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Chers collègues, je déclare la séance ouverte.
Nous avons un peu de retard, mais nous pourrons poursuivre la réunion jusqu'à 17 h 45 et la diviser en deux périodes d'une heure.
Pour la première heure, nous recevrons trois représentants du Bureau du vérificateur général, soit Karen Hogan, vérificatrice générale, Andrew Hayes, sous-vérificateur général, et Nicholas Swales, directeur principal.
Vous connaissez bien le fonctionnement de notre comité, je n'ai donc pas besoin de vous de donner des instructions. Vous m'avez déjà prévenu que vous alliez peut-être dépasser les cinq minutes d'une seconde ou deux, mais je suis parfaitement disposé à user du pouvoir discrétionnaire de la présidence pour vous accorder ce dépassement, étant donné que vous êtes la vérificatrice générale.
Merci.
Nous sommes impatients d'entendre ce que vous avez à dire.
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Je vous remercie. Je vais m'efforcer de parler rapidement — toutes mes excuses aux interprètes — pour respecter le temps qui m'est imparti.
Monsieur le président, je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître devant votre comité dans le cadre de son étude sur les processus d'approvisionnement et leur incidence sur l'état de préparation des Forces armées canadiennes.
Je tiens à souligner que cette audience se déroule sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe.
Je suis accompagnée aujourd'hui d'Andrew Hayes, sous-vérificateur général, et de Nick Swales, directeur principal et expert des questions de défense nationale qui a mené de nombreux audits relatifs à l'approvisionnement.
Je souhaite attirer l'attention du Comité sur un certain nombre de thèmes qui ressortent de nos audits et qui sont liés à l'approvisionnement en matière de défense.
Je parlerai d'abord des retards et des changements de portée ainsi que de leur incidence sur le renouvellement des flottes en temps opportun. Lorsque le renouvellement de la flotte est retardé, les aéronefs et les navires vieillissants demeurent en service au‑delà de leur durée de vie utile prévue ou sont retirés avant que les appareils ou navires de remplacement soient opérationnels. Le maintien en service des aéronefs et des navires vieillissants entraîne également une augmentation des coûts d'exploitation et d'entretien.
En 2021, nous avons audité la Stratégie nationale de construction navale, dont le lancement a eu lieu en 2010. La stratégie prévoit la construction d'au moins 50 grands navires de science et de défense de différentes catégories sur une période d'environ 30 ans. Dans l'ensemble, nous avons constaté que la livraison de nombreux navires avait connu d'importants retards en raison de difficultés liées à la conception et à la construction.
Par exemple, des soudures problématiques ont été découvertes dans les navires hauturiers de science halieutique, et il a fallu du temps pour procéder à leur examen et à leur réparation. Ces problèmes ont retardé les calendriers de construction d'autres navires, augmentant ainsi le risque que les navires ne soient pas prêts à répondre aux besoins au moment voulu.
Dans notre récent rapport d'audit sur la surveillance des eaux arctiques du Canada, que le Comité a étudié en décembre 2022, nous avons constaté que les retards persistent, tout comme leurs répercussions. L'audit a également permis de repérer des risques de lacunes sur le plan des capacités de surveillance, de patrouille et de présence, car les satellites et les aéronefs de patrouille vieillissants peuvent également atteindre la fin de leur durée de vie utile avant que l'équipement ou les appareils de remplacement ne deviennent disponibles.
Le remplacement de la force aérienne de combat du Canada est un autre exemple de retards ayant une incidence sur l'état de préparation. Le Canada a acheté ses CF‑18 au début des années 1980 et prévoyait les remplacer après environ 20 années de service, ce qui ne s'est pas produit. En 2016, le gouvernement a exigé que la Défense nationale ait chaque jour un nombre suffisant d'avions de chasse disponibles pour répondre au niveau d'alerte le plus élevé du Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord, ou NORAD, et honorer de façon simultanée l'engagement du Canada envers l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, ou OTAN. La Défense nationale devait donc augmenter de 23 % le nombre d'avions de chasse disponibles pour ses opérations. Afin de répondre à ces nouvelles exigences, le gouvernement a acheté à l'Australie des avions de chasse d'occasion qui ont environ 30 ans et présentent les mêmes limites opérationnelles que la flotte de CF‑18 en service au Canada.
[Français]
Cela m'amène au deuxième thème que je souhaite soulever, à savoir que, si on ne dispose pas du personnel nécessaire à l'utilisation et à l'entretien de l'équipement, le problème lié à l'état de préparation demeure.
Dans le cas des avions de combat du Canada, le ministère de la Défense nationale prévoyait dépenser environ 3 milliards de dollars pour acheter et exploiter les aéronefs australiens et pour prolonger la durée de vie de sa flotte. Cependant, le ministère n'avait pas de plan pour gérer la pénurie de pilotes d'expérience et le déclin de la capacité de combat des CF‑18. L'achat d'aéronefs supplémentaires ne suffisait pas à répondre aux besoins du NORAD et de l'OTAN.
En 2022, dans le cadre de notre suivi concernant des audits antérieurs, nous avons constaté que le ministère de la Défense nationale avait augmenté le nombre d'aéronefs et de pilotes disponibles pour les opérations, mais pas le nombre de techniciennes et de techniciens. Comme la mise en œuvre des stratégies de recrutement et de maintien en poste était en cours au ministère de la Défense nationale, il restait certains postes à pourvoir.
Le dernier thème que je souhaite porter à votre attention aujourd'hui est la gestion des stocks. Depuis une vingtaine d'années, nous soulevons des problèmes à ce sujet dans le cadre de nos travaux d'audit d'états financiers. Nous avons examiné de façon approfondie la chaîne d'approvisionnement des Forces armées canadiennes au cours d'un audit de performance effectué en 2020. Nous avons constaté que, dans 50 % des cas, les unités militaires avaient reçu le matériel en retard, notamment des pièces de rechange, des uniformes et des vivres. Les articles prioritaires requis pour satisfaire aux besoins opérationnels critiques étaient livrés en retard encore plus souvent, soit dans 60 % des cas. Ces retards, qui étaient souvent attribuables à des pénuries de stock, ont réduit la capacité du ministère de la Défense nationale à s'acquitter de ses missions et à gérer ses ressources avec efficience.
