[Français]
Bienvenue à la 20e réunion du Comité permanent de la science et de la recherche.
[Traduction]
La réunion d'aujourd'hui se déroule en format hybride, conformément à l'ordre adopté par la Chambre le 23 juin 2022. Les membres participent en personne dans la salle et à distance à l'aide de l'application Zoom.
Conformément à l'alinéa 108(3)i) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le jeudi 16 juin, nous nous réunissons pour étudier la question de la recherche et de la publication scientifique en français.
[Français]
Pour garantir le bon déroulement de la réunion, j'aimerais transmettre certaines consignes aux témoins et aux députés.
Avant de prendre la parole, s'il vous plaît, attendez que je vous nomme. Si vous participez à la réunion par vidéoconférence, cliquez sur l'icône du microphone pour activer le vôtre. Veuillez mettre votre microphone en sourdine lorsque vous ne parlez pas.
En ce qui concerne l'interprétation, ceux qui participent à la réunion à partir de la plateforme Zoom ont le choix, au bas de l'écran, entre le parquet, l'anglais et le français. Ceux qui sont dans la salle peuvent utiliser l'écouteur et choisir le canal désiré.
Je rappelle que toutes les observations des députés et des témoins doivent être adressées à la présidence.
[Traduction]
Les membres présents dans la salle qui souhaitent prendre la parole sont priés de lever la main. Les membres qui utilisent Zoom sont priés d'utiliser la fonction « Lever la main ». Le greffier et moi-même allons gérer l'ordre des interventions du mieux que nous pouvons, et nous vous remercions de votre patience et de votre compréhension à cet égard.
[Français]
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue aux témoins.
Nous recevons d'abord Linda Cardinal, vice-rectrice adjointe à la recherche à l'Université de l'Ontario français, et Valérie Lapointe‑Gagnon, professeure agrégée d'histoire. Toutes deux comparaissent à titre personnel.
Nous accueillons également Éric Forgues, directeur général de l'Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques.
[Traduction]
Nous allons maintenant entendre les déclarations liminaires.
Chacun de nos trois témoins disposera de cinq minutes. Au bout de quatre minutes et demie, je vous montrerai ce carton vert. Vous saurez alors qu'il vous reste 30 secondes. Nous voulons être aussi justes que possible envers tous nos témoins.
Sur ce, nous allons écouter Mme Cardinal.
La parole est à vous. Bienvenue.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître devant vous pour vous présenter mes analyses et mes réflexions sur le thème de la recherche et de la publication en français.
Je vais surtout vous faire part de quelques recommandations, mais, au préalable, je voudrais vous dire que cela fait 30 ans que je suis active dans ce domaine, soit depuis le début de ma carrière à l'Université d'Ottawa en tant que professeure et maintenant comme vice-rectrice adjointe à la recherche à l'Université de l'Ontario français. Vous pouvez comprendre que je porte cet engagement au quotidien.
Mes récents travaux ont révélé que, depuis les années 1950, il y a eu trois grands moments dans la mise en place d'un espace de recherche en français en contexte minoritaire au Canada. C'est de ces moments que je veux vous parler. C'est le résultat d'une recherche que j'ai réalisée et publiée récemment dans un bulletin de l'Acfas.
Le premier moment est de nature institutionnelle. À partir des années 1950, de nombreux centres de recherche voient le jour à l'intérieur des universités de la francophonie canadienne, notamment à l'Université d'Ottawa, à l'Université de Moncton et à l'Université Sainte‑Anne.
Le deuxième moment important correspond à un développement organisationnel fondamental pour les milieux minoritaires, alors qu'on met en place de multiples réseaux, dont le Regroupement des universités de la francophonie hors Québec, en 1993, qui est devenu aujourd'hui l'Association des collèges et universités de la francophonie canadienne. Au même moment, un nouveau type de publications voit le jour en milieu minoritaire: il s'agit d'ouvrages de synthèse pilotés par des collègues de partout au pays.
Le troisième moment est celui sur lequel je veux m'attarder. Il arrive à l'époque de la crise entourant l'Hôpital Montfort. On assiste alors à l'apparition d'un nouvel acteur dans la francophonie canadienne en matière de promotion de la recherche et de l'enseignement: le gouvernement fédéral.
Il y a 25 ans, le gouvernement fédéral a financé le Consortium national de formation en santé, dont les bureaux sont aujourd'hui à l'Université Saint‑Paul. Il a aussi appuyé la création de l'Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques, dont le directeur va témoigner tout à l'heure. Au fil des ans, d'autres centres de recherche ont été financés partout au pays, notamment en Saskatchewan. Il y a aussi eu le Bureau des affaires francophones et francophiles à Vancouver. Ces financements constituent un levier important pour l'enseignement, la recherche et la publication en français dans l'ensemble de nos disciplines.
Au cours des 25 dernières années, le gouvernement canadien a favorisé la création d'un espace de recherche, mais il ne peut toujours pas dire que c'est mission accomplie, parce que cette action a été plus ou moins planifiée.
Aujourd'hui, on a la possibilité de structurer davantage cette action. Je pense que votre comité a tous les leviers à sa disposition pour proposer des mesures en vue d'une structuration plus soutenue de la recherche en français au sein de la francophonie canadienne.
J'ai deux recommandations à formuler.
Premièrement, le gouvernement canadien devrait se doter d'un programme d'appui spécifique pour la recherche en français au Canada, qui comprendrait des activités structurantes.
Deuxièmement, il faudrait que le Comité appuie le projet de loi pour moderniser la Loi sur les langues officielles, dans lequel le gouvernement canadien énonce qu'il veut « appuyer la création et la diffusion d’information en français qui contribue à l’avancement des savoirs scientifiques dans toute discipline ».
On pourra revenir sur ces recommandations au cours de la période de questions.
En guise de conclusion, j'aimerais souligner que, depuis les années 1950, les chercheurs de la francophonie canadienne font preuve d'un dynamisme incontestable. Cependant, nous faisons aussi face à des obstacles socioculturels importants dans la poursuite de notre travail. L'un de ces obstacles, c'est la moins grande valorisation de nos travaux, tant les travaux en français que ceux portant sur la francophonie canadienne. La situation est dommageable à la carrière de nos jeunes chercheurs, qui, selon les travaux de mon collègue François Rocher, considèrent dorénavant qu'il est plus avantageux de publier en anglais.
Nous risquons de perdre une tradition de recherche en français construite au fil des ans par des chercheurs qui, comme moi et bien d'autres, ont consacré leur carrière à la développer et à montrer que la francophonie est un sujet à étudier et qui comporte des compétences à maîtriser pour participer à la vie publique au pays.
Vous avez déjà entendu les collègues de l'Acfas, une association que je trouve extraordinaire. Ils vous ont présenté des données sur la publication en français au Canada. Les travaux de Vincent Larivière, de l'Université de Montréal, sont aussi très éloquents sur le sujet. J'espère que vous aurez la chance de l'entendre.
Pour que nous puissions surmonter les obstacles qui se dressent devant nous, je vous invite à revoir et à approfondir le rôle du gouvernement canadien en vue de l'atteinte de l'égalité réelle entre les francophones et les anglophones dans le milieu de la recherche en français.
J'ai respecté les cinq minutes qui m'étaient allouées.
Merci beaucoup.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
J'aimerais d'abord saluer les membres du Comité et les remercier chaleureusement de me donner la parole aujourd'hui.
Depuis mon arrivée en 2015 au Campus Saint‑Jean, qui est situé à Edmonton, en Alberta, j'ai eu l'occasion de découvrir une francophonie de l'Ouest qui est complexe et plurielle, et d'évoluer dans un milieu de recherche francophone vibrant, mais aussi très précaire.
Le cœur de mon propos aujourd'hui est le suivant: en l'absence d'établissements postsecondaires francophones en santé, aucune recherche en français n'est possible. Cette recherche contribue pourtant à la compréhension de la complexité de la société canadienne.
Comme le rappelle la préface de l'étude de l'Acfas intitulée « Portrait et défis de la recherche en français en contexte minoritaire au Canada », nous sommes plus de 30 000 professeurs, chargés de cours et assistants d'enseignement et de recherche au niveau postsecondaire à connaître le français et à œuvrer en contexte minoritaire au Canada. Pourtant, faute de reconnaissance, d'appui financier, de soutien administratif ou d'accès à des assistants de recherche, ces chercheurs francophones sont trop souvent invisibles ou contraints de renier leur langue et leur identité pour se fondre dans la masse anglophone. Cette assimilation devient alors une stratégie et la seule avenue possible pour avoir accès aux mêmes privilèges que nos collègues anglophones pour ce qui est du soutien à la recherche, de la révision des demandes de subvention et de l'accès à du financement ou à des prix prestigieux.
La recherche en français, qui joue un rôle essentiel dans la vitalité des communautés francophones, n'est pas toujours valorisée comme elle le devrait, c'est-à-dire comme une recherche pertinente, écrite dans l'une des langues officielles du pays, qui s'intéresse souvent, mais non exclusivement, aux problèmes particuliers vécus par les communautés francophones en milieu minoritaire et qui permet d'adopter des politiques publiques éclairées qui répondent aux besoins de ces communautés.
En ce moment, cette recherche est grandement compromise par la précarité des collèges et des universités de la francophonie canadienne. C'est une précarité que je connais bien, parce que le Campus Saint‑Jean vit une crise depuis les dernières années.
En 2020, quand l'Université de l'Alberta a dû répondre à des compressions budgétaires d'une ampleur inégalée imposées par le gouvernement provincial, elle a entrepris une vaste restructuration. Selon les premiers scénarios de cette restructuration, le Campus Saint‑Jean passait à la trappe. Les collègues francophones et moi-même devions être répartis dans les autres facultés. La francophonie était donc vouée à sa perte. En effet, le Campus Saint‑Jean se situe au cœur de la communauté francophone et contribue à son dynamisme. Grâce à une mobilisation citoyenne et politique d'un océan à l'autre, l'Université de l'Alberta a dû revoir ces scénarios de restructuration et a choisi de préserver l'intégrité du Campus Saint‑Jean.
Cependant, il faut toujours résister pour arriver à un résultat qui semble censé. Le Campus Saint‑Jean n'est malheureusement pas le seul à avoir subi des secousses importantes. Je pense ici à l'Université Laurentienne, qui a vécu un drame énorme lorsqu'elle a perdu ses programmes en français; à l'Université de Moncton, qui a des difficultés financières et qui a dû augmenter les frais de scolarité des étudiants, ce qui a rendu l'accès aux études supérieures plus difficile pour les francophones; à l'Université de Sudbury, qui peine à devenir cette université francophone qui répond aux besoins des francophones du Nord de l'Ontario; et à l'Université de l'Ontario français, qui a vécu des moments difficiles au moment de sa création.
À l'origine de ces secousses importantes se trouve un sous-financement chronique de l'éducation postsecondaire, doublé d'une mécompréhension du rôle particulier de ces établissements ainsi que des coûts supplémentaires nécessaires à l'atteinte de leurs objectifs, qui sont ancrés dans l'épanouissement d'une communauté minoritaire. Ce ne sont pas seulement des établissements qui contribuent à la transmission des connaissances et des savoirs; ce sont aussi des piliers culturels qui permettent à la vie en français de se perpétuer. Je pense au Campus Saint‑Jean, à son théâtre et à sa chorale. C'est vraiment un lieu de rassemblement.
Pour faire de la recherche en français, il faut pouvoir aspirer à une certaine stabilité et se projeter dans l'avenir. Or, cette stabilité n'est pas présente, en ce moment. Comment peut-on attirer des étudiants et des étudiantes qui formeront la nouvelle génération de chercheurs dans des établissements dont l'existence même a été remise en question?
Pourtant, tous les jours dans la poursuite de ma carrière, je constate les bienfaits de cette recherche et le rôle majeur qu'elle joue, notamment pour la relève, afin de contrer un phénomène qui ronge les communautés minoritaires: l'insécurité linguistique.
Je peux notamment invoquer le cas d'une étudiante qui a utilisé ses riches archives familiales francophones pour faire connaître l'histoire de son aïeule qui a fondé le petit village de Plamondon. Cette étudiante faisait partie de la première génération à renouer avec le français, après deux générations qui avaient été assimilées, faute d'accès à de l'éducation en français.
