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NDVA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON NATIONAL DEFENCE AND VETERANS AFFAIRS

COMITÉ PERMANENT DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES ANCIENS COMBATTANTS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 4 mai 1999

• 1517

[Traduction]

Le coprésident (M. Pat O'Brien (London—Fanshawe, Lib.)): Je déclare ouverte la séance conjointe du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international et du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants.

J'aimerais à nouveau souhaiter la bienvenue au général Henault, à M. Wright et à Mme Corneau. Je vous remercie beaucoup d'être des nôtres. Nous savons à quel point votre emploi du temps est chargé et nous vous en sommes reconnaissants.

Qui va commencer? Monsieur Wright.

M. Jim Wright (directeur général, Division de l'Europe centrale, de l'Europe de l'Est et de l'Europe du Sud, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Monsieur le président, je pourrais peut-être faire un très bref résumé de la visite de M. Axworthy à Moscou, en Macédoine, au Caire et à Maputo, en insistant sur les éléments relatifs au Kosovo.

M. Axworthy a eu une rencontre d'environ deux heures avec le ministre des Affaires étrangères de la Russie, M. Ivanov, vendredi dernier. La discussion a été très franche et très constructive. M. Axworthy s'est réjoui de l'engagement direct pris par le secrétaire général des Nations Unies dans la crise du Kosovo. Manifestement, le Conseil de sécurité et M. Kofi Annan auront un rôle important à jouer quand tous les éléments du processus de paix seront en place.

Point crucial, durant ces échanges, le ministre des Affaires étrangères de la Russie, M. Ivanov, se servait des cinq principales conditions posées par Kofi Annan et par l'OTAN comme base de discussion.

[Français]

Les discussions ont essentiellement porté sur les techniques qui permettront de remplir ces conditions de base dans la mise en oeuvre d'un processus de paix.

[Traduction]

Il a été particulièrement question de la mise en séquence d'un processus de paix et de qui devra faire quoi, à quel moment, pour déclencher un arrêt des bombardements de l'OTAN. Des progrès ont donc été réalisés, mais de toute évidence il reste encore beaucoup à faire avant qu'il y ait entente.

En ce qui concerne l'avenir, M. Axworthy a déclaré qu'il faut que le G-8—c'est-à-dire le Groupe des huit—et le Conseil de sécurité des Nations Unies prennent part au processus. À cet égard, il y a eu une rencontre des dirigeants politiques du G-8 hier, en Allemagne, au sujet du Kosovo. Certains progrès ont été réalisés. Il se peut également que les ministres des Affaires étrangères du G-8 se rencontrent plus tard cette semaine.

M. Axworthy a aussi bien précisé, dans ses déclarations publiques après les rencontres de Moscou, que la Russie ne joue pas simplement un rôle de messager, qu'elle fait plutôt de l'engagement constructif en tenant compte de tous les points de vue, comme en témoignent les pourparlers de la semaine dernière, à Moscou.

• 1520

À Skopje, en Macédoine, M. Axworthy a rencontré le président, le premier ministre et le ministre des Affaires étrangères. Il a visité un des principaux camps de réfugiés, Stankovac, et a rencontré des représentants de grands organismes internationaux comme le Haut Commissariat pour les réfugiés, le Programme alimentaire mondial, ainsi qu'avec des organismes non gouvernementaux, y compris Médecins sans frontière, le Service de secours catholique et un organisme appelé Handicap International, en vue de discuter des mines terrestres.

Dans les camps de réfugiés, M. Axworthy a pu mesurer par lui-même la dimension humaine de la crise et il a rencontré certaines familles qui sont déjà venues au Canada. M. Axworthy se trouvait en Macédoine il y a 13 mois. À ce moment-là, le pays était plein de promesses et d'espoir, en train de se bâtir un avenir meilleur au sein de la famille européenne des nations. Actuellement, la Macédoine a une économie sans dessus dessous sans qu'il y ait eu faute de sa part, et son gouvernement démocratique se débat pour empêcher une aggravation de la situation.

La Macédoine n'est plus capable de faire du commerce à l'étranger depuis que les voies commerciales passant par la Yougoslavie ont été fermées. Le taux de chômage excède 40 p. 100. La production intérieure a fait une chute draconienne. Cette année seulement, la Macédoine sera incapable de verser plus de 200 millions de dollars qu'elle doit aux institutions financières internationales. Elle compte déjà plus de 200 000 réfugiés, et des milliers d'autres arrivent chaque jour.

[Français]

Concernant la crise des réfugiés, M. Axworthy a discuté avec ses hôtes de la mise en oeuvre du programme canadien pour les 5 000 réfugiés kosovars. La générosité canadienne a été bien appréciée par les autorités macédoniennes.

[Traduction]

M. Axworthy a fait part aux autorités macédoniennes de son inquiétude concernant le surpeuplement des camps. Il les a exhortées à respecter leurs obligations en vertu des conventions internationales relatives aux réfugiés et à agrandir les camps existants et à en ouvrir de nouveaux. On a fait part au ministre de préoccupations au sujet des risques pour la santé dans les camps, attribuables surtout aux piètres conditions d'hygiène.

En ce qui concerne l'économie, M. Axworthy a mentionné que le Canada avait consacré jusqu'ici 52 millions de dollars en aide pour la crise du Kosovo. Il a souligné les efforts que nous déployons constamment au sein du G-8 et au sein des institutions financières internationales en vue d'aider le plus possible la Macédoine et l'Albanie.

Quant à l'OTAN, les autorités macédoniennes ont fait bon accueil à la décision prise par le gouvernement du Canada de déployer au préalable quelques 800 soldats canadiens de maintien de la paix en Macédoine en prévision d'un éventuel processus de paix et de la présence d'une force internationale de maintien de la paix au Kosovo. M. Axworthy a mis ses hôtes au courant de ses efforts diplomatiques à Moscou.

Lors des échanges entre M. Axworthy et les autorités macédoniennes ainsi qu'avec les réfugiés, c'était sans cesse le même refrain. La crise actuelle est le résultat des 10 années de guerre ethnique et d'ultranationalisme du président Milosevic, et il faut que l'OTAN et la communauté internationale l'emportent.

[Français]

M. Axworthy se trouvait au Caire dimanche pour une rencontre avec le ministre des Affaires étrangères de l'Égypte, M. Moussa. Le Kosovo a occupé une bonne place dans leur entretien, qui a duré plus d'une heure.

[Traduction]

Après la rencontre, M. Axworthy a fait des observations au sujet de sa visite en Macédoine et du besoin de prendre d'autres mesures d'urgence requises par la situation tragique qui sévit dans les camps de réfugiés. M. Axworthy a également réitéré la préférence du Canada pour un engagement efficace des Nations Unies dans la recherche d'une solution diplomatique à la crise du Kosovo.

