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NDVA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON NATIONAL DEFENCE AND VETERANS AFFAIRS

COMITÉ PERMANENT DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES ANCIENS COMBATTANTS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 29 avril 1999

• 1200

[Traduction]

Le président (M. Pat O'Brien (London—Fanshawe, Lib.)): La séance du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants est ouverte. Avant de céder la parole à nos témoins, je vais permettre à M. Goldring de nous annoncer une triste nouvelle qui nous touche tous, particulièrement au vu du sujet à l'ordre du jour.

Monsieur Goldring.

M. Peter Goldring (Edmonton-Est, Réf.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Pendant la fin de semaine, M. Gordon Olmstead, un homme qui a longtemps défendu les intérêts des marins marchands, est décédé. J'ai assisté à ses obsèques hier. Il y avait là beaucoup de monde. Son fils a parlé de lui en termes très nobles, et très affectueux bien sûr. Ce marin marchand de la Seconde Guerre mondiale avait été prisonnier de guerre pendant quatre ans, et depuis cette époque—c'est-à-dire pendant des années—il s'est battu pour qu'on améliore le sort des marins marchands.

Si c'était possible de le faire, mais j'ignore si ce l'est, je pense que la meilleure façon de rendre un hommage éternel à cet homme serait d'intituler le projet de loi C-61, la Loi Gordon Olmstead. Je pense que ce serait un hommage tout à fait indiqué. Mes collègues voudront peut-être y songer.

Mais je tiens à dire qu'il y avait beaucoup de monde à ses obsèques, et qu'on lui a rendu l'hommage qui lui convenait. Merci.

Le président: Merci, monsieur Goldring.

J'ai moi aussi eu le plaisir, en mai dernier, de faire un pèlerinage en Angleterre avec un certain nombre de nos anciens combattants, dont M. Olmstead et sa femme, qui l'accompagnait—des gens fort aimables. M. Goldring était du voyage. C'était un honneur que d'entendre M. Olmstead parler de son vécu.

Je tiens à présenter mes condoléances, en ma qualité de président du comité, et au nom du gouvernement du Canada, à Mme Olmstead et à sa famille en cette heure de deuil.

Merci d'avoir accepté notre invitation., Je sais que vous étiez à ses obsèques, et que le gouvernement y était également bien représenté.

Entrons maintenant dans le vif du sujet. Nous souhaitons la bienvenue, tout d'abord, à Cliff Chadderton, président du Conseil national des Associations d'anciens combattants du Canada.

Voulez-vous nous présenter votre collègue, monsieur Chadderton?

M. H. Clifford Chadderton (président, Conseil national des Associations d'anciens combattants du Canada): Oui, bien sûr.

Monsieur le président et membres du comité, c'est un grand privilège pour moi que d'être ici. Je tiens moi aussi à rendre hommage à Gordon Olmstead, et je tiens à dire que j'ai reçu, il n'y a pas très longtemps de cela, une lettre de Gordon où il me disait que ce n'était peut-être pas nécessaire pour moi d'accepter votre invitation. J'étais disposé à l'écouter en raison du respect que je lui portais; cependant, il a plus tard changé d'idée et dit et m'a conseillé de venir. Voilà pourquoi votre comité a peut-être entendu dire que j'avais annulé mon témoignage et que j'avais changé d'avis par la suite.

Mon collègue s'appelle Brian Forbes, il exerce le droit à Ottawa. Il est également le secrétaire général bénévole du CNAAC.

Je tiens à citer un cas, si vous le permettez, qui explique bien ma présence ici aujourd'hui. Cet homme s'appelle Kelly. Il s'est engagé dans la marine marchande au tout début de la guerre. Il était à bord d'un navire, non pas à titre de membre d'un dépôt d'équipage, mais à bord d'un navire privé. Il a été blessé lorsqu'un câble s'est rompu et lui a arraché presque toute la chair de la jambe droite. Lorsque le navire est parvenu à Liverpool, il a été hospitalisé. Le gouvernement britannique s'est occupé de lui pendant trois mois puis l'a renvoyé. Le gouvernement canadien n'était nullement responsable de cet homme en aucun temps—et l'on parle ici d'un homme qui avait déjà fait trois voyages en eaux dangereuses.

Il a travaillé pour payer son retour à Halifax, puis il a fait de l'auto-stop de Halifax jusqu'à Winnipeg. Il a vécu du secours direct parce qu'il ne pouvait plus travailler; il avait été grièvement blessé. Il a vécu par intermittence du secours direct, ou du «bien-être social», comme on appelait ça, de 1945 jusqu'à 1962, lorsqu'on a modifié l'allocation aux anciens combattants à laquelle il a eu droit. Il est mort peu de temps après.

• 1205

Vous voyez le genre de chose. On entend beaucoup parler des prestations qui nous ont été refusées et du reste, mais je crois sincèrement que cette histoire n'a rien à voir avec ce qui s'est fait après la Seconde Guerre mondiale, lorsqu'on nous a refusé nos prestations, mais cela a tout à voir avec la façon dont le gouvernement s'est occupé des marins marchands pendant la guerre.

Il y a quelque temps, j'ai remis à votre comité le texte de mon mémoire principal, qui était dans les deux langues officielles, et qui vous a été remis, je crois. Je ne m'y reporterai pas aujourd'hui. Je suis très conscient du fait que le comité a déjà entendu des tas d'information, et je ne veux pas les répéter, alors je vais m'en tenir aux faits saillants et attirer votre attention sur un document d'information, que le greffier vous a remis, je crois, lequel s'intitule «Indemnisation: membres de la marine marchande du Canada». Ainsi, on pourra économiser beaucoup de temps.

Tout d'abord, permettez-moi de vous expliquer ce qu'est le conseil national. Le Conseil national des Associations d'anciens combattants est un organisme accrédité depuis 1932. Il regroupe aujourd'hui 34 organisations, et l'on y trouve des groupes qui ont été formés en temps de paix—les infirmières, les parachutistes, les amputés de guerre, un peu tout le monde et son frère—et ce sont les gens au nom de qui je parle aujourd'hui.

J'aimerais maintenant mentionner le document que l'on a produit sur un site Web au ministère des Affaires des Anciens combattants qu'on vient d'actualiser, en avril 1999, et une déclaration de Fred Mifflin, le ministre responsable: «Le Canada est le pays qui s'occupe le mieux de ses anciens combattants parce que Anciens combattants Canada a toujours eu les yeux tournés vers l'avenir et non vers le passé».

J'ai déjà entendu ça, à savoir que nous avons la meilleure Loi des anciens combattants du monde; j'entends cela depuis 1945, et je vous dirai avec fierté que j'ai eu quelque chose à voir avec ça dans le temps. Je suis beaucoup plus vieux que j'en ai l'air. D'ailleurs, je vais célébrer le mois prochain mon quatre-vingtième anniversaire de naissance. Cependant, mon certificat de naissance dit que j'ai soixante ans, et s'il y en a parmi vous qui veulent venir à ma fête, sachez tout de suite qu'il n'y aura pas de fête.

J'aimerais maintenant parler de la déclaration de Mifflin. Il rend hommage non seulement aux gouvernements présents et passés, mais aussi au travail fait par la Légion royale canadienne, les Anciens combattants de l'armée, de la marine et des forces aériennes au Canada, les amputés de guerre, et toutes ces organisations d'anciens combattants, et nous en sommes très fiers. Mais je dois dire, dans l'état actuel des choses, qu'on est parfaitement en droit de se demander si le Canada a la meilleure Loi des anciens combattants du monde. Il y a une tache noire sur cette loi, et je pense qu'il faut faire quelque chose pour la laver, et je parle bien sûr du cas des marins marchands, pas seulement du projet de loi C-61 et des mesures que nous espérons vous voir prendre après cela.

J'ai souligné certains passages du document pour qu'il vous soit facile de suivre; je vais tourner une page et vous allez voir de quoi je parle. Mais tout d'abord, au sujet des informations que votre comité a reçues, sachez que les amputés de guerre ont réalisé un vidéo qui s'intitule Le bateau ou le cachot, et nous avons remis à votre comité le scénario de ce film en anglais et en français. On le diffuse sur des chaînes communautaires partout au Canada, très régulièrement, et ce texte fait partie intégrante de notre mémoire.

Notre mémoire principal est sur papier blanc, et comme je l'ai dit, vous l'avez déjà reçu. Le reste de notre exposé se fonde sur le document que j'ai en main, mon document d'information.

Le président: Monsieur Chadderton, à titre d'information, je vous dirai qu'à la dernière séance, j'ai une fois de plus invité les membres du comité à visionner le vidéo que vous nous avez remis, et j'ai donc la certitude que tous les membres du comité ont eu en main une copie de ce vidéo pendant assez longtemps et ont eu la chance de le visionner.

M. Clifford Chadderton: Je le sais, monsieur le président. Merci beaucoup.

Dans mes notes d'information, je vais faire référence au document principal, mais je vais tâcher de m'en tenir à l'essentiel.

• 1210

Votre comité a déjà discuté des autres groupes qui étaient visés par la Loi sur les avantages liés à la guerre pour les anciens combattants de la marine marchande et les civils, par exemple le personnel des services auxiliaires, le personnel des traversiers en service commandé et autres. Je tiens à dire au comité que le Conseil national n'abandonne pas du tout ces groupes. Nous avons plaidé leur cause avec vigueur, mais nous pensons que votre comité doit s'intéresser surtout aux marins marchands et faire quelque chose pour eux.

L'autre chose qui est très importante pour moi, c'est la question des pensions qu'on a décidé de verser pendant la guerre. J'attire votre attention sur l'arrêté en conseil 3359, et sur la date, le 10 novembre 1939. C'est à ce moment-là que l'on a décidé de verser des pensions, et c'est aussi à ce moment, à mon avis, que le gouvernement du Canada s'est mis à faire des déclarations grandiloquentes sur les sacrifices des marins marchands, mais sans donner de suite législative à ces beaux propos. Cette disposition de novembre 1939 dit qu'un marin marchand n'aura droit à une pension que si la blessure ou la mort a été causée lors d'une opération ou d'une contre-opération engageant l'ennemi. Si l'on compare cela au principe d'assurance qui protège les membres des forces régulières, ça ne va pas très loin.

On disait aussi dans cet arrêté en conseil draconien que le marin marchand devait présenter une demande dans l'année qui suivait l'incident. Il pouvait s'agir d'un homme, comme c'est arrivé à mon ami Kelly, qui a été hospitalisé à Liverpool et qui n'aurait pas eu le temps de faire une demande même s'il avait été au courant.

Deuxièmement, un grand nombre de marins marchands, à cause de la nature même de leur service, ne se sont jamais établis suffisamment longtemps pour savoir à quoi ils avaient droit s'ils étaient blessés en conséquence d'une opération engageant l'ennemi.

Autre chose, je défie quiconque ici présent de définir ce que c'est qu'une «contre-opération». Pensez-y un instant, s'il vous plaît. Il est dit opération ou contre-opération engageant l'ennemi, mais que veut dire «contre-opération»? Est-ce que ça veut dire que le capitaine du navire a reçu un signal lui disant qu'il y avait des sous-marins allemands dans le secteur et que le convoi devait se mettre à zigzaguer? Dans un tel cas, chaque marin marchand aurait eu droit à une pension parce que tous les convois zigzaguaient à moins d'être à bord du Queen Elizabeth, qui pouvait distancer les sous-marins et tout le reste.

Dans un témoignage antérieur devant votre comité, j'ai parlé de la question de la perte financière. Je ne vais pas citer de chiffres aujourd'hui sauf ceux-ci. Prenez par exemple le soutien du revenu, à savoir l'allocation aux anciens combattants pour les anciens des forces armées. Sachez que les marins marchands n'ont eu droit à cette allocation qu'à partir de 1962. Si vous n'y avez eu droit qu'en 1962, comme mon ami Kelly, combien d'argent avez-vous perdu parce que le gouvernement a attendu 17 ans pour faire quelque chose? Je pense que nos actuaires ont sorti un chiffre comme 45 000 $ au moins.

Pour ce qui est des pensions d'invalidité, il n'y avait pas de protection réaliste avant 1992. Si l'on prend le cas moyen d'un pensionné pour invalidité à 40 p. 100 qui n'y a pas eu droit avant 1992 ou 1993, à combien s'élèverait sa perte à 40 p. 100 après toutes ces années? Il s'agit de 47 ans. Il aurait perdu environ 70 000 $.

Le cas des veuves, monsieur le président et membres du comité, ne vous a pas vraiment été présenté. J'ai lu tous vos procès-verbaux. Vous voyez, un gars qui avait été marin marchand en 1945 n'a eu droit à l'allocation aux anciens combattants qu'en 1962. S'il était mort et qu'il avait été marié, sa veuve n'aurait jamais même été considérée comme une veuve par ACC.

Pour ce qui est des pensionnés, ce n'est pas avant 1992 que les pensionnés ont été déclarés admissibles à la protection complète offerte aux anciens combattants. Si l'ancien combattant était mort avant 1992 et qu'il avait une veuve, elle est ce que j'appelle une veuve fantôme. Elle existe, mais personne n'a de dossier sur elle, et en vertu de la loi, elle n'a droit à rien. Je ne dis pas qu'elle a nécessairement droit à quelque chose. Je parlerai de rétroactivité plus tard. Mais je dis que tout cela fait partie intégrante de la façon dont nous avons traité les marins marchands pendant la guerre et de la façon dont nous les avons traités dans les 47 années qui ont suivi la fin de la guerre.