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J'en étais probablement à dire que les collèges et les universités ne sont pas seulement des lieux de transmission du savoir, mais aussi des piliers culturels. J'ai donné l'exemple du Campus Saint‑Jean, qui a un théâtre et une chorale.
Pour faire de la recherche en français et pour créer, il faut pouvoir aspirer à une certaine stabilité et avoir la possibilité de se projeter dans l'avenir. Or, cette stabilité n'est pas présente sur le terrain, en ce moment. Comment peut-on attirer des étudiantes et des étudiants qui formeront la nouvelle génération de chercheurs dans des établissements dont l'existence même a récemment été remise en question?
Pourtant, en tant que professeure, je constate quotidiennement le rôle majeur que joue la recherche auprès de la relève. Cette recherche contribue à contrer le phénomène de l'insécurité linguistique qui ronge nos communautés.
Je pense à une étudiante qui a eu accès aux archives familiales en français. Après que sa famille a vécu l'assimilation pendant deux décennies, elle a pu renouer avec le français et faire valoir ce patrimoine. Ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres.
J'aimerais faire trois recommandations pour encourager le dynamisme de la recherche en français et contribuer à sa légitimité et à sa visibilité. Je vais les expliquer rapidement.
Il faut d'abord contribuer à long terme au financement des établissements postsecondaires de la francophonie canadienne...
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Merci, madame la présidente.
Je remercie le Comité de l'invitation. Je salue le fait que le Comité se penche sur la recherche et la publication scientifique en français.
Je vais plonger tout de suite dans le vif du sujet, étant donné le temps qui nous est imparti.
Pour intervenir de manière structurante dans le secteur de la recherche et de la publication en français, il est important de saisir le contexte de la production des connaissances dans son ensemble et de bien comprendre le cadre institutionnel dans lequel s'effectue la recherche en français. Une action structurante doit se définir en fonction d'une vision stratégique si on veut qu'elle soit pertinente et efficace.
Même s'il s'agit d'un secteur de compétence provinciale, le gouvernement canadien peut appuyer le milieu institutionnel et universitaire. Il doit le faire davantage afin de consolider le milieu postsecondaire qui offre des programmes d'enseignement en français. Il doit aider les collèges et universités à développer et à élargir la gamme des programmes offerts afin de mieux répondre aux besoins de formation de la société canadienne dans les deux langues officielles.
Il est important de consolider et de développer les programmes, car la recherche se développe dans les universités où il y a notamment des programmes de deuxième et de troisième cycles.
Une étude menée par la firme Sociopol pour Patrimoine canadien montre que les programmes dans les sciences, les technologies, le génie, les mathématiques et l'informatique sont moins nombreux dans les programmes universitaires francophones; dans les provinces situées à l'ouest de l'Ontario, ils sont absents. La présence de programmes aux cycles supérieurs est aussi un facteur important pour offrir des assises institutionnelles à la recherche. Or, l'éventail des programmes offerts aux cycles supérieurs en français est réduit et concentré dans certaines institutions.
Il importe donc de développer la gamme des programmes universitaires en français tant au premier cycle qu'aux cycles supérieurs, notamment dans les domaines des sciences, des technologies, du génie, des mathématiques et de l'informatique, comme je le mentionnais. Il s'agit d'une intervention structurante en amont de la recherche pouvant avoir des retombées sur le développement de la recherche.
La plupart des établissements universitaires francophones ou bilingues sont de petite taille et n'ont pas les mêmes ressources et capacités de recherche que les grandes universités. Il est important de rappeler que les agences subventionnaires fédérales en recherche, comme le Conseil de recherche en sciences humaines, les Instituts de recherche en santé du Canada, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada et la Fondation canadienne pour l'innovation, sont assujetties à la Loi sur les langues officielles et doivent, dès lors, selon la partie VII de la Loi, prendre des mesures positives pour appuyer le développement des communautés francophones en situation minoritaire. Étant donné leur champ d'intervention, qui est de financer la recherche, ces agences devraient intervenir de manière plus substantielle afin d'appuyer les activités de recherche qui sont menées dans les établissements universitaires francophones et bilingues.
Il serait important qu'un leadership politique s'exerce pour inviter les agences subventionnaires à interpréter de façon généreuse la Loi sur les langues officielles, en mettant en place des plans d'action qui contribueront à l'atteinte de l'égalité réelle dans le secteur de la recherche. Rappelons que l'atteinte de l'égalité réelle est une volonté clairement exprimée dans le projet de loi , qui est présenté comme la Loi visant l'égalité réelle entre les langues officielles du Canada.
Pour protéger et promouvoir la science en français, une action stratégique et robuste est requise, et celle-ci passe par un appui à l'édition savante en français de la part du gouvernement et des agences de financement de la recherche. Il nous faut appuyer les revues francophones.
Il s'agit de le faire également pour le public francophone. La population francophone doit avoir accès aux résultats de la recherche dans des formats accessibles en français.
On doit développer une stratégie, voire un plan d'aménagement linguistique pour la langue de la recherche en français avec des partenaires comme l'Acfas, l'Association des collèges et universités de la francophonie canadienne, les agences subventionnaires et le gouvernement canadien.
En terminant, voici quelques pistes qui méritent d'être explorées: un appui aux revues francophones; des incitatifs financiers pour les revues bilingues afin d'accroître la proportion d'articles en français; un appui pour la traduction en français et la publication d'articles qui avaient été écrits en anglais; un appui aux revues francophones et bilingues pour faciliter leur transition vers le libre accès; et un appui aux activités de vulgarisation des connaissances pour le grand public et pour les utilisateurs des connaissances.
Merci.
:
Merci, madame la présidente.
Merci à vous, chers collègues.
Merci aux témoins de leur participation ce soir.
Je vais commencer par M. Normand. De quels types de services ou d'aide les chercheurs ont-ils besoin pour mener à bien leurs travaux en français?
Je m'excuse. Mes notes sont erronées. La première intervenante de ce soir était Mme Cardinal. C'est à elle que je vais poser cette question.
De quels types de services ou d'assistance les chercheurs ont-ils besoin pour mener à bien leurs activités en français, y compris leurs recherches? J'essaie de comprendre le problème, ou les services pour lesquels ils ont besoin d'aide pour publier leurs travaux, organiser leurs activités scientifiques ou demander des fonds dans une autre langue. J'aimerais que vous nous en disiez un peu plus à ce sujet, s'il vous plaît.
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Je vous remercie de la question, monsieur Tochor. Cette question fait sans doute écho à ma recommandation visant à créer un programme d'appui spécifique pour la recherche en français.
Comme nous l'avons dit et comme mon collègue Éric Forgues l'a dit, nous travaillons dans de petites universités où les services de recherche sont parfois très limités. À mon université, nous sommes en train de mettre sur pied un service de recherche. Une autre personne et moi-même sommes les seules à travailler à la création de ce service. Nous n'avons pas toujours l'appui ni les ressources nécessaires pour mettre en place un tel service. Dans les petites universités, surtout celles comme les nôtres, nous avons des collègues qui croient aussi dans l'importance de la recherche. Dans une grande université, comme l'Université d'Ottawa, où j'ai travaillé pendant 30 ans, faire de la recherche en français est un enjeu, parce que c'est très dévalorisé. Par exemple, on nous demande régulièrement de publier en anglais si nous voulons être dans les palmarès et obtenir des reconnaissances publiques. Il faut donc offrir un appui pour encourager la publication en français et favoriser le développement des services de recherche.
Dans les universités anglophones où il y a des francophones, ceux-ci ont le droit, en vertu de leurs conseils de recherche, de déposer leurs dossiers en français, mais personne dans ces établissements ne peut les lire. C'est un problème majeur. Nous devons préparer les dossiers en français en vue de leur dépôt, mais il faut aussi les préparer en anglais pour qu'ils soient lus dans nos universités. Quand nous arrivons devant les comités de déontologie ou d'éthique, les gens ne peuvent pas lire nos devis, surtout si nous faisons de la recherche en français. Ce sont tous des exemples qui illustrent ce problème.
Ensuite, il y a toute la question des publications. Quand il s'agit de développer des revues ou d'y travailler, nous sommes seuls pour faire le travail. Pour ma part, je suis directrice de la revue Enjeux et société, et nous ne pouvons pas compter sur d'autres ressources. Nous ne sommes pas dans des universités qui nous offrent un appui à cet égard. Nous ne pouvons pas donner des dégrèvements à nos professeurs, parce qu'il manque de professeurs pour enseigner. Nous ne pouvons pas faire appel à des étudiants pour nous accompagner dans la préparation des dossiers d'évaluation ou même pour nous aider au montage des dossiers, parce qu'il n'y a souvent pas de programmes de maîtrise et de doctorat qui nous permettraient d'aller chercher ces étudiants.
Autrement dit, il y a tout un manque de ressources dans nos établissements, ce qui ne nous permet pas de faire de la recherche en français.
Je ne sais pas si cela répond bien à la question. Je peux donner d'autres exemples, mais il me semble que ceux que j'ai donnés sont assez parlants.
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Je vous remercie de me donner l'occasion de parler de mes recommandations.
D'abord, il faudrait contribuer au financement à long terme des établissements postsecondaires de la francophonie canadienne. Comme mon collègue Éric Forgues l'a souligné, l'éducation est une compétence provinciale, mais il est possible pour le gouvernement fédéral d'intervenir, notamment dans le domaine des langues officielles. Souvent, cela prend des partenariats entre la province et le fédéral pour obtenir de l'argent. C'est le cas en Alberta et cela a été le cas en Ontario. On se retrouve dans des situations où des provinces sont vraiment récalcitrantes à collaborer, et il faut trouver le moyen de contourner cela en créant des programmes.
Le financement reçu ne doit pas servir seulement à éteindre des feux, mais aussi à se projeter dans l'avenir, à embaucher de nouveaux professeurs et à constituer une relève. C'est ce qui m'inquiète le plus, en ce moment. Comment faire de la recherche en français si on ne remplace pas les postes existants? Comment faire de la recherche en français s'il n'y a pas de relève et si la seule façon d'exister dans le milieu de la recherche est d'aller vers l'anglais, ce qui accentue l'assimilation?
Une autre de mes recommandations serait d'appuyer le Service d'aide à la recherche en français, le SARF, qui a été mis en place par l'Acfas. Comme mes collègues Linda Cardinal et Éric Forgues l'ont mentionné, plusieurs obstacles se dressent sur la route des chercheurs qui souhaitent faire de la recherche en français, notamment le manque d'accès à la révision de leurs demandes. La recherche en français est un milieu très compétitif. Si, demain matin, je déposais à mon université, l'Université de l'Alberta, une demande en français pour une subvention du Conseil de recherches en sciences humaines, il n'y aurait personne pour m'aider à la réviser. En revanche, si un collègue veut présenter une telle demande en anglais, il sera entouré de spécialistes qui pourront l'encadrer et lui donner des recommandations. Il y a donc une disparité dans les services.
Finalement, je recommande qu'on envoie un message fort sur la légitimité de la recherche en français, et cela peut se faire de diverses façons. Cela commence par le soutien du projet de loi . Il faut aussi encourager les ministères à utiliser la recherche en français pour mieux comprendre les besoins spécifiques des communautés francophones. On peut également envoyer un message fort en créant un programme de chaires en francophonie canadienne et en soutenant les revues scientifiques francophones et bilingues, c'est-à-dire en encourageant un réel bilinguisme dans les revues. De plus, il faut soutenir un programme d'échanges étudiants. Nos étudiants font des échanges avec des étudiants de la Belgique et de la France, mais ils devraient en faire aussi avec des étudiants de l'Acadie et du Manitoba. Il y a plein de ressources à exploiter pour mieux comprendre la francophonie. Enfin, il est nécessaire de sensibiliser les grands conseils de recherche aux défis liés à la recherche en français dans les établissements francophones en milieu minoritaire. Il s'agit souvent de petits établissements où l'on ne forme pas d'étudiants à la maîtrise et au doctorat en français. Les chercheurs francophones n'ont donc pas accès à ces étudiants qui pourraient agir comme assistants de recherche, ce qui les pénalise comparativement aux chercheurs anglophones, qui, pour leur part, sont entourés de plusieurs étudiants à la maîtrise et au doctorat qui les soutiennent dans leurs recherches.