Ces audits soulignent l'importance d'approvisionner les forces militaires canadiennes et de renouveler les flottes en temps opportun pour prévenir des lacunes sur le plan des capacités qui pourraient empêcher le Canada de respecter ses engagements relatifs à la défense et à la science à l'échelle nationale et internationale.
Je termine ainsi ma déclaration d'ouverture. Nous serons heureux de répondre aux questions des membres du Comité.
Merci.
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Je dirais qu'il y a plusieurs facteurs qui entrent en ligne de compte.
La planification du cycle de vie n'est pas très bonne en ce qui concerne l'approvisionnement en matériel militaire. Les problèmes auxquels le Canada risque d'être confronté ne sont pas apparus du jour au lendemain: tout le monde sait qu'un navire ou un avion a une durée de vie utile. Il faut une meilleure planification à cet égard.
Je voudrais ensuite souligner la complexité des processus de passation des marchés, qui ne se limitent plus au simple achat d'un bien. En effet, de nombreux marchés publics visent à accomplir plusieurs choses, qu'il s'agisse de créer une industrie, comme dans le cas de la construction navale, ou d'essayer de dégager des avantages économiques de ces marchés. Il y a un compromis à faire lorsque l'on essaie d'accomplir plusieurs choses dans le cadre d'un seul processus d'approvisionnement.
Enfin, je dirais qu'il n'y a pas vraiment de résultat stable. À quoi devraient ressembler les Forces armées canadiennes et de quoi ont-elles besoin? Il doit y avoir un véritable consensus à ce sujet au sein du gouvernement.
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie d'être ici aujourd'hui et de reconnaître la complexité de ces décisions et des processus d'approvisionnement ainsi que le temps nécessaire pour évaluer les fournisseurs potentiels, en particulier pour les projets de grande valeur.
Je crois que vous avez laissé entendre qu'il y a manifestement un besoin important de personnel supplémentaire. Vous avez sans aucun doute évoqué les retards, qui sont au cœur de la discussion que nous avons aujourd'hui. En effet, nous sommes tous préoccupés par les retards et par la capacité à répondre aux besoins au fur et à mesure qu'ils se présentent. Il a fallu de nombreuses années simplement pour en venir à une décision sur les avions de chasse.
Vous avez parlé des retards comme d'un problème majeur, vous avez parlé de la disponibilité du personnel et de sa capacité ainsi que de son expertise pour prendre des décisions, et vous avez parlé de la gestion de l'inventaire et de certains retards en ce qui concerne le maintien d'un inventaire adéquat. Je présume que vous avez été en mesure d'effectuer un audit efficace malgré certains de ces retards. Vous avez manifestement pris connaissance des problèmes.
Que peut‑on faire? Avez-vous des solutions aux problèmes qui ont été relevés? Quelles sont vos suggestions?
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Madame la vérificatrice générale, je vous remercie de votre présence et de vos remarques d'ouverture.
J'aimerais revenir sur la durée de vie et le cycle de vie des appareils. Vous avez mentionné qu'on devait souvent prolonger leur exploitation au-delà de leur durée de vie et que cela engendrait des coûts assez élevés. Je vais donc vous poser une question en deux temps.
Arrive-t-il de façon presque systématique qu'on dépasse la durée de vie utile du matériel qu'on a?
Le cas échéant, est-ce parce qu'on évalue de façon trop positive la durée de vie du matériel? Comme il y a toujours des aléas, ne devrait-on pas prévoir une période tampon en réduisant de quelques années la durée de vie estimée du matériel, pour s'assurer de ne jamais l'atteindre ou la dépasser?
J'aimerais entendre vos commentaires généraux là-dessus.
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C'est un enjeu que nous avons soulevé lors de nos audits financiers aussi. Vous parlez de notre audit de performance, mais, tous les ans, la question de la gestion des stocks au ministère de la Défense nationale est soulevée dans les Comptes publics du Canada. Beaucoup de recommandations ont été faites. Le ministère de la Défense nationale a un plan stratégique d'une dizaine d'années. Il fait des progrès tous les ans, mais cela prend du temps.
Dans le cadre de l'audit de performance, nous avons recommandé de s'assurer que toutes les demandes dites critiques le sont réellement. Parfois, des gens peuvent dire qu'une demande ordinaire est critique pour en accélérer le traitement. Cela se produit parfois, mais le gros problème est vraiment la gestion des stocks. Il faut être en mesure de planifier pour déterminer de quel matériel on a besoin, à quel endroit et à quel moment.
En somme, il faut mieux gérer les stocks. Le gouvernement ne gère pas efficacement ses stocks, mais il est très bon pour répondre à des urgences. Nous avons même donné un exemple, dans notre rapport, où le gouvernement a été en mesure d'acheminer l'équipement nécessaire, mais où le processus n'a pas été efficace, car il y avait beaucoup de coûts de transport, notamment. À l'avenir, il faudrait mieux estimer les besoins au quotidien des Forces armées.
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Merci, monsieur le président.
Madame Hogan, aux États-Unis, il y a eu une enquête de six mois sur les dépenses militaires. C'est 60 Minutes qui s'est penché là‑dessus. Cela a incité plusieurs sénateurs à demander au secrétaire à la Défense de faire un audit interne. L'audit a révélé que le processus d'approvisionnement militaire était en proie à des inflations de prix arbitraires de la part de l'industrie elle-même. Deux facteurs importants sont ressortis de cette enquête, à savoir la concentration d'une poignée d'acteurs de l'industrie et la réduction massive du nombre de fonctionnaires affectés à l'évaluation des projets d'approvisionnement.
À un moment donné, certaines de ces entreprises ont augmenté leurs bénéfices totaux d'environ 40 %, allant parfois jusqu'à 4 000 %. Une loi fédérale américaine interdit de vendre des équipements militaires à des clients internationaux à un prix inférieur à celui payé par les États-Unis.
En déduisez-vous que si nous achetons des équipements américains auprès de ces mêmes producteurs, ils gonfleront alors le prix des produits achetés par les Canadiens?
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Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup à vous d'être ici, madame Hogan, et merci à votre équipe.
C'est une conversation très intéressante. Nous avons beaucoup parlé de choses semblables, mais je voudrais parler de la Stratégie nationale de construction navale.
Vous avez parlé de compromis, d'un juste milieu, peut-être, entre un approvisionnement rapide et la création d'une industrie, comme nous le faisons au Canada. Nous avons connu des hauts et des bas dans notre histoire. Nous construisons deux ou trois navires, puis nous laissons partir les gens compétents, dans l'espoir qu'ils trouvent d'autres emplois. Puis, peut-être 30 ans plus tard, lorsque nous avons besoin de nouveaux navires, nous essayons de refaire la même chose.