• 1215

Nous en venons maintenant à un aspect dont on a souvent parlé devant ce comité, à savoir les avantages correspondant à ce que nous appelons la Charte des anciens combattants. Ils étaient à peu près au nombre de 24 et les marins de la marine marchande n'étaient admissibles qu'à un assez petit nombre d'entre eux. Je ne vais en citer que deux ou trois comme les allocations de réadaptation, la prime de réintégration dans l'emploi civil, l'aide à l'éducation, la Loi sur les terres destinées aux anciens combattants, et d'autres mesures de ce genre. Mais ce n'est pas surtout à cet égard que nous invitons le gouvernement à agir aujourd'hui. Je vais recommander le versement d'une somme globale. En effet, ils n'ont pas pu profiter de tout cela, mais également ils n'ont pas profité de tout ce qui était offert aux anciens combattants des forces armées, dont je suis, alors qu'ils étaient en service et au cours des 47 années qui ont suivi leur service.

J'aimerais signaler à l'attention du comité—et je sais que les députés l'apprécieront—l'arrêté en conseil du 10 novembre, dont j'ai déjà parlé. Pourtant, selon certains documents, me dira- t-on, vos marins de la marine marchande étaient protégés depuis 1939. Permettez-moi donc de rappeler le principe de l'assurance. Selon ce principe, l'homme de mon régiment, les Royal Winnipeg Rifles, qui se faisait frapper par un taxi à Winnipeg et perdait une jambe était protégé. Voilà ce que c'est, le principe de l'assurance. Dans le cas de la marine marchande, selon cet arrêté en conseil, il fallait que l'accident ait lieu au cours d'une opération directe avec l'ennemi ou d'une contre-opération. C'est à cet arrêté en conseil que remonte ce que j'ai appelé la tache noire sur le dossier.

Je sais également que les députés aiment citer des lois et j'attire donc votre attention sur la Loi d'indemnisation des marins marchands, adoptée en 1946, soit vers la toute fin de la Seconde Guerre mondiale. Le gouvernement a fini par faire adopter une loi. Et que prévoyait cette loi? Elle prévoyait que, si un marin de la marine marchande décédait en mer, la responsabilité incombait à l'employeur ou relevait de la loi provinciale sur l'indemnisation des accidents du travail. Il n'y avait à l'époque qu'une seule province, la Colombie-Britannique, qui accordait une telle protection. Donc, même aussi tard qu'en 1946, les ministres du gouvernement louaient le travail des marins de la marine marchande et leurs sacrifices, mais cette même année, ils ont adopté une loi selon laquelle la responsabilité incombait à l'employeur. Ils exigeaient tout de même que l'employeur verse une pension. Cette pension était de 45 $ par mois pour la veuve, et c'était tout.

C'est là un aspect important du dossier, monsieur le président. Vous comprenez qu'il s'agit d'un dossier fort complexe. Cet aspect est important. Il fait partie d'un tout.

Maintenant, pour ce qui est de la proposition de paiement, on en a déjà fait état à diverses reprises. Il s'agit d'un paiement à titre gracieux. Selon certains, un tel paiement ne sera pas d'une grande utilité aux marins de la marine marchande qui sont déjà morts. C'est bien vrai, mais le paiement va certainement être utile à ceux qui sont encore vivants. Dans le cas d'un paiement forfaitaire, il s'agit de reconnaître une erreur et de tenter de la corriger en faveur des personnes qui sont encore vivantes et de leurs bénéficiaires.

J'ai parlé de quatre types de paiements à titre gracieux au sujet desquels j'ai effectué un certain travail. Dans l'un des cas, il s'agit du premier accident touchant des marins de la marine marchande: l'explosion qui a eu lieu à Halifax en 1917. Certains seront peut-être étonnés d'apprendre que le ministère des Anciens combattants continue de verser des prestations à certains survivants. Il s'est agi d'une sorte de paiement à titre gracieux. Le paiement versé aux Canadiens d'origine japonaise était du même type. Ce fut également le cas du paiement versé aux victimes de la thalidomide au Canada. Le paiement versé aux anciens combattants de Hong Kong était également un paiement à titre gracieux.

Ce qui m'a toujours frappé, monsieur le président, mesdames et messieurs, c'est que ce genre de paiement à titre gracieux ne fait porter aucun blâme sur qui que ce soit. Il s'agit d'une situation tellement complexe qu'il ne convient pas de blâmer tel ou tel gouvernement. Il faut simplement faire face à la situation. C'est ce que nous devons tenter de faire aujourd'hui; nous devons tenter de corriger la situation.

• 1220

Le président: Monsieur Chadderton, veuillez pardonner mon intervention. Je constate que mes collègues sont impatients de vous poser quelques questions. Je comprends cela, étant donné que je siège moi-même à de nombreux comités. Par ailleurs, vos réponses sont habituellement très utiles et très appréciées. Puis-je donc, sans vouloir vous presser, vous demander de passer à votre conclusion? Il me semble que les questions seront très utiles. Je tiens tout simplement à faire en sorte que nous disposions de tout le temps voulu pour les questions.

M. Clifford Chadderton: Très bien, très bien.

Si on en arrive à accorder un versement global, je tiens à répéter que ce ne doit pas être tout simplement parce que ces gens n'étaient pas admissibles aux avantages liés à la Charte des anciens combattants comme la formation professionnelle. Ce devrait être parce qu'ils ont attendu durant des années pour des mesures de soutien du revenu—jusqu'en 1962. Ils ont attendu jusqu'en 1992 pour bénéficier d'une pension digne de ce nom, et le gouvernement n'a créé pour eux aucun programme de rétablissement.

Je vous invite à réfléchir à la proposition que nous avons faite. Je fréquente les comités du gouvernement depuis fort longtemps et je sais bien qu'il n'est pas facile de faire accepter des mesures qui risquent de coûter, par exemple, 200 millions de dollars. Il me semble que vous pourriez vous inspirer du règlement dans l'affaire de la thalidomide—une rente, le versement d'un montant global, puis d'un montant mensuel, après quoi le montant restant irait aux bénéficiaires au moment du décès de la personne.

Dans le cas des marins marchands qui ont été prisonniers de guerre, vous avez parlé de Gordon Olmstead et je tiens à vous rappeler que son cas représente à peu près ce qu'il y a de plus grave comme omission dans nos programmes visant les anciens combattants. Cet homme a été prisonnier de guerre durant six ans. Pourtant, aux termes de la Loi sur les pensions, on ne lui a autorisé un versement que pour 910 jours. Or, il avait été prisonnier durant 2 190 jours. Nous ne pouvons revenir en arrière dans le cas d'Olmstead, mais nous sommes peut-être en mesure de réparer les pots cassés dans le cas d'un certain nombre de prisonniers de guerre survivants. Ici encore, on peut constater que les gouvernements qui se sont succédé n'ont pas tenu compte de ce qu'avaient fait ces personnes et qu'il n'y avait rien dans la législation à leur égard.

Ensuite, monsieur le président, j'aimerais proposer la création d'un groupe d'étude. Et je ne veux entendre personne me dire: «Pas encore un autre groupe d'étude». J'aimerais à cet égard revenir un peu en arrière. Comme anciens combattants, l'un de nos problèmes les plus difficiles a été celui de décider quelle devait être la pension complète, le taux de base. Par le passé, entre 1965 et 1968, les auteurs du rapport du comité Woods n'ont pas pu résoudre cette difficulté. En 1972, le problème avait pris une telle ampleur que le ministre Otto Lang a créé un groupe de travail et nous a invités à mettre les bouchées doubles. Il nous a dit que si nous voulions participer au processus du groupe d'étude, nous aurions intérêt à renoncer à notre mois de juillet. C'est ce que nous avons fait.

Le groupe d'étude était composé de représentants du ministère des Anciens combattants dont les positions étaient bien établies. Nous, les représentants de l'ensemble des organisations d'anciens combattants, avons dû les convaincre de changer leur fusil d'épaule. Dans le rapport, les membres du groupe d'étude ont proposé que, désormais, le taux de base de la pension soit fondé sur un groupe polyvalent d'employés de la fonction publique, et c'est ce qui a été inclus dans la loi. J'aimerais tout simplement proposer à votre comité qu'un tel groupe d'étude pourrait être utile dans le cas qui nous intéresse. En effet, un groupe d'étude est en mesure d'étudier à fond une question compliquée de ce genre.

Très rapidement, pour vous tous qui ont vu le film intitulé Le bateau ou le cachot, je vous en ai résumé les faits saillants à l'onglet 2.

A l'onglet 3—et je ne m'étendrai pas longtemps sur son contenu—nous résumons la teneur actuelle du site Internet du ministère des Affaires des anciens combattants du Canada. Je ne critique pas le ministère. Je me contente de faire remarquer qu'à Charlottetown, on ne connaît vraiment rien à toute la question de la marine marchande. Si nous pouvions créer un groupe d'étude auquel siégeraient des représentants du ministère, nous pourrions régler bon nombre des problèmes qui se posent.

• 1225

Comme vous m'avez demandé d'être bref, je me limiterai à attirer votre attention sur une ou deux choses qui vous ont peut-être échappé. Dans mon film intitulé Le bateau ou le cachot, j'ai traité du SIU, le Syndicat international des marins, un syndicat américain auquel on a fait appel pour briser le Canadian Seamen's Union. Je vais déposer ces documents auprès du comité, monsieur le président, parce qu'ils ne sont pas faciles à trouver.

Le président: Nous vous en saurions gré.

M. Clifford Chadderton: Voici copie du rapport de monsieur le juge Norris qui aboutit à trois conclusions au sujet du SIU. Premièrement, M. Hal Banks était un parfait escroc—le juge ne mâche pas ses mots—et le Canadian Seamen's Union n'était pas d'allégeance communiste. M. Banks et le SIU sont cependant venus au Canada et ont complètement ruiné le Canadian Seamen's Union. Or, le CSU est le seul groupe qui aurait pu, après la guerre, lutter pour les prestations que nous réclamons maintenant. Je n'en dirai pas plus là-dessus et je déposerai le document auprès du comité.

J'aimerais enfin attirer votre attention sur le rapport du gouvernement australien dont je peux vous obtenir copie si vous ne pouvez pas l'obtenir vous-mêmes. J'aimerais vous expliquer quelle est l'importance de ce document. L'Australie a dit qu'elle traiterait les marins de la marine marchande comme l'a fait la Grande-Bretagne. Dès le début de la Seconde Guerre mondiale, la Grande-Bretagne a traité les marins de la marine marchande de la même façon que les membres de l'armée, de la marine et de l'aviation. Les Australiens ont dit qu'ils feraient de même, mais le temps passait et aux environs de 1972, les marins de la marine marchande de l'Australie ont dit qu'ils avaient bien obtenu la même chose que les marins de la marine marchande britannique, mais pas ce qu'avaient reçu les membres de l'armée, de la marine et de l'aviation australienne. Une enquête publique a abouti à un très bon rapport qui a recommandé de traiter les marins de la marine marchande de la même façon que tous les membres des forces armées.

Je répondrai maintenant avec plaisir aux questions, monsieur le président. Vous avez reçu beaucoup de documentation. J'ai aussi certains documents à vous remettre...

Le président: Oui.

M. Clifford Chadderton: Je suis à votre disposition, monsieur.

Le président: Nous vous en remercions beaucoup. Je vous remercie aussi d'avoir essayé d'être bref parce que je sais que les membres du comité ont beaucoup de questions à vous poser.

Je vais d'abord donner la parole à M. Goldring du Parti réformiste. Je rappelle à mes collègues qu'ils ont dix minutes pendant le premier tour de questions.

Monsieur Goldring.

M. Peter Goldring: Je vous remercie de votre exposé, monsieur Chadderton.

Un témoin précédent nous a donné, comme vous, la liste des différentes prestations qui avaient été accordées à d'autres anciens combattants, mais non aux marins de la marine marchande. Ce témoin a estimé que les prestations qui n'ont pas été versées pendant toutes ces années représentaient 100 000 $.

J'aimerais que nous discutions de deux de ces mesures d'aide et notamment des bourses d'études universitaires et des bourses d'études professionnelles. Je crois qu'il va sans dire que le fait pour certains anciens combattants de pouvoir profiter de ces bourses d'études a une incidence non seulement sur leur avenir, mais sur celui de leurs descendants. Je crois que c'est un fait qui est généralement admis.

Si nous prenons les subventions ou même les prêts aux entreprises... Je viens du milieu des affaires et je sais combien il est difficile d'obtenir un prêt commercial, sans parler d'une subvention. Il est très difficile d'évaluer la valeur de ce genre de mesure d'aide. Voici une question: Bien qu'il serait très difficile de chiffrer exactement la valeur des prestations dont ont été privés les marins de la marine marchande et leurs descendants par voie de conséquence, pensez-vous que ce chiffre de 100 000 $ représente vraiment un minimum?

M. Clifford Chadderton: Permettez-moi de répondre à la question par votre intermédiaire, monsieur le président. À mon avis, monsieur Goldring, ce chiffre de 100 000 $ n'est pas très fiable puisqu'il ne s'agit vraiment que d'une estimation. Si le ministre actuel des Anciens combattants est cependant prêt à dire que le programme s'adressant aux anciens combattants a été l'un des plus généreux au monde, comme un million d'anciens membres des forces armées ont été libérés et ont eu droit à ces 23 prestations, la somme en cause doit être très élevée. C'est tout ce que je peux vraiment dire sur cette question, mais je vous rappelle que divers ministres, y compris M. Lionel Chevrier, ont dit durant la guerre que les marins de la marine marchande remplissaient une tâche comparable à celle de n'importe quel membre des forces armées.

