Passer au contenu

NDVA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

STANDING COMMITTEE ON NATIONAL DEFENCE AND VETERANS AFFAIRS

COMITÉ PERMANENT DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES ANCIENS COMBATTANTS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 7 mai 1998

• 1802

[Traduction]

Le président (M. Robert Bertrand (Pontiac—Gatineau—Labelle, Lib.)): Bonsoir mesdames et messieurs, bienvenue à notre forum politique. Je m'appelle Robert Bertrand. Je suis le président du Comité permanent de la défense nationale et des affaires des anciens combattants. Comme vous le savez, nous visitons les bases militaires partout à travers le pays afin de trouver le moyen d'améliorer la qualité de vie de nos militaires.

Je commence toujours par présenter les députés qui nous accompagnent ce soir. Je commencerai cette fois-ci par M. Lebel.

[Français]

M. Ghislain Lebel (Chambly, BQ): Je m'appelle Ghislain Lebel et je suis député de la circonscription de Chambly, sur la rive sud de Montréal.

[Traduction]

M. David Price (Compton—Stanstead, PC): Bonsoir. Je m'appelle David Price. Je suis le député de Compton—Stanstead et le critique en matière de défense pour le Parti progressiste-conservateur du Canada.

M. Leon E. Benoit (Lakeland, Réf.): Leon Benoit, critique adjoint en matière de défense pour le Parti réformiste et député de Lakeland, Alberta. La base de Cold Lake se trouve dans ma circonscription.

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Art Hanger. Je suis le critique en matière de défense pour le Parti réformiste et ma circonscription électorale est Calgary-Nord-Est.

M. Hec Clouthier (Renfrew—Nipissing—Pembroke, Lib.): Hec Clouthier. Je suis le député de la circonscription électorale de Renfrew—Nipissing—Pembroke.

Mme Judi Longfield (Whitby—Ajax, Lib.): Je m'appelle Judi Longfield. Je suis la députée de Whitby—Ajax, juste à l'est du Toronto métropolitain. Je suis députée libérale.

M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.): Je m'appelle David Pratt. Je suis le député libéral de Nepean—Carleton.

Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): Allo. Je m'appelle Wendy Lill. Je suis la députée de Dartmouth. Je suis bien contente d'être ici ce soir pour entendre certaines des préoccupations des gens de ma circonscription. En fait, je suis une remplaçante au sein de ce Comité. Je remplace Chris Axworthy, qui est le représentant au sein du Comité de la défense. J'ai pensé qu'il serait plus convenable que je sois ici ce soir, c'est pourquoi me voilà. Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Nous devons communiquer certains détails administratifs.

[Français]

S'il y en a parmi vous qui ont besoin des appareils d'interprétation,

[Traduction]

... ils sont à mon extrême droite ici, où se trouve l'autre greffier. Si vous désirez en obtenir un, on vous le remettra.

Deuxième chose: Étant donné le nombre de témoins qui ont des exposés à faire, nous limiterons chaque présentation à cinq minutes environ. Une fois ce temps écoulé, je vous ferai signe et vous pourrez conclure à partir de ce moment-là.

• 1805

Je ferai également remarquer à mes honorables collègues que les cinq minutes allouées pendant la période des questions s'appliquent également.

Si tout le monde comprend le processus, j'appellerai maintenant le premier témoin, madame Susan Riordon.

Mme Susan Riordon (témoigne à titre personnel): Bonsoir, membres du comité. Merci de l'occasion que vous me donnez de vous adresser la parole ce soir.

Je m'appelle Susan Riordon. Je suis ici légalement pour représenter mon mari, le capitaine Terry Riordon à la retraite. Je suis détentrice d'une procuration écrite en ce qui concerne le soin et la garde de cet homme. Je suis également ici pour représenter toute notre famille.

Puisque le temps est compté, je passerai directement à la décision numéro 6044570 des Anciens combattants du 7 août 1996. Ce document montre jusqu'à quel point nous sommes les bienvenues au ministère des Anciens combattants:

    Dépression grave

    La preuve démontre qu'aucune anomalie n'a été consignée en ce qui concerne votre santé psychologique jusqu'à ce que vous répondiez à un questionnaire sur la guerre du Golfe en février 1995.

    Maladie respiratoire obstructive

    Ne donnant pas droit à une pension.

    Vous vous êtes d'abord plaint d'avoir le souffle court en février 1985 lorsque vous avez rempli le questionnaire sur la guerre du Golfe.

Les deux demandes de pension ont été refusées malgré la preuve médicale en possession du ministère des Anciens combattants. La décision a été signée par J.B. Creamer, Service des pensions, Charlottetown, Î.-P.-É.

Ces décisions traduisent l'absence d'examen des documents médicaux, ne sont pas professionnelles et sont personnellement offensantes. À cette époque, le ministère des Anciens combattants avait le rapport médical fait après la guerre du Golfe, rapport daté de mars 1991, ainsi que d'autres documents, y compris le questionnaire de février 1995 sur la guerre du Golfe. Ces décisions ont été renversées par deux comités d'étude.

Même si je sais que je n'ai que quelques minutes, j'aimerais que vous preniez la page 4 du rapport sur le syndrome de la guerre du Golfe établi par Donald et William Scott. Le rapport a été remis à l'honorable Allan Rock le 27 novembre 1997. La page 4 me préoccupe parce qu'on y trouve une entrevue avec lieutenant-colonel Ken Scott, chef de la clinique militaire réservée aux vétérans de la guerre du Golfe à Ottawa.

Le 23 avril 1997, lorsqu'il a été interviewé, Ken Scott a affirmé ne pas connaître le Dr Joseph, son homologue américain. Il a déclaré que le Comité consultatif sur la Guerre du Golfe ne s'était pas réuni depuis plus d'un an. En réponse à la question suivante, «Avez-vous ordonné un REM pour un quelconque vétéran de la guerre du Golfe?», Ken Scott a répondu «Non. Pourquoi l'aurions-nous fait? La maladie de la guerre du Golfe est une maladie imaginaire et un REM n'indiquerait rien.»

Je vous soumets cinq diagnostics distincts du syndrome de la guerre du Golfe. Apparemment, tout est dans notre imagination. Trois de ces diagnostics sont signés par Ken Scott lui-même.

De plus, Terry a fait l'objet de deux REM lorsqu'il était à la clinique. Devant vous, vous en avez un daté de 1995. Il y en a un autre daté de 1996, ainsi que d'autres documents.

À qui cet officier doit-il rendre des comptes? Il dirige la clinique militaire de la guerre du Golfe. C'est lui-même un vétéran non officiel de la guerre du Golfe, mais il n'est pas sincère lorsqu'il transmet ces rapports au ministre de la Santé. Il n'est pas sincère envers ceux qui vont le consulter. Il n'a aucune compassion lorsqu'il traite avec des vétérans non officiels de la guerre du Golfe. Il a fait un diagnostic erroné dans le cas de mon mari. Selon lui, il était atteint d'épilepsie et souffrait d'autres maladies. Ken Scott devrait avoir des comptes à rendre et son manque de professionnalisme devrait être rapporté à l'Association canadienne des médecins.

Les vétérans de la guerre du Golfe, qui sont tous des vétérans non officiels parce que, en tant que pays, nous ne reconnaissons pas la guerre du Golfe, sont allés à la clinique. Ils ont tous été traités avec dédain, sans aucun égard, et ils se sont sentis gênés d'aller consulter.

• 1810

Le jour de Noël 1990 à 10 h du matin, mon mari a été avisé qu'il était déployé, sans personnel auxiliaire pour assurer la sécurité et la sûreté de nos militaires dans le Golfe. En moins de 24 heures, il était parti. Il était fier de servir son pays. Lui et de nombreux autres militaires des Forces canadiennes qui ont été déployés paient maintenant le prix pour avoir servi le Canada: une sentence à vie. On lui a volé sa dignité et sa santé. À l'heure actuelle, il existe. Il n'a aucune qualité de vie et aucun espoir pour l'avenir.

La maladie de Terry nous a émotionnellement perturbés, mes enfants et moi. À l'heure actuelle, je suis une garde-malade bénévole. Je ne suis pas une épouse; nous n'avons pas de mariage. Cette famille a payé le prix ultime. Même Terry croit qu'on l'aurait mieux traité s'il était revenu de la guerre du Golfe dans un sac à macchabée.

Pour quelle raison notre pays ne nous supporte-t-il pas quand nous sommes dans le besoin? Le ministère des Anciens combattants est un no man's land. Au moment où je parle, la pension de Terry fait l'objet d'un examen exhaustif et total. La décision ne sera pas connue avant un, deux, trois mois à cause de toute la paperasse égarée—des documents médicaux qui n'ont pas été classés comme il se doit au ministère des Anciens combattants. Ce n'est pas nouveau pour moi. Des dossiers perdus, des appels non retournés, des délais constants, voilà la norme. Je suis l'unique chasseur de papiers pour les militaires et le ministère des Anciens combattants.

Comme ancienne épouse d'un militaire, j'ai honte, non seulement de la façon dont notre famille a été traitée par les agences de ce pays, mais j'ai également honte de ce qu'on fait à tous nos soldats malades, perdus et oubliés. J'en appelle à chacun de vous pour que ces hommes et ces femmes braves retrouvent leur dignité. Ils nous ont tous servis sans poser de questions.

Je vous remets des tasses à café du Maple Grove Memorial Club ainsi qu'une lettre de Melissa DeVille, une étudiante de huitième année de 14 ans. Elle a écrit une lettre à chacun de vous au nom des anciens combattants, y compris les anciens combattants non reconnus du Golfe persique.

Membres du Comité, je vous remercie de m'avoir écoutée. Vous êtes notre dernier espoir d'honneur, de dignité et de justice.

Le président: Merci beaucoup.

Nous avons des questions. Madame Lill.

Mme Wendy Lill: Merci, Susan, de votre exposé.

J'ai discuté avec plusieurs épouses de militaires, et elles ont parlé du problème des soins médicaux. Plusieurs d'entre elles ont l'impression que nous parlons d'un différent palier de service médical également. Nous voyons presque des médecins d'entreprise dont le but principal est de remettre les gens à bord des navires plutôt que de s'occuper vraiment de la maladie des hommes. Il est spécifiquement question ici du syndrome de la guerre du Golfe, syndrome auquel je crois tout à fait. Je n'ai aucun doute quant à l'existence de ce syndrome et qu'il ne s'agit pas d'une maladie imaginaire.

J'aimerais que vous me parliez de la qualité réelle des soins que vous croyez être dispensés à ceux qui font partie des forces armées.

Mme Susan Riordon: Il n'y a aucune qualité.

Le cas de mon mari a été diagnostiqué en mars 1991 quelques jours à peine après son retour du Golfe. Il a répondu au questionnaire sur la guerre du Golfe et, c'est ainsi que les militaires l'appellent, il a subi un médical. On a fait le diagnostic d'une grave dépression en 1991. Mon mari a continué de se faire traiter. En 1993, dans une autre base, on a fait le diagnostic d'une fatigue chronique et d'une dépression grave. Nous n'en avons jamais été informés. Tout cela à cause de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Voilà tout ce que nous avons reçu avant Noël.

Nous nous sommes rendus à la clinique de la guerre du Golfe où on a fait le diagnostic erroné d'épilepsie. Il a fallu que je me batte avec le médecin de la base. Je suis une civile; je peux passer outre la chaîne de commandement. C'est la seule raison pour laquelle mon mari a été reçu à la clinique de la guerre du Golfe.

Vos documents incluent une demande de RARM signée par le Dr Wood, dont le chef est Ken Scott, indiquant que mon mari souffrait d'épilepsie et qu'il ne reviendrait pas au travail avant trois ans.

[Note de la rédaction: Difficultés techniques]

• 1815

Le président: Merci, madame Lill. Monsieur Benoit.

M. Leon Benoit: Je crois que M. Hanger a des questions à poser.

M. Art Hanger: Oui, j'en ai quelques-unes.

Madame Riordon, je vous remercie de votre exposé. Je viens d'apprendre deux ou trois choses, juste dans ce que vous venez de dire. Tout d'abord, je ne savais pas que l'imagerie médicale du REM pouvait vraiment détecter le syndrome. Cela se peut-il?

Mme Susan Riordon: Non, bienvenue à la clinique de la guerre du Golfe à Ottawa.

M Art Hanger: D'accord. Cette imagerie montre quantité de détails. Je sais que l'imagerie REM révèle quantité de détails. C'est une preuve assez convaincante en elle-même.

L'autre chose... Je me rapporte à vos remarques en ce qui concerne la page 4. Le Dr Scott ne communique pas avec les médecins américains concernant cette question?

Mme Susan Riordon: À la date à laquelle ce rapport a été remis à Allan Rock, non, il ne le faisait pas. Il ne communique pas avec son associé qui se trouve au Pentagone et qui se penche sur le syndrome de la guerre du Golfe. Il ne communique avec personne qui fait des recherches médicales.

Dans les documents que je dois présenter, il y a des études qui sont faites au Nebraska, à Huntington Beach, en Californie, et il y a des études qui indiquent qu'il existe une possibilité que la maladie de la guerre du Golfe ou le syndrome de la guerre du Golfe est transmissible aux membres de la famille.

M. Art Hanger: Transmissible?

Mme Susan Riordon: Oui. Il y a trois ans, on nous a dit d'avoir des relations sexuelles protégées, d'utiliser des condoms. Mais comme vous pouvez le lire, on a diagnostiqué chez mon mari un cas de liquide spermatique brûlant, donc le sexe n'est pas un problème dans notre mariage. L'intimité n'est pas un problème. Nous faisons chambre à part. J'ai perdu mon mari.

M. Art Hanger: Oui.

Mme Susan Riordon: J'ai perdu mon mari. La dernière fois que je l'ai vu, c'était le 26 décembre 1990. Le pire dans tout cela, c'est qu'il n'a plus de contrôle sur lui-même. Il y a trois semaines, il est venu à deux doigts du suicide.

M. Art Hanger: Vous vivez ici à Halifax?

Mme Susan Riordon: J'habite à Yarmouth, en Nouvelle-Écosse.

M. Art Hanger: Yarmouth. Et il a pris sa retraite le 31 juillet. S'agissait-il d'une retraite forcée?

Mme Susan Riordon: Il a pris sa retraite à la fin de juillet 1995 parce qu'il se sentait malade. Personne ne lui a dit qu'il était malade.

Mon mari se vouait d'abord corps et âme à son pays, le mariage venait en second lieu. Je savais cela. Je n'ai pas toujours su ce que cela voulait dire, mais je le savais.

Il s'est inscrit au PFR, en sachant qu'il était malade, mais en ignorant pourquoi. Puisqu'il ne pouvait pas servir son pays à la hauteur des normes qu'il s'était lui-même fixées, il a cru qu'il était préférable de s'en aller.

M. Art Hanger: Si ce Comité décidait d'aller chercher des informations du côté américain, nous suggéreriez-vous de parler à ce docteur Stephen Joseph au Pentagone?

Mme Susan Riordon: Il aurait probablement plus de renseignements que Ken Scott.

M. Art Hanger: OK.

Ce n'est pas la première fois que j'ai été approché, non pas en ma qualité de membre du Comité mais personnellement, en ce qui concerne le syndrome de la guerre du Golfe. Il y en a d'autres qui se plaignent de ce syndrome également.

Mme Susan Riordon: Environ 20 p. 100 de ceux qui y sont allés, ce sont les chiffres que j'ai. De ces 20 p. 100—nous avons envoyé plus de 4 000 personnes là-bas—la moitié ne sont plus dans les forces armées. Je pense qu'il ne reste plus que cinq d'entre nous qui sont toujours mariés. Ça détruit des vies.

M. Art Hanger: Cinq qui sont encore mariés sur les 20 p. 100?

Mme Susan Riordon: Approximativement, oui. Ça détruit des vies.

M. Art Hanger: Merci, Susan.

Le président: Monsieur Benoit.

M. Leon Benoit: Je vous remercie de votre exposé.

C'est intéressant de vous avoir entendu dire que le ministère des Anciens combattants a égaré les dossiers. Je ne saurais vous dire, d'après ce que j'ai entendu, combien de dossiers ce ministère des Anciens combattants a égarés. Il faut définitivement qu'ils embauchent quelqu'un pour les aider à mettre en place un système de classement. De toute évidence, ce ministère s'en sert comme moyen de se soustraire à ses responsabilités.

Mme Susan Riordon: Ils égarent des dossiers et ils sont très, très sélectifs. Je parle ce soir, et la pension de Terry fait l'objet d'un examen exhaustif. Je m'attends à ce qu'il y ait encore plus de dossiers égarés parce que je parle publiquement. C'est un risque que j'ai pris en demandant de m'exprimer devant ce Comité.

• 1820

M. Leon Benoit: Vous dites donc que le syndrome de la guerre du Golfe est reconnu comme une maladie aux États-Unis?

Mme Susan Riordon: Oui, c'est cela.

M. Leon Benoit: Selon vous, de quelle façon les gens chez qui cette maladie a été diagnostiquée aux États-Unis ont-ils été traités par leurs forces armées? En avez-vous une idée?

Mme Susan Riordon: Leurs militaires ont donné beaucoup d'importance... L'Université du Nebraska et le Dr Garth Nicholson à Huntington Beach mènent des recherches sur le microplasma, et pensent qu'il est transmissible entre mari et femme et membres d'une famille. Mais cela ne relève plus des militaires. La Défense leur a donné de l'argent et leur a dit: «Faites votre rapport dans deux, trois ou cinq ans».

Nous avons pris part à une étude faite par l'Université de Cincinnati sur le liquide spermatique brûlant. Notre participation est très limitée. Ils veulent des fluides corporels. De Yarmouth à Cincinnati, c'est financièrement tout simplement impossible, mais nous participons à leur étude par correspondance.

M. Leon Benoit: Les Forces armées américaines ont-elles admis qu'il s'agissait d'une vraie maladie et ont-elles dédommagé leur monde chez qui on en a fait le diagnostic?

Mme Susan Riordon: Au meilleur de ma connaissance, oui. Leur pays l'a reconnaît également comme la guerre du Golfe, alors que ce n'est pas le cas chez nous.

M. Leon Benoit: Oui, c'est un autre point.

Il faut que nous en sachions plus à ce sujet. Je sais qu'on en a parlé beaucoup et il me semble toujours que nous en savons très peu à ce sujet.

Dites-vous qu'en avril 1997, le Dr Ken Scott, en réponse à la question «Avez-vous ordonné à un des vétérans de la guerre du Golfe de subir un REM?», a dit «Non, pourquoi devrions-nous le faire?». C'était bien là sa réponse?

Mme Susan Riordon: C'était bien sa réponse: «Pourquoi le ferions-nous? La maladie de la guerre du Golfe est une maladie imaginaire.» Cet homme dirige la clinique de la guerre du Golfe. Regardez le nombre de ceux qui ont servi durant la guerre du Golfe et qui iront à sa clinique. Ils sont peu nombreux.

M. Leon Benoit: Et cette information, vous l'avez obtenue en vous prévalant de la Loi sur l'accès à l'information, ou...?

Mme Susan Riordon: Non, c'est le chercheur lui-même qui m'a envoyé les documents. Il y en a des copies ici, et j'en ai fait parvenir une copie d'avance. Ces documents ont été remis à l'honorable Allan Rock en novembre, et Ken Scott—excusez-moi, je ne peux pas dire le docteur—Ken Scott savait au moment où il était interrogé que c'était pour un ministre de notre pays. Le diagnostic du syndrome de la guerre du Golfe, que vous avez devant les yeux... dans le cas de mon mari, sur cinq diagnostics, il a en signé trois. Comment pouvez-vous cliniquement faire un diagnostic puis aller dire publiquement et au ministre de la Santé de notre pays «C'est imaginaire»? C'est quoi ça?

M. Leon Benoit: Je dois certainement analyser tout cela plus en profondeur, et j'apprécierais que vous me donniez votre numéro de téléphone privément afin que je puisse communiquer avec vous. Nous devons examiner cela.

Mme Susan Riordon: Je vous en sais gré.

M. Leon Benoit: Merci beaucoup.

Le président: Monsieur Price.

M. David Price: Merci, monsieur le président.

Merci beaucoup de votre exposé. Vous avez répondu à bien des questions que j'avais. Cependant, une question qui me chicote est celle-ci. Le diagnostic que le Dr Scott a fait chez d'autres personnes, l'a-t-il fait après qu'il eut, disons, non posé le diagnostic dans le cas de votre mari?

Mme Susan Riordon:

[Note de la rédaction: Inaudible]

Des voix: Oh, oh!

M. David Price: Vous pouvez le voir comme ça.

Mme Susan Riordon: Je regrette; je n'ai pas l'âme d'un diplomate.

M. David Price: Ça va.

Mme Susan Riordon: Il a fait quantité de diagnostics.

M. David Price: Quelques-uns avant, quelques-uns après?

Mme Susan Riordon: Quelques-uns avant, quelques-uns après. Lorsque mon mari s'est rendu à la clinique de la guerre du Golfe, lorsque nous avons découvert qu'elle existait et après que j'eus insisté pour qu'il s'y rende, nous étions confiants, honnêtement. «Formidable, nous allons revivre. Mon mari va revenir.» Il est entré à la clinique et on lui a dit, au bureau d'admission: «Si vous éprouvez plus que sept malaises à la fois, vous êtes hypocondriaque.» C'est comme ça que cela a commencé, et c'est allé en empirant.

• 1825

M. David Price: Avez-vous une idée comment il aurait pu faire un diagnostic pour les autres, ceux pour lesquels il a fait le diagnostic de la guerre du Golfe, lorsqu'il dit des choses qui n'existent pas? Comment aurait-il pu faire? Quelque chose ne marche pas, pas du tout.

Mme Susan Riordon: Ken Scott est tout à fait inapte, monsieur. Je regrette, c'est la seule façon de répondre à cela. Et c'est le directeur de notre clinique militaire de la guerre du Golfe. Apparemment, c'est un très bon officier militaire.

M. David Price: OK, merci beaucoup.

Mme Susan Riordon: Merci.

Le président: Monsieur Hanger, vous aviez une autre brève question?

M. Art Hanger: Oui.

Tout d'abord, quelqu'un a diagnostiqué ce syndrome dans son cas?

Mme Susan Riordon: Il y a cinq diagnostics cliniques du syndrome de la guerre du Golfe, trois sont signés par Ken Scott.

M. Art Hanger: OK, et ça se rapporte à votre mari?

Mme Susan Riordon: Oui.

M. Art Hanger: Bien. Qui a changé d'idée et a dit autre chose, qu'il s'agissait d'épilepsie ou que c'était...?

Mme Susan Riordon: Ken Scott.

M. Art Hanger: Scott lui-même?

Mme Susan Riordon: Oui, lui-même.

M. Art Hanger: A-t-il examiné votre mari?

Mme Susan Riordon: En un certain sens, oui.

M. Art Hanger: Que voulez-vous dire, «en un certain sens»?

Mme Susan Riordon: Il avait demandé l'avis d'autres médecins, et il a choisi les rapports dont il voulait se servir.

M. Art Hanger: Connaissez-vous quelqu'un d'autre qui souffre de cette maladie et qui a le même genre de problème?

Mme Susan Riordon: Je pense que tous ceux qui ont la maladie de la guerre du Golfe ou le syndrome de la guerre du Golfe—appelez ça comme vous voulez—vous diront la même chose.

M. Art Hanger: Ils obtiennent la même réponse évasive?

Mme Susan Riordon: Ils obtiennent la même réponse évasive et quelques-uns d'entre eux refusent tout simplement d'aller à la clinique de la guerre du Golfe. Et je n'incite personne à y aller. Cela nous vaut plus de préjudice et nous coûte plus de perte financière que n'importe quoi d'autre.

M. Art Hanger: Par perte financière, vous voulez dire...?

Mme Susan Riordon: Nous avons basé notre vie sur un diagnostic erroné d'épilepsie et sur l'affirmation de Ken Scott qui disait que mon mari serait capable de retourner au travail dans trois ans. Nous avons donc modifié tout notre plan de vie et nous avons fait l'achat d'une maison qui ne convient pas maintenant au plan médical, mais si vous souffrez d'épilepsie, c'est ce qu'il nous faut. Nous nous sommes rendu compte plus tard que nous sommes dans une embarcation et que nous n'avons rien pour pagayer.

M. Art Hanger: Et aucune indemnisation?

Mme Susan Riordon: Non.

M. Art Hanger: Bien. Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Mme Susan Riordon: Merci.

Le président: J'appelle maintenant Rudi Saueracker.

M. Rudi Saueracker (témoigne à titre personnel): Bonsoir, monsieur le président et membres du comité permanent. Je m'appelle Rudolph A. Saueracker, SSM, je suis un militaire retraité des Forces armées canadiennes.

Le président: Aimeriez-vous pouvoir vous asseoir?

M. Rudi Saueracker: Non, ça va; je préfère rester debout. Mais j'apprécie votre offre. Merci, monsieur Bertrand.

Je suis un militaire retraité des Forces armées canadiennes, plus précisément opérateur 291 de recherche en communications du réseau radio supplémentaire des communications et du commandement des Forces canadiennes. Je suis aussi une victime de l'hépatite B, le VIH, en phase terminale, et je souffre d'une extrême anxiété et de dépression, j'ai des problèmes de genoux et je souffre de troubles gastro-intestinaux.

J'avale en moyenne par jour quelque chose comme 35 à 40 médicaments différents, allant des antirétrovirus aux anti-inflammatoires, aux médicaments pour les troubles gastriques et du Ty 3 pour mes maux de tête persistants. Lorsque je souffre de symptômes liés au VIH et d'infections opportunistes comme un simple rhume, ces doses augmentent grandement. Les médicaments m'aident à rester en vie et à être raisonnablement mobile.

Je me suis présenté ici aujourd'hui à cause d'un besoin urgent et rigoureux, même si cette présence aura probablement de très sérieuses répercussions sur ma santé, sans compter les délais qui se produiront probablement maintenant dans le processus de ma demande de pension. Le fait de paraître devant ce Comité est peut-être la dernière chose à la mesure de mes moyens que je puisse faire pour faire avancer mon propre cas.

• 1830

Je veux également dire à ce point-ci que si cela n'avait pas été d'un ami qui m'a informé de la tenue de ces audiences, je ne serais pas ici devant vous aujourd'hui. Ni le ministère des Anciens combattants ni la Défense nationale n'ont cru bon de faire parvenir à leurs pensionnés le moindre renseignement en ce qui concerne le Comité permanent de la défense nationale et des affaires des anciens combattants.

Ces deux entités me connaissent très bien, moi, ma famille, et les problèmes que nous vivons, et encore le seul moyen de participer à ces débats, c'est de passer par la porte d'en arrière. Je vous demande pourquoi? Est-ce que ces ministères pensent qu'ils doivent en mettre et en mettre pour se faire valoir ou bien, Dieu nous en préserve, pour ne pas avoir à répondre à des questions très embêtantes?

Nous autres, les pensionnés, nous devrions être avisés bien à l'avance de ces débats compte tenu du fait que cela nous touche. Vous l'avez déjà entendu—et vous l'entendrez probablement encore—nous ne sommes pas les seuls qui ont été ignorés et, peut-être, qui ont été tenus loin de ces audiences.

Je pense que la meilleure façon de parler de la qualité de vie au sein des Forces armées canadiennes et des Affaires des anciens combattants, c'est de vous donner un point de vue personnel, du fait que j'ai connu les deux. Les grandes lignes de ce que j'en pense sont contenues dans l'exposé écrit d'accompagnement et dans l'addenda.

Dans le document, j'ai tenté désespérément de fermer la porte aux émotions et j'essaierai aussi de me retenir dans mon exposé oral. J'espère que je réussirai. Cependant, je sais que les émotions jouent un grand rôle dans la qualité de vie et aussi dans ce débat. Par conséquent, si je laisse paraître mes états d'âme, je m'excuse de mon incapacité de ne rien laisser paraître. Je ne suis pas habitué non plus à rédiger des discours, et s'il y a une certaine similitude avec le document écrit, c'est probablement dû au fait que je me retiens. C'est drôlement plus facile que d'essayer de récrire le même raisonnement de deux ou trois façons différentes.

Je veux également m'excuser à ce moment-ci auprès du Comité de ne pas avoir une traduction française complète à présenter ce soir. Il y a une certaine terminologie très technique et importante, de même que des pensées et des sentiments complexes dans le document. Ma femme Emily et moi-même avons pensé que ce serait mieux d'en faire la traduction nous-mêmes de façon que le sens de ce que j'avance ne soit pas dénaturé. Une traduction complète sera faite et présentée sous peu. Nous avons apporté avec nous des parties qui sont terminées, que nous avons déposées.

Nous n'avons eu qu'environ trois semaines pour préparer ce document, et nous n'avions vraiment pas beaucoup de temps. Ce que j'aurais normalement pu écrire en huit ou dix heures a pris presque trois semaines en comptant les révisions. Sans l'aide de ma femme qui m'a relu, qui a pris soin de moi, qui m'a encouragé et qui m'a grondé, et qui a littéralement veillé sur moi lorsque j'étais malade, je n'aurais même pas tenté d'écrire ce document, encore moins osé être ici devant vous.

Je dois aussi admettre que cela me fait un peu trembler de me tenir ici devant vous, mais je suis là, un simple militaire retraité, un contribuable sans prétention, sans aucune boîte à savon sur laquelle me tenir, contrairement à de nombreuses personnes que vous avez déjà rencontrées.

Vous avez entendu le chef d'état-major de la Défense nationale, le général Baril, et vous avez entendu parler de plusieurs officiers supérieurs actuellement en service actif, et de plusieurs autres qui ont pris leur retraite. Vous avez également entendu parler de soi-disant proposeurs et décrasseurs au sein de la Défense nationale et du ministère des Anciens combattants. Ce sont des gens qui ont des pouvoirs de décision immenses, avancement ou non-avancement dans la carrière, de même que de réprimande envers les membres des forces armées.

Ceux parmi nous qui reçoivent des pensions soit de la Défense nationale ou des Anciens combattants doivent aussi faire très attention à ce qu'ils disent, car il y a toujours une possibilité de revanche de ceux qui détiennent le pouvoir. Ce sont des gens qui ont des réputations et des postes à protéger, de même que leur propre domaine à protéger dans ce qui semble être leurs possessions à eux. Et ils les protègent croyez-moi. L'expérience de ces ministères et les effets sur mes demandes de pension me donnent le cran d'avancer cette opinion.

À partir de ce que j'ai lu dans plusieurs des témoignages d'employés de la Défense nationale, d'officiers d'état-major général et de leurs supporteurs, ils semblent croire qu'ils font un travail absolument merveilleux et qu'on devrait les féliciter pour une tâche bien faite. S'il y a des échecs, bien, ça doit être la faute de leurs subalternes, pour paraphraser notre précédent CEMD, le général Boyle. Comme d'habitude, ils vivent dans leur propre petit monde de rêve où leur réalité n'est pas la réalité du soldat ordinaire ni celle des familles.

D'après mon expérience, il n'existe normalement pas de forum pour le personnel subalterne, encore moins pour leur famille ou, le ciel nous en préserve, un ancien combattant, qui leur permette d'exprimer leurs préoccupations en ce qui concerne les problèmes au sein des Forces canadiennes et du ministère des Anciens combattants.

J'accorderai une certaine gloriole à l'actuel CEMD, sous un rapport. Lorsque le bureau du JAG est intervenu à la suite d'une audience, le CEMD a déclaré publiquement, de même que sous forme de note de service, que tous les militaires ont le droit de s'adresser à ce comité. Il s'agit vraiment d'une première, et j'espère que ce n'est pas la dernière. Nous avons des droits et il est à peu près temps que le QGDN le réalise. Je désire également remercier le CEMD pour cette aimable attitude. Bravo zulu, monsieur.

Cela me ranime de voir que plusieurs militaires du rang et leurs familles ont parlé de tout, de l'infect approvisionnement en eau dans les bases aux LF inhabitables, de la solde minable, des longues heures, de la surcharge de travail et du manque de respect. Et comme vous l'avez entendu à Gagetown, il y a de la crotte de chauve-souris dans le sous-sol.

Je vois aussi enfin que je suis libre de parler de l'état lamentable du leadership au sein des Forces canadiennes. Cependant, aussi intéressants que ces sujets puissent être et quoique j'en pense, les problèmes que je vous présente aujourd'hui sont beaucoup plus graves, ou mortellement graves.

Au cours des 25 dernières années, aucun Canadien ou presque n'a été condamné à mort par le système judiciaire du Canada pour un crime commis et pour lequel il a été jugé coupable. On ne condamne pas à mort les meurtriers et les assassins des policiers, on leur donne une sentence à vie dans une prison tout confort, s'ils sont malchanceux.

• 1835

Malheureusement, je n'ai pas cette chance. Moi qui n'ai commis aucun crime, qui n'a pas manqué de respect, qui n'a pas trahi ou qui n'a pas porté préjudice à ce pays, j'ai reçu la sentence ultime. On ne m'a pas donné le droit de paraître devant un jury composé de mes pairs pour juger de mes actes ou dire quelque chose pour modifier mon sort. Le crime que j'ai commis a été de mettre ma carrière, ma santé et ma vie entre les mains supposément capables et justes du ministère de la Défense nationale et d'avoir servi mon pays.

Pour mon dévouement envers le pays et les services que je lui ai rendus, j'ai été sommairement condamné à mort par les Forces armées canadiennes et le Centre médical de la Défense nationale. Comme vous le savez après avoir lu le document que j'ai présenté, j'ai décrit le cours des événements qui ont mené à ma condamnation à mort. J'ai brossé les grandes lignes de ma carrière au sein des Forces canadiennes, j'ai parlé du code de groupe professionnel militaire qu'on m'avait attribué, ainsi que des exigences de cette spécialité. Je vous ai donné une description de l'habilitation de sécurité que je détenais lorsque j'étais dans les FC, et j'ai tenté de décrire la multitude des contrôles de sécurité que j'étais forcé de subir, contrôles commandés principalement par la branche médicale des Forces canadiennes.

Dans l'addenda que je viens tout juste de remettre se trouvent toutes les preuves à l'appui de ma position, et j'espère que je n'ai rien oublié. Je peux vous fournir d'autres documents si vous le désirez.

J'ai également décrit en détail les voies d'infection que ces maladies empruntent. J'ai décrit en détail ces voies que les forces armées et les forces de sécurité de ce pays et leurs alliés ont jugées catégoriquement impossibles. La seule avenue qui reste, c'est la transfusion sanguine, dont ma femme a été témoin, et dont l'unique responsabilité incombe à la branche médicale des Forces canadiennes. Je vous ai également donné l'opinion d'un conseiller juridique.

En raison du fait que je suis toujours détenteur de l'une des habilitations de sécurité les plus élevées au pays, je ne peux pas être un utilisateur de drogues par injection, un homosexuel, ou encore un homme qui ne fait pas de distinction de sexe. Compte tenu de ce fait, il ne m'incombe pas de prouver que je suis ni l'un ni l'autre de ce qui précède, mais il incombe aux forces armées et au gouvernement de prouver hors de tout doute raisonnable que je le suis. Cependant, telle est la situation dans laquelle je me trouve: devoir prouver que je suis un citoyen payeur de taxe honnête, digne de confiance et honorable. Par conséquent, je vous pose la question suivante: quel crime ai-je donc commis pour mériter une condamnation à mort?

J'ai une femme et cinq enfants dont trois ont été conçus après la date de mon infection. Chose encore plus pénible, quel crime ma femme et trois filles très jeunes ont-elles commis, à part qu'elles soient mes personnes à charge, qui mérite le dur mépris et le fiel amer dont les forces armées ont fait preuve tout en exposant ces innocents à ces maladies mortelles comme le VIH et l'hépatite B? Qui a donné au QGDN ou à quiconque des forces armées ce genre de pouvoir—le droit de décider qui va vivre, qui va mourir et qui peut être exposé? Ce sont bien plus que des meubles et effets, même si le QGDN refuse d'accepter cette réalité.

Vous avez probablement entendu cela bien des fois, mais je dois le répéter encore. Tous ceux ou presque tous ceux qui font partie des forces armées et qui ont des personnes à charge ont souvent entendu que si le QGDN avait voulu que nous ayions des épouses et des enfants, il nous les aurait fournis bien sûr. Ouais, c'est ça, le QGDN ne peut même pas s'assurer que nos troupes des armes de combat ont des bottes.

J'ai décrit brièvement aussi dans ce document les conditions qui sont notre pain quotidien lorsque nous sommes dans les forces armées. J'ai tenté de vous brosser un tableau des conditions dans lesquelles nous vivons aujourd'hui. Elles sont presque insoutenables. Je le sais car je les vis quotidiennement. Ma femme et mes cinq enfants les vivent quotidiennement sans que ce ne soit de ma faute ou la leur.

Monsieur le président, je sais que je ne dois pas dépasser le temps qui m'est accordé ici, mais vous devez comprendre que je suis astreint à une autre limite de temps. Lorsqu'on a diagnostiqué ma maladie en 1992, on me donnait à vivre jusqu'à Noël de la même année. Ou encore si j'étais vraiment chanceux, il me restait deux ans.

Chaque minute que je respire est un don de Dieu et de personne d'autre. C'est un don tout à fait gratuit. Je me bats pour vivre. Et pour empirer les choses encore, je dois à l'heure actuelle livrer une grande bataille bureaucratique contre la Défense nationale et le ministère des Anciens combattants afin qu'après avoir rendu mon dernier soupir, ma femme et mes enfants ne crèvent pas de faim, ne perdent pas la maison familiale, ne perdent pas leurs droits aux études, ou ne soient pas jetés à la rue.

