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SRSR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la science et de la recherche


NUMÉRO 091 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 6 juin 2024

[Enregistrement électronique]

  (1100)  

[Traduction]

    Bienvenue à la 91e réunion du Comité permanent des sciences et de la recherche de la Chambre des communes.
    Avant de commencer, j'invite tous les membres du Comité et les autres participants à consulter les fiches disposées sur la table pour prendre connaissance des lignes directrices concernant les écouteurs et les risques de rétroaction acoustique. Nous devons protéger la santé auditive des interprètes. Je vous remercie tous de votre collaboration.
    La séance d’aujourd’hui se déroule en mode hybride.
     Je signale quelques règles à ceux qui participent à la séance en mode virtuel. Avant de s'exprimer, ils auront l'obligeance d'attendre que je leur donne la parole en les désignant par leur nom. Pour activer le micro ou l'éteindre lorsqu'ils ne parlent pas, ils cliquent sur l'icône prévue à cette fin.
    Pour le service d’interprétation sur Zoom, chacun peut choisir, au bas de l'écran, entre le parquet, l'anglais ou le français. Ceux qui sont dans la salle se servent de l'oreillette et sélectionnent le canal souhaité.
    Les députés qui sont dans la salle lèvent la main s’ils veulent prendre la parole. Sur Zoom, il faut utiliser la fonction « main levée ».
    Le greffier et moi-même allons gérer l’ordre des interventions de notre mieux, et nous vous remercions de votre indulgence.
    Je vous rappelle que tous les propos doivent être adressés à la présidence.
    Conformément à l’alinéa 108(3)i) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le mardi 31 janvier 2023, le Comité reprend son étude de la science et de la recherche dans l’Arctique canadien en lien avec le changement climatique.
     J’ai le plaisir d’accueillir Aldo Chircop, professeur en droit et politiques maritimes, qui comparaît à titre personnel. De plus, Mme Heather Exner-Pirot, directrice de l'énergie, des ressources naturelles et de l’environnement au Macdonald-Laurier Institute, se joint à nous par vidéoconférence.
    Vous aurez un maximum de cinq minutes pour faire votre exposé liminaire, après quoi nous passerons aux questions.
    Madame Exner-Pirot, je vous invite à faire un exposé liminaire d’un maximum de cinq minutes.
     Bonjour, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité. Merci de m’avoir invitée à comparaître.
     Un mot d’abord de mon expérience et de ma participation à la recherche sur l’Arctique.
    En 2003, j’ai amorcé ma carrière en travaillant pour l’Université de l’Arctique. Il s'agit d'un réseau d’universités, de collèges, d’instituts de recherche et d’autres organisations qui s’intéressent à l’éducation et à la recherche dans le Nord et sur le Nord. Plus tard, j’ai obtenu mon doctorat en sciences politiques de l’Université de Calgary, en me spécialisant en sécurité dans l’Arctique.
    Par la suite, j’ai travaillé à l'International Centre for Northern Governance and Development de l’Université de la Saskatchewan. J’y ai passé deux trimestres, dont l’un à titre de présidente de la Fiduciaire canadienne d'études nordiques, qui administrait plus d’un million de dollars par année en bourses d’études.
    À l’heure actuelle, je suis directrice-rédactrice en chef de l’Arctic Yearbook, une publication annuelle évaluée par les pairs qui porte sur la politique et la sécurité dans l’Arctique. Je suis membre du Polar Institute du Wilson Center et membre du North American and Arctic Defence and Security Network. Je suis membre du Conseil consultatif yukonnais sur la sécurité dans l’Arctique et je siège au conseil d’administration de la Fondation canadienne pour la revitalisation rurale. Mes travaux récents au Macdonald-Laurier Institute ont porté sur l'énergie et l'exploitation des ressources ainsi que sur les relations avec l’industrie autochtone dans l’Ouest et le Nord du Canada, mais je m'occupe toujours de recherche sur l’Arctique.
    Si j'énumère tout cela, c'est que, à propos de recherche sur l'Arctique, on a tendance à penser d'abord aux changements climatiques et aux sciences naturelles, ce que montre bien le sujet de l'étude du Comité. Personne ne contestera que c’est important et prioritaire. Néanmoins, l’accent ainsi mis sur les changements climatiques joue souvent au détriment d’autres champs d’études. Dans le financement, il est bien documenté que les sciences environnementales sont privilégiées par rapport aux sciences sociales, aux affaires et au génie. L’Université de l’Arctique a réalisé l’an dernier une analyse des publications universitaires dans le monde sur la recherche dans l’Arctique. Il a été constaté que près d’un tiers des publications portait sur les sciences de l'environnement, alors que la part des sciences sociales était de seulement 9 % et celle du génie et des sciences humaines se limitait à 4 % respectivement. Un rapport publié en avril par l’Université de l’Arctique, qui a été financé par Affaires mondiales Canada, a mis en évidence un fossé encore plus important dans le financement. Ce n’est pas étonnant, car la recherche en sciences naturelles coûte structurellement plus cher que la recherche en sciences sociales et humaines. C'est tout de même révélateur de nos priorités.
    J’ai participé à des conférences où j'ai évalué des propositions de recherche et pris part à l'examen d'articles soumis à des pairs. J'y ai remarqué que les études canadiennes sur l'Arctique ont leur propre parti pris et que les fonds de recherche sont consacrés à un ensemble relativement restreint de questions. Les changements climatiques, les savoirs traditionnels, les énergies renouvelables et les effets négatifs de l’exploitation des ressources figurent en tête de liste. Il n’y a là rien de mal, mais il y a des dizaines d’autres domaines d’études importants qui manquent de fonds et de chercheurs.
    Voici rapidement deux exemples.
    Premièrement, à ma connaissance, il n’y a pas un seul économiste canadien qui se spécialise dans la région de l’Arctique. Je ne connais qu’un ou deux économistes de l’Arctique en Alaska et en Russie. Pensez‑y. L’environnement et les premiers habitants de la région sont bien étudiés, mais il n’y a pas de groupe solide de penseurs qui contribuent à guider le développement économique.
    Deuxièmement, nous appliquons une optique étroite lorsque nous cherchons à comprendre les changements climatiques. Si on s'en tient à l'évolution de la glace de mer — sujet bien étudié, avec un bon financement —, on serait porté à croire que la navigation dans l’Arctique canadien connaît une croissance spectaculaire. En fait, cette thèse est souvent tenue pour acquise et reprise dans les discours et dans les opinions des lecteurs. Or, mes propres recherches m'ont permis de comprendre que d’autres facteurs sont beaucoup plus importants que l'évolution de la glace de mer pour savoir si la navigation augmente dans l’Arctique canadien. Il s'agit de l’économie de l’exploitation des ressources. Les décisions en matière d’investissement sont liées aux cycles des produits de base et non à la fonte de la glace de mer. Je soupçonne que le manque de diversité intellectuelle et de multidisciplinarité dans les études sur l’Arctique nous amène souvent à laisser de côté des considérations importantes pour de nombreuses questions de recherche, au‑delà de mes propres intérêts étroits en matière de recherche.
     Enfin, je dirai un mot des compromis que nous avons faits dans notre approche de la recherche avec les communautés autochtones et du Nord.
    Il y a derrière nous une longue histoire d'utilisation scientifique des savoirs traditionnels sans que les scientifiques demandent la permission d'utiliser ces savoirs ou en reconnaissent la valeur. Ils entrent dans des territoires traditionnels et mènent des expériences sans aviser les autorités locales ni obtenir leur consentement. Ils obtiennent des fonds pour poursuivre leurs objectifs scientifiques et faire avancer leur carrière universitaire sans jamais faire profiter les collectivités de l'Arctique des connaissances acquises ni des résultats de recherches qui leur seraient utiles. Le fait est bien reconnu. Vous avez sûrement entendu et entendrez de nombreux chercheurs parler des efforts déployés pour corriger et changer la situation en instaurant de nombreuses nouvelles relations constructives. Il faut s'en féliciter. Toutefois, j’ai aussi constaté que le dispositif bureaucratique appliqué à la recherche sur l’Arctique s'alourdit. Cette recherche devient plus coûteuse et exclusive. Des fardeaux administratifs sont imposés aux collectivités autochtones et aux gouvernements du Nord. La difficulté et la longueur des démarches ont dissuadé ou empêché des jeunes chercheurs diplômés de s'engager, comme ils le souhaitaient, dans des études sur l’Arctique.
     Il faut trouver un équilibre entre, d’une part, exploiter les collectivités du Nord sans aucun égard pour elles et, d’autre part, imposer des obstacles à la recherche qui sont si lourds que nous sommes réduits à faire des recherches moins importantes. Je ne suis pas convaincue que nous ayons trouvé le juste équilibre.
    Je vous suis reconnaissante de prendre le temps d’étudier ce sujet important et de veiller à ce que les efforts que nous déployons dans la recherche sur l’Arctique procurent les meilleurs avantages possible aux Canadiens, en particulier à ceux qui vivent dans la région. Souvent, on accorde beaucoup d’attention à la méthodologie, mais trop peu à l'impact.

  (1105)  

     Je vous remercie de votre attention. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
     Merci beaucoup.
     Nous allons maintenant donner la parole à M. Chircop, qui fera un exposé liminaire de cinq minutes.
     Merci, madame la présidente. Je remercie le Comité permanent de m’avoir invité à comparaître.
     Je comparais à titre personnel, en tant que professeur de droit et de politiques maritimes, spécialisé dans la réglementation du transport maritime polaire. Je travaille à l’Université Dalhousie.
     Mon exposé portera sur les besoins en matière de recherche de la gouvernance de la navigation dans l’Arctique à une époque de transition dans l’Inuit Nunangat, expression inuktitute qui désigne les eaux arctiques canadiennes.
     Les eaux de l'Arctique sont de plus en plus accessibles. Les changements climatiques et la disparition progressive de la glace de mer permettent une navigation plus intense et diversifiée. L'intensification de la navigation aura des conséquences à la fois positives et négatives. Une robuste gouvernance de la navigation s'impose si nous voulons en tirer le maximum d'avantages tout en prévenant les conséquences négatives. Je soutiens que les aspects de la gouvernance internationale et nationale de la navigation polaire ne sont pas suffisants pour protéger l’environnement marin de l’Arctique, qui est unique et très fragile.
    Bien qu’il existe depuis 10 ans, le Code polaire de l’Organisation maritime internationale est un texte de première génération. Il est le fruit d’un consensus, fondé sur le plus petit dénominateur commun, c’est-à-dire sur ce que les États membres de l’OMI ont pu accepter. Par conséquent, malgré des propositions visant à répondre à des préoccupations environnementales plus vastes au sujet du transport maritime, le Code ne porte que sur les déchets huileux et les substances liquides nocives dans les égouts et les déchets, mais il ne réglemente pas la pollution atmosphérique, notamment par le carbone noir, la gestion des eaux de ballast, les eaux grises, le bruit sous-marin ou d’autres risques environnementaux dans le contexte polaire. Même en matière de sécurité maritime, certaines normes du Code polaire sont insuffisantes, comme celle sur l’équipement de sécurité permettant la survie jusqu’au sauvetage.
     Récemment, le Canada a réussi à persuader l’OMI de désigner les eaux arctiques canadiennes comme zone de contrôle des émissions d’oxydes de soufre, d’oxydes d’azote et de matières particulaires en vertu de la Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires. La désignation sera officiellement adoptée en octobre prochain. Pour se conformer aux normes de contrôle des émissions, un navire devra soit utiliser du carburant à faible teneur en soufre, soit installer un épurateur, c’est-à-dire une machine à bord du navire qui élimine le soufre et permet ainsi de continuer à utiliser du mazout lourd. En particulier, les épurateurs à boucle ouverte produisent de l’eau de lavage très acide contenant des substances nocives qui polluent le milieu marin.
     On pourrait faire valoir que l’interdiction de l’OMI portant sur l’utilisation et le transport de mazout lourd dans les eaux arctiques, qui entre en vigueur le 1er juillet prochain, atténuera peut-être les risques de pollution. Cependant, pour certains navires qui répondent à une norme de construction particulière, le règlement n’entre en vigueur que le 1er juillet 2029. De plus, les États côtiers de l’Arctique, dont le Canada, peuvent lever l’interdiction pour leurs navires jusqu’au 1er juillet 2029. L’effet est de prolonger jusqu’en 2029 le risque posé par le mazout lourd dans l’environnement marin de l’Arctique.
    Il faut vraiment mener davantage de recherches pour mieux comprendre les faiblesses de la réglementation en matière de sécurité et d’environnement dans le transport maritime polaire et, par conséquent, pour aider à intégrer et à mettre à jour les normes internationales. Il y a une autre dimension à tout cela, et c’est qu’un système de gouvernance solide ne va pas sans équité en matière de réglementation. Les organisations inuites n’ont pas participé à l’élaboration du Code polaire de l’OMI. Leurs voix et leurs connaissances auraient pu grandement contribuer à l’élaboration de la réglementation, mais elles n’ont pas été prises en compte. Ce n’est que récemment que le Conseil circumpolaire inuit a obtenu un statut consultatif provisoire à l’OMI afin que les Inuits puissent se faire entendre et contribuer à l’élaboration de la réglementation.
    Bien qu’il y ait de nombreuses recherches scientifiques sur la navigation dans l’Arctique en général, il y a relativement peu de recherches sur l’interface entre la réglementation maritime — comment nous réglementons les navires, en d’autres termes — et les droits des Autochtones en général, et en particulier les droits des Inuits, le savoir traditionnel inuit — ou IQ, soit Inuit Qaujimajatuqangit — et le droit inuit. Soit dit en passant, l’initiative Qanittaq pour la navigation propre dans l’Arctique, un nouveau projet de recherche récemment financé par le Fonds d’excellence en recherche Apogée Canada et codirigé par l’Université Memorial de Terre-Neuve et le Conseil circumpolaire inuit, dirige un consortium d’universités, y compris mon université, pour entreprendre ce type de recherche.
     Madame la présidente, je termine mon exposé sur deux points.
    Premièrement, il faut chercher à voir si les normes internationales de navigation polaire et leur application au Canada et dans l’Inuit Nunangat sont suffisantes et robustes, et comment il est possible de combler les lacunes et de renforcer de manière intégrée les normes environnementales et de sécurité.