• 1230

Je crois qu'il n'y a aucune façon de savoir si ce chiffre de 100 000 $ est juste. Je crois qu'il ne s'agit vraiment que d'une approximation qui permet de se faire une idée de la valeur des prestations dont ont été privés ces gens. On peut à partir de là faire toutes sortes de projections. On peut dire que quelqu'un aurait pu devenir un avocat ou un ingénieur, par exemple. Je ne veux pas me livrer à ce genre de conjecture. J'aimerais simplement faire remarquer que les marins de la marine marchande ont été privés de ces prestations et que M. Chevrier a dit que leur rôle était tout à fait essentiel. Nos membres n'ont donc reçu aucune prestation jusqu'en 1950, date à laquelle ils ont été tout simplement exclus du programme.

M. Peter Goldring: Il serait dans ce cas presque impossible de calculer la valeur des subventions et des prestations dont ont été privés les marins de la marine marchande. Il serait cependant aussi presque impossible de ne pas chercher à le faire.

M. Clifford Chadderton: Il n'y a pas de calcul à faire. On peut cependant admettre que le programme était très généreux et que bon nombre de membres des forces armées canadiennes s'en sont prévalus. Les marins de la marine marchande, pour leur part, en ont été exclus.

M. Peter Goldring: Vous dites dans votre mémoire que vous n'êtes pas prêts à avancer un chiffre, mais on nous a pourtant donné une idée de ce qu'on réclamait pour ceux qui ont été exclus de ce programme. On a mentionné le chiffre de 20 000 $ pour les marins de la marine marchande et de 20 000 $ pour les prisonniers de guerre. Que pensez-vous de cela? Quel doit être le point de départ? À quoi songez-vous?

M. Clifford Chadderton: Je ne veux pas laisser entendre, monsieur Goldring, que le fait pour moi d'avancer un chiffre serait un piège, mais c'est le cas. Je pense qu'on a beaucoup étudié la question. À mon avis, il faut entendre tous les groupes qui représentent les marins de la marine marchande et il convient de tenir une réunion avec les groupes des anciens combattants et les représentants du ministère pour s'entendre sur un chiffre. Ce débat ne devrait pas avoir lieu devant un comité parlementaire. J'ai donné des entrevues aux médias et vous aussi. Lorsque les médias disent «Êtes-vous sérieux, 30 000 $?», je leur réponds qu'on est sur la mauvaise voie. Tout n'est pas une question d'argent. L'important, c'est qu'ils ont été privés d'avantages. Les médias disent alors: «Oui, mais vous proposez un paiement forfaitaire». C'est le cas, mais ce chiffre ne doit pas être choisi au hasard. Cette décision devrait vraiment être confiée à un groupe d'étude.

M. Peter Goldring: Qui, pensez-vous, devrait faire partie de ce groupe d'étude et quel serait ce lien avec ce comité? Si je ne m'abuse, le mandat du comité est d'établir si une indemnisation s'impose. Comment voyez-vous les choses?

M. Clifford Chadderton: Voici ce que je suggérerais, monsieur le président. Ce comité pourrait recommander au ministre des Affaires des anciens Combattants que l'étude de cette question très complexe soit confiée sans tarder à un groupe d'étude qui se composerait notamment du sous-ministre des Affaires des anciens Combattants et du président de la Légion royale canadienne... J'en ferais également partie. Je ne voudrais certainement pas en être président, bien que quelqu'un ait fait cette suggestion. Il convient de faire participer aux travaux de ce groupe d'étude des représentants du gouvernement, des organisations des anciens combattants et de la marine marchande. L'objectif serait d'en arriver à un consensus. Voilà ce qui, à mon avis, pourrait être la recommandation de ce comité parlementaire.

M. Peter Goldring: J'aimerais que vous dissipiez pour nous un malentendu. Certains ont dit que les marins de la marine marchande étaient mieux rémunérés que les membres des forces régulières. Pouvez-vous nous dire ce qu'il en est à ce sujet.

M. Clifford Chadderton: Volontiers. Je cite dans mon mémoire, monsieur Goldring, les statistiques qui proviennent du ministère de la Défense nationale. Voyons la différence de rémunération entre un manoeuvrier, un sous-officier type et un sergent d'état-major dans l'armée. Le fait est que le manoeuvrier de la marine marchande touchait 6 $ de plus par mois. C'est tout. Le marin devait cependant acheter ses propres vêtements...

• 1235

Dans l'armée, on disait que tout l'équipement était trouvé. Tout vous était fourni. Or, rien n'était fourni aux marins de la marine marchande. Ils devaient tout acheter et jusqu'à leur dentifrice. On a fait grand cas depuis des années de ce mythe, car il s'agit bien d'un mythe, au sujet de la rémunération. Quant à moi, je pense comme l'honorable M. Michaud qui a dit lorsqu'il était ministre des Transports—et je le cite dans mon mémoire—que la rémunération versée aux marins de la marine marchande ne se comparait pas à celle versée aux membres des forces armées. C'est tout ce qu'il y a à dire à ce sujet.

M. Peter Goldring: Je crois qu'il convient également de préciser que les marins de la marine marchande se sont retrouvés dans un théâtre de guerre. Ils auraient pu être attaqués par des sous-marins à n'importe quel moment. C'est la nature du travail qu'ils avaient à faire. Les membres des forces armées pouvaient ou non se retrouver sur un théâtre de guerre. Plus de 70 navires de la marine marchande ont été coulés et ce service a perdu plus d'hommes que n'importe lequel des trois autres services.

Que pensez-vous de cela, monsieur Chadderton?

M. Clifford Chadderton: Je pense que ce que vous faites observer est très juste. Quiconque a étudié l'histoire de la marine marchande et sait ce qu'était la gang noire, par exemple, n'hésiterait pas à dire qu'il ne serait pas monté pour tout l'or au monde à bord d'un navire de tramping dont la vitesse maximale en traversant l'Atlantique était de 6 noeuds lorsque entre 30 et 40 p. 100 des convois ne parvenaient pas à destination. C'est un fait. Je ne dénigre pas le travail accompli par l'artilleur côtier. Il a fait son travail comme le lui demandait le gouvernement. Il ne faut pas comparer ce qui n'est pas comparable. On peut cependant dire que les marins de la marine marchande avaient un sale boulot à faire.

Il ne suffit pour s'en convaincre que de se reporter aux déclarations faites par les ministres de l'époque, MM. Michaud, Chevrier et Mackenzie. Qu'ont-ils dit? Ils ont souligné la bravoure et le bon travail des marins de la marine marchande. Nous savions que le taux des pertes était très élevé. Je n'ai vraiment rien d'autre à ajouter... Je pense que personne ne conteste le fait qu'on lui demandait de faire un sale boulot.

Le président: Je vous remercie, monsieur Goldring.

[Français]

Je cède la parole à M. Laurin du Bloc québécois.

M. René Laurin (Joliette, BQ): Monsieur Chadderton, j'ai eu le temps et le bonheur d'écouter votre vidéo qui, soit dit en passant, est très bien réalisée. Ce document audiovisuel nous démontre que vous êtes un excellent pédagogue. Si tous les anciens combattants s'étaient débrouillés comme vous, on n'aurait peut-être pas autant besoin de parler d'aide aujourd'hui. Vous vous en êtes très bien sorti.

Vous déplorez le fait qu'à la fin de la guerre, on n'ait pas su aider les anciens combattants qui auraient pu poursuivre des études universitaires ou professionnelles. À cette époque, je fréquentais l'école primaire. Environ 20 p. 100 des étudiants accédaient aux études secondaires et à peine 10 p. 100 de ceux qui réussissaient leurs études secondaires poursuivaient ou terminaient des études universitaires. C'était donc un très faible pourcentage. On pourrait faire une analogie avec ceux qui apprenaient un métier. Chez nous, il y avait neuf enfants, tandis que dans la famille de mon épouse, il y en avait 13. Plusieurs d'entre eux ont appris un métier, bien qu'ils n'aient pas fait leur apprentissage à l'école mais plutôt sur le tas. Ils se sont engagés comme apprentis et ont appris leur métier avec l'aide d'un compagnon qui leur en a enseigné les rudiments.

Puisqu'il en était ainsi dans la vie civile, que peu de gens pouvaient étudier pour apprendre leur métier, qu'on comptait très peu de diplômés universitaires et qu'en pratique peu de gens accédaient à des études supérieures, et pas toujours par manque d'argent, d'intérêt ou tout simplement de capacité intellectuelle, qu'est-ce qui vous fait croire que les choses auraient dû être différentes pour les anciens combattants? Puisque tellement peu de civils poursuivaient de telles études, qu'est-ce qui vous fait croire que les anciens combattants et les gars de la Marine marchande se seraient inscrits en plus grand nombre?

• 1240

[Traduction]

M. Clifford Chadderton: J'aimerais d'abord vous remercier, monsieur, de vos commentaires au sujet de notre film. La Charte des anciens combattants constituait sans doute un document révolutionnaire pour son époque en ce qui touche la formation et trois possibilités étaient offertes aux anciens combattants. Il y avait d'abord la formation sur le tas. Il y avait la formation professionnelle et ensuite l'apprentissage. Cela s'ajoutait aux études secondaires et universitaires. Il fallait compenser l'ancien combattant pour les cinq années de sa vie qu'il avait consacrées au service militaire. Dans le cas de la formation sur le tas, l'employeur était payé par le gouvernement pour former l'ancien combattant qui touchait 52 $ par mois. Les membres de la marine marchande n'ont pas eu droit à cette aide.

Comme vous le faites remarquer, monsieur Laurin, même s'il n'y a que 10 p. 100 des gens qui poursuivaient des études, cela signifie que 10 p. 100 des marins de la marine marchande ont été privés de cette possibilité. Si vous consultez le site Web du ministère des Affaires des anciens combattants, vous constaterez que le gouvernement a bien adopté un décret touchant la marine marchande, mais la difficulté est qu'il n'est entré en vigueur qu'en 1949. Pour être admissible à une aide, le marin devait être âgé de moins de 30 ans et il devait présenter sa demande dans un délai de neuf mois. Son homologue dans l'armée pouvait présenter sa demande à tout moment et obtenir 52 $ par mois. Voilà un autre exemple du traitement discriminatoire auquel ont fait face les marins de la marine marchande.

[Français]

M. René Laurin: Je ne vous dis pas, monsieur Chadderton, que 10 p. 100 représente un pourcentage négligeable, mais plutôt que, compte tenu du pourcentage aussi faible de civils qui poursuivaient de telles études, il m'apparaît irréaliste d'utiliser ce critère pour déterminer le montant de l'indemnité.

Évidemment, si on en venait à la conclusion que tous les anciens combattants auraient obtenu un diplôme universitaire et auraient gagné de 30 000 $ à 50 000 $ par année, on demanderait une indemnité beaucoup plus élevée. Cependant, si on considère que cette situation n'aurait prévalu que pour 10 p. 100 de ces gens, cela a une incidence directe sur l'indemnité que nous pouvons songer à leur verser. Ce n'est peut-être pas une question de critère absolu, mais je signale ces éléments parce que l'argumentation que vous nous avez présentée dans votre vidéo revient souvent. Vous parliez d'un fils qui aurait pu être avocat, de l'autre qui aurait pu devenir médecin et du troisième qui aurait pu devenir dentiste, mais je suis presque convaincu qu'ils auraient été peu nombreux à arriver jusque-là.

D'autre part, vous avez proposé la création d'un groupe d'étude. Depuis que je suis membre de ce comité, il me semble qu'on a rarement entendu autant de témoins au sujet d'une même question et que les nouveaux témoins nous répètent à leur tour ce que les témoins précédents nous ont déjà dit. Cela m'amène à conclure que votre situation a déjà été bien expliquée. Je vous assure que nous comprenons bien les enjeux. Puisque les nouveaux témoins viennent redire la même chose, j'ai l'impression qu'on n'a plus de choses nouvelles à apprendre sur la situation. Qu'est-ce qu'un groupe d'étude ferait de plus que notre comité en termes de recommandations à l'intention du ministre? Ne croyez-vous pas que notre comité, qui a été chargé d'étudier votre cas et de vous recevoir, n'est pas suffisamment informé pour en arriver à des conclusions adéquates face à vos revendications?

[Traduction]

M. Clifford Chadderton: Si vous le voulez bien, monsieur Laurin, comparons le cas d'un civil pendant la guerre à celui d'un marin de la marine marchande. Le civil est resté sur place. Le marin lui a dû traverser l'Atlantique à ses risques et périls et a perdu cinq ans de sa vie.

• 1245

Je ne lance qu'une idée en disant qu'on devrait créer un groupe d'étude. Si le comité estime disposer de toute l'information dont il a besoin, il peut évidemment faire une recommandation. L'intérêt d'un groupe d'étude, c'est que ses membres pourraient consacrer huit heures par jour—ce que j'ai déjà fait—cinq jours par semaine pendant quatre mois à recueillir toute l'information voulue pour ensuite présenter une recommandation au ministre.

J'ai lu le compte rendu de vos délibérations et je conviens avec vous que le comité a déjà recueilli beaucoup d'informations. Dans le passé, un groupe d'étude constitué par le ministre, qui ne comportait pas de députés, est parvenu à vraiment résoudre le problème.

Le comité Woods, dont j'ai été directeur administratif pendant trois ans, est également parvenu à une solution. Le Parlement se demandait depuis un certain temps comment refondre la Loi sur les pensions. Comme il n'y parvenait pas, on a demandé à M. le juge Woods de présider le comité. Nous avons étudié la question pendant trois ans et nous avons soumis au gouvernement 143 recommandations dont 141 ont été adoptées.