[Français]

Le Canada croit que l'Égypte peut contribuer positivement à faire progresser le dossier au Conseil de sécurité des Nations unies en raison de son influence au sein du mouvement non aligné et de l'Organisation de la Conférence islamique.

[Traduction]

M. Moussa et M. Axworthy ont discuté de la volonté de l'Égypte de prendre part à une éventuelle force de maintien de la paix au Kosovo, sous l'égide des Nations Unies. Tout comme le Canada, l'Égypte a une longue expérience du maintien de la paix dans les Balkans.

Enfin, M. Axworthy s'est rendu à Maputo, en Mozambique. Il a assisté à une réunion des États signataires de la convention interdisant les mines terrestres, c'est-à-dire la convention d'Ottawa. Il a exhorté la communauté internationale à se doter d'une capacité lui permettant d'agir rapidement, de manière coordonnée et humanitaire, en vue de procéder au déminage lorsqu'un conflit prend fin. M. Axworthy a parlé plus particulièrement des perspectives d'une telle initiative au Kosovo, où les mines terrestres poseront de toute évidence un problème.

Voilà qui met fin à mon exposé, monsieur le président.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci, monsieur Wright.

Général Henault, aviez-vous...?

Le lieutenant-général Raymond R. Henault (sous-chef d'état-major de la Défense, OP ABACUS, ministère de la Défense nationale): Oui, monsieur le président, j'ai effectivement un exposé à vous faire.

[Français]

Bon après-midi, mesdames et messieurs. J'ai l'intention de vous donner un bref aperçu des opérations des Forces canadiennes au cours des quelques jours qui se sont écoulés depuis notre dernière rencontre. Par la suite, je répondrai à vos questions avec M. Wright.

• 1525

[Traduction]

Pour ce qui est de la situation militaire de l'OTAN, les forces de l'OTAN poursuivent la guerre aérienne intensifiée et leurs frappes aériennes contre certaines cibles militaires et des forces déployées au Kosovo et, en fait, contre des cibles stratégiques un peu partout au pays.

À titre strictement indicatif, je signale que le nombre actuel de sorties enregistrées par l'OTAN jusqu'ici à l'appui de cette opération est de plus de 15 000, dont 5 000 environ étaient des frappes. Cela comprend les véritables bombardiers ainsi que des appareils chargés d'éliminer la défense aérienne de l'ennemi. Ainsi, il y a eu environ 4 000 sorties d'attaque contre 1 000 sorties visant à mettre hors de combat des moyens de défense aérienne ennemis.

Les Forces canadiennes ont effectué jusqu'ici 300 sorties environ, la grande majorité d'entre elles étant des sorties d'attaque, les autres, des patrouilles aériennes de combat. À nouveau, 85 p. 100 environ des sorties étaient des missions de bombardement, les autres 15 p. 100 étant des patrouilles aériennes de combat.

SACEUR dispose actuellement de plus de 700 appareils sur le théâtre de guerre, et leur nombre continue de croître lentement. La guerre aérienne se poursuit maintenant 24 heures par jour et sept jours par semaine.

[Français]

Cela veut dire que les opérations se poursuivent 24 heures par jour, sept jours par semaine.

Pour ce qui est des cibles des missiles de l'OTAN, elles n'ont pas beaucoup changé au cours des derniers jours dans les opérations en Yougoslavie. Il s'agit toujours de zones de rassemblement des forces dans le champ et de forces serbes partout au pays. Il y a aussi des sites de soutien de l'infrastructure, comme on vous l'a déjà mentionné, des ponts, des installations de pétrole, d'huile et de lubrifiants, des sites de radars actifs, des secteurs d'entreposage de munitions, des sites de relais radio et des terrains d'aviation.

[Traduction]

Les seules nouvelles cibles déclarées au cours des derniers jours et depuis que nous nous sommes rencontrés la dernière fois sont les centrales de production d'énergie. En fait, durant le week-end, les centrales ont été frappées par ce que l'OTAN qualifie d'armes spéciales. Je ne peux pas vous confirmer officiellement en fait que des bombes au graphite ont été utilisées. On les appelle plus couramment des bombes intelligentes. Le Canada ne se sert pas de ce genre d'armes, et il n'en a pas en stock. Pour ce qui est de leur utilisation, je n'ai pas beaucoup d'information, mais le Globe and Mail a publié aujourd'hui un article dans lequel on s'interroge à leur sujet. Essentiellement, elles court-circuitent, sans vraiment les détruire, les stations de relais.

Durant le week-end, l'OTAN a perdu deux appareils, comme vous le savez peut-être. En effet, on a confirmé maintenant que la défense aérienne serbe a abattu un F-16. Par ailleurs, un jet Harrier de la Marine des États-Unis s'est écrasé durant une mission de formation. Cet appareil n'a pas participé à une opération de combat; une défectuosité mécanique a entraîné sa perte durant une sortie de formation. À nouveau, je n'ai pas encore les détails de cette affaire. Je sais par contre que les deux pilotes ont réussi à s'éjecter de leurs appareils et qu'on les a retrouvés.

Un appareil A-10 ou Warthog a été endommagé par des tirs d'artillerie antiaérienne, c'est-à-dire non pas par des missiles, mais par des tirs de canon. L'appareil a néanmoins réussi à se poser sur une base de déploiement ou de déroutement et pourra reprendre les missions sous peu.

[Français]

En général, nous continuons à faire des progrès dans la campagne aérienne de l'OTAN contre les forces armées et de sécurité de la Yougoslavie. Nous continuons à endommager assez gravement son infrastructure stratégique.

[Traduction]

Les forces de l'OTAN continuent effectivement d'appuyer les organismes non gouvernementaux, comme vous le savez sans doute, dans leurs activités de secours humanitaire menées dans les pays limitrophes, particulièrement en Albanie et dans l'ex-république yougoslave de Macédoine, et elles continuent de faire une contribution importante à l'effort de secours, non seulement en termes d'équipement, de matériel, etc., mais également de main-d'oeuvre.

Pour vous en donner une idée, je précise que les soldats, marins et pilotes de l'OTAN ont aidé à livrer jusqu'ici plus de 3 500 tonnes de nourriture et d'eau, plus de 1 000 tonnes de fournitures médicales et plus de 1 800 tonnes de tentes. Ils ont par ailleurs livré plus de 3 000 tonnes de fournitures de tous genres.

Pour ce qui est de la contribution canadienne, l'opération Echo se poursuit. Les 18 appareils dont nous avions parlé la dernière fois sont maintenant sur place et opérationnels. Au cours des cinq derniers jours, nos CF-18 basés à Aviano ont effectué 66 des 80 sorties prévues. Pour vous donner une idée de leur taux d'activité, nous avions prévu 400 sorties environ, mais n'en avons fait que 300. Cela vous donne une petite idée des effets de la météo. Je dirais que plus de 90 p. 100 de ces sorties, si ce n'est la majorité, ont été annulées avant le départ en raison du mauvais temps.