C'est ça la qualité de vie? Qui est-ce qui en donne cette définition? Ce n'est pas une vie. Je suis un cadavre en attente d'une boîte. Aussi vrai que vous me voyez ici, vous pouvez être certains que, selon toute vraisemblance, je ne fêterai pas mon cinquantième anniversaire. Je n'aurais même pas dû voir mon quarantième. Il n'y aura pas de retraite pour moi, pas de pension dorée, pas de chaise berçante sur la galerie à côté de la seule personne que j'aime plus que tout dans cette vie. Tout est fini.

• 1840

Il y autre chose, répondez à ceci: quel genre de vie est-ce pour mes enfants qui se réveillent le matin sans savoir si leur père va vraiment empirer et mourir? Comment expliquez-vous à vos enfants que, parce que papa a servi dans les forces armées, il ne vieillira pas avec maman? C'est ça la «qualité de vie» pour moi et ma famille.

Combien y en a-t-il parmi vous qui peuvent s'en aller chez eux continuer d'avoir des relations normales? Cela fait maintenant plus de six ans que cette partie de notre mariage nous a été interdite à ma femme et à moi. Je vis dans la crainte constante de tuer mon épouse simplement en l'aimant. Je n'ai pour ainsi dire aucun avantage social. Je n'ai pas d'assurance puisque je ne suis pas assurable. Je n'ai aucun REER ni quelque pension que ce soit pour prendre soin de ma famille, encore moins les ressources nécessaires qui me permettraient d'y contribuer. Tout cela s'est envolé aussi. Ils m'ont rayé du RSSFP, ils m'ont enlevé mon droit au RARM, et ils ne m'ont donné aucune raison médicale qui m'aurait permis d'avoir une pension. Ils m'ont même dépouillé de mon droit à être mis au courant de ma maladie et d'en avertir mon épouse afin que je puisse m'assurer que je ne mettrais pas sa vie en péril.

Sur le plan financier, nous crèverions littéralement de faim si ce n'était pas du RPC car nous n'aurions aucun moyen de survivre avec les quelque 250 $ que je reçois mensuellement du ministère des Anciens combattants. Et puis, pour ajouter l'insulte à l'injure, lorsque j'ai enfin obtenu la médaille du service spécial avec deux barrettes—deux barrettes!—pour services rendus à mon pays, on me l'a envoyée par la poste dans un sac en papier brun. «Voici pour toi, à présent disparaît»... C'est exactement comme ça que je l'ai pris. Et ils appellent ça respecter nos militaires? Je n'ai même pas encore les agrafes.

Une fois encore, j'aimerais citer les remarques qui ont été faites par un membre de ce Comité le mardi 10 mars 1998 à Ottawa, Ontario, lorsque le lieutenant-général Kinsman présentait son laïus:

    Je me sens un peu mal à l'aise d'essayer de définir les responsabilités que le gouvernement a envers les militaires parce que ce serait ni plus ni moins leur dire ce que nous pensons de notre obligation envers eux. Nous avons déjà défini leur obligation envers nous, c'est celle d'agir comme défenseurs de notre pays au risque de leur propre vie. Nous sommes présentement à définir ce que nous leur devons en retour pour ce sacrifice hypothétique.

Ce sont les mots de M. Bob Wood.

Je vous demande maintenant de me regarder, ma femme et moi, et de nous dire quelle est l'obligation de ce pays envers nous. Le pouvez-vous?

C'est très bien de continuer d'envoyer nos fils et nos filles à l'étranger pour défendre le Canada et notre mode de vie mais, bon sang! vous êtes mieux de vous faire une idée rapidement de ce que vous leur devez, et vous faites mieux de faire en sorte rapidement que cette obligation soit enchâssée dans la loi. Mettez-là en pratique et commencez à aider ceux qui ont donné tout ce qu'ils avaient pour leur pays. Nous ne devrions pas être traités comme des citoyens de quatrième ou de cinquième classe.

Avant que je termine mon exposé oral, j'aimerais vous donner une définition. C'est la mienne. Qu'est-ce qu'un ancien combattant? Un ancien combattant, c'est un homme ou une femme qui a porté l'uniforme des services armés de son pays ou de la marine marchande en temps de guerre, en temps de paix ou de conflit régional, ou qui est, dans le rôle que jouent aujourd'hui les militaires, voué au maintien de la paix dans le monde. Ces gens ont pris la décision consciente de risquer leur vie pour garantir nos droits à la liberté, droits que nous semblons prendre collectivement de plus en plus à la légère.

Je vous en prie, prenez le temps de réfléchir à cette décision dont je vous ai humblement fait part. Avant que vous ne mettiez la présente étude sur une tablette aux archives, considérez, je vous prie, les hommes et les femmes en uniforme et les épouses, les maris et les enfants de tous ces gens merveilleux dont le seul désir est de servir leur pays. Considérez ces familles qui sont toutes trop souvent celles qui sont laissées derrière pour ramasser les pots cassés. Ce ne sont certainement pas les forces armées. Non plus que le ministère des Anciens combattants ni le gouvernement. Forcez-vous à découvrir l'obligation que le Canada a envers ces personnes.

Monsieur le président, je vous remercie du temps que vous m'avez accordé et de votre indulgence. Si vous avez des questions, j'y répondrai avec plaisir.

Le président: Je vous remercie beaucoup de votre exposé.

Monsieur Hanger.

M. Art Hanger: Merci, monsieur, de cet exposé. C'est toute une pièce oratoire que vous nous avez présentée là.

M. Rudi Saueracker: J'ai fait mon possible, monsieur.

M. Art Hanger: Oui, je peux le constater. Il semble que votre combat dure depuis longtemps.

M. Rudi Saueracker: Presque six ans, monsieur.

M. Art Hanger: Je voudrais que vous m'expliquiez ce qui s'est exactement produit il y a quelques années. Vous avez eu une transfusion?

M. Rudi Saueracker: En autant que je le sache, monsieur. J'étais sur une table d'opération sous anesthésie générale. Je n'ai pas la moindre idée de ce qu'ils ont fait. Ma femme a vu la transfusion.

M. Art Hanger: En quelle année était-ce?

• 1845

M. Rudi Saueracker: C'était le 17 avril 1985.

M. Art Hanger: Et c'était du sang contaminé?

M. Rudi Saueracker: Dans la mesure où nous pouvons le supposer, monsieur, il fallait que c'en soit. C'est la seule voie plausible qui reste. Il n'y a que quatre voies d'infection par l'hépatite B, le VIH.

M. Art Hanger: Tout à fait, exactement.

M. Rudi Saueracker: Il y en a quatre. Vous êtes soit un utilisateur de drogues par injection, vous ne faites pas de différence de sexe, vous êtes homosexuel, ou vous êtes infecté par le virus de l'immunodéficience humaine en utilisant le système mis en place par ce pays.

Les forces armées m'ont donné une habilitation de sécurité Très Secret, Accès spécial, Mot-code classification 3. Je ne pouvais pas parler à ma femme de ce que je faisais au travail. Je ne pouvais même pas parler à mes collègues de travail, à mes collègues militaires qui travaillaient dans la même pièce que moi, de ce que je faisais dans ma base. Si j'ai eu ce type d'habilitation du gouvernement de ce pays, cela signifie que je ne suis définitivement, incontestablement, absolument pas un homosexuel, un utilisateur de drogues par injection, ou que je ne fais pas de différence de sexe. Je suis aussi marié à une Acadienne. Si j'étais à voile et à vapeur, je serais mort. Je ne serais pas ici devant vous.

Des voix: Oh, oh!

M. Rudi Saueracker: C'est ce que je pense, monsieur Hanger.

M. Art Hanger: De toute évidence, vous avez de très bons rapports avec votre épouse.

M. Rudi Saueracker: Je l'aime tendrement, monsieur. N'eut été d'elle, je serais déjà mort.

M. Art Hanger: À cette époque, les réserves de sang étaient en fait contaminées, n'est-ce pas?

M. Rudi Saueracker: Au meilleur de ma connaissance, oui. Si vous lisez des livres... si vous lisez le livre écrit par André Picard, les détails sont on ne peut plus clairs, et la Commission Krever affirme sans aucune équivoque l'incompétence, la négligence du gouvernement de ce pays.

M. Art Hanger: Existait-il des documents—et j'ai remarqué que vous aviez des copies de quantités de choses ici—qui indiquent que c'était de fait du sang qui était fourni aux forces armées?

M. Rudi Saueracker: Non, il n'y en a pas.

M. Art Hanger: Aucun document?

M. Rudi Saueracker: Il n'y a aucun registre quelconque d'une banque de sang. Il n'y a aucun registre du deuxième site de perfusion intraveineuse, même si j'ai les cicatrices sur mes deux pieds. Mais les forces armées disent que je suis stupide parce qu'il ne s'agissait que d'une seule intraveineuse. Comment il se fait, alors, que j'ai deux trous? Êtes-vous si incompétents pour faire une injection par intraveineuse qu'il vous faut vous reprendre à deux fois, un essai dans chaque pied?

Je n'ai aucune difficulté à croire ma femme, aucune. Pourquoi en aurais-je? Pourquoi douterais-je d'elle? Je sais déjà qu'il n'y a pas d'autres choix, qu'il n'y a aucune autre avenue possible. Ces trois voies que les militaires ont déjà invoquées sont catégoriquement impossibles. Par conséquent, la seule qui reste doit être celle par laquelle l'infection a pénétré dans mon corps. Ce n'est pas simplement cela; en lisant attentivement ces documents vers 2 h de la nuit il y a quatre ou cinq jours, je suis tombé sur le rapport d'un médecin où il est dit qu'en 1986, mon foie était enflammé. Ils ont soupçonné l'hépatite B et ont refusé de procéder à l'examen. Lorsque j'ai été libéré, ils n'ont pas fait le test complet de dépistage du SIDA, ils ont fait un hémogramme complet. Belle affaire.

M. Art Hanger: En 1986.

M. Rudi Saueracker: Et j'ai été libéré en 1987. Et vers la mi-avril 1987, j'étais à l'hôpital de la ville de Moncton, entre la vie et la mort à cause d'un cas terminal d'hépatite B et d'une jaunisse tellement forte que la majorité des gens n'auraient même pas été capables de se rendre jusqu'à l'hôpital, encore moins se tenir debout.

M. Art Hanger: Votre femme et vos enfants sont-ils contaminés?

M. Rudi Saueracker: Dieu merci, non. Et j'en remercie Dieu et c'est uniquement grâce à sa miséricorde qu'ils ne le sont pas.

M. Art Hanger: Merci, monsieur.

Le président: Monsieur Price.

M. David Price: Merci, monsieur le président.

Je vous remercie beaucoup d'avoir eu la force d'être ici. Je crois qu'il était important que nous entendions cela, et que nous l'entendions de votre bouche.

M. Rudi Saueracker: Merci, monsieur Price. Je vous en sais gré.

M. David Price: J'ai eu la chance de lire votre exposé avant; en fait, je l'ai lu plusieurs fois. Je ne peux simplement pas trouver d'épithètes pour le qualifier. J'ose espérer que mes collègues auront l'occasion de lire tout le document. Il est important que le tout soit lu. Il contient beaucoup d'autres précisions que nous devons connaître.

J'ai deux ou trois questions à la suite de cette lecture. L'une de ces questions, qui est probablement importante—et elle est dans le document—c'est qu'ils vous ont mis sous anesthésie générale...

M. Rudi Saueracker: Oui.

M. David Price: ... et qu'ils vous ont, par la même occasion, opéré aux deux poignets au niveau du canal carpien.

M. Rudi Saueracker: De toute évidence, oui, et ils n'ont utilisé qu'un seul tourniquet. De fait, j'ai vérifié par la suite auprès de quelques amis à moi qui avaient subi l'opération, c'est de geler simplement le bras...

M. David Price: Normalement oui.

M. Rudi Saueracker: ... et ils procèdent.

Mon meilleur ami à Moncton a subi la même chirurgie, et ça n'a pris que 15 minutes.

• 1850

M. David Price: Oui, exactement. Cela semble absolument incroyable, les deux mains en même temps.

M. Rudi Saueracker: C'est tellement incroyable que c'en est ridicule. C'est presque risible.

M. David Price: Non, ce n'est certainement pas risible.

Pouvez-vous nous dire simplement quel travail vous faisiez, votre travail exact dans les forces armées?

M. Rudi Saueracker: Je peux le faire, mais auparavant, monsieur, je vais demander au président...

Monsieur le président, avant de répondre à la question de M. Price, je demande la garantie totale que je ne serai poursuivi d'aucune façon en vertu de la Loi sur les secrets officiels de ce pays. Me donnez-vous cette garantie, monsieur?

M. David Pratt: Monsieur le président, j'en appelle au règlement, je ne crois pas que ce Comité puisse donner cette garantie.

Le président: Je ne sais pas, monsieur, si j'en ai le pouvoir.

M. Rudi Saueracker: Si je ne répondais pas à cette question?

Le président: Je ne sais pas, monsieur, si j'ai le pouvoir ou l'autorité.

M. Rudi Saueracker: Je suis tenu par la loi de répondre à la question de M. Price?

M. David Pratt: Non, vous ne l'êtes pas, monsieur.

M. Rudi Saueracker: Non, n'est-ce pas?

M. David Pratt: Vous n'êtes pas obligé de répondre à cette question si elle contrevient à un acte législatif de ce pays ou à la Loi sur les secrets officiels.

M. Rudi Saueracker: Permettez-moi alors de faire cette déclaration.

Le président: OK.

M. Rudi Saueracker: Lorsque j'ai pris ma retraite le 6 mars 1987, j'ai signé un document de dégagement de la classification de sécurité qui stipulait que je ne devais pas parler pendant cinq ans des conditions de mon service ou de ce que j'ai fait dans les forces armées. Cet engagement a pris fin le 6 mars 1992. Le CST, qui a communiqué avec moi deux fois cette année par téléphone, a déjà indiqué qu'il m'en tiendrait à la clause des 25 ans à vie, ce que je n'ai pas signé. Si vous désirez que j'en parle dans ces conditions, je le ferai.

M. David Price: Que diriez-vous si je reformulais ma question?

M. Rudi Saueracker: Reformulez-la.

M. David Price: Supposons alors que vous aviez une habilitation de sécurité extrêmement élevée.

M. Rudi Saueracker: Oui, c'était le cas.

M. David Price: De fait, jusqu'où vous pouvez aller à peu près.

M. Rudi Saueracker: À un niveau supérieur à celui de premier ministre.

M. David Price: Donc, pourquoi aviez-vous besoin d'une telle habilitation?

M. Rudi Saueracker: Parce que j'étais un téléphoniste de l'interception illicite.

M. David Price: OK. Pour obtenir ce niveau d'habilitation, j'imagine que vous deviez suivre une formation poussée, beaucoup de...

M. Rudi Saueracker: Oui. J'ai passé 11 mois à l'Escadron E, l'École du génie électronique et des communications des Forces canadiennes à la BFC Kingston, où j'ai appris toutes sortes de choses propres et merveilleuses. J'ai appris à compter en plusieurs langues et à comprendre de beaux mots. J'ai appris la spécialité d'un chercheur en communication, un 291, ce qui signifie prendre des messages en code Morse, domaine où j'excellais, lorsque j'étais à Alert en 1992. J'étais chronométré par un dispositif de la SIG DIV. C'est très précis. Il s'agissait de recopier, sans aucune erreur, 60 mots minute, ce qui était censé être des rapports des routes grilles de la défense aérienne russe.

M. David Price: Par conséquent, j'imagine une énorme fatigue des mains et des doigts, de là le syndrome du canal carpien.

M. Rudi Saueracker: Bien sûr.

M. David Price: Savez-vous à quel moment vous avez été infecté?

M. Rudi Saueracker: Oui. Même mes docteurs ont dit qu'ils verront cela seulement une fois ou deux et qu'ils ne l'écriront jamais. Mais si vous prenez ma demande d'aide extraordinaire en vertu de l'appel parrainé par le gouvernement fédéral ou sous l'égide de Santé Canada, vous allez constater que leurs propres médecins ont déclaré que mes numérations cellulaires, lors du diagnostic de 1992, correspondaient à une infection contractée entre janvier et juin 1985.

M. David Price: Et, encore, la date où vous avez subi une intervention chirurgicale.

M. Rudi Saueracker: Avril 1985.

M. David Price: Je n'irai pas plus loin. Nous ne voudrions pas vous causer quelque problème que ce soit. Vous en avez suffisamment.

M. Rudi Saueracker: Je ne veux pas passer le restant de mes jours en prison.

M. David Price: Quoi qu'il en soit, encore une fois merci beaucoup d'être venu vous adresser à nous.

Le président: Avant de passer à madame Lill, je voulais simplement vous dire que je vais me renseigner sur l'aspect légal de tout ceci et que je vous demanderai de revenir.

M. Rudi Saueracker: Très bien, monsieur. Vous me le dites et j'arrive.

Le président: OK.

Pouvez-vous me dire ce qui vous a amené à l'hôpital? J'ai peut-être mal compris.

M. Rudi Saueracker: Le syndrome du canal carpien.

Le président: Dans les deux mains?

• 1855

M. Rudi Saueracker: Oui.

Aussi, une autre chose que j'aimerais préciser à l'intention de M. Hanger également. Normalement, lorsqu'ils font une chirurgie du canal carpien, ils pratiquent deux incisions bilatéralement sur votre poignet. Mes cicatrices vont d'ici à ici, sur les deux mains. Expliquez-moi ça. Je ne suis pas un professionnel médical mais, pour moi, ce n'est pas bilatéral, c'est longitudinal.

Le président: Oui, et faisiez-vous un travail laborieux?

M. Rudi Saueracker: Non. J'étais un téléphoniste de l'interception des communications. Je dactylographiais pour gagner ma vie. Je recevais en code Morse. Je perforais des rapports d'analyse de circulation. J'envoyais des documents par télétype au CST, un deuxième poste.

Le président: Madame Lill.

Mme Wendy Lill: Je désire m'excuser de ne pas avoir lu votre document. Je vais le recevoir et j'en prendrai connaissance demain.

Toute la question de l'incidence du VIH et de l'hépatite C au sein des forces armées m'intéresse au plus haut point. C'est quelque chose dont on n'a mystérieusement pas parlé, et...

M. Rudi Saueracker: Pourrais-je vous donner la raison pour laquelle on n'en a pas parlé?

Mme Wendy Lill: Cela m'intéresserait beaucoup. J'allais, de fait, vous demander ce que vous en pensiez, et ce que...

M. Rudi Saueracker: Dans les forces armées, on se donne soi-même le VIH et l'hépatite C.

Ma question est la suivante: lorsque j'étais sous anesthésie générale, alors que j'étais contenu, alors que j'avais des intraveineuses dans les deux bras, est-ce que j'ai subitement, miraculeusement, sauté en bas de cette civière pour saisir une aiguille ou autre chose et me piquer moi-même avec ça? Je ne le pense pas. Mais selon les militaires, c'est quelque chose qu'on s'injecte soi-même. C'est leur attitude, et ils n'ont même pas à se préoccuper de quelque demande de pension que ce soit si c'est quelque chose qu'on s'est infligé soi-même.

Mme Wendy Lill: Je crois qu'il s'agit d'une question très importante que ce comité doit examiner.

Une chose qui me revient constamment à l'esprit lorsque je vous écoute, c'est que vous dites que si le QG avait voulu qu'on ait une femme et des enfants, il nous en aurait donnés, et des affirmations comme «il y a toujours une vengeance de la part de ceux qui détiennent le pouvoir». Ce sont des affirmations qui ont une étonnante connotation envers eux, et qui semblent être révélatrices de—je déteste le dire—d'une assez mauvaise attitude envers votre patron.

M. Rudi Saueracker: Aimeriez-vous entendre quelque chose de vraiment agréable?

Mme Wendy Lill: Bien, j'aimerais ça. C'est la place pour le faire et je veux vraiment entendre ça.

M. Rudi Saueracker: Il y a environ 36 mois, j'étais extrêmement malade. Je ne pouvais sortir du lit. J'ai passé de 17 à 20 heures par jour couché sur le dos. Mon épouse et mes enfants prenaient soin de moi. Au ministère des Anciens combattants, vous pouvez faire la demande de ce qu'on appelle une indemnisation pour accompagnateur, dans le but d'obtenir des fonds supplémentaires pour payer le travail supplémentaire ou parfois les énormes frais encourus liés au soin d'anciens combattants très malades. Nous en avons fait la demande. Nous avons essuyé un refus catégorique.

Puis, une très gentille dame que j'ai rencontrée au tattoo qui a eu lieu au Nouveau-Brunswick en octobre dernier a décidé qu'elle allait mÂaider. L'un de ses agents du bureau local a appelé le ministère des Anciens combattants. C'était le vendredi matin vers 10 h. À 10 h 20, j'ai reçu un appel me demandant si j'allais bien, ou si les choses avaient changé. À 11 h 20, j'ai reçu un autre appel. L'interlocuteur m'a dit: nous avons fait erreur; nous vous devons 30 mois de salaire rétroactif. Et devinez quoi? Il s'agit du niveau 2, 1 000 $ par mois que j'aurais pu utiliser il y a 30 mois. Non seulement cela, il faut attendre de 8 à 16 semaines avant de recevoir un chèque de traitement rétroactif du ministère des Anciens combattants. Savez-vous combien cela a pris de temps pour que la somme soit versée à mon compte bancaire? Huit jours. Il s'agissait d'un député.

Vous rendez-vous compte de l'énorme pouvoir que vous avez? Vous pouvez réparer les torts si vous le désirez, mais il faut que vous le désiriez. Vous devez vous arrêter et vous dire que vous devez être prêts à soutenir ces gens que nous envoyons dans toutes les parties du monde ou à des endroits comme Alert. Êtes-vous déjà allés à Alert? Vous ne voulez pas y aller; ça n'a rien de formidable. Vous devez en prendre soin, les respecter et les honorer parce qu'ils font votre sale boulot. Ils font le travail que la majorité des politiciens et des bureaucrates, que la plupart des gens de ce pays ne voudraient pas faire par crainte de se salir les mains; ils laissent cela aux militaires. Vous devez les respecter pour ça, et vous devez vous en occuper. C'est quelque chose que ce pays ne fait pas.

• 1900

Mme Wendy Lill: Merci beaucoup.

Le président: Je vous remercie beaucoup de votre exposé.

M. Rudi Saueracker: Merci, monsieur le président.

[Français]

Le président: Monsieur Lebel.

M. Ghislain Lebel: J'ai quelques questions à poser à monsieur. J'aimerais qu'il prenne les écouteurs car je préférerais lui poser mes questions en français. Il y a une interprète.

[Traduction]

M. Rudi Saueracker: Je vais demander à ma femme de traduire.

[Français]

M. Ghislain Lebel: D'accord. Madame parle français.

D'abord, aviez-vous un rang? Étiez-vous dans l'armée? J'ai cru comprendre que vous étiez lieutenant-colonel. Ai-je bien saisi?

[Traduction]

M. Rudi Saueracker: J'étais caporal.

[Français]

M. Ghislain Lebel: Caporal. Je suis nouveau à ce comité et il y a une chose que je trouve curieuse. Dans la fonction publique fédérale, lorsqu'un employé, après un certain nombre d'années, devient incapable de travailler pour une raison médicale quelconque, il a droit à une pension. Il a droit à une espèce de compensation et, à long terme, à une pension d'invalidité. Dans l'armée, est-ce qu'on a également cela?

[Traduction]

M. Rudi Saueracker: Tout d'abord, nous n'avons pas accès aux documents pour faire une demande de pension. Nous n'avons pas accès aux documents qui expliquent ces pensions. Nous n'avons accès à aucun renseignement. Je me suis engueulé, j'ai fait des pieds et des mains et j'ai frappé sur des tables pendant cinq ans pour tenter d'obtenir ces formulaires de demande et mes documents. Je n'ai toujours pas mes documents de sécurité. Je n'ai toujours pas toutes les pensions auxquelles j'ai droit. Je n'ai même pas les formulaires de demande pertinents.

Il y a environ six ou sept mois, j'ai fait une demande auprès de M. Terry Tobin, l'adjoint de l'amiral Mifflin pour la région atlantique afin d'obtenir le guide d'expertise médicale. Une très gentille petite dame me l'a remis ce soir, geste que cette personne qui touche un salaire de 60 000 $ ou à peu près par année pour un fonctionnaire de son niveau, ne pouvait pas comprendre. J'ai demandé pendant cinq ans une simple copie, non remplie, de mes documents, un questionnaire - Cote de sécurité DND-250. Je n'ai pas pu l'obtenir non plus.

Voici le beau petit formulaire que j'ai reçu cette semaine après avoir harcelé M. Hills, moi et mon député. M. Hills, l'adjoint pour la région de l'Atlantique de l'honorable Art Eggleton, ministre de la Défense nationale, m'a dit:

    Je vous remercie de votre lettre du 17 mars 1998 dans laquelle vous demandez un formulaire intitulé Questionnaire - Cote de sécurité. Les autorités du ministère de la Défense nationale m'ont informé que la DND-250A est périmée depuis 1986. J'ai le regret de vous informer qu'il n'existe plus d'exemplaires en blanc de ce formulaire. Cependant, il a été remplacé par le questionnaire ci-joint. J'ai inclus dans cet envoi un guide qui vous aidera à remplir le Questionnaire - Cote de sécurité du personnel.

Je ne veux pas le remplir. J'en ai déjà un. Il doit y en avoir une douzaine de copies dans mes dossiers personnels que je ne peux pas obtenir. Ces sont mes documents. Je devrais avoir le droit de les avoir. En vertu de la Loi sur l'accès à l'information de ce pays, j'ai ce droit, mais je ne peux pas les obtenir parce qu'ils se rapportent à des questions de sécurité.

[Français]

M. Ghislain Lebel: Êtes-vous en train de me dire que, pour avoir accès à votre propre dossier, vous devez faire appel à la Loi sur l'accès sur l'information?

[Traduction]

M. Rudi Saueracker: Maintes et maintes fois.

[Français]

M. Ghislain Lebel: Êtes-vous en train de nous dire que, pour avoir accès à votre propre dossier, vous devez faire appel à la Loi sur l'accès à l'information?

[Traduction]

M. Rudi Saueracker: Je dois avoir recours à la Loi sur l'accès à l'information. Je dois également implorer les députés ou d'autres fonctionnaires fédéraux de me laisser y avoir accès. Je n'avais même pas les codes de ressources pour exiger ces documents. Vous verrez, dans mon exposé, que j'ai demandé presque chaque document, et c'est sous la section identifiée «Accès à l'information».

• 1905

Je les ai demandés au ministère des Anciens combattants et au MDN. J'ai demandé tous mes documents au CST, et j'attends encore qu'il me les envoie. Ces informations m'appartiennent. Elles n'appartiennent pas au gouvernement, elles sont à moi. Mais je ne peux pas les obtenir quoi que je fasse.

Ma députée, Mme Claudette Bradshaw, est tout à fait à la hauteur de sa tâche et une femme vraiment merveilleuse. Elle est entourée d'un personnel compétent. Elle a tenté pendant des mois, depuis juillet de l'année dernière après avoir été assermentée comme députée, de travailler à mon cas et de m'aider à résoudre ces problèmes dans une certaine mesure, et elle se frappe à un mur de brique. Elle reçoit de belles petites notes du PFO. Elle est constamment devant un mur, grâce au gouvernement.

[Français]

M. Ghislain Lebel: Écoutez, je vais insister un peu plus parce que c'est très sérieux, ce que je vous demande. Je veux m'assurer qu'on se comprend bien tous les deux. Pour obtenir une information vous concernant qui se trouve dans votre dossier, vous devez passer par la Commission d'accès à l'information.

[Traduction]

M. Rudi Saueracker: Oui, c'est exactement par là que nous devons passer.

[Français]

M. Ghislain Lebel: Je porte à l'attention du comité ce fait important. C'est son dossier. C'est sa maladie. Ce sont ses affaires à lui et on lui cache cela. Il est obligé de tordre le bras de personnes d'autres ministères pour avoir accès à son dossier. C'est écoeurant, monsieur le président! Écoeurant! Moi aussi, monsieur, j'aimerais avoir vos coordonnés et le document que vous avez écrit, dont vous faites état, parce que je ne l'ai pas eu, moi. Je suis arrivé après les autres là-dedans. Je trouve cela aberrant, tout à fait aberrant.

[Traduction]

M. Rudi Saueracker: OK, je vais essayer d'obtenir des copies de ce document préparé à votre intention au début de la semaine.

Le président: Monsieur Saueracker, je veux vous dire un merci tout spécial pour votre exposé. Comme je l'ai dit auparavant, vous allez avoir de mes nouvelles.

M. Rudi Saueracker: Monsieur le président, je vous remercie beaucoup de m'avoir consacré votre temps et d'avoir fait preuve d'indulgence.

Le président: Je vous souhaite la meilleure des chances.

M. Rudi Saueracker: Merci, monsieur.

Le président: Matelot-chef Dean Mackinnon, vous avez environ cinq minutes pour faire votre exposé.

Matelot-chef Dean Mackinnon (témoigne à titre personnel): Je vais essayer d'être bref.

Bonsoir mesdames et messieurs. Je m'appelle Dean Mackinnon. Je suis matelot-chef dans la Réserve navale et je travaille présentement à bord du NCSM Kingston, un des 12 bâtiments de défense côtière dont l'équipage est constitué principalement de réservistes de la Marine. Depuis environ neuf ans, je fais partie de la Réserve navale en vertu d'un contrat à long terme. Je suis marié, j'ai deux enfants et je vis dans les LF à Dartmouth.

Je représente ici ce soir la communauté des réservistes de la Marine qui a été très mal desservie par l'actuel système de solde. Je veux bien faire comprendre que je ne suis pas ici pour reparler des questions concernant la rémunération. Je suis plutôt ici pour exposer les grandes lignes des problèmes actuels liés à la solde, qui touchent la majorité des réservistes de la Marine.

Je crois que des mesures sont actuellement prises pour améliorer cette situation, mais elles ne prendront vraisemblablement pas effet avant qu'une période de trois à six mois ne se soit écoulée à partir de maintenant. Nous avons besoin de solutions maintenant et, même en tenant compte de ces changements prévus, il n'y a aucune garantie que le problème sera réglé.

Tout d'abord, permettez-moi de brosser le tableau des cinq domaines dont je veux parler, ce qui comprend le fait de ne pas être payé, d'être payé en retard, de ne pas recevoir de bordereau T-4 ni de relevé de solde et, enfin, je parlerai de la comptabilité.

J'aimerais commencer par l'absence de paye. Plusieurs réservistes qui sont employés au terme de contrats à court terme, c'est-à-dire 90 jours et moins, doivent à l'occasion attendre jusqu'à six semaines avant d'être payés. Le délai normal est de 15 jours. Pour quelqu'un qui est employé pendant une courte période, cela peut grandement limiter sa capacité de subvenir financièrement à ses besoins et à ceux de sa famille lorsqu'il est loin de chez lui. Souvent, ces réservistes sont des jeunes qui ne connaissent pas le système de la solde, et ils ne savent pas trop comment corriger la situation. Ils croient que ce n'est pas à eux de remettre en question les renseignements qu'on leur donne.

Le problème de ne pas obtenir de paye dans le cadre de contrats à court terme nous amène directement à parler de ceux d'entre nous qui ont des contrats à long terme et qui ne reçoivent pas leur solde les jours désignés, ce qui cause un stress indu pour la famille et entraîne des difficultés financières. Cet état de chose est particulièrement difficile lorsque le navire est en mer. Votre femme se rend à la banque retirer de l'argent pour acheter de la nourriture pour les enfants, le compte en banque est vide et vous êtes à 500 milles au large, en mission pour le Canada. Une telle situation les porte à croire qu'ils sont très négligés et bien seuls.

• 1910

Les retards en ce qui concerne le versement de la solde ont un effet boule-de-neige sur les paiements préautorisés comme les hypothèques, les prêts, le loyer et l'assurance, ce qui laisse aux militaires la responsabilité de régler le problème et d'expliquer ce qui s'est produit. Un militaire finit par payer des frais de service et ne peux jamais être sûr que les paiements seront faits à temps. À un certain moment donné, les choses allaient tellement mal à bord du Kingston qu'il nous a fallu utiliser notre système téléphonique INMARSAT pour que les membres d'équipage puissent confirmer qu'ils étaient vraiment payés et qu'ils pouvaient régler les problèmes résultant des paiements en retard.

Le capitaine de mon navire a même désigné un officier de la solde pour régler ces problèmes, et il n'y a jamais eu encore de période où il ne s'est pas produit au moins une demi-douzaine de problèmes relatifs à la solde.

Le navire a tenu un dossier comprenant chaque période de deux semaines entre les systèmes de solde. Ils ont dû téléphoner à un officier de la solde 41 fois depuis le 15 avril.

Un autre domaine où nous ne voyons vraiment pas notre argent est celui de l'indemnité d'environnement qui, dans notre cas, est la solde de mer. La solde de mer est payée à ceux qui vont vraiment en mer. On doit la recevoir vers le milieu du mois. Plusieurs membres de l'équipage du Kingston n'ont pas reçu leur indemnité de service en mer depuis février, quelques-uns même depuis septembre. Il s'agit d'argent dont plusieurs personnes dépendent et à partir duquel ils établissent leur budget. Nous devrions pouvoir compter la recevoir chaque mois plutôt que de la considérer comme quelque chose de nouveau lorsque nous la touchons concrètement. Encore une fois ce mois-ci, l'indemnité de service en mer n'est pas arrivée. Elle ne sera pas distribuée.

Même avec la récente augmentation de la solde des réservistes, plusieurs parmi nous comptent fortement sur la solde de mer pour les dépenses importantes. C'est à nous. Nous l'avons définitivement gagnée. Pourquoi donc ne pouvons-nous pas l'obtenir?

Ces problèmes qui sont causés par le système ont aussi un effet sur la préparation de nos déclarations de revenus. La date limite de ces déclarations au Canada est bien connue. Dans notre situation, comme employés d'un ministère fédéral, nous ne recevons pas de bordereau T-4 à temps et portant sur la période requise. Certains d'entre nous n'ont pas reçu de T-4 depuis trois, quatre et cinq ans. Comme solution symbolique, le MDN envoie des relevés en utilisant les données contenues sur le T-4, ce qui est, selon toute vraisemblance, largement accepté par Revenu Canada. Il semblerait que le système, dans l'espoir de recevoir des T-4, attende jusqu'à la dernière minute avant d'envoyer ces lettres. Cela cause des problèmes en ce qui concerne la planification au chapitre des REER et de la déclaration de revenus. Je connais des militaires qui n'ont jamais reçu de T-4. Tous les autres Canadiens semblent en recevoir, pourquoi pas nous alors?

On m'a dit dernièrement que nous allions recevoir des relevés de solde, mais nous n'en avons vu encore aucun jusqu'à maintenant. C'est rare qu'un militaire peut s'attendre à recevoir le même montant pour le même nombre de jours travaillés.

Si je veux savoir combien on me paie, je dois me rendre à un bureau local de la solde, demander un guide de la solde—et tout ça c'est du chinois pour moi. Je dois présenter une note de service pour obtenir des explications du bureau de la solde, puis me faire expliquer le tout par quelqu'un d'autre.

Je ne connais aucun autre employeur au pays qui ne remet pas de relevé de paye. Je pense que c'est la loi.

Lorsque quelqu'un est promu, cela peut prendre jusqu'à six mois avant qu'il ne soit payé au nouveau grade. En ce qui me concerne, lorsque j'ai été promu de matelot de première classe à matelot-chef, j'ai dû attendre quatre mois avant d'être payé à mon nouveau grade et d'obtenir tout l'argent qu'on me devait.

À l'heure actuelle, les réservistes sont payés bien en deçà de l'échelle qui s'applique à leurs homologues de la Force régulière et, les augmentations de solde en raison des promotions ont fait la différence, c'est-à-dire qu'elles sont toutes consacrées à l'épicerie.

L'officier payeur du Kingston a attendu plus d'un an avant de recevoir ses rajustements de solde indiqués dans son propre dossier. Notre commandant en second a dû attendre trois mois et demi avant que sa solde ne soit rajustée. À l'heure actuelle, nous avons deux réservistes qui ne sont pas payés selon leur nouveau grade, et leur promotion remonte à janvier de cette année.

Encore une fois, le Kingston est utilisé comme un exemple nettement représentatif du milieu dans son ensemble. Les militaires travaillent dur pour être promus au sein d'une population grandement compétitive, et le fait de ne pas être récompensés de leurs efforts peut être décourageant et démoralisant, surtout lorsqu'ils sont au service du pays dans un milieu très dangereux, loin de leur famille, dans plusieurs cas plus encore que leurs homologues de la Force régulière, et semblent subir un système de solde où il y a deux poids deux mesures.

Les problèmes que je viens d'exposer aujourd'hui m'ont toujours affecté personnellement. J'ai dû faire face à des problèmes de loyer, d'épicerie et d'arrérages à cause de cela, comme c'est le cas de plusieurs autres réservistes. Je ne pense pas que le fait d'être payé pour le travail fait est un privilège. Je crois que c'est la loi. Des millions de Canadiens sont payés à temps et reçoivent le salaire convenu. Pourquoi pas nous?

Je crois qu'environ 85 millions de dollars ont été consacrés à un système de gestion du personnel, système qui est maintenant utilisé comme notre système de paye, sans avantages concrets, et peut-être au détriment de la situation qui prévalait avec l'ancienne méthode de paye.

Pour simple comparaison, une entreprise bien connue du Canada atlantique, Sobey's, paye 19 000 employés sans commettre d'erreur et à temps en utilisant seulement trois personnes.

Je ne pense pas que la solution est en vue, et plusieurs de ceux avec qui j'ai parlé, franchement, ont perdu espoir. La solde est encore en retard et il y a des erreurs. Bon nombre de réservistes ne reçoivent toujours pas de relevé de solde ou de bordereau T-4. Tous les autres employeurs au Canada sont tenus de les fournir à leurs employés.