  (1110)  

     Deuxièmement, il faut appuyer le renforcement des capacités des organisations inuites afin de rendre possible pour elles un engagement significatif dans les complexités de la gouvernance de la navigation polaire.
    Merci. Nakurmiik.
     Merci beaucoup de votre exposé liminaire.
    Nous allons maintenant passer aux questions des députés. N'oubliez pas de préciser à qui vos questions s'adressent.
    Nous allons commencer une série de questions de six minutes avec Mme Rempel Garner.
    Merci, madame la présidente.
    Je vais adresser mes questions à Mme Exner-Pirot. C'est toujours agréable de parler à un autre Calgarien, même si c'est virtuellement.
    Nous avons entendu beaucoup de témoignages au Comité soulignant qu'il est important d'avoir une stratégie nationale de recherche sur l'Arctique qui pourrait établir un lien entre des objectifs de la stratégie du Canada pour l'Arctique et nos stratégies de défense. Le recommanderiez-vous?
    C'est une excellente question.
    J'ai travaillé avec l'Inuit Development Corporation Association à des éléments de la modernisation du Nord. J'ai écrit sur des innovations particulières qui seraient utiles, non seulement pour les collectivités et pour le développement minier, mais aussi pour la défense, notamment en ce qui concerne les transports, l'énergie et les communications. Les petites technologies novatrices spéciales qui me plaisent et qui, selon moi, devraient être davantage mises à l'essai dans l'Arctique sont par exemple les microréacteurs. Nous voyons...

  (1115)  

    Je n'ai que six minutes, et je vais essayer de poser le plus de questions possible...
    La réponse est oui. Il y a beaucoup de choses que nous devrions appliquer.
    D'accord. Vous devancez certaines de mes questions, ce qui est excellent.
    Quel devrait être le contenu du rapport ou l'orientation de la stratégie? Vous avez proposé au Comité des observations qui sortent de l'ordinaire et n'ont rien de partisan et que d'autres experts n'ont pas su présenter dans leur témoignage: le fait que la stratégie de recherche du Canada sur l'Arctique devrait comprendre des analyses économiques et des recommandations sur la position à adopter en politique étrangère.
    Pourriez-vous nous donner des exemples précis ou des recommandations de domaines qui devraient figurer dans une stratégie de recherche sur l'Arctique sur lesquels nous ne mettons pas vraiment l'accent à l'heure actuelle, et nous dire pourquoi ils seraient importants?
    Pour moi, la grande priorité est le développement économique. C'est ce sur quoi je me concentre. Toutefois, il me semble y avoir une tendance à considérer l'exploitation des ressources et le développement économique comme mauvais, sous l'angle normatif, au même rang que le capitalisme et l'exploitation. Pourtant, les habitants des territoires ou les membres des communautés autochtones ne demanderaient pas mieux que d'avoir du développement, pourvu qu'ils aient un certain contrôle, qu'ils participent et qu'ils soient associés aux projets.
    Je n'ai pas l'impression qu'il en soit tenu compte dans le milieu universitaire.
     À ce sujet, des témoignages que nous avons entendus... Chose certaine, dans l'actuelle Stratégie pour l'Arctique du Canada, il y a une ou deux notions qu'on néglige, soit que les collectivités veulent avoir des projets d'exploitation des ressources naturelles et qu'elles ont été consultées. Il n'en est pas question dans le corps de la stratégie globale pour l'Arctique.
    Quelles recommandations le Comité pourrait‑il formuler pour veiller à ce qu'une stratégie de recherche sur l'Arctique tienne compte de l'exploitation des ressources de façon plus neutre que ne l'a peut-être fait le gouvernement par le passé?
    Vous avez raison.
    Il pourrait aborder la question du financement. Nous avons besoin de diplômés. Comme je l'ai dit, je ne connais aucun économiste qui s'intéresse à l'Arctique. Il y a très peu de politologues, comme moi, qui examinent l'économie politique. Nous devons renforcer une partie de cette capacité, et même l'analyse statistique, autant d'éléments qui sont laissés aux territoires eux-mêmes pour le moment.
    Je songe aussi au génie. Cette discipline reçoit bien peu de fonds. Je ne crois pas qu'il y ait beaucoup d'ingénieurs qui soient allés dans l'Arctique canadien. La capacité de mettre au point de nouvelles technologies qui répondent aux besoins très particuliers des collectivités éloignées ne sera pas développée par des gens qui ne sont jamais allés sur place. Nous devons amener les collectivités et les ingénieurs à collaborer pour trouver ce qui fonctionne réellement dans ces collectivités et cerner les défis techniques à relever. Nous utilisons encore mal les technologies du XXe siècle dans l'Arctique.
    Il y a donc le développement économique et le génie. J'avais une troisième idée en tête.
    Vous avez parlé de politique étrangère. Nous avons tendance à nous concentrer sur la défense. Nous mettons l'accent sur les aspects juridiques, mais notre politique étrangère s'affaiblit. Dans l'ensemble de la région de l'Arctique, on accorde moins d'attention à la politique étrangère.
     La dernière chose que j'ai trouvée vraiment importante dans votre exposé, c'est le fait que l'interaction avec les Premières Nations et les Autochtones dans l'Arctique semble être à sens unique. Cela fait ressortir le fait que les échanges sur l'exploitation des ressources semble aussi être très rigide sur le plan idéologique en ce sens que le développement est considéré comme « mauvais ».
    Quelle recommandation feriez-vous pour nous donner une stratégie de recherche sur l'Arctique qui atténuerait ce que je considère comme une idéologie rigide et institutionnalisée qui est rarement remise en question dans le milieu universitaire canadien ou dans les structures de financement fédérales?
     Je m'exprime de la sorte parce que j'ai travaillé dans les universités et travaille maintenant avec des groupes de réflexion — peut-être pas sans raison.
    Tous ceux que je connais qui font de la recherche sur l'Arctique sont irréprochables et font de leur mieux. Je ne veux dénigrer personne, mais bien sûr, ceux qui ont certains antécédents et s'intéressent aux études dans l'Arctique, aiment aller travailler sur le terrain et faire de la recherche sur le terrain et qui travaillent dans une université constituent un sous-ensemble particulier. Ils ont tendance à avoir les mêmes valeurs. On oublie beaucoup de choses parce qu'il n'y a pas beaucoup de diversité intellectuelle et, peut-être, de diversité professionnelle...
    Il me reste quelques secondes. Vous recommandez qu'une stratégie canadienne de recherche dans l'Arctique reconnaisse la valeur réelle de la diversité intellectuelle comme objectif à viser en matière de politique de recherche dans l'Arctique.

  (1120)  

    C'est mon avis. Vous pourriez peut-être même énumérer les différentes sections ou les différentes disciplines pour lesquelles vous espérez financer la recherche, afin que les ressources ne soient pas toutes canalisées dans le même sens.
     Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à Mme Diab, qui aura six minutes.
     Merci beaucoup, madame la présidente.
    Bienvenue aux deux témoins de ce matin.
    Je vais adresser mes questions à M. Chircop.
    C'est toujours agréable de voir un Canadien de l'Atlantique, particulièrement un Haligonien, et un professeur de droit maritime de Dalhousie.
    Monsieur Chircop, j'ai deux questions à vous poser et je vais vous donner le temps de répondre.
    Permettez-moi d'abord de poser mes questions.
    Vous avez parlé de deux choses importantes — probablement plus, mais je m'en tiens à deux. La première, c'est qu'il faut davantage de recherche sur la sécurité et l'environnement. Vous avez également souligné qu'il était important que les Inuits aient leur mot à dire sur la réglementation et le transport maritimes.
    Quant au deuxième point, comment pourrions-nous donner suite à la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones à propos de la navigation dans l'Arctique?
     Je vais vous donner tout le temps dont vous avez besoin.
     Merci beaucoup.
    Le temps de parole est probablement limité aux six minutes dont vous disposez. Ce sont d'excellentes questions, et je vous en remercie.
    Certes, sur le plan de la sécurité, en raison de l'éloignement de la région et du manque d'infrastructures, nous savons qu'il y a de réels défis à relever pour secourir ceux qui naviguent dans les régions éloignées. Plus on s'éloigne vers le nord, plus notre capacité d'intervention est limitée. Il y a la sécurité du point de vue de la recherche et sauvetage et aussi la sécurité pour ceux qui fournissent les services de recherche et de sauvetage. Il y a également la question de la sécurité à bord des navires.
    Les propriétaires de navires de croisière et de petites embarcations de plaisance commencent à manifester de plus en plus d'intérêt. Il faut tenir compte de l'existence de normes internationales en matière d'équipement pour permettre la survie jusqu'à ce que les services de sauvetage atteignent les personnes en détresse. La recherche nous apprend que ces normes sont insuffisantes. Elles visent essentiellement à assurer la survie pendant un maximum de cinq jours pour ce qui est des vêtements, de provisions, etc. Mais à cause de l'éloignement, nous pourrions avoir besoin de plus de cinq jours pour atteindre les sinistrés. Entretemps, leur équipement et leurs vivres ne suffiraient pas pour qu'ils survivent.
    Vu les normes actuelles, il y a un danger réel que nous ayons — Dieu nous en préserve — un incident où il y aurait des pertes importantes. Il pourrait y avoir des risques très graves pour la vie humaine. Il est clair que nous avons besoin de sécurité à bord des navires, de normes de sécurité pour assurer la survie, mais aussi de sécurité pour ceux qui travaillent à bord des navires.
    Quant à la deuxième question — en particulier à propos de la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones —, le Comité se souviendra que cette loi fédérale importante a engagé le Canada à mettre en œuvre la Déclaration et, essentiellement, à examiner la législation fédérale pour permettre sa mise en œuvre.
    Essentiellement, il s'agit d'un engagement générique à l'égard de toute loi pertinente. Je dirais que cela englobe la législation maritime. En effet, il faut tenir compte des cadres juridiques que nous avons pour la réglementation du transport maritime partout au Canada, y compris, bien sûr — puisque nous nous intéressons à l'Arctique — dans le Nord.
    Cela voudrait dire, par exemple, que nous devrions revoir la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada, la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques et une série d'autres lois. En effet, nous avons une longue liste de lois, notamment maritimes, qui s'appliquent dans le Nord, et nous devons voir comment la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones peut être mise en œuvre au moyen de ces lois.
     Je vais vous donner un exemple de la pertinence de la Déclaration pour éclairer la législation fédérale. Elle oblige les États à protéger l'environnement de manière à permettre aux peuples autochtones d'exercer leurs droits. Nous devons être particulièrement conscients de l'éventail des risques pour l'environnement que présente l'industrialisation dans le Nord. Elle pourrait nuire aux intérêts des peuples autochtones. Plus de navires, par exemple, cela veut dire plus de bruit. L'augmentation du bruit aura des répercussions sur un éventail d'espèces et d'écosystèmes. Et s'il y a plus de navires, il faudrait peut-être un plus grand nombre de brise-glaces pour les saisons intermédiaires et ainsi de suite, ce qui signifie qu'il est possible de perturber les routes de glace des Inuits, le mouvement des animaux sur la glace, etc.
    Il y a toute une gamme de répercussions environnementales possibles que nous pouvons prévoir. Par conséquent, il serait important pour nous d'avoir le cadre législatif qui prévoit ces risques.
    J'espère avoir répondu à vos questions.

  (1125)  

    Vous l'avez fait. Merci.
    Des témoignages antérieurs ont signalé la fréquence accrue de feux de forêt et d'inondations. Selon vos études, comment pouvons-nous aider à mieux protéger les infrastructures et les rendre plus résilientes aux changements climatiques? Pouvez-vous nous donner des conseils à ce sujet?
     Malheureusement, mes antécédents ne m'ont pas permis d'aborder d'autres aspects de l'infrastructure, mis à part l'infrastructure nécessaire à la navigation. Bien sûr, la principale préoccupation que nous avons dans le Nord, c'est le manque relatif d'infrastructures.
    Il y a eu des progrès comme la réalisation de relevés hydrographiques et peut-être la mise en place et le renforcement d'installations portuaires dans le Nord, qui sont très rares, et peut-être aussi des aides à la navigation, par exemple. Ce ne sont pas tant les feux de forêt qui préoccupent les navigateurs dans les régions du Nord, mais plutôt ce que les changements climatiques pourraient signifier pour le peu d'infrastructures que nous avons là‑bas — par exemple, des infrastructures dont la stabilité dépend du pergélisol. La perte du pergélisol constituerait bien sûr une menace pour l'infrastructure.
     Merci. C'est sans doute terminé.
     Merci beaucoup, madame la présidente, et merci à vous, monsieur Chircop, d'être venu témoigner.
     Merci.
     Nous passons maintenant à M. Blanchette-Joncas, qui aura six minutes.

[Français]

     Je salue les témoins qui sont des nôtres aujourd'hui.
    Madame Exner‑Pirot, dans votre allocution d'ouverture, vous mentionniez que les champs de recherche scientifique dans le Nord sont limités, faute de financement. Je crois que c'est quelque chose de très préoccupant. On voit même que ces champs de recherche changent selon le gouvernement. Auparavant, on avait un gouvernement conservateur qui faisait de la recherche scientifique beaucoup plus axée sur la défense. Présentement, la recherche porte sur d'autres domaines, comme l'environnement et les communautés autochtones.
     J'aimerais vous entendre nous parler de la nécessité d'un financement pérenne, mais également diversifié, qui permettra d'augmenter le nombre des champs de recherche.

