier

º 1630
V         Chef Bill Erasmus
V         Le président
V         Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.)

º 1635
V         Chef Bill Erasmus
V         Mme Nancy Karetak-Lindell
V         Chef Bill Erasmus
V         Mme Nancy Karetak-Lindell
V         Chef Bill Erasmus
V         Mme Nancy Karetak-Lindell
V         Chef Bill Erasmus

º 1640
V         Le président
V         M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.)
V         Chef Bill Erasmus
V         M. Charles Hubbard

º 1645
V         Chef Bill Erasmus
V         M. Charles Hubbard
V         Chef Bill Erasmus

º 1650
V         Le président
V         M. Yvan Loubier
V         Le président

º 1655
V         M. Yvan Loubier
V         Le président

» 1700
V         Chef Bill Erasmus
V         Le président
V         Chef Bill Erasmus

» 1705
V         Le président










CANADA

Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles


NUMÉRO 026 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 12 février 2003

[Enregistrement électronique]

¹  +(1535)  

[Traduction]

+

    Chef Bill Erasmus (chef national, Nation Dene; vice-chef, Assemblée des Premières nations, Territoires du Nord-Ouest): Merci, monsieur le président.

    Je mentionne pour le compte rendu que je suis Bill Erasmus, chef adjoint de l'Assemblée des Premières nations pour les Territoires du Nord-Ouest et également, chef national de la Nation dénée.

    Merci de m'avoir invité. Je devais au départ vous parler de Yellowknife par vidéoconférence, mais je devais également me rendre ici pour assister à d'autres réunions. Je suis heureux de vous rencontrer en personne. Je connais certains d'entre vous et je suis heureux de revoir ces personnes.

    Je n'ai pas préparé de notes mais je vous enverrai par la suite quelques commentaires, pour que vous ayez quelque chose sur papier.

    J'aimerais tout d'abord parler du point de vue plus large qui est le mien, à titre de chef adjoint de l'Assemblée des Premières nations, et vous parler d'une façon générale du Canada, pour ensuite traiter plus particulièrement du Nord, de la région d'où je viens. Je crois que nous avons une heure et demie. Cela va prendre 20 à 25 minutes. Nous pourrons passer ensuite aux questions et aux réponses, et cela devrait fonctionner. Il est possible que nous terminions plus tôt; cela dépendra de la façon dont se déroulera notre discussion.

    Tout d'abord, je crois qu'il faut mentionner que les membres des Premières nations qui ont travaillé pour leurs collectivités ont assisté à des changements très rapides. Sur le plan de la réflexion politique, il s'est fait beaucoup de choses depuis 30 à 40 ans, si on pense à d'autres peuples et à d'autres situations politiques.

    Si nous remontons à 1969, année au cours de laquelle la plupart de nos organisations, comme la Nation dénée, ont été créées, c'était parce que l'on parlait de réviser la Loi sur les Indiens. Le premier ministre de l'époque, M. Trudeau, avait déclaré, par exemple, que nous n'avions aucun droit, aucun privilège ni pouvoirs spéciaux, et que, si nous en avions, ils étaient de toute façon éteints par les traités ou par l'effet de la loi. L'idée à cette époque était d'assimiler nos peuples pour qu'ils s'intègrent à la société canadienne.

    Depuis cette époque, il s'est passé beaucoup de choses dans notre pays, tout récemment encore, au début des années 80. Le Canada a maintenant rapatrié sa Constitution et il y a eu un certain nombre de décisions judiciaires et de règlements de revendication, et dans une certaine mesure, l'exercice de droits.

    Cela dit, je pense qu'un des problèmes—et je crois que je vais surtout parler des difficultés ou des aspects qui font problème, d'après nous—est qu'au cours des années nous avons reconnu qu'on ne pouvait adopter la même solution pour tous. Il est impossible d'imposer un type de gouvernance à toutes les Premières nations, ni une façon d'administrer les affaires communautaires à tous les peuples.

    Nous avons déjà eu cette discussion. Nous avons déjà eu ce débat. Nous avons reconnu que cela était vrai. Il y a donc des peuples comme le nôtre, les Dénés, qui se sont engagés dans la voie de l'autonomie gouvernementale. Il y a dans le Nord une situation qui rend cela possible. C'est une réalité. Nous représentons une grande partie de la population, au moins 50 p. 100.

¹  +-(1540)  

Nos membres participent activement aux travaux de l'Assemblée législative. Nous participons à des négociations où nous parlons précisément du genre de gouvernement qui sera mis sur pied dans quelques années. C'est une chose concrète.

Le problème que pose ce projet de loi est qu'il cadre mal avec la réalité. Nous travaillons en étroite collaboration avec le gouvernement territorial. Nous travaillons également en étroite collaboration avec le gouvernement fédéral. Comme je l'ai dit, nous sommes peut-être les seuls dans ce pays à envisager une situation dans laquelle nous pourrons nous gouverner nous-mêmes.

Nous parlons par exemple du partage des recettes provenant des ressources, de financement indépendant, des pouvoirs, y compris des compétences législatives, qu'auront nos gouvernements. La question qui se pose est donc celle de savoir si le projet de loi C-7 va nous aider? Comment s'intègre-t-il à nos projets? C'est ce que nous avons eu la possibilité d'examiner.

La première chose que l'on constate est que ce projet de loi ne parle pas vraiment de gouvernance mais d'administration. Il ne reconnaît pas les pouvoirs inhérents que nous avons en tant que peuple mais il essaie d'exercer un contrôle sur la façon dont fonctionnent nos collectivités et d'amener les autorités des bandes, les conseils, à rendre des comptes.

Nous estimons que ce n'est pas la solution. Je crois qu'il faut revenir à nos discussions antérieures. Il faut reconnaître les rapports spéciaux que nous entretenons. La plupart de nos peuples ont conclu des ententes, des traités de nature internationale. Ces ententes sont intervenues entre nous et la Couronne à l'époque, la plupart d'entre elles avec l'Angleterre pour le compte du Canada, parce que le Canada n'avait pas le pouvoir de signer ou de mettre en œuvre ces traités.

Dans notre cas, par exemple, notre dernier traité a été le Traité 11, signé en 1921 avec le roi George V. Ce sont des ententes à long terme qui nous paraissent valides et qui s'appliquent dans le contexte du Canada. C'est la façon d'interpréter ces ententes et de les mettre en œuvre qui soulève des difficultés.

Ce projet de loi, par la façon dont il est formulé, ne reconnaît pas la relation sous-jacente qui nous unit. Il ne tient pas compte des rapports récents comme la Commission royale sur les peuples autochtones, qui parle de réconciliation, de planification conjointe des gouvernements, qui reflète la nature inhérente de nos droits, ils ne viennent pas du Canada, ils existaient avant la Confédération. Ce projet ne reflète pas l'idée que nous avons des relations de nation à nation, ou de gouvernement à gouvernement, qui est reconnue au Canada depuis plus de dix ans.

Il me semble donc que nous revenons en arrière. Un bon nombre d'entre nous, comme vous le savez sans doute déjà, pensent que l'on essaie d'ajuster une loi désuète, et que cela ne nous apportera pas grand-chose.

Lorsque je lis ce projet de loi, et que j'examine les moyens fournis pour le mettre en œuvre, je ne vois pas que l'on parle d'argent frais. Je vous invite à me corriger si je me trompe. Une partie du problème vient du fait qu'il n'est pas facile de comprendre ce projet de loi et de voir comment il pourrait être mis en œuvre.

¹  +-(1545)  

    À l'heure actuelle, les gens essaient de se débrouiller avec ce qu'ils ont. Le dernier recensement nous décrit les problèmes de logement, la répartition des Autochtones entre les zones urbaines et les zones rurales, la difficulté de trouver des jeunes diplômés, etc. Les gens ont déjà du mal à surmonter leurs problèmes quotidiens.

    Si le gouvernement décide d'imposer ce projet de loi, en particulier sans que nos peuples aient participé à sa conception et sans qu'il y ait de collaboration avec le Canada pour veiller à ce que cela convienne à tous, il va se heurter à une résistance très vive. Il va falloir que nous trouvions une façon d'interpréter ce projet de loi pour qu'il puisse être mis en œuvre.

    Nous avons beaucoup parlé de la question de savoir s'il y a vraiment eu des consultations à ce sujet. Le fait que le ministre des Affaires indiennes ait court-circuité bien souvent nos dirigeants pour s'adresser directement à nos membres constitue une menace pour nos collectivités. Nous sommes des chefs élus. Nous avons reçu le mandat de nous occuper de ces questions. Cela n'a pas empêché le Canada de créer un site Web, un mécanisme permettant de contourner notre autorité et de s'adresser directement à nos membres. Le Canada considère que cela montre qu'il s'est adressé aux Autochtones et qu'il les a consultés. Nous ne sommes pas d'accord avec cela. Il y a des précédents juridiques et nous ne pensons pas que ce genre de processus constitue une véritable consultation.