Vous avez parlé d'environ 50 navires construits sur 30 ans à l'échelle du pays, mais plus particulièrement dans la région de l'Atlantique, et je dirais que la construction de chaque navire est beaucoup plus efficace que la précédente, même si je pense que plus nous construisons de navires, moins nous gagnons en efficacité d'une fois à l'autre. Ce que nous voyons maintenant en Nouvelle-Écosse, en particulier à Halifax — et il y a aussi des chantiers à Dartmouth et à Cole Harbour —, c'est que nous sommes en train de bâtir une industrie de pointe et d'augmenter notre capacité en construction navale.
Je peux vous dire avec certitude, d'après ce que j'ai vu, que l'expertise qui se construit ici et les emplois indirects qui sont créés au Canada ont beaucoup de valeur. Nous figurons parmi les meilleurs constructeurs de navires au monde maintenant. Cela semble être la voie de l'avenir.
Votre travail, bien sûr, consiste à vous assurer que nous en avons pour notre argent. Trouvez-vous utile de créer une telle industrie nationale, même si sa valeur peut ne pas être perceptible dès le premier jour, mais plus vers le milieu ou la fin d'un contrat?
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La stratégie de construction navale avait vraiment trois objectifs: renouveler la flotte, créer un secteur maritime et générer des retombées économiques pour le Canada. Vous avez raison: bon nombre de ces objectifs sont vraiment à long terme.
Aujourd'hui, il serait difficile de vous dire que cet investissement est rentable, mais c'est le choix politique que le pays a fait pour l'avenir. Il s'agit maintenant de faire un suivi et de ne pas oublier les objectifs, mais ils s'accompagnent, comme je l'ai dit, de compromis. La création d'un secteur maritime se fera lentement, le temps qu'on se prépare à atteindre l'objectif prévu dans la stratégie de construction navale.
Là où les choses auraient pu être accélérées, c'est dans la négociation des contrats pour déterminer qui paie quoi. Est‑ce le secteur privé? Est‑ce le gouvernement? Comment arrivera‑t‑on à nos fins?
Il a fallu environ sept ans entre le premier accord-cadre et l'ouverture du chantier naval et la construction du premier navire. C'est très long juste pour négocier ce qui devra se passer. Cela retarde la construction de tous les futurs navires par ricochet.
La rentabilité peut se mesurer de bien des façons. Même s'il peut y avoir des avantages économiques, les longs délais et les coûts engendrés par la prolongation de la durée de vie des navires peuvent peser plus lourd dans la balance. Encore une fois, il s'agit de prendre des décisions plus rapides en ce qui concerne les besoins des Forces armées canadiennes.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Madame Hogan, j'aimerais revenir sur un commentaire que vous avez fait concernant la nécessité d'un consensus pour l'avenir des forces armées. J'aimerais que vous nous en disiez davantage à ce sujet.
Par exemple, vous pourriez nous parler de ce qui se fait dans d'autres pays, où il semble qu'une révision des politiques soit faite par des fonctionnaires tous les deux ans, pour assurer la continuité des méthodes d'approvisionnement, plutôt que de procéder à des changements dans les politiques après chaque élection.
Est-ce quelque chose que nous devrions considérer?
Quels éléments sont problématiques, plus précisément, en ce qui concerne la durée des politiques et le consensus à leur sujet?
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Oui. Je vais vous donner un exemple. Nous avons eu un désaccord sur une recommandation concernant les prestations liées à la COVID et les mesures de recouvrement de l'Agence du revenu du Canada. Nous avons tout de même fait une recommandation officielle, en sachant très bien que nous ne serions pas d'accord.
Dans d'autres cas, nous nous rapprochions peut-être davantage de la stratégie politique et il était possible de réaliser l'esprit de la recommandation d'une autre façon. Le Programme des travailleurs étrangers temporaires en est un exemple. Nous voulions faire une recommandation au sujet de la qualité des logements, et nous l'avons faite, mais nous ne voulions pas empiéter sur les compétences provinciales, alors nous avons dû ajuster notre recommandation en conséquence.
Dans l'exemple qui a été donné plus tôt au sujet de nos avions de chasse, nous nous rapprochions justement de la stratégie politique. Si l'on regarde cette recommandation à ce moment‑ci, en tenant compte du fait que notre objectif d'audit à l'époque était d'améliorer notre capacité de respecter nos obligations envers le NORAD et envers l'OTAN en même temps, nous avons axé notre recommandation sur le personnel.
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Merci, monsieur le président, et merci à vous tous d'être ici aujourd'hui.
D'après le processus d'approvisionnement, tel que vous l'avez décrit, il semble que l'expertise soit bel et bien là, mais on entend à répétition qu'il y a un problème de capacité. On dirait presque que quand un gros contrat s'annonce, tout le monde met l'épaule à la roue pour répondre aux besoins, quels qu'ils soient, puis les gens passent à autre chose dès que c'est terminé, pour se consacrer au nouveau grand projet de l'heure.
Je me demande simplement si pour les Forces armées canadiennes, en particulier, étant donné que l'équipement exige... Prenons l'exemple de la construction navale ou de l'achat d'aéronefs. Il faut constamment planifier à long terme. Le problème s'explique‑t‑il en partie par le fait qu'il n'y a pas d'équipe spécialisée ou que l'on n'évalue pas... Au lieu d'avoir une équipe spécialisée, on procède davantage selon les besoins. C'est un peu comme un tourbillon au gouvernement: on travaille à quelque chose, puis on passe au prochain grand projet.
Est‑ce assez conforme à la réalité, ou qu'est‑ce qui nous empêche de miser sur une planification et une réévaluation constantes à long terme?
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Je vous renvoie à l'un des constats de notre surveillance des eaux arctiques. En fait, dans tous les rapports dont nous parlons aujourd'hui, nous faisons état de problèmes connus depuis longtemps, de lacunes de longue date. Un navire n'a pas une durée de vie illimitée.
Quelle que soit la principale orientation politique, le Canada aura toujours besoin d'un certain nombre de navires, surtout pour surveiller l'Arctique. Cette base devrait fondamentalement être là, et l'on ne fait rien pour remédier à ces lacunes connues depuis longtemps tant qu'elles ne créent pas de problème potentiel de surveillance, comme ce sera le cas maintenant si rien n'est fait.