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En fait, ils se désengagent de ce rôle. Je pense à de grandes universités majoritairement anglophones. Dans le cas de l'Université de l'Alberta, par exemple, elle vend son bilinguisme, mais, lorsque vient le temps de soutenir ses chercheurs et de vraiment encourager cette recherche, elle ne le fait tout simplement pas.
Nous n'avons pas accès aux mêmes services que nos collègues anglophones. C'est le cas dans plusieurs universités, et c'est souvent le cas dans de petits établissements francophones où les services de recherche sont tellement embryonnaires, comme à l'Université de l'Ontario français, qu'il n'y a pas beaucoup de ressources pour les chercheurs. Il y a beaucoup d'universités anglophones qui se désengagent complètement de leur rôle et qui ne comprennent pas le rôle particulier de nos établissements, qui sont là pour répondre aux besoins d'une communauté, mais aussi pour faire vivre la francophonie.
Sans le Campus Saint‑Jean, à Edmonton, la francophonie de l'Ouest serait amputée d'un gros morceau. C'est la même chose pour la Cité universitaire francophone à l'Université de Regina. Autour de ces campus se greffent une communauté et des services, et cela crée un écosystème où la francophonie devient légitime et possible. C'est cela qu'il faut encourager.
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Non, il n'y a pas d'égalité réelle. C'est pour cela que le projet de loi est important: il repose notamment sur le principe d'égalité réelle comme principe d'interprétation des droits linguistiques. Le projet de loi C‑13 contient quand même une disposition spéciale sur la recherche en français et reconnaît que le français est aussi une langue scientifique dans toutes les disciplines.
Mes collègues Mme Lapointe‑Gagnon et M. Forgues ont également bien démontré qu'il n'y avait pas d'égalité réelle en matière de recherche. Les témoignages que vous avez entendus la semaine dernière et que j'ai écoutés allaient aussi en ce sens. Ce n'est pas un hasard si l'Acfas et l'Association des collèges et universités de la francophonie canadienne jouent un rôle aussi important dans l'espace public pour promouvoir la recherche en français. C'est un dossier qui concerne l'ensemble de la francophonie canadienne, y compris le Québec.
Comme notre collègue Vincent Larivière l'a bien démontré, il y a 10 ou 20 ans, nos collègues au Québec publiaient en français, alors que ces mêmes collègues, notamment à l'Université du Québec à Montréal, publient maintenant en anglais. Pourquoi? C'est parce qu'on nous dit que, si nous voulons des promotions, si nous voulons réussir et si nous voulons une réputation internationale, il faut tout faire en anglais. De fait, nous en faisons beaucoup en anglais. Dans mon cas, une partie de ma carrière se passe en anglais. Nous ne rejetons pas l'anglais, mais, en même temps, il y a des traditions intellectuelles au Canada qui se perdent, du fait qu'on ne réussit pas à travailler en français et à favoriser la transmission des connaissances en français.
Il y a effectivement de grandes traditions de recherche en français partout au Canada. Pour ma part, j'essaie de les documenter. Mme Lapointe‑Gagnon est historienne et elle travaille aussi là-dessus. Nous avons des savoirs à transmettre et nous n'arrivons plus à le faire.
Nous sommes maintenant dans la même situation que les pays scandinaves, où les langues nationales sont en train de se perdre dans les universités au profit de programmes uniquement en anglais. Les étudiants ne font que des thèses en anglais. Même dans nos universités, les étudiants francophones vont faire des thèses uniquement en anglais, parce qu'on leur dit que, s'ils veulent une carrière, ils doivent tout faire en anglais.
De plus, puisque nos collègues ne publient plus en français, nous ne pouvons même plus enseigner en nous appuyant sur des textes en français.
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Merci, et merci à tous les témoins d'être avec nous ce soir.
J'aimerais poursuivre sur le thème de la dernière question posée par M. Blanchette-Joncas. C'est un peu le gros problème dont personne ne veut parler; ce qui fait qu'il est difficile de faire de la recherche en français, non seulement au Canada, mais partout dans le monde. Je viens de sortir des données qui montrent que les chercheurs français en France, en une décennie, de 1987 à 1997, sont passés de 25 % de publications en français à 15 %. Il y a eu une baisse de 10 % des publications en français, et ce, en France.
La tâche de ce comité est d'essayer de trouver des moyens pour le gouvernement fédéral d'aider la recherche en français au Canada. J'aimerais que vous nous disiez, madame Cardinal, et peut-être les trois autres si nous avons le temps, ce que le gouvernement fédéral peut faire pour renverser la vapeur, alors que vous avez des chercheurs du monde entier qui veulent publier en anglais, et ce, pas seulement pour les récompenses, mais aussi pour l'avancement de leur carrière. Tout est une question de citations, et c'est en quelque sorte une prédiction qui se réalise d'elle-même: si vous publiez en anglais, cela fonctionnera mieux, car l'anglais est la lingua franca de la science.
Je pourrais continuer, mais je ne devrais pas. Je veux vous entendre. S'il vous plaît, continuez là où vous vous êtes arrêtée quand vous parliez de ce que le gouvernement fédéral peut faire pour changer cela.
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Je vous remercie beaucoup de me poser la question et de me donner l'occasion de compléter mon propos.
Vous avez raison de dire qu'il s'agit d'un phénomène mondial. Au Canada, l'enjeu est semblable à celui en Suisse et en Belgique, en ce sens que le français est l'une des langues officielles. Puisque nous sommes en situation minoritaire au Canada, même si l'on inclut le Québec, nous sommes doublement désavantagés.
Le gouvernement fédéral peut assurément jouer un rôle à cet égard. Comme je le disais dans ma première recommandation, il faudrait mettre en place un programme structurant pour favoriser la recherche en français au Canada.
Mme Lapointe‑Gagnon a parlé du Service d’appui à la recherche en français développé par l’Acfas. Je pense que le gouvernement fédéral pourrait offrir son appui. Le projet a reçu l'appui de la Power Corporation du Canada, du gouvernement du Québec et de l'Agence universitaire de la Francophonie. Il ne manque donc que l'appui du gouvernement fédéral. Il s'agirait de quelque chose de très concret.
Ensuite, il faut envoyer des directives claires aux différents conseils de recherche scientifique. On leur a dit à plusieurs reprises qu'il n'y avait pas assez de projets soumis en français. On ne sollicite plus les projets en français et on ne suscite plus l'intérêt pour faire de la recherche en français. Ces conseils sont pourtant financés par le gouvernement fédéral.
Si on a des quotas pour la musique en français au Canada, on pourrait bien fixer des quotas également pour la recherche en français dans certains secteurs. C'est évidemment plus difficile de le faire pour le secteur des sciences, mais il y aurait d'autres choses à mettre sur pied. Il y a les publications scientifiques classiques, mais il y a aussi toutes sortes d'autres publications. On pourrait créer des prix pour la recherche en français et pour la publication en français.
Le Fonds de recherche du Québec décerne un prix pour la publication en français. Nous avons de la chance, parce que M. Rémi Quirion, le scientifique en chef du Québec, qui est très favorable à la francophonie canadienne dans son ensemble, a élargi ce concours pour intégrer la francophonie canadienne. Cependant, on ne peut pas juste attendre que le Québec prenne l'initiative en la matière. Il faut aussi que le gouvernement fédéral travaille avec l'ensemble des parties prenantes pour assumer son leadership.
Ensuite, on peut parler des revues. On peut donner du financement à des revues, mais il faut que les revues bilingues publient aussi en français. Il ne faut pas que seul le titre de la revue soit en français, il faut que le contenu le soit aussi.
Comme le disait Mme Lapointe‑Gagnon, on fait des séjours de recherche à l'étranger, mais on n'en fait pas au Canada. On pourrait avoir un programme de chercheurs en résidence dans des universités de la francophonie. Lorsque j'étais la directrice régionale de l'Agence universitaire de la Francophonie, j'ai élaboré un programme avec Mitacs et le Brésil, afin que des Brésiliens puissent faire partie d'équipes de recherche francophones au Canada. Toutefois, je ne peux pas faire la même chose avec l'ensemble des provinces canadiennes. Je trouve cela un peu étonnant.
Dans les régions, il y a des Acfas régionales. Le gouvernement fédéral pourrait les financer davantage. Dans certains cas, elles fonctionnent avec 3 000 $ par année. Ce n'est pas beaucoup, alors cela pourrait être renforcé.
Il y aurait également lieu de donner des bourses au niveau du doctorat ou de la maîtrise pour favoriser la recherche en français.
Je ne sais pas si vous voulez que je continue.
Mme Lapointe‑Gagnon a parlé de chaires de recherche en francophonie canadienne. Je pense qu'il y a vraiment un...
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Je pense que mon collègue Éric Forgues pourrait vous donner plus de chiffres que moi sur le financement de la recherche en français.
Je peux cependant souligner que, selon les données, la recherche en français rencontre des obstacles dans le financement, notamment celui offert par les Instituts de recherche en santé du Canada. Proportionnellement, la recherche en français proposée aux IRSC est moins financée que celle soumise en anglais. Les IRSC sont très conscients de cet obstacle et veulent travailler à le résorber, mais il faut que cela se fasse un peu plus vite.
Pour ce qui est des objets de recherche en sciences humaines et sociales, où le français devrait être encouragé et où il a sa légitimité, les chercheurs envoient de moins en moins leurs demandes de subvention en français au Conseil de recherches en sciences humaines. Les chercheurs francophones décident de faire leurs demandes de subvention en anglais, car ils pensent avoir ainsi plus de chances d'obtenir du financement.
Monsieur Forgues, voulez-vous compléter ma réponse?
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Oui, absolument, cela me fera plaisir d'en dire davantage sur ce service d'appui à la recherche en français au Canada.
Ce que nous voyons dans nos petits établissements, qu'il s'agisse de campus ou d'universités à part entière, c'est un manque de ressources sur le terrain. Comme je le mentionnais, si demain matin je décidais de déposer une demande au Conseil de recherches en sciences humaines, il n'y aurait personne au Bureau de la recherche de l'Université de l'Alberta pour m'aider à formuler et réviser ma demande en français. Ce sont des gens qui ont une expertise dans ces projets, qui savent comment faire un budget et choisir les bons mots pour que les chercheurs réussissent à obtenir le financement. Parfois, les chercheurs ont seulement besoin de faire de petits ajustements pour obtenir plus de succès. Cependant, nous n'avons plus cette expertise en français à l'Université de l'Alberta. D'ailleurs, ce n'est pas seulement le cas à l'Université de l'Alberta; partout, les petits établissements souffrent de ce manque de ressources sur le terrain.
Il est impossible de penser que nous pouvons avoir des spécialistes en la matière dans chacun de nos établissements et de nos campus. Cependant, pourquoi ne pas créer un service accessible à l'ensemble des chercheurs francophones au pays? C'est ce que l'Acfas veut faire: un service de révision des demandes et un service pour les demandes d'approbation éthique. Mme Cardinal en a parlé. Quand nous faisons une recherche en français, mais que le service d'éthique nous demande de traduire toute notre demande en anglais, il s'agit d'une déconnexion importante pour les chercheurs.
Si on mettait en place un service pancanadien qui s'assurait du respect de l'éthique et qui était accrédité par les établissements postsecondaires, on viendrait appuyer nos chercheurs francophones et on ne les ferait pas travailler deux fois plus, comme c'est le cas lorsqu'on leur demande de traduire leurs demandes pour qu'elles soient comprises à l'intérieur de leur université. Ce service d'appui est important, parce que cela met les ressources en commun et donne accès à cette révision et à ce soutien dont les chercheurs ont besoin dans leurs recherches. Quand nous n'avons pas de soutien, nous sentons que notre recherche n'est pas importante.
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Oui, absolument. La main-d'œuvre compétente existe. C'est juste que, souvent, il y a un manque de compréhension ou de volonté dans les universités.