Je lançais simplement cette idée, monsieur. Je ne voulais pas laisser entendre que le comité n'avait ni les connaissances ni les compétences voulues pour faire ce travail.

[Français]

M. René Laurin: Bien que plusieurs petites choses fassent encore défaut, si, après avoir entendu tous vos témoignages, nous formulions une recommandation au sujet d'une indemnité forfaitaire qu'accepterait le ministre, accepteriez-vous de clore le dossier? Certaines modifications ont déjà été apportées à la loi à la suite du dépôt de notre rapport intitulé Pour aller de l'avant : plan stratégique pour l'amélioration de la qualité de la vie dans les Forces canadiennes, lequel faisait aussi allusion aux anciens combattants.

Est-ce que je me trompe quand je dis que c'est la dernière chose qui reste à régler? On pourrait toujours trouver des peccadilles et laisser traîner cette question pendant encore des mois, mais si on réglait le problème de l'indemnité forfaitaire, pensez-vous qu'on pourrait clore le dossier?

[Traduction]

M. Clifford Chadderton: Oui. La plupart des groupes s'entendent sur le fait qu'un paiement forfaitaire devrait être versé aux marins de la marine marchande pour les compenser pour les prestations perdues. C'est aux organisations qui représentent les marins de la marine marchande de décider si le montant qu'on leur offre est acceptable. Cela clorait certainement le dossier. Ce qu'on a recommandé c'est de ne pas rendre le projet de loi C-61 rétroactif et d'accorder une pension à quelqu'un qui a présenté une demande il y a cinq ans et qui veut maintenant en présenter une autre. Cela ne se fait pas.

Même si le versement d'une somme forfaitaire ne pourrait pas complètement compenser les marins de la marine marchande pour le tort qu'ils ont subi et qui remonte à il y a 60 ans, ce serait certainement un geste de bonne volonté à l'égard de cet homme et de ses personnes à charge. Il faut bien reconnaître qu'il ne s'agit plus d'un jeune homme.

Le président: Très bien. Merci, monsieur Laurin.

Deux députés ministériels ont exprimé le désir de poser une question. Il s'agit d'abord du secrétaire parlementaire, M. Bob Wood, et ensuite de M. Proud.

Monsieur Wood.

M. Bob Wood (Nipissing, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.

Monsieur Chadderton, je constate que le Conseil national des Associations d'anciens combattants a adopté une résolution demandant qu'on indemnise également les civils. De combien de personnes s'agit-il?

M. Clifford Chadderton: Nous recommandons d'indemniser les pêcheurs en eau salée, le personnel des services auxiliaires, les pompiers des services de base et des services civils, les gendarmes spéciaux de la GRC, les engagés de la défense passive, le détachement des travailleurs bénévoles volontaires, les préposés à l'aide sociale outre-mer et le personnel des traversiers en service commandé. Il s'agit de huit groupes de personnes.

Le nombre de personnes visées est d'environ 185 000, même si ce chiffre n'est pas tout à fait à jour. Je vous rappelle que tous ces groupes ont été consultés au sujet de nos suggestions. Ils ont tous convenu que nous devrions continuer de les représenter, mais qu'il faut donner la priorité aux marins de la marine marchande.

• 1250

M. Bob Wood: Dans votre vidéo, vous dites que le gouvernement du Canada est coupable de perfidie en raison de la façon dont il a traité les anciens combattants de la marine marchande. Ne pensez- vous pas exagérer un peu en disant cela? Ne pensez-vous pas que les faits que vous avez présentés permettent de conclure à un manque de clairvoyance? Les décideurs de l'époque n'étaient pas très clairvoyants. Ils ne pouvaient pas prévoir ce qui allait arriver. Je pense qu'on peut dire sans crainte de se tromper qu'ils pensaient que la marine marchande serait florissante après la guerre. Ils avaient tort, mais ils ne pouvaient pas vraiment prédire ce qui allait se passer.

Avec le recul, nous voyons que certaines erreurs ont été commises. Je déplore cependant le fait que nous jugeons des gens qui ne sont pas ici pour se défendre. Qu'en pensez-vous?

M. Clifford Chadderton: Lorsque le ministre des Transports de l'époque a dit aux membres de la marine marchande à la fin de la Seconde Guerre mondiale que le Canada aurait besoin d'une marine marchande, les marins ont été satisfaits ainsi que leur syndicat. On peut dire qu'il y a eu perfidie—et voilà pourquoi je renvoie le comité au rapport Norris—lorsqu'il est devenu manifeste que le Canada ne pourrait pas se permettre une marine marchande.

Le gouvernement canadien a émis un passeport ou un visa à M. Hal Banks du SIU pour lui permettre d'entrer au Canada alors qu'il n'aurait pas dû le faire puisque cet homme était un criminel. M. Banks est venu au Canada et il a pu à son gré ruiner la Canadian Seamen's Union ou présenter ce syndicat sous un mauvais jour. Un comité s'est penché sur la question et a fait cette recommandation.

Si je me reporte au rapport Norris, je pense pouvoir dire que le gouvernement est coupable de perfidie parce qu'il a permis à un syndicat américain, dirigé par un criminel, de ruiner un bon syndicat canadien solide. Soit dit en passant, le rapport Norris a notamment conclu que la Canadian Seamen's Union n'était pas dirigée par des communistes comme on l'a prétendu.

M. Bob Wood: J'ai une autre question à poser au sujet de cette supposée perfidie. Quel aurait été le motif du gouvernement? Pourquoi quiconque ayant survécu à cette guerre terrible et connaissant le rôle qu'y a joué la marine marchande s'en serait pris à ses membres?

M. Clifford Chadderton: Je ne pense pas qu'on puisse vraiment dire qu'on s'en est pris aux membres de la marine marchande, mais c'est vous qui le dites. Au lieu d'admettre son erreur et de reconnaître que les pavillons de complaisance allaient ruiner la marine marchande, le gouvernement s'est entêté à ne pas accorder aux marins de la marine marchande les prestations auxquelles ils avaient droit. S'il l'avait fait, on ne pourrait pas parler de perfidie.

Lorsque le gouvernement s'est rendu compte que le Canada ne pourrait pas se permettre une marine marchande après la guerre, il aurait dû remercier les marins de la marine marchande du travail qu'ils avaient fait et les aider à se réinsérer dans la population active. Le gouvernement ne l'a pas fait. À mon avis, c'était de la perfidie.

M. Bob Wood: Votre vidéo cite Louis Saint-Laurent qui a dit que le gouvernement ne comptait pas assurer le maintien d'une industrie aux dépens du contribuable. Expliquez-moi en quoi cela constitue de la perfidie.

M. Clifford Chadderton: Cette affirmation doit être replacée dans son contexte. La perfidie a débuté lorsque le ministre des Transports et le gouvernement ont dit que la marine marchande serait maintenue. Lorsqu'il est devenu manifeste que le Canada ne pouvait plus se permettre une marine marchande, le premier ministre de l'époque a dit que le gouvernement cesserait d'aider l'industrie.

• 1255

Je n'ai pas dit dans le film que M. Saint-Laurent est coupable de perfidie et je ne le dirai pas maintenant. J'ai dit que la perfidie est le fait de ceux qui n'ont pas voulu admettre que le gouvernement ne subventionnerait plus une marine marchande et qui ont refusé d'accorder des prestations d'anciens combattants aux marins de la marine marchande.

M. Bob Wood: À la page 3 de votre mémoire, vous chiffrez à 45 000 $ la valeur de l'allocation aux anciens combattants dont ont été privés les anciens combattants de la marine marchande. Comment êtes-vous arrivés à ce chiffre? Le taux pour les anciens combattants mariés est progressivement passé de 1 200 $ par année en 1952 à 2 000 $ en 1961. C'était le montant maximal si l'ancien combattant n'avait pas d'autres revenus. Comment êtes-vous arrivés à ce chiffre?

M. Clifford Chadderton: Nous avons fourni à un actuaire les taux de l'allocation aux anciens combattants de 1945 à 1962. Nous lui avons demandé d'établir la somme perdue par quelqu'un qui aurait été admissible à l'allocation de 1945 à 1962. N'oubliez pas que l'allocation aux anciens combattants était peu élevée à cette époque. Le chiffre qu'on nous a donné est 45 000 $. Je ne prétends pas que ce soit parole d'évangile. Voilà pourquoi je dis qu'il faut étudier la question à fond.

M. Bob Wood: Me reste-t-il du temps?

Le président: Il vous reste deux ou trois minutes, monsieur Wood.

M. Bob Wood: Je voulais simplement revenir à l'extrait que vous citez de l'arrêté en conseil sur la pension de la marine marchande de 1939. C'est à la page 3 de votre mémoire. Vous dites qu'un marin de la marine marchande devenu invalide n'avait qu'un an pour réclamer une pension. Était-ce bien le cas?

M. Clifford Chadderton: Tout à fait.

M. Bob Wood: Ça ne peut sûrement pas être aussi simple que cela.

M. Clifford Chadderton: Je peux vous dire exactement ce qu'il en est. C'est à la page 3, Brian n'est-ce pas? Vous parlez de l'arrêté en conseil de 1939. Je vais demander à M. Forbes de répondre à cette question de nature juridique.

Allez-y, je vous prie, Brian.

M. Brian Forbes (secrétaire général et conseiller juridique, Conseil national des Associations d'anciens combattants du Canada): Monsieur le président, bien qu'on ait du mal à le croire, l'arrêté en conseil de 1939 prévoyait un délai d'un an pour la présentation des réclamations en cas d'invalidité et de décès. L'arrêté n'a été que légèrement modifié par la suite. Lorsqu'on pouvait établir qu'il y avait eu rupture des communications, la Commission canadienne des pensions pouvait reporter ou supprimer le délai. Il n'en demeure pas moins que dans le cas des marins de la marine marchande qui ont été blessés en 1943, par exemple—et vous savez que bon nombre de ces marins ne sont devenus invalides que plusieurs années plus tard—le délai d'un an s'appliquait. Ils n'ont pas pu soutenir qu'il y avait eu rupture des communications. La situation n'a été corrigée qu'à l'issue de la recommandation qu'a faite le comité Woods en 1968, recommandation qui a finalement été adoptée par voie législative en 1971, c'est-à-dire 26 ans après la guerre.

À mon avis, monsieur le président, on ne peut pas reprocher aux marins de la marine marchande de ne pas avoir été conscients de leurs droits. On ne leur en reconnaissait tout simplement pas beaucoup s'ils n'avaient pas présenté une demande d'invalidité dans un délai d'un an. Je crois qu'il s'agit d'un des cas de discrimination les plus flagrants étant donné que les autres anciens combattants n'ont pas été traités de cette façon. Les anciens combattants qui ne l'ont pas déjà fait peuvent présenter une demande aujourd'hui comme ils pouvaient le faire en 1950, en 1955 et en 1960.

Le président: Merci, monsieur Wood.

Nous passons maintenant à M. Earle du NPD; vous avez 10 minutes.

M. Gordon Earle (Halifax-Ouest, NPD): Merci, monsieur le président.

Avant tout, j'aimerais moi aussi exprimer mes condoléances à la famille de M. Gordon Olmstead et dire à quel point nous apprécions le travail qu'il a fait sur cette question.

Je tiens à vous remercier également, monsieur Chadderton, pour toutes les heures que vous avez consacrées à ce sujet, pour tout le travail que vous avez accompli. J'ai regardé le vidéo, et la qualité de l'exposé et des informations contenues dans ce film m'ont beaucoup impressionné.

• 1300

Je n'ai que deux questions à aborder. Tout d'abord, à propos du groupe d'étude que vous avez mentionné; j'ai cru comprendre qu'il s'agissait d'une simple suggestion. Toutefois, il y a un élément qui m'inquiète un peu. À la page 21 de votre mémoire principal, vous dites que l'objectif du groupe d'étude devrait être de déterminer «si de bonnes raisons existent d'accorder une certaine forme de dédommagement en remplacement des prestations qui ont été refusées au personnel de la marine marchande canadienne pendant la Seconde Guerre mondiale». À mon avis, nous avons déjà établi qu'il était nécessaire de dédommager la marine marchande pour toutes les possibilités qui lui ont été refusées, etc., je me demande pourquoi vous jugez utile de confier ce dossier à un groupe d'étude.

M. Clifford Chadderton: Il y a à peine une semaine et demie, j'étais sur l'Internet et, dans un site de ACC, j'ai obtenu les faits les plus récents sur la marine marchande. La nécessité d'accorder un certain dédommagement n'est mentionnée nulle part. Souvenez-vous que dans le groupe d'étude de 1972, les gens éduqués, si je peux utiliser ce terme, étaient surtout des gens du ministère, ce qu'on appelait alors le ministère des Affaires des anciens combattants. C'est la raison pour laquelle je pense qu'avec un groupe d'étude composé de gens d'ACC qui seraient des membres à part entière du groupe, j'espère qu'il serait possible de convaincre les gens d'ACC qui envoient tous ces courriers électroniques, entre autres, qu'un dédommagement est justifié. Vous savez, ce ne sont pas les anciens combattants ou les marins marchands qu'il faut convaincre.

M. Gordon Earle: Si je vous pose la question, c'est que cet aspect-là me préoccupe moi-même. La plupart des membres de ce comité sont probablement convaincus de la nécessité de faire quelque chose de positif, mais si vous créez un comité d'étude sous le contrôle ou la domination d'ACC, il risque de conclure que ce genre de chose n'est pas du tout justifiée, un point c'est tout. À ce moment-là, on n'aurait rien gagné, au contraire.