    Nous invitons les membres de votre comité à se rendre dans nos collectivités. Il semble que vous allez surtout dans les régions rurales. Je ne pense pas que vous soyez allés dans les réserves ou dans les collectivités isolées où vivent la plupart de nos gens. Nous aimerions donc que vous réfléchissiez à cela.

    Pour ce qui est des objectifs du projet de loi, de son effet réel et de son fonctionnement, je mentionnerais que le dernier rapport du vérificateur général, qui a été je crois transmis à votre comité, parle de la responsabilité et de la transparence dans les Premières nations. Nous pensons que ce n'est pas tant la gestion financière qui fait problème mais plutôt le manque de capacité et de ressources qui nous empêche de bien faire notre travail dans nos collectivités.

    Nous nous interrogeons sur l'intention ou le point de vue que représente ce projet de loi. Nous pensons qu'une fois de plus, ce projet de loi ne va pas dans la bonne direction. Il laisse entendre que la plupart de nos dirigeants, en particulier les chefs et les conseillers, sont corrompus. Le meilleur commentaire que j'ai entendu est celui du vérificateur général; il a déclaré, comme je l'ai dit tout à l'heure, que la responsabilité des dirigeants n'était pas en cause. La difficulté est d'obtenir des fonds pour nos collectivités pour pouvoir répondre à nos besoins grâce à des ressources suffisantes.

¹  +-(1550)  

    Le dernier aspect consiste à essayer d'imaginer comment cela pourrait fonctionner avec l'élaboration des codes et la mise en place de ces mécanismes de responsabilité. Pensez à la bureaucratie qu'il va falloir créer dans les Premières nations, ou dans le ministère des Affaires indiennes, et au nombre de personnes qui travaillent dans ces structures par rapport au nombre total des membres des Premières nations. Vous allez constater que cela représente un rapport impressionnant, parce qu'il y a vraiment beaucoup de gens qui travaillent sur cette question qui concerne les Premières nations. Pour mettre en œuvre ce projet de loi, je ne sais pas si le ministère a fait une analyse ou des études à ce sujet, il va falloir embaucher beaucoup de gens pour être sûr que ce projet de loi est bien appliqué. Cela va créer une nouvelle bureaucratie. Le nombre des fonctionnaires va augmenter alors qu'au cours des années, nous avons essayé de le réduire.

    Nous avons déjà parlé de cela. Il y a un groupe au Manitoba qui étudie la possibilité de supprimer le ministère des Affaires indiennes et plutôt que de laisser le Canada imposer des choses, qui demanderait aux Première nations de mettre sur pied leurs propres mécanismes de surveillance, de responsabilité, etc. Vous devriez examiner, je crois, cette question.

    Je vais parler de choses qui me touchent de plus près et vous parler des Dénés. Au départ, nous pensions que ce projet de loi ne toucherait pas directement les Dénés parce que la Loi sur les Indiens ne s'applique guère à eux. Il y a peu de Dénés qui vivent dans des réserves, et nous avons mis sur pied des tables de négociation où nous parlons de gouvernance, de règlement des revendications foncières, etc. Mais, en regardant de plus près ce projet de loi, nous avons constaté qu'il nous touchera beaucoup.

    C'est une question que vous devriez examiner. Le projet de loi part du principe que la plupart des membres des Premières nations vivent dans des réserves, ce qui n'est pas le cas pour beaucoup d'entre nous, non seulement dans les Territoires du Nord-Ouest, mais dans d'autres régions du Canada: c'est le cas des Innus, par exemple, dans le nord du Québec. Il faut examiner cette question.

    Encore une fois, pour revenir à ma discussion sur la reconnaissance du fait que les Premières nations ont la capacité d'exercer leurs propres pouvoirs, nous avons toujours parlé de pouvoirs basés sur la terre, de pouvoirs qui découlent de notre façon de vivre de la terre, des liens qui nous unissent à la terre, etc. Il semble que ce projet de loi traite davantage de codes communautaires et de pouvoirs législatifs communautaires que de pouvoirs axés sur la terre, qui donneraient réellement aux Autochtones le pouvoir d'améliorer leur vie quotidienne.

    Voici un des aspects que nous avons remarqué. Nous avons constaté que l'article 11, sous sa formulation actuelle, permet de contester pratiquement toutes les décisions du chef et du conseil; il est même possible d'annuler une entente qui a été conclue en se fondant sur une décision de ce genre.

¹  +-(1555)  

    Nous pensons que ce n'est peut-être pas la meilleure façon d'aborder cet aspect. Cela revient en fait à permettre l'examen minutieux de toutes les décisions prises par les responsables de la bande. Comme dans toute société, il y a des gens qui s'opposent aux dirigeants en place et cette disposition offre aux dissidents un mécanisme qui leur permet de harceler les dirigeants et d'entraver leur action. On retrouve ce genre de personnes partout, non seulement dans notre société, mais à tous les niveaux de gouvernement, y compris dans les gouvernements municipaux et provinciaux. Cela vient parfois d'une bonne intention mais si nous voulons que les décideurs prennent véritablement des décisions qui permettent aux collectivités de fonctionner, il faut préserver leur capacité de diriger et de gouverner.

    Il y a un autre aspect qui nous préoccupe, c'est l'article 5, qui traite des élections selon les règles issues de la coutume de la bande. Toutes nos Premières nations, les 30 collectivités qui les composent dans le Nord, suivent la coutume de la bande. Cette disposition a pour effet de modifier ces règles, nous serons donc touchés, et cela nous inquiète.

    Il y a un autre aspect qui nous préoccupe, et qui appelle des précisions, ce sont les articles 11 et 12, j'en ai parlé un peu tout à l'heure, et la question de savoir si la Loi sur la gouvernance des premières nations s'applique à toutes les Premières nations, que leurs membres résident dans les réserves ou hors réserve. L'article 11, par exemple, traite des plaintes provenant «d'un membre de la bande ou d'une personne résidant dans la réserve». L'article 12 énonce:

Le conseil met à la disposition des membres de la bande et des personnes qui résident dans la réserve de celle-ci les règles administratives, les politiques et les directives de la bande concernant les activités gouvernementales de la bande, notamment à l'égard des programmes et services qui leur sont offerts.

    Cela veut dire que toutes les personnes dont le nom figure sur la liste de la bande peuvent participer aux affaires de la bande, ce qui n'est peut-être pas une mauvaise chose, mais là encore, jusqu'ici, les Affaires indiennes s'occupaient uniquement des personnes qui résidaient dans la collectivité ou dans la réserve. Si nous voulons changer cela, il va falloir fournir aux bandes une assistance financière. Ce problème se fait déjà sentir.

    Par exemple, à cause de l'arrêt Corbiere qui remonte à quelques années, il est précisé que tous les membres de la bande ont le droit de voter. Cet arrêt a pour effet d'obliger chaque Première nation à retrouver tous les membres de la bande, quel que soit le lieu où ils résident au Canada, à retracer les membres de la bande pour leur donner la possibilité de voter. Mais cela ne donne pas à la Première nation les fonds supplémentaires dont elle aurait besoin pour procéder à cette élection. Si vous examinez bien ce qui s'est passé dans cette situation, vous constaterez qu'il en ira de même dans ce cas-ci.

    Là encore, je ne dis pas que c'est une mauvaise chose. Je crois que les chefs veulent prendre en charge tous leurs membres, quel que soit le lieu où ils résident. Il y a des membres qui décident de vivre dans les zones rurales pour certaines raisons. Il peut arriver qu'ils ne trouvent pas de travail dans la réserve, ce qui explique leur départ. Ils décident parfois de suivre des cours de formation, des cours postsecondaires, et ils quittent la réserve pour toute une série de raisons, mais ils sont encore membres de cette Première nation.

º  +-(1600)  

    S'il leur arrive un problème dans leur vie quotidienne, par exemple dans notre cas, si un membre des Dénés de Yellowknife quitte la région pour se rendre à Edmonton pour suivre des cours postsecondaires et si quelque chose lui arrive, il ne s'adressera pas au maire d'Edmonton; il s'adressera au chef et essaiera de régler son problème de cette façon. Si le chef n'a pas les ressources suffisantes pour s'occuper des membres qui vivent à l'extérieur de la collectivité, alors cela pose un grave problème.

    Comme je l'ai dit, historiquement, le ministère des Affaires indiennes n'a jamais reconnu les Autochtones qui ont quitté leur collectivité ou leur réserve.