[Traduction]

     Merci beaucoup de la question.
    Les changements de politique du gouvernement, du noir au blanc et du blanc au noir, représentent un défi pour beaucoup. Dans mes recherches, qui sont davantage axées sur les sciences politiques et sociales, il pourrait y avoir un plus grand chevauchement avec la défense, les communautés autochtones et la recherche sur l'Arctique. Une perspective plus holistique vous fera voir comment toutes ces différentes sources de financement peuvent se renforcer et se compléter les unes les autres au lieu d'être appliquées, par exemple, à une université donnée, à un programme donné et à un nombre donné d'étudiants de deuxième cycle et de boursiers postdoctoraux.
    Je sais que c'est délicat, mais si l'on finançait les résultats plutôt que les processus, on aurait peut-être intérêt à rééquilibrer certaines choses.

[Français]

    Diriez-vous que le financement des sciences humaines et sociales pour la recherche nordique est sous-évalué?

[Traduction]

    La preuve est claire. On pourrait dire qu'objectivement et quantitativement c'est très disproportionné.
    Je sais combien coûte la recherche en sciences naturelles dans l'Arctique. Je me demande par ailleurs si je pouvais dire qu'il y a suffisamment de recherche en sciences naturelles dans l'Arctique canadien, compte tenu de l'étendue de notre territoire. Je pense que la Norvège consacre actuellement plus de financement que le Canada à la recherche dans l'Arctique. C'est un peu gênant, car nous pourrions avoir plus de tout. Il ne faudrait pas beaucoup plus d'argent pour tirer beaucoup plus de valeur de la recherche en sciences sociales, surtout en sciences politiques et en économie.
     Il n'est pas toujours nécessaire que ce soit sur la terre ferme. Il s'agit plutôt de se rendre dans les collectivités, ce qui coûte cher. Je pense que nous pourrions en avoir plus pour notre argent. Il ne faudrait pas beaucoup plus d'argent pour avoir beaucoup plus d'impact.

[Français]

    Je suis d'accord avec vous pour dire que la science en matière de génie ou de ressources naturelles est beaucoup plus coûteuse, mais, comme vous le savez également, vous conviendrez que l'exemple vient d'en haut. Quand on a un gouvernement dont le plus gros projet d'infrastructure du pays, de toute son histoire, est pour le transport de pétrole à des fins d'exportation, je pense que vous comprendrez que ça se reflète également dans les politiques publiques.
    Un mémoire a été déposé par Joël Bêty et Dominique Berteaux, de la Chaire de recherche du Canada en biodiversité nordique à l'Université du Québec à Rimouski. Ils nous ont mentionné que la majorité des programmes de financement de la recherche appuient des projets de courte durée et axés sur la nouveauté, ce qui limite la capacité de mettre en place de nouveaux programmes de suivi à long terme. J'aimerais entendre ce que vous en pensez.

  (1130)  

[Traduction]

    Je suis d'accord. Si l'on considère le système de recherche canadien et l'environnement, combien d'argent est‑il consacré aux propositions et à l'obtention du financement? C'est en quelque sorte un gaspillage de ressources humaines, et nous nous battons tous pour le même petit gâteau. On n'obtient pas plus de valeur en mettant plus de monde en concurrence pour un même petit gâteau.
    En un sens, avec un financement à plus long terme, nous pouvons répondre plus globalement aux questions de recherche, sans avoir à concentrer nos efforts à la recherche constante de nouveau financement. Je pense que nos meilleures et plus brillantes chaires de recherche cherchent du financement. C'est probablement la majeure partie de leur travail, et ce n'est probablement pas là que nous voulons qu'ils mettent leurs efforts.
    En général, oui, je suis d'accord.

[Français]

    Merci beaucoup.
    De nombreux témoins nous ont mentionné la pertinence, voire la nécessité, d'avoir une stratégie de coordination entre les différents chercheurs et champs de recherche. On sait que le gouvernement a présentement plusieurs instances, notamment le Conseil national de recherches du Canada, le Cadre stratégique pour l'Arctique et le Nord, ArticNet et plusieurs autres organisations de compétence fédérale qui font différentes choses. Par contre, nous n'avons pas de vision globale structurée. J'aimerais vous entendre nous parler de ce manque de vision et des conséquences immédiates que ça entraîne dans le milieu de la recherche nordique.

[Traduction]

     J'ai mentionné avoir travaillé à l'Université de l'Arctique. Je participe toujours à cette université, qui est un consortium; ce n'est pas une université comme telle.
    Je pense que la chose la meilleure et la plus intelligente qu'elle a faite est ce qu'on appelle les réseaux thématiques, qui regroupent la recherche sur l'Arctique dans les huit pays de l'Arctique et ailleurs pour se concentrer sur une question ou un thème particulier. Je dirais que cela a donné d'excellents résultats.
     Il s'agit peut-être de s'organiser en fonction de résultats et de besoins particuliers de la société et d'avoir des livrables et des objectifs pour répondre à certains d'entre eux, et pas seulement de produire des publications. À mon avis, c'est là que le système nous trahit. Trouver du financement et produire des publications, c'est qui est le plus valorisé, mais dans la recherche sur l'Arctique, il faut beaucoup plus de solutions et de résultats pratiques.

[Français]

     De votre point de vue d'experte, si vous aviez à définir de grands objectifs pour la recherche nordique qui sont reliés aux sciences humaines et sociales, quels seraient ces objectifs?

[Traduction]

     Il y a aussi l'aspect environnemental, bien sûr, qu'il faut comprendre.
    Il ne suffit pas de comprendre les changements climatiques dans l'Arctique pour les atténuer. Il faut quand même réduire les émissions de carbone et de gaz à effet de serre. Comprendre comment cela touche l'Arctique ne fait rien pour l'atténuer. Il y a certaines choses, comme la réduction du carbone noir et de la production de diésel, qui atténuent réellement les changements climatiques.
    La santé communautaire est évidemment un grand enjeu. Elle est raisonnablement bien financée, à mon sens, et est généralement une priorité pour les collectivités.
    L'infrastructure est sous-financée. Je ne crois pas qu'il arrive souvent que les gens les plus brillants et les plus intelligents réfléchissent aux infrastructures et aux défis dans l'Arctique...
    Nous avons largement dépassé notre temps. Je suis navrée.
     D'accord.
    L'économie serait le dernier volet.
    Nous allons maintenant passer à M. Cannings pour notre dernier tour de six minutes.
    Je remercie les deux témoins de leur présence. Je vais commencer par M. Chircop.
    Vous avez parlé des défis que posent les changements climatiques dans l'Arctique, des possibilités qu'offre l'augmentation du transport maritime, surtout dans votre domaine d'étude, et de la nécessité de faire participer les collectivités sous l'éclairage de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Pourriez-vous préciser où nous nous situons par rapport à d'autres pays et à d'autres régions.
    Comment nos normes de sécurité pour la navigation dans l'Arctique canadien se comparent-elles aux normes de sécurité ailleurs dans le monde, comme en Méditerranée ou dans d'autres régions très différentes?
     Je vous remercie de cette importante question.
    Bien sûr, l'Arctique est son propre contexte. C'est très différent des autres régions où l'infrastructure est beaucoup plus développée. La Méditerranée, par exemple, a une très longue histoire, avec un très vaste réseau portuaire. Essentiellement, il y a des plateformes pour offrir des services en mer dans toute la région. Ce n'est pas le cas dans l'Arctique, surtout dans notre partie de l'Arctique, où l'infrastructure laisse certainement beaucoup à désirer.
    Sur le plan des normes, nous sommes comparables aux autres États de l'Arctique. Nous nous comparons à des États semblables — mettons, aux quatre autres États du centre de l'Arctique — parce que nous sommes tous parties aux conventions de l'OMI, c'est-à-dire de l'Organisation maritime internationale. Nous avons tous mis en œuvre le code polaire, qui comporte des normes de sécurité et de prévention de la pollution. Essentiellement, les lois et les règlements sont dans une large mesure théoriquement.
    Il y a quand même des différences importantes. Pour nous, il y a quelque chose que nous avons et que les autres États de l'Arctique n'ont pas. Nous avons maintenant une zone de contrôle des émissions, qui sera officiellement adoptée plus tard cette année. Ce sera en fait un pas en avant par rapport aux autres États de l'Arctique.
    Pour ce qui est des capacités de recherche et de sauvetage, par exemple, les Norvégiens sont peut-être plus avancés que nous, mais leurs zones sont beaucoup plus petites que l'Arctique canadien.
    Du côté des normes environnementales, nous pourrions apporter certaines améliorations. Par exemple, nous pourrions peut-être prendre plus de précautions en ce qui concerne le bruit généré par la présence d'un plus grand nombre de navires dans la région. Nous pourrions peut-être adopter une position plus ferme sur le rejet des eaux grises par les navires, surtout les navires à passagers. Je suggérerais que nous adoptions peut-être une position plus ferme sur le sujet du mazout lourd, parce que nous nous sommes positionnés, d'une certaine façon, pour accorder certaines exemptions aux navires qui continuent d'utiliser du mazout lourd, alors que cela n'est pas sans risques.
    Nous sommes en avance sur les autres à certains égards. À d'autres égards, nous ne sommes peut-être pas nécessairement en avance.

  (1135)  

     Pour mettre l'accent sur les préoccupations particulières dans l'Arctique, disons que les changements climatiques frappent l'Arctique beaucoup plus rapidement qu'ici. De plus, dans l'Arctique, les collectivités dépendent beaucoup plus de la terre et de la mer pour leur subsistance. Les Inuits ont besoin de la glace pour la chasse au phoque et à la baleine et de même qu'au caribou.
    Diriez-vous que la préservation de l'environnement et l'atténuation de la pollution — la pollution atmosphérique, la pollution de l'eau et la pollution par le bruit — sont peut-être des priorités encore plus importantes?
     Absolument.
    Il faut aussi tenir compte de ce qu'il y a une grande différence entre les intérêts du transport maritime et ceux des Inuits, à savoir que le transport maritime doit se faire en eau libre. Dans les régions où ils ont des routes de glace, de la chasse et des moyens de subsistance et peut-être des camps temporaires sur la glace, les Inuits ont besoin de la glace pour leur sécurité. On craint, par exemple, que la réforme de la glace après le passage des brise-glaces empêche les chasseurs de rentrer chez eux en toute sécurité.
    Je dirais que nous avons probablement une plus grande responsabilité que les autres États de l'Arctique en raison de la géographie et de la démographie particulières de la région et de son importance sociale et culturelle. N'oubliez pas non plus que nous sommes dans la patrie des Inuits. Il ne s'agit pas seulement d'une autoroute prête à ouvrir à la navigation; il s'agit essentiellement d'un espace important pour la subsistance, la culture, l'identité et ainsi de suite, et je dirais que, oui, nous avons une plus grande responsabilité.
    Je vous pose donc la question suivante. Nous avons entendu des témoignages au sujet de nouvelles politiques et de nouveaux programmes de recherche qui sont spécifiquement coordonnés avec les collectivités et élaborés dès le départ dans les collectivités de l'Arctique. Pensez-vous que c'est le modèle qui devrait inspirer la recherche dans l'Arctique?

  (1140)  