Encore une fois, même s'il peut falloir un certain temps pour parvenir à un consensus, il devrait y avoir une base minimale à maintenir en tout temps. L'engagement que nous avons pris pour répondre aux alertes élevées du NORAD et de l'OTAN remonte à il y a longtemps. Il nous faut un grand nombre d'aéronefs pour cela. Cet engagement tient toujours, alors il faut que la fonction publique s'efforce continuellement de respecter cet engagement, y compris au chapitre des dépenses.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie les membres du Comité.
Aujourd'hui, mes observations préliminaires s'appuient sur 20 ans d'études universitaires sur la défense canadienne ainsi que sur une décennie d'expérience en tant qu'examinateur indépendant du processus d'acquisition de matériel de défense, d'abord en tant que membre du comité d'examen indépendant chargé de superviser l'évaluation des options pour le remplacement des CF‑18, de 2012 à 2014, puis en tant que membre de la Commission indépendante d'examen des acquisitions de la Défense, de 2015 à 2022.
[Traduction]
Dans ce dernier rôle au sein du comité, j'ai eu l'occasion d'examiner plus de 100 projets de la Couronne prévus pour le ministère de la Défense nationale (MDN), les Forces armées canadiennes (FAC) et la Garde côtière canadienne alors qu'ils étaient soumis à l'analyse des options. Sur la base de cette expérience, j'ai cinq observations interdépendantes à formuler sur le processus d’acquisition militaire.
Premièrement, il y a un décalage entre notre politique de défense et le financement de la défense.
[Français]
Les ambitions du Canada en matière de défense sont considérables. Les objectifs que nous nous sommes fixés en matière de politique de défense au cours des 20 dernières années nécessiteraient un niveau de dépenses supérieur à 2 % du PIB. Malheureusement, nos dépenses tendent à se rapprocher de 1,5 % du PIB. Il en résulte un déficit structurel dans le développement de nos capacités.
[Traduction]
Tant les gouvernements que le MDN et les FAC ont contribué à ce problème. Les gouvernements, qu'ils soient libéraux ou conservateurs, veulent que le Canada joue un rôle important sur la scène internationale, d'où l'adoption de politiques ambitieuses, mais ils ne sont pas disposés à dépenser à la hauteur de leurs ambitions. Le MDN et les FAC, quant à eux, ont besoin d'une orientation politique de la part du gouvernement afin d'acquérir les capacités nécessaires pour faire face aux menaces auxquelles nous sommes confrontés. Cela conduit le MDN et les FAC à préconiser des politiques ambitieuses et à se préoccuper ensuite de trouver un financement adéquat.
Deuxièmement, l'évaluation des coûts de l'approvisionnement en défense est faussée par un optimisme omniprésent. Les projets d’équipement sont évalués trop tôt dans le processus d’acquisition, soit avant que les besoins n'aient été définis avec précision. Lorsque les besoins sont définis et que des dispositions sont prises avec l'industrie, on constate trop souvent que les projets ne disposent pas d'un financement suffisant, ce qui peut entraîner des retards ou des compromis sur la quantité ou la qualité des capacités qui sont finalement acquises.
[Français]
Le ministère de la Défense nationale a besoin d'une méthode de calcul des coûts plus solide, qui délaisse l'optimisme au profit du pessimisme. En outre, le gouvernement doit accepter le fait que les coûts de certaines capacités ne peuvent être connus à l'avance et qu'ils ne peuvent être déterminés de manière réaliste qu'une fois l'analyse des options terminée.
Troisièmement, les processus d'acquisition sont trop rigides et trop peu enclins à prendre des risques pour suivre l'évolution technologique.
Notre système d'acquisition est conçu pour minimiser les risques et garantir l'application de garanties et de contrôles solides. Malheureusement, cela signifie que le système ne peut pas s'adapter facilement à l'évolution rapide des technologies ou à l'évolution des besoins opérationnels.
[Traduction]
Pour s'assurer que les FAC disposent des technologies les plus récentes et les plus pertinentes dans les domaines clés, le MDN doit être autorisé à prendre davantage de risques et à agir plus rapidement. Cela entraînera des échecs, des erreurs et des utilisations regrettables des fonds publics dans des cas isolés. Mais ce sont les compromis que nous devons accepter si nous voulons que les FAC soient équipées des bonnes technologies, au bon moment, dans la plupart des cas.
Plus important encore, en tant que parlementaires, vous devrez parvenir à un accord commun sur le fait que chaque échec ou erreur ne doit pas être exploité à des fins partisanes. Sans un consensus bipartisan sur cette question, il sera impossible d'accélérer le processus d’acquisition ou d'y avoir recours pour répondre à une menace en constante évolution.
[Français]
Quatrièmement, le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes font face à d'importants problèmes de capacité. Vous en avez déjà discuté avec la vérificatrice générale, donc je n'en parlerai pas en profondeur.
[Traduction]
Je vous dirais seulement toutefois que le renforcement de la capacité du MDN et des FAC à gérer les achats — l'aspect humain de l'équation — ne peut être ignoré et doit être mieux pris en compte. En demander trop à trop peu de personnes n'est pas la meilleure formule pour réussir.
Enfin, le Canada doit continuer à prioriser la transparence des processus d'approvisionnement de la Défense en poursuivant dans le sens des progrès déjà réalisés par le MDN en la matière.
Il est à noter que le Programme des capacités de la Défense fournit maintenant des informations facilement accessibles sur la situation des projets au sein du système d'approvisionnement et sur les capacités qu'ils fournissent.
[Français]
Toutefois, le Canada est encore en retard sur ses alliés, tels que l'Australie et le Royaume‑Uni, pour ce qui est de fournir des informations détaillées sur la situation financière de l'ensemble du portefeuille d'investissements et les risques qui l'entourent, ainsi que sur les projets individuels.
Le Canada devrait publier un rapport annuel semblable au rapport australien et au rapport britannique sur l'approvisionnement en matière de défense, c'est-à-dire un rapport qui fait un survol des risques, des coûts et des mises à jour du portefeuille.
[Traduction]
Je vous remercie de votre attention et j'attends avec impatience vos questions.
:
Je vous remercie de m'avoir invitée à prendre la parole devant le comité permanent aujourd'hui.