• 1530

Nous continuons effectivement à nous servir de nos appareils surtout pour livrer des munitions à guidage précis et pour bombarder des cibles stratégiques, qui incluent des ponts-routes, des entrepôts et des dépôts de pétrole, d'huile et de lubrifiant, des aires de rassemblement serbes et ainsi de suite. Nous effectuons néanmoins des missions en vue de livrer des munitions sans guidage précis, mais le taux d'exécution de ces missions est également relativement bas, probablement inférieur à 20 p. 100.

[Français]

Comme je l'ai déjà mentionné, nos 18 avions CF-18 sont maintenant opérationnels à Aviano et nous pouvons donc nous attendre à ce que le rythme des opérations en théâtre s'accélère. Pour vous donner une idée du nombre de sorties, je vous dirai que nous avons commencé par faire quatre sorties par jour.

[Traduction]

Au début de l'opération, les six appareils que nous avions sur le théâtre de guerre effectuaient quatre sorties par jour. Le nombre s'est graduellement accru pour atteindre 16 sorties par jour, en moyenne. Étant donné les 18 appareils que nous avons maintenant sur place et un taux accru d'utilisation, bien sûr, ou de disponibilité des appareils, le nombre de sorties se stabilisera probablement à 20 sorties par jour pour le groupe de travail d'Aviano.

Nos préparatifs en vue du déploiement de nos troupes de maintien de la paix se poursuivent au rythme prévu, le transport de l'équipement par rail de l'Ouest, plus particulièrement d'Edmonton, jusqu'à Montréal devant débuter vers la fin de la semaine prochaine. De plus, l'équipe de reconnaissance avancée accompagnée de son commandant, soit du colonel Mike Ward, part aujourd'hui de l'Ouest pour se rendre dans l'ex-république de Macédoine en vue d'aider à planifier le déploiement et d'effectuer de la liaison très essentielle avec les forces britanniques qui sont déjà sur place.

Ce contingent de 800 personnes—je sais que vous en connaissez la composition, de sorte qu'il est inutile d'en reparler—est formé de nos troupes terrestres de l'Ouest et de membres de la 1re Division aérienne du Canada, plus précisément du 408e escadron. Si tout se déroule comme prévu, ils se trouveront sur place et seront opérationnels au plus tard le 25 juin prochain.

Enfin, pour ce qui est de l'opération Parasol, environ 900 membres des Forces canadiennes fournissent le soutien requis pour l'accueil des réfugiés.

[Français]

Environ 900 membres des Forces canadiennes partout au pays, particulièrement dans l'Est, plus précisément en Ontario et en Nouvelle-Écosse, appuient les opérations de réception des réfugiés, qui vont commencer aujourd'hui.

[Traduction]

En fait, nos forces de Trenton et de la base Greenwood aident Citoyenneté et Immigration Canada dans toutes ses entreprises à cet égard. Nous nous attendons que le premier appareil se posera vers 20 heures ce soir et qu'il aura à son bord environ 250 réfugiés. D'autres appareils devraient arriver tous les deux jours à Greenwood et à Trenton pendant toute la durée du transport des réfugiés au Canada.

[Français]

Messieurs les présidents, voilà qui termine mes commentaires. Nous vous cédons la parole.

[Traduction]

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci, général Henault.

Madame Corneau, aviez-vous un exposé à nous faire? D'accord. Je vous remercie.

Nous passons donc aux questions. Je tiens simplement à rappeler aux membres du comité qu'étant donné le peu de temps dont nous disposons pour ces séances d'information, ils doivent limiter leur question à une minute et essayer d'obtenir une réponse en à peu près autant de temps.

Le premier sera M. Turp, suivi de M. Graham.

[Français]

M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): Il est intéressant de voir qu'on est au jour 41 des frappes alors que dans le conflit de l'Irak, il y avait eu 44 jours de frappes. Espérons qu'il y aura un règlement politique avant le 44e jour des frappes.

J'aimerais poser une question générale à Jim Wright. Le processus diplomatique est-il à ce point avancé qu'on peut croire qu'un règlement diplomatique est à portée de main? Est-ce qu'il pourrait nous donner de l'information sur les réunions qui ont cours ou qui auront cours au sein du G-8? Je crois comprendre que les political officers du G-8 se sont réunis ou sont en réunion et qu'on envisage même de réunir les ministres à très brève échéance. Le Canada fait partie du G-8, mais la Russie également. J'aimerais que M. Wright nous informe de l'état des négociations.

Ma deuxième question porte sur la saisie des avoirs. J'ai posé une question tout à l'heure en Chambre, et M. Reed m'a lu une réponse. Monsieur Wright, vous pourriez peut-être la compléter ou y ajouter quelque chose de façon à ce que nous sachions si le gouvernement canadien souhaite prendre des mesures comme la saisie des avoirs privés d'individus qui occupent des fonctions au sein du régime Milosevic, comme M. Karic. C'est ma deuxième question.

• 1535

J'ai aussi une brève question pour M. Henault. Dans l'état actuel des choses, est-ce qu'il y a eu des dommages à l'infrastructure canadienne?

[Traduction]

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Monsieur Turp, vous avez déjà pris près de deux minutes.

Je demanderais aux membres de bien vouloir collaborer. Vous êtes nombreux à vouloir poser des questions.

Monsieur Wright.

M. Jim Wright: Je ferai de mon mieux pour vous répondre très rapidement.

Comme l'a déjà affirmé le premier ministre, nous déployons nos efforts sur deux plans, soit la voie diplomatique et le front militaire. Nous continuons d'espérer que nous pourrons en arriver à une solution diplomatique le plus vite possible.

Les dirigeants politiques du G-8 se sont rencontrés à Bonn, le lundi, après la visite de M. Axworthy à Moscou et à Skopje. Des progrès ont été réalisés, mais il reste encore beaucoup à faire pour rapprocher les Russes des autres membres du G-8. Nous mettons l'accent sur les cinq conditions qui ont été fixées par le secrétaire général des Nations Unies et par l'OTAN, et nous nous efforçons de voir s'il y a moyen de traduire ces cinq conditions en un plan de paix, en précisant bien qui doit faire quoi à quel moment au juste pour que cessent les bombardements de l'OTAN.

Idéalement, nous aimerions voir s'il est possible d'en arriver à une entente par voie diplomatique. Les ministres des Affaires étrangères du G-8 demanderaient alors aux fonctionnaires de se retirer et de voir s'ils peuvent transformer le résultat de la diplomatie en une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies qui obtiendrait l'appui de celui-ci, fort probablement en vertu du chapitre 7, comme cela s'est fait dans le cas des accords de paix de Dayton.