     Je participe à l'un de ces projets. En fait, j'ai mentionné Qanittak. Qanittak est un mot inuktitut qui signifie « neige fraîchement tombée », une métaphore pour un nouveau départ, qui est axé sur le transport maritime. Pouvons-nous envisager le transport maritime différemment?
    Ce projet est codirigé par l'Université Memorial de Terre-Neuve et le Conseil circumpolaire inuit. Il s'agit du tout premier fonds d'excellence en recherche à être codirigé par une organisation autre qu'une université.
    Merci beaucoup.
     Nous allons maintenant commencer notre deuxième série de questions pour ce groupe. Nous allons commencer par M. Tochor, pour cinq minutes.
     Merci à nos témoins.
    Mes premières questions s'adressent à Mme Exner-Pirot.
    J'ai été fasciné par votre article paru dans le Financial Post du 16 mai. Vous avez parlé de l'extraction de terres rares dans les territoires et de son état. « À bien des égards, nous leur faisons un joli cadeau », aux Chinois. Pourriez-vous nous en dire davantage sur la façon dont les politiques du Canada en matière de minéraux critiques se retrouvent entre les mains de la République populaire de Chine?
     C'est notre approche qui consiste à faire passer les systèmes énergétiques à des choses à forte teneur en minéraux critiques, plutôt qu'à des choses que nous avons au Canada, comme l'uranium et l'énergie nucléaire, qui ne nécessitent pas d'enrichissement, et les combustibles fossiles, pour lesquels vous pourriez utiliser le captage du carbone pour les rendre neutres en carbone.
    Ce que je voulais dire, c'est que nos systèmes énergétiques dépendent de ce que nous savons être des chaînes d'approvisionnement chinoises — nous avons vu nos voisins américains imposer des tarifs très élevés pour éviter ce problème.
     Cela favorise les intérêts des pays étrangers et leur politique actuelle.
    Pour revenir à votre analyse et à vos recherches sur l'infrastructure dans le Nord, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur les collectivités qui ont des projets de ressources naturelles, comme une mine? À quoi ressemble l'infrastructure autour de ces collectivités? Est‑ce que cette infrastructure est construite pour résister aux changements climatiques que, mettons, d'autres collectivités qui n'ont aucune activité économique?
     Excellente question.
    La raison pour laquelle je ne m'inquiète pas trop du transport maritime, c'est qu'il est encore très coûteux d'extraire des métaux et des minéraux de l'Arctique. Il n'y a pas de gisements découverts. Il n'y a pas de projets qui indiqueraient que nous allons voir, par exemple, une autre mine de fer de Mary River ou une autre mine Raglan dans l'Arctique canadien dans un proche avenir.
    La plus grande contrainte, encore une fois, est le prix du produit et le coût de l'infrastructure. Les diamants, l'or et l'argent connaissent une croissance réelle, car on peut les expédier par avion, et ne nécessitent pas beaucoup d'infrastructure. Pour avoir plus de cuivre ou de nickel, il faudrait un chemin de fer ou une route quelconque. La seule raison pour laquelle nous avons cette excellente mine de fer au Nunavut, c'est qu'elle est toute proche de l'eau de marées, de sorte que le minerai est facile à charger dans les navires, qui vont habituellement vers l'est plutôt que vers l'ouest jusqu'au passage du Nord-Ouest. Le manque d'infrastructure constitue un énorme goulot d'étranglement pour la production de ces minéraux critiques dans l'Arctique.
     L'une des meilleures stratégies pour aider l'Arctique serait d'aider les territoires. Le gouvernement actuel a modifié la réglementation sur les projets d'exploitation des ressources naturelles. À l'heure actuelle, il n'y a pas de nouveaux projets proposés pour les mines et il n'y a pas de mine en construction.
    Quels effets négatifs cette modification de la réglementation sur les ressources naturelles a‑t-elle sur les territoires?
    Le principal moteur économique des territoires est en fait le financement du secteur public provenant des transferts gouvernementaux et fédéraux. Cela crée une dépendance.
    On constate probablement ce même problème partout au Canada.
     C'est un problème. Cela crée une dépendance. Je dirais que cela crée un syndrome hollandais. Le secteur public absorbe tous les talents et l'argent et ne laisse rien au secteur privé.
    Leur autre moteur économique serait l'exploitation minière. Par exemple, la mine de fer du Nunavut génère 25 % de son PIB. Dans les Territoires du Nord-Ouest, le secteur du diamant génère 25 % du PIB de ce territoire, et nous savons que le secteur du diamant est en train de fermer. Il arrive à la fin de sa vie utile. D'ici à 2030, il n'y aura probablement plus d'extraction de diamants. Il faut que nous commencions à réfléchir à une façon de le remplacer.
    Pour en revenir à ma déclaration préliminaire, seuls les experts-conseils se préoccupent de cela. Je n'ai pas entendu parler d'universitaires qui réfléchissent au PIB de ces territoires et à la façon de mieux exploiter les mines ainsi qu'aux politiques et aux règlements à y appliquer. Les universitaires ne s'intéressent pas à ce problème fondamental des territoires.
     Vous avez parlé d'études de recherche dont les résultats étaient vagues et qui n'offraient que très peu de solutions pratiques. Il nous faut des solutions simples et sensées. Que diriez-vous de l'idée d'exiger désormais que les études visent des solutions pratiques et non la seule intention de faire de la recherche dans le Nord?

  (1145)  

    À mon avis, c'est la solution. En évaluant les propositions et en affectant les fonds, il faudrait plutôt insister sur les résultats.
    En fait, les propositions de recherche que j'ai évaluées sont très axées sur la méthodologie. Il faudrait insister pour que les proposeurs ne consacrent que deux pages à la méthodologie. Nous sommes devenus obsédés par la méthodologie. Les gens nous assurent qu'ils travaillent avec des communautés autochtones, mais ils ne pensent pas aux résultats qu'ils produisent pour ces communautés.
    Je pense que nous devrions accorder plus d'importance à cet aspect.
     Je tiens à vous remercier pour l'important travail de recherche que vous accomplissez pour la fonction publique.
     Merci.
    Nous passons maintenant à M. Longfield, pour cinq minutes.
     Merci, madame la présidente.
    Je remercie nos témoins.
     Je vais d'abord m'adresser à M. Chircop.
    Le 9 mai, nous avons entendu le témoignage de Mme Jackie Dawson, titulaire de la chaire de recherche du Canada sur les dimensions humaines et politiques des changements climatiques à l'Université d'Ottawa. Elle est également directrice scientifique à ArcticNet. Elle nous a dit que lorsque la fonte des glaces de l'Arctique canadien s'ajoute aux perturbations de la circulation commerciale dans les canaux de Panama et de Suez, elle risque d'accroître la circulation dans les voies de navigation de l'Arctique, et notamment dans le passage du Nord-Ouest. Vous avez plus ou moins confirmé cela dans votre témoignage.
    Avons-nous suffisamment de données scientifiques pour mesurer les changements qui pourraient avoir une incidence sur le trafic maritime et sur la faune et la flore marine?
     Je vous remercie pour cette question.
    Un de nos collègues, M. Frédéric Lasserre, a mené une étude très intéressante pour savoir dans quelle mesure l'industrie envisage d'utiliser le passage du Nord-Ouest. En fait, s'il comparaissait ici, il serait probablement un excellent témoin pour ce comité.
    Essentiellement, il a découvert que les armateurs ne se précipitent pas encore pour construire des navires de calibre mondial. Cela s'explique peut-être par un certain nombre de facteurs qui s'appliquent à l'Arctique canadien. La situation de l'Arctique russe est complètement différente. Évidemment, ce paradigme pourrait changer. Mme Dawson faisait peut-être allusion à la situation suivante: qu'arriverait‑il en cas de perturbation majeure des routes maritimes établies? Les routes du Nord subiraient-elles plus de pression? En théorie, c'est possible, mais n'oublions pas que le transport dans le Nord est saisonnier, alors que le canal de Panama est ouvert tout au long de l'année.
    Les saisons dans l'Arctique — la saison de navigation, l'intersaison, etc. — sont difficiles à prévoir. Cela pourrait vraiment décourager la navigation dans les eaux du Nord.
    Évidemment, il faut aussi tenir compte de l'état des infrastructures...
     Merci.
    Vous avez mentionné plusieurs variables, et la situation est en train de changer. L'intersaison s'allonge de plus en plus. Si cette tendance se maintient, elle finira probablement par disparaître.
    Comment surveillons-nous des facteurs comme les sons? Je sais que, sur la côte Est, en 2017, nous avons modifié les règlements du trafic maritime dans le golfe du Saint-Laurent pour protéger la population de baleines noires. Existe‑t‑il des données indiquant quels volumes de bruit sont acceptables?
     C'est aussi une excellente question.
    Rien n'est vraiment certain. Nous savons que le bruit a des effets néfastes sur les écosystèmes, sur les espèces et peut-être aussi, semble‑t‑il, sur certaines espèces commerciales, d'après ce que j'ai compris en lisant des publications à ce sujet. Il y a toutes sortes d'impacts possibles. Dans le Nord, nous nous préoccupons surtout des animaux dont les Inuits dépendent.
    Il se fait beaucoup de recherche sur le bruit sous-marin. Un de mes collègues de l'Université Dalhousie, M. David Barclay, s'est penché sur la question. Je crois savoir que Recherche et développement pour la défense Canada recueille des données à ce sujet. Toutefois, nous n'en avons pas encore recueilli assez pour fixer un seuil et établir un règlement. En fait,...
    C'est ce que je voulais savoir. Merci.
    Je suis désolé de vous interrompre, mais la troisième partie de ma question porte sur notre objectif gouvernemental de protéger 30 % des océans du Canada d'ici à 2030 et 25 % d'ici à 2025. Ce sont des objectifs ambitieux.
    Devrions-nous réglementer des facteurs comme le bruit et certaines des répercussions sociales que subissent les Inuits?

  (1150)  

     Oui, tout à fait. Je dirais que nous avons des raisons solides de recommander la prudence. Bien que nous ne soyons pas encore en mesure d'établir une norme scientifique pour fixer un règlement, nous devrions fortement recommander que les navires évitent de circuler à certains endroits et qu'ils réduisent leur capacité de générer du bruit sous-marin. Nous pourrions certainement faire cela.
     Il faut de l'argent pour cela, et les stratégies coûtent très cher. Il faudra examiner comment financer tout cela.
    Je vous dirais toutefois qu'il nous faut plus que de l'argent. Il faut que l'Organisation maritime internationale, l'OMI, s'y engage fortement, parce que chez nous, l'industrie s'y opposera en soulignant que nous n'avons pas suffisamment de données scientifiques pour fixer une norme. Elle refusera de dépenser tant d'argent sans objectif concret, et ainsi de suite.
    Cette incertitude scientifique nous incite justement à recommander la prudence. Nous devons prendre certaines mesures pour renforcer ces normes, car actuellement l'OMI ne les rend pas obligatoires.
    Merci beaucoup.
    J'ai bien peur que notre temps soit écoulé. Si vous voulez nous en dire davantage à ce sujet, vous pouvez envoyer un mémoire écrit à notre greffier. Nous vous en serions très reconnaissants.
    Nous allons maintenant passer à M. Blanchette-Joncas pour deux minutes et demie.

[Français]

     Monsieur Chircop, c'est un plaisir de vous accueillir au Comité. Vous êtes le titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur le droit et la politique maritimes à l'Université Dalhousie. Vous savez sans doute que l'Université du Québec à Rimouski est un partenaire assez solide de l'Université Dalhousie en matière de recherche maritime, notamment dans le cadre du projet de recherche sur l'oxygène dans les océans. Je suis donc honoré de pouvoir vous poser des questions et profiter de votre expertise aujourd'hui.
    Vous avez notamment pu étudier les perturbations liées au trafic maritime. Quelles sont les conséquences observées et prévues des changements climatiques sur la navigation, notamment dans l'archipel Arctique et le passage du Nord‑Ouest?

[Traduction]

     Merci beaucoup pour cette excellente question. Je ne serai peut-être pas en mesure d'y répondre complètement.
    Les changements climatiques créent une préoccupation socioculturelle réelle. Les communautés inuites s'inquiètent beaucoup de l'augmentation du transport maritime, d'autant plus qu'elles ne participent pas efficacement à sa gouvernance. Essentiellement, d'après ce que je comprends des positions que j'ai entendues, les Inuits aimeraient recevoir plus d'information à ce sujet. Ils voudraient aussi se faire entendre.
    Par exemple, dans le cadre de l'initiative pour l'établissement de corridors de transport maritime à faible impact, ils veulent être en mesure de présenter leurs préoccupations. Ils voudraient aussi peut-être même éclairer la désignation des corridors et compléter les données scientifiques qui y serviront en présentant leurs connaissances traditionnelles. Je dirais, d'abord et avant tout, que leur principale préoccupation porte sur les humains.

[Français]

     Concrètement, en matière de politique maritime et de recherche nordique, qu'est-ce que le gouvernement fédéral devrait modifier ou ajouter pour s'assurer du bien-être de l'environnement, mais également de celui des communautés?

[Traduction]

    Je suggère fortement que nous écoutions ce qu'elles ont à nous dire.
     Traditionnellement, le transport maritime est coordonné par un système d'administration centrale. Je dirais que nous devons passer de la notion d'administration à la notion de gouvernance afin d'étendre la participation et de la rendre plus équitable. Il serait bon de gérer le transport maritime par zones. Chaque fois que nous désignons des espaces, je pense qu'il est très important de ne pas oublier que ces espaces, ces routes pour les navires traversent en fait la terre natale de quelqu'un d'autre.

  (1155)  

    Je vous ai ajouté du temps, alors vous avez 10 secondes.
    Merci beaucoup. Merci pour votre témoignage.
    Nous passons maintenant à M. Cannings, pour deux minutes et demie.
    Merci. Je vais poursuivre dans la même veine.
    M. Exner-Pirot nous a fait part de ses préoccupations sur le fait qu'une grande partie de la recherche dans l'Arctique vise à étudier l'environnement. Elle porte sur les effets cumulatifs des changements climatiques, par exemple, mais pas assez sur la situation économique.
    Vous suggérez que nous écoutions l'opinion des Inuits quand nous répartissons les fonds de recherche. Je voudrais que vous nous donniez plus de détails. Quels modèles de financement de la recherche nous permettraient de tenir compte de ces opinions et de mener des études qui profiteraient aux communautés de l'Arctique?
     Merci beaucoup pour cette excellente question.
    J'ajouterais qu'en plus du manque de données économiques, il n'y a pas suffisamment de recherches juridiques portant en particulier sur la relation entre notre réglementation des diverses activités industrielles et leur lien avec les droits des Autochtones.
    Je dirais aussi que cela concerne précisément la façon dont nous réglementons le transport maritime. Je trouve que nous avons beaucoup de publications de recherche sur les aspects du droit de la mer, mais pas assez sur le droit maritime, et le droit maritime concerne plutôt la façon dont nous réglementons les navires.
    Pour évoluer vers un modèle différent, nous pourrions mener plus d'études de recherche qui ne font pas seulement appel à des partenaires autochtones, mais qui sont menées conjointement avec ces partenaires. Nous devrions faire un bon pas en avant pour passer des partenariats à la direction conjointe. Cela baserait cette recherche sur l'acceptabilité. Elle répondrait mieux aux préoccupations soulevées par les organismes autochtones au lieu d'être interprétée par des chercheurs qui vivent au sud du 60e parallèle.
    Il vous reste six secondes.
    Merci.
    Je remercie beaucoup nos témoins du premier groupe. Nous vous sommes vraiment reconnaissants d'être venus témoigner.
    Si vous avez quelque chose à ajouter, vous pouvez le remettre au greffier.
    Nous allons suspendre brièvement la séance pour permettre aux témoins de quitter la salle, puis nous reprendrons avec le deuxième groupe de témoins.
     Les membres qui participent par Zoom sont priés de rester branchés à cette séance.