On nous dit que des plans d'urgence sont en place au cas où nous ne serions pas payés. Habituellement, ils sont mis en branle à contrecoeur le lendemain du jour où nous aurions dû recevoir notre argent. Il n'y a pas d'avertissement.

Pour conclure, prendre soin des gens devrait être le premier souci de toute organisation, surtout d'une organisation où des gens sont au service de leur pays et risquent leur vie pour un salaire misérable.

• 1915

La majorité des militaires subalternes au sein de cette organisation sont portés à croire, avec raison, que nos chefs s'efforcent d'apporter des changements, mais qu'ils en sont incapables. Semaine après semaine, les problèmes de solde sont toujours là. Je ne pense pas que les créanciers continueront d'être toujours aussi tolérants en ce qui concerne les paiements en retard ou les non-paiements.

Mesdames et messieurs, je vous remercie de m'avoir écouté. J'ose espérer que j'ai pu vous donner un aperçu des grands problèmes qui influent sur le moral et sur la qualité de vie.

[Français]

Merci beaucoup.

[Traduction]

Des voix: Bravo, bravo!

Le président: Matelot-chef Mackinnon, combien de marins y a-t-il à bord de votre navire?

Matc Dean Mackinnon: Il y en a 35.

Le président: Parmi ces 35 personnes, combien y en a-t-il qui éprouvent des problèmes avec leur solde?

Matc Dean Mackinnon: Depuis le 15 avril, nous avons eu 41 appels téléphoniques. Certains problèmes étaient différents, certains autres étaient les mêmes. Je dirais que presque la moitié ou les trois quarts des membres de l'équipage de notre navire ont des problèmes. Totalement inacceptable.

Le président: Il y a environ deux ou trois mois, nous avons eu devant ce Comité les personnes responsables de la solde des réservistes, et ils nous ont assurés—ils nous ont assurés—que 80 p. 100 des problèmes étaient réglés.

Il y a ici d'autres députés qui étaient avec moi. C'est ce qu'on nous a dit.

Matc Dean Mackinnon: Je vais vous donner une copie de cet exposé. Je vais vous donner une copie de tous nos documents de solde et de nos problèmes.

Je ne sais pas ce que je pourrais dire d'autre.

Le président: Non, je comprends ce que vous pouvez ressentir.

Matc Dean Mackinnon: Lorsque je suis arrivé ici, je me suis promis que je serais articulé et que je ne manifesterais pas d'émotivité. C'est ce que je me suis vraiment dit, mais en entendant ceci, cela, et bien, ça n'a pas marché...

Êtes-vous payés?

Le président: Oui. Nous le sommes.

Matc Dean Mackinnon: Je suis certain qu'il est préférable qu'ils le fassent.

Le président: Oui.

Matc Dean Mackinnon: Mais, s'attendre à ce que des marins—des marins de la Marine et même des capitaines de corvette—s'en aillent en mer, loin de leur famille, et puis...

Je me suis enrôlé, mais ma femme et mes enfants ne l'ont pas fait.

Le président: Je m'en souviens précisément—et je m'excuse de prendre un peu de temps à ce moment-ci—parce que je fais partie de ce Comité depuis 1993 et, chaque année, le problème a refait surface. J'ai fait la recommandation à l'effet que les généraux devraient utiliser le même système de solde que celui des réserves.

Des voix: Bravo, bravo!

Matc Dean Mackinnon: Oui, mais je doute que quelqu'un doive attendre huit jours avant d'être payé.

Le président: Exactement. Peut-être que si c'était le cas, ils régleraient le problème.

Monsieur Benoit.

M. Leon Benoit: Merci, monsieur le président. Ça fait vraiment du bien d'entendre une vraie bonne idée venant de vous.

Le président: J'en ai parfois.

M. Leon Benoit: Bien entendu. Je ne dis pas que je n'en entends jamais.

J'ai entendu plusieurs réservistes parler de problèmes de solde. Plusieurs m'ont dit que cela s'est amélioré au cours des quelques derniers mois, mais ils se demandaient également pour quelle raison le système de solde utilisé pour les militaires de la force régulière ne s'applique pas aussi aux réservistes.

Jusqu'à présent, je n'ai jamais de réponse à cela. En avez-vous eu?

Matc Dean Mackinnon: Je l'ai demandé. En réalité je l'ai demandé quelques fois depuis que j'ai eu l'information, mais ceux qui détiennent le pouvoir ont ce nouveau système de gestion du personnel pour lequel ils ont dépensé environ 85 millions, et ils croient qu'ils vont faire en sorte qu'il fonctionne. Ceux qui ont travaillé sur ce système au cours des dernières années vont faire en sorte qu'il marche.

M. Leon Benoit: Je pense que vous avez dit que vous ne recevrez pas encore votre solde ce mois-ci.

Matc Dean Mackinnon: Pour l'indemnité de service en mer. Pour vous dire la vérité, j'ai failli tomber à la renverse la semaine dernière lorsque j'ai été payé à temps. Je suis sérieux.

M. Leon Benoit: Comment pouvez-vous savoir que vous ne la recevrez pas ce mois-ci?

Matc Dean Mackinnon: Le bureau de la solde a informé mon officier de la solde que nous n'aurons pas notre indemnité de service en mer parce que les documents ne sont pas entrés à temps pour la paye du 15. C'était le 4. Qu'est-ce que vous devez faire, les obtenir le 1er à midi?

Je ne sais pas ce qu'ils font au bureau de la solde. Je ne peux pas répondre à ces questions. Je ne peux faire qu'attendre et nous regarder nous crever à l'ouvrage et ne pas obtenir ce qu'on nous doit. Pendant ce temps, nos enfants et nos épouses nous disent «Qu'est-ce que vous faites? Réveillez-vous. Si vous n'êtes pas payés, sortez de là au plus vite.»

M. Leon Benoit: Y en a-t-il qui ont été pris à devoir des impôts qu'ils ont dû rembourser?

Matc Dean Mackinnon: Oui.

M. Leon Benoit: Je suis certain que Revenu Canada ne s'en préoccuperait pas si vous ne faisiez pas vos remboursements à temps.

• 1920

Matc Dean Mackinnon: Oh, je suis certain qu'ils ne vous imposeront pas ou mettront plus d'argent dans votre... Ça m'est arrivé il y a plusieurs années. Je devais 1 000 $ à cause de déclarations incorrectes. Ils sont revenus et m'ont dit «Hé, où est votre argent?» Je l'ignorais.

M. Leon Benoit: Quelqu'un n'a-t-il jamais tenté de faire en sorte que quelque chose soit fait en ce qui concerne les T-4 non reçus à temps, porter une accusation ou quelque chose? Je ne sais pas comment vous faites ça, mais... Avez-vous déjà tenté de faire en sorte que les choses changent d'une façon ou d'une autre?

Matc Dean Mackinnon: Dans les Forces armées canadiennes, nous avons ce qu'on appelle le redressement des griefs.

M. Leon Benoit: Oui, je sais.

Matc Dean Mackinnon: Je ne l'ai pas fait personnellement. Je ne sais pas. Je ne peux répondre à cela sur-le-champ, mais je suis certain que nous pouvons obtenir l'information et vous la transmettre.

Les réservistes qui arrivent de leurs unités d'appartenance—ils s'enrôlent et s'engagent dans le service de réserve classe B avec des contrats à long terme—doivent attendre que les renseignements qui les concernent passent d'un endroit à l'autre, et ces renseignements n'arrivent jamais à temps. C'est plutôt comme... Vous pouvez vous plaindre tant que vous voulez, mais ce ne reste toujours que des plaintes.

M. Leon Benoit: À ce sujet, est-ce que cela vous inquiète de nous faire un exposé ici ce soir? Êtes-vous inquiet qu'il puisse y avoir des répercussions?

Matc Dean Mackinnon: Non.

M. Leon Benoit: Vous sentez-vous bien à l'aise à ce sujet-là?

Matc Dean Mackinnon: La première fois que j'en ai entendu parler, j'étais un peu nerveux lorsque j'ai vu l'avertissement sur un message à l'effet que personne ne devrait avoir à subir de préjudices pour ce qu'il aurait pu dire, mais je m'y attendais un peu lorsque j'ai commencé à faire mon exposé devant les gens de mon quart de travail. Je ne me plains pas, ou je ne dis pas que c'est quelque chose que nous ne méritons pas. Je pense vraiment en mon âme et conscience que ces gens doivent être payés. Je ne peux pas m'attendre à ce qu'ils travaillent gratuitement, ni eux ni personne d'autre. C'est inacceptable. Personne d'autre, là haut, ne va dire «Je n'ai pas été payé, donc allez-vous en.»

Qu'est-ce qui se passe lorsque les gens disent «Nous ne sommes pas payés, pourquoi alors venir travailler?» Et on nous jette dans le bateau; ils disent que nous sommes dans les Forces armées canadiennes et que nous travaillerons, autrement, il y aura des accusations qui seront portées parce que nous suivons les ordonnances et règlements royaux—et nous travaillerons.

M. Leon Benoit: Merci beaucoup.

M. Dean Mackinnon: Merci, monsieur Benoit.

Des voix: Bravo, bravo!

Le président: Judi.

Mme Judi Longfield: Vous avez dit que votre officier de la solde vous a informé déjà que vous n'alliez pas être payé dans la prochaine...

Matc Dean Mackinnon: Indemnité de service en mer.

Mme Judi Longfield: ... indemnité de service en mer. A-t-il expliqué pourquoi?

Matc Dean Mackinnon: Oui. Les réservistes de la Marine, dans le cas des bâtiments de défense côtière, que nous administrons présentement... Nous devons présenter un document à l'officier de la solde indiquant qui va recevoir l'indemnité de service en mer. Je suis porté à croire que pour n'importe qui d'autre, où qu'il soit, il n'a qu'à se présenter à la salle des rapports et dire qu'il s'embarque sur un navire; il va être payé jusqu'à ce qu'il débarque de ce navire. Mais pour nous, nous devons présenter un document indiquant que nous avons servi en mer pendant cette période, et si ce document n'est pas reçu à temps, nous ne sommes pas payés.

Mme Judi Longfield: Et que veut dire «à temps»?

Matc Dean Mackinnon: Je ne suis même pas sûr de la date précise.

Veuillez m'excuser, je vais juste me renseigner.

Ce document doit être arrivé le 26 du mois précédent.

Mme Judi Longfield: Qui est chargé de remplir ce document?

Matc Dean Mackinnon: Le capitaine d'armes de chaque bâtiment.

Mme Judi Longfield: Donc, si le capitaine d'armes du bâtiment ne le fait pas, la faute est imputable à ce côté-ci, non pas à l'autre. Est-bien ça?

Matc Dean Mackinnon: Ce serait de notre côté, mais le problème est que les documents sont envoyés.

Mme Judi Longfield: Mais, pour en revenir à ce qu'ils nous ont dit devant le Comité, selon eux il y avait eu un fouillis de leur côté, ils avaient reçu les choses à temps mais il y avait eu confusion. Ils nous ont cependant assuré que s'ils recevaient les documents à temps, il n'y avait pas de problème. Je tente de découvrir personnellement si le problème est de ce côté-ci ou plutôt de l'autre.

Matc Dean Mackinnon: Je dois être honnête. Je dirais probablement que c'est un peu de la faute des deux côtés. Qu'est-ce qui se passe si nous n'envoyons pas les papiers à temps? Je crois que nous devons en subir les conséquences. Lorsque ces documents sont reçus en temps voulu et que nous ne sommes toujours pas...

Mme Judi Longfield: OK, mais...

Matc Dean Mackinnon: Il faut que je vous dise qu'il y en a qui n'ont pas reçu d'indemnité de service en mer depuis septembre, mais notre bâtiment a fait parvenir les documents à temps.

Mme Judi Longfield: De ceux-là, nous en reparlerons séparément, mais je crois que je suis un peu soupçonneuse quant à savoir que s'ils ont déjà dit «Oh, à propos, vous n'allez pas recevoir d'indemnité de service en mer cette fois-ci.» Cela me porte à croire que...

Matc Dean Mackinnon: Que les documents n'ont pas été présentés à temps.

Mme Judi Longfield: ... qu'ils n'ont pas été présentés à temps à partir de ce côté-ci.

Matc Dean Mackinnon: Les documents ont été envoyés le 22 avril 1998 pour l'indemnité de service en mer du mois de mai, donc, faisons le calcul. C'est quatre jours avant la date demandée et nous ne recevons toujours pas cette indemnité. Je ne sais pas. Je ne peux pas vous le dire. J'aimerais avoir un officier de la solde ici.

Mme Judi Longfield: J'aimerais parler aussi à un officier de la solde parce que...

Matc Dean Mackinnon: Présentez une note de service.

Des voix: Oh, oh!

Mme Judi Longfield: ... cela va être difficile pour nous de remonter à la source de ce problème si nous ne savons pas de quel côté faire enquête. Et il s'agit de quelque chose que nous aimerions examiner.

Matc Dean Mackinnon: Oui, Madame.

Mme Judi Longfield: OK.

Matc Dean Mackinnon: J'en suis reconnaissant mais, tout comme dans notre cas, je pense que vous devez envoyer une note de service—à moins que vous ne connaissiez quelqu'un.

Des voix: Oh, oh!

Mme Judi Longfield: Il se peut que nous connaissions quelqu'un.

Des voix: Oh, oh!

Matc Dean Mackinnon: Je l'espère.

Mme Judi Longfield: Oui. Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup.

Matc Dean Mackinnon: Merci beaucoup.

Des voix: Bravo, bravo!

Le président: Premier maître de 1re classe Fred Millar.

• 1925

Premier maître de 1re classe Fred Millar (témoigne à titre personnel): Bonsoir monsieur le président et membres du Comité.

Je suis le premier maître de 1re classe Fred Millar. Je suis le pompier militaire le plus ancien des Forces maritimes de l'Atlantique, ou MARLANT, et je suis pompier depuis 27 ans. J'aimerais parler de deux problèmes qui touchent les pompiers militaires dans la région. Le premier a trait à une proposition pour que la Marine dépense 6 millions sur quatre ans pour obtenir quelque chose qu'elle a déjà gratuitement à l'heure actuelle. Le deuxième concerne les congés annuels et le travail par roulement.

Dans le cadre du projet de révision et de modernisation de la classe tribale (TRUMP) - le projet de la frégate canadienne de patrouille - on a examiné les opérations et la dotation en personnel à bord des bâtiments de la classe Halifax et Iroquois. Ils ont fait une proposition controversée consistant à convertir deux postes de pompiers en postes de techniciens de coque. C'est controversé parce que cela va à l'encontre d'une saine planification d'affaires, c'est-à-dire qu'on remplace du personnel payé moins cher par un autre personnel commandant un salaire plus élevé—et les hommes de métier qui sont en cause ne veulent pas s'en mêler—et tout cela ne permet d'aucune façon de résoudre le problème initial.

La maintenance préventive était l'aspect clé examiné par l'équipe. Les pompiers ont le minimum de tâches de maintenance en service à bord des navires, et les techniciens de coque sont ceux qui en ont le plus.

Comme raisonnement logique de leur part, ils croyaient que cet écart était dû au fait qu'il y avait trop de pompiers. Rien ne peut être aussi loin de la vérité. Les pompiers sont affectés à bord d'un navire conformément à la procédure d'exploitation des hélicoptères embarqués, procédure énoncée dans un manuel de vol. Il y est stipulé qu'ils doivent avoir six pompiers à bord pour les postes de vol. Cela n'a rien à voir avec la charge de travail. Les techniciens de coque sont affectés à bord conformément aux manuels de dotation en personnel, et cela se fonde sur la somme de travail qu'ils doivent effectuer.

Une des hypothèses qui a été avancée lorsque les navires de la classe Halifax ont été construits et que ceux de la classe Iroquois ont été révisés et modernisés, c'était que puisque les navires équivalents étaient neufs, la maintenance serait minime, donc on aurait besoin de moins de spécialistes de la maintenance.

Malheureusement, la loi de Murphy est entrée en jeu parce que l'équipement n'a rien fait d'autre que de briser tout au cours des trois ou quatre premières années. Ainsi, les techniciens de coque ne pouvaient pas s'acquitter de leur charge normale de travail parce qu'ils étaient trop occupés à réparer les avaries non prévues. Les pompiers étaient chanceux parce que leur équipement était relativement fiable et peu susceptible de faire défaut.

La proposition de remplacer des pompiers par des techniciens de coque est ridicule du point de vue de la rentabilité. Le Directeur du service des incendies des Forces canadiennes a fait une analyse de coût et il a conclu que cela coûterait environ 6,7 millions de dollars sur quatre ans pour appliquer cette proposition. Quelques-uns des coûts supplémentaires inclus sont 1,2 million pour l'entraînement des pilotes, et un autre 1,2 million pour les cours de suivi. Il y a des différences dans le système de solde entre les techniciens et les pompiers—environ 200 000 $—et dans les augmentations possibles de l'indemnité de service en mer, parce que les techniciens de coque ont très souvent une indemnité de service en mer supérieure à celle que les pompiers reçoivent. Il s'agit de 124 000 $.

En réalité, les questions de maintenance ne sont pas réglées. Maintenant que les problèmes d'équipement sont en quelque sorte chose du passé, les navires sont plus fiables. Ce qui se passe maintenant, c'est que cela commence à devenir une question de pitance et aussi une question d'uniforme. Les uniformes des pompiers sont bleu clair. Je suis l'une des rares personnes qui porte un uniforme bleu foncé.

Il existe des moyens réalisables et rentables qui s'offrent à la Marine pour régler le problème. Il a été proposé qu'une certaine partie du travail des techniciens de coque pourrait être transférée aux pompiers. Nous sommes déjà entraînés dans certaines tâches. Nous sommes déjà entraînés pour faire cela, et plusieurs des bâtiments ont déjà des pompiers qui le font, même s'il s'agit de tâches incombant à des techniciens de coque.

Initialement, je pense, c'est une nomenclature qu'on a vendue à la Marine. On leur a dit ni plus ni moins qu'anciennement, vous pouviez avoir un cours destiné aux pompiers et portant sur les extincteurs au halon, passer sur le pont d'envol et augmenter l'effectif des pompiers. Ce n'est plus le cas. Les hélicoptères sont vieux, le travail est très dangereux et il est de toute première importance d'avoir à cet endroit du personnel compétent.

Malheureusement, l'aviation ne nous a pas donné cette tâche en exclusivité. Tout ce que la Force aérienne a dit, c'est que tant qu'elle obtient le même niveau de protection, elle n'a pas son mot à dire relativement à ceux qui assurent cette protection. Le bon sens a prévalu et on a formé un comité composé principalement de membres de la Marine. Ils ont jugé qu'il fallait 35 jours pour former un technicien de coque afin de lui faire acquérir des compétences comparables à celles d'un pompier travaillant sur le pont d'envol. Voilà pour les économies.

Le premier cours pilote a été donné à l'École des pompiers des Forces canadiennes à Borden. Même s'il y avait certains préalables d'instruction que les stagiaires devaient posséder, il y avait surtout celui de la forme physique. Plusieurs des stagiaires qui sont arrivés là n'avaient pas réussi leur test d'aptitude physique. La Marine n'a pas tenu compte de cette exigence en matière de forme physique et elle a continué de donner le cours. À la fin du cours, malgré un programme d'éducation physique complet, certains des stagiaires ont encore échoué la partie portant sur l'aptitude physique.

• 1930

La partie des essais réalisés en mer était ni plus ni moins une farce sur la côte est. Les problèmes étaient nombreux: la période des essais était trop brève; les essais avaient eu lieu à bord du NCSM Montreal et du NCSM Iroquois; et ce n'était que pendant la période durant laquelle ces bâtiments étaient en croisières d'endurance, ce qui prenait à peu près trois ou quatre semaines. Les techniciens de coque n'étaient même pas affectés au Montreal avant que deux semaines ne se soient écoulées à partir du début des essais, et les pompiers intéressés, les plus anciens en grade sur les deux côtes, n'étaient pas invités aux breffages sur la façon d'utiliser les techniciens de coque. En fait, les breffages de la côte Est avaient lieu presque deux semaines après le début des essais.

Je ne doute pas que l'effectif de pompiers durant les essais ferait l'affaire; ils ont été entraînés par les meilleurs pompiers de profession. La proposition devrait être rejetée sur la question de la maintenance. En fait, les pompiers du Montreal ont éprouvé beaucoup de difficultés à avancer dans leur travail, parce qu'il leur manquait deux pompiers durant une brève période de travail, une période de travail très intensif.

Pour conclure, les pompiers sont hautement qualifiés et sont plus qu'en mesure de satisfaire aux besoins de la Marine en matière de protection incendie. La conversion de deux postes de pompiers en techniciens de coque ferait une ponction d'environ 7 millions au budget de la flotte sur un cycle de quatre ans. Il devrait y avoir aussi un risque accru durant la transition en raison de la perte des compétences et de l'expérience qui sont celles des pompiers.

Compte tenu de l'actuel climat financier, et surtout de l'achat des nouveaux sous-marins, la poursuite de ces essais n'est pas rentable. L'effectif actuel de pompiers peut satisfaire aux exigences de la Marine en matière d'opérations et sans coût supplémentaire pour celles-ci. Il s'agit définitivement d'une situation où il n'y a que des gagnants.

La deuxième chose dont je voudrais parler, ce sont les congés annuels. Cela a à voir avec les congés annuels parce que... je les appelle les travailleurs par roulement des services essentiels, comme les pompiers.

La politique actuelle en ce qui concerne les congés annuels a été élaborée afin de relâcher les pressions financières excessives que les congés accumulés exerçaient sur le MDN, et aussi pour améliorer le moral des hommes. Cela fait à peine trois que la politique est en vigueur, et il m'apparaît évident, ainsi qu'à plusieurs de mes collègues chefs de pompier, que cette politique est injuste pour les pompiers parce qu'elle est conçue pour les travailleurs de jour.

Il ne s'agit pas d'un problème isolé, et les raisons varient d'une unité à l'autre. Et ce n'est pas non plus un problème propre à la spécialité de pompier. L'effectif de mon quart de travail est formé de quatre pelotons de huit personnes, et mon effectif minimum en devoir est de six personnes. Je dois travailler avec six personnes, quoi qu'il arrive. Les deux autres personnes supplémentaires remplacent ceux qui partent en congé, qui s'en vont suivre des cours, qui prennent des congés fériés, etc.

Les affectations, les libérations, les déploiements et les problèmes médicaux, tout cela est défalqué d'un peloton de huit personnes. Si deux personnes d'un peloton sont parties, il n'y a pas de congé, pas de congé férié, etc. À un moment donné, j'ai eu une personne en Bosnie, deux à Borden, trois qui étaient à l'entraînement en prévision de leur départ pour Haïti, et une autre personne inapte pour raison de santé. Sur 36 personnes, une seule peut partir en congé.

L'actuelle politique en ce qui concerne les congés permet aux pompiers, dépendant de leur emploi du temps, dans le scénario du pire des cas selon le point de vue qu'on en a, de prendre quatre jours de congé et d'obtenir 14 jours de repos. Le meilleur des cas, le mien en tant que gestionnaire, correspond à six jours de congé et 14 jours de repos. Au total, les pelotons doivent accorder entre 456 et 860 jours-personnes par année en temps total de repos. Cela ne tient pas compte des jours de repos pour compenser le travail durant les congés fériés ou les événements spéciaux comme le spectacle aérien international de la Nouvelle-Écosse.

Ceux qui travaillent par roulement font toute leur administration durant leurs jours de repos. L'examen médical... Ils font beaucoup d'entraînement; ils doivent se rendre à Borden chaque année suivre une formation de recertification. Cela a lieu durant leurs jours de repos. Ils y restent une semaine.

Même s'ils n'ont pas droit à une absence permise durant ces jours de repos, je pense que j'ai une responsabilité morale d'essayer de les dédommager dans toute la mesure où je peux le faire—surtout lorsque je constate la stagnation de notre solde ces quelques dernières années.

Un facteur aggravant dans tout cela, c'est que mes travailleurs par roulement obtiennent plus d'absences permises à la fois que les travailleurs de jour. Dépendant de leur quart de travail, ils obtiennent de quatre à six jours de repos. Tout ce que les autres peuvent avoir, c'est quatre jours de congé, 14 jours de repos, même s'ils ont gagné les absences permises conformément à la politique des FC.

L'injustice prend deux formes: une incapacité de prendre congé durant l'été à cause des pénuries de personnel, à cause des affectations, des libérations et ainsi de suite; sans oublier le fait d'être incapable d'accumuler des congés. Tout ce qui précède sont des obligations ou des circonstances légitimes, mais elles semblent toujours se produire l'été. Cet état de chose exerce une pression continue sur les cadres en raison du manque de souplesse du système. La charge de travail régulière est toujours là, de même que l'obligation de prendre un congé annuel, qu'importe le nombre de personnes qui sont absentes. Parfois, nous avons dû déplacer des hommes dans différents équipages afin qu'il y ait suffisamment de monde pour être capable de prendre congé. C'est injuste parce que mes hommes doivent travailler plus longtemps que la normale lorsque, parfois, je suis en deçà de mon effectif minimum en service.

Ceux qui sont en déploiement ou en mission prolongée posent aussi problèmes sans que ce soit de leur faute. Tout d'abord, un déploiement de six prend presque un an. La formation préalable à la rotation, l'obligation de prendre des congés annuels, plus le congé de l'OTAN, grugent une grosse part du temps. À son retour, un membre n'a pas d'autre choix que de prendre tous ses congés à ce moment-là s'il a suffisamment de temps. S'il a une famille et qu'une rotation a commencé en juin ou en juillet, il lui reste une vraie belle période de l'année pour prendre congé: janvier, février, mars. Cela ne fait aucune différence que les enfants soient à l'école ou non; il doit écouler ses congés.

• 1935

Cela crée aussi un cercle vicieux parce que, à la caserne, les possibilités de congé sont limitées du fait que les pelotons manquent d'effectifs lorsqu'ils sont absents.

Le résultat final de tout ce qui précède est que mon personnel est de moins en moins susceptible d'obtenir des congés durant les belles périodes, comme l'été et à Noël. Je pense qu'il faudrait donner aux travailleurs par roulement plus de latitude relativement à l'obligation de respecter les lignes directrices s'appliquant aux travailleurs de jour. Comme cela se produit trop souvent, en voulant économiser et peut-être relever le moral, un nombre important de personnes sont pénalisées.

Je vous remercie de m'avoir fourni l'occasion de présenter mon cas.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Hanger.

M. Art Hanger: Premier maître de 1re classe, vous avez parlé de la forme physique des stagiaires, n'est-ce pas?

PM 1 Fred Millar: Oui, monsieur. Ils doivent avoir réussi le test d'aptitude physique des pompiers avant d'être admis au cours.

La rumeur veut que lorsque le test a été fait, certaines personnes ont été corrigées au crayon.

M. Art Hanger: Lorsque vous dites qu'elles ont été «corrigées au crayon», voulez-vous dire qu'on les a simplement fait passer?

PM 1 Fred Millar: Rayées. Elles n'ont pas réussi le test mais on les a fait passer.

M. Art Hanger: Elles n'ont pas réussi mais on leur a donné l'autorisation?

PM 1 Fred Millar: Oui, monsieur.

M. Art Hanger: Pourquoi cela se passerait-il ainsi?

PM 1 Fred Millar: Je n'en ai aucune idée.

M. Art Hanger: Est-ce qu'ils ne voulaient pas y être?

PM 1 Fred Millar: Non, ils voulaient y être. Le premier cours a été donné à ceux qui ont été obligés de le suivre; ce n'était pas des volontaires. Mais la Marine voulait que le test décolle et c'est ce qui est arrivé.

M. Art Hanger: Est-ce courant?

PM 1 Fred Millar: Je ne peux vraiment pas le dire. Les MEPL, ou les gens d'éducation physique et de loisirs, sont ceux qui ont fait passer les tests.

M. Art Hanger: OK.

L'autre partie où j'ai un peu de difficulté à suivre c'est que, tout d'abord, vous êtes un pompier spécialisé.

PM 1 Fred Millar: Oui, monsieur.

M. Art Hanger: Vous êtes déployé, sur quoi, à bord d'un navire?

PM 1 Fred Millar: Oui, monsieur. Il y a six pompiers à bord des bâtiments porte-hélicoptères.

M. Art Hanger: Votre travail consiste fondamentalement à vous occuper de l'hélicoptère lorsqu'il se pose?

PM 1 Fred Millar: La lutte contre les incendies d'hélicoptère. Nous sommes également responsables de toute la maintenance des extincteurs d'incendie, des systèmes d'extincteurs d'incendie, et de tous les appareils respiratoires. À bord de certains navires, les pompiers interviennent en cas de déversement de matières dangereuses

Donc, ils sont là non pas uniquement pour les hélicoptères.

M. Art Hanger: OK. Vous vous occupez de tout ce qui touche à la sécurité lorsqu'il s'agit d'un incendie à bord.

PM 1 Fred Millar: Il y a aussi d'autres spécialistes qui entrent en jeu, monsieur.

M. Art Hanger: À part ça.

PM 1 Fred Millar: Oui. Il y a les mécaniciens et les techniciens de coque. Ils font tous partie de l'équipe de contrôle des avaries dont nous faisons partie.

M. Art Hanger: C'était mon autre question. Vous avez continué de parler de la responsabilité des techniciens de coque, et vous avez laissé entendre qu'ils voulaient intégrer ces techniciens de coque pour qu'ils fassent toutes les tâches incombant à des pompiers.

PM 1 Fred Millar: Non, ce n'était pas tout. C'était juste pour combler les postes d'envol. Mais qu'est-ce qui se produirait s'ils faisaient débarquer deux pompiers, s'ils affectaient deux de ces techniciens de coque ayant une formation multidisciplinaire, et que lorsque qu'ils iraient en mer, ils travailleraient pour les pompiers. Lorsqu'ils seraient à quai, ils travailleraient pour le technicien de coque supérieur.

La pression initiale était due à leur charge de travail, mais les problèmes de maintenance ont en quelque sorte disparu parce que les bâtiments sont actuellement plus fiables. Les essais en mer se font depuis longtemps, cependant, et on est allé trop loin pour mettre un terme à ça. Donc, on suit tout simplement.

M. Art Hanger: Êtes-vous d'opinion, alors, que ces personnes ne sont pas aussi qualifiées?

PM 1 Fred Millar: Elles ne sont pas aussi qualifiées. Ils dépensent de l'argent sans aucune raison. Être technicien de coque, c'est un métier de spécialiste. Leur solde est plus élevée que la nôtre. Donc, ils nous retirent deux postes et finissent par les combler avec des gens qui coûtent plus cher, qui ont moins de formation que nous en avons.

M. Art Hanger: Est-ce vraiment le cas? Êtes-vous en train de dire que votre poste va être éliminé?

PM 1 Fred Millar: Si les essais sont fructueux et si l'amiral l'autorise, oui.

M. Art Hanger: Mais cela ne pourrait-il pas fonctionner des deux côtés, que les pompiers soient en réalité intégrés pour fonctionner dans tout l'ensemble aussi?

PM 1 Fred Millar: Non, ça s'arrête là pour nous. Ils portent un uniforme bleu clair. Ils veulent être complètement indépendants de nous.

M. Art Hanger: Ah.

• 1940

PM 1 Fred Millar: C'est une spécialité du soutien, non pas la dure spécialité de la mer.

M. Art Hanger: Oui. Et la différence se chiffre aux environs de 200 000 $.

PM 1 Fred Millar: C'est sur un cycle de quatre ans, monsieur.

M. Art Hanger: Oh. OK.

Autre chose dont je voulais m'informer: les congés annuels. Tout le monde a-t-il droit à des congés annuels?

PM 1 Fred Millar: Oui, tout le monde y a droit.

M. Art Hanger: Ça fait partie du contrat?

PM 1 Fred Millar: Vingt-cinq jours ouvrables par année.

M. Art Hanger: Êtes-vous en train de dire—et encore une fois, je n'ai pas compris tout ce que vous avez dit parce que vous ne parliez pas très fort et que le micro n'était pas ouvert comme il aurait dû l'être—ce n'est pas tout le monde qui obtient un congé annuel?

PM 1 Fred Millar: Tout le monde en a. Le problème est que pour que je m'acquitte de toutes mes responsabilités en ce qui concerne les congés de mon personnel, chacun doit travailler des heures plus longues. En moyenne, ils travaillent 40 heures par semaine pendant 11 semaines. Parfois, ils obtiennent un congé à bord. Ils doivent faire leur deuil de certaines absences permises et aller travailler avec une équipe afin qu'une personne de cette équipe puisse partir en congé; donc, ainsi ils peuvent perdre deux ou trois jours de leurs absences permises.

M. Art Hanger: Donc, si quelqu'un est en déploiement et que d'autres personnes sont en absence permise durant les heures normales de travail, cela réduit votre effectif et il n'y a pas de souplesse.

PM 1 Fred Millar: Exactement. À l'heure actuelle, nous suivons la formation en plus de notre recertification. Cela consiste en deux jours de lutte contre les incendies d'aéronef et deux jours de lutte contre les incendies de cellule à Borden. Il faut le faire annuellement. C'est écrit dans l'accord de l'OTAN.

La partie malheureuse, c'est qu'en comptant le voyage et tout, ils doivent être là pendant sept ou huit jours pour suivre le cours de quatre jours. Vous ne pouvez tout simplement vous rendre là par avion et revenir par le même moyen. Vous devez passer une journée là et attendre que l'avion revienne. Ils ne font pas ça durant leurs absences permises. Donc, l'équipage qui est de retour finit par travailler un plus grand nombre de jours pour combler les vides jusqu'à ce que ces personnes reviennent de Borden, parce que je dois les envoyer là comme une équipe.

M. Art Hanger: Donc, cela va continuer ainsi, mais l'effort qui est fait pour corriger ce point de pression, si vous voulez, est de faire disparaître votre poste, en un sens.

PM 1 Fred Millar: Le problème, c'est que présentement nous ne pouvons cumuler aucun congé. Vous devez prendre vos congés. Si nous ne pouvons prendre nos congés pour quelque raison que ce soit, la seule... À l'heure actuelle, si vous êtes en déploiement prolongé, ils vont vous permettre de cumuler des congés à votre retour. Pour cela, il faut encore une autorisation de haut niveau.

Corrigez-moi si je me trompe, mais il y a certaines façons lorsque c'est approuvé que cela tombe sous—bien, disons, en dehors du budget du commandant de la base de Halifax. Le commandant de la base ne veut pas perdre une partie des sommes qui lui sont allouées, donc il ne va pas autoriser des personnes à cumuler des congés. C'est rendu au niveau des commandements maintenant. C'est là où nous avons des problèmes.

Il s'agit d'une politique des Forces canadiennes à l'intention des pompiers, et c'est ce à quoi ils ont droit, mais ils n'obtiennent pas les avantages complets comparativement à ceux que nous appelons les travailleurs de jour, car c'est pour cela que la politique est en place. Les personnes peuvent prendre 25 jours ouvrables lorsque ce sont des jours ouvrables et n'avoir aucune difficulté à faire accepter cela.

M. Art Hanger: Merci.

Le président: Monsieur Benoit, avez-vous une brève question?

M. Leon Benoit: Oui.

Premier maître de 1re classe, j'aurais une ou deux brèves questions pour éclaircir quelques points. Vous avez dit que certaines personnes n'étaient pas requises de passer le test d'aptitude physique; on leur donnait simplement une note de passage sur papier. Sur quoi cela serait-il fondé? Pourquoi certaines personnes seraient-elles exemptées?

PM 1 Fred Millar: Il se peut qu'elles aient eu des amis qui faisaient le test, qui administraient le test.

M. Leon Benoit: Donc, il n'y avait pas d'autres moyens, autres que...?

PM 1 Fred Millar: Non, ce n'était pas calculé, je ne le pense pas. C'était les circonstances, la façon dont cela se passait. Puis, finalement, ce qui est arrivé, ils ont laissé tombé le test d'aptitude physique pour donner le cours parce que c'était rendu trop loin pour y mettre fin, mais au moment d'entreprendre ce cours, c'était un préalable d'instruction de première importance, qu'ils aient réussi le test d'aptitude physique.

M. Leon Benoit: OK, je vous remercie.

Le président: Madame Lill, avez-vous quelques brèves questions?

Mme Wendy Lill: Je suis très intriguée par certaines questions qui ont été soulevées ici. Nous avons parlé de pensions et également de solde. Si cela ne vous fait rien de rester ici sous le feu des projecteurs, avez-vous des problèmes en ce qui concerne votre solde? En tant que pompier, un travail que je sais très dangereux, êtes-vous satisfait des types de pensions qui existent pour les personnes qui quittent cette spécialité, les genres de problèmes potentiels liés au milieu qui peuvent survenir plus tard dans la vie? Ces choses me préoccupent.

PM 1 Fred Millar: Sur la dernière partie de votre question, je n'ai vraiment pas de renseignements là-dessus. Je connais des gens qui sont sortis et qui souffrent de leucémie et des choses comme ça. Je ne sais vraiment pas quels genres de soins médicaux ils obtiennent de la Commission de pensions ou de qui que ce soit. Des gens que je connais ont fait une demande de pension et ils l'ont obtenue, et il semblerait qu'ils ont eu très peu de problèmes et qu'ils s'en contentent.

• 1945

Pour parler de la solde, j'ai quelques personnes qui travaillent à l'extérieur à la caserne de Shearwater, qui font partie de ce qu'ils appellent la liste du personnel du navire. Ils forment en quelque sorte une réserve de personnel. Je sais que dans la force régulière, l'indemnité de service en mer leur fait faire des cauchemars parce qu'ils ne sont pas, comme ils disent, dans les logements donnant droit à l'indemnité de service en mer, et obtiennent seulement... La journée où ils se rapportent au navire, ils sont payés. Ils commencent l'indemnité de service en mer, et le jour de leur départ, ça s'arrête, alors que ceux qui sont affectés au navire sont admissibles à cette indemnité à partir du jour où ils y arrivent jusqu'au moment où ils sont affectés ailleurs, même s'ils sont en congé, même si le navire est au radoub, ou quoi que ce soit.