Les échanges diplomatiques demeurent extrêmement intenses. Comme vous le savez, le président Clinton part aussi ce soir pour Bruxelles, où il rencontrera le secrétaire général Solana. Il se rendra ensuite en Allemagne. Il est possible qu'il y ait une réunion des ministres des Affaires étrangères du G-8 cette semaine. Cela n'a pas encore été confirmé, mais c'est une possibilité très réelle. M. Axworthy aura terminé sa tournée en Afrique à temps pour y assister. Nous demeurons donc en liaison constante avec tous nos partenaires du G-8 en vue d'une pareille rencontre, si elle se concrétise.

Je puis vous dire que nous nous sommes entretenus avec les Américains de la lettre que M. Jesse Jackson a livrée au président Clinton de la part de M. Milosevic. J'ai le regret de vous annoncer que M. Milosevic n'y proposait rien de nouveau. Nous continuons d'attendre une réponse plus importante de sa part, mais elle tarde toujours à venir.

Jusqu'ici, l'engagement de la Russie a été constructif. Je dirais qu'il reste des divergences de vues à régler, mais nous y travaillons. Plus particulièrement, ces divergences portent sur la composition de la force internationale et sur le jalonnement des différents événements. Vous avez pu voir certaines tentatives en vue de s'entendre au cours des dernières 24 heures, notamment quand le président Clinton a parlé de la possibilité que l'OTAN envisage un arrêt de ses bombardements. Si M. Milosevic accepte les cinq conditions et s'il commence à retirer ses troupes, l'OTAN pourrait envisager de cesser les bombardements. Toutefois, nous sommes loin d'une telle éventualité. Le président Milosevic n'a rien fait encore pour montrer qu'il se pliait à ces exigences.

Je n'ai pas l'avantage de votre collègue d'en face qui vous a répondu, mais je puis vous dire que nous avons pris un certain nombre de mesures de sanction économiques, comme vous le savez, y compris l'ajout, le week-end dernier, de la Yougoslavie à la liste des pays visés par contrôle, de sorte qu'il faut un permis pour faire des exportations dans ce pays. Nous avons gelé tous les avoirs des gouvernements yougoslave et serbe au Canada. La communauté internationale n'a pas pris de mesures encore en vue de régler la question des biens de particuliers serbes à l'étranger. Que je sache, aucun pays n'a encore pris de mesures en vue de bloquer les avoirs de représentants du gouvernement serbe à l'étranger. Nous y réfléchissons.

• 1540

Nous avons beaucoup réfléchi aux questions relatives à la crise du Kosovo. En toute franchise, je dois dire que nous avons essentiellement cherché à mettre certaines de ces mesures économiques en place; nous avons travaillé au sein de l'OTAN, examiné le régime d'inspection pour un embargo pétrolier, dressé une liste de pays visés par contrôle. Nous gardons cette question à l'esprit et voulons en débattre avec certains de nos alliés de l'OTAN pour voir si cette façon de procéder aurait un impact important.

Nous savons que les mesures que nous avons prises jusqu'à présent—que ce soit individuellement par le gouvernement canadien ou de concert avec d'autres par l'entremise des NU ou de l'OTAN—ont un impact sur la Yougoslavie. Franchement, nous devrions mieux évaluer la nature des actifs au Canada afin de décider si l'impact serait important. En pareil cas, il faudrait avoir recours à la Loi sur les mesures économiques spéciales qui est à notre disposition. Nous voulons toutefois parler à nos alliés de l'OTAN et à d'autres pour voir si cela en vaut la peine. Entre-temps, nous utilisons la plupart de nos ressources dans le domaine diplomatique.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci, monsieur Wright.

C'était une question de deux minutes qui a nécessité une réponse de six minutes. Je vais demander à tout le monde d'essayer d'être un peu plus succinct de manière à ce que tous les intervenants inscrits sur la liste puissent prendre la parole.

Monsieur Graham.

Le coprésident (M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.)): Pourquoi bombarder le Monténégro? Cherche-t-on à déclencher une guerre civile là où il n'y en avait pas? N'est-ce pas un jeu très dangereux que de s'aventurer sur ce terrain, monsieur Wright?

M. Jim Wright: Je crois que l'OTAN a indiqué très clairement dès le début de cette campagne que nous appuyions fortement le gouvernement démocratiquement élu du Monténégro. Nous allons essayer de limiter les bombardements de l'OTAN qu'il a fallu faire au Monténégro. Les cibles militaires serbes sont les seules qui soient visées. J'ai le regret de vous informer que la deuxième armée de Yougoslavie est basée au Monténégro. L'OTAN a été en contact avec le président Djukanovic au cours des mois précédents et il sait très bien, avec son gouvernement, que nos efforts ne sont pas axés sur eux, mais sur les forces yougoslaves qui sont basées sur leur territoire. Les cibles visées sont des cibles militaires légitimes, ce qui doit permettre d'affaiblir l'appareil militaire yougoslave.

Autant que nous le sachions, la position du gouvernement monténégrin reste la même. Il aimerait que l'OTAN ne poursuive pas sa campagne de bombardement, mais en même temps, a déclaré sa neutralité et s'est opposé aux politiques du président Milosevic. La lutte pour le pouvoir au niveau politique en Yougoslavie équivaut essentiellement à une épreuve de force de la part de Milosevic qui veut essayer de reprendre le contrôle au gouvernement démocratiquement élu du Monténégro afin de consolider son assise au sein de la Yougoslavie. L'OTAN a indiqué très clairement que toute tentative de la part de Milosevic visant à évincer ce gouvernement démocratiquement élu sera lourde de conséquences.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Monsieur Proud.

M. George Proud (Hillsborough, Lib.): Le général a indiqué que les Canadiens avaient effectué 300 sorties et que 85 p. 100 d'entre elles représentaient des frappes. Je me demande si vous pouvez nous donner leur taux de réussite.

La deuxième question porte sur le moral. Nous oublions souvent le moral des personnes qui participent à ce genre d'opérations. Je me demande si vous pouvez nous parler du moral des équipages et de tous ceux qui participent à cette opération.

Troisièmement, combien de temps durent ces affectations? S'agit-il de six mois, comme dans d'autres régions, ou la rotation se fait-elle plus rapidement?

Lgén Raymond Hénault: Merci pour ces questions.