  (1155)  


  (1200)  

     Bienvenue à tous.
    Je vais présenter quelques lignes directrices à l'intention des nouveaux témoins.
    Je vous demanderai qu'avant de parler, vous attendiez que je vous donne la parole en vous appelant par votre nom.
    Si vous participez par vidéoconférence, veuillez cliquer sur l'icône du microphone pour activer votre micro et, s'il vous plaît, éteignez‑le quand vous ne parlez pas.
    Les gens qui participent sur Zoom peuvent entendre l'interprétation. Vous pouvez choisir entre l'anglais et le français au bas de votre écran. Les personnes présentes dans la salle peuvent utiliser l'oreillette et sélectionner le canal désiré.
    J'ai maintenant le plaisir d'accueillir, à titre personnel, M. Nicolas Brunet, professeur associé. Nous accueillons aussi Mme Jessica Shadian, présidente et cheffe de la direction de l'organisme Arctic360.
     Vous avez cinq minutes pour faire votre déclaration préliminaire, après quoi nous passerons aux questions.
     Monsieur Brunet, je vous invite à faire une déclaration préliminaire d'un maximum de cinq minutes.
     Je vous remercie de m'avoir invité à vous parler de ce sujet.
     Je suis professeur associé et planificateur agréé à la School of Environmental Design and Rural Development de l'Université de Guelph. Je fais de la recherche interdisciplinaire sur les dimensions humaines des changements environnementaux et sur la gouvernance de la recherche. Depuis 2006, je travaille dans les régions arctiques et subarctiques du Canada en étroite collaboration avec des consultants, des étudiants et des professeurs inuits et de Premières Nations.
    Je vais surtout vous parler de nos conditions de travail au Nunavut. Je vais me concentrer sur deux questions. La première vise à déterminer si les populations de l'Arctique et du Nord disposent des infrastructures, des outils et des fonds nécessaires pour participer à la recherche.
    À mon avis, certaines subventions de recherche répondent aux besoins et offrent de nouvelles possibilités qui sont plus accessibles aux populations du Nord et aux Inuits en particulier. Certaines de ces subventions sont fédérales. J'ai remarqué, en examinant les demandes de financement des partenaires du Nord, que certains portails des trois conseils et certaines exigences des demandes sont mal adaptés à la variabilité des niveaux de connaissance en informatique et de fiabilité d'accès aux services Internet dans certaines communautés. On se demande si ces possibilités atteignent tout le monde de façon équitable. Par conséquent, la plupart des possibilités offertes nécessitent encore une certaine direction du Sud. Toutefois, la création de collèges et d'universités décernant des diplômes dans l'Arctique, comme l'Université du Yukon me redonne un peu d'espoir. Elle renforce énormément les capacités du Nord pour le Nord.
     Cela dit, la recherche physique communautaire n'est que trop rare. Nous avons tendance à oublier qu'une grande partie de la recherche pratique n'a rien à voir avec la collecte d'information sur le terrain ou sur les terres. La majeure partie du travail se fait devant un écran pour demander des fonds, analyser et interpréter des échantillons et des données et rédiger une description du travail. Une étude que mène l'une de mes étudiantes diplômées, Sarah‑Anne Thompson, avec le groupe inuit Ikaarvik à Pond Inlet, au Nunavut, suggère que la majeure partie de la recherche communautaire se fait encore au domicile des gens. Les gens du Sud trouvent peut-être cela acceptable, mais cela ne tient pas compte de la crise du logement qui sévit au Nunavut et dans d'autres régions. Les gens manquent d'espace intérieur pour vivre et se réunir dans un milieu sain et en toute sécurité.
    L'utilisation des stations de recherche pour la recherche communautaire est une zone grise au sujet de laquelle je réfléchis aussi depuis quelques années. On trouve dans l'Arctique un bon nombre de stations de recherche fédérales, territoriales et universitaires qui servent les communautés de diverses manières. Je travaille en étroite collaboration avec Environnement et Changement climatique Canada à Pond Inlet, au Nunavut, et j'utilise la station de recherche qui s'y trouve depuis des années. Mes collègues de ce ministère désirent fortement soutenir la science communautaire, mais ils semblent se heurter à un certain nombre d'obstacles qui les empêchent d'accorder l'utilisation de ces installations. Toutefois, cela dépasse la portée de cette présentation.
    À mon avis, ce n'est pas une solution, cependant. Si les peuples de l'Arctique veulent participer activement aux activités scientifiques entreprises sur leurs territoires traditionnels, ils ont besoin d'espaces physiques, et nous devons leur permettre de diriger la création de ces espaces.
    Ma deuxième question vise à déterminer si la collaboration en science et en recherche dans l'Arctique se fait de façon significative avec les populations locales autochtones. Depuis près de 100 ans, les chercheurs et la science menée dans la région se fondent sur le savoir inuit, ou Inuit Qauijimajatuqangit, et notamment les compétences liées à la terre. Cette relation a beaucoup évolué grâce aux progrès technologiques et au transport, mais elle demeure importante.
     Je vais me pencher un peu sur l'adjectif « significative » qui, à mon avis, mérite beaucoup plus de réflexion. La signification de la collaboration ou du partenariat est directement liée au niveau d'influence de la communauté inuite et, en fin de compte, à son contrôle des programmes de recherche menés sur son territoire. Les communautés ne seront probablement jamais en mesure de diriger la grande majorité de la recherche qui se fait sur leur territoire parce que la recherche dans l'Arctique est vaste, diversifiée et nécessite d'énormes ressources. Néanmoins, je pense que l'autodétermination devrait être au cœur de la négociation des politiques de recherche sur l'Arctique.
     En effectuant récemment des examens quantitatifs systématiques de la documentation sur l'évolution, le degré et la nature de l'engagement communautaire en recherche sur l'Arctique, j'ai relevé quelques faits saillants.
     L'engagement local dans la recherche sur l'Arctique n'a que légèrement augmenté depuis 1965, avec quelques nuances importantes que je n'ai pas le temps de présenter maintenant.
    Les études sur l'Arctique dirigées par des auteurs sont négligeables. Entre 1965 et 2020, elles représentaient moins de 1 % de l'ensemble de la recherche. Nous avons constaté que 10 % des études menées au cours de ces 10 dernières années ont été réalisées par des auteurs locaux ou communautaires, ce qui est très prometteur.
     Enfin, l'accent mis de nos jours sur les changements climatiques et planétaires s'avère extrêmement utile pour promouvoir l'engagement communautaire en science de l'Arctique. Il indique un désir réel et sincère de soutenir ce domaine scientifique.
     Merci beaucoup.

  (1205)  

     Merci beaucoup pour cette déclaration préliminaire. Je vais vous demander de relever un peu votre micro pour que les interprètes vous entendent mieux.
    Nous allons maintenant donner la parole à Mme Shadian, pour une déclaration préliminaire de cinq minutes.
    Mes observations découlent de plus de vingt ans d'expérience de résidente et de chercheure universitaire dans le domaine de la recherche sur l'Arctique. Je détiens un doctorat en relations internationales. J'ai vécu et travaillé en Islande, en Norvège du Nord, en Laponie, en Finlande, en Suède, au Danemark, au Royaume‑Uni et aux États‑Unis avant de m'installer au Canada et de devenir PDG d'Arctic360.
    Parmi ses activités, Arctic360 se concentre sur la recherche dans l'Arctique visant à traduire la recherche primaire en savoir pour le grand public. Cette activité s'insère dans deux projets de recherche internationaux menés à cet égard. Aujourd'hui, je vais me concentrer sur la politique et la stratégie scientifiques liées à l'innovation dans l'Arctique.
    Les changements climatiques sont réels. Leurs impacts touchent toute la région de l'Arctique. Au Canada, ils influent sur la sécurité et le bien-être des peuples autochtones et de tous les habitants du Nord ainsi que sur la sécurité et la prospérité nationales du pays.
    La recherche du Canada sur les changements climatiques vise à comprendre à la fois les changements climatiques et leurs impacts, notamment sur les communautés du Nord, ainsi que l'adaptation à ces impacts. Toutefois, à mon avis, notre approche face à cette adaptation est limitée, parce que nous sous-estimons le potentiel du milieu universitaire et parce que nous n'avons pas de stratégie pour l'Arctique.
     Je vais vous expliquer d'où vient cette conclusion. Nos voisins de l'Arctique utilisent les défis que posent les changements climatiques pour innover, prospérer, sécuriser et renforcer leurs propres communautés de l'Arctique et leur pays.
     La stratégie de la Suède sur l'Arctique, par exemple, met l'accent sur les possibilités que le climat de l'Arctique crée, ce qui lui permet d'exporter dans le monde entier les produits de son innovation. Le gouvernement suédois explique que les grappes d'innovation de calibre mondial qu'il maintient dans l'Arctique transforment les connaissances en nouveaux produits et services. Cette réussite est due à la collaboration entre les entreprises, le milieu universitaire et le secteur public ainsi qu'à celle des petites entreprises dans les chaînes de sous-approvisionnement. Il ajoute que le climat froid et les régions peu peuplées de l'Arctique offrent des espaces d'essai et de démonstration aux industries de l'aviation, de l'automobile et de l'espace.
     Dans sa propre stratégie sur l'Arctique, la Norvège affirme que de développer le Nord pour en faire une région forte, dynamique et hautement compétente est le meilleur moyen de protéger les intérêts norvégiens dans l'Arctique. Le gouvernement appuiera l'innovation, l'entrepreneuriat et les entreprises en démarrage dans le Nord. Il soutiendra plus particulièrement les industries océaniques du Nord ainsi que le secteur maritime, le pétrole, la fabrication à forte intensité d'énergie verte, l'extraction minière, l'agriculture, le tourisme et l'infrastructure spatiale. Par exemple, la mission des grappes norvégiennes situées dans l'Arctique consiste à acquérir de l'expertise, à développer l'innovation et à contribuer à la commercialisation et à la mise à l'échelle de solutions pour les nouvelles chaînes de valeur vertes ainsi qu'à la transformation numérique et à la construction d'infrastructures pour le développement novateur.
    La Finlande — où se trouve l'Arctic VTT Technical Research Centre — a transformé un tronçon de l'autoroute arctique E8 entre la Norvège et la Finlande en une piste d'essai pour les véhicules électriques, précisément parce que les conditions météorologiques extrêmes rendent cette route enneigée, glacée, sombre et venteuse. On y a intégré des capteurs pour mesurer les vibrations, le poids, la pression, l'accélération, la glissance de la surface, etc.
     À Longyearbyen, dans l'archipel du Svalbard, le gouvernement a mené un projet pilote d'habitation en construisant trois nouveaux immeubles d'appartements, car le Nord a bien besoin de logements. Il a installé des capteurs dans le sol pour mesurer les impacts de la construction d'acier sur l'état changeant du pergélisol. Ces données éclaireront la construction d'infrastructures plus résilientes aux changements climatiques.
     Au Canada, par contre, les 94 chambres d'hôtel et le centre de conférence d'Iqaluit, qui datent de 2019, ne sont que des chambres d'hôtel modulaires fabriquées et importées de Chine. Le territoire du Nunavut n'a pas d'université.
    Les projets, comme le Programme de l'initiative d'adaptation des transports dans le Nord que d'autres témoins vous ont mentionné, sont très importants. Ce programme collabore avec l'industrie. Il met l'accent sur l'adaptation, mais pas sur l'innovation. Par exemple, on y utilise des systèmes de fondation à siphon thermique pour contrer la fonte du pergélisol. Cependant, cette technologie est brevetée et importée des États‑Unis.
     Cela nous amène aux grandes lacunes stratégiques en matière de recherche dans l'Arctique canadien. Innovation, Sciences et Développement économique Canada, par exemple, ne travaille pas dans le Nord. Bien que ce ministère tienne un bureau à Terre‑Neuve‑et‑Labrador, il confie la responsabilité de l'ensemble des Territoires du Nord-Ouest à la Saskatchewan, l'ensemble du Nunavut à Montréal et le Yukon à la Colombie‑Britannique. Bien que 75 % des côtes canadiennes se trouvent dans l'Arctique, il n'y a pas de projet de supergrappe dans l'Arctique.
    Ces lacunes s'articulent cependant dans le cadre d'une vaste conversation sur la valeur globale, le potentiel et le rôle du Nord dans la conscience du Canada. Nous y voyons des défis, des crises et de l'impossibilité, alors que nos voisins y voient des possibilités de recherche et d'innovation. Ils savent que la force des régions nordiques complète la force des nations de l'Arctique, et ils font les investissements stratégiques nécessaires.

  (1210)  

     Les nombreuses conversations du Canada sur la R‑D, l'innovation, les entreprises en démarrage, le capital de risque et les investissements dans les fonds de pension ont-elles déjà porté sur l'innovation dans le Nord? Il faut pour cela établir une vision, un leadership et une réflexion stratégique à l'échelle nationale qui se concrétise dans une stratégie pour l'Arctique. Nous devons établir des liens entre la science — avec le savoir autochtone —, l'innovation, la défense, les investissements en capital et le renforcement des capacités et des infrastructures dans le Nord. Nous réussirons ainsi à répondre aux besoins des habitants du Nord, à enrichir nos connaissances et à favoriser un écosystème d'innovation dans le Nord. Cela nous permettra d'assurer la viabilité, la sécurité et la prospérité du Nord et de placer le Canada en tête de file des pays de l'Arctique.
     Merci. Notre temps est écoulé.
    Nous allons commencer notre première série de questions.
    Monsieur Tochor, vous avez six minutes.
     Merci, madame la présidente.
    Je remercie nos témoins d'être venus témoigner.
    Madame Shadian, j'ai beaucoup aimé votre témoignage et votre approche logique.
    Je vais revenir à vos travaux antérieurs. Dans le mémoire que vous avez présenté en 2018 au Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, vous avez souligné que la façon la plus sûre de protéger la souveraineté canadienne est de combler les lacunes en matière d'infrastructures dans le Nord. Six ans se sont écoulés depuis. Avons-nous comblé les lacunes en matière d'infrastructures dans le Nord?