Je prends l'exemple de l'Université de l'Alberta. Quand j'y suis arrivée, nous avions accès à ce service, mais la personne bilingue qui pouvait nous aider est partie, et l'Université, malgré des pressions de notre part, n'a pas cru bon de la remplacer. C'est souvent ce qui arrive dans les universités. Il y a pourtant 30 000 chercheurs au Canada qui ont le potentiel de faire des demandes en français. Lorsqu'une personne bilingue travaille au service de recherche, elle peut nous aider. Toutefois, lorsqu'elle prend sa retraite ou accède à un autre poste, elle n'est pas remplacée, parce que l'établissement n'y voit aucun avantage.
Il y a plein de doctorantes et de doctorants qui n'ont pas accès à certains postes dans le milieu de la recherche, parce qu'on ne les renouvelle pas, et qui seraient pourtant très heureux d'en obtenir un. En effet, ces postes sont bien vus et ils soutiennent l'ensemble des membres de la communauté qui veulent s'investir dans la recherche en français.
La main-d'œuvre est donc là, j'en suis persuadée. C'est parfois la volonté sur le terrain qui n'est pas là. Si le service couvre l'ensemble du Canada, cela viendra rationaliser...
Bonsoir à tous. Notre greffier m'a dit que nous sommes prêts pour le deuxième groupe de témoins.
[Français]
J'aimerais d'abord faire quelques observations à l'intention des nouveaux témoins.
Avant de prendre la parole, attendez que je vous nomme. Si vous participez à la réunion par vidéoconférence, cliquez sur l'icône du microphone pour activer votre micro. Veuillez vous mettre en sourdine lorsque vous ne parlez pas.
En ce qui concerne l'interprétation, ceux qui participent à la réunion au moyen de Zoom ont le choix, au bas de leur écran, entre le parquet, l'anglais et le français. Ceux qui sont dans la salle peuvent utiliser l'écouteur et choisir le canal désiré.
Je vous rappelle que toutes les observations des députés et des témoins doivent être adressées à la présidence.
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue aux témoins.
Nous recevons tout d'abord M. Martin Normand, directeur de la recherche stratégique et des relations internationales à l'Association des collèges et universités de la francophonie canadienne.
Nous recevons également Mme Annie Pilote, professeure titulaire et doyenne de la Faculté des études supérieures et postdoctorales de l'Université Laval. Elle comparaît aujourd'hui au nom de la Fédération des sciences humaines.
Nous recevons aussi M. Benoit Sévigny, directeur des communications des Fonds de recherche du Québec.
[Traduction]
Chers collègues, nous allons maintenant passer aux déclarations liminaires. Chacun des trois groupes disposera de cinq minutes.
Au bout de quatre minutes et demie, je vous montrerai ce classeur vert. Vous saurez alors qu'il vous reste 30 secondes. Nous faisons de notre mieux pour être équitables.
Sur ce, je vous souhaite la bienvenue à tous. Notre comité est impatient de vous entendre.
[Français]
Pour commencer, je cède la parole à M. Martin Normand pour cinq minutes.
:
Merci, madame la présidente.
Je remercie le Comité de nous accueillir dans le cadre de son étude aussi importante pour le secteur postsecondaire francophone au Canada.
Je représente aujourd'hui l'Association des collèges et universités de la francophonie canadienne, qui regroupe les 22 établissements postsecondaires francophones ou bilingues en contexte francophone minoritaire. Notre mandat est d'assurer la représentation des intérêts de nos membres dans le but d'améliorer l'accès aux études postsecondaires en français.
La recherche et la publication en français font partie de nos champs d'action prioritaires. Nous avons notamment des liens avec les organismes fédéraux subventionnaires de la recherche pour faire connaître les défis de la recherche en français à l'extérieur du Québec. Nous avons veillé à ce que la recherche soit prise en compte dans les récentes consultations pancanadiennes sur les langues officielles menées par Patrimoine canadien. Nous chapeautons aussi le Réseau de la recherche sur la francophonie canadienne, qui organise annuellement un colloque et plusieurs activités de mobilisation des connaissances.
Au cours de la dernière année, l'ACUFC a aussi mené le Sommet des états généraux sur le postsecondaire en contexte francophone minoritaire, une grande démarche de consultation pancanadienne qui s'est échelonnée de juin 2021 à mars 2022. Le rapport final de la démarche sera lancé le 27 octobre prochain et un chapitre entier du rapport est consacré à la recherche et à la publication scientifique en français. J'en tire aujourd'hui trois constats.
Premièrement, les chercheuses et les chercheurs dans nos établissements travaillent à la périphérie des grands réseaux de recherche. Les charges d'enseignement sont grandes, les personnes étudiant aux cycles supérieurs sont peu nombreuses, les collègues qui travaillent en français sur des thématiques similaires sont éloignés et les collègues anglophones ne comprennent pas toujours l'objet de recherche. Ces contextes limitent donc les occasions de collaboration et d'interaction scientifique, alors qu'elles seraient des plus bénéfiques.
Deuxièmement, l'anglais s'impose plus que jamais comme langue véhiculaire dans un milieu de recherche scientifique de plus en plus international. Dans ce contexte, les membres du corps professoral mènent de plus en plus d'activités de recherche en anglais. Aussi, la méconnaissance des enjeux de recherche propres à la francophonie peut induire des préjugés structurels et des biais inconscients qui réduisent les chances des chercheuses et des chercheurs des communautés francophones de recevoir du financement pour leurs projets de recherche.
Troisièmement, il existe des maillages très serrés entre le milieu de la recherche et le milieu communautaire dans les communautés francophones en situation minoritaire. Bien que le corps professoral souhaite assumer cette responsabilité sociale de produire des données pertinentes pour son milieu, il peut subir des pressions liées au fait que ce type de travail n'est pas toujours reconnu par les établissements et qu'il n'a pas toujours à sa disposition des ressources suffisantes pour assumer cette responsabilité.
Nous vous soumettons trois suggestions.
D'abord, nous demandons que le gouvernement fédéral prenne des dispositions pour favoriser la création et la diffusion d'information scientifique en français dans le prochain Plan d'action pour les langues officielles. Un tel engagement a été pris par le gouvernement fédéral dans le document de réforme des langues officielles de février 2021 et dans le projet de loi présentement à l'étude, qui, espérons-le, pourra être adopté rapidement. Parmi les mesures positives qui pourraient être envisagées, notons que le Plan d'action pourrait prévoir des fonds pour que la communauté de recherche puisse exploiter les données sur les langues officielles du Recensement de 2021 et les futures données provenant de l'Enquête sur la population de langue officielle en situation minoritaire, par exemple, ou encore appuyer les modes de diffusion et de mobilisation des connaissances scientifiques et l'élaboration de matériel pédagogique en français.
Ensuite, nous demandons que le gouvernement fédéral mette en place les mesures nécessaires pour inciter Innovation, Sciences et Développement économique Canada ainsi que les organismes subventionnaires à appuyer et à valoriser la recherche en français. Ils pourraient rendre accessibles des enveloppes et des programmes qui correspondent mieux aux besoins et aux capacités des établissements postsecondaires, y compris les collèges. Le gouvernement doit également les inviter à amorcer une révision des modes d'évaluation de l'excellence de la recherche en français. Les organismes subventionnaires doivent aussi être appuyés pour éviter qu'ils reproduisent des biais linguistiques inconscients dans le développement de programmes ou d'initiatives. Par exemple, l'outil Dimensions, qui est administré par les trois conseils et qui vise à promouvoir l'équité, la diversité et l'inclusion dans l'écosystème canadien de la recherche, ne considère pas les minorités linguistiques comme étant un groupe sous-représenté en recherche.
Finalement, nous demandons que les programmes d'appui au secteur postsecondaire dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire permettent aux établissements de demander un soutien pour leurs activités à long terme, y compris l'embauche de professeures et de professeurs réguliers qui peuvent former une relève en recherche et obtenir du financement des organismes subventionnaires ou encore l'appui institutionnel à la recherche.
En conclusion, je vous rappelle que la recherche réalisée en français à l'extérieur du Québec et la recherche sur les communautés francophones et acadiennes en situation minoritaire alimentent une vie intellectuelle qui profite à toute la société canadienne. Nous allons poursuivre le travail avec nos établissements membres, la communauté de la recherche et des partenaires comme l'Acfas pour que ces efforts se poursuivent.
Pour sa part, dans un souci d'égalité réelle, le gouvernement fédéral doit faire des gestes conséquents pour veiller à ce que les conditions de la production et de la diffusion du savoir en français soient équivalentes à celles de la majorité anglophone.
Je vous remercie.
Je tiens tout d'abord à remercier l'honorable Kirsty Duncan, présidente du Comité, ainsi que l'ensemble des membres du Comité de nous fournir l'occasion de discuter et de formuler des recommandations concernant la recherche et la publication en français au Canada.
Ce sujet se situe au cœur des enjeux de notre communauté de recherche et de notre travail au sein de la Fédération des sciences humaines, que j'ai le plaisir de représenter aujourd'hui à titre de vice-présidente de son conseil d'administration.
En tant que porte-parole nationale pour les sciences humaines, la Fédération soutient une communauté diversifiée de 91 000 chercheurs et chercheuses. Nous soutenons activement la recherche en français dans toutes nos activités, notamment dans le cadre du Congrès des sciences humaines, qui est le plus grand rassemblement d'universitaires au Canada, et d'un programme de financement de livres savants, qui a contribué à la publication de 288 livres en français depuis 2010.
Lors des consultations pancanadiennes sur les langues officielles qui ont eu lieu un peu plus tôt cette année, nous avons insisté sur le fait que le gouvernement devait traiter des défis particuliers auxquels se heurtent les chercheurs et les chercheuses francophones.
L'accès aux études de maîtrise et de doctorat en français est essentiel pour permettre aux francophones de poursuivre leur cheminement scolaire dans leur langue jusqu'aux plus hauts niveaux de formation.
La présence d'étudiants ainsi que de stagiaires postdoctoraux francophones aux cycles supérieurs est également indispensable au fonctionnement d'équipes souhaitant mener leurs travaux de recherche en français dans les universités aux quatre coins du Canada. Le gouvernement se doit de soutenir la relève dans le domaine de la recherche menée en français, car nous avons besoin de la contribution de ces personnes pour assurer une meilleure compréhension des enjeux auxquels font face les communautés francophones et pour assurer un avenir meilleur au Canada.
Selon le rapport de l'Acfas intitulé « Portrait et défis de la recherche en français en contexte minoritaire au Canada », la recherche en français est en déclin. Ce rapport en fournit les exemples les plus probants. Notamment, les revues de langue française ne représentent que 8 % des revues savantes créées depuis les années 1960 au Canada, et la proportion des publications en français est en constante diminution. Le rapport révèle aussi que les chercheurs en milieu francophone minoritaire bénéficient très peu du soutien d'étudiants de maîtrise et de doctorat pour mener leurs recherches en français, étant donné le choix limité de programmes de cycles supérieurs offerts en français dans leurs établissements.
De fait, de nombreux étudiants francophones qui résident à l'extérieur du Québec sont obligés de faire un choix: soit ils déménagent afin de poursuivre leurs études en français dans de grandes universités offrant un choix élargi de programmes aux cycles supérieurs, soit ils s'orientent vers un cursus en anglais offert près de chez eux. Ce phénomène accentue la domination de l'anglais dans le développement de leur carrière scientifique et réduit la probabilité que leurs objets de recherche répondent aux besoins des milieux francophones.
Un financement rehaussé permettrait de réduire ces inégalités et de soutenir davantage la recherche en français au Canada, en particulier dans les contextes où la vitalité de la langue française est fragilisée.
Dans ces conditions, nous souhaitons formuler deux recommandations. La première vise l'augmentation du soutien financier pour les études aux cycles supérieurs et pour les stages postdoctoraux. La seconde propose un investissement dans l'édition en libre accès en français.
Nous tenons d'abord à souligner que nous applaudissons la recommandation du Comité permanent de la science et de la recherche visant à augmenter le nombre de bourses pour les cycles supérieurs et pour les stages postdoctoraux, à augmenter leur valeur de 25 % et à les indexer à l'indice des prix à la consommation. Toutefois, selon nos calculs, une augmentation considérable du montant de ces bourses est nécessaire pour qu'elles conservent leur valeur, compte tenu de l'inflation des deux dernières décennies.