    D'autres articles appellent des précisions, en particulier l'article 17, qui parle de conflit entre une loi du Canada et une loi d'une Première nation et de la loi qui s'appliquerait. Je crois qu'il faut être clair dans ce domaine. Cette disposition parle du pouvoir de prendre des textes législatifs pour la préservation de la culture et de la langue de la bande mais il n'est pas dit clairement quelles seraient les lois qui s'appliqueraient. Je vous demande donc d'examiner cela.

    Voilà les observations que je voulais faire. Pour résumer, je dirais que nous craignons fort que le Canada aille de l'avant avec ce projet de loi sans tenir compte du point de vue de nos Premières nations. Il faut organiser des rencontres de nation à nation et de gouvernement à gouvernement—ce qui représente la politique du gouvernement depuis un certain nombre d'années—et travailler ensemble pour améliorer ce projet de loi. Dans le cas contraire, il y aura de la résistance, sans doute des poursuites judiciaires, et ce n'est pas ça qui arrangera la situation de nos collectivités.

    J'ai essayé de vous donner une idée de ce qui se passe et de vous dire comment ce projet nous touche; je suis prêt à répondre à vos questions.

    Merci.

+-

    Le président: Merci beaucoup, chef Erasmus. Je sais que vous travaillez pour le bien de votre peuple depuis longtemps et je trouve remarquable que vous soyez en mesure de présenter sans notes un exposé de 27 minutes, un exposé précis et informatif. Nous apprécions votre aide.

    Monsieur Vellacott, vous avez neuf minutes.

+-

    M. Maurice Vellacott (Saskatoon—Wanuskewin, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.

    Monsieur Erasmus, pourriez-vous nous décrire brièvement la réaction des collectivités des Premières nations des Territoires du Nord-Ouest? Que pensent-elles de ce projet de loi? Pensent-elles qu'il offre certaines possibilités, qu'il est possible de travailler à partir de ce projet? Sont-elles complètement opposées à ce projet ou un peu ambivalentes?

    J'aimerais avoir une réponse très brève. J'ai en effet d'autres questions.

º  +-(1605)  

+-

    Chef Bill Erasmus: Comme je l'ai mentionné, je crois qu'au départ nous pensions que ce projet de loi ne nous toucherait pas. Nous sommes très actifs dans le Nord, nous essayons de régler des revendications territoriales et des choses de ce genre, et nous travaillons très fort dans cette direction. Lorsque nous avons étudié ce projet, nous avons constaté qu'il nous toucherait. Cela nous inquiète parce qu'il pourrait influencer nos négociations. Nous ne le savons pas.

    L'entente parle d'une période de deux ans au cours de laquelle il est possible d'élaborer un code. Dans le cas où il y aurait une entente relative à l'autonomie gouvernementale, il y a la possibilité de participer ou de se désengager. Mais en réalité, si l'on considère l'histoire des négociations entre les Premières nations et le Canada, on constate qu'elle est vraiment terrible. Il y a très peu d'ententes qui sont entrées en vigueur, pour toute une série de raisons. Une période de deux ans est bien courte lorsque l'on sait le temps qu'il faut pour en arriver à une entente. Cela soulève donc beaucoup de questions.

    D'une façon générale, comme je l'ai dit tout à l'heure, nos membres n'aiment pas beaucoup ce projet de loi parce qu'il n'a pas été rédigé en collaboration avec le Canada.

+-

    M. Maurice Vellacott: Il y a donc des appréhensions.

    Vous avez fait un commentaire et j'essaie simplement de bien le comprendre. Je vous ai suivi pendant un certain temps. J'étais même d'accord avec vous sur certains points, mais il y a également des choses qui me surprennent. Vous avez déclaré que, d'après vous, ce projet de loi permettrait aux membres de la bande de passer au peigne fin les décisions du chef et du conseil de bande et que l'on pourrait ainsi les harceler. Qu'entendez-vous par là? N'est-ce pas une bonne chose pour la démocratie qu'avoir ce genre de contrôle minutieux? J'ai toujours pensé que dans l'ensemble, c'était une bonne chose. Il y a peut-être quelque chose de particulier et de différent dans les collectivités des Premières nations qui vient du fait, qu'étant des petites collectivités, cela pourrait être utilisé dans la direction opposée. J'ai toujours pensé qu'un examen minutieux n'était pas une mauvaise chose dans le domaine provincial et fédéral. Nous cherchons constamment à préserver la transparence pour que la population puisse vérifier et examiner les décisions. Êtes-vous contre ce genre d'examen?

+-

    Chef Bill Erasmus: Je pense que ce projet de loi ne donne pas au chef et au conseil les moyens de fonctionner, en tant que gouvernement, de façon constructive, parce que pratiquement toutes les décisions qu'ils prennent peuvent être contestées par n'importe quel membre qui n'est pas d'accord avec la décision. Cela a pour effet d'empêcher la collectivité de progresser. Pensez à un maire et à son conseil. Si les membres de la collectivité pouvaient contester toutes leurs décisions et interjeter appel, le conseil ne pourrait pas fonctionner.

+-

    M. Maurice Vellacott: Il y a peut-être un aspect de ce projet de loi que je n'ai pas vu. Je pensais qu'il fallait qu'un certain nombre de membres de la collectivité demandent la révision ou l'annulation d'une décision. Il ne suffirait pas qu'une ou deux personnes le demandent. Avez-vous l'impression, en lisant ce projet, qu'une ou deux personnes pourraient bloquer le processus et l'utiliser à d'autres fins?

+-

    Chef Bill Erasmus: J'ai lu l'article 11 et je crois qu'il parle d'un membre de la bande. Je vous invite donc à examiner cette disposition.

    Ce qui se passe habituellement dans nos collectivités c'est qu'il y a un chef et des réunions du conseil au cours desquelles se prennent des décisions. Il y a également des assemblées générales de la bande qui permettent de réunir la population en général, de parler de questions et d'essayer de dégager un consensus. Il y a un mécanisme de prise de décisions et il fonctionne bien. Je pense que cette disposition ne va pas dans ce sens et favorise une autre méthode. C'est pourquoi je me pose des questions.

    Je ne dis pas que je suis contre tout examen. Il est bon de procéder à des examens. Mais lorsqu'une décision a été prise et que la collectivité l'a acceptée, il faut pouvoir passer à autre chose. Il ne faut pas que les gens contestent les décisions qui ont été déjà acceptées par la population.

º  +-(1610)  

+-

    M. Maurice Vellacott: Vous ne pensez pas que les membres de la collectivité ostraciseraient ou critiqueraient une personne qui déciderait de harceler les dirigeants pour des motifs ridicules? Est-ce que les membres de la collectivité ne...

+-

    Chef Bill Erasmus: Les membres de la collectivité pourraient l'ostraciser, mais il demeure que la loi affirme qu'ils peuvent le faire. Ce projet de loi autorise ce comportement.

+-

    M. Maurice Vellacott: Oui. Ils seraient peut-être seuls, mais ils devraient suivre la procédure et peut-être faire marche arrière dans certains cas.

    L'autre sujet que je voulais aborder est le suivant. Vous avez parlé d'une approche axée sur la terre par opposition à l'approche qui est utilisée ici. Quelle est la différence entre ces deux approches? Est-ce que cela exclut une approche...? L'approche retenue pour le projet de loi est-elle incompatible?

+-

    Chef Bill Erasmus: Je crois que Nancy a abordé la question de savoir si nous parlons de toutes les Premières nations, c'est là une question qu'il faut comprendre. Parlons-nous de toutes les Premières nations du Canada? Parlons-nous uniquement des gens qui vivent dans des réserves? Parlons-nous également des personnes qui vivent dans les zones urbaines?

    Lorsque je parle d'approche axée sur la terre, c'est parce que je crois que nos pouvoirs viennent de la terre. C'est notre relation avec la terre. C'est notre caractère unique. De sorte que lorsque nous gouvernons, il ne s'agit pas seulement du petit terrain sur lequel nous vivons, mais également des terres qui nous permettaient de vivre et des terres que nous avons toujours occupées. Cela dépasse la réserve.

+-

    M. Maurice Vellacott: Je vois. Pensez-vous que ce projet de loi est contraire à ce point de vue?

+-

    Chef Bill Erasmus: Je ne pense pas qu'il favorise cette approche.

    Le fait qu'il n'y ait pas de disposition interdisant la dérogation, aspect que je n'ai pas mentionné, nous préoccupe beaucoup. Je sais qu'il y a des sénateurs autochtones qui ont soulevé cette question. Je pense que certains souhaitent supprimer les dispositions interdisant les dérogations qui sont entrées en vigueur depuis 1982.