Les sorties de frappes connaissent un bon taux de réussite comme cela a toujours été le cas. Historiquement, en ce qui concerne les munitions à guidage de précision qui nous permettent de cibler une zone... Nous avons été quelque peu limités par le temps, comme vous le savez bien, je crois. Cela ne concerne pas seulement nos appareils, mais tous ceux de l'OTAN. Lorsque nous avons été en mesure de cibler ou de frapper des cibles, le taux de réussite s'est situé aux alentours de 70 à 85 p. 100. Par conséquent, les munitions à guidage de précision font ce qu'elles sont censées faire. Les engagements de non-précision, quant à eux, ont très bien marché dans pratiquement tous les cas que nous connaissons. Lorsque la désignation par radar a fonctionné comme elle le doit, les bombes sont tombées à l'intérieur de ce que nous appelons l'écart circulaire probable—c'est-à-dire, à l'intérieur de la zone ciblée. Nous connaissons donc un très bon taux de réussite sur ces deux fronts.

• 1545

En ce qui concerne le moral, je pourrais vous dire qu'il est au beau fixe chez les membres de la force opérationnelle Aviano. Le ministre leur a récemment rendu visite, ainsi que le chef d'État- major de la Défense et le chef d'état-major des forces aériennes. D'après tous les rapports que nous recevons, le moral est très bon ainsi que l'engagement pour cette opération. Nous recevons le même son de cloche de nos alliés de l'OTAN qui se trouvent dans le pays, notamment le commandant de la 5 FATA, les commandants italiens qui se trouvent sur les lieux, etc. Ils font un excellent travail.

J'aimerais également ajouter que la force aéroportée GE de l'OTAN, qui est basée à Geilenkirchen, est également très engagée à l'égard de cette opération. Les avions décollent tous les jours et on compte habituellement deux ou trois missions par jour à bord d'appareils AWACS de l'OTAN. Le moral est également très bon.

Enfin, pour cette opération et celles qui l'ont précédée, la durée des affectations est normalement de trois mois pour nos militaires dans le théâtre d'opérations. Cela vise à la fois les pilotes et les équipages, les pilotes ayant un cycle de rotation quelque peu différent, en fonction des exigences du maintien de la compétence de vol, etc. Vu que la période d'opération est plus longue, nous envisageons de nouveau la durée de l'affectation, nous essayons de voir s'il serait plus opportun ou prudent pour nous de participer à cette opération à plus long terme, de prolonger les affectations un peu plus longtemps, jusqu'à six mois, ce qui est courant pour le déploiement des contingents de nos forces terrestres, maritimes et aériennes. Nous réexaminons tout ceci en ce moment. Pour l'instant et compte tenu de l'activité actuelle, la durée des affectations que nous avons en ce moment semble convenir.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci, monsieur Proud.

Monsieur Price.

M. David Price (Compton—Stanstead, PC): Merci.

Général, nous savons que les hélicoptères Griffon que nous allons envoyer là-bas vont probablement faire de la reconnaissance, du sauvetage et assurer le transport de nos soldats. Vous avez dit la semaine dernière que le problème radio a été corrigé et que nous sommes maintenant en mesure de communiquer avec nos alliés de l'OTAN. Nous avons entendu parler depuis pas mal de temps maintenant du problème d'électricité statique, ce qui m'inquiète. Qu'avez-vous à dire à ce sujet?

Lgén Raymond Henault: Je pense que vous faites allusion, monsieur Price, au problème que pose la décharge d'électricité statique de l'hélicoptère.

La décharge d'électricité statique de l'hélicoptère est en fait un problème assez courant, puisque tous les hélicoptères connaissent ce genre de problème. Dans le cas de tous ceux que j'ai pilotés dans le passé, soit le Twin Huey et le Griffon, et dans le cadre des opérations de recherche et sauvetage que je connais, il est toujours nécessaire de mettre l'appareil à la terre avant de pouvoir le toucher physiquement.

Pour ce qui est des opérations du Labrador, par exemple, il faut toujours mettre à la terre le treuil de sauvetage avant qu'un survivant ou un spécialiste du sauvetage ne touche l'appareil—pour en décharger l'électricité statique—ou mettre l'appareil à la terre avant de le toucher physiquement. C'est donc très courant.

En ce qui concerne le Griffon, le problème qui s'est posé est relié aux pales composites. Le Griffon est doté d'un rotor à quatre pales composites qui est légèrement différent de celui du Twin Huey et nous nous sommes aperçus qu'il fallait résoudre quelques problèmes de décharge d'électricité statique.

Cette année, nous nous sommes attaqués de manière assez agressive à ces problèmes—plus précisément, ces derniers mois—afin de mettre au point les procédures voulues pour que la décharge d'électricité statique ne soit plus une menace pour qui que ce soit, quand bien même elle n'a jamais été une grande menace. Elle était cependant dangereuse lorsque l'on touchait physiquement l'appareil avant sa mise à la terre. Nous avons mis en place plusieurs procédures—non seulement pour hisser des gens, mais aussi pour les débarquer des hélicoptères—qui sont maintenant fiables. En fait, nous avons fait des essais à notre établissement d'essais aérospatiaux pour s'assurer que la décharge d'électricité statique ne pose plus de problème dans les théâtres d'opérations.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci, Général.

Monsieur Pratt.

M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.): Merci, monsieur le président.

• 1550

Lieutenant-général, vous avez fait mention un peu plus tôt du F-16 et du Harrier qui ont disparu le week-end dernier. Si je comprends bien, un ou deux autres avions ont déjà disparu—un chasseur furtif, ainsi qu'un autre F-16. Nous en sommes à la cinquième semaine de la campagne aérienne et le fait de n'avoir perdu que trois avions au cours des opérations est extraordinaire si l'on prend en compte le nombre de sorties et le nombre élevé de cibles en Yougoslavie. Comment les alliés de l'OTAN expliquent-ils la faiblesse des défenses aériennes yougoslaves?

Lgén Raymond Henault: Votre question est très pertinente. Je dirais que nous ne savons toujours pas pourquoi le chasseur furtif F-117 a disparu tout au début de la campagne. Nous ne sommes pas absolument sûrs qu'il ait été abattu; il se peut fort bien qu'il y ait eu un problème mécanique. Dans le cas du Harrier, nous avons la confirmation qu'il s'agissait d'un problème mécanique. Dans le cas du F-16, il est maintenant confirmé qu'il a été abattu par un missile serbe.

Si nous connaissons un tel taux de réussite et que nous résistons si bien aux attaques de missiles, c'est parce que la campagne aérienne est menée comme il se doit; en d'autres termes, une campagne aérienne vise initialement le système de défense aérien intégré, les systèmes de commandement et de contrôle et les installations d'entreposage connexes. Les premiers jours, les forces aériennes de l'OTAN visaient essentiellement ces cibles, si vous voulez, et elles continuent de les viser tout au long de la campagne. Il s'agit des cibles de la première phase dont nous avons souvent parlé; c'est-à-dire, le système de défense aérienne intégré, les systèmes de missiles surface-air et l'artillerie antiaérienne qui se trouve toujours dans le théâtre d'opérations.