Je vous parle depuis le territoire traditionnel non cédé de la Confédération Wabanaki regroupant notamment les Abénakis et les Malécites.
Comme je suis spécialiste de la coopération internationale, mon intervention va s'articuler autour des idées mises de l'avant dans les publications sur la gestion organisationnelle en lien avec l'administration publique et les sciences politiques; la recherche économique sur les comportements collectifs; les travaux scientifiques sur les institutions à titre d'acteurs politiques; et la conception institutionnelle des contrats juridiques, y compris mes propres travaux de 2015 sur les modifications apportées à la structure des contrats aux fins du système d'approvisionnement de la Défense américaine tout au long de l'administration Obama.
À l'issue de cette dernière étude, j'ai soumis un ensemble de recommandations au Canada pour ses approvisionnements en défense. Je me suis d'ailleurs réjouie de constater que l'une de ces recommandations a été partiellement adoptée. Le gouvernement a en effet donné suite à ma recommandation de diversifier ses partenaires contractuels pour les grands projets d'approvisionnement de la Défense lorsqu'il a acheté de l'Australie des F‑18 Hornets.
Cette recommandation a été formulée au départ dans un exposé lors d'une participation à un groupe d'experts en 2014. Elle est réapparue en 2015 dans un document d'orientation pour enfin figurer dans une analyse de rentabilité sur les éléments à moyen délai de livraison dans le contexte de l'acquisition provisoire en question. C'était alors la recommandation finale.
Je constate donc qu'il a fallu que cette recommandation soit soumise à trois occasions distinctes au fil d'un certain nombre d'années pour qu'elle soit finalement prise en compte. Nous avons maintenant bien sûr acheté ces avions, mais il faudra encore compter quelques années avant qu'ils soient tous livrés et pleinement intégrés à nos forces militaires, ce qui devrait se faire d'ici 2025. Je pense qu'il est important de noter que le processus se sera alors étendu sur plus d'une décennie. Je pense que nous pouvons faire mieux, et je vais maintenant vous adresser cinq recommandations à cette fin.
Je vous dirais en guise d'introduction que les étapes bureaucratiques à franchir en vue d'acquérir les équipements et les biens nécessaires pour équiper les FAC et assurer une défense efficace du territoire canadien pourraient être qualifiées de labyrinthe multicouches de procédures et de processus gérés et mis en œuvre par une variété d'intervenants au sein de différentes organisations. Il s'agit en fait d'un ensemble de pratiques et de mécanismes institutionnels visant à assurer en toute transparence une utilisation responsable des fonds et des ressources au nom de la population avec reddition de comptes par la voie électorale.
On peut aussi voir les mécanismes institutionnels comme autant de contraintes à l'action et d'obstacles à l'efficience et à la rapidité d'intervention. Ils n'offrent pas nécessairement la souplesse dont les gouvernements ont besoin en période de crise, une condition essentielle pour s'assurer que les FAC sont toujours prêtes à passer à l'action. Il y a un juste équilibre à trouver entre le contrôle à exercer et la vitesse de réaction nécessaire en cas de crise ponctuelle pouvant exiger l'intervention de nos forces de défense, comme nous avons pu le constater dans une certaine mesure lors de la pandémie.
Pour ce qui est des approvisionnements pouvant nuire à l'état de préparation des FAC, on pourrait dire que le Canada est lui-même à l'origine de certaines contraintes du fait qu'il a mis en place des mécanismes faisant intervenir des solutions de remplacement, des retards et des facteurs externes. À titre d'exemple, les politiques de compensation industrielle rendent plus complexe la production des biens dont la Défense a besoin. Cette intervention sur le marché a pour but de mieux répartir les avantages obtenus. On pourrait parvenir aux mêmes résultats par d'autres moyens qui sont, il faut bien avouer, plus efficients. En agissant de la sorte, le Canada gaspille du temps et des ressources en plus de miner l'état de préparation de sa Défense.
Pour améliorer son processus d'approvisionnement, le Canada pourrait modifier, voire abandonner, son Programme des retombées industrielles et régionales, une décision qui serait, je ne l'ignore pas, très critiquée et peu populaire. Ce programme entraîne une distorsion du marché et entrave le processus d'approvisionnement. Il a notamment pour effet de retarder des projets de recherche et développement et d'acquisition de produits qui sont essentiels pour nos forces militaires, ce qui affecte d'autant leur état de préparation.
Pour ce qui est plus particulièrement des approvisionnements liés aux activités de recherche et développement, on peut aussi donner l'exemple de l'autorisation de financement en matière d'innovation du MDN au Canada. Cette façon de faire s'accompagne notamment de très importantes restrictions par rapport aux autres mécanismes de transaction pouvant être utilisés pour confier la réalisation de projets à des entrepreneurs et des sociétés du secteur de la défense.
Aux États-Unis, différentes modifications à ce titre ont été apportées en 2016 dans le cadre de l'amendement 815. Le processus américain est ainsi plus souple et mieux apte à composer avec les retards. Je vais vous parler de quelques-unes des caractéristiques de ce régime que le Canada pourrait lui-même adopter sans que cela exige un effort considérable.
Les modifications apportées au moyen de l'amendement 815 visent essentiellement trois aspects de la loi: les seuils de coût à partir desquels des approbations additionnelles sont requises pour recourir à d'autres mécanismes de transaction; la notion d'entrepreneur non traditionnel pour la Défense avec les changements qui y ont été apportés et la possibilité pour les entreprises d'être à nouveau admissibles à ce titre; et certains éléments liés à la transition du développement de prototypes vers la production. Il s'agirait d'améliorations très importantes pour le Canada, car c'est à ce niveau que les retards les plus considérables nous affectent.
Il y a d'autres processus qui entrent en jeu, et il y aurait différents moyens de rendre nos mécanismes d'approvisionnement plus souples.
Si on reprend l'exemple des États-Unis, les changements apportés font maintenant en sorte qu'un projet approuvé pour une certaine somme d'argent peut bénéficier d'un financement supérieur jusqu'à certaines limites, pour autant que l'attribution du marché s'est faite au départ dans le cadre d'un processus concurrentiel. Ces projets eux-mêmes...
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Merci, monsieur le président.
Je veux remercier nos témoins d'être présents pour répondre à nos questions.