    C'est un grave sujet de préoccupation. Je pense qu'il faut que cela nous soit expliqué. Nous devons comprendre toutes les répercussions que cela pourrait avoir.

[Français]

+-

    Le président: Merci. Monsieur Loubier, vous avez sept minutes.

+-

    M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Merci, monsieur le président. Chef Erasmus, je vous remercie pour votre excellente présentation. Je suis très heureux de vous rencontrer.

    J'aimerais d'abord vous demander quel système de gouvernance est appliqué par les communautés dénées dont vous êtes le chef. Donnez-nous quelques exemples de systèmes de gouvernance, parlez-nous de la façon dont se fait la sélection des dirigeants, et dites-nous comment le projet de loi C-7 peut nuire aux systèmes de gouvernance ou aux systèmes par lesquels vous choisissez vos dirigeants.

[Traduction]

+-

    Chef Bill Erasmus: Merci.

    Il faut que je fasse un peu d'histoire.

    Avant les premiers contacts, et jusqu'à tout récemment, notre peuple vivait de la terre, de la chasse et de la cueillette, dans des petits groupes familiaux comprenant de 30 à 40 personnes. Dans ce système, chacun avait sa place et jouait un rôle dans la société, dans l'organisation sociale. Il y avait des chefs naturels dans ce système et les gens suivaient naturellement ces personnes. Celui qui était le meilleur chasseur de caribou, par exemple, dirigeait le groupe lorsque le moment était venu de chasser le caribou. Le meilleur pêcheur jouait également le premier rôle. En général, c'était plus héréditaire; le chef choisissait son remplaçant.

    Ce système a quelque peu changé lorsqu'un traité a été conclu avec la Couronne en 1899, et aussi en 1921. À cette époque, on nous a demandé de choisir un chef et des gens pour travailler avec lui qui seraient des conseillers. Cela a changé dans la mesure où une personne était désormais considérée comme le chef. Auparavant, pour choisir un chef, nous suivions la coutume, ce qui voulait dire qu'il était désigné à main levée ou par consensus chez les Anciens. Les collectivités avaient souvent chacune leur façon de choisir leur chef.

    Cela se produit toujours, mais la pratique la plus fréquente maintenant, c'est un vote par personne et un scrutin secret. Mais, en fin de compte, les personnes sont toujours choisies parce qu'elles ont des compétences particulières et des capacités de chef.

    Nous ne savons pas très bien comment ce projet de loi va modifier ces mécanismes. On nous demande toutefois d'élaborer des codes que, pour la plupart, nous n'avons pas. La question que nous nous posons est de savoir ce qui va se passer si nous n'élaborons pas de code. Il n'est pas facile d'élaborer un code. Il est difficile à une société orale de coucher par écrit la nature exacte de ses activités. On risque ainsi de supprimer la souplesse qui existe dans une société qui utilise le consensus ou dans une société orale. Il faut une certaine forme d'esprit pour comprendre comment notre peuple fonctionne.

    Je ne pourrais pas vous demander à vous ou à un de vos assistants de venir rédiger le code de ma collectivité. Premièrement, vous ne connaissez même pas ma collectivité. Par où commencer?

    On nous dit qu'il faut faire cela en deux ans et que cela doit refléter nos collectivités. C'est une tâche considérable. Cela peut paraître facile, mais ce n'est pas aussi facile qu'on le pense.

    Vous me demandez comment cela nous touche. Tout d'abord, il est difficile de coucher sur du papier la façon dont un peuple fonctionne. Il faut en plus essayer de refléter ce projet de loi et de le respecter, ce qui n'est pas facile, en particulier lorsque les gens ne sont pas en général très favorables à la Loi sur les Indiens et plus particulièrement, avec les nouvelles dispositions qui sont présentées.

    Il y a donc là un problème.

º  +-(1615)  

[Français]

+-

    M. Yvan Loubier: Tout à l'heure [Note de la rédaction: difficultés techniques] ...que les négociations que vous avez entreprises avec le gouvernement territorial et le gouvernement fédéral... [Note de la rédaction: difficultés techniques] ...par la mise en application de ce projet de loi. Est-ce dû au manque de ressources ou au fait que certains articles de cette loi peuvent interférer avec le processus de négociations ainsi qu'avec l'orientation que vous avez prise avec les gouvernements territorial et fédéral? Est-ce que ça pourrait vous forcer à retourner en arrière? Dans ce contexte, comment envisagez-vous cette question ainsi que l'incidence du projet de loi C-7?

º  +-(1620)  

[Traduction]

+-

    Chef Bill Erasmus: La Loi sur les Indiens est très intéressante parce qu'elle s'applique en théorie à tous les membres des Premières nations ou à tous ceux qui sont définis comme étant des Indiens. Le problème vient du fait que la plupart des dispositions de la Loi sur les indiens concernent les personnes qui vivent dans les réserves. Comme je l'ai dit plus tôt, la plupart des Autochtones ne vivent pas dans les réserves, de sorte que la Loi sur les Indiens ne s'applique pas à eux dans la plupart des cas.

    Si vous me demandez de quoi parle la Loi sur les Indiens, je vous répondrai qu'il est très difficile pour moi de vous le dire. Je n'ai pas besoin de connaître cette loi parce que, comme je l'ai dit, elle ne s'applique pratiquement pas à ma situation.

    Mais cela ne veut pas dire grand-chose non plus, parce que cette loi n'a pas été conçue par notre peuple. Cette loi a été introduite sans que nous y participions. Nous avons donc été obligés de trouver des façons de faire fonctionner nos collectivités.

    Le gouvernement territorial est arrivé en 1967 et il a mis sur pied des gouvernements municipaux dans nos collectivités, qui s'opposaient directement à nos chefs. Cependant, nos chefs ont survécu et ils continuent à faire leur travail. Bien souvent, dans nos collectivités, le chef et le maire sont une seule et même personne et ils combinent leurs ressources. Le chef est donc le maire et aussi le chef et il s'occupe de la collectivité.

    Dans l'Arctique de l'Est, la situation est légèrement différente. Au Nunavut, là aussi, dans la plupart des collectivités, ce sont des Inuits qui sont les maires de leurs collectivités.

    Je veux simplement souligner que la vie dans le Nord est différente de la vie dans le Sud. Nous avons mis au point notre propre système. Nous avons réussi à obtenir d'excellents résultats avec ce système.

    Nous sommes en train de négocier et je ne sais pas comment ce projet de loi va nous toucher. Nous espérons qu'il ne va pas ralentir les négociations. Nous espérons qu'il ne va pas nous nuire. Je me demande si vous ne pourriez pas examiner cette question parce que je n'ai pas les ressources pour le faire et il s'agit de choses nouvelles.

[Français]

+-

    Le président: Merci beaucoup. Nous avons permis que l'intervention dure neuf minutes parce que l'information était très intéressante et d'une grande importance.

[Traduction]

    Monsieur Reed, vous avez également neuf minutes.

+-

    M. Julian Reed (Halton, Lib.): Merci, monsieur le président. Je ne vais probablement pas prendre tout ce temps.

    Chef Erasmus, j'ai beaucoup de choses à apprendre ici, parce que cela fait peu de temps que je suis membre du comité; mes questions vont donc peut-être vous paraître un peu naïves.

    Vous nous avez expliqué que dans l'Ouest, les Indiens vivaient en famille ou dans des petites collectivités de 40 à 50 personnes. Dans la collectivité dont je viens, il y avait historiquement une ville que l'on appelle maintenant à Halton Crawford Lake, une collectivité de 15 000 personnes. Il semble qu'elle était la Première nation d'Amérique du Nord la plus nombreuse, d'après la tradition historique. Ils se sont installés dans ce lieu parce qu'ils faisaient du troc sur l'escarpement de Niagara; il y avait beaucoup de marchandises qui s'échangeaient à cet endroit. Je me demande comment était structurée la gouvernance dans une collectivité aussi importante. Avez-vous des souvenirs là-dessus?

+-

    Chef Bill Erasmus: Pouvez-vous me dire où se trouve Crawford Lake?

+-

    M. Julian Reed: Oui. Cela se trouve dans ce qui est maintenant la municipalité de Milton, en Ontario, sur l'escarpement de Niagara.

º  +-(1625)  

+-

    Chef Bill Erasmus: Étaient-ce des agriculteurs?

+-

    M. Julian Reed: Je ne sais pas. Certains sans doute, parce que des éléments indiquent qu'il y avait de l'agriculture dans d'autres secteurs de Halton. Je ne sais pas vraiment. La chose dont nous sommes sûrs, c'est qu'ils faisaient du négoce.