À mon avis, cela montre que ce processus délibérément adopté dans une campagne aérienne est bon, puisque, comme vous le dites avec raison, nous avons maintenant effectué plus de 15 000 sorties et nous pouvons affirmer que seul un appareil a été véritablement abattu.

Nous savons que tous les soirs, un nombre considérable de systèmes de missile surface-air ainsi que de pièces d'artillerie antiaérienne sont déclenchés sans pour autant—à l'exception du F-16—abattre d'appareils. Je crois que la façon dont le SACEUR et le Conseil de l'Atlantique Nord ont conçu la campagne aérienne, en mettant le plus possible l'accent sur la sécurité de nos pilotes et de nos équipages, a porté fruit à long terme. Je dirais que c'est une leçon ou un exemple du processus et de l'évolution de toute campagne aérienne.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci, monsieur Pratt.

Monsieur Laurin.

[Français]

M. René Laurin (Joliette, BQ): J'ai une question technique à vous poser. Général Henault, vous parlez du nombre de sorties. Vous dites par exemple qu'on fait quatre sorties par jour. Est-ce que c'est quatre appareils qui font une sortie ou si c'est un appareil qui en fait quatre? Que voulez-vous dire?

Lgén Raymond Henault: On me pose souvent cette question à la télévision, monsieur Laurin. Une mission se fait avec un certain nombre d'avions. Normalement, lors d'une mission, il y a de deux à quatre avions. Cela peut aller jusqu'à six. Dans le cas des CF-18, nous avons eu des missions de deux à six avions. Nos avions opèrent toujours deux par deux, cela pour la coordination et la protection mutuelle des deux avions.

Au cours des deux dernières semaines, les CF-18 ont effectué cinq ou six missions par jour. Lors de chacune de ces missions, il y avait de deux à quatre avions. Quand on parle d'une mission, il s'agit de l'ensemble de l'opération qui est en cours. Quant au nombre de sorties, il s'agit du nombre d'avions.

Jusqu'à maintenant, nous avons fait 300 sorties lors de quelque 70 missions. Je ne peux pas vous dire combien d'avions sont impliqués dans chaque cas, mais il n'y a jamais moins de deux avions.

M. René Laurin: Quand deux avions partent lors d'une mission, vous calculez deux sorties.

Lgén Raymond Henault: C'est cela.

M. René Laurin: Je ne suis pas très fort en stratégie militaire et je voudrais que vous m'expliquiez le phénomène suivant. Pourquoi craint-on de faire le premier pas? L'OTAN dit qu'elle ne veut pas arrêter les bombardements tant que les Serbes ne se retireront pas, et les Serbes disent qu'ils ne se retireront que lorsqu'on arrêtera les bombardements. C'est l'oeuf et la poule. Pourquoi craint-on de faire le premier pas?

Lgén Raymond Henault: Je n'ai pas de commentaires spécifiques à faire à ce sujet, car c'est en principe le Conseil de l'Atlantique Nord et le secrétaire général, conjointement avec tous les représentants nationaux, qui prendront la décision en ce qui concerne le premier pas. Du point de vue militaire, nous allons attendre que quelqu'un prenne la décision de faire le premier pas.

M. Wright a peut-être des précisions à vous donner. Nous n'avons aucune crainte, ni d'un côté ni de l'autre.

• 1555

[Traduction]

M. Jim Wright: J'ajouterais simplement

[Français]

est qu'il s'agit d'une question de confiance. Franchement, on n'a pas énormément confiance dans les promesses de M. Milosevic. Il a fait énormément de promesses et signé des accords avec l'OTAN, mais en ce moment, on attend un signal très clair de la part de M. Milosevic, y compris le départ de ses forces du Kosovo.

M. René Laurin: Je comprends, monsieur Wright, mais si on arrêtait les frappes aériennes en espérant que M. Milosevic se retire et qu'il ne se retirait pas au bout de 24 heures, on n'aurait qu'à recommencer les frappes. Pourquoi ne pourrait-on pas agir ainsi?

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Monsieur Laurin, excusez-moi.

[Traduction]

Je ne reçois pas les interprètes. Y a-t-il de l'interprétation? D'accord.

Monsieur Laurin, vous avez posé deux questions, je vais donc vous demander d'être très bref.

[Français]

M. René Laurin: Je reprends ma question. Vous dites que c'est une question de confiance. Supposons que l'OTAN fait le premier pas en espérant que Milosevic se retire et que 24 heures après l'arrêt des bombardements, on constate que Milosevic ne retire pas ses troupes. Rien ne nous empêcherait alors de recommencer les frappes. Est-ce qu'il serait trop tard? Est-ce qu'un arrêt de 24 ou 48 heures serait très dommageable pour l'issue de ce conflit?

[Traduction]

M. Jim Wright: Je dirais simplement que tous les efforts diplomatiques déployés jusqu'à présent avec M. Milosevic n'ont rien donné. Selon les conditions imposées par le Secrétaire général Kofi Annan, par l'OTAN et par des pays comme le Canada, il doit nous prouver clairement qu'il va accepter les cinq conditions fixées et entamer le processus de retrait des troupes. Il est arrivé trop souvent dans le passé qu'il n'ait pas tenu ses promesses.

Par ailleurs, si les forces serbes au sol ne faisaient absolument rien au Kosovo, ce serait autre chose, mais ce n'est pas le cas et cela pose un autre problème. Elles poursuivent le processus d'épuration ethnique, elles continuent à incendier les villages et à commettre des atrocités. D'après ce que des réfugiés ont dit aux organismes internationaux de secours, les forces serbes restent aussi actives que jamais. Prévoir une suspension des bombardements ne ferait que faciliter pour le président Milosevic la poursuite de sa campagne d'épuration ethnique.

Vous avez donc raison, c'est la vieille histoire de l'oeuf et de la poule, mais les exigences de l'OTAN et celles de la communauté internationale sont très claires: nous sommes prêts à envisager une suspension des bombardements, mais le président Milosevic doit prouver clairement qu'il est prêt à coopérer, ce qu'il n'a pas fait jusqu'à présent.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Monsieur Richardson.

M. John Richardson (Perth—Middlesex, Lib.): Merci, monsieur le président.

J'ai deux questions rapides, général Henault et je vous remercie beaucoup pour vos réponses.

Quelle est en ce moment la capacité d'Aviano? L'avons-nous dépassée? Cherchons-nous une nouvelle base aérienne?

Lgén Raymond Henault: Je ne pourrais pas vous dire à l'improviste la capacité qui reste actuellement disponible à Aviano, puisque je n'ai pas les chiffres exacts. Je peux vous dire qu'au début de cette opération, il y avait 40 appareils de combat à Aviano et qu'il y en a maintenant plus de 150. Par conséquent, les disponibilités en matière de pistes sont très limitées.