  (1215)  

     Non. Je crois même que leur état a beaucoup empiré.
    Cela nous ramène à la question de la science et de l'innovation dans l'Arctique. Le fait que nous ayons un tel déficit d'infrastructures est une occasion en or, si nous l'envisageons de cette façon. Il pourrait nous placer en tête de file de la construction, pour la deuxième moitié du XXIe siècle, d'infrastructures capables de survivre dans les conditions météorologiques froides et extrêmes de l'Arctique et sur un pergélisol en état de fonte. Ces technologies et ces innovations pourront s'étendre non seulement au‑delà du Canada et dans l'ensemble de l'Arctique, mais dans d'autres parties du monde.
    Voilà. Je m'arrête ici.
    À ce propos, comment pouvons-nous faire en sorte qu'il y ait plus d'investissements dans le Nord, et pas seulement des fonds publics?
     Eh bien, c'est à ce sujet que je me suis beaucoup inspirée de certains de nos voisins nordiques. Ils semblent avoir d'excellents... Ils ont des partenariats, certes stratégiques, mais assez solides entre des universitaires et des entreprises privées et ces partenariats attirent également le capital-risque associé aux entreprises en démarrage, et le tout est lié à des politiques.
    Il y a des universitaires. Il y a de nouvelles innovations qui en découlent grâce aux entreprises en démarrage, puis il y a le capital privé. Il y a aussi le financement public, car je pense que le financement public est absolument essentiel et qu'il est au cœur de tout cela.
    Pour en revenir à certaines des solutions qui sont issues de la recherche qui se fait dans le Nord, tout à l'heure nous avons entendu parler de l'obligation pour certains travaux de recherche d'aboutir à des résultats mesurables et, espérons‑le, à des solutions. Nous étudions sans cesse le même problème, mais nous n'arrivons pas, à mon avis, à trouver de véritables solutions. Les mesures d'atténuation sont importantes, et l'adaptation est essentielle, à mon avis, dans le Nord.
    Qu'en pensez-vous?
    À mon avis, c'est là que les nouvelles connaissances, les connaissances primaires et les sciences appliquées se recoupent. Si nous réfléchissons aux actions à poursuivre, il nous manque beaucoup d'études de base. Nous devons nettement améliorer le suivi, mais cela peut aussi être lié à... Nous avons besoin de technologies plus sophistiquées. Il faudrait que nous puissions utiliser des capteurs pour aider à recueillir des données en temps réel de façon simultanée.
    Encore une fois, cela nous ramène à la mise en place d'une meilleure stratégie. Que voulons-nous faire? Nous sommes une nation arctique, que voulons-nous pour les régions du Nord et de l'Arctique de notre pays? Qu'est‑ce que cela signifie dans chaque domaine, du développement économique à la défense? Je pense à l'Accélérateur d'innovation de défense pour l'Atlantique Nord de l'OTAN. Étant donné que l'OTAN se concentre de plus en plus sur l'Arctique, il est évident que certains de ces éléments d'innovation seront axés sur les technologies adaptées au climat froid. Y a‑t‑il des possibilités dans ce domaine?
     Mon temps est limité. Merci beaucoup.
    Je vais changer un peu de sujet et parler de la sécurité énergétique dans le Nord. Je trouve épouvantable la quantité de diésel que nous expédions là‑bas et que nous brûlons pour les besoins électriques. Le groupe Arctic360 a travaillé sur les petits réacteurs modulaires, les PRM.
    Que pourrait signifier pour une collectivité du Nord la présence d'un PRM ou d'un microréacteur?
     Je pense que cela dépend de la collectivité. Cela nous ramène à la discussion que nous avons eue au cours de la séance précédente. Nous devons faire plus d'évaluations économiques, financières et énergétiques dans le Nord, mais nous devons aussi penser de façon stratégique.
     J'espère que nous pourrons utiliser les PRM dans diverses collectivités, mais il faut aussi qu'ils soient associés à quelque chose de beaucoup plus vaste. Quel est le plan énergétique pour le Nord? Quelle infrastructure énergétique durable utiliserons-nous? Qu'allons-nous faire entretemps? Comment allons-nous faire le lien entre les différents éléments? Comment pouvons-nous faire des choses polyvalentes et multi-utilisateurs?
    Nous avons besoin d'énergie, pas seulement pour le chauffage. Nous en avons besoin si nous voulons développer Internet. Nous avons besoin de plus d'Internet. Nous avons besoin de systèmes énergétiques pour une foule de choses, et notamment pour la défense. Comment pouvons-nous penser de façon plus stratégique?
    J'ai toujours pensé que si une collectivité était favorable au nucléaire, le fait d'avoir une base militaire quelconque dans le Nord, à proximité d'un projet d'exploitation de ressources naturelles, aiderait la collectivité si elle voit d'un bon œil des technologies comme les PRM ou les microréacteurs.
    Comment cela se répercuterait‑il dans la collectivité?

  (1220)  

    Je dirais que les collectivités du Nord, bien qu'il y ait beaucoup de différences, sont à bien des égards semblables aux collectivités d'autres régions du Canada. Elles sont pleines de gens et de personnalités de toutes sortes qui ont des idées différentes sur ce qu'ils aimeraient voir pour leur propre avenir et leur propre collectivité. Ce n'est pas comme si tout le monde pensait la même chose.
    Je dirais aussi que la fréquentation de toutes les personnes que je connais dans le Nord m'amène à penser que les gens veulent des solutions. Ils veulent que les choses s'améliorent. Comme disent toujours les gens, ils ne veulent pas seulement survivre; ils veulent prospérer. C'est cette mentalité qui prédomine. Le statu quo n'est pas acceptable, et ils cherchent des façons de travailler avec les autres pour aller de l'avant.
    Merci beaucoup. Notre temps est écoulé.
    Nous passons maintenant à M. Longfield, pour six minutes.
    Merci, madame la présidente, et merci aux témoins qui nous appellent de divers endroits, y compris des endroits très exigus. Les locaux dans lesquels nous travaillons ne sont pas toujours idéaux, néanmoins je vous remercie d'avoir pris le temps de témoigner.
    Bienvenue chez vous, monsieur Brunet. Je vous appelle également de Guelph, et il fait chaud et humide.
     Pourriez-vous nous parler un peu de la conférence dont vous venez de revenir? A‑t‑elle permis d'aboutir à un résultat qui pourrait être utilisé dans l'étude que nous faisons?
    Parlez-vous du Congrès arctique?
    Oui.
    Je ne m'étais pas préparé à cette question.
    D'accord. Je vais la reformuler.
    Nous faisons une étude sur les sciences dans l'Arctique, et s'il y a des leçons à tirer de cette conférence, qui était évidemment très à jour, qui pourraient nous aider dans notre étude, vous pourriez peut-être écrire à notre greffier.
    Bien sûr.
    Ce serait merveilleux.
     Absolument.
    Les membres de l'Université de Guelph ont passé beaucoup de temps dans l'Arctique, et ce que vous faites est formidable. Je sais aussi que Shoshanah Jacobs s'est rendue à Cambridge Bay. Nous avons fait faire des travaux sur la technologie de réseaux maillés pour les connexions Internet, et je crois que vous travaillez avec elle.
    Pourriez-vous nous dire comment les solutions du Sud pourraient aider à mettre au point de nouvelles technologies de communication dans le Nord?
     Je ne connais pas vraiment les technologies de réseaux maillés. J'ai travaillé un peu avec une chercheuse que vous pourriez rencontrer, une de mes collègues que vous connaissez peut-être. Je suis désolé, mais son nom m'échappe en ce moment.
    Oui, nous travaillons un peu sur les communications. Je dirais qu'au cours des cinq dernières années, nous sommes passés d'une situation où je pouvais à peine passer des appels téléphoniques à mes collègues là‑bas, à la tenue de réunions Zoom. Il y a eu un changement énorme et très rapide. Est‑ce fiable et abordable? Non. Pour une bonne part de notre travail, mes collègues et moi avons adopté la stratégie suivante: nous intégrons à nos budgets de recherche des sommes destinées à couvrir les coûts communautaires et les frais de connexion à Starlink et ce genre de stratégies, c'est ce qui se fait à l'heure actuelle.
    Pour ce qui est des technologies à venir, je ne suis pas très au courant de ce qui se passe dans ce domaine.
    Ma collègue s'appelle Helen Hambly, et elle travaille beaucoup là‑dessus.
     Bien sûr.
    Elle travaille un peu avec moi. Nous avons publié un document à ce sujet il y a quelques années. Elle est l'experte en la matière.
    Elle a fait un travail incroyable pour que les régions rurales de l'Ontario soient branchées sur les services à large bande, surtout à l'échelle locale. Je suppose que son périmètre de travail est plus étendu que je ne le pensais.
     Je l'ai fait participer au projet.
    Comme vous le savez, le gouvernement fédéral consacre beaucoup d'argent à la large bande et aux réseaux de communication. Je suis heureux d'apprendre qu'elle travaille également avec vous grâce à une partie des fonds qu'elle a reçus du gouvernement fédéral.
    Le volet du développement social a également été abordé avec notre précédent groupe de témoins, notamment pour dire que nous devons penser au‑delà des répercussions environnementales. Pouvez-vous nous en dire davantage sur la façon dont nous devons envisager une approche plus holistique pour appuyer la recherche dans l'Arctique?
    Je me concentre surtout sur les résultats humains, sociaux et culturels de la recherche. Je me penche beaucoup sur les divers éléments de ce que nous appelons la « capacité », un mot que vous avez sûrement entendu ad nauseam à ce stade‑ci. J'essaie d'analyser le mot « capacité » et de voir ce qu'il signifie dans ce contexte.
    Il est difficile d'établir une corrélation entre le développement de la recherche et le renforcement des capacités dans le Nord. C'est un peu ce que j'étudie. L'évolution a‑t‑elle été importante? Oui. Selon moi, le problème en ce moment, c'est que les intervenants habituels, les gens qui ont une capacité énorme, sont épuisés par la demande du Sud.
    Nous devons augmenter le nombre de personnes qui peuvent répondre à ces demandes. C'est ce qui se produira si des établissements comme l'Université du Yukon sont établis là‑bas, comme je l'ai déjà dit. Nous avons besoin d'une université à Iqaluit. Cela se fait lentement, des processus s'amorcent. Je pense que cela va tout changer.

  (1225)  

    Nous venons tout juste d'approuver les bourses d'études et de recherche, qui se sont en fait retrouvées dans le budget — une mesure contre laquelle les conservateurs ont voté. Les bourses d'études et de recherche contribuent grandement à améliorer la capacité.
    Voulez-vous dire que cette mesure est destinée aux habitants du Nord?
    Oui.
    D'accord.
    Je pense que le simple fait d'avoir une présence institutionnelle change la donne. Je dirais qu'il faut examiner d'autres territoires. Je pense surtout au Nunavut. J'ai beaucoup travaillé au Yukon. J'estime qu'au cours des prochaines années, l'Université du Yukon jouera un rôle central dans la recherche dans le Nord, simplement parce que c'est un endroit où l'on décerne des diplômes. Elle attire des talents extraordinaires. Il s'agit de ramener la capacité du Sud vers le Nord et de ramener les habitants du Nord vers le Nord. C'est extraordinaire d'assister à cela. Je crois vraiment en cette stratégie.
    C'est formidable.
     Mon temps de parole tire à sa fin, mais je tiens à dire que le gouvernement fera un pas très important pour trouver des solutions pour le Nord.
    Merci à vous deux. Je suis désolé de ne pas vous avoir donné la parole, madame Shadian, mais il est certain que quelqu'un d'autre voudra vous poser des questions.
    La parole est de nouveau à vous, madame la présidente. Merci.
     Merci beaucoup, monsieur Longfield.
    Nous passons maintenant à M. Blanchette‑Joncas, pour six minutes.

[Français]

     Merci, madame la présidente.
    Je salue les témoins qui se sont joints à nous pour la deuxième heure de notre étude.
    Mes premières questions s'adressent au professeur Brunet, un Franco-ontarien qui travaille à l'Université de Guelph.
    Je vous salue, monsieur Brunet.
    Je précise que je suis Québécois; je viens de Montréal.
    Dans ce cas, nous allons nous parler en français et nous allons nous comprendre.
     Professeur Brunet, j'ai étudié votre curriculum vitae et les différents travaux que vous avez effectués. J'ai vu que vous avez fait de la recherche nordique, au Nunavik précisément. J'aimerais savoir ce que vous avez pu observer là-bas quant au manque de données scientifiques relativement aux changements climatiques et aux conséquences qui en découlent.
    De façon générale, que pourrait faire le gouvernement fédéral pour mieux structurer, développer et obtenir des données probantes en matière de changements climatiques?
     L'erreur que nous faisons comme scientifiques est de centrer notre politique de recherche sur le financement et le développement de capacités dans le Sud. On en a d'ailleurs parlé aujourd'hui. Nous savons bien que nous avons de la difficulté à élaborer des stratégies tangibles dans le Nord, parce que nous avons tendance par défaut à appliquer des solutions du Sud dans le Nord. Ça a d'ailleurs été dit quelques fois, ici, au Comité. C'est comme ça que nous procédons.
    La recherche que je fais a pour but d'essayer de développer des compétences dans l'étude des changements climatiques et de valoriser les compétences qu'on retrouve déjà dans le Nord, pour être capable de mettre au point des stratégies. Lors de la dernière réunion, je pense qu'on parlait beaucoup de travailler de façon collaborative pour élaborer des stratégies. Beaucoup de mes publications récentes, ou peut-être d'il y a cinq ou six ans, particulièrement en lien avec mon travail au Nunavik, portent sur l'importance de travailler ensemble. Il faut être capable de rassembler des connaissances autochtones, nordiques et autres pour trouver des solutions très tangibles et élaborer des politiques.
    Parfois, ce sont des trucs qui ne sont pas bien compris par certaines personnes. Il s'agit de trouver des manières de quantifier des connaissances qui seraient autrement mises de côté. Je pense que vous avez parlé de cette question avec Alain Cuerrier. Il est difficile d'aborder cette question, mais il faut vraiment essayer de trouver des chiffres et de faire ce qu'on peut pour valoriser les gens dans le Nord et travailler avec eux afin de trouver des stratégies qui vont fonctionner pour tout le monde.