+-

    Chef Bill Erasmus: En fait, je ne connais pas très bien cette région. En réalité, nous venons de sociétés très différentes.

    Dans le Nord, nous sommes des chasseurs cueilleurs. Ma femme, par exemple, vient de la côte est; elle vient d'un peuple de pêcheurs. Il y a aussi des peuples qui, traditionnellement, sont agriculteurs. Il y a une grande diversité.

    C'est une des observations que j'essayais de faire; il est difficile de préparer un projet de loi pour nos peuples—nous représentons environ un million de personnes, réparties entre dans quelque 630 collectivités, ayant des caractéristiques très différentes—, un projet de loi ne peut répondre à tous nos besoins. Il faut procéder à de larges consultations, il faut avoir de longues discussions et il faut que cela se fasse entre nous et le conseil des ministres, par exemple, à ce niveau-là, pour que cela puisse marcher.

    Les premiers traités soulèvent un grave problème, comme je l'ai mentionné tout à l'heure. À l'heure actuelle, le Canada, le ministre des Affaires indiennes, n'a pas le pouvoir de s'occuper de ces traités, nous cherchons donc des façons de veiller à ce que cette question demeure prioritaire pour le Canada. Le budget fédéral va être présenté bientôt et il devrait contenir des éléments concernant les traités et leur mise en œuvre.

    Cela est une question complexe et la seule chose que je peux dire au sujet de votre région est qu'il faudrait rencontrer les gens qui y vivent.

+-

    M. Julian Reed: Il n'y en a plus. Il n'y en a plus du tout à Halton.

+-

    Chef Bill Erasmus: Eh bien, essayez de parler aux personnes qui sont plus près de vous. Il y a des gens dans la région de Toronto.

+-

    M. Julian Reed: Oui.

+-

    Chef Bill Erasmus: Parlez avec eux et posez-leur des questions, vous obtiendrez des réponses.

    Si vous regardez l'histoire de notre peuple, vous verrez que nous avons notre propre notion de la démocratie, comme vous le savez sans doute. La Constitution américaine est largement inspirée de la Confédération iroquoise, qui représentait une certaine forme de démocratie. La prise de décisions et la gouvernance ne sont pas des choses nouvelles pour nos peuples, qui sont des sociétés très complexes. C'est pourquoi les membres des Premières nations, en particulier les Anciens, se sentent souvent menacés lorsque nous leur disons que la Loi sur les Indiens, cette loi archaïque qui nous a guidés au cours des années, va être modifiée et que nous ne participons pas vraiment à ce processus.

+-

    M. Julian Reed: Je perçois tout de même un certain optimisme dans votre exposé, vous semblez dire que l'on pourrait améliorer ou modifier ce projet de loi. Vous ai-je bien compris? Ou est-ce, pour vous, une cause perdue?

+-

    Chef Bill Erasmus: Eh bien, je ne pense pas qu'il y ait de cause perdue. Lorsqu'il existe la volonté de bien faire les choses, tout est possible.

    La question est de savoir si, dans votre système, auquel je n'ai jamais participé activement, il est possible, grâce aux comités et aux audiences, et aussi grâce au système du Sénat, parce que nous allons également travailler avec les sénateurs,de préparer des amendements bien conçus; nous ne voulons pas obtenir quelque chose qui risque d'avoir un effet dévastateur sur nos collectivités.

    Je suis donc optimiste et j'essaie de trouver une façon de faire les choses.

+-

    M. Julian Reed: Merci.

    Merci, monsieur le président.

+-

    Le président: Merci.

[Français]

    Monsieur Loubier, vous avez cinq minutes.

+-

    M. Yvan Loubier: Chef Erasmus, j'aimerais vous poser une question. Vous êtes aussi membre de l'exécutif de l'Assemblée des Premières Nations. Or, les membres de cette assemblée que nous avons rencontrés jusqu'à maintenant se sont opposés non seulement à certains aspects du projet de loi, dont le manque de financement lié à son application, mais se sont aussi opposés carrément au projet de loi lui-même.

    À leur avis, ce dernier n'est pas amendable, il faudrait le mettre à la poubelle et le réécrire dans son entièreté parce qu'il ne correspond vraiment pas à l'approche qui a été privilégiée dans de nombreux rapports de commissions mixtes ou même dans celui de la Commission royale sur les peuples autochtones.

    Vous semblez un peu plus ouvert. Pour reprendre les propos de M. Reed, je vous demanderai moi aussi si vous parlez en tant que chef Déné ou comme membre de l'Assemblée des Premières Nations. Le cas échéant, comment peut-on expliquer votre relative ouverture envers ce qu'on a entendu jusqu'à maintenant au sujet du projet de loi C-7?

º  +-(1630)  

[Traduction]

+-

    Chef Bill Erasmus: Je suis membre de l'Assemblée des Premières nations et il m'est impossible de parler à d'autre titre.

    Ce projet de loi nous place dans une situation vraiment difficile parce que d'un côté, nous essayons d'améliorer nos collectivités et de l'autre, il y a quelqu'un qui prend des décisions pour nous. D'autres personnes influencent nos vies, et la Loi sur les Indiens joue un grand rôle dans ce processus. Je veux dire qu'il y a des lois d'application générale mais ce n'est pas nous qui avons fait ces lois. Imaginez un peu la situation. Si quelqu'un faisait des lois pour vous, sans que vous puissiez dire grand-chose, vous auriez beaucoup de mal à fonctionner. Eh bien, c'est ce qui se passe pour nous.

    La plupart de nos membres estiment que nous n'apportons pas grand-chose de positif à la société canadienne. Nous sommes presque un fardeau pour la population; c'est presque comme si nous venions d'un autre monde, que nous étions Américains, parce que nous ne faisons pas vraiment partie du Canada. Nous ne sommes pas un secteur positif et dynamique du pays. Mais, en mettant sur pied nos propres gouvernements, c'est ce que nous essayons de faire.

    Ce projet de loi, et d'autres l'ont dit aussi, perpétue le statu quo; il ne l'améliore pas. Il ajoute des barrières, c'est un projet paternaliste et c'est encore quelqu'un d'autre qui prend des décisions pour nous. Ce projet renforce le rôle du ministre des Affaires indiennes et lui attribue des pouvoirs discrétionnaires qu'il peut exercer à notre endroit. C'est pourquoi il y a des gens qui disent que l'on devrait supprimer cette loi.

    Je m'adresse à vous parce que vous êtes en mesure de changer tout cela. Je suis venu avec un certain optimisme, pour vous demander d'examiner ces articles et pour que vous transmettiez ces remarques. J'estime que vous avec le devoir de le faire, parce que vous avez le pouvoir de le faire et c'est pourquoi je vous le dis.

    Je ne suis pas ici pour me disputer. Je pourrais vous dire de laisser tomber ce projet, mais je sais que vous ne le ferez pas; le bon sens me le dit. J'essaie de comprendre ce projet, j'essaie de trouver une façon d'améliorer les choses. En fin de compte, à moins que ce projet de loi ne soit pas adopté, pour une raison ou pour une autre, il entrera en vigueur et il faudra bien nous en accommoder. Cela fait longtemps que je m'occupe de ce genre de chose et je sais qu'en rejetant ce projet de loi, en refusant de parler de ce sujet et de comparaître devant vous, cela ne m'aidera pas beaucoup.

    Je ne sais pas si cela répond à votre question.

+-

    Le président: Merci, monsieur Loubier.

    Madame Karetak-Lindell, vous avez cinq minutes.

+-

    Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.): Merci.

    Je suis heureuse de vous voir. Bienvenue à Ottawa.

    À écouter les témoins parler de ce projet de loi, j'en suis arrivée à une constatation, qui est probablement un simple commentaire. Nous avons entendu les gens du Yukon et les gens des T.N.-O. Je viens également du Nord et je ne sais pas si c'est parce que nous sommes longtemps restés isolés que nous avons une autre façon de voir les choses; nous essayons de travailler avec ce que nous avons, même si ce n'est pas grand-chose. J'ai vu certains changements dans les points de vue exprimés par les témoins qui viennent du nord du 60e.

    Je comprends ce que vous dites et j'ai entendu un peu la même chose de la part des témoins qui viennent du Yukon, pas tous, mais de ceux qui ont signé leur accord-cadre. Je me demande si c'est une chose que vous aimeriez voir dans ce projet, par exemple, si l'on pouvait se donner une base qui permettrait aux bandes individuelles de travailler à l'intérieur d'un cadre en appliquant certains principes. Je sais qu'il y en a dans ce projet de loi, mais certains estiment que ces principes sont trop restrictifs pour ce qui est de la possibilité de l'adapter à vos besoins.