Je vais d'abord m'adresser à M. Lagassé. Vous avez indiqué qu'il pouvait être plus facile pour le Canada de s'approvisionner au pays dans le cas de certains biens, en soulignant qu'il y a des industries qui sont plus dynamiques que d'autres au Canada et qu'il pouvait être préférable de se procurer certains actifs à l'étranger.
Il a été porté à notre attention, ou en tout cas à la mienne, que même dans les secteurs où nous excellons au point d'être reconnus à l'échelle mondiale, nous n'accordons pas nécessairement la priorité à nos entreprises.
J'aimerais savoir s'il n'y aurait pas selon vous une façon de pouvoir miser davantage sur nos capacités nationales, tout au moins dans les domaines où nous nous démarquons, en accordant la priorité aux entreprises canadiennes lorsque cela est possible. Pourriez-vous nous donner une meilleure idée de ce qui pourrait être fait en ce sens?
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vais d'abord m'adresser au professeur Lagassé.
Vous avez dit que les politiques en matière de défense nationale et le financement octroyé au ministère étaient mal arrimés et que, compte tenu des besoins, les dépenses de ce ministère devraient représenter davantage que 2 % du PIB comme c'est le cas actuellement.
Or, le directeur parlementaire du budget nous a dit, la semaine passée, que les sommes prévues au budget de la Défense nationale n'étaient pas toutes dépensées et que la valeur prévue des fonds inutilisés pour 2023‑2024 équivalait à environ 4 milliards de dollars.
Comment expliquez-vous que, d'une part, les sommes prévues au budget soient insuffisantes et que, d'autre part, des fonds restent inutilisés? Quel est le problème, exactement?
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J'ajouterais que, dès que plusieurs parties prenantes participent au processus, on voit que l'échéancier se rallonge. C'est là qu'il y a de l'inefficacité.
C'est une question de compromis. C'est sûr et certain que, comme chercheurs, nous voulons de la transparence et un plus grand accès à l'information. En effet, nous nous plaignons toujours du manque d'information. Le simple fait d'avoir accès aux budgets de la Défense nationale n'est pas si facile. Pour ma part, j'ai travaillé sur les budgets de la Défense nationale et je viens de publier un livre à ce sujet.
Encore une fois, nous voulons faire les analyses, mais nous sommes limités quand nous n'avons pas accès aux données financières, aux échéanciers et à ce genre d'information. C'est très difficile pour nous d'évaluer quelles options sont bonnes par rapport à d'autres.
Prenons l'exemple d'un problème lié à l'acquisition d'avions de chasse. On constate qu'il faut plus de temps à régler ce genre de problème au Canada, comparativement aux autres États. Il y a probablement de l'information dans notre système, mais, pour savoir ce qu'il en est, il faut un accès accru aux données et plus d'analyses comparatives.
Je pense que cette question s'adresse à vous deux. Mme Normandin a parlé — et vous en avez déjà touché un mot — de la transparence, du ralentissement, des contraintes de temps et ainsi de suite.
Pouvez-vous nous parler des conséquences pour ces facteurs, alors que nous passons de l'approvisionnement libre à celui à fournisseur unique?
Certes, il y a des compromis à faire, mais avons-nous le même genre de préoccupation, je ne dis pas doléance, en ce qui concerne les délais?
Monsieur Lagassé, vous pouvez commencer.
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Je vais vous donner un exemple simple.
Admettons, par exemple, que les intentions se concrétisent et le gouvernement procède à l’acquisition du P‑8A auprès d'un fournisseur unique pour l'AMC, le projet d’aéronef multimission canadien. Si l'on veut que les gens comprennent les raisons pour lesquelles la décision a été prise, il faudra faire preuve de beaucoup plus de transparence quant aux spécifications et aux facteurs ayant motivé la décision.
S'il y a un manque de transparence à l'égard des marchés à fournisseur unique, comme nous l'avons vu dans le cas des avions de chasse, cela crée de la controverse politique et, au bout du compte, entraîne des retards. Si vous ne pouvez pas expliquer pourquoi vous avez fait telle chose, et si vous dites simplement au public que c'est comme ça...
Lors de ma dernière comparution, mon mantra — et c'est toujours mon mantra aujourd'hui — était « Expliquez ». Ne vous contentez pas de faire des annonces. Expliquez-nous le pourquoi de vos décisions, plutôt que de simplement les annoncer. C'est ce qui engendre la méfiance, et c'est ce qui crée des retards sur le long terme.
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C'est sûr que les gens qui dressent les contrats avec le secteur de la défense doivent, avant les négociations, avoir une meilleure compréhension de la façon dont les risques se présentent. Ils peuvent alors intégrer des réponses appropriées dans les modalités des contrats en prévoyant, par exemple, des pénalités, le partage des coûts et de la souplesse.
Les Français ont une pratique très intéressante, soit l'évaluation précontractuelle des risques. C'est une obligation financière en vertu de laquelle le gouvernement et l'entrepreneur s'entendent pour dire qu'ils surveillent les dépassements et qu'ils vont tous les deux en assumer la responsabilité, le cas échéant.
Il faut que les deux parties acceptent de se partager le fardeau de la responsabilité et de la transparence pour que cela fonctionne, mais c'est faisable et cette approche a vraiment aidé la France à rationaliser ses approvisionnements en matière de défense et à prévenir les dépassements de coûts dans certains grands projets.
Le Canada a une certaine marge de manœuvre. Le secteur de la défense doit être plus réceptif à de meilleurs contrats. Les entrepreneurs détiennent des renseignements personnels. Comment surmonter ces problèmes structurels? Il faut de meilleurs contrats dès le départ. Des solutions existent, mais le Canada ne les met tout simplement pas en pratique.
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Je veux simplement que ce soit clair: je ne parlais pas des grands entrepreneurs qui changent le marché de la défense. Les changements apportés à l'autre pouvoir d'exécuter une opération concernaient les petites entreprises.
C'est le marché dans lequel le Canada veut se faire une place. Nous ne sommes ni Raytheons ni Boeing. Nous n'avons rien de tout cela. C'est évident. Ces changements visaient à donner un accès au marché à des entreprises canadiennes d'un certain calibre et d'une certaine taille que nous voulons voir sur le marché en posture concurrentielle.
Le problème aux États-Unis, c'est qu'il y a d'énormes acteurs monopolistiques qui structurent le marché d'une manière qui n'est pas normale. Il est possible de réagir en dressant de meilleurs contrats et en faisant affaire avec ces acteurs de façon plus responsable.