Je me demande seulement pourquoi nous continuons à nous demander si c'est justifié. Tous ceux qui sont venus présenter des exposés nous ont donné des arguments très clairs et très convaincants. La seule chose qui reste à faire, c'est de corriger cette situation. Dans ces conditions, si on créait des groupes d'étude—et je ne suis pas du tout certain que ce soit nécessaire—la seule chose qui resterait à déterminer, c'est l'aspect technique, à combien le dédommagement doit-il s'élever compte tenu de toutes les occasions que ces gens-là n'ont pas eues.

M. Clifford Chadderton: Permettez-moi d'ajouter que dans le groupe de 1972, il y avait des gens du Conseil du Trésor et du ministère des Finances qui furent extrêmement efficaces lorsqu'il s'est agi de rédiger la loi.

M. Gordon Earle: À la page 22 de votre mémoire, vous parlez du principe de l'assurance et vous remarquez que le projet de loi C-61 ne le mentionne pas. À propos des prestations de réadaptation, vous dites qu'elles ne sont pas suffisantes pour rétablir une pleine et entière égalité entre les marins marchands et les membres des trois forces armées. Je me demande quelles seraient vos suggestions pour rectifier cela et convaincre les gens qu'une pleine égalité existe bel et bien. Quelle est votre solution en ce qui concerne le principe de l'assurance dont vous avez parlé?

M. Clifford Chadderton: Je suis convaincu qu'un groupe d'étude finirait par conclure qu'il n'est pas possible d'appliquer le principe de l'assurance aux marins marchands de la même façon qu'il s'applique aux gens qui ont servi dans l'armée canadienne. Cela, parce que dans l'armée canadienne, le service dure de la date à laquelle on s'est enrôlé à la date de fin de service. Voilà ce que signifie le principe de l'assurance. Une protection complète pour n'importe quel type de maladie, accident, décès, absolument tout. Dans le cas des marins marchands, il y avait des interruptions de service qui étaient justifiées. Une personne qui travaillait pour un armateur civil et non pas dans le cadre d'un contrat de réserve ou d'un contrat d'engagement pouvait dire: «Je veux retourner chez moi voir ma mère, mais je reviendrai.» Il serait difficile de prétendre que le principe de l'assurance continuait à s'appliquer pendant cette période.

Les différences sont très simples à comprendre. Dans les forces armées, il y a un contrat implicite à partir du moment où vous arrivez jusqu'au moment où vous partez. Dans la marine marchande, si vous faites partie d'un contrat de réserve, oui, mais si vous n'en faites pas partie, ce genre de contrat-là n'existe pas.

• 1305

J'imagine qu'un groupe d'étude pourrait, entre autres choses, conclure qu'il n'est pas possible d'accorder le principe de l'assurance aux marins marchands, et c'est une idée que je défendrais avec acharnement. Mais cela dit, j'ajouterai que puisque cela n'est pas possible, il importe de trouver un moyen de compenser, c'est-à-dire une somme globale pour remplacer ces prestations qu'on n'a pas eues.

M. Gordon Earle: Merci.

Le président: Merci, monsieur Earle.

Je donne maintenant la parole à Mme Wayne du Parti conservateur.

Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Merci beaucoup.

Tout d'abord, comme tous les autres, je tiens à exprimer mes sincères sympathies à la famille Olmstead. Je les ai contactés directement, et je leur ai expliqué ce qui m'empêchait d'assister aux funérailles: ce jour-là je défendais la cause des troupes au Kosovo, comme vous le savez, une lutte que je livrais en leur nom également.

Quoi qu'il en soit, nous avons aujourd'hui parmi nous Aurèle Ferlatte qui, comme vous le savez, représente la marine marchande. Nous avons également des représentants de la coalition, et enfin, nous avons Cliff. Ils sont tous ici ensemble, et nous savons que tout le monde est enfin uni et qu'il n'y a plus de dissensions dans nos rangs, d'accord? À mon avis, cela mérite d'être souligné.

Cliff, à la page 16 de votre rapport, vous faites allusion au projet de loi C-84 de 1992, et vous dites qu'à l'époque un budget de 100 millions de dollars avait été réservé. Cette somme a ensuite été ramenée à 88 millions et, apparemment, 3 millions de dollars ont été dépensés, ce qui laisse 85 millions.

À l'heure actuelle, à votre avis, combien y a-t-il d'anciens combattants de la marine marchande qui pourraient avoir droit à un versement global d'environ 20 000 $, la somme qui avait été envisagée par la marine marchande et la coalition? Apparemment, il y aurait environ 2 000 personnes, est-ce bien ça?

M. Clifford Chadderton: Oui, c'est le dernier chiffre qui m'a été communiqué par Anciens combattants Canada.

Mme Elsie Wayne: Environ 2 000 personnes.

M. Clifford Chadderton: Permettez-moi de vous interrompre; les membres du comité savent probablement que beaucoup de dossiers ont été détruits, et par conséquent, c'est une supposition.

Mme Elsie Wayne: Oui, c'est exact, car je sais que beaucoup d'anciens de la marine marchande sont venus me voir et que très souvent nous avons du mal à retrouver leurs dossiers pour établir qu'ils étaient des marins marchands. Cela pose de gros problèmes, mais le chiffre doit être d'environ 2 000 personnes.

Il y a donc de l'argent pour verser l'indemnité envisagée à la fois par la coalition et par le président des marins marchands.

Cliff et monsieur Ferlatte, avez-vous demandé à la coalition si elle envisagerait la possibilité d'un groupe d'étude? Est-ce que vous vous êtes mis d'accord?

M. Clifford Chadderton: J'ai effectivement été en contact avec M. McIsaac et M. Ferlatte. M. Ferlatte pense que c'est une très bonne idée.

Je n'ai pas eu de réponse précise de M. McIsaac car nous avons prévu deux réunions un peu plus tard. Lors de la seconde de ces réunions, le 4 mai de cette année, nous espérons réussir à nous mettre d'accord sur la somme et également sur la nécessité de créer un groupe d'étude.

Mme Elsie Wayne: Je vois.

M. Clifford Chadderton: Cette réunion est prévue pour le 4 mai.

Mme Elsie Wayne: J'ai une autre question au sujet de ce document; voulez-vous dire que le ministère des Anciens combattants a déclaré publiquement que 75 p. 100 des anciens combattants de la marine marchande reçoivent des prestations de ACC?

M. Clifford Chadderton: Absolument. C'est affiché sur le site Web. Je regrette de ne pas avoir eu le temps, car il m'a fallu une semaine et demie pour préparer ce document, mais le comité a cette information.

N'oubliez pas que j'ai suivi les voies normales. J'ai écrit au sous-ministre à qui j'ai posé des questions sur ce document du ministère. M. David Nicholson m'a répondu...

Mme Elsie Wayne: Exactement.

M. Clifford Chadderton: ...et ses réponses sont dans ce document.

Mme Elsie Wayne: Cliff, quand ces renseignements ont-ils été affichés sur le site Web?

M. Clifford Chadderton: La première fois que j'ai pris connaissance de ce document, c'est vers le 10 novembre. C'est sur cette base que j'ai écrit à David. Le site Web le plus récent, qui n'a pas changé...

Mme Elsie Wayne: Il n'a pas changé depuis que vous leur avez parlé, depuis que vous avez eu ces discussions.

M. Clifford Chadderton: Non.

• 1310

Mme Elsie Wayne: Comme vous venez de le dire, il est tout à fait impossible de déterminer combien il y avait de gens dans la marine marchande car les dossiers n'existent plus. Comment peut-on dire que 75 p. 100 de tous les anciens combattants de la marine marchande reçoivent des prestations quand vous dites qu'il est impossible de savoir, que personne ne peut savoir combien il y avait de gens dans la marine marchande à des titres divers? Seigneur!

M. Clifford Chadderton: Je viens de répondre à cette question. Comme je l'ai dit, ils se sont eux-mêmes pris au piège en disant que 305 anciens combattants seulement reçoivent des pensions. On cite une somme maximum, mais sans ajouter que trois personnes seulement reçoivent la somme maximum. D'après eux, environ 297 allocations pour anciens combattants—et j'ai le total ici quelque part—mais c'est loin de représenter 75 p. 100 des 2 000 personnes qui restent.

Mme Elsie Wayne: Précisément.

M. Clifford Chadderton: Comme je l'ai dit, dans le document auquel vous avez fait allusion, il reste beaucoup de points d'interrogation, et c'est ce qu'on peut critiquer dans l'information donnée par le ministère sur l'Internet.

Mme Elsie Wayne: S'il y avait un groupe d'étude, Cliff, combien de temps lui faudrait-il, 30 jours, 60 jours, qu'en pensez- vous?

M. Clifford Chadderton: Je me souviens avoir été convoqué dans le bureau de M. Lang lorsqu'il était ministre des Affaires des anciens combattants en 1972. Tous les organismes d'anciens combattants étaient représentés. À l'époque, le président de la Légion était Bob Smellie. M. Lang nous avait dit: Si je vous donne un mois, pouvez-vous m'apporter un rapport raisonnable? Nous nous sommes regardés mutuellement et nous avons dit que oui, que nous le pouvions. Nous l'avons fait en l'espace d'un mois, réglant ainsi un des pires problèmes auxquels les anciens combattants se sont jamais heurtés, je parle du barème de base de la pension.

Mme Elsie Wayne: Donc, si notre comité décidait de créer un groupe d'étude, vous pourriez faire le travail en 30 jours?

M. Clifford Chadderton: Je pourrais certainement m'engager à mettre entre vos mains un rapport dans des délais suffisants pour que vous puissiez l'examiner. Comme vous le savez peut-être, en 1972, le Comité des anciens combattants avait commencé ses réunions un mois avant la reprise officielle du Parlement en avril, ce qui nous a permis de terminer dans les temps.

Mme Elsie Wayne: Merci.

Le président: Merci, madame Wayne.

Nous avons d'autres témoins. Toutefois, si vous le voulez bien, je vais donner à chaque parti le temps de poser une dernière question à M. Chadderton, s'ils en ont une.

Nous avons eu une bonne discussion, et vous nous avez apporté des éléments très utiles. Ensuite, lorsque chaque parti aura pu poser une dernière question très courte, une question à laquelle je vous demande de répondre rapidement, si possible, je souhaiterai la bienvenue aux autres témoins. Cela vous va?

En ce cas, je vais commencer par M. Goldring, qui sera suivi de M. Proud, etc.

Monsieur Goldring.

M. Peter Goldring: Merci beaucoup.

C'est surtout une précision que je voudrais avoir. On a discuté plus tôt d'éducation, de ce que cela signifie, et du nombre de gens qui ont profité de cette occasion de poursuivre leurs études, soit à l'université, soit dans des écoles de métier. C'est un nombre qu'on peut seulement évaluer, qui est peut-être de 10 p. 100.

Toutefois, la liste des avantages dont les anciens combattants n'ont pas bénéficié à la fin de la guerre est beaucoup plus longue. Ne pensez-vous pas que pour tous les autres types d'avantages—concessions foncières, logement, prêts d'affaires, prêts professionnels, subventions aux entreprises—il serait aussi difficile d'évaluer combien de gens en ont profité? J'imagine que beaucoup de gens ont peut-être profité des dispositions relatives au logement et des concessions foncières. Avez-vous une idée du pourcentage de gens qui ont profité de concessions foncières ou d'aide au logement? Quel pourcentage des anciens combattants ont profité de ces dispositions à leur retour?

M. Clifford Chadderton: C'est précisément la raison pour laquelle j'ai suggéré un groupe d'étude. En ce qui concerne l'éducation, c'est extrêmement difficile à évaluer.

• 1315

Toutefois, j'imagine que dans les dossiers de Charlottetown on devrait pouvoir retrouver les anciens combattants qui ont profité de la Loi sur la coordination de la formation professionnelle, de la Loi sur les terres destinées aux anciens combattants, ceux qui sont allés à l'université, etc. Il y a une loi que vous ne trouverez jamais, c'est la Loi sur la réintégration dans les emplois civils, car ce fut une énorme épée au-dessus de la tête des employeurs—Reprenez cet homme!—mais cinq ans après la guerre, cette loi ne s'appliquait plus. Je le sais, j'ai été chargé de son administration. Sur ce plan-là, les marins marchands ont beaucoup perdu.

Il est donc très difficile de trouver des chiffres exacts. Il faut donc se contenter de dire qu'ils n'ont pas eu accès à ces avantages et, par conséquent, cela a représenté un manque à gagner, mais nous ne savons pas à combien il s'est élevé.

Le président: Merci, monsieur Goldring.

Monsieur Proud.

M. George Proud (Hillsborough, Lib.): Une simple observation, et très courte.

Pour commencer, je tiens à exprimer mes condoléances à la famille Olmstead. Je tiens à dire que Gordon Olmstead est le premier marin marchand que j'ai rencontré en 1991 quand on a commencé à parler de tout cela. Depuis lors, j'avais eu de nombreuses fois l'occasion de le rencontrer, ainsi que M. Griezic. Je tiens donc à transmettre mes condoléances.