Il y a toute une coupure entre le moment où ils quittent le navire et se rendent au bureau de la solde. Ils ont ce qu'ils appellent des mises à jour—vous savez, des changements de votre état. Dans leur cas, cela ressemble beaucoup à ce qui se passe dans le cas des réservistes, en ce sens que cela peut prendre trois ou quatre mois avant qu'ils ne mettent fin à leur indemnité de service en mer. Puis, tout à coup, le bureau de la solde appelle et dit, vous nous devez 1 000 $; remboursez-nous. Il y a des cas comme ça.

Mme Wendy Lill: Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Madame Longfield.

Mme Judi Longfield: Un certain nombre de questions que j'avais avaient trait à la non-application du test d'aptitude physique, et je crois que vous y avez répondu.

Combien de fois avez-vous dit que vous deviez être recertifié?

PM 1 Fred Millar: Nous devons passer par là chaque année.

Mme Judi Longfield: La forme physique est-elle un élément de la recertification?

PM 1 Fred Millar: Non, ça n'en fait pas partie, mais nous devons subir un test d'aptitude physique chaque année. En ce moment, nous nous trouvons entre deux tests; nous avons adopté un nouveau programme. À l'heure actuelle, nous subissons uniquement le test rapide, mais pour l'essai du TEC COQUE, nous avons dû revenir à notre ancien test. C'est une course d'un mille et demi et une foule de tractions sur les bras, de redressements assis, de tractions à la barre fixe et d'exercices du genre.

Mme Judi Longfield: Dans le cas des TEC COQUE et des tests pour les pompiers—ont-ils maintenant le même test annuel, même si certains d'entre eux ont obtenu une dispense à l'origine?

PM 1 Fred Millar: Je n'ai aucune idée, madame. Je ne suis pas certain à ce sujet.

Mme Judi Longfield: À votre avis, et j'ai traité avec...

PM 1 Fred Millar: Non, je ne pense pas qu'ils aient de conditionnement physique.

Mme Judi Longfield: Ok. J'allais vous dire que j'ai traité avec des pompiers civils, et je sais à quel point c'est un travail difficile et l'importance qu'il y a d'être en bonne condition physique. D'après vous, est-ce un aspect pour lequel vous voudriez une dispense pour les pompiers réguliers?

PM 1 Fred Millar: Non. Nous devons faire une heure de conditionnement physique par quart. Il est obligatoire que nous en fassions une heure par jour.

Mme Judi Longfield: Oui. Ok, merci. Vous avez soulevé certaines questions très importantes.

PM 1 Fred Millar: Merci beaucoup.

Le président: Merci. Mme Patricia Tremblay a la parole.

Mme Patricia Tremblay (témoigne à titre personnel): Bonsoir.

Je m'adresse à vous ici ce soir en tant qu'épouse d'un matelot de 1re classe. Il est dans les forces armées depuis le mois d'août 1981.

Je voudrais commencer par remercier tous et chacun de l'occasion qui m'est fournie d'être ici et de parler librement. Cependant, je ne peux pas dire que je m'exprime sans crainte. C'est parce que j'ai dû me faire soigner pour des crises de panique et des dépressions pendant plus de dix ans. Ça été un long combat, j'ai parfois gagné, souvent perdu. Pour cette raison, je vous prie de me pardonner si je semble parfois hésitante.

Je ne suis pas la seule dans mon combat contre la dépression et l'anxiété. Bon nombre d'épouses de militaires dans cette région sont présentement suivies par des psychiatres ou des psychologues. Quelques-unes d'entre nous prennent divers médicaments, tant de prescription qu'en vente libre, pour nous aider à surmonter ces problèmes.

Certaines personnes m'ont confié que le fait d'être sans mari pendant de longues périodes aggrave cet état. Les sentiments de solitude et d'isolement sont souvent insupportables. Cependant, plusieurs vous diront, parfois carrément, que c'est le travail qu'ils ont à faire, ou encore pire, «Tu savais dans quoi tu t'embarquais lorsque tu l'a épousé».

Bien, aussi difficile que cela puisse être à l'occasion, il se peut que ces personnes aient raison, je suppose. Mais il y a une facette de cette vie que nous ne connaissions absolument pas. Personne ne nous a dit qu'on nous laisserait seules et que nous aurions à rencontrer les deux bouts avec l'état lamentable de nos finances. Fuir les agents de recouvrement, avoir peur de répondre au téléphone, essayer d'étirer le budget, sans compter le fait d'être aux prises avec une dépression, ne font qu'aggraver les choses.

Oui, permettez-moi de vous dire, cher Comité, que nous qui sommes dans les forces armées, surtout les grades inférieurs, nous sommes en retard, surchargés et définitivement sous payés. Jusqu'à présent, vous avez entendu plusieurs histoires en ce qui concerne l'état de nos finances. J'en ai quelques-unes de plus.

• 1950

Avant de me présenter ici ce soir, j'ai pris le temps de parler avec certaines personnes—des membres, mais surtout des conjointes. Je leur ai demandé ce qu'elles diraient si on leur donnait dix minutes pour s'adresser au Comité. Elles m'ont fait part de nombreuses suggestions et idées, ce dont je leur suis très reconnaissante. Le principal problème, toutefois, concerne toujours l'argent, ou le manque d'argent devrais-je dire.

Pour commencer, j'aimerais corriger une idée fausse qui a cours dans le public concernant les militaires. Nos conjoints ne sont pas des fonctionnaires. Ils ne font partie d'aucune association. Ils ne reçoivent jamais de paye pour les heures supplémentaires, jamais. Nos conjoints ne sont pas payés toutes les deux semaines, comme le sont les fonctionnaires, mais plutôt deux fois par mois, soit les 15 et 31. Pourquoi cette différence alors que l'argent provient du même gouvernement? Si les militaires recevaient une paye toutes les deux semaines plutôt que deux fois par mois, il y aurait deux mois de l'année où ils recevraient trois payes. Ce serait déjà une amélioration—très minime, mais il faut un début à tout.

Les 15 et 31 du mois semblent toujours très loin, surtout pour ceux qui vivent de paye en paye. Non, je retire ce que je viens de dire. On ne vit pas: on survit, et à peine dans certains cas. En désespoir de cause, certains d'entre nous ont été obligés de prendre des mesures extrêmes.

Je crois que vous avez tous pris connaissance de l'article paru dans le magazine Maclean's, où l'on raconte que Kathy Couture a volé une bouteille de Tylenol dans une pharmacie parce que son enfant faisait de la fièvre. Cette anecdote, malheureusement, n'est pas isolée.

On pourrait dire aussi que l'on vole quand on donne un chèque à l'épicier ou à un commerçant quelconque, en sachant fort bien que notre compte de banque est vide. Nous les remboursons le 15 ou le 31, mais à quel prix? Le prix est la honte, l'humiliation et l'accroissement des difficultés financières quand nous versons des amendes aux banques et aux commerces pour avoir fait des chèques sans provision.

Nombre d'entre nous sont allés voir le médecin avec un enfant malade, ont reçu la prescription et ont dû attendre le jour de la paye pour aller chercher les médicaments. Certains d'entre nous ont dû retirer leur REER et l'argent économisé pour l'éducation des enfants pour payer les factures et mettre de la nourriture sur la table.

Une amie m'a dit la semaine dernière qu'elle avait été forcée d'annuler un rendez-vous chez le médecin parce qu'elle n'avait pas assez d'essence pour se rendre et qu'elle n'avait pas d'argent pour remplir le réservoir. Quant à nous, nous payons des mensualités élevées pour une voiture qui reste dans le stationnement parce que nous n'avons pas d'argent pour la faire réparer.

Certains ont été acculés à la faillite, ce qui était très mal vu par les autorités voilà quelques années seulement; d'autres ont signé ce que l'on appelle en Nouvelle-Écosse une «entente de paiement méthodique des dettes». Quand on prend de telles décisions, ce n'est pas seulement la fierté qui en prend un coup.

Si les soldes ne sont pas augmentées de façon substantielle, notre avenir est très sombre. Comment pourrons-nous envoyer nos enfants à l'université? Mes propres enfants ont besoin d'un ordinateur. Dans cette ère de l'information, l'ordinateur est devenu une nécessité; ce n'est plus un luxe. Beaucoup de nos conjoints, y compris le mien, ont un deuxième travail. Mais encore là, nous avons de la difficulté à joindre les deux bouts. Ils travaillent, et ont travaillé dans le passé, comme agents de sécurité, livreurs de pizza, barmans, agent de marketing au téléphone, etc.

Et dernièrement, nous avons encore reçu une autre gifle: une augmentation de loyer. Et ne me dites pas que je dois chercher un autre appartement. Nous ne pouvons tout simplement pas nous offrir le luxe d'un déménagement, pas en ce moment.

J'aimerais pouvoir travailler à l'extérieur. Au début de notre mariage, quand les enfants étaient jeunes, nous avions pris la décision que je resterais à la maison avec eux. Leur père étant loin une grande partie du temps, c'était la meilleure chose à faire, et je ne regretterai jamais cette décision. Mais nous payons très cher le fait de ne pas avoir deux revenus. J'ai maintenant besoin de formation si je veux me trouver un emploi intéressant et, à cause de nos ennuis financiers, il est inutile même d'y rêver.

J'aimerais aussi parler de la banque alimentaire mise sur pied par notre communauté militaire. En décembre 1994, j'ai assisté à une réunion d'information, juste avant que mon mari ne parte pour la mer Adriatique. À un moment dans la soirée, celui qui était alors directeur du Centre de ressources pour les familles des militaires nous parlait des divers services offerts. Il a mentionné une banque alimentaire. Beaucoup de participants y ont vu un signe très encourageant. Peut-être l'armée sortait-elle des ténèbres?

Malheureusement, juste après nous avoir parlé de cette banque, il a ajouté, et je cite: «Je ne vois pas qui dans l'armée aurait besoin d'une banque alimentaire.» Voilà. Il nous avait donné une bonne nouvelle, mais il s'est empressé de mettre une étiquette négative sur ce besoin. Il prenait d'une main et reprenait de l'autre, juste avec ces quelques mots malheureux. Certaines personnes m'ont confié qu'elles avaient peur de demander ce type d'aide aux autorités militaires, et beaucoup font appel à des services extérieurs.

Je vais maintenant vous faire part d'un fait que vous ne connaissez pas, j'en suis sûre. Si jamais les autorités s'aperçoivent qu'il y a une erreur sur votre chèque de paye, à votre avantage, il faut retourner l'argent aussitôt. Voilà quelques années, quelqu'un m'a dit que sa famille avait dû obtenir un prêt bancaire afin de rembourser l'erreur faite par le bureau de paye. Le bureau les avait avisés que, si l'argent n'était pas remboursé immédiatement, on retiendrait les payes subséquentes afin de couvrir le montant dû. Ce n'est pas non plus un cas isolé.

• 1955

Pendant que nous y sommes, j'ai une autre question concernant la paye. Pourquoi nos conjoints n'ont-ils pas droit au paiement des heures supplémentaires? En août 1990, alors que l'on affrétait le NCSM Terra Nova en vue de la traversée vers le golfe Persique, les hommes travaillaient 24 heures par jour, autant les militaires que des civils. Les similarités s'arrêtent ici.

Les militaires travaillaient aussi dur que les civils, mais ces derniers étaient parfois payés à temps double et demi. Comme c'est souvent le cas, l'injustice était flagrante, grotesque. Ceux qui servent notre pays se trouvent encore une fois bafoués.

J'aimerais aussi parler du décès de parents des membres en service et de leur conjoint. Les coûts d'un voyage pour assister aux funérailles d'un être cher peuvent parfois nous mettre sur la paille pendant plus d'une année. Cela m'amène vers un aspect de l'armée que j'ignorais totalement jusqu'en 1995. Savez-vous que l'armée ne reconnaît pas les parents du conjoint comme ayant un lien avec le membre?

Mon père est décédé en janvier 1995, alors que mon mari s'apprêtait à s'embarquer sur le NCSM Montréal, à destination de la mer Adriatique. Il a été avisé qu'il n'avait aucun lien avec mon père et qu'il n'y avait donc aucune raison pour qu'il m'accompagne. Je n'en croyais pas mes oreilles. Comment peut-on affirmer que mon père n'était rien pour mon mari? Comment peut-on me dicter mes besoins alors que je suis en deuil de mon père? Comment peut-on déterminer que je n'avais pas besoin de l'aide ni du soutien de mon mari alors que mon père tant aimé venait de disparaître? Malheureusement, j'ai dû consulter un psychiatre et un aumônier, et j'ai versé bien des larmes, en vain. C'est une situation inadmissible.

Mais là encore, j'ai été chanceuse. Une dame m'a dit qu'elle avait vécu une situation similaire, mais elle n'a pas eu ma chance. Alors que son mari suivait une formation à Borden, son père est décédé, en Ontario. Elle était à la maison, à Dartmouth, avec les enfants. L'entreprise pour laquelle son beau-père travaillait a payé son billet d'avion, afin qu'elle puisse accompagner son mari en deuil. Malheureusement, elle n'avait jamais pris l'avion et était absolument terrifiée. En désespoir de cause, elle s'est tournée vers l'employeur de son mari, les forces armées. Elle demandait une aide financière d'urgence afin que son fils adolescent puisse prendre l'avion avec elle, pour l'aider à passer au travers. Elle ne demandait pas tant, tout juste un prêt d'urgence pour payer le billet de son fils.

Elle a téléphoné à beaucoup de gens, à commencer par le Centre de ressources, qui lui dit de s'adresser à un aumônier, qui l'a à son tour envoyée vers une travailleuse sociale, qui lui a dit de se faire prescrire du Zantac et de se calmer. L'agente ne pouvait rien faire pour elle parce qu'elle n'avait pas de lien avec le père de son mari.

Aucune règle formelle ne régit la politique à l'égard des conjoints et il y a toute la place voulue pour l'interprétation, ou plutôt les erreurs d'interprétation.

Alors que j'assistais aux funérailles de mon père, j'ai regardé les conjoints de mes soeurs et frères, qui avaient tous bénéficié d'un congé de leur employeur, sans difficulté. Quand je songeais aux larmes versées et aux implorations que j'avais dû faire, j'ai eu des haut-le-coeur et j'ai eu honte pour l'employeur de mon mari, les forces armées.

Je veux finalement parler des soins de santé accordés aux membres de l'armée. Certains de nos conjoints sont au mi-temps de la vie et aimeraient, ce qu'ils méritent bien, pouvoir rencontrer régulièrement un médecin. À cet âge, il est indiqué de subir des examens réguliers pour vérifier la tension artérielle, le taux de cholestérol, etc. Pourquoi ne leur accorde-t-on pas le privilège de voir un médecin régulièrement, qui pourrait apprendre à les connaître, à qui ils pourraient se confier? Tous les citoyens canadiens ont droit à ce traitement.

Beaucoup de membres disent qu'ils ont peur d'aller voir le médecin de la base pour des problèmes plus graves que le rhume. C'est inadmissible. Nos membres paient des impôts en Nouvelle-Écosse et devraient donc recevoir la carte d'assurance-maladie et choisir le médecin qui leur convient. Qui pourrait penser, en ces temps modernes, qu'un employeur puisse décider pour ses employés de l'endroit où ils doivent se faire soigner? Parce qu'ils hésitent à consulter les médecins de l'hôpital de la base, les membres courent peut-être des risques importants sur le plan de la santé. Nous n'avons vraiment pas besoin de ce problème en plus.

Je pourrais parler de beaucoup d'autres choses, mais je sais que d'autres les aborderont. J'ai été témoin de nombreux changements dans la vie militaire au cours des dernières années, depuis que j'ai épousé un homme de l'armée—ou devrais-je dire de la marine. Certains changements sont positifs. Je me souviens d'un temps où l'existence du conjoint était à peine reconnue par les autorités, et voilà que maintenant, une épouse se tient ici pour vous parler de problèmes graves. C'est un progrès. Toutefois, tous les progrès réalisés seront toujours assombris par le problème scandaleux du manque d'argent.

Merci de m'avoir donné l'occasion de m'exprimer. Et je vous implore, vous les membres du Comité, de ne pas partir d'ici en vous disant que la situation est révoltante et, une fois à Ottawa, de nous oublier. Nous vous demandons de faire connaître nos besoins. Il faut que tous les citoyens canadiens soient mis au courant. Dites-leur ce que doivent endurer ceux qui servent leur pays tant aimé. Vous avez le pouvoir de vous battre pour que les choses changent. Merci. Dieu vous bénisse.

• 2000

Le président: M. Hanger veut vous poser une question.

M. Art Hanger: Oui, je veux vous poser une question. Merci de votre témoignage.

Je crois que vous avez touché des points que je peux clarifier un peu. Vous avez parlé très candidement de la relation avec votre mari et de la non-reconnaissance de la relation entre votre mari et les membres de votre famille, et du fait qu'il ne peut obtenir de congé si quelque chose leur arrive.

Ce que je vais vous dire ne vous réconfortera sûrement pas. On se fend en quatre dans ce pays pour que les prisonniers puissent aller à des funérailles, même d'un ami.

Mme Patricia Tremblay: C'est honteux.

M. Art Hanger: C'est dégoûtant. Mais c'est un fait. La façon dont on traite les militaires me met hors de moi. Cette injustice, juste dans ce domaine... Un groupe mérite beaucoup plus que l'autre, et je n'ai pas besoin de dire lequel.

Je crois qu'il y a une politique relative aux congés familiaux pour les militaires, mais elle s'applique seulement au mari et à sa famille immédiate.

Mme Patricia Tremblay: Oui, à sa famille immédiate.

M. Art Hanger: Sa famille immédiate étant qui? Sa femme est ses enfants?

Mme Patricia Tremblay: Sa femme et ses enfants, ses parents, mais non les parents du conjoint. On considère qu'il n'a aucun lien avec eux.

M. Art Hanger: Je comprends que, dans certains cas, il peut être difficile, si une personne est déployée ou en voyage, ou affectée à l'étranger ou pour une autre raison, de lui donner un congé s'il ne s'agit pas d'un parent immédiat. Mais en même temps...

Mme Patricia Tremblay: Je ne comprends pas.

M. Art Hanger: Non.

Mme Patricia Tremblay: Pas quand...

M. Art Hanger: Je crois que vous avez soulevé un point très important, que notre Comité devrait examiner de très près.

Mme Patricia Tremblay: Merci beaucoup.

M. Art Hanger: Vous avez dit que des épouses devaient recourir à des astuces extraordinaires pour joindre les deux bouts, jusqu'à faire un chèque sans provision...

Mme Patricia Tremblay: Oui, c'est vrai.

M. Art Hanger: Cela arrive-t-il souvent?

Mme Patricia Tremblay: Vous savez très bien qu'il va rebondir, mais vous le faites quand même. Vous versez l'argent quand la paye arrive, mais à quel prix? Il faut payer les frais de la banque et ceux de l'épicier, et vous êtes encore plus dans le trou.

C'est notre mode de vie, surtout pour les familles des grades inférieurs. Nous vivons ainsi.

M. Art Hanger: Quelle est la fréquence de tels gestes?

Mme Patricia Tremblay: J'ai parlé à beaucoup de personnes. Cela est arrivé assez souvent au cours de la dernière année, et tous ceux à qui je me suis adressée ont avoué l'avoir fait au cours de la dernière année, au moins quatre ou cinq fois—trop souvent.

M. Art Hanger: Trop souvent, oui. Une meilleure gestion financière s'impose-t-elle, ou simplement...?

Mme Patricia Tremblay: On ne peut jamais planifier. Pas avec le salaire que nos maris reçoivent. Je ne sais pas pour les autres grades, mais je sais que, pour ceux de la classe inférieure, il est impossible de planifier. On ne peut pas blâmer une mauvaise gestion du budget. On ne vit pas; on subsiste, de paye en paye.

M. Art Hanger: Quel est le grade de votre mari?

Mme Patricia Tremblay: Il est matelot de 1re classe, avec presque 17 années de service. Il a obtenu ce grade en 1985.

Nous avons trois enfants, mais ne nous sommes pas des cas isolés, loin de là.

M. Art Hanger: C'est vrai.

Mme Patricia Tremblay: Ce n'est rien de nouveau.

M. Art Hanger: Merci beaucoup.

Mme Patricia Tremblay: Merci beaucoup.

Le président: Monsieur Price.

M. David Price: Merci, monsieur le président.

Vous avez parlé des soins médicaux et du besoin d'examens réguliers, d'un médecin à temps plein, etc. Les membres ne passent-ils pas déjà un examen périodique?

• 2005

Mme Patricia Tremblay: La plupart des membres disent qu'ils ont peur, du moins ceux à qui j'ai parlé. On entend trop d'histoires d'horreur au sujet de vasectomies faites à la sauvette et de personnes qui meurent de crises du coeur.

M. David Price: Mais vous nous dites que les membres ne subissent pas un examen annuel, un examen de routine?

Mme Patricia Tremblay: Pas mon mari, et j'aimerais qu'il en passe un.

Une voix: Ils ne font pas confiance aux médecins militaires. C'est ça, la raison.

M. David Price: O.K., mais ils sont bel et bien supposés subir un examen annuel?

Une voix: Oui. Ils sont supposés.

M. David Price: Et ils ont accès aux résultats des prises de sang?

Une voix: Ils ont accès seulement aux documents militaires.

Une voix: J'ai subi un seul examen en onze ans dans l'armée.

M. David Price: O.K., c'est ce que je voulais savoir.

Une voix: Et on a le droit de consulter un spécialiste de l'extérieur seulement si ça ne va vraiment pas. Autrement, il faut aller voir un médecin militaire, à qui je ne confierais même pas la vie de mon chien.

M. David Price: O.K. Mais quand vous subissez un examen médical, avez-vous accès aux radiographies et à votre analyse sanguine, et aux résultats obtenus?

Mme Patricia Tremblay: Si l'analyse est faite, peut-être. Sérieusement, je connais une personne qui est allée voir un médecin pour une numération des spermatozoïdes après une vasectomie. Quand il est retourné pour avoir le résultat, il a découvert qu'il n'y avait pas eu de numération, mais une culture. L'homme a demandé: «Quel est le résultat de la numération? Est-ce qu'on peut éviter une grossesse? Vous savez que nous ne voulons pas d'enfant.» Le médecin l'a regardé et lui a dit: «Une numération de spermatozoïdes? Vous n'avez pas d'infection. C'est assez, non?» Aucune numération n'avait été faite. Seulement une culture. Pensez-vous que cet homme voulait y retourner? Je ne crois pas.

M. David Price: Merci.

Le président: Est-ce tout?

Une voix: Pour ce qui est de notre condition dentaire...

Le président: Pouvez-vous venir au micro et vous identifier, s'il vous plaît?

Matelot de 1re classe Joseph André Champoux (témoigne à titre personnel): Je suis le matelot de 1re classe Champoux. J'ai été affecté à la base de Halifax durant la majeure partie de ma carrière, soit quatorze ans.

Ils sont très stricts en ce qui concerne notre condition dentaire. Ils nous surveillent de près. Si nous ne nous présentons pas à un rendez-vous, nous sommes accusés de ne pas nous trouver là où nous devions être.

Mais ils sont beaucoup moins stricts pour l'aspect médical. Je me suis aperçu cette année que je n'avais pas eu d'examen médical depuis six ans. Je suis donc aller passer un examen. Il faut passer un examen avant une promotion. C'est un prérequis. Aussitôt qu'ils reçoivent le message, ils vous envoient à l'hôpital. Autrement, personne ne se préoccupe de notre dossier médical.

J'ai parlé au personnel de l'hôpital et on m'a dit que le membre avait la responsabilité de se faire examiner. Si vous allez à l'hôpital tous les quatre mois, on vous donnera un rendez-vous, si vous le demandez. Je ne l'ai jamais fait, mais si vous demandez à passer un examen, vous avez un rendez-vous.

Le président: Madame Lill.

Mme Wendy Lill: Merci beaucoup de vous être présentés ici ce soir. J'ai quelques questions à vous poser.

Ma première question concerne le besoin des familles de garder des liens quand le conjoint est en mer. J'ai entendu des personnes dire qu'elles accumulaient des factures de téléphone faramineuses, dans le seul but de maintenir le lien entre les enfants et leur père parti pendant cinq mois. Des conjoints veulent parler des problèmes de santé dans la famille, du départ d'un conjoint, d'un parent, ou encore tout simplement communiquer, ce qui est normal, l'essence même de la famille. Quelqu'un m'a demandé pourquoi les militaires ne disposaient-ils pas d'une allocation «humanitaire» pour le téléphone. Et je me suis dit qu'il fallait vraiment penser à quelque chose. J'aimerais que vous nous parliez de ce problème. Que peut-on faire qui vous aiderait vraiment à entretenir le lien avec votre conjoint quand il est en mer ou à l'étranger?

Mme Patricia Tremblay: Premièrement, madame Lill, quand les gens parlent de—surtout dans l'article que j'ai lu—militaires qui vont sur le terrain ou sur les navires et obtiennent une prime de 300 $, ça couvre à peine les comptes de téléphone si on veut réellement entretenir des liens. Nous sommes mariés depuis bientôt 14 ans, et après le voyage qu'il a fait après le décès de mon père, les comptes de téléphone ont atteint plus de 2 000 $.

Une voix: Mon dieu!

Mme Patricia Tremblay: Pas besoin de vous dire qu'il nous a fallu beaucoup de temps pour les payer. Notre téléphone a même été débranché parce qu'on ne payait pas. On n'arrivait pas à payer les sommes minimales demandées. C'est notre responsabilité, je suis d'accord, mais c'était le seul moyen de communication à notre disposition, et c'est essentiel dans de tels moments.

Peut-être pourrait-on bénéficier d'une formule semblable à celle d'AT&T ou de Sprint, qui demande tant la minute pour les appels au Canada. Pourquoi pas une telle formule? Pourquoi ne pas nous donner une petite chance? Ce qu'ils appellent la «paye du départ en mer» est une vraie farce. Elle ne couvre pas ces frais. Il faut mettre en place des formules adaptées. Vous avez parlé d'une «allocation humanitaire». J'aime cette expression.

• 2010

C'est très difficile. Une amie a fait un appel de 20 minutes en Irlande. Cela a coûté 55 $. C'est dégoûtant. Mais nous n'avons pas le choix si nous voulons garder le lien. Si ce n'était du caractère sacré du mariage, beaucoup d'entre nous ne seraient plus ensemble aujourd'hui. Ce n'est pas une vie facile, et le téléphone est l'un des moyens à notre disposition pour garder le contact quand nos conjoints sont au loin. Mais c'est devenu inabordable. Surtout les appels à destination de l'Europe et des Caraïbes. On en vient à se disputer parce qu'on reste au téléphone trop longtemps. On se dit qu'il faudrait peut-être raccrocher maintenant, que ça coûte tant la minute... Bref, on se dispute et on paye pour ça. On vient de perdre 50 $. Voilà le genre de pressions auxquelles nous faisons face.

Merci.

Le président: Monsieur Pratt.

M. David Pratt: Merci, monsieur le président.

Avant de poser ma question, j'aimerais dire que M. Hanger a soulevé un point intéressant quand il a parlé des prisonniers des pénitenciers fédéraux, qui peuvent visiter leurs amis ou assister à leurs funérailles. Je connais cette politique, mais je crois qu'il faut obtenir de l'information qui nous permettrait de comparer les deux situations. Peut-être M. Hanger pourrait-il fournir au Comité cette information avant la prochaine rencontre. Je remets ce dossier entre ses mains. Voici ma question:

Nous entendons parler des difficultés financières éprouvées par les membres des forces armées. Si vous vous fiez aux propos que vous avez récoltés auprès de vos collègues, savez-vous quel est le pourcentage de familles de militaires en faillite?

Mme Patricia Tremblay: J'ai toutes les raisons de penser que ce taux est élevé. Savez-vous ce que signifie «souscrire au paiement méthodique des dettes»?

M. David Pratt: Oui.

Mme Patricia Tremblay: Ici, en Nouvelle-Écosse, nous pouvons avoir recours à ces mesures. Elle est assujettie à la Loi sur la faillite et l'insolvabilité; toutes les dettes d'un particulier sont consolidées par jugement de la cour, et le taux d'intérêt est abaissé. Cela signifie que vous ne pouvez obtenir de crédit pendant sept ou dix ans. Vous ne serez jamais propriétaire d'une maison—pas nous, en tout cas.

Les faillites ont augmenté au cours des dernières années. Voilà peu de temps, les militaires avaient très peur de déclarer faillite parce qu'on leur avait toujours dit que cela aurait une incidence sur leur carrière, et personne ne voulait de cette marque au fer rouge. Je ne connais pas les chiffres exacts, mais je connais individuellement beaucoup de gens qui ont dû s'y résigner.

M. David Pratt: Comme vous avez pu vous en rendre compte, nous avons entendu parler du problème financier partout où nous sommes allés. Croyez-vous que les Forces canadiennes font tout en leur possible pour aider les familles à planifier leur maigre budget?

Mme Patricia Tremblay: Non. Quelle aide?

M. David Pratt: Aucun cours, rien de tel?

Mme Patricia Tremblay: Oui. On peut demander de l'aide pour dresser un budget;, mais si on n'a rien pour faire un budget, à quoi ça sert? Nous avons demandé de l'aide. Nous avons eu des cours sur le budget, mais si vous n'avez rien pour faire un budget, ou que vous ne pouvez vous sortir du trou, et que tout ce que vous pouvez faire est de continuer à creuser plus profond... O.K., les membres ont obtenu une petite augmentation le 1er avril. J'habite Shannon Park et, d'ici le 1er août, cette augmentation sera engloutie. Il m'en coûtera 50 $ au lieu de 20 $ pour un garage en ruine. Mais les appartements sont si petits à Shannon Park qu'on a absolument besoin d'un garage.

Tous ceux de ma communauté qui ont un garage—comme je l'ai dit, j'ai demandé à beaucoup de gens de me dire ce qu'ils aimeraient vous dire—en sont arrivés à la même conclusion: il faut se défaire du garage; on ne peut payer 50 $ par mois pour un garage. Mais où va-t-on mettre tout ce qui s'y trouve? Tout va de travers, on ne voit pas la lumière au bout du tunnel. Aucun signe d'amélioration. C'est assez pitoyable de traiter ainsi ceux qui défendent et servent le pays. C'est ainsi.

M. David Pratt: J'aimerais ajouter un autre commentaire concernant votre suggestion à l'effet que les membres des Forces devraient être payés toutes les deux semaines plutôt que deux fois par mois. Nous avons entendu cette suggestion avant. Je crois que c'est l'une des plus réalisables pour autant que...

Mme Patricia Tremblay: C'est plus qu'une question de croyances. Nous sommes tous payés par le même gouvernement, alors pourquoi les fonctionnaires sont-ils payés tous les deux mercredis?

• 2015

Mon mari occupe un deuxième emploi, et on le paie toutes les deux semaines. La paye, aussi petite soit-elle, arrive beaucoup plus vite que celles du 15 et du 31 de chaque mois—sauf au mois de février, car il y a 28 jours dans le mois et nous sommes un peu plus chanceux.

M. David Pratt: Merci beaucoup.

Le président: Madame Tremblay, nous avons visité le Centre de ressources des familles de militaires ce matin, ou l'un d'entre eux sur la base.

Mme Patricia Tremblay: Je sais, je vous ai vus à la télévision.

Le président: Ils nous ont montré un ordinateur qui est à votre disposition pour envoyer du courrier électronique à votre conjoint sur le navire. Savez-vous si les femmes de marins l'utilisent beaucoup?

Mme Patricia Tremblay: Je n'en ai pas la moindre idée.

Une voix: Je sais qu'il est passablement utilisé. Le problème est que les membres individuels n'ont pas le choix de... s'asseoir devant le terminal du navire et de vérifier s'ils ont eu un message. Si l'épouse essaie d'envoyer un message personnel, tel que «La santé de ton père ne s'améliore pas», tous les matelots vont voir le message en cherchant leur propre courrier...

[Note de la rédaction: Inaudible]... mais il n'est pas possible d'envoyer un message personnel. Ce serait bien que le membre concerné sache que l'état de son père empire sans avoir à payer un appel téléphonique, mais il n'est pas nécessaire que tous ses coéquipiers le sachent.

Mme Carol Preston (témoigne à titre personnel): Puis-je ajouter quelques renseignements à cet effet? Je travaille au Centre de ressources pour les familles de militaires et je suis responsable d'une grande partie des communications.

Le président: Oui. Venez au micro et donnez-nous votre nom.

Mme Carol Preston: Je m'appelle Carol Preston. Je m'occupe des messages envoyés entre le personnel des navires et les familles qui sont restées au pays.

Je crois que, quand la dame parle de non-confidentialité des messages, elle parle des familigrammes, accessibles à tous. Les navires qui sont dotés d'un service de courrier électronique... c'est plus confidentiel. C'est habituellement le timonier ou quelqu'un d'autre qui est responsable du téléchargement, et le destinataire peut ensuite consulter son message.

Depuis janvier, plus de 5 000 communications ont transité du continent aux navires. C'est donc un moyen très utilisé.

Une voix: À combien d'ordinateurs avons-nous accès? Y en a-t-il un seul?

Mme Carol Preston: Non. Le Centre de ressources familiales de Shannon Park dispose de trois ordinateurs. Il est ouvert 24 heures par jour, sept jours par semaine.

Une voix:

[Note de la rédaction: Inaudible]

M. David Pratt: Point d'ordre, monsieur le président. On n'entend pas les conversations d'ici.

Le président: On ne peut entendre la conversation d'ici.

Aviez-vous autre chose à ajouter?

Mme Carol Preston: Non. Je voulais juste préciser que les messages étaient confidentiels.

Mme Beverly Beaulieu (témoigne à titre personnel): Bonsoir.

Le président: Pouvez-vous vous nommer?

Mme Beverly Beaulieu: Je m'appelle Beverly Beaulieu; je suis une amie de Trish.

J'ai parlé à Mme Lill lundi soir, alors qu'elle préparait sa présentation de ce soir. C'est moi qui ai employé le terme humanitaire, faute d'un meilleur terme.

Je ne suis pas d'accord quand on dit que le courrier électronique est le meilleur moyen de communication, car beaucoup de gens n'ont pas d'ordinateur. Je sais que, sur deux navires différents, tout dépend de la façon dont on veut utiliser le courrier électronique. Ce sont eux qui déterminent si le message sera transmis directement à domicile, ou au centre puis à domicile.

Je persiste à demander, à invoquer, à espérer que l'on nous accorde une carte de téléphone, qui nous permettrait de bénéficier des tarifs nord-américains. Je ne crois pas que c'est trop demandé pour nous permettre de maintenir la communication, en cas d'urgence ou non. Beaucoup de membres dépassent leur budget de téléphone quand ils sont au loin pendant trois, quatre, six mois. On n'a pas à justifier pourquoi on parle, et on devrait bénéficier d'un tarif similaire à ceux offerts par At&T et Sprint pour les appels au Canada.

Les gens qui travaillent pour le gouvernement ou toute autre entreprise... Je crois que nombreux sont ceux à qui on accorde un compte de dépenses pour le téléphone, ou encore qui jouissent de réductions. Pourquoi n'en serait-il pas ainsi pour les membres des Forces? Tous ont un numéro. On pourrait associer une carte à ce numéro et imputer leur facture à un compte, et ils pourraient obtenir des tarifs de 0,10 $, 0,15 $, ou même 0,25 $ la minute.

Mon mari a essayé de m'appeler de l'Irlande. J'ai pu le rappeler, mais j'ai dû débourser 5 ou 10 $ juste pour établir la communication. J'ai été chanceuse de pouvoir le rappeler dans une cabine téléphonique. Il a dû attendre sous la pluie, que je le rappelle à l'heure convenue, de sorte que je puisse bénéficier d'un tarif de 25 $ la minute. Mais si lui m'appelle, c'est très cher. Sur la plupart des navires, il n'y a quÂune ou deux lignes pour 200 personnes. Il est très difficile de joindre directement un bateau amarré dans un port étranger, car la ligne est toujours occupée.

• 2020

Pour ceux qui veulent vraiment rester unis, ceux qui aiment leur famille, leur mari, la séparation physique est difficile, mais la séparation spirituelle et émotionnelle est encore plus cruelle. Et quand vous songez aux 50 $ que vous paierez pour 20 minutes, et que vous savez que votre mari s'en fait parce que l'appel coûtera cher, c'est vraiment injuste. Je crois qu'en cette ère moderne, on pourrait faire quelque chose. Ce serait une petite chose, mais qui vaudrait beaucoup aux yeux de bien des familles.

Merci.

Le président: Merci beaucoup. Merci à vous deux.

Des voix: Bravo, bravo!

Le président: Mike Innes.

M. Mike Innes (témoigne à titre personnel): Bonsoir, mesdames et messieurs les membres du comité.

Mon nom est Michael Robert Innes. L'armée m'a libéré le 23 décembre 1997 pour motif médical 3A, stipulant que j'étais inapte au service militaire, sans égard à l'environnement.

Je reçois une pension militaire, de même qu'une pension médicale du ministère des Anciens combattants. Ces 2 revenus combinés équivalent à 40 p. 100 de mon revenu avant ma libération. En raison de mon état de santé, on m'a dit que j'avais droit au RARM. J'ai rempli les formulaires avant ma libération, et la procédure était supposée suivre son cours. Selon ce que j'avais compris, l'indemnité du RARM me permettrait d'avoir un revenu équivalant à 75 p. 100 de mon salaire avant la libération.