Je n'ai peut-être pas été clair. Bien sûr, on prête de plus en plus attention au fait que de grands joueurs qui créent une distorsion des marchés. Franchement, certains pays comme la France et l'Australie sont un peu plus ouverts et transparents que le Canada à cet égard. Dans une certaine mesure, on a fermé les yeux à ce qui se passe.
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Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier M. Lagassé et Mme Kimball de leurs recommandations. Je pense qu'il est important que les témoins fassent des recommandations. Je vous demande simplement de les fournir par écrit au Comité, ainsi que les raisons qui les sous-tendent. Nous pourrons les étudier.
Dans certains cas, vous dites tous les deux la même chose, mais d'une façon différente. Il s'agit de faire preuve de souplesse plutôt que d'être trop rigide en matière d'approvisionnement et de contrats.
Monsieur Lagassé, vous avez parlé du besoin de cadres supérieurs, qui font défaut. Verrez-vous cet ensemble de compétences au sein des Forces armées canadiennes ou de la Défense nationale ou encore chez les deux?
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Le Canada doit établir des priorités en ce qui concerne ses besoins essentiels. Nous avons parlé un peu des types de projets qui attirent beaucoup l'attention, ces grands projets ambitieux comme les avions d'attaque interarmées, mais d'autres projets, comme l'équipement des soldats, ne reçoivent pas beaucoup d'attention.
J'entends depuis longtemps des femmes militaires se plaindre à quel point les uniformes sont mal adaptés et à quel point elles n'ont pas les divers produits de première nécessité dont elles ont besoin pour faire leur travail. Or, l'état de préparation opérationnelle, c'est être prêt au déploiement sur le terrain.
Je pense que c'est une chose très importante. Il faut repenser l'approvisionnement et dire: « D'accord, si nous voulons que le soldat se batte, il a besoin de tel équipement, et voici comment nous devons établir les priorités. Lorsque nous participons aux opérations de l'OTAN et du NORAD, telles capacités exigées. »
Je sais qu'on réfléchit actuellement de façon plus systématique et conceptuelle à la forme que pourraient prendre les divers équipements militaires pour les crises et les missions. Le Canada devra en tenir compte lorsqu'il pense à l'approvisionnement futur.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Professeure Kimball, j'aimerais revenir sur quelque chose que vous avez mentionné, soit que les contrats devraient être mieux conçus. Par exemple, on devrait prévoir un meilleur partage des coûts en cas de dépassement des délais, par exemple.
Jusqu'à quel point certaines choses mettent-elles des bâtons dans les roues? Lorsqu'il est question de sécurité nationale et de propriété intellectuelle, notamment, il y a des renseignements qui sont cachés. Cela donne l'impression qu'on donne une espèce de levier à des entreprises dans le cadre de la négociation de contrats.
Est-ce que je me trompe ou est-ce qu'il y a quand même plusieurs défis qui empêchent une meilleure rédaction des contrats?
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De façon générale, les questions liées aux informations classifiées ne font pas partie précisément des devis ou de la façon dont on rédige les contrats. Il est possible que des choses surviennent une fois que le processus est lancé. Souvent, cela fait partie des modalités de contrat. C'est l'étape suivante, c'est un peu comme la mise en œuvre du contrat.
Pour ce qui est du cadre et de la structure de l'entente conclue avec l'entreprise, rien là-dedans n'est classifié. C'est de l'information de nature générale. On peut ajouter plein d'autres clauses qui visent à protéger le Canada, mais aussi à partager les coûts en cas de dépassement des délais ou de changements.
Par exemple, on sait que le Canada a changé les exigences pour certains programmes. Alors, le Canada pourrait accepter d'assumer les coûts engendrés par des changements qu'il déciderait de faire dans l'avenir. Il en accepterait la responsabilité, parce qu'on sait que cela retarde le processus de recherche-développement.
Il y a donc des façons de faire des changements et de dire qu'on en accepte la responsabilité. Cela ne doit pas pour autant devenir un grand spectacle médiatique, mais il s'agit de prendre ses responsabilités et d'agir de façon transparente.
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Tout d'abord, en ce qui concerne l'histoire des casques, je pense qu'il a été établi qu'elle était peut-être fausse lorsqu'elle a été communiquée aux médias. Je ne sais pas si c'est réellement... Quoi qu'il en soit, je m'interrogerais là‑dessus.
Pour ce qui est de l'équipement et du fait que... Je ne parle pas seulement des femmes, mais aussi des membres de la communauté LGBTQ. Le fait que nous voulions recruter des gens dans nos forces armées et que nous ne fournissions pas d'équipement... Nous n'avons pas d'options pour les personnes qui sont... Je suis une personne non binaire et j'aurais donc un énorme problème dans nos forces armées, évidemment. C'est une tout autre histoire dont je pourrais parler, car je travaille beaucoup avec le réseau de la fierté de la Défense et je sais donc un peu ce à quoi ces personnes, qui essaient seulement de défendre notre pays, sont confrontées.
En ce qui concerne l'équipement destiné aux femmes, il est évident que l'industrie est dominée par les hommes, qu'il s'agisse du prototypage ou de la manière dont nous effectuons les essais. Lors de la dernière conférence CANSEC, il n'y avait qu'un seul mannequin féminin sur l'ensemble des mannequins qui présentaient des équipements de défense. Je pense que cela en dit long sur le secteur en général.
Je sais, par exemple, que certains pays y réfléchissent et ont investi dans le développement de ressources pour les femmes d'une manière beaucoup plus impressionnante — par exemple, le Danemark. Si une femme dans les forces armées est enceinte, elle n'est pas destinée à porter un uniforme qui est l'une des choses les plus laides de la planète dans lequel elle a l'air d'une tente. Certaines de ces choses sont très importantes si l'on veut créer des forces qui reflètent la société, et il y a aussi l'aspect recrutement qui est extrêmement important pour l'avenir des forces.
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Je ne pense pas qu'il y ait un pays qui fait quoi que ce soit de si bien en matière d'approvisionnement, mais à tout le moins, les autres pays sont beaucoup plus transparents envers leur population et leurs parlements sur les raisons pour lesquelles ils font ce qu'ils font et sur la façon dont ils essaient de le faire.
Comme beaucoup d'entre vous le savent, la tradition au Canada... Nous avons ici une culture du secret et nous n'avons aucune idée de la manière dont les budgets sont dépensés. Même votre travail est constamment entravé par un manque d'information sur les budgets.