  (1230)  

     Merci, professeur Brunet.
     Je reviens sur l'essentiel de votre étude. Vous avez parlé de codéveloppement. Les gens du Centre d'études nordiques qui sont à l'Université Laval, à Québec, ont quand même 60 ans d'expertise, ce qui n'est pas rien. Ils ont parlé de la nécessité de ce codéveloppement.
    J'aimerais poser une question beaucoup plus pragmatique. Vous avez parlé des expériences et du savoir autochtone que ces gens ont sur leur propre territoire. Si, en regardant la science et les expériences autochtones, on n'observe pas les mêmes choses, à quoi devons-nous accorder la priorité? Nous élaborons des politiques publiques, ici. Or, nous avons besoin de savoir qui dit les vraies choses et qui peut dire autre chose. De votre point de vue d'expert, quand on arrive devant ce fait, que devons-nous faire?
    Je dirais qu'il est très rare que ça arrive, parce que, souvent, on regarde le même problème sous un angle complètement différent. Souvent, même quand on semble dire des choses différentes, il y a une complémentarité, à mon avis.
    Il faut comprendre que les connaissances autochtones ne sont pas juste des données ou de l'information, mais une façon de procéder. Il faut développer des connaissances ensemble, avoir des relations professionnelles, et déterminer comment faire notre travail de scientifiques. Ne l'oublions pas. Ça nous donne un genre de guide pour travailler ensemble.
     Cependant, quand il y a des problèmes, je dirais qu'il faut revenir à la gouvernance et à la raison première du projet, et déterminer ce qui est important. Si on se pose cette question dans une équipe regroupant des gens locaux, des Autochtones et autres autour d'une table, on est capable de trouver des solutions, de décortiquer un peu les différences et, souvent, de se rendre compte que ce n'est pas si différent qu'on le pensait. Je n'ai pas d'exemple précis à vous donner à cet instant, mais je dirais qu'il n'arrive pas souvent que ça crée vraiment un conflit.
    D'accord. Je comprends.
     Plus tôt, vous avez parlé d'un genre de guide pour travailler ensemble. En science, il y a un guide qui est reconnu par les scientifiques: ce sont les processus et les méthodes d'évaluation scientifique.
    En tant que législateur, j'ai besoin de savoir sur quel avis me baser. Quand des communautés autochtones disent quelque chose et que la communauté scientifique dit autre chose, qui devrais-je écouter?
    Je dirais que ça dépend. C'est une très bonne question, que je me pose souvent.
     Je dirais que la science a tendance à regarder les choses d'une façon plus reculée. Mes travaux au Nunavut, en compagnie de gens qui font du travail sur les ours polaires, m'ont permis de connaître les différences de perception entre des gens qui font des recensements par hélicoptère ou par avion en parcourant d'énormes distances et des gens vivant dans un village qui observent un changement de comportement chez les animaux et remarquent s'il y a plus ou moins d'animaux qui se déplacent vers les villes. Je dirais qu'on a probablement raison des deux côtés. Il faut comprendre aussi que la science et ses méthodes en matière de recensement…

[Traduction]

     Votre temps est écoulé, monsieur Brunet. Vous pouvez envoyer des commentaires supplémentaires au greffier, ou nous pourrons peut-être reprendre cela au deuxième tour.
    Bien sûr.
     Nous allons maintenant donner la parole à M. Cannings pour un tour de six minutes.
    Merci aux deux témoins.
     Je vais poursuivre avec M. Brunet.
    Vous avez parlé de la capacité dans le Nord et d'une situation que nous observons dans une grande partie du Canada rural — pas seulement dans le Nord, mais c'est particulièrement vrai dans le Nord — en ce qui concerne la capacité de travailler, en particulier s'agissant de la science et de la recherche.
    Il y a quelques mois, le Comité a réalisé une étude sur la science citoyenne, qui fait appel aux talents, à l'enthousiasme et, dans certains cas, à l'encadrement de personnes de la région qui ne sont pas des scientifiques formés, mais qui réalisent des projets conçus scientifiquement par des scientifiques formés. Les données ont été recueillies de façon appropriée et analysées.
     Je me demande si ce modèle pourrait être utilisé, et combiné à la présence de petits instituts dans l'ensemble de l'Arctique qui pourraient servir de centres de service à cet effet, ce qui nous aiderait à contourner ce problème de capacité.
    Qu'en pensez-vous?

  (1235)  

    Le concept de science citoyenne n'est certainement pas facile à appliquer dans l'Arctique. Même le mot « citoyen » est un peu délicat à employer dans ces contextes.
    Le problème avec le modèle de la science citoyenne... La science citoyenne rassemble des gens comme moi, qui peuvent observer les geais bleus dans leur jardin et qui ne connaissent rien à l'ornithologie, et des gens qui peuvent être des experts dans ce domaine.
    Dans le contexte autochtone, cela dévalue en quelque sorte l'idée du savoir autochtone et de cette expertise, qui est multigénérationnelle. Je suis certain que vous avez entendu parler des connaissances autochtones au cours des dernières semaines. Il semble y avoir une certaine forme de résistance.
     Je dirais qu'au sein des collectivités autochtones, il y a des gens qui sont des experts reconnus et qui ont les connaissances, qui peuvent contribuer à ce genre de projet et qui sont déjà extrêmement engagés dans la science. À vrai dire ils font partie des gens qui sont en train de s'épuiser à cause de nos exigences — nos exigences croissantes qui leur prennent de plus en plus de temps —, parce que désormais nous parlons de ces sujets importants, alors nous faisons appel à ces experts.
    Je travaille beaucoup avec les jeunes — les jeunes Inuits — et nous essayons d'élaborer ce genre de programmes. Nous essayons de valoriser leurs connaissances, notamment parce qu'ils ont un pied dans une perspective plus occidentale. Ils utilisent des téléphones cellulaires et sont très à l'aise avec la technologie.
    Nous essayons de trouver des façons d'appliquer ce genre de modèle. Nous parlons généralement de programmes communautaires de surveillance. Je travaille beaucoup avec le MPO et ECCC pour établir cette capacité à partir de la base, surtout auprès des jeunes.
    Oui, c'est un bon modèle, mais il pourrait peut-être porter un nom différent dans ce contexte.
    Je comprends tout à fait votre point de vue. C'est une question importante. Merci d'avoir soulevé cet aspect des choses.
     Je me demande comment nous pouvons renforcer cette capacité sans épuiser les quelques personnes qui sont sollicitées à ce titre aujourd'hui.
    C'est un problème que j'ai rencontré...
     Je suis d'accord. C'est un gros problème.
     J'ai passé une partie de ma vie à travailler avec les collectivités autochtones du Sud. J'ai rencontré exactement le même problème.
     Comment pouvons-nous soutenir ces collectivités et mener les recherches qu'elles veulent voir aboutir, qui sont importantes pour elles et pour leur vie, sans les surcharger? Comment le gouvernement fédéral peut‑il aider?
     Je pense que cela nous renvoie à ce que l'autre témoin a dit, à savoir que les collectivités sont hétérogènes. Il est difficile de comprendre les désirs des collectivités. J'ai l'habitude de travailler avec certains groupes de dirigeants pour comprendre cela. Je discute avec les gens. C'est un peu ce que je fais, n'est‑ce pas? Je discute avec les gens de ce qu'ils attendent de la recherche. C'est exactement le genre de choses que je fais.
    Une fois que vous avez établi cela, pour faire de la bonne recherche en ville, vous avez besoin de toute une série de choses et c'est ce sur quoi je travaille en ce moment. Je mène actuellement un projet de recherche sur l'infrastructure de recherche dans les collectivités et sur ce que cela signifie. L'un des enjeux, comme je l'ai dit, est l'espace communautaire. Il n'y a pas d'espaces disponibles. Je travaille à Pond Inlet, par exemple, qui est un hameau relativement grand au Nunavut. Il y a une station de recherche d'Environnement Canada qui est assez petite, et il n'y a pas vraiment de place disponible pour la recherche communautaire.
    C'est ce que j'essayais de faire valoir tout à l'heure. Nous avons tendance à penser que la recherche dans l'Arctique se fait à l'extérieur, sur le terrain, mais qu'en est‑il des demandes de subventions? Qu'en est‑il de l'analyse des données? Qu'en est‑il de l'espace de laboratoire pour les collectivités?
    Certains le font. Ils ont des partenariats avec l'Université Laval, par exemple, et on a parlé tout à l'heure du Centre d'études nordiques. Ce sont des endroits qui construisent activement des stations de recherche et qui essaient d'établir de bons partenariats pour les concevoir. Je pense que ce sera vraiment utile.
    Je le répète, je pense que l'idée serait d'avoir quelque chose de plus que le Collège de l'Arctique. C'est merveilleux, mais il n'y a pas grand monde à Iqaluit. Il serait formidable d'avoir une université décernant des diplômes au Nunavut, parce que les gens pourraient s'y former au lieu de venir dans le Sud. Quelques étudiants et collègues du Nunavut ont essayé de venir dans le Sud pour obtenir un diplôme, mais cela n'a souvent pas donné de bons résultats pour eux.

  (1240)  

     Merci, monsieur Brunet.
    Je vais m'arrêter ici.
    J'ai bien peur que notre temps soit écoulé. Merci.
    Nous allons maintenant passer à notre deuxième série de questions. Nous allons commencer par M. Lobb, pour cinq minutes. Allez‑y.
     Merci beaucoup, madame la présidente.
     Je remercie nos deux témoins de leurs observations.
    Madame Shadian, votre biographie indique que vous avez passé 20 ans à vivre et à travailler dans l'Arctique nordique et nord-américain comme chercheuse, professeure et consultante. Je ne veux offenser aucun des autres témoins qui ont comparu au cours des nombreuses réunions que nous avons tenues sur ce sujet, mais peu d'entre eux peuvent se targuer d'avoir vécu, travaillé et fait des recherches dans la région pendant 20 ans.
    Quels avantages cela procure‑t‑il d'après vous? De plus, est‑ce quelque chose que nous devrions examiner de plus près? Est‑ce faisable?
     Permettez-moi de clarifier. Je fais de la recherche dans l'Arctique et comme chercheuse spécialiste de l'Arctique depuis 20 ans, j'ai vécu dans l'Arctique pendant environ 6 ans. Je voulais que ce soit clair, parce que je ne vis pas dans le Nord en ce moment.
    Je pense qu'il est absolument nécessaire de passer du temps dans le Nord pour s'en faire une idée et le comprendre, pour connaître le contexte et l'analyser. S'ils veulent faire de la recherche là‑bas ou se concentrer là‑dessus, les Canadiens devraient se rendre dans le nord de leur pays. Pour ma part, cependant, le fait de vivre dans le Nord de la Norvège m'a montré en quoi la vie par 72° de latitude nord était différente et j'ai pu découvrir les caractéristiques de cette partie septentrionale de mon pays sur le plan de la prospérité, du développement économique et de la qualité de vie des gens. Cela m'a beaucoup éclairé. Pourquoi pensons-nous que tout y est impossible, qu'il fait trop froid et qu'on ne peut rien faire? Je pense qu'il y a un problème de volonté nationale vis‑à‑vis du Nord. Lorsque je vivais là‑bas, j'avais une connexion Internet extraordinaire que je me trouve dans un tunnel ou sur un pont, cela n'avait pas d'importance, je pouvais continuer à téléphoner.
    Si vous voulez faire de la recherche dans le Nord, il est évident que vous devez y passer du temps, et pas seulement deux semaines en faisant l'aller-retour en avion, ce genre de choses. Il faut se rendre sur le terrain.
    Je pense aussi que nous avons besoin de plus de possibilités. Cela nous ramène au fait d'avoir des établissements, des établissements universitaires à part entière, dans le Nord. Nous avons besoin de plus de possibilités pour les gens qui font de la recherche, ou qui veulent en faire, d'aller travailler dans le Nord, d'y rester et d'y vivre.
    J'ai été approchée par un professeur de génie mécanique à l'Université de Toronto, qui voulait participer au dernier appel dans le cadre de cette initiative conjointe internationale de développement durable de l'Arctique dirigée par NordForsk. Il fait partie d'un centre de technologie avancée des revêtements. Il m'a dit qu'il savait que nous faisions de l'innovation dans l'Arctique et en dehors de l'Arctique et que notre équipe de direction était composée à 54 % d'Autochtones. Il voulait savoir si cela nous intéresserait. J'ai répondu: « Oui. » Il disposait d'une technologie dont il pensait qu'elle pourrait fonctionner pour le Nord, même si ses partenaires sont en Norvège et en Finlande. J'ai répondu: « Eh bien, je ne sais pas. Nous ne savons pas. Faisons un projet de recherche sur les besoins dans le Nord. » Il s'agit de l'infrastructure et de cette technologie adaptée aux climats froids qui pourrait être appliquée à l'infrastructure.
    J'ai pensé que nous pourrions nous associer à un groupe autochtone du Nord, le Secrétariat du Sahtu, parce qu'il essaie de construire une route. J'ai pensé que ce serait une belle collaboration entre les deux, parce qu'ils pourraient échanger concernant les besoins en matière de technologies et d'infrastructures routières d'une part, et concernant les possibilités qu'offre cette technologie d'autre part. Qui sait quel serait le résultat de cette collaboration? Pour une raison ou une autre, le Secrétariat du Sahtu n'était pas admissible au titre de co‑chercheur principal dans le cadre de ce partenariat, alors nous ne l'avons pas fait. Aucune demande n'a été présentée.
     Oui, il faut être dans le Nord, il faut aller dans le Nord et il faut y passer du temps, mais ce ne devrait pas être comme aller sur la Lune. Nous devrions être en mesure d'aller dans le Nord, de faire de la recherche et d'y faire une carrière universitaire.
    Me reste‑t‑il du temps?
    Il vous reste 30 secondes.
    Pour poursuivre dans la même veine, je pense que parfois les gens de Toronto pensent que c'est comme aller sur la lune que de se rendre dans le Sud-Ouest de l'Ontario, où je me trouve. La centrale nucléaire de Bruce Power est située dans ma circonscription. Le PDG, Mike Rencheck, a décidé que quiconque voulait faire affaire avec Bruce Power dans le cadre de son projet de réfection de plusieurs milliards de dollars devait établir un bureau dans les comtés de Bruce, de Grey ou de Huron et y établir une main-d'œuvre.
    Lors de la dernière réunion, Warwick Vincent a parlé de 40 organisations différentes qui font de la recherche dans l'Arctique. C'est un problème, mais il faut que ces organisations s'établissent et prennent des engagements en matière d'infrastructure et de ressources humaines pour poursuivre dans cette voie, parce qu'il y a là une lacune.
    Merci.