Dans l'ensemble, nous devons aussi réfléchir aux questions d'équité en ce qui concerne la formation de la relève francophone en recherche. Comme le recommande l'Acfas, il faut notamment veiller à ce que les taux de succès obtenus pour les demandes de financement soient équivalents pour les chercheurs francophones et anglophones. Là où des inégalités persistent, des fonds ou des programmes supplémentaires, par exemple des programmes de recherche sur les communautés francophones ou un soutien aux personnes qui doivent déménager pour étudier en français, peuvent aider à les rééquilibrer.
Notre seconde recommandation encourage le gouvernement fédéral à appuyer l'édition en libre accès en français afin que les recherches soient repérées, lues et diffusées par quiconque dispose d'un accès Internet dans le monde. À l'heure actuelle, les canaux de diffusion de la recherche en libre accès sont limités. Cela entraîne d'importants obstacles à la poursuite d'une carrière en recherche, tout particulièrement celle des francophones. Par exemple, la portée de la diffusion de leurs savoirs s'en trouve limitée, et leurs réalisations sont sous-valorisées par les systèmes d'évaluation de la recherche ainsi que par les comités de promotion de leurs universités.
Nous proposons donc qu'un fonds soit créé pour le libre accès, afin d'atténuer les coûts qu'entraîne la publication de livres et d'articles en libre accès et d'accroître la portée de ceux-ci.
Ce fonds inclurait un financement de la publication de recherches en libre accès de façon simultanée dans les deux langues officielles, afin de couvrir un public plus large. Cela permettrait de soutenir une communauté dynamique de chercheurs francophones et d'accroître la diffusion de la recherche effectuée en français, tout en permettant une interaction avec un public anglophone plus large.
L'investissement dans l'édition en libre accès favorisera la diffusion de la recherche en français au Canada et à l'échelle mondiale, en plus de contribuer au dynamisme de la communauté de la recherche francophone à l'ère numérique. En tant que pays bilingue, le Canada doit montrer l'exemple.
En conclusion, je souhaite souligner que les chercheurs en sciences humaines produisent des recherches en français qui sont essentielles. L'investissement dans le développement des talents et dans la science ouverte les aidera à accroître leur influence et la portée de leurs travaux pour le bien de notre communauté.
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Bonsoir, membres du Comité permanent de la science et de la recherche.
Je représente aujourd'hui les Fonds de recherche du Québec, dont le premier dirigeant est le scientifique en chef du Québec. Il s'agit de trois organismes gouvernementaux qui relèvent du ministre en titre responsable de la science. Il y a un fonds par grand secteur de recherche, soit les sciences sociales et humaines, les sciences de la santé ainsi que les sciences naturelles et le génie. On retrouve un découpage similaire du côté des conseils de recherche fédéraux.
Les Fonds se voient confier des mandats de soutien à la recherche, qu'il s'agisse de regroupements ou de projets de recherche; de soutien à la formation à la recherche, par l'entremise de bourses de maîtrise, de doctorat et de postdoctorat; de développement de partenariats, allant de l'échelle locale jusqu'à l'échelle internationale; et de soutien à la diffusion.
La langue anglaise est aujourd'hui la langue première de la science dans le monde. Comme le démontrent les données bibliométriques, la tendance de l'anglicisation de la science s'observe depuis plusieurs décennies.
Web of Science, une base de données de citations mondiales des plus fiables, démontre qu'entre 1980 et 2020, soit sur 40 ans, la proportion d'articles en sciences naturelles et en génie publiés en français est passée d'environ 4 % à 0,1 % dans le monde, de 3 % à 1 % au Canada et de 14 % à 0,25 % au Québec. Les résultats des travaux de la Chaire de recherche du Canada sur les transformations de la communication savante, dirigée par Vincent Larivière, de l'Université de Montréal, vont dans le même sens pour les publications scientifiques des chercheurs québécois dans les revues internationales en sciences de la santé. Quant aux sciences sociales et humaines, le pourcentage de publication en français est un peu plus élevé, mais, là aussi, la tendance est à l'anglicisation.
L'internationalisation de la recherche y est pour quelque chose. La proportion des publications québécoises cosignées par au moins un scientifique d'un autre pays est passée de 35 % en 2000 à 60 % en 2019. En ordre d'importance, les trois premiers pays collaborateurs du Québec sont les États‑Unis, la France et la Grande‑Bretagne.
L'objectif n'est pas tant de combattre la science en anglais, mais de mieux promouvoir la science en français et de mieux valoriser la recherche et les publications en français. La science en français, ou dans toute autre langue, est tout aussi importante que la science en anglais. L'anglais est la langue commune, certes, mais elle prend appui sur une diversité linguistique. Si la langue, qui est liée à la culture d'une région ou d'un pays, façonne notre vision du monde, force est de reconnaître que nous avons intérêt à valoriser la diversité linguistique pour que la science soit plus riche dans ses perspectives, ses résultats et ses retombées. Si la science au Québec est considérée comme locale à la face du monde, ses retombées et ses résultats sont néanmoins importants pour la population québécoise, notamment en sciences sociales et humaines, où l'objet est contextualisé en fonction de la réalité québécoise.
La science en français peut compter sur 300 millions de francophones sur les cinq continents, et l'on estime que ce nombre passera à 700 millions en 2050.
Comme fonds de recherche, nous faisons la promotion de la science en français par l'entremise de nos programmes de bourses et de subventions. Grâce à notre soutien, une quarantaine de revues savantes sont depuis longtemps publiées dans le secteur des sciences sociales et humaines et sur la plateforme de revues Érudit.
Pour mieux faire connaître les publications en français, nous avons lancé en 2021 un concours où, chaque mois, trois publications en français reçoivent chacune un prix de 2 000 $ de notre part. Nous avons récemment ouvert le concours aux étudiants pour encourager la relève à publier en français.
En fait, en 2012, nous avons mis sur pied le prix Relève étoile, qui est décerné à trois étudiants par mois, soit un par secteur, pour une de leurs publications. On a observé que, dans les 24 premiers mois du concours, 17 des 72 publications ayant reçu le prix étaient en français, alors qu'au cours des 24 derniers mois, soit en 2021 et en 2022, seulement 2 des 72 étaient en français. Voilà un autre indice que le français recule en sciences.
Le scientifique en chef du Québec est président de l'International Network for Government Science Advice, un réseau qui regroupe les scientifiques en chef et conseillers scientifiques dans le monde et où l'anglais prédomine dans les échanges. C'est la raison pour laquelle, sous sa direction, on annoncera, le 3 novembre prochain, la création du Réseau francophone international en conseil scientifique.
Enfin, compte tenu de l'importance de la science en français, nous organisons pour le printemps prochain un forum de deux jours qui visera à dresser un état des lieux et à voir comment nous pourrions mieux la promouvoir.
Je vous remercie.
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Merci, madame la présidente.
Je remercie les témoins, surtout ceux qui se trouvent parmi nous dans la salle. C'est formidable de voir des personnes en chair et en os pour une fois, plutôt que de regarder tout le monde sur Zoom.
Je ne m'oppose à rien de ce que nous faisons dans le cadre de cette étude. Nous essayons de déterminer comment améliorer la recherche en français au Canada. Parmi mes préoccupations, toutefois, je note le fait qu'il semble que, étant donné que la recherche et la science évoluent sur la scène internationale, bien souvent...
Que font les autres pays pour promouvoir le français? Comme M. Cannings l'a affirmé, même en France, les chercheurs privilégient de plus en plus l'anglais. Voilà ce qui m'inquiète. Que font les autres pays?
Je suis persuadé que les mesures que nous prenons au Canada s'avéreront utiles, mais les chercheurs continueront-ils à publier leurs recherches en français si, à l'international, ils ne peuvent recevoir les mêmes bourses et la même reconnaissance que s'ils employaient l'anglais?
Ma première question s'adresse à M. Normand et à Mme Pilote. Qu'en pensez-vous?
J'écoute celui ou celle qui aimerait répondre en premier.
:
Je vous remercie de la question.
Il va de soi qu'il s'agit d'une tendance lourde, et nous ne pourrons pas la contrer complètement. Par contre, la comparaison avec la France est boiteuse. La France est un pays où la langue française est, bien entendu, majoritaire. Tous ses chercheurs sont soumis aux mêmes impératifs.
Au Canada, la situation est différente. Au sein de la communauté de recherche canadienne, il y a deux ensembles de chercheurs, qui ne sont pas soumis aux mêmes impératifs, aux mêmes conditions. Les règles du jeu favorisent un groupe au détriment d'un autre. Il y a ici une question d'équité dans le domaine de la recherche produite au Canada. Il faut permettre aux chercheurs francophones et à la relève francophone de faire carrière en recherche.
Pour ce faire, les chercheurs ont besoin d'avoir de bonnes conditions pour s'épanouir et être en mesure de contribuer à la construction de savoirs signifiants pour leur milieu. Ils doivent aussi avoir l'occasion de diffuser leurs recherches, mais pas exclusivement en français. Ils ont besoin de bénéficier de conditions favorables à une diffusion large de leurs travaux, et ce n'est pas à eux d'en porter le poids sur les épaules.
C'est pour cela que nous avons mis en avant la proposition d'encourager la publication ouverte, à accès libre et en simultané dans les deux langues. Les chercheurs ne doivent pas communiquer entre eux en vase clos. Nous voulons que les résultats de leurs recherches puissent être diffusés à grande échelle.
Aujourd'hui, les moyens de communication font en sorte qu'il est tout à fait possible de diffuser en simultané les résultats de recherche dans les deux langues. Il faut toutefois que les chercheurs faisant de la recherche en français puissent évidemment bénéficier de services de traduction. Il ne faut pas leur faire porter sur les épaules le poids de produire des articles dans les deux langues.
:
Je vous remercie de vos réponses.
C'est précisément ce qui m'inquiétait. Étant donné la technologie moderne, on serait porté à croire que la question langagière ne devrait pas représenter un obstacle aussi insurmontable et que la cohésion entre les chercheurs devrait être beaucoup plus forte, peu importe leurs langues. Dans une certaine mesure, je suis même surpris que nous devions en discuter.
Je suis ravi que le projet de loi remédiera probablement à un grand nombre de préoccupations. Il semblerait que les autres personnes à qui on a posé la question jugent que le projet de loi C‑13 ne nécessite pas de grands changements, ce que je trouve également encourageant. Je suis persuadé que vous convenez sans doute vous aussi qu'on devrait adopter le projet de loi aussi rapidement que possible.
Monsieur Sévigny, vous avez mentionné compter un groupe de recherche francophone qui collabore avec d'autres pays. Pouvez-vous nous expliquer en quoi cette collaboration nous aidera, ici au Canada, à publier davantage de travaux de recherche en français — non seulement au Canada, mais aussi dans le monde entier — et à obtenir une meilleure reconnaissance?
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J'aimerais soulever deux éléments à cet égard.
Ce n'est pas tant la traduction d'un texte du français vers l'anglais qui pose un problème. C'est plutôt le fait que, quand un chercheur décide de travailler en anglais, afin de pouvoir publier ses travaux dans les grandes revues scientifiques, il choisit de travailler sur des sujets de recherche plus universels, qui rejoindront un plus grand public, plutôt que de travailler sur des sujets de recherche plus précis qui pourraient avoir une résonnance particulière dans les communautés.
Quant à la portée des publications scientifiques en anglais dans les grandes revues scientifiques, on peut effectivement la mesurer. Toutefois, malgré un facteur d'impact très élevé, ces textes sont très peu lus et cités. En revanche, les textes en français publiés dans des revues locales, qui ont une pertinence à l'échelle locale, sont souvent plus lus, plus utilisés et plus cités. C'est pourquoi il ne faut pas perdre de vue la spécificité des sujets de recherche traités en français.
Pour ce qui est de la traduction vers l'anglais, je souligne que, dans certaines disciplines, même si des chercheurs francophones publient en anglais, leurs collègues anglophones ne les citent pas et ils ne les lisent pas. Nous avons des données très précises à cet égard.
Comme Mme Pilote le disait, les communautés de recherche fonctionnent en silo. Il peut aussi y avoir des préjugés inconscients selon lesquels les travaux des chercheurs francophones portent souvent sur des sujets plus précis et moins universels et qu'ils auraient, de ce fait, une pertinence moindre.