    Je voudrais également avoir une précision, combien y a-t-il de bandes dans les Territoires du Nord-Ouest? Je devrais le savoir, mais je ne le sais pas. De combien de personnes parlez-vous et combien d'entre elles ont déjà signé des accords d'autonomie gouvernementale? Je sais que des négociations sont encore en cours et je ne suis pas sûre qu'on ait signé d'autres entente dans la région de Yellowknife depuis la convention des Inuvialuit.

º  +-(1635)  

+-

    Chef Bill Erasmus: Il y a 30 Premières nations dans les Territoires du Nord-Ouest qui sont réparties en cinq groupes linguistiques différents. Nous sommes environ 25 000.

    J'essaie de me souvenir de vos questions.

+-

    Mme Nancy Karetak-Lindell: Combien d'entre elles ont déjà signé des ententes relatives à l'autonomie gouvernementale?

+-

    Chef Bill Erasmus: Ces cinq groupes sont en train de négocier. Sur ces cinq groupes, deux ont terminé les négociations relatives aux terres. Un troisième groupe est prêt d'aboutir et pour les deux autres, cela prendra quelques années. Mais toutes ces tables de négociation portent sur l'autonomie gouvernementale parce que les ententes foncières ne traitent pas de l'autonomie gouvernementale, à part l'accord des Dogrib, qui devrait être conclu d'ici un an. Sur ces 30 collectivités, huit ont conclu des ententes et les autres sont encore en train de négocier. Mais ces négociations en sont à des étapes différentes.

+-

    Mme Nancy Karetak-Lindell: Je vous demandais, dans mon autre question, si vous ne préféreriez pas avoir un cadre qui vous permettrait de travailler, un cadre suffisamment souple. C'est ce que nous ont dit certains témoins du Yukon.

+-

    Chef Bill Erasmus: Pourriez-vous m'en dire davantage pour que je puisse comprendre ce que vous souhaitez?

+-

    Mme Nancy Karetak-Lindell: Ils ont dit que l'accord-cadre pour le Yukon leur avait fourni une base de départ. Cette entente n'était pas très détaillée. Elle donnait aux différents groupes la possibilité de conclure une entente pourvu qu'ils respectent certains principes. Cet accord leur donnait tout de même la possibilité de formuler une entente différente, pourvu qu'elle s'inscrive dans l'accord-cadre.

+-

    Chef Bill Erasmus: Dans le Nord, nous avons réussi à parler de droits issus de traités, de pouvoirs découlant des traités et de compétences. Notre situation est également légèrement différente de celle du Yukon parce qu'ils n'ont pas conclu autant de traités que nous. Ils ont conclu un traité moderne. Nos ententes sont un peu différentes dans la mesure où nous avons conclu ce que l'on appelle des traités historiques, et il y a également l'interprétation moderne de ces traités. Nous considérons que ce sont des ententes et des traités auxquels vient s'ajouter ce que nous pouvons négocier. Pour y parvenir, il faut appliquer les principes directeurs, il y a un mécanisme à suivre et des cadres. C'est ce dont je parlais un peu plus tôt.

    Nous avons élaboré tout cela progressivement et cela semble donner de bons résultats pour nous. Nous ne savons pas si ce projet de loi risque de nous nuire sur ce point. Nous ne savons pas très bien comment ce projet de loi va nous toucher, il faudrait donc conserver une certaine souplesse. Par contre, dans le Sud, les gens n'ont pas ces possibilités, à l'exception des Nisga'as, qui sont au sud du 60e. Ce sont les seuls, en Colombie-Britannique, à être en train de négocier. Mais là encore, ils n'ont pas conclu de traités comme nous, la situation est donc très différente dans le Sud.

    En Alberta, en Saskatchewan, au Manitoba, en Ontario et au Québec, on retrouve les mêmes problèmes et les mêmes préoccupations, mais ils n'ont pas de table de négociation où ils peuvent parler de ces questions, et c'est de là que vient leur frustration. Comme je l'ai dit plus tôt, le Canada affirme ne pas avoir un mandat qui lui permette d'aborder la question des traités, de sorte qu'il n'y a pas en ce moment de discussion entre les Premières nations et le Canada. La situation empire et cela est vraiment inquiétant parce que nous ne savons pas très bien où tout cela va nous mener. Il y a aussi ce projet de loi, qui n'est pas une amélioration pour la plupart des gens, et cela crée beaucoup de frustration, de sorte qu'il y a des gens qui disent qu'il faudrait s'en débarrasser.

    C'est ce que ce projet de loi doit faire en théorie: aider les Premières nations à se gouverner. Sommes-nous capables de concevoir un mécanisme qui permette de préciser ce qu'est la gouvernance? Commençons donc par nous entendre sur la notion de gouvernement. Entendons-nous sur un cadre, sur la façon d'appliquer cette notion.

    Un projet de loi ne serait peut-être pas une mauvaise idée. Nous serions très heureux de venir ici et de travailler avec vous et il y a beaucoup d'entre nous qui seraient également très heureux de le faire. Cela fait 20 ans que je présente des exposés au comité permanent et pas une seule fois je n'ai pu venir devant vous pour vous dire que nous avions réussi à faire quelque chose avec vous, que nous avions travaillé dans les officines du gouvernement et que nous avions réussi à harmoniser nos pouvoirs, ceux des articles 35, 91 et 92, et fait de notre pays un pays plus solide. Je n'ai jamais réussi à faire cela et c'est pourtant ce que j'aimerais faire.

    C'est ce que nous essayons de faire dans le Nord. Nous ne sommes pas une province, mais nous essayons d'introduire dans le Nord des pouvoirs comparables à ceux des provinces, les pouvoirs fédéraux de l'article 35, pour transformer cette région de cette façon.

    Voilà ce que veut notre peuple. Cela n'est pas menaçant, cela tient compte de tous les intéressés et cela peut apporter une contribution positive. C'est pourquoi j'essaie d'être positif parce que c'est le genre de discussion que nous avons chez nous.

º  +-(1640)  

+-

    Le président: Monsieur Hubbard.

+-

    M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.): Merci, monsieur le président, et merci, chef Erasmus. Voilà un après-midi particulièrement fructueux.

    Vous avez parlé de 30 collectivités; ces 30 collectivités se trouvent dans le territoire, mais je crois savoir qu'il y a d'autres groupes dénés. Avez-vous des liens avec eux?

+-

    Chef Bill Erasmus: Eh bien, dans les livres, on nous appelle les Athapaskans et nous constituons un groupe très important que l'on retrouve en Alaska, au Yukon, dans le nord de la C.-B. et jusqu'au Manitoba. Dans les 48 États du Sud, il y a les Navajo et les Apaches, et d'autres tribus. Nous sommes donc une grande famille et nous sommes reliés de différentes façons à tous ces peuples. Mais plus précisément, lorsque nous parlons de la Nation dénée, cela désigne le peuple des Territoires du Nord-Ouest. Il y a toutefois une collectivité du nord du Manitoba qui est officiellement membre de la Nation dénée, c'est la bande de Tadoule Lake, près de Churchill.

+-

    M. Charles Hubbard: Monsieur le président, le chef Erasmus a attiré notre attention sur plusieurs points qui mériteraient d'être examinés de façon plus détaillée, dans l'optique d'apporter des modifications au projet de loi.

    Je me demande, chef Erasmus, pour ce qui est des points positifs et négatifs du projet de loi... Il faut remonter à la Loi sur les Indiens. Cela nous ramène loin en arrière, à une époque où ces régions ne faisaient pas partie de ce que l'on appelait le Canada, de ce que nous appelons aujourd'hui la Confédération. Lorsque vous examinez ce projet de loi et le comparez à la loi des années 1870, pensez-vous qu'il serait préférable de laisser les choses comme elles sont ou d'essayer de modifier le projet de loi pour qu'il soit plus acceptable aux diverses Premières nations de notre pays?

    Que diriez-vous au comité au sujet de l'impression que vous avez du projet de loi C-7, par opposition au maintien de l'ancienne loi?

º  +-(1645)  

+-

    Chef Bill Erasmus: Cela fait des années que nous examinons cette question. Nous en arrivons toujours à la même conclusion, à savoir qu'il faut examiner sérieusement ensemble la nature des orientations à retenir et décider comment aborder ensemble cette question. Il n'est pas acceptable qu'un côté impose ses vues à l'autre. C'est pourquoi nous devons avoir ce genre de discussion.

    Comme je l'ai dit plus tôt, il y a le fait qu'il n'est pas facile de comprendre ce qu'est réellement la Loi sur les Indiens parce qu'il y a la loi et la politique, il y a d'autres textes législatifs qui vont à l'encontre de cette loi dans certains cas et il y a les décisions judiciaires qui énoncent d'autres règles. Cela est très compliqué.