De plus, vous devriez tous avoir accès à des renseignements classifiés dans le cadre de votre travail. On n'a pas besoin d'habilitations de sécurité au sein de l'exécutif pour cela. Vous êtes des députés et vous avez le privilège d'avoir accès à ces renseignements. Vous pouvez être sanctionnés par votre chambre si vous décidez de les utiliser de façon inappropriée. Il est essentiel que vous fassiez votre travail, même lorsqu'il s'agit de l'approvisionnement, par exemple. Vous devez pouvoir accéder à de l'information classifiée pour savoir exactement où en sont les projets, ce qui est fait et où l'argent est dépensé. Cela ne devrait pas être négociable.
Je ne peux pas croire que nous n'en soyons pas encore là. Il suffit de regarder ce que font vos collègues australiens. Dans une publication de février, ils disent que leur comité du renseignement doit être reproduit pour le secteur de la défense, parce que si l'on veut faire quelque chose d'aussi sérieux que l'AUKUS, il faut que des députés tels que vous soient autorisés et aient accès à ces renseignements.
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Tout dépend de la situation, mais de manière générale — et le chef d'état-major de la défense l'a souligné —, nous manquons déjà de ressources.
La politique de 2017 comprenait un objectif ambitieux relatif à la simultanéité des opérations afin que nous soyons capables de mener deux opérations de grande envergure à la fois. Nous n'avons pas les ressources pour le faire. Nous n'avons tout simplement pas le personnel nécessaire. Nos données sur le recrutement et le maintien en poste ne sont tout simplement pas ce qu'ils devraient être pour que ce soit possible.
Laissons de côté la question de l'équipement un instant. Si l'on n'a pas le personnel nécessaire pour utiliser l'équipement à long terme, cet équipement ne sert à rien. La capacité ne se résume pas à l'équipement. La capacité, c'est le personnel qui utilise l'équipement, qui entretient l'équipement, qui se prépare à acheter de l'équipement. Si nous nous concentrons uniquement sur le matériel, nous perdons de vue le portrait global.
Comme l'a souligné ma collègue, Mme Kimball, si nous ne faisons pas tous les efforts possibles pour inclure toutes les personnes susceptibles de se joindre aux forces et d'en faire une carrière qu'elles souhaitent, nous ne serons pas préparés à affronter tout ce qui nous attend.
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Eh bien, évidemment, au sein de l'OTAN, il n'y a que six ou huit armées que l'on considérerait comme ayant les capacités qu'il faut — celles vers lesquelles on se tourne. Viennent s'ajouter les Finlandais et les Suédois, qui se présentent comme d'autres armées extrêmement compétentes. Une chose qui sera essentielle... Je pense que le Canada peut vraiment jouer un rôle dans l'intégration de ces deux pays. Manifestement, le Canada devrait les inviter à participer au groupement tactique qu'il dirige, par exemple. Cela ne pourrait qu'aider le Canada, car nous savons qu'il subit déjà des pressions à cet égard.
Évidemment, nous regardons vers les trois grands joueurs: la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni, dont les armées sont de taille similaire. Les armées néerlandaise et espagnole présentent des niveaux d'investissement similaires. Quand on pense à l'OTAN, une chose est extrêmement claire: le Canada est le seul pays qui n'est pas l'un des cinq principaux contributeurs et qui dirige une brigade. Il fait quelque chose — avec une économie beaucoup plus modeste — qui est égal à tous les autres. Quand on dit que le Canada n'y met pas du sien, c'est tout simplement faux.
Le Canada est également le pays qui dirige une brigade dont les capacités varient le plus. Si vous regardez tous les autres groupes, ces pays ont en moyenne un niveau de capacité plus élevé. Le Canada a le plus grand nombre de partenaires, de langues et de capacités à gérer. Franchement, il propose quelque chose avec un ensemble d'outils très différent de celui de tous les autres pays et il réussit quand même.
On ne devrait pas se demander pourquoi le Canada n'atteint pas la proportion de 2 %, mais plutôt comment le Canada s'en sort aussi bien à 1,39 %.
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J'aimerais conclure en précisant que l'approvisionnement en matière de défense représente certainement un processus très complexe.
Il est évident que diverses recommandations peuvent être mises en œuvre pour produire des contrats plus précis et plus transparents. Il existe des moyens de rendre les données plus accessibles aux chercheurs, afin de favoriser une meilleure évaluation de la situation.
Au bout du compte, il s'agit de faire en sorte que les personnes en uniforme soient prêtes et de savoir comment nous recruterons et retiendrons ces personnes. À cet égard, nous n'avons pas beaucoup parlé du rôle essentiel de la formation et du perfectionnement professionnel dans tout cela.
C'est aussi un domaine dans lequel, bien honnêtement, il y a encore beaucoup de travail à faire. Quelques institutions détiennent le monopole en matière de formation à la défense, et je pense que nous devons envisager de faire les choses différemment. D'autres pays font déjà les choses différemment.
Je terminerai en disant que l'un de nos problèmes en matière d'approvisionnement est lié à la formation et à la manière d'encourager les gens à s'intéresser à la défense et à y contribuer.
Le prochain grand défi en matière d'approvisionnement sera l'écologisation du processus d'approvisionnement de défense. Nous ne savons même pas comment nous allons nous y prendre, mais nous devons le faire dans les cinq à dix prochaines années.
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Je vous remercie, monsieur Sousa, d'avoir manipulé le chronomètre de la sorte. C'était très astucieux de votre part.
C'est une discussion extraordinairement complexe. Je vous suis reconnaissant de votre contribution à tous les deux.
Je retiens cependant votre commentaire, monsieur Lagassé, au sujet de la culture du secret qui règne ici. Cela rend effectivement les choses extraordinairement difficiles. Le problème avec le secret excessif, c'est que les politiciens ne réagissent pas de façon adéquate à la désinformation. C'est un problème auquel nous pourrions nous attaquer. Nous pourrions discuter de cet enjeu entre nous. Nous arrivons à un point où nous ne pouvons plus continuer à faire ce que nous faisons actuellement. Il faut changer quelque chose.
Chers collègues, tout est organisé pour vendredi.
En ce qui concerne la semaine prochaine, les paris sont ouverts sur la durée exacte. Le greffier acceptera votre mise en sortant.
Cela dit, je remercie encore nos deux témoins. La séance est levée.