:
Je vous remercie, madame la présidente.
Je salue les témoins qui se joignent à nous pour la deuxième heure de la réunion du Comité.
Madame Pilote, j'ai trouvé intéressante votre idée sur le financement de la publication en libre accès, entre autres choses. J'aimerais tout de même examiner le revers de la médaille que cela suppose.
Nous avons reçu au Comité la professeure Sylvie Lamoureux, qui est titulaire de la Chaire de recherche en gestion des langues, à l'Institut des langues officielles et du bilinguisme, ou ILOB. Elle nous disait notamment que la création de la plateforme Érudit était une grande avancée et qu'elle était même d'une importance primordiale pour la reconnaissance des publications scientifiques en français au Canada ainsi qu'à l'échelle internationale.
Selon elle, la plateforme comportait tout de même des limites, non seulement à cause de la précarité de l'existence même des revues savantes canadiennes, mais aussi parce que leur lectorat était restreint.
J'aimerais d'abord savoir si, même avec la mise en place de cette plateforme en libre accès qui permettrait d'accéder aux publications en français et en anglais, ces limites se manifesteraient de votre côté.
La professeure nous disait que, la langue, c'était non seulement des mots, mais aussi une culture et une façon de penser.
Comment pouvons-nous faire en sorte d'obtenir cet outil de publication en libre accès, qui permettrait notamment d'aider et d'améliorer la recherche et la publication scientifiques en français au Canada?
:
Je n'ai pas toutes les réponses sur la forme que pourrait prendre le processus de publication en libre accès des travaux de recherche. Nous savons que nous devons être interpelés par ces solutions qui s'offrent dorénavant à nous pour rendre disponibles les résultats des recherches.
Cependant, vous avez tout à fait raison de dire que ce n'est pas simplement une question de traduction, d'où l'importance d'être capable de favoriser des points de contact entre ces univers intellectuels qui restent trop souvent en silo. La traduction des concepts se fait parfois de manière très boiteuse vers une langue ou une autre. C'est un autre élément qui défavorise les chercheurs francophones lorsque vient le moment de soumettre, par exemple, des propositions de recherche en français pour obtenir du financement. Ils se font reprocher de ne pas citer les bons auteurs ou de ne pas utiliser les bons concepts, alors que ce sont d'autres auteurs qui font autorité dans leur univers scientifique et intellectuel.
La réflexion va bien au-delà d'une simple question de traduction. Il faut trouver des moyens pour véhiculer ces univers intellectuels. À mon sens, il est possible d'y arriver grâce à des communications accrues dans les deux langues et à plus d'espaces où peuvent se croiser des communautés qui, actuellement, ne se parlent que très peu.
:
Mme Pilote vous a mis sur une bonne piste. Il faut absolument travailler avec les conseils subventionnaires.
Il y a effectivement la question du financement, mais il faut aussi approfondir la nécessité d'une évaluation équitable des demandes de subvention qui sont présentées aux conseils subventionnaires.
Dans les derniers mois, nous avons travaillé avec les Instituts de recherche en santé du Canada, ou IRSC, pour concevoir des modules de formation portant sur les préjugés inconscients dans l'évaluation des demandes de subventions. L'évaluateur, de par sa position, induit-il des préjugés dans la façon dont il conçoit et comprend les projets de recherche qui lui sont soumis?
Nous essayons de réfléchir à la teneur de ces outils et à la façon dont nous pourrions combattre les préjugés portant sur la langue et sur les sujets de recherche des chercheurs francophones.
Or, il faudrait que ces outils soient diffusés bien au-delà des IRSC. Tous les conseils subventionnaires devraient pouvoir y accéder.
Prenons l'exemple tout bête de la traduction simultanée dans les comités d'évaluation par des pairs, où les compétences linguistiques des évaluateurs sont autodéclarées.
Un évaluateur pensant maîtriser suffisamment le français pour lire et comprendre une demande en français peut se fourvoyer lorsque les propos sont mal traduits ou que les références citées sont mal comprises. Par conséquent, la demande d'un chercheur pourra ainsi être évaluée de façon défavorable, alors que la même demande aurait pu être acceptée par un autre comité au sein duquel siégerait une personne comprenant mieux le français.
Encore une fois, merci aux témoins d'être parmi nous.
Je veux m'adresser à M. Sévigny pour revenir à la question de la publication en anglais, la lingua franca, et tout ce qui en découle. On dirait qu'il s'agit d'un des problèmes sous-jacents.
Tout d'abord, monsieur Sévigny, pourriez-vous répéter les données que vous détenez sur les tendances s'échelonnant sur une période de 40 ans en matière de publications en français et en anglais en France et au Canada? J'ai essayé de les prendre en note rapidement, mais j'ai eu du mal à le faire.
Je me pose des questions. On a entendu différentes suggestions quant à la façon de changer la donne grâce à l'accès ouvert, l'interprétation simultanée ou la coopération entre différents pays de la francophonie pour faire la promotion de la recherche en français. Or, si, par exemple, la publication d'articles scientifiques en français est pratiquement nulle et que l'anglais est omniprésent, je me demande si nous devrions plutôt nous concentrer sur d'autres aspects du phénomène. Il faudrait peut-être trouver des façons de financer des programmes en français et de les appuyer.
Monsieur Sévigny, je pourrais peut-être vous poser une autre question puisque vous avez en quelque sorte des liens avec les organismes subventionnaires. Comment devrions-nous évaluer la rigueur de la science des différents candidats si... J'imagine que, par le passé, on se servait surtout des listes de publications des chercheurs. Ces listes sont entre autres composées des citations, et ces dernières dépendent des personnes qui lisent les travaux et qui les citent. En ce moment, l'anglais semble être la langue centrale.
Y a‑t‑il d'autres perspectives à adopter? Y a‑t‑il des discussions en cours pour changer les méthodes d'évaluation? Quelqu'un a parlé de préjugés inconscients ou subconscients. Je crois qu'il s'agit même de préjugés conscients s'il est fondamentalement question de citations d'articles rédigés en anglais.
:
Sans parler de quotas, je souligne que certaines mesures ont permis d'offrir des programmes axés précisément sur la recherche en français dans les communautés francophones en situation minoritaire, par exemple. Ainsi, des chercheurs ont pu obtenir des fonds pour travailler sur des sujets de recherche précis. Quand ces fonds ont cessé d'être versés, ces chercheurs ont eu de la difficulté à faire financer leurs recherches dans le cadre des concours réguliers. Il s'agit là d'une mesure qui aurait dû continuer.
Les IRSC ont tout récemment adopté une mesure visant à s'assurer que le taux de succès des demandes en français présentées à des concours réguliers soit équivalent à celui obtenu par les demandes en français présentées au concours au complet. C'est bien timide comme mesure, mais elle existe et elle vise à encourager les chercheurs à présenter des demandes en français.
Il reste que le taux de succès des demandes présentées en français est bien moindre que celui des autres catégories évaluées par les IRSC. Bien évidemment, il y a aussi des chercheurs qui ont besoin d'un appui accru. Je pense notamment aux nouveaux chercheurs, aux chercheurs issus des communautés autochtones, aux femmes, et ainsi de suite.
Toutes sortes de mesures sont prises par les IRSC. Des données statistiques montrent qu'à chacun des concours, les demandes en français n'ont pas autant de succès que celles présentées dans toutes les autres catégories. Toutefois, c'est déjà un premier pas que de viser l'équivalence dans les taux de succès.
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Au cours des dernières années, nous avons constaté le contraire, c'est-à-dire la disparition des mesures positives dans les conseils subventionnaires.
Au début des années 2010, un programme des IRSC destiné aux chercheurs des communautés francophones en situation minoritaire a été aboli. Il aura fallu une dizaine d'années avant de retrouver un semblant de mesure équivalente au sein des IRSC. De plus, des programmes du Conseil de recherches en sciences humaines sont disparus avec le temps.
Dans la foulée de la révision de la Loi sur les langues officielles et du plan d'action pour les langues officielles, nous nous permettons de demander le renouvellement des mesures positives prises par les conseils subventionnaires. Cela permettrait d'assurer un financement stable et équitable de la recherche en français, sans oublier la recherche appliquée qui se fait dans les collèges. En effet, les programmes sont adaptés dans le cas de ce type de recherche, qui est différente de la recherche universitaire.
Au-delà des conseils subventionnaires, on fait aussi appel à d'autres organismes fédéraux. Il y a des besoins en données probantes dans toutes les communautés francophones en situation minoritaire et au sein des organismes fédéraux. Ceux-ci doivent prendre des mesures positives pour appuyer le développement des communautés. Sans ces données, les communautés ne peuvent pas faire des demandes suffisamment précises, et les organisations gouvernementales ne sont pas suffisamment outillées pour prendre les décisions qui s'imposent.
:
Je suis désolée, monsieur Normand.
[Traduction]
L'aspect le plus ingrat de mon rôle consiste à devoir interrompre les intervenants. Je suis navrée.
Chers collègues et chers merveilleux témoins, le temps est maintenant venu de nous quitter.
J'aimerais remercier chaleureusement chacun d'entre vous qui avez témoigné devant nous. Le Comité accorde beaucoup d'importance à cette étude. Nous vous sommes reconnaissants du temps que vous nous avez consacré et de votre expertise. Nous espérons que vous avez aimé l'expérience et que nous vous reverrons peut-être à l'avenir.
Sur ce, chers collègues, il est temps de remercier nos témoins. Nous allons brièvement suspendre la séance puisque nous attendons un autre groupe de témoins ce soir.
Merci à tous.
:
Chers collègues, nous reprenons la séance.
[Français]
J'aimerais faire quelques observations à l'intention des nouveaux témoins.
Avant de prendre la parole, attendez que je vous nomme. Si vous participez à la réunion par vidéoconférence, cliquez sur l'icône du microphone pour activer le vôtre. Veuillez mettre votre microphone en sourdine lorsque vous ne parlez pas.
En ce qui concerne l'interprétation, pour ceux qui participent à la réunion à partir de la plateforme Zoom, vous avez le choix au bas de votre écran entre le parquet, l'anglais ou le français. Pour ceux qui sont dans la salle, vous pouvez utiliser l'écouteur et choisir le canal désiré.
Je vous rappelle que toutes les observations des députés et des témoins doivent être adressées à la présidence.
[Traduction]
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins. Nous sommes tellement ravis de vous avoir parmi nous.
Nous accueillons M. Chérif Matta, professeur à l'Université Mount Saint Vincent, qui comparaît à titre personnel. Nous recevons également le vice-président de la Direction des subventions de recherche et bourses du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie, M. Marc Fortin.
Nous allons entendre chacun des témoins pendant cinq minutes. Lorsque quatre minutes et demie se seront écoulées, je vais lever ce carton vert. Ce sera le signe qu'il vous reste 30 secondes.
Nous souhaitons à nouveau la bienvenue à nos témoins. Merci de vous joindre à nous dans le cadre de cette importante étude.
Nous donnons d'abord la parole à M. Matta pendant cinq minutes.
:
Honorables membres du Comité permanent de la science et de la recherche, je vous remercie de m'avoir invité à témoigner sur la recherche et la publication en français au Canada.
Tout d'abord, permettez-moi de résumer mon expérience en quelques mots, sur la base de laquelle je vais témoigner aujourd'hui. Mes recherches portent sur la chimie physique théorique. Je suis professeur titulaire et chef du Département de chimie et de physique à l'Université Mount Saint Vincent, en Nouvelle‑Écosse. Je viens de terminer un mandat de quatre ans, en tant que membre, puis en tant que président sortant, au sein du Comité de sélection interdisciplinaire du Programme des chaires de recherche du Canada. Je suis membre du conseil d'administration de l'Institut de chimie du Canada. Je suis membre de l'Acfas‑Acadie en tant que représentant régional pour la Nouvelle‑Écosse, sous la direction de Mme Selma Zaiane‑Ghalia, la présidente de notre comité. Cela dit, il faut être clair: dans ce témoignage, je n'invoque l'autorité d'aucune institution ou organisation. Je témoigne en tant qu'individu, en mon propre nom.