À mon avis, toute augmentation du nombre ou des types d'appareils actuellement à Aviano exigerait le départ de certains pour faire la place à d'autres. Je sais que dans le cas des F-18 notamment, on a fait de la place de cette manière. Je sais également que certains de nos alliés ont déplacé certains de leurs appareils dans d'autres bases de déploiement pour faire de la place à d'autres appareils afin de regrouper les contingents, etc.

Je dirais donc que la base d'Aviano est très encombrée en ce moment et qu'elle a probablement presque atteint la limite de sa capacité. C'est l'évaluation que je peux faire pour l'instant.

M. John Richardson: Je passe maintenant d'Aviano à l'avenir et au fait que nos troupes pourraient éventuellement être envoyées dans les camps de réfugiés pour soutenir les efforts d'aide et de secours. Si j'ai bien compris, nous envoyons l'équivalent d'un bataillon, 700 à 800 personnes. Est-ce exact?

• 1600

Lgén Raymond Henault: Oui. L'effectif au total est d'environ 800, ce qui comprend l'escadron de reconnaissance des Coyotes; les hélicoptères, soit les huit Griffons; notre élément de commandement national; notre élément de soutien national et une équipe de génie technique. On arrive à un effectif total correspondant à celui d'un bataillon, mais comme vous le savez, il ne s'agit pas d'une unité constituée en bataillon.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): M. Clouthier, puis M. Mills. Nous avons trois ou quatre autres intervenants et nous allons essayer de terminer.

Monsieur Clouthier.

M. Hec Clouthier (Renfrew—Nipissing—Pembroke, Lib.): Jim, vous avez fait mention de l'embargo pétrolier. Pourriez-vous nous faire une mise à jour sur l'embargo pétrolier ou celui qui est proposé, en insistant en particulier sur la situation de l'Athabascan?

M. Jim Wright: Je ne peux pas répondre à la deuxième partie de votre question, et peut-être que le général pourra le faire.

Pour ce qui est de l'embargo pétrolier, je peux vous dire que ce week-end, le gouvernement canadien a annoncé que la Yougoslavie est maintenant ajoutée à la liste de pays visés par contrôle en vertu de la Loi du Canada sur les licences d'exportation et d'importation. Cela oblige essentiellement les éventuels exportateurs canadiens à obtenir une licence d'exportation pour chaque exportation à destination de la Yougoslavie. Le gouvernement canadien a dit très clairement qu'il n'allait pas faciliter l'octroi de licences d'exportation pour le pétrole et les lubrifiants. Par conséquent, le gouvernement du Canada est déjà intervenu en prenant cette mesure.

Deuxièmement, l'OTAN est en train d'examiner ce que l'on appelle un programme d'inspection dans l'Adriatique afin de dissuader les pays d'expédier du pétrole par bateau jusqu'au port de Bar au Monténégro, principal point d'entrée de tous les produits pétroliers par bateau. Toutes les voies terrestres ont été plus ou moins coupées. La Roumanie, la Bulgarie, la Croatie—je crois qu'il s'agit des trois autres voies d'accès à la Yougoslavie—ont été fermées. Il ne reste plus que la voie maritime et l'OTAN se penche sur la question.

Le commandant suprême des Forces alliées a élaboré des options militaires, mais il a dû rajuster certaines d'entre elles en fonction d'avis politiques et en particulier, juridiques, pour s'assurer que l'OTAN agit dans le respect du droit international. C'est donc une question sur laquelle l'OTAN se penche cette semaine. Nous apprendrons sans doute plus tard cette semaine que le commandant suprême des Forces alliées a fait des recommandations au Conseil de l'Atlantique Nord. Cela fait partie d'un effort multinational.

Lgén Raymond Henault: Pour ce qui est de l'Athabascan, le commandant est un capitaine de la marine. On retrouve à bord de l'Athabascan, qui est surtout un navire de commandement et de contrôle, le commodore David Morse, commandant de la Force navale permanente de l'Atlantique, que vous connaissez. Il assume le commandement de la Force navale permanente depuis le 16 avril. Même si je ne connais pas l'emplacement exact de la force, je crois savoir qu'elle opère au large de la côte atlantique de l'Espagne et du Portugal. La force opère dans le contexte des règles habituelles de commandement et de contrôle à ce stade-ci.

Nous n'avons reçu aucune indication selon laquelle la Force navale permanente participerait à un régime de visite et de recherche, comme M. Wright en a parlé. Evidemment, le concept des opérations fait encore l'objet d'une réflexion. Par conséquent, nous attendons toujours des renseignements supplémentaires à ce sujet. Si, en fait, la Force navale permanente participe à cette mission, un Canadien sera certes à la tête de la force, mais il y aura aussi un navire canadien engagé dans l'opération.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci, général.

Monsieur Mills.

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): J'ai essayé de me renseigner le plus possible au sujet de l'Armée de libération du Kosovo, l'ALK, et j'ai découvert certaines choses assez troublantes. Je me demande si M. Wright pouvait simplement confirmer son évaluation de l'ALK.

M. Jim Wright: En guise de réponse, permettez-moi de vous donner une brève perspective historique.

L'Armée de libération du Kosovo est une organisation relativement jeune. En fait, elle existe depuis deux ans ou deux ans et demie. La seule raison pour laquelle elle a vu le jour... En fait, il s'agit en un sens d'un groupe de guérilla engagé dans une insurrection en Yougoslavie. L'ALK lutte contre l'oppression du peuple kosovar. Elle a participé à certaines activités terroristes qui lui ont valu d'être condamnée par la communauté internationale et le Canada.

J'ai parlé de perspective historique car bon nombre de gouvernements, dont le Canada, exerçaient de fortes pressions sur la Yougoslavie au milieu des années 90 pour qu'elle négocie avec la communauté kosovare modérée, afin de commencer à mettre en oeuvre certaines des ententes auxquelles avait adhéré Milosevic. Cela englobait une entente sur l'éducation qui devait rendre au Kosovo une certaine autonomie que Milosevic lui avait retirée en 1989. Nous faisions valoir au régime Milosevic qu'à défaut de cela, il ferait fasse à une montée de l'extrémisme au Kosovo. Il y avait déjà des incidents mineurs ici et là.

• 1605

Deux ou trois ans plus tard, nous sommes en présence, je ne dirais pas d'une force sophistiquée, mais d'une force de guérilla raisonnablement bien équipée qui reçoit de l'argent de partout dans le monde. En outre, de nouvelles recrues arrivent toutes les semaines pour appuyer ses efforts. Les soldats sont pour la plupart stationnés en Albanie et traversent la frontière albanaise pour frapper au Kosovo. Ils demeurent actifs dans certaines poches au Kosovo. Il est évident que depuis un mois, les forces de l'ALK ont subi de durs revers aux mains des forces serbes.