Bien que j'aie été libéré du service en raison de mon incapacité, le RARM a rejeté ma demande, arguant que la définition d'incapacité ne s'applique pas à mon cas. J'ai une année pour aller en appel. J'ai fait une demande au régime de rente pour invalidité du Canada, mais je dois leur soumettre mes dossiers militaires. J'ai fait diligence au invoquant la Loi sur l'accès à l'information, mais il faut du temps, environ quatre à cinq mois.

Une décision rendue par la Commission d'expertise médicale de Charlottetown stipule que j'ai contracté ma maladie lors d'une mission spéciale en Croatie, l'ex-Yougoslavie. En vertu de l'article 21(1) de la Loi sur les pensions, on a droit à une rente si l'invalidité est causée ou aggravée durant une période de service militaire. Je reçois 25 p. 100 de cette rente à l'heure actuelle.

Je subis actuellement une évaluation médicale obligatoire qui vise à déterminer la nature exacte de mon incapacité. Il faut attendre plusieurs semaines, sinon des mois, dépendant du ministère des Anciens combattants, pour obtenir les résultats des tests, après quoi la Commission doit procéder à l'évaluation. Mon diagnostic est le suivant: syndrome de l'écrivain, arthrite, syndrome de fatigue chronique, troubles du sommeil.

Ma qualité de vie s'est beaucoup dégradée: je ne peux plus travailler, rouler à vélo, jouer au hockey, aller camper, nager, jouer avec mes enfants, voir à l'entretien de la maison—même pas laver la vaisselle! Je faisais naturellement ces choses auparavant. Prendre ma douche et m'habiller me demandent énormément. L'activité physique est cause de souffrances, m'affaiblit; toutes les parties de ma vie sont touchées. Je limite mes activités et j'essaie d'éviter que la maladie me cloue au lit, car c'est vite fait, et c'est plus difficile chaque fois d'en revenir.

Ma famille, tout comme moi, a dû s'adapter, afin de tenir compte des limites que m'impose la maladie. Le fardeau financier est tel que j'ai dû retirer mes REER et emprunter de l'argent à des membres de ma famille afin d'arriver au cours des cinq derniers mois.

Je vous soumets des lettres qui font état des risques pour la santé notés par les médecins qui nous ont accompagnés lors de la campagne de paix en Croatie. Ces risques étaient dus à l'exposition à des déchets biochimiques dangereux, aux BPC et à la bauxite, ainsi qu'à des déchets et des sols contaminés.

Au grand dam des médecins, ni le Canada ni les Nations Unies n'ont dépêché de spécialistes de l'environnement afin de déterminer la nature exacte des risques, afin que nous évitions les contacts avec des matières qui pourraient causer des problèmes de santé sur le moment et ultérieurement.

• 2025

Recommandations:

—Les membres libérés pour motif médical 3A, décrétant l'incapacité au service militaire, devraient pouvoir s'adresser à quelqu'un pour faire part de leurs préoccupations et de poser des questions; toutes les procédures administratives devraient être mises en oeuvre et réglées avant la libération, de sorte que le processus soit accéléré.

—Les ministères devraient collaborer et communiquer entre eux, ou du moins correspondre, afin que soit simplifié le processus qui permettra d'atteindre le but commun de toutes les parties intéressées, y compris des membres visés.

—Si les membres sont frappés d'incapacité ou ne sont pas en mesure d'entreprendre les démarches nécessaires en raison de leur état de santé, des mesures devraient être mises en place afin de soutenir les familles. Des représentants du MDN devraient venir rencontrer l'individu incapable de travailler ou de quitter la maison, et voir à ce que toutes les étapes de la procédure de libération soient exécutées avant la libération.

Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Price.

M. David Price: Merci, monsieur le président.

Merci, Mike, de vous être déplacé. J'ai quelques questions à vous soumettre.

Combien d'années de service militaire avez-vous à votre actif?

M. Mike Innes: Quinze années de service. J'étais caporal. J'étais technicien des matériaux, classe 441, élément terre. En termes plus simples, j'étais soudeur, machiniste et travailler du textile.

M. David Price: O.K. Très bien.

À l'heure actuelle, vous recevez une pension?

M. Mike Innes: Je reçois 25 p. 100 d'une pension médicale du ministère des Anciens combattants.

M. David Price: O.K., mais vous ne recevez aucune rente de retraite d'aucune sorte?

M. Mike Innes: Non. J'ai accumulé du temps ouvrant droit à pension, en vertu de la CCP. Je reçois 25 p. 100 d'une pension médicale du ministère des Anciens combattants, un montant provisoire. Étant donné que la Commission d'expertise médicale de Charlottetown a déclaré que mon incapacité avait été causée par ma participation à une mission en Croatie, on m'a donné 25 p. 100 pour commencer. Mais si vous additionnez les deux rentes, je reçois seulement 40 p. 100 du revenu total que je gagnais en tant que membre actif des forces armées.

M. David Price: O.K.

Pourquoi vous a-t-on envoyé en Croatie? Quelle était précisément votre tâche?

M. Mike Innes: Je faisais l'entretien de première ligne pour un PPCLI. En général, j'allais là où se trouvaient les bataillons d'infanterie, soit à Charlie, Bravo et Alpha à ce moment. Je devais parcourir entre 50 et 100 milles pour les rejoindre. Je me rendais vers leur zone d'opération, et je faisais le travail requis, que ce soient des travaux de soudure, de façonnage, de réparation de textiles, tout ce qui pouvait améliorer leurs conditions de vie.

M. David Price: O.K. Vous avez mentionné que vous croyez avoir été exposé à des substances dangereuses durant cette mission. Savez-vous ce que c'est?

M. Mike Innes: Les papiers que j'ai en main... Je vais lire le libellé:

    Ce membre a été exposé à de la bauxite et à des BPC pendant six mois alors qu'il participait à l'Opération de paix en Croatie, rotation 4. Les membres stationnés dans la partie nord de la zone de responsabilité, soit la compagnie Delta, ont été les plus exposés.

Dans notre zone de responsabilité, de nombreux transformateurs ont été endommagés, probablement à cause de l'exposition aux BPC. Ni le Canada ni l'ONU, comme je l'ai dit, n'ont dépêché de spécialistes de l'environnement afin de soutenir la mission Opération harmonie.

De plus, alors que j'étais là-bas, on remplissait des sacs de sable. On achetait de la poussière des Serbes afin de remplir les sacs, parce que l'ONU en a manqué, ou pour quelle que raison que ce soit, et les commandants jugeaient qu'il fallait remplir cette mission. La poussière contenait des excréments et des os d'humains.

M. David Price: Saviez-vous à ce moment si elle contenait des matières dangereuses?

M. Mike Innes: Bien sûr. On prenait des mottes et les os nous restaient entre les mains. Les commandants et tous les autres nous aidaient à remplir les sacs. Personne n'a rien dit, personne n'a rien fait.

M. David Price: Connaissez-vous d'autres personnes qui ont les mêmes problèmes que vous et qui étaient dans la même région à ce moment?

M. Mike Innes: Oui, j'en connais. On m'a dit que nous sommes 33 dans le même cas qui ont participé à cette mission.

M. David Price: Savez-vous si d'autres missions ont conduit au même type de problèmes?

M. Mike Innes: Vous voulez dire si d'autres groupes qui seraient allés au même endroit avant ou après nous ont le même genre de problèmes?

M. David Price: Oui.

M. Mike Innes: Oui, j'en connais.

M. David Price: Dont l'état de santé est le même que le vôtre?

M. Mike Innes: Oui.

M. David Price: Et quand ces missions ont-elles eu lieu?

M. Mike Innes: J'y suis allé de mars à octobre 1994.

• 2030

M. David Price: O.K., merci.

Le président: Monsieur Benoit.

M. Leon Benoit: Merci, monsieur le président.

Vous avez dit que les ministères devraient travailler de concert afin de faciliter la procédure de réclamation de rente pour les personnes handicapées. Vous parlez du ministère des Anciens combattants et du MDN?

M. Mike Innes: Le ministère des Anciens combattants, le MDN et le RARM.

M. Leon Benoit: Oui. Vous ne pensez pas que ces organismes collaborent actuellement?

M. Mike Innes: Non, pas du tout, pas une minute. Actuellement, c'est le ministère des Anciens combattants qui me donne du fil à retordre. Même si j'ai reçu 25 p. 100 de la rente, aucun agent n'est chargé de mon cas. Personne ne peut m'expliquer la procédure à suivre. Je sais qu'il me revient d'initier le processus, ou à un membre de ma famille si j'en suis incapable, mais j'ai bel et bien fait les démarches voulues et rempli les formulaires adéquats. Je me retrouve devant un mur.

J'ai obtenu une indemnité pour personne aidante. Un homme a mentionné ici qu'il avait découvert accidentellement qu'il avait droit à une telle indemnité, qui permet à sa femme de prendre soin de lui. Je l'ai découvert de la même façon.

J'ai téléphoné au ministère des Anciens combattants et j'ai parlé à la personne qui est supposée venir à la maison pour me poser des questions et entendre les faits exacts. Cette personne m'a dit que quelqu'un viendrait dans les deux semaines. Cela fait maintenant plus de un mois, et je n'ai pas encore entendu parler de personne.

M. Leon Benoit: Deviez-vous produire de nouveau de l'information que vous aviez déjà transmise au ministère des Anciens combattants, ou s'agissait-il de nouveaux renseignements?

M. Mike Innes: J'ai produit le matériel que j'ai sous les yeux en ce moment. Le ministère des Anciens combattants a commencé par rejeter mon dossier. Sans appel. Mais quand j'ai produit ces documents, j'ai reçu un appel deux semaines après, au cours duquel on m'a dit que le ministère était d'accord pour...

M. Leon Benoit: Qu'entendez-vous par «ces documents»?

M. Mike Innes: Les documents que j'ai remis au Comité qui traitent de la terre contaminée.

M. Leon Benoit: O.K.

M. Mike Innes: Je peux vous raconter une petite anecdote liée à ces documents, si vous le voulez bien.

Quand je suis revenu, j'étais malade et j'ai dû rester au lit pendant deux ans. Je restais couché, comme si un scorpion m'avait mordu, quasiment 24 heures par jour, avec des douleurs constantes. Je ne digérais pas ma nourriture, ne pouvait aller aux toilettes, ne pouvais me lever et monter des escaliers. J'endurais toutes sortes de difficultés, que je ne peux vous relater en détail par manque de temps.

Alors que j'étais à la maison, d'autres membres de l'unité ont été appelés pour signer des papiers comme celui-ci, parce que les médecins avaient envoyé ces documents à Ottawa. Ottawa n'a pas tardé à répondre-le MDN, j'imagine; le QGDN—, et à ordonner que les dossiers médicaux de tous les membres qui avaient servi dans cette région soient annotés. Quand ils ont commencé à annoter les documents, je me suis déplacé et j'ai demandé pourquoi on ne m'avait pas appelé ni informé, de sorte que mon dossier soit aussi annoté. On m'a dit à l'époque que cela ne me concernait pas, et de ne pas m'en faire.

Puis, soudainement, le BOR du PPCLI 1 a produit un autre document semblable à celui-ci, qui contenait trois paragraphes. Le premier stipulait que certains membres avaient été exposés à des déchets biochimiques dangereux, et un autre disait qu'ils avaient été exposés à des BPC et à de la bauxite, de même qu'à de la terre et à des sols contaminés. Le message se terminait par...

Le médecin m'a appelé pour que je signe ceci mais, avant que je ne puisse me rendre pour signer, Ottawa avait dépêché un autre message leur ordonnant d'arrêter d'annoter les dossiers médicaux et d'enlever toutes les annotations déjà faites, puis de déchiqueter les documents. Je suis resté là pour voir l'ordre exécuté sous mes yeux.

M. Leon Benoit: Comment savez-vous cela?

M. Mike Innes: J'étais là. J'ai tout vu. J'ai vu les infirmiers annoter les dossiers médicaux.

M. Leon Benoit: Mais comment savez-vous qu'Ottawa...? Vous avez dit qu'Ottawa avait téléphoné et avait ordonné de les enlever...

M. Mike Innes: Le médecin qui me traitait à cette époque me l'a dit.

• 2035

M. Leon Benoit: Et qui, selon lui, avait donné cet ordre?

M. Mike Innes: Il m'a dit qu'Ottawa avait adopté cette position parce que, en raison des documents produits, il y avait des risques de poursuites judiciaires, et que des personnes risquaient de mal utiliser ou d'abuser de l'information. Le document stipulait bel et bien que l'annotation servirait de référence dans l'éventualité où un individu contracterait une maladie.

Eh bien, je n'ai pas «éventuellement» contracté une maladie. J'ai été malade à partir du moment où je suis revenu à la maison.

M. Leon Benoit: Avez-vous des motifs raisonnables de penser qu'une personne qui connaissait cette information a cherché à la faire disparaître ou à la cacher? Trouvez-vous normal d'avoir dû invoquer la Loi de l'accès à l'information pour accéder à vos dossiers? Avez-vous été surpris que le ministère des Anciens combattants ne perde pas votre dossier?

M. Mike Innes: Je ne sais pas. Je n'ai pas encore reçu mon dossier. J'ai fait une demande auprès des autorités responsables de la Loi de l'accès à l'information, mais je n'ai pas encore reçu mon dossier. Je fais toujours face au même problème, partout où je m'adresse, que ce soit au ministère des Anciens combattants, au RARM ou au régime d'assurance-invalidité: ils veulent tous l'information que je peux obtenir en invoquant la Loi me donne accès. Il faut donc que je fasse une demande, ce que j'ai fait.

M. Leon Benoit: Selon vous, l'armée prend-elle soin de son personnel quand elle vous demande d'obtenir votre propre dossier médical en faisant valoir vos droits auprès de la commission d'accès à l'information, avant que vous puissiez...

M. Mike Innes: Non, je ne crois pas qu'on prend soin de nous. Je dis cela parce que j'ai exprimé mes inquiétudes à mon commandant, au médecin qui me soignait, ainsi qu'au chirurgien de la base auquel j'avais affaire. Je leur ai parlé de ma difficulté à accepter que, à 34 ans, après 15 années de service, je devais retourner à la vie civile, avec une femme et deux enfants de 9 et 10 ans. Étant donné que la base de Calgary fermait-c'est là que j'étais affecté à ce moment—, la priorité était le déménagement vers Edmonton. Alors, ils devaient se dépêcher à faire sortir quiconque était retiré pour motif médical ou qui était malade, parce qu'ils ne voulaient pas nous laisser à Calgary.

On m'a donc dit que je n'avais pas le choix: ou bien je sortais immédiatement, ou le commandant de la base allait me forcer à partir de mon LF et me renverrait à la vie civile. On m'a dit qu'il en avait le droit. C'était son mandat.

Était-ce vrai ou non, je ne le sais pas. J'ai fait ce qu'on m'a dit. J'étais malade à l'époque et tout ce que je voulais, c'était m'assurer que ma famille survivrait si je ne pouvais travailler.

Tout ce que je veux est de retrouver la qualité de vie que j'avais. C'est tout ce que j'ai dit à mes commandants et aux médecins. Je leur ai tout simplement dit que personne ne s'occupait de mon dossier médical.

M. Leon Benoit: Vous ne recevez aucun traitement actuellement?

M. Mike Innes: Non. Je n'ai reçu aucun traitement. Ça fait quatre ans et je n'ai encore...

M. Leon Benoit: Avez-vous fait des demandes?

M. Mike Innes: Oh oui.

M. Leon Benoit: Et quel genre de réponse recevez-vous?

M. Mike Innes: On me dit d'aller voir un médecin de famille. C'est ce que j'ai fait. Savez-vous ce qu'il m'a dit? Il voulait obtenir mon dossier médical de l'armée. Il m'a dit qu'il ne pouvait rien pour moi si je ne lui donnais pas cette information. J'avais les mains liées. J'imagine que, en tant que médecin de famille, les siennes aussi étaient liées.

M. Leon Benoit: Avez-vous entendu parler d'autres personnes qui sont dans la même situation, qui essaient d'obtenir des soins médicaux en raison d'une grave maladie, mais qui n'ont pas accès à leur propre dossier?

M. Mike Innes: Oui. Je connais un homme en Ontario qui est dans cette situation. Il a demandé un traitement, mais on le lui a déconseillé. L'armée persiste à lui dire qu'il devrait se prendre en main et revenir au travail, par ses propres moyens. Il a recommencé à courir huit à dix kilomètres par jour.

C'était très courant dans mon unité. Chaque matin, on parcourait au moins huit kilomètres, à la marche ou à la course, avec un sac à dos, l'attirail de combat, ou une arme. Après, on faisait notre journée de 8 heures et tout ce que l'armée nous demandait ensuite, parce que vous êtes soldat 24 heures par jour, 7 jours par semaine.

• 2040

Cet homme a eu une rechute. Il est maintenant aveugle d'un «il et est alité. Durant son hospitalisation, un autre médecin lui a dit que, s'il passait au travers, le mieux qu'il pouvait escompter était de se retrouver dans un fauteuil roulant.

J'ai fait part des mêmes inquiétudes aux autorités de l'armée, par le biais de la communauté médicale, à savoir que, quand j'ai essayé de retourner au travail, mon état s'est empiré, et je me suis de nouveau retrouvé alité. Je ne pouvais plus me nourrir, m'habiller, etc.

Je leur ai dit que, si je devais retourner à la vie civile en raison de mon état de santé, qu'il en soit ainsi. Je suis assez mur pour accepter cela. Tout ce que je voulais, comme je l'ai déjà dit, c'est que tout soit prêt avant que je ne prenne ma retraite.

Du médecin au personnel administratif, en passant par le personnel de gestion, tous m'ont montré l'ITFC, les ORFC, ou je ne sais quoi, en me disant que «j'y avais droit». Mais quand le moment est venu de recevoir ce à quoi j'avais droit, tous m'ont dit: «Non.»

M. Leon Benoit: Monsieur Innes, merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Innes.

Des voix: Bravo, bravo!

Le président: Monsieur Al Lannon, s'il vous plaît.

M. Al Lannon (témoigne à titre personnel): Merci de me donner l'occasion de témoigner devant le Comité de la côte est.

Mon fils, le caporal Glenn Lannon, qui a reçu une médaille lors d'une mission de maintien de la paix dans la région du Golan, m'attend dans la voiture ce soir. Il ne peut venir ici pour deux raisons.

Il est classé dans deux catégories «blessure lombaire de nature mécanique» et, en raison de cette blessure, «dépression nerveuse».

J'aurais aimé qu'il vienne lui-même ce soir, mais il ne peut pas. J'ai sorti toutes les demi-heures—vous avez peut-être remarqué—pour voir si tout allait bien. Je veux remercier l'homme qui m'a gentiment amené ici.

Je ne veux pas prendre la place de quiconque, civil ou militaire; j'ai reçu la permission de parler au nom de mon fils. J'espère qu'un jour quelqu'un pourra lui parler directement, parce que son histoire est incroyable.

Il avait 24 ans, sa femme en avait 23; mon petit-fils avait 3 ans et l'autre quelques mois. À Shilo, au Manitoba, il soulevait un patient de plus de 300 livres qui venait de subir une crise cardiaque quand il s'est blessé au dos. Quand il s'est adressé aux autorités militaires...

Vous n'en croirez pas vos oreilles. Je ferai de mon mieux, comme je l'ai dit, parce que j'ai fait toutes les démarches possibles, parlé à tous ceux que j'ai pu; je suis épuisé. J'espère juste que quelqu'un ici, un député ou un représentant de l'armée, entendra ce que j'ai à dire.

J'impute la responsabilité aux Forces armées canadiennes, qui n'a pas suivi le dossier de mon fils depuis sa blessure, en 1995. Aucun système ne permet de le faire, et le manque de soin et de compassion envers les membres laissent à réfléchir.

Votre image est entachée. Il faut cesser de mettre en pièces le coeur et l'âme de votre personnel—maintenant, pas demain. Vous êtes les êtres les plus froids que j'aie jamais rencontrés. J'ai été fonctionnaire pendant 30 ans, et je n'ai jamais rien vu de tel.

Je ne parle pas des soldats ou des caporaux. Je parle de ceux qui sont au-dessus, jusqu'au sommet.

La sensibilité et l'empathie sont en déficit grave, et maintenant que je connais les dessous, je sens que le principal but de l'armée est de préparer la guerre. C'est une machine à tuer. Les soldats qui ne peuvent pas contribuer à ce but n'ont qu'à prendre la porte. On ferme la porte sur eux, et on les oublie. Ils restent seuls.

Rien n'a changé depuis la Première Guerre mondiale, la Seconde Guerre mondiale ni la guerre du golfe. On traite les soldats et leurs familles d'une façon inhumaine, inacceptable.

• 2045

Je ne cherche pas une confrontation avec qui que ce soit, mais je demande que quelqu'un puisse expliquer la situation dans laquelle notre fils se trouve. Nous avons visité l'enfer. Nous avons vu son monde, celui de sa femme et de ses deux jeunes enfants complètement bouleversés. Nous avons vu les nouvelles et nous avons lu les journaux, et nous avons découvert que notre fils n'était pas seul dans sa situation.

J'ai averti le conseiller du personnel à Ottawa, les lieutenants, les colonels et les majors que je n'abandonnerais pas. Je leur ai demandé que justice soit faite, que mon fils obtienne la compensation à laquelle il a droit, afin de fermer le dossier sur une note positive.

Au nom de mon fils, des Mackinnon, des Wheeler, des Hurley, de tous ceux qui ont témoigné ce soir, mon mandat est le suivant: je vais demander l'avis d'un avocat; je vais faire du lobby pour que cessent les atrocités, et obtenir le nom de tous les soldats blessés et décédés, en service ou non. Je vais aussi faire appel au public, aller en cour, entreprendre une poursuite conjointe, et m'assurer que justice soit faite pour tous ceux qui souffrent de cette situation.

Je suis ici au nom de mon fils, le caporal Glenn Lannon, blessé alors qu'il était en devoir, plus précisément en tentant de soulever un patient ayant subi un arrêt cardiaque au Brandon Hospital de Winnipeg, au Manitoba, le 15 février 1995. Voilà trois ans et trois mois que le droit à la libération volontaire a été invoqué, en raison de douleurs et de stress; un congé médical a été signé, pour motif de douleur lombaire de nature mécanique. Durant un an après l'incident, notre fils a continué d'exercer ses tâches courantes, soulevant, poussant des appareils—trois périodes de 24 heures. Je ne comprends pas.

Finalement, il a été placé en service réduit pendant une autre année, puis dans une cafétéria, où il vendait du chocolat et des boissons gazeuses—assez démoralisant merci.

Notre fils a été dénigré. Un adjudant a insinué qu'il jouait la comédie. Un civil l'a ennuyé alors qu'il avait un certificat d'handicapé—la police militaire a un dossier à cet effet—; mon fils a été dévasté. Il est retourné à la maison et a craqué. Ma femme a dû le convaincre de retourner pour parler à la personne responsable.

Je vous rappelle que mon fils et ma bru ont été partis pendant sept années et demie, en service militaire. Ils vivaient à l'extérieur de la base de Shiloh. Il n'était pas le garçon le plus sociable en ville, mais il adorait l'armée. C'était sa vie. Son mode de vie. Maintenant, son monde s'est désintégré et il ne peut expliquer pourquoi. J'ai essayé de l'écouter. De le comprendre. C'est ce que je fais ici ce soir. C'est pourquoi je fais ces affirmations.

Deux fois, on lui a refusé un congé ou un arrêt. Le sergent de la base lui a dit de continuer à travailler comme avant. On ne lui pas accordé la permission de consulter un deuxième médecin pour obtenir un autre diagnostic sur sa blessure au dos; il devra payer s'il consulte un autre médecin.

Notre fils est arrivé à la maison en mars 1997. Nous étions tous désemparés. Il n'était plus le garçon qui nous avait quitté pour joindre l'armée voilà quelques années. Sa femme, Deborah, a éclaté en larmes et nous a dit que ce n'était plus l'homme qu'elle avait marié.

Nous avons fait la plupart des démarches par nous-mêmes. J'ai commencé par appeler les autorités militaires à Ottawa, le conseiller en personnel; j'ai demandé que quelqu'un vienne nous écouter. Voilà trois ans et trois mois que mon fils s'est blessé et que nous avons commencé à placer des appels à Ottawa. La première demande n'était pas la bonne; on avait demandé des explications quant à la libération de notre fils. Nous voulions savoir pourquoi il n'avait pas été libéré immédiatement ou plus tôt; pourquoi il avait été maltraité; pourquoi on lui refusait le droit d'obtenir un deuxième diagnostic et pourquoi il devait payer lui-même; pourquoi on lui avait imposé ces tâches, surtout celles qui exigeaient une réaction rapide.

• 2050

Si j'ai le temps, j'aimerais lire quelques notes écrites par mon fils:

    Au cas où je ne pourrais me présenter [ici ce soir], j'ai commencé à dresser un bref sommaire des événements et quelques conséquences de mon incapacité permanente [...] s'est passé alors que j'étais en service militaire.

    Quand je me suis arrêté pour relire ce que j'avais écrit, je me suis rendu compte que j'étais encore à la case départ, en train d'écrire et d'expliquer ce qui m'était arrivé, et les conséquences pour ma famille. Je suis ici aujourd'hui pour faire état aux autorités, une fois de plus, de ce que nous avons enduré, moi et ma famille, durant mon service et après ma libération des Forces armées canadiennes.

    J'espère aussi que mon témoignage

—il pensait qu'il serait ici ce soir—

    encouragera d'autres membres à raconter leur histoire! Ce que moi et ma famille avons enduré pourra être évité j'espère à d'autres militaires et à leur famille. Nous avons perdu assez de temps. Il faut s'attaquer à cette situation.

    Je sais qu'il faudra du temps pour mettre en place un système qui pourra répondre aux besoins des personnes blessées dans l'armée, ainsi qu'aux membres de leur famille.

    Je crois donc que les Forces armées canadiennes sont coupables de «ne rien faire»; elles doivent être tenues responsables de leur «manque à agir». C'est pourquoi nous remettrons la cause entre les mains d'un avocat, le 21 mai prochain.

    Merci, Glenn Lannon.

Si un membre du comité peut m'aider... Comme je vous l'ai dit, j'ai dit à la conseillère en personnel à Ottawa—je tairai son nom—, quand je l'ai appelée du Cap-Breton: «Madame, si quoi que ce soit arrive à mon fils, je vous apporterai moi-même ses cendres ou sa dépouille, à vos bureaux d'Ottawa. Je vous apporterai sa médaille, ainsi que sa photo.» Après des mois et des mois, elle m'a dit qu'elle n'avait pas réalisé que la situation était aussi grave.

Elle m'a tout d'abord dit: «Monsieur Lannon, je ne peux pas discuter du dossier avec vous pour des raisons de confidentialité.» Je lui ai répondu: «Au diable la confidentialité. J'ai été fonctionnaire pendant 30 ans, madame, et je sais ce que confidentialité veut dire. Quand le bien-être d'une personne est en jeu, on se fout de la confidentialité.» J'ai consulté les lois, je me suis battu contre le gouvernement. J'ai été syndicaliste pendant 30 ans. Je connais les institutions de cette province, et je n'en suis pas fier.

L'armée a eu l'audace de me faire cette réponse: «Sa demande est devant le ministre, M. Eggleton.» Auparavant, elle devait être acheminée à l'ancien ministre, Doug Young, mais, en raison des changements politiques, elle était restée sans réponse.

Quand je suis allé voir la députée fédérale de Truro, elle m'a demandé: «Votre fils est un homme. Pourquoi n'a-t-il rien dit? Je dois rencontrer les personnes qui demandent de l'aide.» N'importe quoi!

Le député qui représente notre comté à Ottawa s'appelle Bill Casey. Il a téléphoné je ne sais combien de fois pour savoir ce qui n'allait pas. Le major Muzitis m'a dit—on se parle depuis des mois—qu'il suffisait de mettre les points sur les i et les barres sur les t. Excusez-moi, mais combien de temps faut-il pour mettre un point sur un i et une barre sur un t? Peut-être est-ce de ma faute. Je ne sais pas. Mais je ne veux pas que ça se répète.

Quelqu'un m'a dit: «Peut-être, Al, que tu n'aurais pas dû demander à l'armée de faire une enquête interne.» Je répondrai à cela plus tard, comme je lui ai dit, quand j'aurai l'avis d'un avocat. Mais il est temps que l'on dise aux autorités que leurs agissements sont atroces, et à quel point c'est triste. C'est tout ce que je peux dire pour l'instant. J'espère que nous aurons une réponse un jour, ou que vous demanderez une réponse au ministre. Pour l'instant, nous attendons. Et attendons. Et attendons.

Le ministère des Anciens combattants lui verse une pension: 126 $ pour une famille de 4. Quand il est arrivé à la maison avec ça, nous avons tous éclaté en sanglots. Je lui ai dit que je ne voulais pas qu'il l'encaisse. C'était le seul argent qu'il avait. Il a retiré ses REER, comme bien des gens ici ce soir. Il risque de perdre sa maison. Je ne sais pas. Lui et sa femme ont signé une entente à Shilo, au Manitoba. Ils ne comprenaient pas le système. Ils se sont fait avoir. Ils ont consulté un travailleur social, qui leur a dit: «Sortez. Rencontrez des gens.» Décidément, quelque chose ne va pas.

J'ai demandé aux majors et aux lieutenants... Quand j'ai eu affaire à un major ici dans la province—je ne mentionnerai pas son nom—, il a été gentil, mais il a terminé en disant qu'il était du côté de l'armée. Je lui ai répondu: «Pardonnez-moi, major. Je ne parle pas de camps. Je parle du bien-être de mon fils et de sa vie. C'est de cela dont je parle, et c'est pour cela que je me bats.»

J'ai consulté un avocat militaire, le plus élevé dans la hiérarchie en Nouvelle-Écosse. Il m'a dit: «Al, vous êtes mieux d'être prêt au combat parce que, quand l'armée ferme la porte, il est impossible de l'ouvrir.» Je vais envoyer un message au ministre. Je vais aller jusqu'à Ottawa s'il le faut, et je vais ouvrir cette porte. Je vais faire savoir au public ce qui arrive, et pas seulement à mon fils.

• 2055

Quant à la deuxième question que j'ai posée, personne ne s'aventure sur ce terrain: «Où sont les hôpitaux pour les gens qui ont perdu l'esprit? Où sont-ils? Les a-t-on oubliés? Qui les représente? Qui parle en leur nom?» Je ne sais pas. C'est effrayant.

Je lis les rapports du chef d'état-major de la Défense, où Maurice Baril écrit qu'il est là pour les soldats et leur famille. Bon dieu! je demande seulement que quelqu'un s'occupe de notre demande!

Je ne sais pas si c'est parce que vous êtes venus sur la côte Est mais, jusqu'à ce soir, personne n'est venu frapper à notre porte pour nous parler.

Si mon fils a fait des erreurs, je le reconnaîtrai. Mais je sais une chose: il n'est pas le seul responsable. C'est impossible.

C'est tout ce que j'avais à dire. Je suis désolé d'avoir haussé le ton et d'être émotif. Je m'excuse, mais j'espère que mon témoignage suffira à... Après avoir entendu les témoignages de ce soir, je me sens mieux. Je ne peux laisser mon fils seul encore longtemps dans l'auto, parce qu'il en est ainsi depuis que nous avons entrepris notre combat contre l'armée. Nous y allons, il essaie de répondre aux questions, puis il doit sortir parce qu'il craque sous la pression. Nous allons voir un spécialiste.

C'est une autre chose. Le temps fuit. Il se rend aux rendez-vous et, en faisant de son mieux malgré ses pertes de mémoire, il essaie de répondre aux questions. Qui peut l'aider? Je ne vois aucun conseiller. Personne. C'est triste.

C'est tout.

Le président: Je crois que madame Lill veut vous poser une question.

Mme Wendy Lill: Je n'étais pas prête à entendre ce que j'entends ce soir, et je me sens...

J'ai une question en effet. Je veux savoir où vit votre garçon. J'aimerais savoir qui l'aide et quel genre de...

M. Al Lannon: Mon garçon était posté à Shiloh, au Manitoba.

Mme Wendy Lill: Et où vit-il maintenant?

M. Al Lannon: Il est revenu à Truro. Il a acheté une maison. L'armée l'a libéré. On lui a donné la prime de base de libération. Il a acheté une maison dans les environs de Truro, près de Stewiacke. Il vit là-bas avec sa femme et ses deux enfants. Sa femme ne peut pas travailler à cause de l'état de santé de son mari. Il ne peut s'occuper des deux enfants. Il est limité. Il peut marcher, mais il a besoin d'une canne, d'une orthèse, etc. Il a un certificat d'handicapé.

Nous l'avons amené voir le Dr Dhawan, un spécialiste. Celui-ci a demandé pourquoi il ne pouvait retourner travailler dans les transports? Comment peut-il travailler dans le transport avec sa blessure au dos et son état nerveux? Il a des pertes de mémoire— et il n'a pu se présenter ici ce soir.

Nous avons entrepris une bataille contre le Régime des pensions du Canada, qui refuse de lui verser une pension parce qu'il n'est pas totalement handicapé. J'imagine qu'ils veulent que je le transporte sur mon dos et que je couche son corps sur leur bureau. Le RARM lui refuse aussi une pension pour la même raison. Mais on nous a dit que, si on peut prouver que sa dépression nerveuse découle de sa blessure, on reverrait le dossier.

Je ne comprends pas. Il a payé des cotisations. Je ne demande rien qu'il n'a pas mérité ou auquel il n'a pas droit. Mais, si je me fie à toutes les histoires que j'ai entendues ce soir, une chose est sûre: les gens ne reçoivent pas leur juste part. J'aurais aimé parler le premier ce soir, mais je suis content d'avoir attendu, d'avoir écouté mon intuition. Ma mère m'a toujours dit de me fier à mon sixième sens et à mon instinct.

Vous pouvez vérifier son dossier militaire. Un sous-officier du nom de sergent Brown y a écrit que l'armée aurait dû agir avant et plus rapidement, et qu'il n'était pas en accord avec la démarche. Mon fils était considéré comme étant un soldat exemplaire, correct, avec une carrière prometteuse.

Mme Wendy Lill: J'aimerais vous poser une question sur un sujet précis. Des gens sont venus témoigner devant nous. Notre Comité a entendu beaucoup de témoins. Je me demande quelle est notre responsabilité en tant qu'individus envers les personnes qui font des demandes. Je reformule ma question: devons-nous agir d'une manière précise en ce qui a trait aux investigations et à l'examen des plaintes précises des témoins? Je me situe en tant que membre du Comité. Je suis membre suppléant parce que nous sommes dans ma circonscription. Je pose la question en votre nom aussi.

M. Al Lannon: Mon fils, madame, se prépare à vendre sa maison. Je viens de retirer un REER, et nous allons consulter un avocat de Halifax dans deux semaines. Il s'agit d'un avocat éminent qui connaît... Il a je ne sais combien de noms.

• 2100

Je l'ai déjà mentionné, c'est triste. Je ne veux pas lancer la pierre à l'armée. Je sais que tous les membres de l'armée ne sont pas en faute. Mais il est évident que la situation est pourrie quand les gens doivent endurer ce que nous avons enduré.

Je viens tout juste de prendre ma retraite en tant que fonctionnaire. Je ne me plains pas, mais je dois dire que ma femme et moi avons dû prendre notre fils en charge, ainsi que nos deux petits-enfants.

Si vous pensez que les enfants n'entendent pas, détrompez-vous. Mon petit-fils de six ans m'a dit l'autre jour, alors que nous étions dans l'auto: «Papi, vas-tu raconter l'histoire au sujet du dos de papa?» Je lui ai demandé s'il le voulait. Il m'a répondu: «Quelqu'un doit la raconter, papi.» Oui, c'est un sujet très douloureux, mais tu as tout à fait raison. Je dois la raconter; je ne me cacherai pas.

J'espère que des membres de ce Comité, ou un représentant de la Défense nationale, va aller plaider notre cause, bon Dieu! Je ne tiens pas à dilapider le peu d'argent que j'ai mais, si je dois le faire pour défendre mon fils, je le ferai. Je vous assure, si quelque chose devait arriver à mon fils, vous allez avoir la plus grosse poursuite jamais vue en Nouvelle-Écosse sur les bras, et je ne blague pas.

Même si je dois marcher jusqu'à Ottawa, je vais marcher. Vous pouvez le dire au ministre et à M. Baril, parce que je ne peux pas personnellement aller plus loin qu'un major ou un lieutenant. J'en ai plus que marre de parler à des machines, d'attendre à l'autre bout du fil et d'être oublié. Je sais et je m'incline devant le fait que les personnes de ce niveau... comme le major Muzitis l'a dit, il peut faire seulement ce qui lui est permis à son niveau. Je lui ai dit que je comprenais.

Je dois ramener mon fils à la maison. Aimeriez-vous que je vous laisse un exemplaire de mon témoignage?

Le président: Oui, s'il vous plaît.

Caporale Trina Romard.

La caporale Trina Romard (témoigne à titre personnel): Bonsoir, monsieur le président et honorables membres du comité. Je suis la caporale Trina Romard et je voudrais parler d'une expérience personnelle qui touche mon mari, un officier GE Comm en formation, mon fils de deux ans ainsi que moi-même.

En 1997, nous avons été avisés que le corps de métier steward 862 deviendrait un corps de métier propre à la marine. Nous savions que ce changement nous permettrait très difficilement d'être affectés au même endroit. Je pensai tout d'abord à demander un reclassement. En raison d'une mauvaise note à un test de maths, que je n'avais pas fait depuis neuf ans, j'ai été refusée. Je devais revoir mes mathématiques. J'en ai déduit que ma carrière et mes réalisations depuis neuf ans avaient très peu de poids.