    C'est pourquoi je pense qu'il faudrait tenir des discussions et parler de ce que nous voulons faire. Il sera alors possible de décider ce qu'il faut faire avec cette loi, parce qu'il y a des gens qui n'en veulent pas et d'autres qui l'acceptent. Ceux qui n'en veulent pas devraient avoir cette possibilité. Et pour ceux qui la veulent, elle pourrait peut-être, d'après moi, être utile, en la reformulant. Il faut donc donner à tous la possibilité d'avoir ce genre de discussion.

+-

    M. Charles Hubbard: Ce qui me préoccupe, monsieur le président, c'est que le chef Erasmus a déclaré qu'il craignait qu'au lieu de réduire ce que l'on appelle la structure administrative de l'homme blanc qui est appliquée aux Premières nations, ce projet de loi n'augmente le nombre des fonctionnaires, ce qui n'est pas dans l'intérêt de son peuple ni du Canada. Cela me préoccupe parce que je pense que le ministre, tout comme d'ailleurs, je l'espère, notre gouvernement, a l'intention, comme certains d'entre vous l'ont dit, d'en arriver un jour à supprimer le ministère des Affaires indiennes et du Nord et toute cette bureaucratie et, comme l'a déclaré un des témoins, sa bande ne sera plus obligée de transmettre près de 160 rapports par an à Ottawa.

    C'est donc un sujet de préoccupation pour moi, comme cela l'est probablement pour vous, compte tenu de vos 20 années d'expérience devant les comités. Cela me préoccupe vraiment.

+-

    Chef Bill Erasmus: Cela me préoccupe et lorsque j'ai commencé à examiner ce projet de loi, j'ai commencé à réfléchir. Si l'on pense à ce qui est demandé, élaborer un code, élaborer tout ce qu'exige le projet de loi, cela représente beaucoup de travail.

    Supposons que nous ayons accompli ce travail. Nous pouvons envisager toutes sortes de scénarios, mais disons que toutes les Premières nations ont mis en œuvre le projet de loi, qu'elles ont élaboré des codes, des pratiques en matière de responsabilités financières et le reste. En fin de compte, il faudra bien que quelqu'un examine tout cela, car sinon, nous aurons travaillé pour rien. Il va donc falloir embaucher d'autres fonctionnaires. Nous dépensons déjà trop, n'est-ce pas? C'est pourquoi je ne sais pas comment cela pourrait fonctionner.

    Prenons maintenant un autre scénario. Supposons que 20 p. 100 d'entre nous appliquent cette loi et que 80 p. 100 ne le fassent pas. Là encore, qu'allez-vous faire?

    Supposons que quelqu'un refuse d'élaborer un code, de respecter les pratiques financières, les différents éléments que contient ce projet de loi. Comment allons-nous faire pour que cette Première nation respecte ces dispositions? Avons-nous suffisamment de personnel pour faire cette opération? C'est un aspect qu'il faut examiner sérieusement, parce que c'est de cela dont il s'agit. La plupart des Premières nations ne sont pas très satisfaites de ce projet de loi. C'est donc une question grave.

    Pour ma part, je vais examiner cette question de plus près, parce que nous n'avons pas l'argent qu'exige ce genre de chose. Bien sûr, le Canada a un excédent, mais je ne pense pas que cela nous aide beaucoup.

º  +-(1650)  

[Français]

+-

    Le président: Monsieur Loubier, vous avez quatre minutes.

+-

    M. Yvan Loubier: Merci, monsieur le président.

    Contrairement à M. Hubbard--M. Erasmus sera probablement lui aussi de cet avis--, je pense que loin de réduire la présence du ministère des Affaires indiennes et de sa bureaucratie, les projets de loi C-7 et C-6, pour ce qui est des revendications particulières, préparent le terrain au maintien, voire l'expansion, de ce ministère.

    En effet, si on se base sur un petit calcul que j'ai fait l'autre jour à propos du rythme auquel ont été traitées certaines revendications particulières au cours des 30 dernières années, on mettra 141 ans à régler les causes qui n'ont pas encore été réglées, sans compter celles qui s'ajouteront dans le cadre des revendications territoriales ou celles reliées au droit inhérent à l'autonomie gouvernementale.

    Le projet de loi C-7 est si amplement contesté jusqu'à présent--et M. Erasmus, au nom des premières nations dénées, vient d'ajouter sa voix à la contestation--qu'il devient clair qu'on s'expose à des recours devant les tribunaux de la part des nations autochtones.

    Il est totalement utopique de penser et de dire qu'on va réduire les frictions et la taille de la bureaucratie, qu'on va en arriver à accorder la pleine autonomie gouvernementale aux nations autochtones et qu'on n'aura plus affaire à eux par la suite. Ce n'est en aucun cas ce qui s'annonce.

    Je vous invite à relire, comme je l'ai fait récemment, le rapport Dussault-Erasmus; ce dernier indiquait clairement le chemin à suivre pour éviter la situation qui est celle observée à l'heure actuelle. Vous verrez alors qu'il existe un écart phénoménal entre les recommandations de ce rapport--et il s'agit d'une commission royale--et les projets de loi C-7 et C-6, ainsi que d'autres projets. Il y a là un genre d'amalgame incroyable de pièces du casse-tête.

    Je pense qu'on est en train d'imiter le ministère des Pêches et des Océans. Il n'y a plus de poisson, mais on compte dix fois plus de fonctionnaires qu'il y a 30 ans. Ce ne sont pas des blagues.

    C'est, à mon avis, la direction qu'on est en train de prendre. Je crois qu'ils ont raison de s'inquiéter parce que ne serait-ce que pour appliquer le projet de loi C-6 et entrer dans le moule du projet de loi C-7, on aura besoin de ressources. En outre, ça va retarder les négociations territoriales et celles qui portent sur les droits liés aux traités.

    Je pense qu'il s'agit là de choses auxquelles nous, membres de ce comité, devrions réfléchir. Je ne sais pas si vous partagez mes craintes, chef Erasmus, mais en ce qui me concerne, ce que je connais du projet de loi jusqu'à maintenant me fait craindre le pire.

    Je vous invite, si vous le désirez, à commenter mes propos. Je n'avais pas de questions particulières à poser, et je m'en excuse.

+-

    Le président: Merci, monsieur Loubier. Ce que vous dites me donne l'occasion d'émettre un commentaire que je voulais faire depuis longtemps.

[Traduction]

    Je vois une comparaison, parce que les membres du comité savent tout ce que nous avons fait avant Noël. Nous avons examiné quatre projets de loi, nous en examinons un aujourd'hui, il y en a un autre qui va être présenté bientôt, et je suis sûr qu'il y en aura encore d'autres.

    On dirait que tous ces projets de loi ont pour effet de créer une institution ou d'en permettre la création. Je suis franco-Ontarien. Un francophone qui vit à l'extérieur du Québec est dans une situation minoritaire et si nous avons survécu dans le nord de l'Ontario, c'est parce que nos ancêtres ont créé des institutions. Par exemple, dans ma circonscription, il y a huit Caisses populaires Desjardins. Lorsque je mentionne cela à mes amis du Québec, ils sont surpris. Nos ancêtres ont beaucoup travaillé pour avoir le contrôle de nos écoles, de nos églises, de l'université et de notre École normale.

    Je vois dans ce projet une tentative honorable d'aider les Premières nations à mettre en place des institutions, parce que sans elles, il n'est pas possible de prospérer ou de se renforcer autrement. Sudbury est la première ville bilingue au Canada à l'extérieur du Québec. La plus importante est Montréal, la deuxième est Ottawa-Hull, et la plus grande ville à l'extérieur du Québec est Sudbury.

    Je réfléchis beaucoup à cette question parce que pendant des générations, nous avons essayé de nous affirmer et c'est la création d'institutions qui nous a permis de le faire. Je vois dans ce projet de loi C-7 le désir d'aider les collectivités à créer des institutions. Si l'on crée une institution ayant le pouvoir de prendre des règlements locaux, les membres de la collectivité exigeront davantage. De cette façon, tout le monde subit des pressions, et cela améliore la vie de la collectivité.

    Je vais peut-être un peu trop loin avec ce que je vais dire maintenant, mais je l'ai dit en privé et je devrais donc le dire également publiquement. Tout le monde s'entend pour dire que le projet de loi C-7 devrait être... La Loi sur les Indiens aurait dû être abolie; il faudrait l'abolir et tout le monde voudrait l'abolir. Notre gouvernement et notre pays ne sont pas prêts à s'en débarrasser tout de suite. Voilà le commentaire que je fais en privé: pour moi, le projet de loi C-7 est comme une voiture en panne que nous allons réparer. Nous allons la réparer pour pouvoir l'amener au garage et pour ensuite nous en débarrasser.