C'est une force qui n'aurait jamais existé si M. Milosevic avait collaboré davantage avec la communauté kosovare, mais il ne l'a pas fait.

M. Bob Mills: Que savez-vous de ses rapports avec les trafiquants de marchandises de contrebande et de drogues en Macédoine?

M. Jim Wright: D'après certains incidents, l'ALK a certainement franchi la frontière de la Macédoine. Je sais que les autorités de Macédoine ont découvert d'imposantes caches d'armes et que les Macédoniens sont extrêmement préoccupés par la présence de l'ALK sur leur territoire. Je pense que l'ALK a tendance à lancer ses opérations à partir de l'Albanie. Elle se sert de l'Albanie comme d'une base plutôt que de la Macédoine. Mais c'est un véritable problème.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci, monsieur Mills.

Madame Carroll, suivie de M. Earle, qui aura la dernière question. Ensuite, nous devrons nous interrompre.

Mme Aileen Carroll (Barrie—Simcoe—Bradford, Lib.): J'ai deux brèves questions.

Monsieur Wright, la semaine dernière, lorsque nous étions à Strasbourg, au Conseil de l'Europe, un des missiles de l'OTAN a atterri par erreur en Bulgarie, et on nous a posé des questions à ce sujet. Pourriez-vous faire le point sur cette affaire?

Ma deuxième question s'adresse au général Hénault. Lorsqu'ils seront déployés, les 800 soldats du régiment de Strathcona serviront-ils sous les ordres d'officiers canadiens?

Lgén Raymond Hénault: Si vous le voulez bien, je répondrai à la deuxième question en premier.

Ce contingent de 800 effectifs est composé de soldats du Lord Strathcona Horse, qui constitue un escadron de reconnaissance; l'escadron Coyote; l'escadron tactique héliporté 408 complète l'unité Griffon qui est déployée outremer; il y a aussi une composante que nous appelons soutien national. C'est un élément de soutien national constitué surtout de spécialistes de la logistique, d'administrateurs, de fournisseurs, etc. qui proviennent de la brigade dans la région ouest. Il y a également un élément de commandement national et un escadron d'ingénierie réduit, comme nous l'appelons, puisqu'il ne s'agit pas d'un escadron complet, qui se rend là-bas avec eux.

Tous ces effectifs relèvent du commandement d'un colonel canadien que j'ai mentionné tout à l'heure, le colonel Mike Ward. Nous avons toujours un élément de commandement national qui est déployé avec un contingent de cette nature car nos troupes, marins et aviateurs, demeurent toujours sous commandement canadien. En fait, le Colonel Ward fera directement rapport au chef d'état-major de la Défense, par mon entremise, tout au long de son mandat.

Cependant, dès qu'une force est déclarée opérationnelle, nous la plaçons sous le contrôle opérationnel du commandement de l'OTAN. En l'occurrence, nos soldats seront sous le contrôle opérationnel d'un commandant de brigade blindée britannique ou dans ce cas-ci, du commandant du groupe tactique auquel ils seront intégrés. Au bout du compte, ce seront surtout des troupes du niveau brigade placées sous le contrôle opérationnel des Britanniques, mais sous le commandement de Canadiens tout au long de leur présence dans le théâtre d'opérations.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Je suis désolé, y avait-il une deuxième partie?

M. Jim Wright: Il y avait une question concernant le missile qui a abouti en Bulgarie.

J'ai bien peur de ne pas connaître la raison technique pour laquelle ce missile en particulier... Je pense que c'était une arme intelligente qui n'a tout simplement pas fonctionné. Mais l'OTAN a reconnu sa responsabilité immédiatement.

Je n'ai qu'une chose à ajouter. Au sujet de la campagne menée par M. Milosevic, ce dernier n'a jamais exprimé de regrets, n'a jamais reconnu être dans l'erreur, car la purification ethnique qui est en cours à l'heure actuelle n'est pas une erreur—elle est préméditée. Il avait l'intention de faire cela. Dans le cas de l'OTAN, si une erreur se produit, l'Organisation reconnaît tout de suite sa responsabilité.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci.

• 1610

Le coprésident (M. Bill Graham): Si cela peut vous aider, monsieur Wright, je vous dirai que lorsque j'étais en Iran au début de l'année, on tirait vers l'Irak et on a réussi à bombarder l'Iran. Certaines de ces armes intelligentes ne sont peut-être pas aussi intelligentes après tout.

Mme Aileen Carroll: Je ne crois pas qu'il y ait eu de victimes, ce qui à mon avis a été très important dans cette affaire.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Collègues, nous devons nous interrompre. Nous avons une réunion et des témoins qui arrivent à 14 h 15.

Monsieur Earle, une dernière question.

M. Gordon Earle (Halifax-Ouest, NPD): J'ai deux brèves questions.

Monsieur Wright, vous avez mentionné que la lettre que transportait le Révérend Jesse Jackson ne contenait rien de nouveau. D'après certains reportages, cette lettre offrait au président Milosevic de rencontrer le président Clinton. Est-ce exact? Dans l'affirmative, n'est-ce pas une initiative nouvelle qu'il vaut la peine de pousser plus loin dans l'intérêt de la paix?

Ma deuxième question s'adresse au Lgén Henault. Vous avez dit ne pas avoir tellement d'information au sujet de ces bombes au graphite, mais d'après les médias, elles dégagent certaines particules. Que sait-on du tort potentiel que peuvent causer les retombées de ces armes aux êtres humains?

Lgén Raymond Henault: Je peux répondre à la deuxième question en premier. Je n'ai pas la compétence technique pour vous répondre au sujet des bombes au graphite. En effet, je ne connais pas cette technologie, outre ce que j'en ai lu dans la presse. Par conséquent, je ne peux vous fournir une réponse très précise. J'essaierai d'obtenir davantage d'information pour vous, peut-être pour la prochaine réunion. Ainsi, vous aurez des renseignements plus à jour sur le sujet. Encore une fois, ce sont là des armes que je ne connais pas.

M. Jim Wright: Pour répondre à votre première question, j'ai le regret de vous dire que je n'ai pas pris connaissance de la lettre. J'ai été breffé à ce sujet ce matin par le département d'État et d'après ce que nous ont dit les Américains, tous les intervenants attendent une réponse sérieuse de Milosevic aux questions qui lui ont été posées. Il n'y a rien de nouveau.

Je n'ai pas demandé si le président Milosevic avait demandé à rencontrer le président Clinton, mais je crois savoir quelle serait la réponse du président Clinton.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci.

Général Henault, monsieur Wright, madame Corneau, je vous remercie beaucoup pour ces séances d'information.

Le Comité de la défense se réunira dans cinq minutes dans cette salle.

La séance est levée.