Mon second choix était de demander une libération. Je pourrais ainsi être postée à Kingston, avec mon fils et mon mari, où il suivait sa formation d'officier. Cette pratique était de mise au cours des dernières années, parce que la formation dure entre treize et seize mois. J'ai déposé ma demande de libération en janvier cette année; elle sera en vigueur le 11 mai.

En avril, mon mari a reçu son avis d'affectation: les déplacements des PM&E étaient interdits en vue d'économiser l'argent de l'État pour ce qui est des affectations avec restrictions. Mon mari sera à Kingston du 25 mai 1998 jusqu'en octobre 1999. À ce moment, nous serons déplacés vers Kingston ou vers une autre base des forces armées.

L'une des raisons qui justifient le refus du déménagement est qu'il n'est pas garanti que la formation sur les lieux de travail, qui se déroulera entre janvier et octobre, aura lieu à Kingston. Elle pourrait se donner à Petawawa. Mais Kingston est tout de même plus près de Petawawa que Halifax.

Après avoir fait des démarches, mon mari s'est fait dire qu'il n'y avait rien à faire. On lui a intimé l'ordre de ne pas déménager lui-même sa famille. Le message étant arrivé un mois seulement avant son départ, et du fait qu'on ne savait pas que je n'aurais pas le droit de partir avec lui comme prévu, nous disposions de un mois pour nous préparer mentalement et financièrement à la séparation.

Je ne peux compter sur personne pour s'occuper de mon fils si je suis appelée à m'embarquer—je fais partie de l'équipage du NCMS Preserver. Un autre officier serait dans la même situation que mon mari; il laisse sa famille à Terre-Neuve. Il aura plus de difficulté à obtenir des vacances que mon mari, que nous verrons pour des périodes de deux semaines en août-septembre, à Noël et à un autre moment en 1999.

Cette situation m'a laissé un goût amer et triste, car je croyais que les Forces prenaient plus grand soin des familles de militaires, comme on nous l'a toujours laissé entendre.

Merci de m'avoir consacré du temps.

• 2105

Le président: Merci beaucoup de votre témoignage.

Monsieur Howard West.

M. Howard West (témoigne à titre personnel): Bonsoir, bonnes gens. Je témoigne ce soir au nom de 2 000 civils qui travaillent pour le MDN en Nouvelle-Écosse.

Depuis 1993, le nombre de civils employés par le MDN est passé de 25 000 environ à 14 000, en raison de fermetures de bases et autres mesures de rationalisation.

Au tournant du siècle, alors qu'il a de plus en plus recours aux modes différents de prestation des services, sous la pression du gouvernement, le MDN emploiera moins de 7 000 personnes. C'est une perte sèche de quelque 2 000 emplois en Nouvelle-Écosse.

Ce génocide a été justifié de bien des façons; je parlerai des raisons invoquées plus en détail dans un moment, qui sont toutes fausses et superficielles. Ce ne sont pas vraiment des raisons pour éliminer un segment entier de la fonction publique. Ce sont de simples excuses.

Les employés civils se sentent trahis par leurs leaders autant que par les militaires. Les employés civils du MDN ont de tout temps été traités comme des agneaux du sacrifice. Chaque fois qu'il faut diminuer les coûts, ce sont les civils qui écopent.

Personne ne se préoccupe de savoir qui est responsable des difficultés financières du MDN, ou si on fait bien notre travail. L'unique message que nous recevons du gouvernement et des hauts gradés du MDN est que nous coûtons trop cher, que nous faisons mal notre travail, et que nos effectifs sont compressibles, selon la bonne volonté des supérieurs. En dépit d'années de loyaux services par des employés de plus en plus âgés, on nous traite comme si n'importe qui pouvait faire notre travail, et comme si nous ne méritions certainement pas notre salaire moyen de 15 $ l'heure, que la plupart d'entre nous reçoivent après 10 ou 20 années de service.

Le gouvernement et le MDN ont été très clairs: ils ne veulent pas nous employer. Après des années de lutte contre la perte de tel et tel poste, la plupart des employés du MDN préféreraient ne pas travailler pour un employeur qui adopte une attitude si insouciante par rapport à eux. Mais après une décennie ou deux de service, dans une province ou le taux de chômage est très élevé, nous avons peu de choix.

Malgré ce qu'a énoncé M. Eggleton à la Chambre des communes, son offre généreuse de 30 000 $ en moyenne, imposée à 48 p. 100—, sans compter notre droit bien mérité à une pension, que nous avons payée à raison de 8 p. 100 de notre salaire par année—, ne nous permettra pas d'aller bien loin dans le contexte économique actuel.

Comment se fait-il que le MDN a des difficultés financières? C'est parce que le gouvernement du Canada a estimé qu'il était très facile de réduire ses subventions pendant des années, jusqu'à des niveaux insupportables. Le gouvernement du Canada en a décidé ainsi parce que la grande majorité du soutien provient du centre du Canada, quel que soit le parti au pouvoir. La présence du MDN n'est ni très évidente ni très importante aux yeux des électeurs du centre, à quelques rares exceptions près. Ce n'est pas l'un des services publics qui déterminent le résultat des élections dans cette partie du pays. C'est pourquoi le MDN est une cible si facile.

Maintenant, afin d'acheter l'équipement dont il a réellement besoin, le MDN doit trouver des fonds ailleurs. Le ministère subit le chantage du gouvernement. Dans le budget de 1995, ce dernier énonçait que l'un des moyens dont le ministère disposait pour générer des fonds était l'impartition.

Bien que des entreprises très importantes et très florissantes rejettent cette pratique parce qu'elle est contre-productive, c'est encore une mode très prisée dans les hautes sphères du MDN.

Le colonel Morton a résumé de façon très élégante les raisons favorisant l'impartition dans un document diffusé le 25 février dernier. Dans son introduction, il écrit que:

    «Les entrepreneurs prétendent que leur compétence en gestion, les économies d'échelle qu'ils peuvent réaliser, et l'absence de règlements et de bureaucratie leur permettent de livrer les mêmes services à moindres coûts. De plus, le recours à des travailleurs à temps partiel, à des sous-entrepreneurs, et l'octroi de salaires et d'avantages beaucoup plus compétitifs dans le marché réduisent les coûts de main-d'oeuvre.»

Deux éléments ressortent de ses propos. Premièrement, il estime que le MDN devrait octroyer des contrats à l'externe parce que les gestionnaires militaires font mal leur travail. Si j'étais un gestionnaire du MDN, je ne serais pas très fier.

• 2110

Deuxièmement, il affirme que, si vous accordez un contrat à un entrepreneur qui verse des salaires peu élevés à ses employés, et leur offre des postes à temps partiel assortis d'avantages à toutes fins utiles inexistants, vous pouvez économiser.

Ces deux observations sont vraies, je suppose, mais plusieurs gestionnaires intermédiaires, ceux des bases, sont très compétents et ont grandement contribué à la création de méthodes de travail moins coûteuses et axées sur la qualité. Les gestionnaires des niveaux supérieurs du MDN ont été très peu actifs dans ce processus. Plutôt, ils semblent vouloir rassurer les dirigeants politiques, afin d'assurer le succès de leur carrière individuelle et de protéger leur clique de toute enquête publique.

W. Edwards Deming a été l'un des plus importants promoteurs de la gestion de la qualité. C'est lui qui est à l'origine de la croissance dans l'industrie après la Seconde Guerre mondiale au Japon. Il croyait et a mis en oeuvre l'hypothèse selon laquelle 85 p. 100 des problèmes d'une entreprise sont dus à la mauvaise gestion. Cela semble le cas au MDN.

Deuxièmement, je suppose qu'il est vrai qu'un salaire horaire moyen de 15 $ coûte plus cher au MDN et au gouvernement qu'un salaire horaire de 6,50 $. Les avantages aussi coûtent des sous. Toutefois, on attend dorénavant des employés qui gagnent ce salaire moyen d'être de plus en plus polyvalents, de connaître plusieurs logiciels, et de posséder des habiletés écrites et orales encore plus perfectionnées.

Aucun employeur, entrepreneur ou autre, ne pourra embaucher au salaire minimum du personnel qui possède ce type de compétences et qui fait montre du niveau du niveau d'engagement démontré par les fonctionnaires du MDN en période de pointe. Vous en avez toujours pour votre argent et, dans ce cas précis, le soldat ou l'officier ordinaire, qui aura besoin de soutien, en obtient très peu.

Les entreprises dynamiques, comme Federal Express, octroient à leurs employés des salaires et des avantages de beaucoup supérieurs à ceux octroyés par le MDN. De plus, les avantages qui ne seront pas payés par le MDN seront imputés aux contribuables, car encore plus de gens seront à la merci des services de santé publics, de soins dentaires, et recevront des pensions et des rentes d'invalidité. Des familles éclateront, des maisons seront perdues, et nombreux seront ceux qui ne pourront plus contribuer pleinement à l'économie ou au domaine social en général.

Comme l'a fait remarquer dans le journal de la semaine dernière Michael MacDonald, président du Greater Halifax Economic Development Partnership, toute l'économie de la région en serait ébranlée.

L'expérience de l'impartition à Goose Bay démontre à quel point on manque de vision à long terme. Les employés du MDN à Goose Bay ont perdu leurs postes de fonctionnaires en grande partie parce que le ministère voulait payer des salaires et des avantages moins élevés.

Alors pourquoi ne conserve-t-on pas les travailleurs qui, somme toute, du moins ceux qui répondent aux cadres intermédiaires, font de l'excellent travail et s'adaptent bien aux nouvelles exigences du milieu de travail moderne? On pourrait par ailleurs mettre à pied certains de ces gestionnaires qui sont probablement à l'origine de 85 p. 100 des problèmes, si on se fie aux principes courant des affaires, non? L'impartition est peut-être une étrange façon d'y arriver, mais pourquoi punir le travailleur ordinaire pour les péchés commis par des gestionnaires, en les menaçant de réduire leurs salaires ou de les mettre à pied?

Le même colonel qui résume si éloquemment les avantages de l'impartition le fait dans une introduction à un document intitulé Embedding Military Manpower in ASD Contracts (Assujettir la main-d'oeuvre militaire aux contrats DMPS). Le document vise à élaborer des moyens pour sauvegarder des emplois militaires, tout en recourant à l'impartition pour les autres, c'est-à-dire les travailleurs de soutien civils, en plus d'un très grand nombre de travailleurs de soutien militaires.

La conclusion de ce document est que les organismes militaires peuvent facilement être enchâssés dans un organisme entrepreneurial. Cependant, l'auteur du rapport est réticent à faire des prédictions quant aux coûts économisés par de telles pratiques. Une fois de plus, on cherche à faire des économies en réduisant les emplois.

Le gouvernement s'est vanté d'avoir donné des augmentations de salaire aux militaires, en disant que celles-ci les mettaient au même niveau que leurs homologues civils. Dans certains cas, c'est probablement vrai, surtout au niveau ministériel et si on fait la comparaison avec des employés qui ne sont pas au public. Toutefois, pour la majorité des femmes et des hommes qui occupent des postes de soutien à l'armée, qui font donc un travail que l'on projette de donner à contrat à l'extérieur, ce n'est certainement pas le cas. Dans la plupart des postes de soutien, les civils qui font le même travail que des militaires font moins d'argent chaque année. Par exemple, un travailleur civil suppléant gagne entre 24 000 $ et 27 000 $ par année, alors que le caporal gagne entre 36 000 et 40 000 $.

L'effectif civil du MDN constitue déjà la partie la moins coûteuse de la main-d'oeuvre. Les militaires méritent largement leur salaire, surtout quand ils vont sur le terrain. Cela ne fait aucun doute. Toutefois, l'effectif civil aimerait que le gouvernement cesse de tromper délibérément le public dans les annonces concernant le niveau des salaires des fonctionnaires du ministère de la Défense. C'est un mensonge, dont le seul effet est de démobiliser les travailleurs et d'augmenter leur cynisme envers leurs employeurs.

• 2115

Les gestionnaires du MDN et les travailleurs dans la plupart des établissements du pays ont consacré beaucoup de temps au cours des dernières années à la réorganisation des opérations. Celle-ci visait la prestation de services à moindres coûts et de meilleure qualité à tous les clients. En vertu des pratiques de saine gestion, il faudrait allouer le temps de mise en oeuvre suffisant pour que les efforts et les coûts consacrés atteignent l'efficacité escomptée, et qu'on puisse mesurer les résultats.

La compagnie Ford aurait-elle construit sa nouvelle usine Saturn, en mettant de l'avant une nouvelle orientation de transitique, en vue de payer GM pour qu'elle exploite l'usine à sa place? Actuellement, les gestionnaires du MDN mettent en oeuvre la proposition et planifient l'impartition d'innombrables contrats à Halifax et dans tout le pays selon cet absurde scénario. La réorganisation à l'interne a été réalisée en grande partie grâce au partenariat entre la direction et les travailleurs. Ceux-ci ont une bonne connaissance, bien qu'imparfaite, du milieu, alors que de nombreux entrepreneurs ne le connaissent pas.

Ainsi, la section du génie construction de la base de Halifax a commandé une étude à un consultant. Elle visait à déterminer si l'impartition permettrait d'économiser des coûts. Le consultant a produit son rapport à prix d'or. Durant 42 pages, le rapport énonce que l'impartition ne générerait aucune économie dans ce cas. À la page 43, le consultant arrive à la conclusion qu'il ne faut pas se fier aux résultats de son rapport, et que le MDN devrait, s'il le désire, faire appel à des entrepreneurs externes.

Si on avait permis à la réorganisation de faire ses preuves, et si on avait élaboré des instruments efficaces de mesure du rendement, cette mascarade aurait été inutile. Cependant, les hauts gradés ont exercé des pressions pour qu'on recoure à l'impartition, à n'importe quel prix, et cette réorientation engouffre d'autres ressources car il faut de nouveau s'adapter à cette situation.

Un autre scénario, nouveau et amélioré, pour se débarrasser à tout prix de travailleurs bon marché—c'est prouvé—est appelé le «projet d'approvisionnement en nombre». En termes simples, il s'agit d'un plan visant à octroyer d'aussi grandes parties que possible du réseau d'approvisionnement et de distribution national du MDN à toute entreprise assez importante pour gérer le contrat. Les mêmes fonctions sur la plupart des bases ont déjà été réorganisées, et on était rendu à l'étape dÂévaluation du rendement sur les plans des coûts et de la qualité.

Ce plan directeur, soit le projet d'approvisionnement en nombre, cause déjà des difficultés et peut même enfreindre certaines lois internationales comme la Convention de Genève. À l'origine, on avait l'intention de sonder l'entreprise privée pour voir dans quel domaine elle voulait faire des soumissions. Mais plus on questionnait, plus on s'apercevait que l'entreprise privée s'intéressait à très peu de secteurs en fait. Ces entreprises veulent faire des profits, le plus facilement possible, et laisser aux contribuables le soin de prendre en charge les opérations du MDN qui ne sont pas rentables.

Lors d'une rencontre d'information tenue à Halifax le mois dernier, la meilleure réponse fournie par les chefs du projet aux questions sérieuses des amiraux et des commandants a été la suivante: «Il y a encore un peu de confusion sur les bords.» Tout le plan est confus, et cette situation perdurera, parce qu'il se fonde sur le principe selon lequel l'impartition est de toute façon la meilleure option, sans qu'une analyse sérieuse du travail et une évaluation du rendement n'aient été faites.

Ce plan a donc été lancé. Mais, le mois dernier, un gestionnaire particulièrement entreprenant du QGDN a décidé d'en lancer un autre. Il a groupé beaucoup de statistiques désuètes trouvées dans une base de données, et en est venu à la conclusion que les seules bases où l'on faisait beaucoup de travail, de façon efficace, étaient les dépôts de Montréal et d'Edmonton. En vertu de cette analyse, et sans consulter les autres bases du pays, le QGDN a décidé que tout le matériel géré par l'administration centrale devait être entreposé à ces deux endroits uniquement.

Cette décision survient après deux années de décentralisation du même matériel dans les diverses régions du pays. Les gestionnaires à Halifax ont immédiatement découvert que le plan s'appuyait sur des données inexactes et trompeuses, et ont donc passé les jours suivants à rassembler de l'information, qui démontrait que c'était en effet le cas.

Les travailleurs civils, et de nombreux militaires aussi, en ont jusque-là de ces plans bidons, mal ficelés, qui visent uniquement à éliminer nos emplois. Ils sont cause de stress à long terme, ils font totalement fi de toute planification rationnelle du travail. En même temps, les cadres supérieurs veulent que les bases qui ont effectué une réorganisation diminuent encore les coûts. Les travailleurs civils et militaires savent qu'ils doivent travailler plus efficacement, tout en continuant de donner des services de qualité aux clients.

On s'appuie sur le postulat selon lequel l'entreprise privée peut d'office fournir de meilleurs services, même si le MDN a à son emploi des experts qui ont fourni des services de grande qualité depuis la Seconde Guerre mondiale, et continuent de se battre pour améliorer le service.

• 2120

Les cadres supérieurs du gouvernement et de l'armée imposent de graves préjudices à leurs employés en tenant pour acquis qu'ils sont incapables de faire le travail pour lequel ils ont été formés. Si on a pu constater des zones d'inefficacité, il faut blâmer le manque de leadership et de vision des cadres supérieurs, et non celui des gestionnaires intermédiaires, et surtout pas celui des travailleurs civils qui sont au bas de l'échelle, et dont le seul but est de faire du bon travail afin de conserver leur emploi.

Si les ressources inestimables—dont la plupart sont inconnues du public—qui ont été affectées à la démarche d'impartition pouvaient être réaffectées à poursuivre l'amélioration d'une organisation déjà sur la bonne voie, l'ensemble du MDN de même que la population pourraient recevoir un service d'une qualité hautement supérieure.

Le président: Monsieur West, avez-vous bientôt terminé?

M. Howard West: Deux minutes encore.

Le président: O.K.

M. Howard West: C'est tout simplement inhumain. Le stress constant, incessant, année après année, les innombrables abolitions de postes, les unes après les autres, laisseront une marque indélébile. La capacité du MDN à donner le service auquel s'attend la population en souffrira grandement.

Les travailleurs civils sont dévastés, sur les plans physiques et psychiques. Les cadres supérieurs du gouvernement et du MDN doivent cesser de traiter les employés comme des objets jetables. Nous avons entendu beaucoup de propos semblables ce soir, non? De plus en plus d'employés consciencieux du MDN sont sur le point de craquer.

Aucun économiste, travailleur social, chef religieux, homme d'affaires censé qui a un produit à vendre ou citoyen de ce pays ne vous dira qu'il est avantageux pour quiconque de remplacer des travailleurs qui gagnent des salaires décents par des travailleurs au salaire minimum. Alors pourquoi le faire? Pourquoi ne pas arrêter ce mouvement dès maintenant, proposer un moratoire sur l'impartition, travailler à améliorer l'efficacité, un processus déjà en marche, et apporter les changements nécessaires, afin de récolter les fruits de l'effort entrepris? Si c'est une approche impossible, au moins—à tout le moins—, mettons en pratique les garanties de salaires et d'avantages en vigueur dans les autres pays de l'OTAN qui ont donné à contrat une partie de leurs services de défense.

Merci beaucoup de votre attention.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Benoit, avez-vous une question?

M. Leon Benoit: Oui. J'ai une seule question.

Au début de votre témoignage, vous nous avez dit que vous parliez au nom de 2 000 employés civils du MDN.

M. Howard West: C'est exact.

M. Leon Benoit: À quel titre?

M. Howard West: Je suis représentant de l'Union des employés de la Défense nationale, et je fais partie de l'effectif affecté à la base de Halifax.

M. Leon Benoit: O.K., merci.

Le président: Merci beaucoup de votre témoignage.

M. Howard West: Merci.

Le président: Madame Dawn Russell.

Mme Dawn Russell (témoigne à titre personnel): Bonsoir.

Je suis membre de la Première Force de réserve. Je ferai un court témoignage oral. Je fais partie du West Nova Scotia Regiment, basé à Kentville, en Nouvelle-Écosse.

Je voudrais tout d'abord aborder le thème du Régime de pensions du Canada. Je ne sais pas si ce point a été discuté devant vous auparavant, mais un réserviste de classe A ne contribue pas au Régime de pensions du Canada, sans égard à son revenu. Le fondement d'une telle pratique n'est pas clair. Je ne crois pas qu'on nous ait jamais donné de raison. On nous a simplement dit qu'on ne pouvait contribuer. Nous n'avons pas ce privilège.

Pour les autres employés, tout revenu de 145 $ ou plus entraîne des déductions pour le Régime de pensions. C'est notre salaire, versé deux fois par mois. Un réserviste de classe A qui a le grade de caporal, RPC-2, reçoit 171 $ toutes les 2 semaines, même s'il ou elle a paradé seulement 2 fois durant la période.

L'exemption de base pour le Régime de pensions du Canada est de 3 500 $ par année, et le réserviste mentionné ci-dessus recevrait probablement un remboursement des cotisations si elle ou il s'entraînait seulement 40 jours durant l'année. Cependant, je crois que la plupart des réservistes font plus de 40 jours d'entraînement—souvent jusqu'à 60, 80 ou même 100 jours par année—, et n'ont malgré tout pas accès au Régime de pensions.

Je suis pour ma part réserviste depuis 1976, et j'ai contribué au Régime de pensions du Canada seulement durant les étés où j'ai fait partie des réservistes de classe B. Ce matin, j'ai calculé que, au cours des 10 dernières années, j'aurais dû verser quelque 4 400 $ au Régime de pensions, alors que je n'ai versé que 1 900 $, une différence de 44 p. 100. J'ai aussi calculé que j'ai reçu au cours des 7 dernières années des revenus de 60 000 $ environ à titre de réserviste de classe A, revenus qui n'ouvrent droit à aucune pension.

• 2125

Je n'ai pu déterminer mes revenus entre 1976 et 1989.

Si je recevais une pension maintenant—si j'avais 65 ans—, elle équivaudrait à 144 $ par mois, au lieu de 400 $ ou 450 $. J'ai pu faire ces calculs en me fiant aux renseignements obtenus auprès du personnel de Régime de pensions du Canada.

Actuellement, en 1998, tous les employés du Canada, pour autant que je sache, sauf les réservistes de classe A, contribuent au Régime de pensions du Canada. Ils versent une contribution annuelle de 6,4 p. 100 au Régime. J'aimerais savoir pourquoi nous, les réservistes, qui recevons des formulaires T-4 chaque année—nous sommes des employés—ne pouvons bénéficier du droit qu'ont tous les Canadiens de contribuer au Régime de pensions du Canada. Je ne comprends pas. Je crois que cette question mérite qu'on s'y arrête.

J'ai aussi le sentiment que beaucoup ne connaissent pas cette réalité. Quand j'en parle autour de moi, la plupart des gens ne semblent pas être au courant. Même les employés de Pensions Canada auxquels j'ai parlé ce matin ou auparavant me disent: «Vous devez vous tromper. Tous les Canadiens, tous les employés, contribuent au Régime de pensions. Si vous recevez un salaire de 145 $ et plus par 2 semaines, vous devez contribuer; c'est la règle.» Quand je leur réponds que «Non, nous ne contribuons pas», ils ne me croient pas. Mais c'est la vérité.

J'aimerais par ailleurs parler d'un autre sujet—je serai très brève—, soit l'absence de régime de retraite pour les réservistes. Une partie du programme d'améliorations des conditions professionnelles des militaires annoncé récemment prend la forme d'une gratification en vue de la retraite. À mon avis, on fait passer pour une pension ce qui est en fait une prestation de départ. Après tant d'années de service, dix ans ou plus, on obtient une semaine de salaire pour chaque année de service.

Je vais prendre l'exemple d'une commis à la paye de mon régiment, le West Nova Scotia Regiment. Elle est caporale. Elle s'est engagée dans la réserve en 1981. Au 31 mars, elle avait été employée pendant 3 000 jours au total dans la classe B, c'est-à-dire qu'elle cumulait 8,2 années de service à temps plein. Durant les 9 autres années, elle a cumulé du service dans la classe A et, à titre de commis à la paye, elle travaillait normalement 100 jours par année. Cela équivaudrait probablement à 11 années de service à temps plein dans la réserve.

Si elle était libérée demain, elle recevrait une gratification de retraite, ou une prestation de départ, de 10 498 $. Si elle restait avec nous durant 19 années encore, jusqu'à ce qu'elle ait 55 ans, ou l'âge de la retraite obligatoire, elle recevrait 18 000 $ qui, investis à un taux de 8 p. 100 d'intérêt par année, lui ménageraient une rente de retraite de 123 $ par mois, après 36 années dans la réserve. Autrement dit, c'est une pension symbolique. Cette gratification de retraite est en fait une prestation de départ. À mon avis, ce n'est pas une pension, et ne peut remplacer une pension.

Je vous parle d'une personne qui, si elle restait dans la réserve, pourrait accumuler jusqu'à 20 années de service à temps plein, mais elle aura droit à 123 $ de pension par mois. Je crois qu'il existe des centaines de milliers de cas semblables dans le pays, des individus qui n'ont pas le droit de contribuer au Régime de pensions du Canada, et qui ne recevront aucune pension à la retraite.

J'ai réussi le TAE dans la réserve. Je serai probablement mise à la retraite en novembre 1999, au plus tard, et je recevrai probablement 20 000 $ après 23 ou 24 années de service. Le seul choix que j'aurai sera de retirer mon REER—, qui n'est pas très élevé et qui ne durera pas très longtemps.

Ce sont les points que je voulais aborder ce soir.

Le président: Merci.

Les membres de votre régiment ont-ils eu de la difficulté à se faire payer? Un jeune matelot nous a raconté une histoire horrible ce soir. Savez-vous s'il y a eu des problèmes dans votre régiment?

Mme Dawn Russell: Nous avons eu beaucoup de problèmes dans ce domaine, premièrement avec le SISPFR. Ce système a remplacé le système en place depuis des années, qui fonctionnait très bien. Il était lent, mais il fonctionnait. Il coûtait beaucoup moins cher que le nouveau système. Le SISPFR a été remplacé par le système révisé des soldes pour les Forces de réserve. C'est en fait un autre SISPFR, qui n'est pas plus efficace.

• 2130

Les réservistes du West Nova Scotia Regiment ont eu beaucoup de problèmes à cause du système, mais le caporal dont je viens de parler est commis à la paye. Elle est très consciencieuse et très dévouée. Elle travaille à temps plein, et elle fait un contrôle à toutes les périodes de paye. Il est très difficile de lui faire prendre un congé, surtout durant une période de paye.

Mais le système a sauté à maintes reprises, et nous avons eu beaucoup d'autres problèmes. On recourt souvent au plan d'urgence, ce qui est en soi une grande cause de problèmes. Alors, pour répondre à votre question, oui, nous éprouvons des problèmes avec le système de paye, et on n'en voit pas la fin pour l'instant.

Le président: Merci beaucoup de votre témoignage.

Mme Dawn Russell: Merci.

Le président: Allan White.

M. Allan White (témoigne à titre personnel): Bonsoir, mesdames et messieurs. Merci de me donner l'occasion de vous parler du problème lié à l'indemnité de service spécialisé à bord d'un sous-marin. Comme je dispose de seulement deux minutes, j'ai préparé un document d'information plus complet que je vous soumettrai.

J'aimerais tout d'abord dire que ce problème illustre bien l'insatisfaction qui règne parmi les matelots de première classe et au-dessous, qui sont qualifiés pour le service à bord des sous-marins. En gros, on peut dire qu'il existe deux types d'indemnités: l'indemnité à faible taux est versée aux matelots des rangs inférieurs, soit matelot de première classe et au-dessous; l'indemnité à taux élevée est versée aux matelots-chefs et aux grades supérieurs.

Depuis la moitié des années 80, il a fallu intégrer des gradés supérieurs dans l'équipe de matelots-chefs à bord des sous-marins, pour des raisons que je n'expliquerai pas ici. Il en a résulté l'obligation pour les matelots-chefs et leurs subalternes de former le personnel des grades supérieurs, non familiers avec l'environnement. L'insatisfaction des subalternes provient du fait qu'ils doivent guider et former les gradés supérieurs quand ils arrivent à bord, afin qu'ils puissent obtenir les qualifications de sous-marinier.

Une fois que le personnel gradé a acquis les qualifications requises, on leur octroie automatiquement l'indemnité supérieure, en vertu uniquement de leur grade. Cette pratique s'est intensifiée avec le temps, parce que les attributions spécialisées ont augmenté et que le processus d'avancement a été stoppé de façon signifiante à des fins de rationalisation. Cet arrêt a de plus empêché le personnel subalterne de gravir des échelons à l'intérieur de leur corps de métier.

Les OAFC liées ont été modifiées au cours de cette période. Toutefois, elles n'ont jamais visé les membres qui reçoivent une indemnité inférieure. En fait, les ordonnances administratives semblent souvent modifiées en vue de déterminer quels postes à terre donnent droit à l'indemnité. 75 postes à terre sont qualifiés pour l'indemnité: c'est le plafond déterminé pour toutes les Forces canadiennes.

Le plafond de 75 postes est bien en deçà des exigences actuelles. Il en résulte que plus de personnel inférieur ne reçoit pas l'indemnité, alors que d'autres qui occupent des postes qui apparaissent moins qualifiés la reçoivent.

Je connais même un cas où un membre qui ne recevait pas l'indemnité a été déménagé de la côte ouest à Halifax pour servir à bord d'un sous-marin afin de combler un manque de personnel. Le plus drôle, c'est qu'il servait dans l'unité, soit la section de formation au service dans un sous-marin de l'École des opérations navales des Forces canadiennes, où tous les autres membres recevaient l'indemnité.

Des hauts gradés en service au QGDN qui, en vertu de leur grade, ne retourneront jamais servir à bord d'un sous-marin, reçoivent l'indemnité pour service à bord d'un sous-marin. Il est reconnu que ces membres exécutent des tâches liées au service à bord d'un sous-marin. Je crois toutefois que cette pratique va à l'encontre de l'esprit de la règle, qui doit être interprétée et est effectivement reconnue dans la communauté comme donnant droit à une compensation aux membres qui servent effectivement à bord d'un sous-marin, ou qui seront appelés à y retourner.

Pour rendre la situation encore plus tordue, un message nous a annoncé que l'OAFC serait modifiée afin d'abroger l'admissibilité à l'indemnité pour le personnel en formation de qualification. Les membres qui font cette formation sont toujours retournés à bord des sous-marins à la fin de la formation. Il faut dire toutefois que l'OAFC n'a jamais été officiellement amendée à la suite du message, ce qui crée encore plus de confusion parmi les membres qui suivent des cours de qualification.

Le message annonçant la modification, par ailleurs, contredit l'ORFC en vigueur. Le message devra être officiellement abrogé afin d'éliminer la confusion qui règne.

En 1996, il a été finalement reconnu que les membres occupant les rangs de matelot-chef et inférieurs devaient être appréciés pour leurs compétences, et qu'il fallait absolument apporter des modifications aux taux d'indemnité. Trois capitaines de la marine et trois documents officiels distincts entérinaient cette reconnaissance.

• 2135

En dépit du soutien clair de la part des trois capitaines, aucun progrès ne semble avoir été fait dans le sens indiqué. L'affaire est toujours en suspens. Toutes les demandes soumises aux divers niveaux hiérarchiques divisionnels ont entraîné la même réponse: le dossier est entre les mains du QGDN.

Un seul message électronique a été envoyé en relation avec cette question, malgré le soutien dont elle fait l'objet. Le message comportait une liste d'excuses pour justifier la lenteur du traitement du dossier.

Le document d'information que je vous ai remis contient plusieurs options qui permettraient d'aboutir à un règlement sur cette question. Je vous livrerai ici mes commentaires personnels.

Mesdames et messieurs, je suis très insatisfait de voir que les sous-mariniers de rangs inférieurs, au côté desquels j'ai servi tant d'années, reçoivent des compensations financières de beaucoup inférieures. Pourtant, ils méritent tout autant de recevoir une indemnité de taux supérieur. Dans de nombreux cas, des sous-mariniers des rangs inférieurs ont enduré les difficultés du service à bord bien plus longtemps que les militaires gradés ou les officiers auxquels ils répondent. Je souffre encore plus de voir que, jusqu'à récemment, des officiers utilisaient les ressources à leur disposition et leur influence afin de priver d'autres membres de leur légitime droit à une compensation plus élevée. Les sous-mariniers des rangs inférieurs méritent beaucoup plus.

J'occupe actuellement un poste de soutien qualifié de service à terre aux sous-mariniers et, à ce titre, j'ai droit à une indemnité. Si la seule solution en ces temps de restrictions financières consiste à éliminer ces postes qualifiés afin de permettre de donner des indemnités plus élevées à tous les sous-mariniers, je serais le premier à sacrifier ma qualification. Je le ferais si c'était le seul moyen pour que les membres négligés à bord des sous-marins reçoivent les compensations financières qu'ils méritent hors de tout doute.

Je crois au service envers mon pays et envers mes coéquipiers à bord, depuis que j'ai 17 ans. Dois-je renoncer à un avantage que j'ai gagné afin de permettre à des matelots-chefs et aux membres de rang inférieur d'obtenir une compensation qu'ils méritent aussi? La réponse est non. Nous avons fait assez de sacrifices, et je ne devrais pas avoir à le faire. Toutefois, je suis prêt à le faire si le gouvernement ne pose pas les gestes pour reconnaître les services loyaux des membres des forces armées.

Cela termine mon témoignage au sujet de l'indemnité de service spécialisé à bord d'un sous-marin. Quelle que soit l'issue, il faut agir rapidement et fermement dans ce dossier. Il traîne depuis beaucoup trop longtemps déjà.

Je vous remercie de m'avoir accordé du temps. S'il n'y a pas de questions, je vais vous remettre mon rapport.

Le président: Il y a des questions, monsieur White.

M. Hanger.

M. Art Hanger: L'indemnité pour service spécialisé est accordée actuellement à des membres qualifiés qui ne sont pas à bord des sous-marins?

M. Allan White: Oui, monsieur. Je parlais des 75 postes à terre qualifiés pour l'indemnité.

M. Art Hanger: Pourquoi?

M. Allan White: Parce que ces membres sont très susceptibles de retourner à bord des sous-marins, et cette indemnité constitue une incitation en raison des dangers...

Le président: Ils sont en sursis.

M. Allan White: Oui. Le problème est que deux matelots-chefs, qui avaient tous deux servi à bord d'un sous-marin à très bref délai de préavis, en raison du manque de personnel, ne recevaient pas l'indemnité. Par contre, je crois qu'il y a actuellement cinq officiers au QGDN, qui ne retourneront jamais à bord d'un sous-marin, qui reçoivent l'indemnité.

M. Art Hanger: O.K. Où se trouve l'origine de cette injustice? À Ottawa.

M. Allan White: C'est un bureau d'Ottawa qui est responsable, mais qui n'a aucun contrôle. Ils font ce qu'on leur dit de faire.

Par exemple, afin de combler les manques en appelant ces deux matelots-chefs, le capitaine Webster de mon unité m'a ordonné de passer en revue les postes disponibles à l'intérieur de notre propre unité. Si des postes avaient été vacants, nous aurions pu transférer l'indemnité afin que ces deux membres en bénéficient. Ils ont occupé ces postes pendant plus de deux ans avant de recevoir l'indemnité; la rétroaction courait seulement jusqu'à janvier de cette année.

M. Art Hanger: Il semble en effet y avoir injustice. Qui donne les ordres à Ottawa en ce qui a trait aux règles en ce domaine?

M. Allan White: C'est une bonne question, monsieur. Nous, les membres en service à bord des sous-marins, avons tenté de redresser la situation depuis plusieurs années, mais en raison des ORFC et de l'OAFC, nous n'avons aucun contrôle. Nous pouvons tout juste soumettre des recommandations.

M. Art Hanger: Merci.

Le président: Monsieur Benoit.

• 2140

M. Leon Benoit: Merci, monsieur le président. J'ai une seule question.

Savez-vous combien d'officiers du MDN qui ne retourneront jamais en mer continuent de recevoir l'indemnité?

M. Allan White: Qui ne retourneront jamais en mer à bord d'un sous-marin? À mon avis, il y en a probablement une douzaine.

M. Leon Benoit: Une douzaine. O.K., merci.

Le président: Vous avez dit que vous aviez un document à nous remettre?

M. Allan White: Oui. Malheureusement, je n'ai pas assez d'exemplaires pour tous.

Le président: Un exemplaire suffira.

M. Allan White: Tous les documents de référence et les lettres à l'appui sont joints.

Le président: Laissez-le à Michel. Merci beaucoup, monsieur White.

M. Allan White: Merci.

Le président: Il reste encore plusieurs témoins. Je vous demande, dans la mesure du possible, de vous en tenir aux cinq minutes allouées.

Madame Wanda MacQueen.

Mme Wanda MacQueen (témoigne à titre personnel): Monsieur le président, membres du Comité, je veux parler ce soir d'une situation que j'ai vécue en 1991. Il reste beaucoup de questions qui n'ont jamais obtenu de réponse. Je les ai posées à de nombreux députés, ce dont Wendy Lill est bien au courant.

En 1991, mon mariage a éclaté. J'étais à l'étranger avec mon ex-mari. Deux militaires élevés en grade sont venus à notre maison. Ils m'ont dit qu'ils savaient que ma soeur était malade, parce qu'ils en avaient discuté avec mon mari au pub. Ils nous ont permis, à moi et à mes deux enfants, de revenir au pays pour des motifs humanitaires.