Monsieur Chadderton, en ce qui concerne votre groupe d'étude, cela me pose un problème, et je vais vous expliquer pourquoi. Nous sommes plusieurs parlementaires à penser que ce genre de travail devrait être confié à des comités comme le nôtre, et c'est une chose dont nous essayons de convaincre les gouvernements depuis des années. À mon avis, les groupes d'étude et autres commissions royales ont coûté des millions de dollars aux contribuables alors que les comités de la Chambre des communes et ceux du Sénat pourraient faire ce travail tout aussi efficacement. Peut-être ne consacrons-nous pas suffisamment de temps à ce genre de chose, peut-être faudrait-il constituer des sous-comités de nos comités mais à mon avis, le genre d'étude dont vous parlez devrait nous être confié à nous.

Une courte question, monsieur Chadderton, au sujet de la réadaptation, du rétablissement des avantages qui ont été refusés. À la page 6, vous mentionnez un paiement extraordinaire ex gratia. Pouvez-vous répéter l'explication que vous m'avez donnée plus tôt? Quand vous dites cela, vous pensez plus précisément aux marins marchands, et non pas aux anciens combattants qui n'ont jamais reçu quoi que ce soit du ministère, mais à qui on n'aurait pas refusé des avantages et des prestations s'ils les avaient sollicités.

M. Clifford Chadderton: Non. Je pense que la question que doit se poser la population canadienne tient à ce que j'appelle cette tache noire. La question que l'on doit poser à la population canadienne est celle-ci: Que doit-on faire pour les marins marchands? Leur revendication est-elle légitime? La réponse est oui. Comment régler le problème? La seule solution, c'est le versement d'un montant forfaitaire. Un ancien combattant peut vous dire qu'il a servi dans l'infanterie pendant la Seconde Guerre mondiale, qu'il est sorti en 1945 et qu'il n'a pas demandé de prestations. C'est son privilège. Mais les marins marchands n'ont pas eu ce privilège.

M. George Proud: Parce que seulement 10 p. 100 des anciens combattants ont fait une demande en vertu de la Loi sur les terres destinées aux anciens combattants, par exemple.

M. Clifford Chadderton: Ah oui. Bien sûr, c'est parce que, avec la Loi sur les terres destinées aux anciens combattants et son programme soeur, le programme de morcellement des terres, il n'y avait pas beaucoup d'anciens combattants qui voulaient retourner à la ferme ou tirer leur gagne-pain de petites terres. Je pense que c'est pour ça. Mais chose certaine, on peut trouver des données là-dessus. On peut savoir combien d'anciens combattants se sont prévalus de la Loi sur les terres destinées aux anciens combattants ou de la Loi sur le morcellement des terres.

M. George Proud: Oui.

Le président: Encore merci, monsieur Proud.

[Français]

Monsieur Laurin, s'il vous plaît.

M. René Laurin: Je n'ai pas d'autres questions, monsieur le président, mais j'aimerais féliciter ces gens pour l'excellent travail qu'ils ont fait et les assurer personnellement et de la part de mon parti de toute notre sympathie à leur cause. Nous essaierons sûrement de leur donner notre appui.

Le président: Merci, monsieur Laurin.

[Traduction]

Dernière question de ce côté-ci: monsieur Earle.

M. Gordon Earle: Oui, très rapidement.

J'ai tendance à être d'accord avec M. Proud au sujet des groupes d'étude. J'ai trop souvent l'impression que l'on fait beaucoup trop d'études. Et je pense que l'on a abondamment prouvé dans ce cas-ci qu'il faut apporter des correctifs.

Mais très brièvement, j'ai retenu une suggestion que vous avez faite lorsque vous avez parlé de votre groupe d'étude—et ce n'est qu'une suggestion—concernant la manière dont le versement forfaitaire doit être effectué, sous forme de rentes, et vous avez parlé de rentes structurées, ce que vous proposez parce que vous comprenez les problèmes budgétaires qu'a notre gouvernement.

Cela dit, parce que je ne pense pas que le gouvernement devrait chicaner sur le montant, les chiffres que l'on a avancés, de toute manière, est-ce que ce serait facultatif, à votre avis, ou tenez-vous absolument à cette rente? Ou si l'on privilégie la rente, est-ce qu'il pourrait se trouver quelqu'un qui aurait besoin du montant global tout de suite et qui pourrait le demander, si l'on propose un règlement?

M. Clifford Chadderton: Bien au contraire. Ce que je propose, c'est le versement d'un montant forfaitaire, et le dossier serait classé: ce serait équitable, et il n'y aurait plus de niaisage. Cependant, dans mes rapports avec le ministère des Finances et d'autres ministères au fil des ans, j'ai appris que les gouvernements hésitent parfois à agir, et alors ils brandissent un gros chiffre et disent: «Ça coûterait 300 millions de dollars. C'est impossible.»

• 1320

Mais cela a été fait. C'est tout ce que je dis dans mon mémoire. Ça été fait dans au moins quatre cas par le passé, et vous avez bien sûr remarqué que notre proposition est basée sur trois paiements: un très gros paiement au début, une sorte de paiement mensuel, et le reste serait versé au conjoint ou à la succession.

Le président: Monsieur Earle, tout le monde a respecté la règle.

Madame Wayne, une toute dernière question, rapidement, s'il vous plaît.

Mme Elsie Wayne: Comme certains de mes collègues, Cliff, je crois sincèrement, pour avoir siégé à ce comité, que la question a été étudiée à fond et que chacun a eu son mot à dire. Chose certaine, je suis favorable à une forme quelconque d'indemnisation pour nos hommes, cela ne fait aucun doute. Je ne crois même pas que nous ayons besoin d'un sous-comité. Je pense que nous devons parvenir à un accord quelconque quant à la forme et au montant de cette indemnisation.

Voici la question que je veux vous poser: combien de temps croyez-vous qu'il nous faudra, si nous créons un petit sous-comité, pour proposer cela au gouvernement et obtenir son accord? Croyez- vous que cela pourrait se faire avant l'ajournement de la Chambre en juin?

M. Clifford Chadderton: Chose certaine, j'ai lu chaque phrase des Procès-verbaux et témoignages, et, vous avez toute l'information voulue.

Je peux vous dire que l'on a proposé la création de ce groupe d'étude parce que cela a déjà été fait, et deuxièmement, comme les jurys, il y a des comités qui s'embourbent parfois, et dans ces circonstances, la meilleure solution qui reste est la création d'un groupe d'étude.

Mme Elsie Wayne: D'accord, monsieur le président, assurez-vous qu'on ne s'embourbe pas ici.

Le président: J'aimerais disposer de ce pouvoir, madame Wayne. Merci, madame Wayne.

Une dernière question, rapidement, de M. Pratt.

M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.): Merci, monsieur le président.

Merci d'avoir accepté notre invitation, monsieur Chadderton.

Ma question, et je serai très bref, est celle-ci. Comparativement aux autres pays alliés—et je songe ici au Royaume- Uni, à l'Australie, à la Nouvelle-Zélande et aux États- Unis—voulez-vous nous dire précisément quelles prestations leurs marins marchands ont obtenues que les marins marchands canadiens n'ont pas eues? Le savez-vous?

M. Clifford Chadderton: Oui. Au Royaume-Uni, les marins marchands ont reçu exactement la même protection que les membres des forces régulières, dès 1939.

Aux États-Unis, les marins marchands ont eu énormément de mal à obtenir des prestations quelconques. Cela tenait au fait que certains d'entre eux étaient extrêmement bien payés. Cependant, en 1986, il y a une poursuite devant les tribunaux, après quoi les États-Unis leur ont donné le droit de se prévaloir du programme des anciens combattants.

Comme je l'ai dit plus tôt, en Australie, on a adopté le principe britannique. On a donné aux marins marchands la même protection qu'aux marins marchands britanniques. Mais les Australiens ont jugé que ce n'était pas suffisant, et en 1985 ou 1986, ils ont procédé à une nouvelle étude et ils ont relevé le niveau des marins marchands d'Australie, qui avaient le même niveau que les marins marchands britanniques, au niveau des soldats australiens.

Ce sont les trois pays que j'ai étudiés. Les autres non, monsieur.

M. David Pratt: Merci.

Le président: Monsieur Chadderton, monsieur Forbes, merci beaucoup pour cet exposé. Monsieur Chadderton, vous avez fourni à notre comité une quantité prodigieuse de renseignements très utiles, et nous vous remercions d'avoir accepté de témoigner à maintes reprises devant notre comité. Merci beaucoup, et j'espère que nous pourrons conclure cette affaire très bientôt. Merci à vous deux, messieurs, d'avoir été des nôtres.

M. Clifford Chadderton: Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs.

Le président: J'invite maintenant le deuxième groupe de témoins à s'avancer, MM. Gordon Strathy et Roger Beauregard.

Pendant que ces messieurs s'avancent, je tiens seulement à vous dire que M. Cloutier espère vivement nous revenir. Il devait assister à une autre réunion très importante, mais il espère pouvoir revenir parmi nous.

• 1325

Messieurs, vous savez que nous manquons de temps. La période des questions commence à 14 heures. Nous vous savons gré de votre patience. Je crois savoir que vous avez un mémoire assez succinct, et nous vous en remercions. Et les députés tâcheront de vous poser toutes leurs questions. Mais merci de votre patience.

Qui va commencer? Monsieur Strathy.

M. Gordon Strathy (président national, Association canadienne des vétérans de la Corée): Nous tâcherons d'être aussi brefs que possible, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup.

M. Gordon Strathy: Près de 50 ans se sont écoulés depuis le début de la guerre de Corée. Nous entrerons bientôt dans un nouveau millénaire. Environ 27 000 Canadiens ont servi en Corée. Beaucoup d'entre eux sont allés à la guerre allègrement, sans songer que leur vie pouvait en être modifiée profondément. Comme ceux qui les avaient précédés, ces jeunes Canadiens étaient simplement convaincus que notre gouvernement saurait s'occuper d'eux. Dans certains cas, cela s'est révélé vrai. Si nous voulons influer sur le cours des choses, il faut agir maintenant.

Je suppose que notre problème tient en partie au fait que ce qui se passait en Corée n'était pas considéré comme une guerre, et j'ose dire que c'était même le cas de certains de nos officiers supérieurs.

Cinq cent seize Canadiens ont été tués pendant la Guerre de Corée. Nous qui sommes allés sur le terrain savons très bien que c'était une guerre. Bon nombre de nos soldats ne savaient plus où ils en étaient après la guerre. Étions-nous, oui ou non, des anciens combattants? Beaucoup estimaient que la procédure de la Commission des pensions était dégradante et humiliante.

Vous n'ignorez certainement pas que la Loi sur les pensions a toujours stipulé qu'en cas de doute quant à l'admissibilité, il faut accorder le bénéfice du doute à l'ancien combattant. Il semble que le plus souvent, ce n'est pas ce qui se passait. En fait, je peux en témoigner car j'estime que justice n'a pas été faite dans mon propre cas. J'ai demandé une pension pour mes mains et ma demande a été rejetée. Le motif invoqué pour ce refus me semblait inacceptable. J'ai toujours eu le sentiment d'avoir été traité injustement et laissé sur la touche par le système. Ce n'est que bien des années plus tard que j'ai présenté une nouvelle demande et, à un moment donné, on m'a enfin accordé une pension pour mes mains.

Je ne veux nullement profiter de la présente pour rouspéter et me plaindre de mes problèmes personnels; je donne simplement cela à titre d'exemple. Je suis certain que l'on pourrait en trouver beaucoup d'autres, et pour vous donner une idée de la chronologie des événements, je vous dirai que j'ai fait ma demande en 1972 et que j'ai reçu une pension en 1995.

Je dois à la vérité de dire que la situation s'est améliorée. Toutefois, à ma connaissance, aucune étude longitudinale n'a été entreprise sur les problèmes de santé associés à la Guerre de Corée. Notre association a bien fait une petite enquête et nous avons trouvé certains faits intéressants, même si notre échantillon était relativement petit. Les constatations étaient quand même assez intéressantes et ont confirmé la plupart de nos convictions.

En effet, il y a proportionnellement plus d'anciens combattants de la Corée qui ont subi des blessures par balle et souffert de la malaria, par rapport à ceux qui sont allés à la guerre avant nous. D'où la question qui se pose: Il y a eu plus d'anciens combattants de la Corée qui ont subi des blessures par balle que d'anciens combattants qui ont subi les mêmes blessures au cours de la Seconde Guerre mondiale. En Corée, les trois bataillons d'environ 2 700 hommes étaient au front. On leur tirait dessus constamment.

La liste des maladies et blessures dont nos anciens combattants ont souffert est très longue. Il semble également que les décès prématurés sont courants. Oui, notre espérance de vie semble être moindre. Est-ce parce que nous avons servi en Corée? Beaucoup de nos compagnons d'armes en sont convaincus.

Je me suis toujours demandé comment nous pouvions nous attaquer au problème sans connaître tous les faits, sans savoir quels sont exactement les principaux problèmes qui se posent dans notre groupe de population. Je suis convaincu, et je l'ai déjà dit, qu'il faut effectuer une étude approfondie avant qu'il soit trop tard, afin d'examiner tous les problèmes de santé.

• 1330

Le président: Monsieur Strathy, si vous me permettez d'intervenir, j'aimerais savoir si vous comptez nous lire tout votre mémoire, et je vous le demande parce que nous espérions vous poser quelques questions.

M. Gordon Strathy: Je pensais que mon texte donnerait le ton à la discussion, j'irai donc très rapidement.

Le président: Bien sûr. Je vous encouragerais peut-être à vous en tenir à vos propres mots au lieu de nous en donner lecture parce que nous disposons déjà de votre texte pour mémoire. Je vous le dis pour que nous puissions vous poser des questions avant d'ajourner. D'accord?