    Un grand nombre de témoins nous ont dit qu'idéalement, ils voudraient négocier de gouvernement à gouvernement. Je le souhaite également. Nous ne sommes pas le gouvernement; nous sommes un comité de la Chambre des communes. Les négociations relatives à l'autonomie gouvernementale sont des négociations de gouvernement à gouvernement qui sont très importantes. J'aimerais qu'elles progressent davantage.

    En un certain sens, je suis heureux que nous ne soyons pas en train d'examiner le projet de loi C-7 de gouvernement à gouvernement. Je suis heureux de participer à cet examen, parce que je considère qu'il serait honteux que le gouvernement du Canada commence à négocier de gouvernement à gouvernement avec un projet de loi que l'on peut comparer à une voiture en panne. Je trouverais cela gênant pour les Premières nations.

    J'ai beaucoup d'espoir dans le projet de loi C-7. Les membres du comité représentent cinq partis politiques et ils travaillent sérieusement. Ils font de l'excellent travail. Je les félicite tous. Je m'occupe uniquement du chronomètre, comme vous l'avez remarqué; j'oblige les membres à respecter leur temps de parole. Mais ce sont eux qui effectuent vraiment le travail et je pense que nous allons améliorer ce projet de loi. Il comportera encore des lacunes, mais il pourra nous amener jusqu'à la station-service où nous pourrons nous en débarrasser. J'espère que c'est ce qui va se produire.

[Français]

    Vous voulez commenter mes propos?

º  +-(1655)  

+-

    M. Yvan Loubier: Vous avez fait là un très beau témoignage, monsieur le président. J'ai beaucoup aimé ce que vous avez dit. Cependant, je note que les institutions canadiennes-françaises que vous avez nommées--le Mouvement Desjardins, entre autres--correspondent à nos coutumes et aux droits civils. Or, le projet de loi souffre d'une lacune majeure dans ce domaine.

    Pour notre part, nous avons pu bâtir en prenant appui sur nos institutions, alors que les nations autochtones ne sont pas en mesure de faire la même chose en prenant comme assise leur droit coutumier et le droit inhérent. C'est peut-être le seul défaut de ce projet de loi, mais il est fondamental. Il reste que j'ai bien aimé ce que vous avez dit. C'était très bien.

+-

    Le président: Espérons qu'on pourra adopter un cadre suffisamment flexible qui leur permettra d'y intégrer leurs coutumes.

[Traduction]

    Cela dit, j'ai abusé de la patience des membres du comité et de votre bon caractère. Il est rare que je prenne la parole aussi longuement; je pensais qu'il fallait que je dise cela.

    Je vous invite maintenant à présenter votre conclusion.

»  +-(1700)  

+-

    Chef Bill Erasmus: Merci.

    J'aimerais vous poser une question, si vous le permettez, avant de présenter ma conclusion. J'ai trouvé vos commentaires très intéressants et très encourageants. Je ne suis pas tout à fait sûr d'avoir bien compris ce que vous dites; je vais donc peut-être vous poser une question pour en savoir davantage.

    Avez-vous dit, et je ne veux pas attacher trop d'importance à cet aspect, que la Loi sur les Indiens n'est probablement pas la meilleure façon de régir les Premières nations et qu'il faudrait l'abolir?

    Le gouvernement a présenté un certain nombre de projets de loi qui essaient d'améliorer la vie des membres des Premières nations. Ils ne sont peut-être pas parfaits, mais le rôle des comités est d'essayer de les améliorer. Nous aurons éventuellement des négociations de gouvernement à gouvernement, et cela ne pourra qu'améliorer notre situation.

    Est-ce bien cela que vous dites?

+-

    Le président: Je pense qu'avec ce projet, le gouvernement donne aux Premières nations la possibilité de créer leurs propres institutions. Qui sait, vous réussirez peut-être à créer des institutions qui seront bien meilleures que celles qui existent ailleurs au Canada.

    Sans les projets de loi qui ont été adoptés ces derniers mois et ceux qui seront adoptés dans les mois qui viennent, je pense qu'il serait très difficile de mettre sur pied des institutions financières. Pour ce qui est de l'éducation, je suis sûr que vous ne faites pas les choses comme je le faisais lorsque j'étais président d'un conseil scolaire. Mais vous avez besoin d'outils pour démarrer et le gouvernement doit accepter que l'argent fasse partie de ces outils. Les témoins ne peuvent se contenter de dire: «Donnez-nous des fonds et nous réglerons tout cela», ce n'est d'ailleurs pas ce que vous avez fait.

    Le gouvernement doit comprendre qu'il faut de l'argent pour agir. Mais, même avec beaucoup d'argent, si l'on ne change pas les règles du jeu, s'il n'y a pas d'institutions, s'il n'y a pas de cadre pour...

    Dans un groupe minoritaire, et je connais bien cette situation, dès que l'on crée une institution, quelle qu'elle soit, elle attire les chefs de file de la collectivité. Cela incite les bénévoles à travailler dans les caisses populaires, dans les coopératives d'épargne et de crédit, comme nous les appelons. C'est ce qui permet à des chefs qui n'avaient jamais eu l'occasion de montrer qu'ils pouvaient l'être de le prouver à la population. C'est de cette façon je crois que l'on construit des collectivités.

    Je tiens à préciser que ce sont là des opinions personnelles et j'essaierai de ne pas les exprimer trop souvent à vous, mes collègues.

    Venons-en maintenant à votre conclusion.

+-

    Chef Bill Erasmus: Monsieur le président, je vous remercie pour les commentaires que vous avez présentés ainsi que les membres du comité, pour leurs questions et leurs commentaires. J'estime que vous avez véritablement fait un effort pour améliorer les choses et pour comprendre la nature du problème.

    Pour ce qui est de donner à notre peuple la possibilité de créer des institutions qui puissent vraiment le renforcer, je pense que nous avons besoin d'avoir cette possibilité pour que nos peuples aient des options, pour qu'ils aient la capacité de créer des institutions qui leur conviennent et que, si l'on prépare un projet de loi, ce ne soit pas un projet de loi qui uniformise toutes ces choses. Nous sommes tous différents, et c'est ce qui fait notre force. Voilà le défi qui vous attend.

    J'aimerais simplement vous demander pour terminer d'examiner le plus d'options possible. J'ai parlé de certains aspects financiers, des problèmes de logistique pour éviter que cela ne ralentisse les négociations, qui avancent déjà si lentement.

    J'ai parlé en général des revendications globales et non pas des revendications particulières. Il y a plus de 600 revendications qui ne bougent pas, avec l'arriéré, et je suis sûr que vous allez en entendre parler lorsque les revendications particulières vous seront présentées. Je parlerai de ces questions, parce que je préside le comité de l'Assemblée des Premières nations qui en est chargé. Il faudra des années pour faire bouger les choses, en particulier si ce projet de loi vient restreindre et limiter les possibilités, s'il reflète un point de vue trop étroit.

    Je vous invite à écouter ce que les gens viennent vous dire et je suis sûr que vous comprendrez alors ce que les gens pensent de ce projet.

    Je devrais peut-être terminer en citant les paroles que le ministre des Affaires indiennes a prononcées lorsqu'il a présenté ce projet de loi en première lecture. Le ministre Nault a fait ces commentaires le 14 juin. Si cela doit vraiment se produire, je crois qu'il faut considérer ces commentaires d'un point de vue particulier. Il a déclaré ceci:

Nous avons l'occasion d'élaborer une mesure législative qui permettrait aux Premières nations de profiter de dispositions plus modernes en matière d'adoption de lois de la communauté et d'application de celles-ci, et qui leur donnerait la capacité d'adopter leurs propres codes communautaires sur le choix des dirigeants, sur la gestion financière et l'obligation de rendre des comptes ainsi que sur le gouvernement de la communauté.

La gouvernance concerne les gens; elle vise à leur donner les pouvoirs nécessaires pour qu'ils puissent s'assurer que leurs gouvernements travaillent à leur avantage.

    Si l'on réussissait à intégrer ces idées dans ce projet de loi, ce ne serait pas une mauvaise chose. Voilà le défi qui nous attend.

    Merci beaucoup. Thank you.

»  -(1705)  

-

    Le président: Merci beaucoup.

    Vous avez comparu devant notre comité lorsque je le présidais en 1996-1997 et vos interventions ont été très utiles à l'époque. Vos remarques d'aujourd'hui nous ont également été très utiles. Il est toujours agréable de travailler avec vous.

    Merci.

    La séance est levée.