Pendant que j'étais à la maison avec les deux officiers, ils m'ont informée que les seuls effets personnels que je pouvais apporter au Canada devaient tenir dans deux valises. Je ne pouvais donc pas rapporter la voiture que j'avais apportée en Angleterre. J'ai tous les documents pour appuyer mes propos, et Mme Lill les a aussi—il s'agit d'une OAFC 2016 stipulant qu'il s'agit de mon véhicule.

Les deux officiers se montraient plus inquiets de savoir si d'autres personnes savaient que notre mariage était terminé. Ils ne s'inquiétaient nullement de ma situation personnelle ni de celle de mes deux enfants. Ils s'inquiétaient de l'habilitation de sécurité, que je ne connaissais pas à l'époque.

Je suis donc revenue au Canada. J'ai communiqué avec un aumônier militaire à Stadacona. Malheureusement, il partait en congé sabbatique. Il m'a donné le nom d'un autre aumônier. Je lui ai parlé. Il m'a dit que, si mon mari avait travaillé pour Sears Roebuck, il ne pourrait rien faire pour moi. Donc, il ne pouvait rien pour moi.

J'ai tenté de rejoindre de nouveau le premier aumônier à qui j'avais parlé en novembre 1991, parce que mes meubles et des biens personnels se trouvaient dans la maison. Il a nié me connaître, arguant qu'il ne m'avait jamais parlé. Quand j'ai parlé à la secrétaire du bureau, je lui ai demandé, après la quatrième tentative pour entrer en communication avec lui: «Comment pourrais-je savoir qu'il est un ex-DJ, que sa femme vient de la péninsule de Kingston, etc.?» Je n'ai reçu aucune réponse.

La réquisition que j'avais déposée pour mes meubles et mes biens a abouti deux ans plus tard, et c'est grâce à Kim Campbell, qui a intercédé en ma faveur.

De plus, en 1991, il y a eu deux grèves. Les fonctionnaires et les bureaux de poste ont fait la grève. J'avais été en cour et j'avais obtenu une ordonnance de saisie-arrêt du salaire de mon ex-mari de la Nouvelle-Écosse afin qu'il subvienne aux besoins de mes deux enfants. En septembre, il est revenu au Canada. J'ai remis l'ordonnance moi-même à Stadacona. Ils l'ont regardée, ils ont bafouillé quelques mots, et c'était terminé.

Finalement, quand les grèves ont pris fin en octobre, une copie leur a été postée par la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse. Ils ont nié avoir reçu cette copie. J'ai constaté plus tard que cette pratique était très courante aux bureaux de paye, qu'ils se trouvent à Stadacona ou ailleurs au Canada. Si votre mari connaît quelqu'un, les ordonnances peuvent très bien se retrouver sous une épaisse pile de papiers.

Elle est miraculeusement réapparue le 19 novembre 1991, après qu'il eut fait une demande de libération et eut été libéré. Les documents ont dû être envoyés à Ottawa, afin qu'on donne l'autorisation. J'ai finalement reçu la première pension alimentaire pour mes 2 enfants le 24 décembre 1991.

Pendant qu'il était ici, avant qu'il n'obtienne sa libération, on lui a permis de rester dans le carré, à Stadacona, sous un faux nom. Cela m'a beaucoup choquée.

J'avais entre-temps téléphoné à la Commission des droits de la personne afin de savoir quels étaient mes droits en tant que civile. J'ai parlé à des membres des commissions provinciales et fédérales, qui m'ont tous dit que, à titre d'épouse de militaire, je ne pouvais invoquer la Constitution canadienne. Mon cas relevait du droit militaire. Je me trouvais dans la même situation que les réfugiés de la mer qui avaient accosté en Nouvelle-Écosse dans les années 80. Ils avaient plus de droits que moi parce que j'étais une épouse de militaire.

• 2145

En raison des contraintes de temps, j'ai mentionné seulement quelques incidents qui sont survenus. Je n'ai pas parlé de l'attitude du personnel du MDN de la base de Gagetown quand je suis revenue au Canada, ni des commentaires des habitants de Stadacona. Je crois que vous avez une tâche énorme si vous voulez changer les mentalités et les attitudes au sein du MDN, surtout en ce qui a trait aux conjointes et aux familles. En effet, en juillet 1991, quand je me suis rendue à Stadacona, un chef m'a dit que, et ce, à plusieurs reprises dans une période dÂune heure, si l'armée avait voulu que mon conjoint ait une famille, elle en aurait inclus une dans sa trousse.

J'avais entendu ces propos si souvent pendant des années. Je ne voulais pas y croire. Mais ils sont réels. C'est ainsi qu'ils pensent, et je crois qu'il faudra beaucoup d'acharnement de toutes parts avant que la mentalité change dans l'armée et que du personnel de soutien soit affecté à assurer le bien-être des conjoints et des familles.

Quand un mariage est dissolu—et même si ce n'est pas le cas—, les membres, l'armée, tous semblent vouloir protéger l'homme. Ils sont prêts à tout, même à mentir, à le laisser utiliser un faux nom, à le laisser vivre dans un refuge, tout.

Je voulais m'arrêter ici, mais Patricia Tremblay a mentionné que, quand son père est mort, son mari n'a pas eu le droit d'assister aux funérailles.

Quand mon fils est né à Victoria, il a été placé aux soins intensifs. J'ai téléphoné à l'aumônier pour lui en faire part. Il m'a dit que, en tant que femme d'officier, je n'avais pas le droit de demander que mon mari revienne à la maison. Si mon fils mourait dans les douze heures, alors mon mari pourrait revenir. Autrement dit, mon fils devrait mourir pour que mon mari ait la permission de revenir à la maison.

Vous avez donc beaucoup de travail à faire!

Le président: Recevez-vous une pension alimentaire à l'heure actuelle?

Mme Wanda MacQueen: Oui. Il a fallu que j'obtienne une ordonnance de saisie-arrêt. C'était le seul moyen à ma disposition pour obtenir une pension. Sinon, je n'aurais rien reçu. J'ai suivi la méthode essais-erreurs, me cognant la tête contre des murs de brique, appelant toutes les personnes que je connaissais, les députés—qui sont comme des murs de brique. J'ai parlé à Mary Clancy, à Mary Collins, à Bob Corbett au Nouveau-Brunswick, à tous les ministres de la Défense, depuis cette date jusqu'à aujourd'hui. En fait, le bureau de Wendy Lill a envoyé une lettre en mon nom en février. J'attends encore la réponse du bureau du ministre. Je ne m'attends à rien parce que, jusqu'à maintenant, les ministres de la Défense n'ont jamais répondu à aucune de mes lettres, notes, à rien. Je suis donc toujours en attente.

Mais je peux vous dire une chose. Il faut absolument faire quelque chose concernant l'attitude des militaires.

Le président: Madame Lill.

Mme Wendy Lill: Point d'ordre, monsieur le président. Plus j'entends d'histoires, plus je me demande quel est notre rôle. Toutes ces personnes qui témoignent devant ce Comité ont-elles un dossier qui les concerne au bureau du ministre? Il y a certainement des analyses qui ont été faites pour chacun des cas.

Je suis un nouveau membre. Ma question s'adresse au Comité. Allons-nous nous pencher sur chaque dossier?

Le président: Madame Lill, le mandat du Comité est de tenir des assemblées publiques locales et de rassembler de l'information en vue de la rédaction de notre rapport. Nous ferons des recommandations à la suite du rapport, qui sera déposé à la Chambre des communes, puis au ministre.

Mme Wendy Lill: Nous n'allons donc pas analysé la situation de chaque personne qui témoigne devant nous?

Mme Wanda MacQueen: Non?

Le président: Non. Nous avons reçu beaucoup de suggestions et de commentaires intéressants de la part de Mme MacQueen, que nous examinerons.

• 2150

Mme Wanda MacQueen: C'est seulement que cela dure depuis 1991, et que je n'ai jamais reçu aucune réponse de qui que ce soit.

Le président: M. Pratt.

M. David Pratt: Monsieur le président, j'aimerais seulement dire que souvent, dans les cas où des gens ont soulevé des situations particulièrement difficiles, nous devons obtenir des mises à jour de la part du personnel du ministère de la Défense, mais de toute évidence ce n'est pas votre cas. Dans certains des autres endroits que nous avons visités, lorsque des gens sont venus au micro, nous avons obtenu des mises à jour sur le cheminement de leur dossier.

Je crois qu'il est également important de souligner que certains de ces cas ont été portés en appel, d'autres sont examinés par le ministre, et dans certains cas, je suppose, comme on l'a mentionné ici hier soir, une poursuite est en cours.

Mme Wanda MacQueen: Lorsque Ron MacDonald était mon député, j'ai parlé à son chef de bureau qui m'a dit qu'il aurait une réponse pour moi dans deux jours. J'attends toujours. Il y a maintenant deux ans de cela.

La façon dont j'ai été traitée semble démontrer que l'armée et le gouvernement marchent main dans la main. Je suis venue à la conclusion—et ce n'est pas seulement ma conclusion; c'est la conclusion d'un grand nombre de personnes que je connais—que nous faisons affaire avec une organisation fasciste. Ils ont leurs propres lois, leurs propres règles et leurs propres règlements. Si vous ne les respectez pas, ils s'en prendront à vous à bras raccourcis.

Je suis étonnée par le nombre de personnes qui sont venues ici ce soir parler contre l'armée. L'une de mes principales préoccupations—et j'en ai fait part à madame Lill—était de savoir si je venais parler devant les gens, parce que nous sommes au Fleet Club, si c'était le droit militaire qui s'appliquait ou le droit civil. C'était ma préoccupation, parce que nous sommes au Fleet Club; c'est une propriété militaire, techniquement parlant, et si vous parlez contre l'armée, on peut vous réprimander. Je ne m'inquiète pas. Je suis une civile.

M. David Pratt: Vous êtes devant un comité parlementaire cependant, et il est de notre responsabilité, comme l'a mentionné M. Bertrand, d'examiner cette question. Ce qui nous intéresse, ce sont les problèmes systémiques au sein de l'armée.

Je pense qu'il est aussi important de mentionner que pour avoir parlé à un certain nombre d'employés du MDN, nous savons qu'ils ont une liste des problèmes qui ont été soulevés, liste qui contient environ 500 sujets différents en rapport avec les problèmes au sein de l'armée. L'un de ceux-ci est bien sûr le traitement des personnes blessées dans l'exercice de leur devoir.

Le problème que vous avez soulevé concernant le manque de sensibilité a été soulevé auparavant.

Mme Wanda MacQueen: Neuf fois sur dix, lorsqu'une femme épouse un militaire, elle le suit dans son affectation. Elle se retrouve dans une ville étrangère. Elle n'y connaît absolument personne. Hubby a ses camarades. Il se rend à son travail. La femme reste à la maison avec les deux enfants, neuf fois sur dix. Parfois, si elle est chanceuse, elle peut se trouver un emploi, mais les gens qui veulent embaucher la femme d'un militaire ne sont pas légion, car au bout de deux ans, elle doit à nouveau partir.

J'ai été dans un pays étranger, et à toutes fins pratiques, les seules personnes à qui je pouvais avoir recours étaient une famille américaine, un aumônier britannique et un médecin britannique, qui était cantonné à la base. Tous les Canadiens nous ont tourné le dos à moi et à mes deux enfants—et j'étais parmi les chanceuses. J'avais de la famille au Canada qui nous recevrait. Lorsque je suis revenue au Canada, j'avais deux valises, deux enfants, c'est tout. J'ai dû aller en cour pour faire libérer mes meubles. Puis, j'ai dû retourner en Angleterre pour vider la maison et reprendre mes effets personnels ainsi que ceux des enfants. Le MDN ne s'est pas soucié de savoir si quelqu'un prenait soin de mes enfants de 13 et 15 ans. Je ne pouvais pas les laisser seuls. J'avais une famille sur laquelle je pouvais compter.

Ils ont essayé de diminuer les dépenses de mon mari en disant que je retournais à la maison pour des motifs personnels parce que ma soeur était malade. Ma soeur n'est décédée que l'an dernier. Habituellement, vous n'obtenez pas une affectation pour motifs personnels pour revenir à la maison pour une courte période ou pour une longue période à moins que la personne ne soit sur le point de mourir. Mais c'était une façon d'économiser de l'argent. C'est l'école des grands, et si vous ne jouez pas au ballon avec eux, on vous laisse dans le champ gauche à quelque part.

Le président: Merci beaucoup.

Mme Wanda MacQueen: Merci.

Le président: Larry Pennell.

• 2155

M. Larry Pennell (témoigne à titre personnel): Bonsoir, membres du comité. J'ai eu la chance de m'entretenir avec quelques- uns d'entre vous aujourd'hui à l'escadron sud. Ce que j'entends ici aujourd'hui m'ouvre les yeux, et certains des cas me semblent incroyables.

Aujourd'hui, au nom de mes coéquipiers du NCSM Okanagan, je crois qu'il est de mon devoir de parler des problèmes que nous vivons.

En ce qui a trait à la qualité de la vie, ce que j'aimerais mentionner au nom des membres du NCMS Okanagan, c'est qu'en raison des restrictions budgétaires et de la diminution des ressources au MDN, la charge de travail des sous-mariniers est plus grande. En plus de passer une grande partie de notre temps en mer, plus de 200 jours en mer loin de nos familles, lorsque nous revenons à la maison, une grande majorité des gars travaillent jusqu'à 20 h, 21 h, 22 h, 23 h toute la semaine et doivent ensuite revenir la fin de semaine pendant leur congé pour effectuer le travail. Une bonne partie du temps est consacré à l'entretien, mais l'essentiel consiste à rendre le sous-marin opérationnel pour prendre la mer, au détriment des membres et spécialement des familles.

Ceci étant dit le ratio mer-terre pour un marin est idéalement de 60/40: 60 en mer, 40 sur terre. Aujourd'hui ce n'est pas du tout ce qui se passe. Comme il n'y a pas de promotions, les gars ne peuvent pas aller à terre, car la plupart des affectations à terre sont pour les matelots-chefs et plus haut. Le problème que nous vivons présentement dans la marine au niveau des matelots de 1re classe, c'est qu'à toute fin pratique, les gars passent environ vingt ans à ce grade. Ceci signifie qu'à ce grade il n'y a pas d'avancement, pas d'augmentation, pas de mesures incitatives. Donc, pas de grade, pas d'affectation à terre.

Comme il n'y a pas d'avancement, il n'y a pas non plus d'augmentation. En conséquence, les incitations à exceller au travail deviennent vaines. Ce n'est pas seulement le cas pour les sous-marins, mais aussi pour les navires.

Comme vous l'avez vu lors de votre visite aujourd'hui, 72 personnes vivent à bord du navire, et il n'y a qu'un certain nombre d'entre nous qui doivent fournir leur part d'effort. De temps en temps, une tape dans le dos pour encourager les efforts, c'est bien, mais trop de tapes dans le dos finissent par donner des douleurs au dos.

Lorsque je me suis marié, j'ai acheté à ma femme un petit ours en peluche, sur lequel on pouvait lire: «Le travail le plus difficile dans la marine, c'est celui de femme de marin.» C'est vrai. C'est déjà assez difficile que nous soyons en déploiement, ce qui est compréhensible—je me suis engagé dans la marine pour aller en mer et j'ai l'intention de continuer—mais lorsque je suis à la maison, je m'attendrais, et c'est la même chose pour mes coéquipiers, à passer du bon temps avec ma famille à regarder grandir les enfants, et pourquoi pas. C'est une grande préoccupation parmi les membres de l'escadron, et nous espérons avec les Upholders que ce que nous faisons actuellement sur les Oberons ne continuera pas. C'est un grave problème. J'en parle avec mes amis civils et ils ne sont pas intéressés à passer sept mois loin de leur famille, pour ensuite travailler à la maison jusqu'à 20 h, 21 h ou 22 h et à prendre leurs vacances à un moment qui ne leur convient pas, ni à leur famille.

Ce n'est pas kascher. Cela produit un effet boule de neige; c'est un cercle vicieux. Ce que les gars recommandent au comité, c'est de vraiment regarder du côté du QGDN. Comme tout le monde l'a dit ce soir, c'est là que semble être le problème. Il y a beaucoup de personnes qui font l'impossible pour exécuter leur travail, mais à la fin de la journée, c'est la colline là-haut qui a le dernier mot. Parfois ce n'est pas en conformité avec ce que nous pensons, mais il faut serrer les dents et continuer. Il semble bien que nous sommes dans une période de restrictions, dont nous devons assumer le fardeau. On ne nous paie pas de temps supplémentaire; vous pouvez travailler 24 heures par jour, sept jours par semaine, mais vous aurez toujours le même salaire.

• 2200

C'était ce que je voulais vous expliquer ce soir. Je vous remercie beaucoup.

Le président: Merci beaucoup.

Elizabeth Hurley.

Mme Elizabeth Hurley (témoigne à titre personnel): Merci. Mon nom est Elizabeth Hurley. Mon mari et moi avons fait partie de l'équipe chargée d'examiner les questions relatives au personnel blessé et avons participé à la préparation du rapport du lieutenant colonel McLellan.

Mon mari fait partie des casques bleus qui ont été blessés en Bosnie. Malheureusement, présentement il a un règlement de grief en cours à la base. Je crois que c'est au bureau de l'amiral. Le tout est fondé sur le manque de soins médicaux appropriés et suivis lorsqu'il est revenu. À compter du 1er juin, on lui donnera sa libération pour raison de santé.

Par souci d'équité, quelque chose qu'aucun d'entre nous n'a connu, j'aborderai seulement brièvement les questions relatives à la réparation du préjudice.

Plusieurs de nos amis et collègues—dont certains que vous avez rencontrés ce soir et d'autres que vous avez rencontrés dans le pays—m'ont demandé de traiter des problèmes qui affectent les casques bleus qui sont libérés pour raison de santé. Ce ne serait pas juste de ma part de vous parler de tous les problèmes qui ont été exposés ce soir, des problèmes qu'en tant que couple ou que famille nous avons dû subir. J'essaierai de m'en tenir à mon sujet.

Au retour, lorsque j'ai parlé avec le major Robertson en octobre, il m'a demandé de vous faire part d'anecdotes, si possible; de solutions plutôt que de récriminations.

La première suggestion que nous avons est la création d'unités pour les casques bleus blessés. Cette idée vient en réalité de Rick McLellan. Je la lui ai empruntée. Nous aimerions mettre sur pied quelque chose à l'échelle nationale peut-être, puis au sein des districts. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire financièrement de commencer sur chacune des bases, mais il faudrait plutôt créer un endroit où les Anciens combattants, le RARM, le RPC et le MDN ont un bureau principal qui s'occupe des appels provenant des casques bleus blessés et qui initie la réclamation à trois niveaux: le MDN, les Anciens combattants et le RARM.

Chacun définit l'incapacité à sa façon, personne ne travaille pour la personne qui est blessée. Comme vous l'avez entendu ce soir, les histoires d'horreur sont nombreuses. Nous sommes en train de devenir une autre statistique. Nous sommes l'une de ces histoires d'horreur. D'ici à ce que le processus de réparation ait apporté une solution, il aura probablement été libéré de toute façon.

Avec la création d'une unité pour les casques bleus blessés, une bonne partie de la paperasse devant servir à la réclamation pour le RARM et les Anciens combattants pourrait être préparée.

Nous avons été informés le 1er août 1997, dans la lettre que l'on nous a généreusement envoyée, qu'il faudrait de six à neuf mois à partir du moment où la demande d'indemnité serait initiée. Le 1er avril de cette année, ils l'ont informé qu'après neuf mois, toutes les données médicales étaient périmées et qu'il devait soumettre de nouveaux documents.

Notre deuxième suggestion concerne les installations médicales. Actuellement, vous replacez les membres des groupes professionnels de soutien dans leurs unités, qui sont peut-être leurs unités d'attache, et il n'y a pas d'installations médicales pour ceux qui reviennent blessés. Nous vous disons toute la vérité sur ce sujet.

Mon mari a été envoyé de St-Hubert. Alors qu'il était en congé maladie, on l'a informé qu'il était affecté à Halifax. On lui a dit: «Après tout, vous venez de Terre-Neuve; vous aimerez Halifax.» Il n'y a pas eu d'autre offre d'affectation, pas d'offre comme: «Nous allons reporter cela d'un an; nous allons vous aider à recouvrer la santé.»

Ils nous ont envoyés ici, et malheureusement mon mari occupe un métier de soutien, et comme si cela n'était pas suffisant, il porte un uniforme vert. Porter un uniforme vert sur une base navale, c'est probablement le summum des déchets. Nous parlons toujours à partir de commentaires personnels, commentaires faits au niveau des chefs: «C'est un problème de l'armée.»

• 2205

C'est une constante, un thème récurrent pour les casques bleus qui reviennent. Si vous n'avez pas les installations médicales pour faciliter leur guérison, s'il vous plaît ne les retournez pas dans des unités qui ne peuvent les aider.

L'accès aux documents médicaux: vous avez entendu l'exposé d'un gars ce soir. Il ne pouvait poursuivre ses démarches parce qu'il ne pouvait pas obtenir ses documents médicaux. On vous dit ouvertement qu'il faudra au moins huit mois pour obtenir vos documents médicaux.

Ma question à la Défense nationale est la suivante: si vous libérez une personne pour des raisons médicales, pourquoi ne lui remettez-vous pas ses documents en même temps que ses papiers de départ? Ce n'est pourtant pas si difficile. Il suffit d'un photocopieur et d'un commis. Donnez les à la personne blessée. Cette personne ou son épouse s'occuperont des photocopies.

Notre quatrième suggestion est probablement celle qui suscitera la réprobation de tous parce qu'il n'y a pas d'argent, c'est donc une requête sur laquelle nous misons peu. Il s'agirait de préparer une trousse de libération semblable à celle du PRF ou du fonds de retraite.

Vous demandez aux casques bleus de donner leur vie, de donner leur santé. Ils vont en mission. Vous avez pu voir certaines des conséquences ce soir.

Mon mari souffre d'un trouble de stress post-traumatique suffisamment important pour que les Anciens combattants ne remettent pas en question sa demande d'indemnité. Non seulement ils n'ont pas remis en question sa demande, mais ce sont probablement les seules personnes dans toute la région d'Halifax... Ils ont travaillé très fort pour s'assurer qu'on s'occupait de nous relativement à la pension dans les zones de service spécial.

Malheureusement, l'armée n'a pas fait preuve de la même générosité en réponse à ses problèmes de santé. Nous devons maintenant faire face au fait qu'il faudra de cinq à six semaines avant que son indemnité de départ ne lui soit versée. Il termine le 1er juin. Cela signifie qu'il recevra sa première indemnité, si tout le travail est fait adéquatement, au milieu de juillet.

Il n'y a pas d'avances. Vous n'y avez pas droit. C'est ce que dit Ottawa maintenant. Il n'y a aucune possibilité d'obtenir ce qui vous est dû d'avance.

Mon mari leur a alors dit: «Je comprends que ma pension de 18 ans va m'être payée.» Ils ont dit: «Oh oui, c'est ce que vous allez recevoir.» Après avoir payé les prestations d'assurance-maladie, le RARM, sa protection après la libération, il lui restera 851 $ par mois.

Mon mari leur a demandé combien de temps cela prendrait. «Cela prendra au moins cinq à six semaines.» Mon mari a dit: Habituellement, nous pouvions obtenir d'un à deux mois d'avance.» «Oh non, vous n'avez rien.» Au centre de libération, mon mari a dit au chargé de projet: «Pouvez-vous me dire au fait comment je suis supposé vivre en attendant que cet argent arrive?» La réponse a été la même que celle que nous obtenons en général—un regard vide.

Je ne sais pas ce quÂil en est pour les autres, mais 851 $, ce n'est pas un montant d'argent énorme pour vivre. Sa demande au Régime de pensions du Canada a été rejetée, car les médecins militaires ont écrit que lorsqu'il serait retiré de l'environnement militaire, il serait capable de trouver du travail dans le vrai monde.

Ainsi, une trousse de libération serait peut-être quelque chose. C'est aussi un voeu pieu. Je me rends compte qu'en cette période de restrictions, il n'y a pas beaucoup d'argent, mais à tout le moins cela serait un début, au moins pour les personnes qui ne seront pas capables de trouver un emploi après avoir subi les blessures qu'ils ont subies. Vous avez vu plusieurs d'entre eux ici ce soir.

Nous avons des comptes de téléphone, du courrier électronique et des télécopies—parce que nous avons une organisation qui soutient les casques bleus blessés—qui vous permettraient de constater que nous avons un grand nombre de problèmes, qu'un bon nombre sont en faillite. Il n'y a pas de paiement méthodique des dettes lorsque vous recevez une pension, parce qu'ils ne saisissent pas les pensions, mais c'est vraiment très, très malheureux, et une trousse de libération constituerait au moins un départ.

La dernière chose, qui peut paraître insignifiante, mais qui est toutefois importante. Nous avons deux adolescents. Comme vous l'avez entendu ce soir, les gens ont des enfants. Nous aimerions que le programme de soins dentaires qui est offert à la fonction publique et au personnel militaire soit offert aux casques bleus libérés pour des raisons de santé au coût que paient les fonctionnaires. C'est une petite chose; c'est vraiment minime. Mais un de nos enfants porte actuellement des appareils orthodontiques. J'aimerais vraiment obtenir un remboursement de 80 p. 100, plutôt que de devoir payer au complet. Je ne vais pas renoncer à ce traitement parce que nous partons.

• 2210

J'aimerais aborder quelques autres problèmes. J'aimerais vous remercier des efforts que vous faites. Je ne m'attends à rien de cet exercice. Personne d'entre nous n'en attend quoi que ce soit. Dans l'ensemble, nous n'avons pas été bien traités en tant que membres, qu'individus, qu'épouses; en conséquence, nous n'attendons rien et nous n'avons rien reçu dans l'ensemble. Mais je veux vous remercier d'essayer et au moins de faire connaître à d'autres personnes certaines des choses très difficiles auxquelles nous sommes confrontés.

Je vous demande aussi de penser à long terme, car il y aura encore de nombreux casques bleus dans l'avenir ainsi qu'un grand nombre de membres de la DN. Comme l'ont dit ces messieurs précédemment, si nous ne prenons pas des mesures maintenant, nous aurons de plus en plus de blessés et de plus en plus de morts.

Merci.

Le président: Merci, madame Hurley.

Monsieur Hanger a une question.

M. Art Hanger: Nous avons entendu beaucoup de plaintes au sujet du processus médical et des Anciens combattants, toute la question des pensions et de l'obtention des dossiers médicaux. Il ne s'agit pas d'un cas isolé ou deux; cela ressemble plutôt à une pratique courante dans le traitement des questions d'invalidité ou de maladie attribuables au travail ou à un environnement où vous vous retrouvez malade ou blessé.

Vous avez fait quelques suggestions. Personnellement, ces suggestions me semblent tout à fait décentes.

J'ai travaillé pour un service de police pendant 22 ans. Lorsque j'ai remis mes papiers, que le tout a été finalisé, lorsque j'ai passé la porte, je savais exactement ce qu'allait être ma situation. Bien sûr, j'ai dû attendre quelque temps pour ce qui est de la pension parce que j'étais loin de l'âge de la retraite, mais la question de l'assurance-maladie et toutes les autres choses étaient réglées. Au bureau, une personne et des assistants ont vu à s'occuper de tous les détails. Je n'ai pas eu à courir partout et à me débrouiller moi-même. Tout était fait et il y avait du personnel qui s'occupait de la question. Ce n'était pas une situation où il fallait se démener.

Mais je vois des membres de la famille comme vous, dont le mari a été blessé, qui doivent s'occuper de tout. Je ne pense pas que ce soit acceptable.

Mme Elizabeth Hurley: Sur ce plan, j'ai été particulièrement chanceuse. Au tout début de notre affectation, j'ai occupé un poste temporaire à l'AJAG. Je connaissais les règles et les règlements, la façon de les utiliser et je savais avec qui il fallait communiquer. J'ai été très chanceuse. Si je n'avais pas été en mesure de dire, oh non, vous ne pouvez pas dire cela—j'ai obtenu une procuration.

L'autre chose, c'est que nous avons entendu de la part du personnel médical des mensonges éhontés.

M. Art Hanger: Pour quelle raison mentent-ils? Veulent-ils cacher les dossiers pour ne pas avoir à payer, ou quoi?

Mme Elizabeth Hurley: Mon mari vous parlera de certaines de ces questions, mais à ce moment-ci, les documents médicaux du dossier de mon mari... On lui a fait voir deux spécialistes militaires; l'un parce qu'il avait subi ce que l'on considérait comme une crise cardiaque sur le théâtre des opérations, mais après deux jours, il se sentait mieux, donc il était correct. Lorsqu'il est revenu ici, il a demandé à voir un cardiologue. Il a rencontré un interniste. Je viens d'une petite ville; je suis de Toronto. Lorsque vous allez voir un cardiologue, vous ne lisez pas le mot interniste sur sa plaque. Je le répète, je viens d'une petite ville, donc je ne comprends pas un bon nombre des choses qu'ils font ici. L'interniste a conclu que mon mari allait très bien depuis son retour de Somalie.

• 2215

À un certain moment, il a été dirigé vers un psychiatre militaire qui a décidé qu'il devrait voir un psychologue militaire. Ceci se passait un an après que l'on ait établi le diagnostic de trouble de stress post-traumatique (TSPT). Dans son rapport, le psychiatre militaire affirme que depuis son retour de la Somalie, mon mari va très bien après avoir subi une vasectomie alors qu'il était en mission.

Aujourd'hui, mon mari a rendu tout son équipement militaire. Ils voulaient savoir où étaient les 12 paires de bas aux genoux beiges qui lui avaient été remis lorsqu'il est allé au Rwanda.

Je voudrais préciser pour les dossiers ici, tout d'abord, et je peux prouver tout ceci parce que nous avons les documents—cela fait partie du processus de réparation pour mon mari—que mon mari n'a jamais été en Somalie, qu'il n'a jamais subi de vasectomie, tout comme il n'a jamais été au Rwanda. Mais comme nous l'avons expliqué au général Dallaire, qui pense que tout ceci est trop comique, nous aimerions voir les médailles; nous aimerions voir les certificats qui nous remercient d'être allés à ces endroits. Il en a eu un vraiment très beau lorsqu'il est allé en Bosnie.

La tenue des dossiers est épouvantable. Lorsque ce processus a commencé, nous avons compris que mon mari avait accumulé 89 jours de congé lorsqu'il faisait partie du régiment aéroporté du Corps blindé. Aujourd'hui, il s'avère qu'il a 11 jours. J'aimerais savoir ce qui est arrivé aux 78 autres, parce que maintenant, au lieu de considérer que nous n'aurons pas d'argent avant le mois de juin, il faut considérer que nous n'en aurons pas avant le mois d'août.

Ce sont les dossiers au niveau administratif et ce sont les dossiers dans le système médical. Ce sont les mêmes personnes qui ont pris la décision de lui donner sa libération pour des raisons médicales. Si vous ne savez pas où il était ni ce qu'il faisait, comment pouvez-vous prendre une décision concernant sa vie et la reporter de trois ans?

Il n'a jamais vu de cardiologue. Sa main droite est en partie insensible. Il a demandé de l'aide inlassablement, mais vous atteignez un point où vous ne demandez plus rien parce que vous avez peur. Une fois que vous avez découvert qu'ils pensent que vous subi une vasectomie en Somalie, vous ne savez pas ce que diable ils peuvent bien penser. Nous sommes terrifiés à l'idée qu'il a peut-être eu un flashback et qu'il a abouti en Somalie et qu'il a subi une vasectomie et qu'on ne nous l'a pas dit.

Je vous remercie tout de même.

Le président: Merci beaucoup.

M. Hurley.

M. Michael Hurley (témoigne à titre personnel): Je suis sa douce moitié.

Merci de nous donner la possibilité de témoigner devant le CPDNAC. Président Robert Bertrand, merci beaucoup.

Je suis un casque bleu qui a subi des blessures et je suis ici tout simplement parce que je fais face à des problèmes. J'ai l'impression d'avoir été l'objet d'abus d'autorité, d'injustice et de mauvais traitement en raison de l'absence de soins médicaux soutenus et adéquats de la part des Forces canadiennes ici à Halifax depuis mon retour de Sarajevo en Bosnie-Herzégovine, où j'ai été victime de l'explosion d'un mortier et où j'ai dû vivre avec les atrocités. J'y ai subi des blessures qui m'ont subséquemment amené devant un conseil de révision des carrières.

Six semaines après mon retour de l'ex-Yougoslavie, j'ai compris que je ne me réintégrais pas dans le style de vie des Forces armées canadiennes. J'ai été vu par le médecin général de formation à Halifax qui m'a référé au psychiatre de formation. À cette époque, on établissait un diagnostic de réaction de stress aigu, et le psychiatre avait le sentiment qu'au fil du temps je prendrais du mieux et que je surmonterais mes problèmes.

En mars 1996, je n'étais toujours pas capable de vivre avec les souvenirs de ma mission en Yougoslavie, et de nouveau, après avoir rencontré le médecin général de formation, j'ai été référé au psychiatre de formation. Lors de la rencontre avec le psychiatre de formation, un diagnostic de trouble de stress post-traumatique a été établi. De plus, le psychiatre a décidé de me prescrire du Paxil, un antidépresseur, et des pilules pour dormir, et il m'a aussi demandé de voir le travailleur social de formation pour commencer le travail avec ma famille concernant les problèmes résultant du trouble de stress post-traumatique. Lors de cette rencontre, le psychiatre de formation m'a demandé de le revoir dans environ un mois pour poursuivre la thérapie. J'attends toujours des nouvelles du travailleur social. Il y a maintenant trois ans de cela.

• 2220

Je suis retourné en avril et j'ai commencé une thérapie plus intense avec le psychiatre de formation, jusqu'en juin 1996. Au même moment, avril 1996, j'étais placé dans une catégorie temporaire pendant six mois par le médecin général de formation à la demande du psychiatre de formation dans le but de faciliter une psychothérapie ininterrompue pour m'aider. Lors de la séance de psychothérapie du 19 juin 1996, j'ai parlé au psychiatre de formation de la possibilité de former un groupe de discussion relativement au trouble de stress post-traumatique. Le psychiatre de formation a plutôt suggéré que le travailleur social agisse comme animateur et que je participe.

En juillet 1996, le psychiatre de formation m'a informé qu'il déménageait à Ottawa et qu'on me référerait à un autre psychiatre de formation pour que je poursuive ma psychothérapie. Malheureusement, le renvoi en vue de poursuivre la psychothérapie avec un autre psychiatre de formation a été suspendu—et c'est documenté—et un délai d'environ deux mois est survenu. Lors de ce rendez-vous, le psychiatre de formation m'a informé qu'il était incapable de poursuivre la thérapie avec moi, mais que je serais référé au psychologue de formation pour traitement. De plus, à ma demande, le psychiatre de formation affirma qu'il examinerait à nouveau la possibilité d'un renvoi au travailleur social. Il a aussi affirmé que je devrais revenir dans deux semaines pour des rendez-vous.

Le 30 septembre 1996, lors d'une visite au psychiatre de formation, j'ai exprimé mon intérêt à former un groupe de discussion pour moi-même et pour d'autres membres souffrant du TSPT. Il m'a dit qu'il ne pouvait m'aider à former un groupe de ce genre. Il était trop occupé avec ses patients, mais il pensait que le travailleur social de formation devrait être capable de m'aider. J'ai quitté le psychiatre et j'ai rencontré le travailleur social dans l'espoir de recevoir de l'aide. Le travailleur social de formation m'a informé qu'il n'avait pas le mandat de former un groupe de ce genre et qu'en conséquence il ne pouvait fournir d'aide.

Je suis retourné à mon unité et j'en ai discuté avec mon commandant. Après cette discussion, mon commandant a écrit une note à l'officier chirurgien de l'hôpital de formation lui demandant que je reçoive des soins médicaux étroitement suivis et qu'un groupe de soutien soit formé. À la suite de cette note, un groupe de discussion post-ONU a été mis sur pied par le travailleur social de formation, qui en a aussi assuré le suivi.

Un document militaire portant sur les tâches et les responsabilités des unités et des commandements maritimes en soutien au personnel militaire participant à des opérations de maintien de la paix des Nations Unies et contenant des recommandations a été produit par le groupe et soumis à l'officier chirurgien de l'hôpital de formation. J'attends toujours, après cinq appels, pour savoir ce qu'il est advenu de ce rapport. Je crois que j'ai le droit de savoir. Vous m'avez donné du temps pour participer à ce groupe, pour discuter de ce qui se passait, et je n'ai pas la dignité ou le temps de me dire: «Où diable est ce rapport?» Je l'ai fait pour qu'il remonte la chaîne, pas pour qu'il se perde.

Lors de mon rendez-vous avec le psychologue de formation le 5 novembre 1996, celui-ci m'a informé que le Centre médical de la Défense nationale (CMDN) avait une clinique d'évaluation pour les patients souffrant du trouble de stress post-traumatique et offrait un cours de deux semaines pour les patients. Le psychologue de formation pensait qu'une évaluation par le CMDN ainsi que la possibilité de suivre le cours seraient bénéfiques pour moi.

Le 10 février 1997, on a mis fin à la catégorie médicale temporaire qui m'avait été attribuée. Le 28 février 1997, j'ai vu le psychologue de formation et la décision de commencer une psychothérapie intense a été prise, mais le psychologue de formation m'a informé que puisqu'il n'était engagé que pour une période de trois mois, il ne pensait pas pouvoir commencer la thérapie. Il m'a dit qu'il regrettait de ne pas pouvoir m'aider et qu'il était conscient que c'était un autre délai, mais qu'il était incapable de faire quoi que ce soit pour moi.

En mai, sans avoir suivi de psychothérapie, j'ai été submergé par le TSPT. Après avoir consulté le psychologue de formation, j'ai été référé à un psychologue civil parce que j'avais une carte des Anciens combattants. On m'a également retiré de mon milieu de travail et on m'a à nouveau attribué une catégorie médicale.