M. Gordon Strathy: Très bien. Bien, monsieur le président.

À ce point de vue, bon nombre des autres pays qui ont pris part à la Guerre de Corée ont déjà procédé à des études très exhaustives et découvert plusieurs choses qui pourraient vous choquer. Et vous avez au moins l'enquête australienne. En la lisant, on voit tout ce qui pouvait arriver à un jeune homme qui allait en Corée... comme ce bon vieil insecticide DDT, dont on a aspergé les vêtements ou les gens, et l'on a découvert depuis que c'était un produit nuisible pour les êtres humains, les animaux qui influence la reproduction, etc. Je n'ai donc rien à ajouter à ce sujet.

Nous ne faisons pas que représenter notre association. Nous représentons tous les anciens combattants de la Guerre de Corée, et je dirais même, les anciens combattants en général.

À la décharge d'Anciens combattants Canada, je dirai qu'on a essayé de régler les choses. Quand je dis «régler», je ne le dis pas méchamment. On a bel et bien essayé de régler la question du traitement des pensions. Ce qui prenait autrefois des mois ou peut-être même des années, n'exige plus que des semaines, ou au pire quelques mois, avant qu'on prenne une décision. Et j'ajouterai que le ministère accorde maintenant la priorité au sort de la veuve ou du conjoint, et ça c'est bon aussi.

Quels sont donc les grands problèmes qui subsistent aux yeux des anciens combattants? Je pense qu'on peut les ranger aisément en quatre catégories.

Il y a une catégorie qui est l'acquisition et le traitement des pensions, et je vous ai dit que le processus était humiliant. Pour qu'il y ait traitement, il faut presqu'avoir une pension, parce que sans ça, vous n'existez pas.

Le Programme pour l'autonomie des anciens combattants: pour ceux d'entre vous qui ne le connaissent pas, il s'agit d'un programme qu'on a mis en place pour permettre à l'ancien combattant de rester chez lui au lieu d'aller à l'hôpital. Ainsi on s'occupe de tondre le gazon, de vous fournir des services de buanderie, etc. Pour ce qui est lits pour soins de longue durée, vous tous ici à Ottawa êtes très près du Centre de santé Perley-Rideau, et vous savez parfaitement bien que le nombre de lits ne cesse de diminuer. Il nous reste un seul hôpital pour anciens combattants, et il se trouve à Montréal. On a donné aux autres des noms qui n'en font pas des hôpitaux, et voilà pourquoi les gouvernements provinciaux ne les financent pas de la même façon que s'ils étaient des hôpitaux.

D'ailleurs, pour ce qui est des lits pour soins de longue durée, j'ai un ami qui vient d'avoir un accident cérébrovasculaire, et on l'envoie d'un hôpital à l'autre. Il a été quelque temps à St-Vincent, il a été quelque temps à Barry's Bay, il est retourné à Pembroke, et il cherche un lit pour soins de longue durée quelque part.

Pour ce qui est des études relatives à la santé, on n'en a jamais effectué sur les anciens combattants de la Guerre de Corée. On tenait seulement pour acquis que les études qui portaient sur les anciens combattants de la Deuxième Guerre mondiale s'appliqueraient également aux anciens de Corée. J'étais en Corée la semaine dernière, et je peux vous assurer que j'ai bel et bien été à l'endroit où nous étions il y a 40 ou 50 ans. Quoi qu'il soit aujourd'hui beaucoup moins douloureux, du point de vue émotif, d'obtenir une pension, beaucoup d'anciens combattants se méfient encore énormément. J'entends souvent des commentaires du genre: «Pourquoi s'en donner la peine? Je ne peux oublier ce qui s'est passé la dernière fois que j'étais là». Et ce n'est pas tant parce qu'on est amer et tout cela, mais en vieillissant, on se rend compte qu'on se fait avoir quand on va à ces réunions et qu'on doit plaider sa cause sans arrêt. Et on demande à des gens qui ont du mal à se rappeler où ils ont laissé les clés de leur voiture il y a 15 minutes de se souvenir de ce qui leur est arrivé il y a 50 ans. Comme si ce n'était pas assez, on leur demande, s'ils ne peuvent pas se souvenir, de trouver un ami qui était là avec eux et de signer un affidavit en ce sens. Eh bien, si je ne peux pas trouver mes clés, je pense que mon collègue ne peut pas trouver les siennes lui non plus.

• 1335

La plupart de nos anciens combattants croient sincèrement qu'ils ont droit à une pension. Ce n'est pas pour obtenir quelques dollars de plus qu'on demande une pension. On demande une pension parce qu'on croit sincèrement qu'on a des griefs légitimes et que le gouvernement doit faire droit à ces griefs. Comme je l'ai dit plus tôt, la question du traitement est liée directement à la pension. Cela ne fait aucun doute.

Le Programme pour l'autonomie des anciens combattants visait à nous aider à rester chez nous, à nous aider quelque peu. Il y a quelques éléments à ce sujet... et j'ai remarqué qu'on mentionnait ces mêmes choses dans un rapport d'un comité du Sénat. Il y a risque de fraude. Et dans certains cas, on accorde ces services, alors que dans d'autres cas, non. Il faut donc faire enquête.

Je ne peux rien ajouter au sujet des lits pour soins de longue durée. Vous êtes tous au courant de la situation. C'est dans les journaux tous les jours. Et vous pouvez constater le problème si vous visitez les ailes réservées aux anciens combattants. Cependant, à moins que vous, les parlementaires, ne reconnaissiez le besoin d'améliorer la situation, rien ne se fera jamais. Vous vous intéressez aux changements qui sont à la fois justifiés et souhaités. Or, «justifiés» signifiait que nous y avons essentiellement droit, et «souhaités» fait allusion à ce qu'on peut considérer comme étant de bons soins.

On devrait avoir acquis le droit de recevoir de bons soins. Si nous nous sommes portés volontaires, cela ne devrait pas signifier que nous savions dans quoi nous nous embarquions. Je peux vous assurer que la plupart de nos gens étaient très jeunes et ne savaient certainement pas dans quoi ils s'embarquaient.

Les jeunes ont toujours l'idée qu'ils sont invincibles. Ils ne deviendront jamais malades. Ils seront toujours aussi enthousiastes qu'au moment où ils sont partis pour la Corée. Pourtant, comme vous le savez, la vie est beaucoup plus dure que cela. Quand on arrive à l'âge de 60, 70 ou 80 ans, beaucoup de choses acquises qu'on ne pensait jamais voir arriver.

À mon avis, nos anciens combattants ont beaucoup donné d'eux- mêmes et ils méritent d'être traités équitablement. Il est essentiel qu'une étude, sinon plusieurs études, soient effectuées dès que possible. Les anciens combattants de la Guerre de Corée semblent être une espèce en voie de disparition, et je ne dis pas ça à la blague. C'est vrai. On dirait qu'on meurt plus vite que beaucoup de nos prédécesseurs.

Je sais qu'on a souvent fait campagne pour nous par le passé, et je sais que beaucoup de politiciens ont assisté à des réunions semblables et ont dit qu'ils nous appuyaient totalement. Or, cela donnait à espérer aux anciens combattants, qui croyaient qu'on allait enfin faire quelque chose, mais ils ont été déçus à chaque fois. Nous espérons que la même chose n'arrivera pas cette fois-ci.

La revue de La Légion royale canadienne publie souvent de bons articles, que j'ai commencé il y a quelques mois à découper. Un des articles s'intitule «La Légion se plaint au comité du rejet injustifié des cas de perte d'ouie». Eh bien, je crois que Roger et moi, nous avons tous les deux des pertes d'ouie. Selon l'article, environ 900 personnes ayant des déficits auditifs réclament des prestations de pension. Vous vous dites peut-être que votre tante, elle aussi, avait perdu l'ouie, et qu'elle avait même un petit pavillon qu'elle mettait dans son oreille. En réalité, je crois que la plupart des gens n'ont pas été assujettis aux types de bruit qu'on trouve couramment dans un environnement militaire; les pertes d'ouie sont donc beaucoup plus élevées chez les militaires.

L'article suivant s'intitule «Le vérificateur général demande l'établissement de critères pour encadrer les décisions en matière de pension»...

• 1340

Le président: Je m'excuse de vous interrompre, mais il ne nous reste que 20 minutes. Je suis sûr que vous aimeriez pouvoir répondre à des questions. Je ne veux nullement couper court à votre exposé, mais nous n'aurons tout simplement pas le temps de permettre à tous les membres de poser des questions à moins de finir maintenant.

M. Gordon Strathy: Je vais donc saisir cette dernière occasion.

Le président: D'accord.

M. Gordon Strathy: Le livre récent de Ted Barris, intitulé Deadlock in Korea: Canadians at War, 1950-1953, donne un peu le ton, à mon avis, de la situation. À la page 229, l'auteur cite Jackie Rae, qui faisait des tournées avec Wayne et Shuster, et je cite «Les militaires en Corée étaient si jeunes; cela me dérangeait beaucoup. J'étais fâché au début.»

À la page 288, on parle d'un jeune homme qui retourne chez lui en Alberta. Son père l'invite à venir à la Légion pour rencontrer les autres anciens combattants. Une fois rendu à la Légion, son père l'invite à dire quelques mots aux autres. Quand le jeune homme se lève pour parler, quelqu'un du fond de la salle dit «Et alors, vous arrivez des tranchées en Corée. Asseyez-vous au lieu de vous rendre ridicule!» Cela vous donne une petite idée de la façon dont nous avons été reçus à la Légion et ailleurs.

Le président: Est-ce que nous pouvons passer aux questions? Je crois que ce serait préférable.

M. Gordon Strathy: D'accord.

Le président: Merci pour votre coopération. Il est difficile de prévoir d'avance comment ces réunions vont se dérouler, et nous aurions probablement eu besoin de plus de temps. Cela dit, nous allons passer tout de suite aux questions.

Je vais accorder à chacun trois minutes pour que tous les partis aient une chance. Je commence par M. Goldring.

M. Peter Goldring: Merci, monsieur le président.

Merci, monsieur Strathy.

Je suis allé moi-même en Corée, j'ai eu l'occasion de visiter la zone démilitarisée, et je dois dire que c'est assez surréaliste. C'est comme une guerre en attente. Les gens ne s'en rendent pas compte, mais les deux côtés sont armés, c'est une guerre en attente.

Cela dit, après avoir vu la Corée, toutes ces collines, les endroits où il y a eu des batailles, j'imagine beaucoup mieux à quel point ils ont dû patauger, tous ces anciens combattants qui viennent me voir dans mon bureau pour me demander une augmentation de leur pension. Ils me parlent, tout comme vous aujourd'hui, d'arthrite et d'autres maux, comme des varices. Avec un tel terrain, ces problèmes qui se développent plus tard ne sont pas étonnants. Après avoir vu la région, je le comprends beaucoup mieux.

Cela dit, j'ai une question au sujet de la documentation que vous nous avez apportée. Vous avez une liste de produits chimiques très longue et d'autres produits auxquels les anciens combattants ont été exposés. Certains ont dit—et j'ai bien apprécié votre observation à ce sujet—que les anciens combattants de Corée souffraient beaucoup plus de maladies que la population en général. Il est facile de faire des comparaisons avec ce qui s'est produit après la guerre du Golfe et après le Vietnam.

Pensez-vous que ce genre de comparaison soit justifiée, qu'il y ait une sorte de syndrome de la guerre de Corée, ce qu'on pourrait appeler en termes techniques un syndrome du combattant, un état qui favorise ce genre d'affectations plus que parmi la population en général? À votre avis, quelle en serait la principale cause?

M. Gordon Strathy: Je n'aime pas parler de syndrome, car c'est un terme dont on abuse. Cela englobe beaucoup de choses. Toutefois, on peut dire que les états en question, les maladies, sont bien connus. À l'époque, je ne pense pas qu'il y ait eu un pays au monde où on ait constaté autant de maladies. Même au moment de la Deuxième Guerre mondiale, il n'y en avait pas autant. C'est comme l'Afrique, l'Italie et l'Allemagne regroupés dans un tout petit espace. Vous connaissez la Corée: 48 millions d'habitants, c'est un très petit pays.

M. Peter Goldring: Mais ce sont des états qu'on retrouve après la guerre du Golfe. Peut-être que «syndrome» n'est pas le bon terme, mais c'est une façon de cataloguer les complications provoquées par les conditions du champ de bataille. Comme la guerre de Corée est relativement récente, on a utilisé là-bas beaucoup de produits chimiques, beaucoup de produits différents, comme on le voit sur votre liste.

M. Gordon Strathy: Certainement. Roger a quelque chose à ajouter.

M. Roger Beauregard (secrétaire, Unité 7 (Ottawa), Association canadienne des vétérans de la Corée): Si notre cas est différent de celui d'autres anciens combattants, c'est en fait à cause d'un manque de données empiriques. Je fréquente les réunions de notre unité locale, ici à Ottawa, et nous sommes environ 250—depuis janvier, nous avons perdu 6 membres. Les gens se plaignent beaucoup. Nous nous parlons en criant parce que nous entendons mal. Cela dit, personne n'a cherché à déterminer s'il y a parmi nous une plus grande incidence d'arthrite, de malaria, plus de cancers de la prostate ou de maladies cardiaques que parmi les anciens combattants de la Deuxième Guerre mondiale ou le reste de la population.

• 1345

À mon avis, il faudrait faire une étude pour établir les faits, car pour l'instant, il n'y a rien. Il faudrait confier cette étude à un comité. Peut-être même que le ministère pourrait trouver parmi des centaines de diplômés d'université quelqu'un qui, pour une somme très modeste, ferait une étude sérieuse et comparerait la santé des anciens combattants de la guerre de Corée, celle des anciens combattants d'autres guerres et celle de la population en général. Pour l'instant, les gens ont l'impression que nous nous plaignons beaucoup, mais nous n'avons pas de données solides.