Il y a des siècles, la lingua franca de la science était le latin, l'ancêtre linguistique du français et de toutes les langues romanes. Sir Isaac Newton lui-même a choisi le latin plutôt que son anglais natal lorsqu'il a écrit son ouvrage Philosophiæ naturalis principia mathematica, qui porte sur les principes mathématiques de la philosophie naturelle. Aujourd'hui, l'anglais est la lingua franca de la science, mais c'est relativement récent. Cela a commencé avec l'émergence des États‑Unis en tant que superpuissance après la Seconde Guerre mondiale.
Auparavant, il était courant de publier dans d'autres langues. Par exemple, les quatre articles d'Albert Einstein de 1905 sont publiés en allemand. Il en était de même pour les articles de Schrödinger et de Max Planck, qui ont jeté les bases de la mécanique quantique telle que nous la connaissons aujourd'hui. Louis Pasteur, Henri Poincaré, Marie Curie et bien d'autres ont publié en français.
Il y a quelques années, je suis tombé sur un bel article de M. Alain Aspect, qui vient juste d'être nommé colauréat du prix Nobel de physique de 2022 pour ses travaux sur l'intrication quantique, ou enchevêtrement quantique, le phénomène sous-jacent à toutes les technologies modernes d'information quantique de pointe. Il a publié cet article dans le prestigieux, mais non bien cité Bulletin de l'Union des physiciens, ou BUP, une publication strictement en langue française basée à Paris. Toutefois, il ne s'agit pas d'un cas isolé. En effet, un grand nombre d'articles de physiciens et de chimistes français et francophones, dont plusieurs lauréats du prix Nobel, entre autres, le légendaire Louis de Broglie, ont paru dans le BUP.
Ce petit exemple démontre que les scientifiques de premier rang publient en français. Pourquoi le font-ils? Plus généralement, pourquoi publier en français? À mon avis, le langage, en tant que véhicule de la pensée, module notre façon de penser. Nous sommes influencés par l'héritage culturel associé à notre langue, ainsi que par ses nuances et ses modes de raisonnement. Faut-il vraiment comprendre les paroles pour reconnaître une salsa cubaine, un tango argentin ou une musique folklorique grecque ou russe? La phraséologie musicale émerge de la culture linguistique dans laquelle elle s'inscrit. Il en est de même dans d'autres domaines de l'univers intellectuel. La limite de notre langage est la limite de notre connaissance, comme le soutenait souvent Ludwig Wittgenstein dans son ouvrage Tractatus logico-philosophicus.
Je termine par quelques suggestions pratiques, que je ne puis imaginer totalement originales, pour enrichir l'érudition en langue française au Canada.
Tout d'abord, il faudrait prévoir un quota budgétaire adéquat pour les soumissions en français aux trois conseils subventionnaires du Canada.
En deuxième lieu, il faudrait combler les lacunes des comités d'évaluation qui ne compteraient pas de membres maîtrisant suffisamment à la fois le français et le sujet technique d'une proposition en les remplaçant par des membres externes qui peuvent être recrutés à partir d'une base de données mondiale de réviseurs francophones.
En troisième lieu, je propose d'établir une revue scientifique générale multidisciplinaire de premier ordre au Canada en langue française.
En quatrième lieu, il faut encourager et subventionner les conférences scientifiques de haute visibilité en langue française, comme la Conférence de chimie théorique et numérique, ou QUITEL. Je pourrai en dire davantage là-dessus lors de la période de questions.
En cinquième lieu, je suggère de permettre aux étudiants...
:
Je vous remercie, madame la présidente.
Mesdames et messieurs les membres du Comité, bonsoir.
Je suis le vice-président de la Direction des subventions de recherche et bourses au Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, ou CRSNG.
Le CRSNG est un organisme fédéral de financement de la recherche. Il appuie chaque année 11 000 des meilleurs chercheurs au Canada et fournit également des bourses aux étudiants et étudiantes ainsi qu'aux stagiaires au niveau postdoctoral. Chaque année, le CRSNG investit près de un milliard de dollars dans la recherche et dans la prochaine génération d'innovateurs.
[Traduction]
Au CRSNG, le Conseil de recherche en sciences naturelles et en génie du Canada, nous appuyons la recherche et le talent dans les deux langues officielles. Les candidats choisissent la langue qu'ils désirent employer avec nous.
Le CRSNG a la capacité d'évaluer les demandes tant en français qu'en anglais. Quatre-vingt-dix-neuf pour cent de nos employés répondent aux exigences linguistiques de leurs postes. La totalité de nos documents, consignes et guides sont publiés dans les deux langues.
Le CRSNG recrute également des experts scientifiques externes afin d'évaluer l'excellence scientifique des demandes de subventions que nous recevons. Ils fournissent au CRSNG des conseils sur la qualité des demandes de subventions de recherche. Tous les comités d'évaluation que nous formons sont en mesure d'évaluer les demandes en français et en anglais. Des données décennales sur nos comités de sélection démontrent que 26 % des membres de ces comités d'experts sont francophones et que 45 % des membres sont bilingues.
Madame la présidente, le CRSNG compte le personnel, l'expertise et les processus nécessaires pour évaluer équitablement la qualité des demandes de subventions peu importe la langue de rédaction. Malgré tous ces moyens à notre disposition, le CRSNG ne reçoit, en moyenne, qu'environ 10 % de demandes en français. Certains ont suggéré que les chercheurs ne soumettent pas leurs demandes de subventions en français parce qu'ils craignent que les organismes subventionnaires ne les évaluent pas de façon équitable. Les données ne confirment pas cet argument.
À titre d'exemple, les demandes de subventions soumises en français de la part de candidats de l'Université McGill ou de l'Université d'Ottawa ont, en moyenne, un taux de réussite plus élevé que les demandes rédigées en anglais provenant des mêmes universités. Pour les demandes d'autres universités, on dégage d'autres tendances et parfois l'inverse de ce que je viens de décrire.
De nombreux facteurs influencent le taux de réussite et sont probablement plutôt liés au contexte démographique de l'établissement et à l'appui qu'offre l'université pour les demandes de subventions rédigées en français. Ce sont là certains des facteurs.
[Français]
L'anglais, comme il a été mentionné auparavant, est la langue dominante en recherche dans le monde. Au Canada et au CRSNG, il nous faut toutefois maintenir nos façons de faire actuelles, qui nous permettent d'évaluer les demandes de financement dans les deux langues et d'éviter la présence de préjugés dans l'évaluation des demandes dans quelque langue que ce soit.
Le CRSNG est également très proactif — j'insiste sur ce mot — pour ce qui est de faire valoir l'importance des sciences auprès des francophones au Canada. Nous tenons deux campagnes annuelles de promotion des sciences, soit l'Odyssée des sciences et la Semaine de la culture scientifique, auxquelles participent activement les francophones. Nos partenaires au Québec ont offert plus de 450 activités de promotion des sciences en français.
En outre, le CRSNG a accordé des fonds à près de 30 organismes francophones afin de leur permettre d'organiser des activités de promotion des sciences en français.
En résumé, le CRSNG est en mesure d'évaluer les demandes de financement dans les deux langues officielles, et il ne constate aucune tendance frappante à la discrimination systémique dans l'évaluation des demandes, qu'elles soient présentées en français ou en anglais.
Nous voulons travailler avec les universités pour combattre l'impression qu'il est plus difficile d'obtenir du financement au CRSNG si la demande est présentée en français. Nous pouvons unir nos efforts pour soutenir les chercheuses et chercheurs qui veulent faire de la recherche en français.
Madame la présidente, messieurs et mesdames les membres du Comité, je vous remercie de votre attention.
:
Merci, madame Duncan. Il y a un moment qu'on ne s'est pas vu. Malheureusement pour vous, je suppose que je vais devenir un membre permanent de ce comité, alors vous êtes coincé avec moi.
Mme Duncan et moi nous connaissons depuis longtemps. Nous siégions ensemble au comité des anciens combattants, il y a de nombreuses législatures de cela. C'était le bon vieux temps, peut-être.
Monsieur Fortin, merci de votre présence, et merci à vous aussi, monsieur Matta. Au cours des deux dernières heures, vous avez entendu beaucoup de témoignages de la part de différentes personnes qui ont des points de vue différents. Je ne pense pas qu'ils attaquaient vraiment le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, le CRSNG, ou les conseils subventionnaires qui relèvent de lui, mais quel est le...
Je ne dirais pas que tout le monde fréquente les mêmes cercles, mais le groupe des universités et des établissements d'enseignement supérieur fréquente en quelque sorte les mêmes cercles. Vous finissez par connaître beaucoup d'entre eux au fil des ans. Où est la rupture ici? Il me semble que vous vous rencontrez lors de colloques. Vous pourriez parler dans une pièce et résoudre tout cela en une journée. Où se produit cette rupture sur laquelle nous sommes censés nous pencher? En fait, y en a‑t‑il une ou non?
Monsieur Fortin, allez‑y, je vous prie.
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Y a‑t‑il une rupture? Je pense que nous voyons tous les mêmes données. Elles parlent d'elles-mêmes. Il y a une diminution des publications en français. Je ne peux parler ici que pour le CRSNG. Je ne peux pas parler pour les conseils subventionnaires des sciences sociales et des sciences de la santé, mais en ce qui concerne le CRSNG, nous voyons, comme je l'ai mentionné, que seulement 10 % des demandes de subvention nous sont soumises en français. Je pense qu'il y a un consensus sur le fait qu'il y a une diminution de la présence du français dans le monde de la recherche.
Comme je l'ai dit dans mon exposé, il y a beaucoup de choses que nous pouvons faire collectivement. Un des témoins qui ont comparu plus tôt aujourd'hui a mentionné la Déclaration de San Francisco sur l’évaluation de la recherche, ou DORA. Pour expliquer ce dont il est question, il s'agit d'une approche qui diminue l'importance accordée aufacteur d'impact que peuvent avoir les publications. En général, les publications de langue anglaise ont un facteur d'impact beaucoup plus élevé que les autres publications. Le CRSNG a adopté les principes de la DORA, et nous sommes en train de les mettre en œuvre, de sorte que les demandes de subventions de recherche seront évaluées selon une optique différente de l'optique habituelle fondée sur le facteur d'impact.
C'est une mesure que nous pouvons prendre. Nous devons poursuivre notre travail de promotion de la science en français. Comme je l'ai dit, nous prenons certaines mesures. Nous pourrions faire plus. Nous avons besoin de fonds supplémentaires pour le faire. Avec les données que je vous ai présentées ce soir — qui ne sont qu'une toute petite partie de l'ensemble des données —, nous pouvons continuer à démystifier la notion selon laquelle, au CRSNG, les taux de réussite sont différents selon que les demandes de subvention sont présentées en français ou en anglais.
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Je vous remercie beaucoup, madame la présidente.
Je souhaite la bienvenue aux témoins qui sont parmi nous ce soir.
Je vous souhaite la bienvenue à Ottawa, monsieur Matta. Vous représentez la Mount Saint Vincent University, en Nouvelle‑Écosse, qui est située dans la circonscription que je représente.
Ma question comporte deux volets. Vous avez coorganisé une grande conférence en 2019, soit la conférence Quitel de 2019. Il s'agissait de la 45e édition.
Pourriez-vous nous en parler?
Je vais dès maintenant vous poser ma deuxième question, étant donné que nous disposons de peu de temps.
Vous avez dit plus tôt être en train de coorganiser une conférence pour 2025 sous la tutelle de l'Acfas, un organisme dont nous avons beaucoup entendu parler ce soir. Le thème de ce symposium sera la transdisciplinarité.
Pouvez-vous nous donner quelques détails sur chacune de ces conférences?
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Je vous remercie, madame Diab.
La Conférence de chimie théorique et numérique est aussi appelée QUITEL ou CHITEL. Cet acronyme renvoie essentiellement à une conférence réunissant des chimistes et des théoriciens de langues latines, que ce soit le roumain, l'espagnol, l'italien ou le français. C'est une grande conférence ayant un certain prestige international et qui est tenue annuellement, excepté pendant la pandémie de COVID‑19.