• 2225

En septembre 1997, j'ai été référé à un psychiatre civil pour une évaluation par les Anciens combattants, de qui je reçois une pension pour service spécial. Le psychiatre civil m'a affirmé qu'avec une psychothérapie intense et suivie, je serais capable de recouvrer la santé rapidement.

En octobre 1997, le médecin général de l'hôpital de formation a décidé que l'on devrait considérer que je sois libéré pour des raisons médicales.

Le 10 mars 1998, j'ai été informé par mon premier maître de première classe que ma section avait reçu un message le 2 février 1990 m'offrant une période indéfinie de service. Malheureusement, en raison du statut de mon dossier et du conseil de révision des carrières, il semble que je n'étais pas admissible à ceci. Quatre mois auparavant, j'ai fait une demande auprès du PFUMR pour devenir officier. Le DRASA à Ottawa a refusé de me donner une prolongation d'une année pour que je puisse aller à l'université et devenir officier. Donc, ils m'ont donné ma libération. Ils ont ensuite eu l'audace de faire volte-face et de me donner un contrat de service pour une période indéfinie, puis de revenir sur leur parole.

Je suis inquiet concernant le traitement, ou l'absence de traitement, que j'ai reçu de l'hôpital de formation à Halifax. Je ne puis certainement pas dire que j'ai une confiance absolue en leur capacité de gérer les besoins médicaux et les documents. Seulement à titre d'exemple, il y a dans mon dossier médical des indications à l'effet que je suis allé en Somalie et que j'ai subi une vasectomie. Aucune de ces affirmations n'est vraie. Si c'est la façon dont est communiquée l'information médicale confidentielle et dont les décisions sont prises concernant les besoins médicaux et la carrière des gens, j'ai fortement l'impression d'avoir été maltraité.

Bref, j'ai l'impression d'avoir souffert d'abus d'autorité, d'injustice et de mauvais traitement parce que je n'ai pas reçu les soins adéquats et suivis que j'avais demandés, au moment où je les ai demandés. Si j'avais reçu des soins intenses et suivis dès le début de mes difficultés, je ne serais pas dans la situation où je me trouve aujourd'hui, c'est-à-dire de prendre ma retraite avec deux garçons magnifiques et une femme merveilleuse, espérant que mes REER me permettront de tenir jusqu'à ce que j'obtienne mon chèque de départ et ma pension. Il a dit: «Vous feriez mieux de faire un budget», donc je crois que je vais faire un budget.

Il semble que les préoccupations exprimées par mon commandant, qui se sont réalisées... Pour obtenir la mise sur pied d'un groupe de discussion post-ONU, j'ai dû combattre le système et demander à mon commandant d'écrire une lettre—c'est au niveau du commandement—pour poursuivre l'hôpital. L'hôpital et le travailleur social discutent encore: «Oh, nous n'avons pas le mandat. Je ne peux pas faire cela.» L'hôpital dit: Je ne peux pas faire cela.» Le travailleur social dit: «Je ne peux pas faire cela.» Je dis: «Grouillez-vous le derrière et prenez une décision.» Je peux le faire.

Si j'avais reçu les deux semaines de cours relatifs au TSPT—et c'est ce que je demande. Si j'avais reçu le cours du Centre médical de la défense nationale, ainsi qu'un suivi approprié sur une période de 12 mois, je suis persuadé que je pourrais revenir à mon groupe professionnel dans les Forces armées canadiennes, c'est-à-dire le renseignement.

J'ai fait du bon travail à Sarajevo, donnant des séances d'information aux généraux, à trois nationalités en français, en anglais et en serbo-croate ainsi qu'à M. Menzies de l'ambassade des États-Unis. Je reviens à la maison et voilà comment je suis traité.

Je suis persuadé que je suis capable de reprendre mon métier et de poursuivre une carrière vraiment productive, mais comme beaucoup de gens que je connais qui ont été blessés m'ont dit: «Je te le dis Mike, ils vont te libérer.»

Voici le document que j'ai écrit. Tout est ici—des copies des dossiers médicaux pour que vous puissiez les lire. Le rapport qui a suivi le groupe de discussion post-ONU pour lequel j'ai posé des questions y est aussi. Aussi, le général Dallaire m'a envoyé une copie du rapport de l'équipe d'examen du personnel blessé portant sur ce qui m'est arrivé depuis que je suis de retour à la maison. Si vous en voulez une copie, je peux vous la remettre demain.

Je veux vous remercier du temps que vous m'avez accordé. Je vous prie d'excuser mon état actuel, mais c'est très difficile.

Le président: Merci beaucoup pour votre présentation.

M. Jocelyn Naud.

M. Jocelyn Naud (témoigne à titre personnel): Bonsoir, monsieur le président et membres du comité. Je pourrais parler en français, mais je crois que ce serait difficile pour les gens derrière moi qui ne comprennent pas le français. Donc, excusez mon accent.

Mon nom est Jocelyn Naud, matelot-chef à bord du NCSM Athabascan, technicien de marine. Je suis solidaire d'un grand nombre des points qui ont été soulevés jusqu'ici. Vous avez entendu beaucoup de choses; j'ai entendu beaucoup de choses. Je ne peux que faire preuve de compassion. C'est tout ce que je peux faire.

• 2230

Nous avons entendu beaucoup de points, comme la question des logements qui ne répondent pas aux normes.

Nous avons entendu parler des problèmes relatifs à la paie; les personnes du bureau de la paie ne peuvent nous payer. Étrangement, c'est le seul groupe professionnel dans les Forces armées canadiennes qui n'est pas responsable de ses erreurs. C'est vrai. J'ai travaillé sur des moteurs qui valent un million de dollars. Si par erreur, je le fais exploser, je peux être certain qu'on va me faire exploser aussi et me mettre à la porte. Mais ceux qui travaillent au service de la paie font une erreur de 2 000 $... «Au cours des six derniers mois, nous vous avons remis 2 000 $ en trop, vous devez nous les redonner sur la présente paie.» J'ai entendu cela, je l'ai vu et je compatis avec ces gens.

J'ai entendu des gens ce soir ouvrir leur coeur, vous dire: «J'ai fait cela pour ma famille. J'ai fait un chèque qui je le savais ne serait pas honoré, parce que je devais continuer.» Ils l'ont fait et ils viennent ici pour vous le dire. C'est ce que j'appelle du courage. Je tremble, excusez-moi.

Nous avons un problème de ressources pour obtenir des outils. De nos jours, à bord du navire, vous avez une carte de crédit. Si vous avez besoin d'outils et que vous ne pouvez les obtenir par l'entremise du système, vous les achetez à terre. Trouvez-moi une clé anglaise en ville pour un moteur Pratt & Whitney FT4. Je vous mets au défi d'en trouver une. Bien sûr, vous pouvez en commander une à Montréal, mais ils voulaient le moteur il y a une heure. Donc, nous avons des problèmes d'approvisionnement.

Le monsieur qui représentait le syndicat a dit il y a quelques minutes qu'il l'a fait, et c'est vrai. Je le vis à mon niveau. Mais je ne veux pas faire part de mes problèmes personnels; ce n'est pas l'endroit et ce n'est pas votre travail. Vous êtes ici pour entendre parler des problèmes qui nuisent aux Forces armées canadiennes actuellement, du faible moral des troupes dans les Forces armées canadiennes. Ai-je tort ou raison?

Je peux parler des augmentations de salaire. Entre 1990 et 1998, le taux d'inflation a été de 22 p. 100. Je n'ai obtenu que 6 p. 100, mais je ne m'en fais pas pour cela. Je connais un général quelque part qui a obtenu, quoi, une augmentation de 19 p. 100, 25 000 $? Travaillons sur cela. Je suis confiant; je suis certain que je suis entre bonnes mains.

Mais le principal problème au sein des Forces armées canadiennes actuellement, c'est la stagnation dans les grades. C'est de ce dont nous souffrons, nous les jeunes militaires du rang. Nous n'allons nulle part. De nos jours, les membres considèrent les Forces armées canadiennes simplement comme un travail. Ce n'est pas une carrière; c'est un travail. Quand j'y regarde de plus près, je trouve la situation pathétique, et elle l'est.

Il y a trois ans, les Forces canadiennes ont offert le PRF, programme de réduction des Forces, pour réduire. Ils ont donc ouvert certains groupes professionnels et dit, nous voulons ceci, nous voulons cela, mais ils n'ont jamais atteint leurs quotas. Ils ont demandé 80 mécaniciens ici—je m'excuse pour les autres groupes professionnels, mais je parle du groupe des mécaniciens. Ils dont demandé 80 P2, 30 P1, ou peu importe le nombre. Ils n'ont jamais atteint cela. Tant pis, c'est bien triste. Nous avions un petit espoir de pouvoir progresser un peu dans la ligne, mais ça ne s'est pas réalisé.

Il y a deux mois, plus de 100 membres de mon service machines ont entendu: «Votre contrat est terminé? OK, je vous donne une prolongation de trois ans.» Quelle motivation pour moi et pour les hommes qui travaillent pour moi. Tous ces P1, P2 et C2 ont été réengagés. Cela signifie, assoyez-vous et attendez, ils mourront peut-être sans avoir obtenu de promotion.

Corrigez-moi si je me trompe, mais une carrière est faite de perfectionnement, d'accomplissement et d'avancement. C'est ce que ça veut dire pour moi.

Perfectionnement? J'ai un killick qui est killick depuis 12 ans. Comment peut-il se perfectionner en étant killick? Se perfectionner un petit peu plus; vous pouvez améliorer votre travail. Quoi? Il a la responsabilité d'un killick. Il fait son travail; il ne peut pas se perfectionner.

Accomplissement? Hé, fais ce travail. OK, tu l'as réparé; maintenant va à la station de nettoyage. Des gars qui ont 37 ans sont encore sur les genoux à frotter le pont. C'est tout un accomplissement.

Avancement? Il n'y en a aucun. Ce n'est pas une carrière cela. La seule chose que je vois actuellement, c'est que je gagne 35 000 $ par année; donc, vous pouvez m'envoyer nettoyer le pont. Je le ferai. Ça ne me dérange pas.

• 2235

Le résultat de mes réflexions ne concerne que mon niveau—je parle de premier maître de première classe et moins, les militaires du rang... Vous gardez le premier maître de 1re classe et de deuxième classe. «OK, vous avez fait votre temps en mer, nous allons donc vous donner un bureau confortable.» Vous gagnez 55 000 $ par année. Vous avez un bureau; vous avez des hommes qui font le travail et vous faites rapport à un officier. Vous pouvez aussi prendre un après-midi de congé pour aller jouer au golf ou ce que vous voulez.

Pensez-vous que ces gars vont dire: «Je suis fatigué de cette vie, donc je m'en vais, je vais laisser la place à du sang neuf?» Je ne sais pas si vous le feriez, mais je ne le ferais pas. Je gagne 55 000 $ par année et je signe moi-même des autorisations de congé? Je ne changerais sûrement pas de place.

Ce que je pense, c'est que c'est un peu trop confortable. S'ils sont C1, cela signifie qu'ils sont compétents dans leur groupe professionnel. Ils le sont. Nous avons besoin de leurs connaissances à bord d'un navire. Amenez ces chefs à bord et amenez-les avec nous quand nous recevons l'entraînement en mer. Je ne pense pas qu'ils viendront subir cette misère. Ils diront: «J'en ai fait assez; j'ai consacré 32 ans maintenant. Je m'en vais; à la prochaine. C'est terminé, je m'en vais.»

Si un C1 partait, il y aurait sept promotions. Le C2 deviendrait C1; le P1, C2; le P2, P1; et ainsi de suite. Sept promotions pour un homme.

OK, ils ne voudront peut-être pas partir. Ils sont encore capables de venir en mer. Bien. Cela signifie qu'ils feront un peu de travail plutôt que de rester derrière un bureau.

Quand avons-nous besoin d'un répit? C'est au milieu de notre vie. Ce n'est pas quand nos enfants sont grands. Vous voulez les voir grandir. J'aimerais pouvoir aller derrière un bureau au niveau P2 ou P1, un an ou quelque chose du genre, obtenir un diplôme en administration, et suivre mon cours de chef. Puis vous retournez à bord d'un navire.

Mon métier est difficile, dont je ne verrai pas cela. Aussitôt que je deviendrai chef—ce que je ne verrai jamais; malheureusement—j'irai derrière un bureau pour le reste de ma carrière. Si un gars est chanceux, il peut obtenir son grade de chef en 20 ans. Il lui reste alors quinze ans à passer derrière un bureau, aller à la maison, avoir du plaisir, plutôt que «l'an prochain, il y aura 10 mois de déploiement.»

C'est mon travail, je ne me plains pas de cela. J'aime voyager et ce qui va avec.

Une autre chose. Peut-être que vous ne pouvez pas les ramener à bord d'un bateau, parce que quelqu'un derrière eux a pris une décision et a obtenu une promotion en prenant cette décision. Pourquoi n'offrez-vous pas au C1, après qu'ils ont occupé ce grade pendant cinq ans de prendre une commission? Ils deviendraient officiers, ce qui encore là crée une ouverture pour nous, pour la promotion.

Parlons de la formation d'officier. Ils ont actuellement presque autant d'officiers en formation qu'ils font de recrutement. Non, en fait, pas tant que cela—un tiers. Un tiers de tout le recrutement. Nous avons engagé environ 6 000 recrues en 1996 quand j'étais là haut, et 2 000 suivaient le programme d'instruction pour les aspirants officiers. Donc, offrez des commissions à ces chefs et gardez-les dans les rangs des officiers. Je ne sais pas. Je l'offre tout simplement.

Actuellement, il y a 2,3 hommes pour chaque officier. J'ai entendu quelle était la logique derrière cela, l'excuse. Si nous allons en guerre, si nous engageons 100 000 personnes, nous aurons des officiers pour les diriger. Je ne sais pas. La guerre froide est terminée. Si vous engagez 1000 000 personnes, le budget permet seulement de les habiller. De nos jours, nous ne pouvons pas.

Cependant, au sein des Forces canadiennes, peu de personnes croient que le gouvernement agira ou s'occupera de nos préoccupations. Il y a 100 000 militaires dans la région de Halifax, et combien se sont présentés ici? Environ 100?

Nous sommes très sceptiques sur le rôle que vous aurez à jouer. Nous le sommes, même moi, mais je crois que nous devions venir ici vous faire part de nos préoccupations. Pas nos préoccupations personnelles. Nous devrions, mais vous n'êtes pas ici pour vous occuper des problèmes de chacun. Vous n'êtes pas ici pour régler mon problème. Vous êtes ici pour avoir une vue d'ensemble. Voici ce qu'elle est.

• 2240

Notre problème? Nous sommes stagnants. Nous n'avons rien devant nous. Nous voulons une carrière. Nous voulons progresser. Nous voulons avancer. Actuellement, nous sommes stagnants.

Augmentations de salaire? Ce serait bien. J'ai même entendu le Premier ministre dire à la télévision qu'il aimerait gagner autant d'argent qu'une superstar de hockey. Je suis désolé, M. Chrétien, mais on ne vous a pas repêché dans l'équipe canadienne, alors...

Dernièrement, ils ont abaissé les normes. Lorsque je suis entré dans l'armée, il fallait faire 33 tractions sur les bras et 33 redressements assis en une minute, le mille et demi en 12 minutes et 7 tractions à la barre fixe. De nos jours, il faut être politiquement correct. «Dix-neuf tractions? OK. Si vous ne pouvez pas courir, OK. Forcez-vous un peu, car nous ne pouvons pas vous mettre dehors.»

Je ferai seulement une comparaison. Disons que j'ai une équipe de hockey. Je veux avoir la meilleure équipe possible. Qui vais-je prendre? Celui qui fera sa part d'effort ou celui qui butine comme une abeille? Je prendrai celui qui est bon sur ses patins.

De nos jours, nous n'avons même pas le choix. J'ai des jeunes qui viennent à bord qui peuvent à peine faire leur travail. «Grimpe l'échelle et dépêche toi.» Oh, non, non, je n'ai pas à me dépêcher.»

Nous avons des missions à effectuer. Du côté de la mécanique, nous devons combattre des incendies. Cela veut dire que j'amène quatre hommes avec moi. Je suis responsable d'eux, je dois éteindre l'incendie et ramener les hommes.

J'ai presque terminé, M. Bertrand.

Mon seul point est le suivant: donnez-nous quelque chose en retour. Faites qu'il se passe quelque chose. Offrez-nous quelque chose que je puisse au moins montrer à mes hommes—«Les gars, travaillez mieux et vous pourriez obtenir une promotion, si vous êtes chanceux.»

Merci beaucoup de votre temps, et j'espère que vous apprécierez votre séjour en Nouvelle-Écosse.

Le président: Merci beaucoup.

Eric Hazelwood.

M. Eric Hazelwood (témoigne à titre personnel): Honorables président et membres du comité, mon nom est Eric Hazelwood. Je suis présentement en poste à l'immeuble D-201 du chantier maritime.

Je suis un matelot de 1re classe. J'ai 52 ans, je sais donc ce que veut dire le monsieur qui parle de personnes de 35 ans qui frottent le pont. Je l'ai fait.

Je me suis engagé dans la marine en 1965, alors que c'était la Marine royale canadienne et je suis sorti en 1972 à la demande de ma première épouse. Elle n'est plus maintenant, merci.

Puis, je me suis engagé dans les réserves. J'ai été réserviste pendant 20 ans. J'étais classe C à Mill Cove entre 1988 et 1991. Après la guerre du Golf, ils ont coupé les contrats des classes C en raison de restrictions budgétaires.

J'ai fait ma demande pour revenir. Le groupe professionnel était fermé, mais grâce aux recommandations que j'avais et à mon rendement à Mill Cove, ils ont ouvert le groupe professionnel et m'ont repris, donc j'ai été très chanceux. J'ai aussi eu l'aide d'un très bon ami qui était C1, cela a aidé.

Depuis ce moment, je travaille sur l'Iroquois. Je n'ai reçu aucun cours dans l'armée depuis 1968, en communications, aussi tout ce que j'ai eu à faire, j'ai dû le faire par moi-même, apprendre par moi-même.

J'étais en concurrence avec mes collègues. La première année, mon RAP était excellent. J'ai eu un problème avec l'une des personnes avec qui je travaillais et j'ai déposé une plainte de harcèlement. Ils vous disent que cela ne vous causera pas de préjudice. C'est de la foutaise, parce que mon RAP est passé de 7,3 à 6,3 en un an, sans raison valable, sauf que j'avais accusé cette personne. La plainte que j'ai déposée était justifiée.

Je suis donc parti sur un autre navire. J'ai quitté ce navire avec le deuxième meilleur RAP des gens de la radio de notre groupe professionnel pour mon grade.

Je suis ensuite allé à la SFC Mill Cove, et c'est là que les problèmes ont commencé. J'ai reçu pour le dernier trimestre—nous sommes notés pour dix catégories—le rapport trimestriel le plus élevé des membres de notre service de quart. J'ai obtenu 6 A et 4 B.

Un incident est survenu alors que je ne portais pas d'insigne d'identité. On ne me l'avait pas remis. On m'a dit d'en acheter une. J'ai dit qu'il n'y avait pas de problème. Il devait me laisser prendre le véhicule pour aller en acheter une en ville. Il n'y avait pas de problème. Puis, pour une raison quelconque, il a changé d'idée. Il m'a dit: «Vous avez une allocation pour entretien d'équipement, n'est-ce pas?» «C'est correct.» J'ai dit au PO: «Mais cette allocation ne sert qu'à l'entretien de l'équipement qui nous a été remis. Si on ne vous l'a pas remis, ça ne fait pas partie de l'équipement, donc vous n'êtes pas requis d'entretenir quelque chose qui ne vous a pas été remis.» Il n'y avait pas de problème. Je voulais tout simplement clarifier ce point avec lui. Après cela, la conversation s'est terminée. Puis je suis retourné à mon poste et il m'a dit: «Cela vous coûtera un avertissement écrit.»

• 2245

Ce qui est arrivé, c'est qu'il a fait venir mon supérieur immédiat, un P2 et un autre matelot-chef du service de quart dans son bureau et il a dit: «Hazelwood doit avoir le RAP le plus bas des matelots-chefs du service de quart.» C'est ce qui est arrivé.

J'ai obtenu une copie—et j'ai été très chanceux de l'avoir—de mon RAP, qui était rédigé à l'aide de chiffres. J'ai obtenu un score de 8,0. Un autre membre de mon service de quart, qui est un très bon ami, a obtenu 7,9. Il a obtenu le deuxième meilleur score à la SCF Mill Cove cette année. Je ne me suis pas classé dans les 25 premiers. Mes 9 m'ont donné des D et des E. Ses 7 et ses 8 lui ont donné un RAP exceptionnel, c'est-à-dire une cote G, qui est la plus élevée que vous pouvez obtenir.

J'ai formulé un grief. On a fait enquête. Une des personnes qui avait enquêté a dit qu'elle pensait que selon l'enquête, j'avais eu le RAP que je méritais. C'est la seule personne qui a affirmé cela. Le commandant de Mill Cove lui-même et mon premier maître du service de quart m'ont dit qu'ils ne l'avaient pas fait. Ils ont réécrit le RAP.

Le problème c'est que la structure des RAP est bonne pour les ordures. Elle ne fonctionne pas, et la raison pour laquelle elle ne fonctionne pas, c'est que toutes les personnes font partie du même groupe professionnel, mais vous avez peut-être cinq personnes dans le groupe professionnel de la radio, disons à titre d'exemple, dans une unité. Dans cette unité, la personne peut décider ne pas donner de cotes élevées, mais dans une autre unité, la personne les donne comme si elle les avait achetées dans un magasin de seconde main. Le vrai problème, c'est que vous êtes en concurrence avec des personnes de tout le pays, donc ça ne fonctionne pas. Et ils le savent, parce qu'ils ont modifié la structure des RAP depuis 1991, à au moins trois reprises. Au fond, c'est un concours de popularité qui détruit beaucoup le moral des gens. Mon moral est descendu à zéro lorsque j'ai vu qu'avec la cote que j'avais, je n'étais même pas dans les 25 premiers.

Puis en 1996, un très bon ami à moi, un P1, s'est suicidé. Il s'est pendu. On nous a encouragés à dire ce que nous savions à la police militaire, si nous pensions pouvoir contribuer à l'enquête. Je l'ai fait. Je suis la seule personne en service qui a fait une déclaration.

Dans cette déclaration, j'ai nommé un individu qui, selon moi, était un des facteurs qui avait mené au suicide de cette personne. C'était une personne qui mettait plus de pression sur la personne que c'était nécessaire, et la personne s'est enlevée la vie. La police militaire m'avait affirmé que cette déclaration était faite en toute confidentialité. Mais en fin de compte, la déclaration a été remise à ce certain C1.

J'ai été appelé pendant mes jours de congé. On m'a dit: «À partir de lundi, vous êtes renvoyé de Mill Cove.» Pas de problème. J'allais travailler au chantier maritime, dans un poste quelconque. Ils voulaient me garder en raison de mon expérience. Il n'y avait pas de problème, donc j'ai été au chantier maritime, mais il fallait encore que j'obtienne le poste que j'étais censé occuper.

Il y a eu une réunion des gestionnaires de carrière. Dans notre groupe professionnel, tous se sont vu offrir des conditions de service. J'ai 52 ans. Pour obtenir ma pension, je dois rester dans l'armée jusqu'à l'âge de 55 ans, parce qu'apparemment vous ne pouvez obtenir une pension—je viens de découvrir cela—à moins d'avoir accumulé 20 ans de service dans les forces régulières, que ce soit en service continu ou non. Donc, le temps que j'ai passé dans la réserve sera considéré seulement après que j'aurai accumulé 20 ans. Je ne peux pas obtenir cela en raison de mon âge, dont je dois rester jusqu'à 55 ans.

J'ai reçu un message exclusif d'Ottawa disant que je n'étais pas réengagé en raison d'un faible rendement persistant.

Le conseil de promotion à Ottawa dispose de quatre choses pour vous juger: un RAP annuel, un RAP spécial, des lettres e recommandation et des rapports de cours. Je n'ai pas suivi de cours depuis 1968, ils n'ont donc aucun rapport de ce genre. Il n'y a aucune lettre de recommandation parce que je n'ai pas sauvé la vie d'un général ou d'un amiral dernièrement. Et il n'y a pas de RAP spécial. Donc, ils doivent me juger selon mes RAP annuels.

• 2250

Le rapport le plus faible qui a été envoyé à Ottawa—et j'ai des copies des rapports—est coté D, ce qui est au milieu de la moyenne; c'est un RAP assez commun. Donc, d'où vient le faible rendement persistant, nous ne le savons pas.

J'ai engagé... M. David Bright, C.R., a examiné toute ma documentation. Il avait plus de documentation que ce qu'Ottawa avait, parce que je lui ai donné des notes et tout ce que j'avais, bon et mauvais. La lettre que j'ai reçue de lui affirme: «Il n'y a pas lieu. Votre rendement était régulièrement dans la moyenne ou au-dessus de la moyenne.» Il a ajouté: «Bien qu'il y ait eu des commentaires de la part de vos superviseurs, ils n'avaient rien à voir avec votre rendement.» Actuellement, ils sont entre les mains de William Leahey, un autre avocat, parce que je sors le 8 juillet. C'est comme cela.

La personne que j'ai nommée dans ma déclaration à la police, cette même personne siégeait au conseil de promotion à Ottawa pour me juger, ce qui me semble un peu étrange. J'ai posé des questions et mon gestionnaire de carrière m'a dit: «Oh, non, non, tout est honnête au conseil de promotion.» J'ai dit que je doutais de l'intégrité du conseil de promotion, sachant ce sur quoi ils m'avaient jugé.

J'aurai terminé le 8 juillet. Tout ce qui m'a été redonné, c'est le remboursement de mes contributions. J'ai perdu ma pension. J'ai un fils de 23 ans qui fréquente l'université. Je suis propriétaire d'une maison. Mon épouse ne travaille pas. J'ai une fille de 7 ans et un fils de 12 ans.

Le 9 juillet, je serai au bureau du ministre de la Défense nationale à Ottawa avec des chaînes aux chevilles, s'il n'est pas possible d'arriver à une certaine solution. Je n'ai rien fait pour mériter cela, mais c'est avec cela que je dois composer.

Voilà, c'est tout.

Le président: Merci.

M. Eric Hazelwood: C'est moi qui vous remercie.

Le président: Le dernier témoin est l'adjudant-chef Rick Moffatt.

L'adjudant-chef Rick Moffatt (témoigne à titre personnel): Bonsoir. J'aimerais moi aussi vous souhaiter la bienvenue à Halifax, au nom de l'armée. Je suis lÂadjudant-chef Moffatt. Je fais partie des Princess Louise Fusiliers. Actuellement, j'ai l'honneur d'être le sergent-major régimentaire de ce que je considère comme l'un des meilleurs équipements au Canada.

Récemment, les quartiers généraux supérieurs ont déterminé qu'une unité de réserve avait besoin de 40 jours d'entraînement de classe A pour que les soldats conservent les habiletés qui leur permettent de soutenir le concept de la force totale. Ce que je veux dire par là, c'est que pour conserver ses habiletés et pour être en mesure de soutenir l'ONU ou toute force régulière, un réserviste, en excluant l'été, a besoin de 40 jours d'entraînement.

Je suis d'accord avec ce calcul, Cependant, au cours du présent exercice financier, la brigade, mon quartier général supérieur, a financé 32 jours d'entraînement pour notre unité. Lorsque je regarde en dehors de la réserve, je vois une autre histoire. Je regarde l'escadron des communications, qui s'entraîne ici dans mon manège militaire, ils ont 40 jours d'entraînement. Ils sont à l'extérieur du quartier général de l'armée; ils ont leur propre commandement. Et les réserves en donnent un peu plus au soldat pour le rassemblement.

Si je regarde la réserve aérienne, ils ont 15 jours par mois. Si je regarde la réserve de la marine, ils ont 42 jours d'entraînement pour leur classe A. En raison de cette situation, il est extrêmement difficile pour l'unité de réserve d'Halifax d'attirer de jeunes soldats lorsque vous concurrencez avec d'autres personnes qui en obtiennent plus et ont plus d'entraînement.

Tous ces endroits ont aussi un meilleur entraînement, ou du moins un entraînement beaucoup plus facile à passer, pour les cours d'été. La marine emploie tous ces gens dans diverses tâches estivales, ici sur la côté, sur la côte ouest ou dans le centre du Canada. Ce que j'ai de mieux à offrir à un fantassin, habituellement après qu'il ait suivi son cours de base dans un groupe professionnel, c'est trois semaines d'emploi.

Récemment, les réserves ont reçu une augmentation de salaire longuement attendue et grandement méritée. Cependant, si le budget de l'unité n'est pas augmenté, l'augmentation de salaire ne donne rien. Cela signifie vraiment que le soldat est payé plus pour faire moins.

• 2255

On nous a aussi accordé un montant global pour compenser le soldat de classe A pour ses congés. Ceci donne droit à un autre 9 p. 100 en plus du salaire de base qu'il recevra tous les trimestres. Mais ici aussi, s'il n'y a pas d'augmentation de budget, cela signifie que l'unité devra diminuer son entraînement de 9 p. 100.

La réserve de l'armée canadienne, ou milice canadienne, a combattu pour maintenir la liberté du Canada et des alliés. Aujourd'hui, nous utilisons les Forces de la réserve pour augmenter la force régulière lors des missions de l'ONU. Un bon nombre des soldats que nous entraînons passent dans la force régulière pour poursuivre une carrière dans l'armée. D'autres partiront, disant que l'armée ce n'est pas pour eux. Mais tous auront une meilleure compréhension de l'armée, une meilleure compréhension du Canada et deviendront de meilleurs citoyens canadiens.

Les réservistes prêtent le même serment que les membres des forces régulières, à savoir de veiller sur notre pays, de venir en aide à notre pays en toutes les circonstances, que ce soit des inondations, des tempêtes de verglas ou la guerre. Les besoins de la réserve de l'armée sont semblables à ceux de la réserve aérienne et à ceux de la réserve de la marine. Nous avons besoin d'une mission claire. La marine dispose de nouveaux navires pour défendre les côtes. L'armée de l'air a aussi défini un rôle clair pour ses réserves. L'armée de terre ne l'a pas fait.

Nous avons besoin d'un budget réaliste, un budget qui est déterminé au quartier général supérieur—à un niveau vraiment supérieur—et réparti entre les réserves. Présentement, le budget des réserves est décidé par le quartier général de la force régulière, et chaque fois on en enlève un peu plus du budget.

Nous avons besoin de temps pour entraîner le soldat au manège militaire.

L'autre chose dont je veux parler, et ce sera bref, est le système de paie de la réserve. Depuis des années, le système de paie de la réserve est vraiment médiocre. J'ai eu soldats qui n'ont pas été payés pendant huit mois. J'en ai parlé aux généraux chaque fois et leur ai dit: «Écoutez, général, mon soldat ici n'a pas été payé depuis huit mois.»

«Oui, nous savons. C'est un problème. Dans deux semaines, je vais débrancher cet ordinateur s'il ne fonctionne pas et nous allons acquérir autre chose.»

Un mois plus tard, je revois le général: «Général, que se passe-t-il? Vous n'avez pas débranché l'ordinateur. Le système ne fonctionne toujours pas.»

«Oui, je sais, mais nous venons juste de dépenser 15 millions de dollars sur ce système. Je ne suis pas autorisé à le débrancher. C'est le travail du gars qui est au-dessus de moi.»

J'ai parlé au chef d'état-major de la Défense: «Monsieur, nous avons un problème avec les réserves. Nous ne les payons pas.»

«Oui, je sais. Dans deux semaines, nous allons débrancher cet ordinateur.»

J'en parle depuis trois ans, inlassablement. Personne n'a encore débranché l'ordinateur. C'est une décision politique et personne n'a le courage de dire: «OK, nous avons maintenant dépensé 32 millions de dollars sur ce système. Je vais débrancher l'ordinateur.» Mais personne ne le fera.

Au fil des ans, ils ont installé d'autres systèmes et c'est toujours la même chose. Aucun d'entre eux ne fonctionne. Certains soldats font déposer leur paie dans leur compte. Ils n'ont aucune idée de ce qui est déposé dans leur compte. Il n'y a pas de relevé. On leur dit seulement que la paie a été déposée dans leur compte. Parfois, ils reçoivent un relevé de paie et le montant qui y est dactylographié est rayé et il y a un montant d'écrit à la main par-dessus. Ils ne savent pas à quoi correspond cette paie. Il n'y a rien pour leur indiquer s'il s'agit de leur indemnité de campagne. Il n'y a rien pour leur indiquer quelles sont les fins de semaines et les nuits payées. Il n'y a rien pour leur indiquer s'il s'agit d'une paie consécutive à une réclamation. Il n'y a qu'un chèque.

De temps en temps, vous obtenez un relevé qui équivaut à peut-être neuf mois de salaire. Il y a un montant énorme duquel on a soustrait un autre montant énorme pour tenir compte des paiements locaux reçus au cours des neuf derniers mois. Je le répète, c'est vraiment difficile de déterminer exactement ce pour quoi vous êtes payé et ce pour quoi vous ne l'êtes pas.

C'est tout ce que j'ai à dire. Merci de votre temps. J'espère que vous appréciez votre séjour en Nouvelle-Écosse.

Le président: Merci.

M. Benoit.

M. Leon Benoit: Merci, chef. Ce dont vous nous avez parlé concernant l'entraînement des réserves de l'armée ici... on nous a dit à plus d'une reprise que cela ne se produisait pas. Donc, de que vous dites vient en contradiction avec ce que l'on nous a dit auparavant, et je veux découvrir pourquoi.

Le deuxième point concerne le système de paye. Il faut que quelqu'un admette qu'il s'agit d'un fiasco monumental, qu'il faut fermer le tout et adopter un nouveau système.

Y a-t-il selon vous une raison pour laquelle le système de paie de la force régulière ne devrait pas être utilisé pour les réservistes?

• 2300

Adjuc Rick Moffatt: Non, je ne vois pas de problème à utiliser le système de paie de la force régulière, sauf que le salaire de la force régulière est plus facile à calculer parce qu'il n'est pas nécessaire de calculer le nombre de jours d'entraînement. Vous payez une personne de la force régulière 365 jours par année.

M. Leon Benoit: Oui.

Adjuc Rick Moffatt: Je ne pense pas que nous ayons à inventer quoi que ce soit. Il existe un grand nombre de systèmes de paie chez les civils. Ils paient tous leur personnel. Ils sont payés toutes les deux semaines, ou ils quittent. Je suis étonné que l'on permette à l'armée canadienne de faire cela.

M. Leon Benoit: Merci.

Le président: M. Hanger.

M. Art Hanger: J'ai toujours été sous l'impression que le budget des réserves était plutôt fixe. Ce que vous mentionnez ici, c'est qu'il est pris à même le budget des forces régulières.

Adjuc Rick Moffatt: Oui. Prenons les inondations, par exemple. Nous avons utilisé des réservistes. Cet argent est prélevé du budget de rassemblement pour payer les réservistes qui ont travaillé lors des inondations. C'est ainsi que notre budget d'entraînement se trouve réduit.

M. Art Hanger: Et qui juge qu'il doit en être ainsi?

Adjuc Rick Moffatt: Ce n'est pas à mon niveau.

M. Art Hanger: Je n'en doute pas. Dans les cas d'urgence, le gouvernement n'a-t-il pas des programmes d'urgence pour fournir l'agent requis? Ils ne le prendraient pas nécessairement dans le budget des réservistes qui sont en réalité aussi impliqués dans le même service.

Adjuc Rick Moffatt: Non. C'est assez courant que l'on reprenne des portions de notre budget. En 1997, ce n'est qu'à l'automne que nous avons connu le budget réel pour l'exercice financier.

M. Art Hanger: Donc, vous ne savez jamais comment... En fait, vous ne pouvez planifier d'avance.

Adjuc Rick Moffatt: Non. Vous ne pouvez rien planifier d'avance. Le budget de cette année est maintenant connu. C'est mieux que l'an dernier. Nous disposons de 32 jours par soldat.

M. Art Hanger: Si un certain nombre de ces jeunes hommes demandaient à faire partie des réserves, il est vraiment difficile de déterminer l'ampleur de cette contingence jusqu'à ce que vous connaissiez le résultat.

Adjuc Rick Moffatt: C'est très difficile. Ils proposent quelques possibilités. Une chose, c'est qu'ils ont pris les recrues et qu'ils ont dit qu'un quartier général supérieur paierait pour les recrues de façon à ne pas diminuer le budget de l'unité.

Mais au fur et à mesure que l'année progresse et que nous approchons de la fin de l'année en mars, il est courant que nous soyons obligés de fermer l'unité parce que nous n'avons pas de budget pour l'entraînement. Ainsi nous nous rendons aux deux dernières semaines de mars, comme nous l'avons fait l'an dernier et bien d'autres années et, soudainement, de l'argent devient disponible. Mais c'est beaucoup trop tard. C'est difficile de planifier. C'est difficile d'organiser un bon entraînement.

M. Art Hanger: C'est ce que je crois. Vous m'expliquez en fait les récriminations que j'ai entendues de la part des gens qui ont joint les réserves. Tout semble se désagréger. Les choses ne se passent pas comme elles devraient, en raison d'un manque d'argent. Est-cela?

Adjuc Rick Moffatt: Définitivement.

M. Art Hanger: OK. Merci beaucoup.

Adjuc Rick Moffatt: Merci encore.

Le président: Merci beaucoup.

Mesdames et messieurs, ce fut une longue soirée. Je veux seulement remercier tous ceux et toutes celles qui sont venus ce soir. Nous reprendrons demain à 8 h 30.

La séance est ajournée.