Le président: Merci beaucoup.

[Français]

Monsieur Laurin, trois minutes, s'il vous plaît.

M. René Laurin: Lorsque vous réclamez une étude à ce sujet, je me demande en quoi la situation de ces gens peut être différente de celle des travailleurs qui, par exemple, ont travaillé pendant des années dans une usine et ont aussi l'impression d'avoir été contaminés par les produits fabriqués dans l'usine. Je pense entre autres aux travailleurs de l'amiante qui, pendant des années, ont été affectés. Que je sache, jamais des fonds gouvernementaux n'ont été consacrés à de telles études lorsque des maladies nouvelles apparaissaient à la suite d'un usage industriel d'un produit quelconque. La guerre du Golfe a provoqué une autre maladie, et il semble que celle de la Corée en ait provoqué une autre. Pourquoi la situation des gens de la Corée est-elle différente de celle des gens du Golfe ou de l'usine?

M. Roger Beauregard: Il n'y a aucune différence entre ces gens et ceux qui ont servi dans le golfe Persique. Je crois que le gouvernement provincial a étudié de façon intensive la situation des travailleurs de l'amiante. Par contre, on n'a ni documentation ni étude sur la situation des gens de la guerre de Corée.

M. René Laurin: Est-ce la principale demande que vous nous faites aujourd'hui? Je constate que vous avez certaines plaintes concernant les soins médicaux qui sont donnés dans les hôpitaux pour anciens combattants. Vous savez qu'actuellement, au Québec, on se plaint du virage ambulatoire et des soins médicaux. Je ne pense pas que les anciens combattants aient à s'en plaindre plus que le reste de la population. Trouvez-vous qu'il y a des différences au niveau des soins?

M. Roger Beauregard: Si le ministère des Anciens combattants avait plus de détails à sa disposition, il serait mieux en mesure de juger lorsqu'un ancien combattant de la Corée fait une demande de pense. À mon avis, il n'a pas présentement l'information nécessaire.

Le président: Merci, monsieur Laurin.

[Traduction]

Monsieur Proud, vous avez trois minutes.

M. George Proud: Messieurs, je vous remercie d'être venus. L'Association canadienne des vétérans de la Corée m'intéresse particulièrement car ils sont assez nombreux dans ma région.

Vous nous parlez de ces problèmes de santé, vous nous dites qu'une étude devrait être effectuée. Est-ce que vous nous demandez de recommander une telle étude? Monsieur Beauregard, vous avez dit qu'il vaudrait mieux ne pas nous confier cette tâche à nous. Pensez-vous qu'il faudrait créer un comité pour faire cette étude sur les maladies attribuables à...

M. Gordon Strathy: Nous recommandons effectivement qu'une étude soit effectuée, et qu'elle soit confiée soit à une personne, soit à un petit groupe. Cela dit, nous aimerions que notre cas soit comparé à celui d'autres groupes.

M. George Proud: À propos de l'acquisition des pensions, du programme pour l'autonomie des anciens combattants et des lits pour soins de longue durée, vous pensez que nous devrions étudier cette question et essayer de tirer des conclusions?

M. Gordon Strathy: Si vous considérez ces quatre domaines, cela commence par les pensions, en passant ensuite au programme d'autonomie, et chaque fois, on se rapproche de ces lits de soins de longue durée. Tout cela est lié, il est impossible d'étudier un de ces aspects de façon isolée.

M. George Proud: Vous dites que depuis quelques années la proportion des anciens combattants de la guerre de Corée qui sont morts est anormale, et j'ai pu le constater dans ma propre ville. Combien d'anciens combattants de la guerre de Corée y a-t-il aujourd'hui au Canada? Est-ce que vous le savez?

M. Gordon Strathy: Ils sont environ 8 000 à 9 000. Notre association en regroupe 2 600 et il y en a 500 dans les provinces de l'Atlantique. Cela fait donc 3 100 personnes qui appartiennent à des associations, mais en tout il doit y en avoir le double.

M. George Proud: Merci.

• 1350

Le président: Merci.

Monsieur Richardson, vous pouvez profiter du temps qui restait à M. Proud et poser une question.

M. John Richardson (Perth—Middlesex, Lib.): Merci beaucoup.

C'est un plaisir de vous voir, Roger. Roger Beauregard était un jeune officier fringant quand je me suis enrôlé dans l'unité de la princesse Patricia. J'imagine que c'était le premier bataillon.

M. Roger Beauregard: Plus aussi fringant.

M. John Richardson: Cela ne fait rien, Roger. À l'époque, vous aviez certainement belle allure.

J'essaie de voir la situation d'ensemble; nous revenons tout juste de Corée où nous avons examiné la situation, le terrain, les difficultés, et nous avons également assisté à l'échange de dépouilles à Panmunjom. Nous nous sommes demandé comment diable ils se débrouillaient pour circuler à l'époque, car la végétation a repoussé et le terrain est très difficile. Seule l'infanterie pouvait fonctionner. Je ne vois pas comment des véhicules sur roues auraient pu circuler dans la campagne, dans un terrain aussi miné. Les conditions de vie étaient également très difficiles. Les hivers sont terriblement froids et les étés terriblement chauds, et l'humidité est considérable.

Vous étiez là-bas pendant les années 50. Vous êtes restés dans l'armée, vous avez été envoyés au Congo, au Ghana et au Rwanda. Dans toutes ces régions-là, vous avez été exposés à toutes sortes d'autres facteurs. Si vous étiez faibles sous quelque rapport, c'était suffisant pour vous achever. Lorsqu'on est exposé à tous ces facteurs qui sont tellement différents du climat nord- américain, et cela finit à la longue par avoir un effet sur l'organisme.

J'ai une chose à ajouter, Roger. Je sais que vous êtes allé à l'étranger à plusieurs reprises; est-ce que vous avez eu l'impression que vous étiez affecté uniquement par ce qui se passait, ou bien cela avait-il commencé avec la situation en Corée?

M. Roger Beauregard: Je considère que j'ai eu pas mal de chance car pendant la guerre de Corée, j'étais un des plus jeunes, et je suis en relativement bonne santé. Cela dit, j'ai quand même des appareils acoustiques et je dois prendre environ cinq médicaments différents.

En plus de la Corée, j'ai servi au Congo pendant un an, en Inde pendant un an, et aussi dans le nord-ouest de l'Europe. Le service en Corée était de loin le plus difficile, pas seulement à cause du terrain et de la température, mais parce que nous habitions littéralement dans les trous au sol et dans les tranchées, sujets à du stress constant et des privations importantes. Par rapport à la Corée, le Congo, où j'avais un toit au-dessus de ma tête, était le paradis.

La Corée était un terrain très difficile. C'est un fait peu connu que la plupart d'entre nous y ont servi pendant un an, et dans ces 12 mois en Corée, la plupart d'entre nous étaient dans les tranchées pendant neuf à dix mois. On a passé la majorité du temps au front. C'était très...

M. John Richardson: Pouvez-vous expliquer à ce groupe la vie dans une tranchée?

Le président: Je regrette, vous n'avez plus de temps. On essaie de raccourcir les interventions pour donner une chance à tout le monde. Je vous remercie, pourtant, de votre réponse.

M. Earle, trois minutes.

M. Gordon Earle: Merci.

Je remercie les deux témoins de témoigner et de leur information.

Brièvement, j'ai remarqué dans votre exposé que vous dites que les problèmes existants peuvent être regroupés en quatre catégories, dont une concerne les lits de soins de longue durée.

J'ai entendu quelque chose brièvement l'autre jour. Je n'ai pas tous les renseignements à ce sujet, mais je crois qu'on disait qu'on était en train d'augmenter les taux de soins dans certaines de ces installations, pour qu'ils soient comparables à ce qu'on demande dans les autres institutions, et que cela crée certaines difficultés pour des anciens combattants. Avez-vous des renseignements à ce sujet, ou est-ce un problème dont on vous a parlé?

M. Gordon Strathy: Nous avons entendu parler de cela. Mais je crois que le problème le plus important c'est que les hôpitaux manquent de personnel, et l'Ontario en est le meilleur exemple. Il y a un nombre limité de lits réservés aux anciens combattants. C'est le problème le plus grave.

J'ai une fille qui travaille au Perley, alors je peux parler en connaisance de cause. Elle travaille dans l'aile des anciens combattants, et il y a trop peu de personnel pour trop d'anciens combattants. Il y a beaucoup d'anciens combattants de la Corée là- bas aussi.

M. Gordon Earle: Merci.

Le président: Merci, M. Earle.

Mme Wayne.

Mme Elsie Wayne: Pour ce qui est de la réduction du nombre de lits, on a fermé notre hôpital au ministère des Anciens combattants à Saint John, Nouveau-Brunswick. J'aimerais vous dire, monsieur le président, qu'on a construit un hôpital, mais qu'on a aussi fermé le Centracare, qui était l'hôpital pour les arriérés mentaux. Savez-vous où ils l'ont placé? Juste à côté de l'hôpital pour les anciens combattants. J'ai reçu un appel il y a quelques semaines m'informant que des personnes ayant des déficiences mentales erraient dans le secteur des anciens combattants. Mon Dieu, je me demande ce que nous avons fait!

• 1355

En parlant de compressions, on voulait éliminer les cuisiniers et faire venir nourriture, les oeufs et le bacon de Toronto. J'ai lutté contre cette proposition, monsieur le président, et j'ai sauvé les oeufs et le bacon et le cuisinier. D'accord. Nous avons sauvé cela, mais figurez-vous ce qu'on a supprimé il y a un mois? Vous savez il y avait un petit programme d'artisanat qui visait à sortir les anciens combattants de leur lit. Certains des patients faisaient de très jolis petits tapis qu'ils vendaient. Ils nous les vendaient. Ils les vendraient à nous. Ils faisaient aussi d'autres petits objets d'artisanat, et on les achetait. On leur a supprimé le programme d'artisanat.

Lorsqu'on parle de compressions, il s'agit de gens qui ont combattu pour que la paix règle dans le monde: les anciens combattants de la Corée, les anciens combattants de la Deuxième Guerre mondiale, et il ne reste que deux ou trois anciens combattants de la Première Guerre mondiale. J'y étais là. Je vous le dis, monsieur le président, il faut trouver un moyen d'amener le gouvernement—peu m'importe qui est au pouvoir, et vous le savez—à s'occuper d'eux. Ils doivent passer en premier. C'est essentiel. Je vous le dis parce que quand vos oeufs et bacon arrivent par avion de Toronto à Saint-Jean, Nouveau-Brunswick, mon Dieu, Bob, j'en saisis la Chambre.

Le président: Ils seraient vachement froids, n'est-ce pas?

S'il y a des députés qui ont d'autres questions, on pourrait rester encore quelques minutes. Certains des députés doivent partir maintenant pour la période des questions, mais d'autres pourront peut-être rester encore quelques minutes. Si quelqu'un veut poser une autre question... M. Pratt a une question.

M. David Pratt: J'aimerais reprendre une question que mon collègue, John Richardson, a posée concernant les conditions dans lesquelles vous avez servi en Corée. Je me trompe peut-être mais il me semble que le type de guerre statique qu'on pratiquait en Corée ressemblait beaucoup à la guerre qui existait pendant la Première Guerre mondiale pour ce qui est des tranchées et ces types de conditions. Pouvez-vous nous donner des détails?

M. Roger Beauregard: J'hésiterais à comparer la guerre de Corée avec la tuerie de la Première Guerre mondiale. J'ai beaucoup lu sur la Première Guerre mondiale, et il y a des décennies j'ai visité des champs de bataille et j'ai parlé aux anciens combattants de la Première Guerre mondiale. Ce n'était pas aussi horrible que pendant la Première Guerre mondiale, mais c'était le même type de guerre. Certainement, l'aspect physique était aussi terrible et inconfortable en Corée qu'il l'était pendant la Première Guerre mondiale, mais nous n'avons pas subi le massacre absolu de la Première Guerre mondiale. Mais ce n'était pas beau.

M. Gordon Strathy: Si on examine ce qui se passait de 1950 à 1952, le terrain était accidenté et comme l'a dit l'un des anciens combattants qui nous accompagnait, que dès qu'on franchissait le sommet d'une colline on était certain de devoir en franchir une autre, parce que c'est tout ce qu'il y avait.

M. David Pratt: Monsieur le président, je constate qu'on perd le quorum, mais j'aimerais vous donner un avis concernant une motion pour la prochaine séance du comité où elle pourrait être débattue, et je crois que ce serait mardi prochain.

Le président: C'est correct.

M. David Pratt: Cela concerne les tours pour l'interrogatoire des témoins et des changements à cette méthode de procéder.

Le président: Très bien. Vous la présentez donc avec un avis de 24 heures.

M. David Pratt: C'est exact.

Le président: D'accord, M. Pratt. Alors elle figurera non pas comme avis de motion mais comme une motion.

George, avez-vous d'autres questions?

M. George Proud: Non.

Le président: Messieurs, merci beaucoup d'être venus. Je regrette que nous ayons manqué un peu de temps à la fin, mais nous avons vos mémoires écrits qui feront, bien sûr, partie du procès-verbal. Je crois que vous avez très bien expliqué vos préoccupations, et que vous nous avez aussi très bien fait part de vos expériences. Merci beaucoup d'être venus aujourd'hui. Nous l'apprécions.

La séance est levée.