Pour cette conférence, on a convoqué tout le monde latin jusqu'en 2019, à l'exception du Canada. Deux de mes collègues et moi-même avions organisé cette conférence à Montréal. Toutes les présentations, que ce soit les présentations orales ou les présentations d'affiches, ont été faites dans deux langues latines, le français et l'espagnol. Bien sûr, les présentations en anglais étaient les bienvenues. Il n'y a pas de discrimination à l'égard des langues, mais la grande majorité des présentations ont été faites en français et en espagnol, les deux langues dominantes de cette conférence. En effet, ces deux langues ont de grandes racines en Amérique du Sud, en Amérique centrale et en Espagne.
D'après ce que j'ai entendu, cette conférence a connu un grand succès et suscité un intérêt linguistique considérable. Beaucoup de francophones canadiens, qui ne sont pas d'universités ou de provinces typiquement bilingues, comme la Saskatchewan, ont participé à cette conférence. Un étudiant, de l'Université de la Saskatchewan, je pense, a gagné un prix pour la meilleure présentation.
En tout cas, cette conférence a mis l'accent sur l'importance d'exprimer la science de pointe dans les langues latines. Vous serez surpris d'apprendre que les participants à cette conférence assistaient à des présentations en roumain, même s'ils comprenaient plus ou moins ce que disait le présentateur ou la présentatrice. C'était donc la conférence QUITEL, ou CHITEL, de 2019.
Des pourparlers sont en cours pour l'organisation d'une conférence en 2025. Il s'agit d'une conférence sur la transdisciplinarité. Pourquoi aborder ce sujet en français? C'est parce que le philosophe principal qui a inventé ce domaine de la philosophie des sciences est un chercheur d'origine roumaine au Centre national de la recherche scientifique français, Basarab Nicolescu. Ce philosophe a poussé ce domaine d'étude, là où les chercheurs essaient de dégager ce que les différentes disciplines ont en commun, au lieu de seulement essayer de mettre en commun les différentes disciplines pour s'attaquer au même problème. C'est donc une transgression de haut en bas de la discipline. Cette conférence réunit des artistes, des poètes, des chercheurs en physique des particules, des mathématiciens et des mathématiciens artistes, qui vont faire de l'art à la base des mathématiques.
Je vous donne un dernier exemple parce que je pense que les six minutes qui m'étaient allouées sont presque écoulées.
Les mathématiques qui sont utilisées dans les prévisions du marché boursier sont très semblables aux mathématiques qu'utilisent les physiciens dans la physique statistique, qui est la base de la thermodynamique. Ils prédisent les lois de la thermodynamique en se basant sur les lois atomiques et moléculaires sous-jacentes. C'est le même bagage mathématique qui est utilisé dans les banques et dans le domaine de la physique.
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Il n'y a pas qu'une seule réponse à cette question.
Au CRSNG, comme je l'ai mentionné, nous déployons beaucoup d'efforts pour veiller à ce que l'évaluation des demandes de subventions soit équitable. Je le dis en toute humilité.
Étant donné qu'il y a des variations entre les établissements universitaires, il est peu probable que les taux de succès varient à cause des processus du CRSNG, parce que les mêmes processus sont appliqués à toutes les universités.
Les variations quant aux taux de succès des demandes en français ou en anglais par établissement semblent être attribuables à plusieurs facteurs.
Il n'y a donc pas qu'un seul facteur en jeu. Par exemple, il faut encourager les carrières aux cycles supérieurs, soit à la maîtrise et au doctorat, en français. Il faut stimuler la publication en français et soutenir les universités. Il est nécessaire de démystifier, comme je le disais plus tôt, la question des taux de succès.
Les taux de succès en français et en anglais varient, et ce, entre le CRSNG, le CRSH, en sciences humaines, et les IRSC, en sciences de la santé. Il ne faut donc pas généraliser. Il y a encore du travail à faire pour démystifier les choses à cet égard.
Un témoin a parlé plus tôt de formation pour éliminer les préjugés inconscients. Nous offrons déjà ce type de formation. Il y a encore du travail à faire sur ce plan, et nous pourrions faire mieux. Il y a cependant un effort collectif à faire. Je ne crois pas que toutes ces variations découlent d'une seule cause ou d'un seul facteur.
Pour ce qui est de la promotion des sciences en français, nous en faisons beaucoup. J'ai d'ailleurs parlé de plusieurs centaines d'activités. Nous pourrions en faire plus, bien sûr.
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Le CRSNG et les deux autres organismes subventionnaires, le CRSH et les IRSC, ont adhéré à DORA il y a deux ou trois ans, je crois. Ne me citez pas, mais c'est quelque chose comme ça. C'est assez récent.
La mise en œuvre de DORA repose sur deux éléments importants. Le premier, qui peut sembler trivial, c'est que nous devons modifier nos systèmes informatiques afin d'être en mesure de recevoir les curriculum vitae des chercheurs dans un format très différent. Cela peut sembler trivial. C'est une chose sur laquelle nous travaillons.
Plus important encore, il y a une conversation à avoir avec la communauté des chercheurs. Si nous changeons ce que nous récompensons et ce que nous valorisons au CRSNG — et, par conséquent, qui obtient des subventions —, cela a une incidence sur la permanence et les promotions dans les établissements d'enseignement et les universités du pays. Nous devons collectivement faire évoluer cette culture, qui était auparavant axée sur les facteurs d'impact. Lorsque nous nous concentrons sur les facteurs d'impact, il y a un parti pris — je ne sais pas si c'est un parti pris inconscient — en faveur des publications de langue anglaise. Nous devons changer cela et permettre l'utilisation de textes — pas seulement des listes de publications, mais des textes — où le candidat pourra présenter son parcours professionnel, qui peut être différent des parcours habituels. Il se peut que ce parcours professionnel se soit passé en français. Ces précisions narratives peuvent permettre au candidat d'expliquer pourquoi il a choisi de publier en français, ce qui peut avoir une incidence sur le facteur d'impact.
Nous sommes en train de changer les curriculum vitæ, mais il s'agit là d'un changement de culture systémique. La culture ne change pas du jour au lendemain. Nous le savons tous. Cela va prendre un certain temps avant que nous ayons une incidence significative sur cette dynamique.
J'ai de l'espoir. Quand je regarde ce que nous avons réalisé grâce aux discussions sur l'égalité, la diversité et l'inclusion... Nous n'avons pas résolu le problème, mais je crois que nous avons fait des progrès. Les conversations ne sont pas les mêmes aujourd'hui qu'il y a cinq ans, alors j'espère que dans cinq ans, nous pourrons avoir des conversations sur les carrières en français qui seront différentes de celles que nous avons aujourd'hui.
:
Au CRSNG, la question du libre accès est problématique. Il y a toute une entreprise commerciale autour des publications scientifiques. Un témoin précédent a parlé des grands éditeurs, les Elsevier et Springer de ce monde.
Le défi consiste à passer d'un système qui est en place depuis des décennies — peut-être un demi-siècle, je ne sais pas précisément — à un paradigme différent, celui du libre accès. Il y a encore des débats sur la question de savoir qui va assumer les coûts de cela, car bien que ce soit un libre accès pour le lecteur, ce n'est pas gratuit pour les personnes qui veulent publier. Il y a encore pas mal de discussions pour déterminer qui devra payer pour ce libre accès et comment il sera possible de le soutenir.
En fin de compte et encore une fois, cela renvoie à ces discussions sur le changement de culture qui consiste à reconnaître différentes formes de publications et différentes formes de réalisations, pas seulement les publications et les revues scientifiques, mais les réalisations. Nous parlions des activités déployées pour promouvoir la science que nous soutenons. Nous voulons reconnaître cela lorsque nous évaluons les chercheurs. Ainsi, s'ils ont été actifs dans la promotion de la science en français, cela devient une contribution significative qui est valorisée et récompensée dans notre système, et c'est...
:
Je vous remercie, madame la présidente.
Monsieur Fortin, vous avez affirmé, tout à l'heure, que le taux de succès des demandes présentées en français était même supérieur à la moyenne.
Auriez-vous des données concernant la valeur des subventions accordées?
Par exemple, les Instituts de recherche en santé du Canada ont constaté que, selon les données de 2021, la valeur moyenne des subventions accordées dans le cadre de demandes présentées en français était d'environ 50 % inférieure à celle des subventions accordées dans le cadre de demandes présentées en anglais.
:
Je vous remercie beaucoup, madame la présidente.
Je vous remercie, messieurs Matta et Fortin. Vos propos sont très intéressants.
Monsieur Matta, j’aimerais d'abord vous remercier de nous avoir présenté un historique de la recherche en français. Nous avons appris beaucoup de choses aujourd'hui.
Vous avez parlé des États‑Unis en tant que superpuissance.
Quel est l'effet, sur le Canada, de cette superpuissance pour ce qui est de la publication en français de travaux de recherche?
Quelle influence cette superpuissance exerce-t-elle sur nos chercheurs pour que, lorsque ces derniers veulent percer dans le monde et aux États‑Unis, ils se sentent forcés de publier en anglais?
Pourriez-vous nous faire part de vos observations à ce sujet?
:
Je pense que, pour faire contrepoids, il faut s'allier avec tous les pays francophones en tant que culture et sur le plan des publications scientifiques, mais principalement avec la France, la Belgique, la Suisse et les pays africains francophones.
Comme un témoin du groupe précédent l'a mentionné plus tôt, il y a plusieurs centaines de millions de francophones dans le monde. Je n'en connais pas exactement le nombre, mais il y a une masse critique qui peut apporter un contrepoids à la masse critique anglophone. Ce n'est pas un contraste ni une bataille, c'est une complémentarité.
Pourquoi ne pas nous unir à nos collègues français, africains et européens pour fonder une revue de très haut niveau, qui serait le contrepoids à des revues scientifiques, comme Science ou Nature, à des revues ayant un genre de statut universitaire, et qui publierait en langue française?
Les articles pourraient être accompagnés d'un résumé en langue anglaise, qui serait plus long qu'un résumé habituel, afin de rendre la diffusion de l'article plus accessible dans le monde anglophone, par exemple.
Je ne sais pas si j'ai abordé votre question de manière satisfaisante, mais je vous remercie de la question.
:
Je n'ai pas de statistiques ou de données à vous fournir.
En revanche, cette année, j'ai été membre d'un comité de sélection pour l'Académie africaine des sciences, et nous avons reçu en entrevue les 90 finalistes d'une grande compétition liée aux fonds panafricains.
Une bonne proportion des demandes de subventions ont été présentées en langue française par l'Afrique, que ce soit l'Afrique du Nord, les pays du Maghreb ou l'Afrique subsaharienne. Je ne me souviens pas exactement du nombre, mais je dirais que le tiers ou le quart des demandes de subventions ont été rédigées en langue française.
J'ai l'impression que le taux de succès est comparable à celui concernant d'autres demandes de subventions qui ont été présentées en langue anglaise. L'Académie africaine des sciences est un bon exemple sur le plan du développement.
J'aimerais parler du rôle de l'université régionale dans l'épanouissement de la langue française.
Sachant que, dans l'histoire de la Nouvelle‑Écosse, il y a eu une population acadienne, qui a disparu avec le temps, quel pourrait être le rôle d'un établissement comme l'université régionale pour favoriser la francophonie?
Il n'y a qu'une seule université francophone en Nouvelle‑Écosse, soit l'Université Sainte‑Anne.
Comment cette université pourrait-elle être un joueur clé dans la relance des publications francophones?
Chers collègues, distingués témoins, nous vous remercions d'avoir été là ce soir. Nous sommes arrivés au terme de notre séance avec vous. Nous vous remercions de votre temps et de vos connaissances sur le sujet. Nous devons maintenant dire au revoir à nos témoins. Nous vous remercions. Nous espérons que vous avez eu une bonne expérience et que vous aurez envie de revenir.
À nos collègues parlementaires, j'ai besoin de deux minutes de votre temps, s'il vous plaît.
Encore une fois, merci à nos témoins.
Chers collègues, si je pouvais avoir votre attention pour un dernier point avant la fin de notre réunion. La semaine dernière, nous avons fait circuler une proposition de budget au montant de 7 550 $ pour l'étude sur la recherche et la publication scientifique en français. Y a‑t‑il une motion pour adopter ce budget?