  (1245)  

     Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à M. Chen, pour cinq minutes. Allez‑y monsieur.
     Merci, madame la présidente.
    Je remercie les témoins de comparaître devant le Comité aujourd'hui.
    Ma question s'adresse à M. Brunet, il semble très prometteur que l'infrastructure s'améliore dans le Nord. Vous avez mentionné qu'il est maintenant possible de faire un appel Zoom, alors qu'il était difficile d'avoir une connexion téléphonique par le passé.
    En ce qui concerne la recherche de grande envergure, qui exige non seulement une infrastructure et une collaboration significative avec les Inuits, mais aussi du temps, vous avez dirigé des projets pluriannuels dans le Nord. Quelle a été l'incidence de la pandémie sur les progrès de la recherche pluriannuelle?
     C'est une excellente question.
     En fait, j'ai reçu une subvention il y a deux ans pour étudier les conséquences de la pandémie sur la recherche et sur l'innovation en matière de recherche dans le Nord, parce que nous ne pouvions plus y aller. C'est une aventure vraiment intéressante, je dirais, dans la recherche, avec cette étrange expérience grandeur nature qui s'est produite soudainement... Mes collègues qui travaillent à l'échelon fédéral, par exemple, n'ont pas pu se rendre sur place pendant près d'un an et demi. À un moment donné, j'avais un collègue à Environnement Canada. Je me suis rendu à la station de recherche parce qu'il n'y était pas allé depuis très longtemps — et c'est lui qui s'en occupait — et j'avais un peu plus de latitude pour m'y rendre.
     J'ai constaté que, malheureusement, un grand nombre de ces programmes de recherche pluriannuels n'ont pas pu continuer de fonctionner normalement quand les gens du Sud n'étaient pas présents. Je crois toutefois — et cela nous ramène au leadership dans le Nord — que certains programmes ont pu se poursuivre. Je pense que cela revient à ce que Mme Shadian a dit au sujet de l'équipement de télédétection. Une partie de cet équipement a continué de fonctionner et les données ont pu être recueillies. Ceux qui ont le mieux réussi avaient des collaborateurs sur place qui recueillaient et examinaient les données à l'échelle locale également. Ils étaient formés et avaient cette capacité dans les villes.
     Je vais évoquer une initiative dont vous avez peut-être entendu parler, qui s'appelle SmartICE. SmartICE est devenue une sorte d'entreprise sociale. Elle a des opérateurs dans une foule de... Je ne connais pas les chiffres, mais je dirais que dans l'ensemble de l'Inuit Nunangat et, je crois, au moins au Nunatsiavut et au Nunavut, dans l'Est de l'Arctique canadien et dans l'Ouest, ces programmes se sont bien déroulés. Ils n'avaient plus besoin que nous venions dans le Nord.
    C'est peut-être le but que je vise: véritablement travailler à me rendre inutile. Il a fallu de nombreuses années pour établir ces partenariats et intégrer cet élément de formation pour avoir ce niveau d'indépendance.
     Il y a des exemples éclairants que nous pouvons étudier pour trouver des solutions.
     À propos de l'établissement de partenariats, vous avez dit dans votre témoignage que la participation locale n'a augmenté que légèrement et qu'il y a très peu d'études menées par des habitants de l'Arctique. La sortie de la pandémie pourrait être l'occasion de faire avancer l'objectif de l'autodétermination des Inuits, dont vous avez parlé, et d'intégrer le savoir autochtone dans le travail des chercheurs, tout en renforçant la capacité des collectivités inuites de diriger ou d'administrer la recherche dans le Nord.
     Y a‑t‑il eu des progrès, après que des projets pluriannuels ont été touchés, pour revoir la façon dont le travail se fait dans le Nord?

  (1250)  

     En résumé, je ne sais pas encore quelles ont été les conséquences précises de la pandémie.
    Le travail que j'ai fait a consisté à utiliser les résultats publiés, ce qui peut sembler étrange; de toute évidence, c'est un outil imparfait, mais c'est un outil qui permet d'essayer de mesurer le niveau de participation et son importance. Le but était d'examiner différents facteurs dans les articles de recherche pour comprendre comment la participation a changé depuis les années 1960. Je pourrais vous l'envoyer au lieu d'en parler, mais... Ce travail, qui s'étendait jusqu'en 2020, a pris fin. Je n'ai pas vraiment examiné les répercussions au cours des quatre ou cinq dernières années, depuis le début de la pandémie, sur ces tendances.
     La hausse considérable de la participation à laquelle nous pensons assister reflète le fait que la science dans l'Arctique est très vaste. Énormément de travaux sont accomplis. Nous entendons généralement beaucoup parler du travail extraordinaire qui est dirigé par la communauté, auquel participe la communauté — peu importe — et nous autres universitaires aimons en parler, mais nous oublions parfois qu'environ 99 % de la recherche ne fonctionne pas ainsi, et c'est principalement ce que ce travail a tenté de mettre en lumière.
    Je vais m'arrêter là.
     Merci. Si vous voulez bien nous faire parvenir les renseignements supplémentaires dont vous avez parlé, nous vous en serions reconnaissants.
    Avec plaisir.
     Ce serait formidable.
    Nous allons maintenant passer à M. Blanchette-Joncas pour deux minutes et demie.

[Français]

     Merci, madame la présidente.
    Madame Shadian, j'ai beaucoup apprécié votre allocution d'ouverture, qui était très intéressante. Votre expertise à l'international nous permet de faire des comparaisons et de voir ce que nous pouvons améliorer au Canada en ce qui a trait à la recherche nordique. La conseillère scientifique en chef a analysé le Programme du plateau continental polaire et, dans son dernier rapport, elle mentionnait que le Canada n'était pas un chef de file en matière de recherche nordique. Or, il devrait aspirer à l'être, puisque 40 % de son territoire est arctique.
    Concrètement, qu'est-ce que les autres pays font mieux, dont le Canada pourrait s'inspirer?

[Traduction]

    Je pense que cela nous ramène à la nécessité d'avoir une stratégie pour l'Arctique. C'est là que le volet scientifique entre en jeu.
    Je crois avoir écouté chaque réunion de cette étude. Nous avons des chercheurs exceptionnels au Canada. J'ai beaucoup appris en les écoutant. Ils ont fait des contributions très importantes.
    Cependant, j'ai aussi entendu dire — et c'est ce que je crois profondément — que, même si tous ces gens font des choses extraordinaires, les efforts sont très dispersés. Nous ne disons jamais: « Voici les quatre objectifs que nous allons atteindre collectivement au Canada, et nous serons les meilleurs au monde à cet égard. » Cela permettrait de faire en sorte que tout y contribue d'une façon ou d'une autre. La recherche pourrait alors être réalisée et reconnue. Les efforts de recherche seraient rassemblés et auraient un objectif stratégique. C'est ce dont je parlais. C'est l'intersection entre les nouvelles connaissances et la science appliquée. Nous avons la capacité de rassembler tous les travaux et de les orienter vers un objectif. C'est dans la recherche appliquée que les résultats sont très évidents.
     Je pense que le problème le plus important...

[Français]

    Madame Shadian, je suis désolé de vous interrompre, mais je dois…

[Traduction]

    ... il se passe beaucoup de choses, mais nous n'avons aucun moyen de faire un état des lieux des recherches en cours et des capacités dont nous disposons, ce qui permettrait que ce soit vraiment utile.

[Français]

    C'est parfait.
    J'aimerais avoir votre avis sur la citation suivante, tirée du rapport de la conseillère scientifique en chef: « Pour que le Canada réalise son potentiel, il faut une meilleure coordination entre toutes les organisations qui soutiennent la recherche nordique ou y participent, ainsi qu'une plus grande participation des populations autochtones locales dans le Nord ».
    Avez-vous vu le gouvernement réagir à ça? A-t-il élaboré une stratégie nationale?

[Traduction]

     Absolument. Tous les chercheurs universitaires qui travaillent dans l'Arctique font de l'élaboration conjointe. C'est ainsi que cela fonctionne, vous n'avez pas le choix. C'est de là que viennent les données scientifiques de qualité et la production de connaissances. Il y a énormément de collaboration.
     Monsieur Brunet, vous avez parlé du savoir autochtone et de la science occidentale. Vous savez en matière de recherche, lorsque les bonnes questions sont posées ensemble, elles se complètent. Je pense que nous nous débrouillons très bien à cet égard. Nous avons de nouvelles connaissances, mais l'approche doit être stratégique. Ces nouvelles connaissances produisent de l'information pour les sciences appliquées. Ces sciences appliquées sont — devraient être, doivent absolument être et seront — coproduites avec... Il s'agit des technologies du logement, des technologies de l'infrastructure et des technologies énergétiques. Ce sont des domaines dans lesquels nous pourrions être des chefs de file mondiaux, et les habitants du Nord ont des attentes et des besoins à cet égard.
    Il y a tout lieu de collaborer. Par conséquent, nous avons besoin de plus de partenariats dans les domaines de l'ingénierie, de l'architecture, de l'économie et des finances d'entreprise — tout ce dont il a été question plus tôt. Je ne comprends pas pourquoi il n'y a pas plus d'Autochtones dans le Nord qui ont des diplômes en finance ou qui créent des entreprises. Est‑ce parce que nous n'avons pas les universités?
    Il y a des échanges. Les efforts sont dispersés.

  (1255)  

    Notre temps est écoulé. Merci beaucoup.
    Pour la dernière question, nous passons à M. Cannings, pour deux minutes et demie.
     Merci.
    Je vais poursuivre avec Mme Shadian.
    J'aimerais d'abord faire un petit état des lieux et comparer l'Arctique canadien au reste de l'Arctique, surtout en Europe. Je reconnais votre expérience dans le nord de la Norvège. Oui, Tromsø est à la même latitude que Tuktoyaktuk, mais ce canton compte plus de 60 000 habitants. Cette ville est 2 fois plus peuplée que l'ensemble du Nunavut et 20 fois plus qu'Inuvik. Il y fait aussi beaucoup plus chaud. Son climat ressemble davantage à celui de Prince Rupert. Je relativise la comparaison. Les défis que nous devons relever dans l'Arctique canadien sont, je crois, beaucoup plus vastes. Pourquoi mettrions-nous à l'essai des véhicules à Inuvik alors que nous pourrions le faire à Edmonton ou à Saskatoon dans les mêmes conditions?
    Je vous suis très reconnaissant d'avoir mentionné le logement, car je pense que c'est un élément essentiel des défis qui se posent dans l'Arctique et c'est un domaine dans lequel nous pourrions être des chefs de file. J'aimerais consacrer le reste du temps de parole au logement. Que devrions-nous faire selon vous pour la recherche en matière de logement et la construction de logements dans le Nord?
     Là encore, il faut une vue d'ensemble.
    Eh bien, tout d'abord, peu de gens vivent dans le Nord, parce que nous ne pouvons même pas loger les gens qui y vivent actuellement. Nous avons besoin de nouvelles technologies pour le logement, et cela nous ramène à la nécessité de réunir les gens les meilleurs et les plus brillants — ce qui inclut les habitants du Nord, bien sûr — et de déterminer ce qu'est un logement approprié, comment il devrait être construit pour garantir qu'il résiste au pergélisol et au climat froid. Ces technologies devraient ensuite être déployées, parce que les changements climatiques se produisent partout et que les climats froids existent ailleurs qu'en Arctique.
     Je dois cependant vous poser une question: puisque le Nord canadien est si grand, pourquoi n'est‑ce pas aussi une occasion à saisir? Notre littoral est immense. Nous avons des occasions de tirer le meilleur parti du Nord canadien. Les habitants du Nord veulent vivre dans la sécurité, la joie et la réussite.
    Plus de 40 % de notre territoire se trouve dans le Nord. J'ai donc du mal à dire que c'est différent, et que les conditions y sont très difficiles. Je pense qu'il y a beaucoup de possibilités, et les gens du Nord veulent avoir accès à ces possibilités. Nous avons simplement besoin d'une sorte de volonté nationale, et nous devons commencer quelque part. Nous avons besoin de logements, mais comment pourrons-nous en avoir plus si nous n'avons pas d'énergie ou d'eau? Donc...
    Merci. Notre temps est écoulé. Je suis désolée. Il n'y a jamais assez de temps.
     Je tiens à remercier les deux témoins, M. Brunet et Mme Shadian, de leurs témoignages et de leur participation à l'étude du Comité sur la science et la recherche dans l'Arctique canadien en lien avec le changement climatique. Si vous avez d'autres commentaires ou documents à soumettre, n'hésitez pas à le faire auprès du greffier.
    Plaît‑il au Comité de lever la séance aujourd'hui?
    Des députés: D'accord.
    La présidente: Merci de votre excellent travail aujourd'hui. La séance est levée.
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