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Bienvenue à la quatrième réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes. Conformément à la motion adoptée le mardi 8 février, le Comité se réunit pour examiner la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d'exploitation.
La réunion d'aujourd'hui se déroule en mode hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 25 novembre 2021. Certaines personnes sont présentes dans la salle alors que d'autres communiqueront à distance à l'aide de l'application Zoom.
Les délibérations seront disponibles sur le site Web de la Chambre des communes.
En ce qui concerne la liste des intervenants, le greffier du Comité et moi-même ferons de notre mieux pour maintenir un ordre d'intervention global pour tous les députés, qu'ils participent virtuellement ou en personne.
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à notre premier groupe de témoins, qui, je crois, sont du YMCA de Halifax: Mme Abiagom, Mme Gagnon et Mme Suokonautio. Nous accueillons également Mme Joy Smith, fondatrice et présidente de la Fondation Joy Smith.
Chaque organisation disposera de cinq minutes pour son exposé. Le YMCA de Halifax peut commencer, puis nous aurons Mme Smith juste après. Ensuite, vous aurez une période de questions et réponses avec chaque parti.
C'est au tour du YMCA.
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Ils n'ont pas reçu la note de service. Ils sont déjà partis prendre leur repas.
Merci beaucoup, tout le monde, de nous recevoir. C'est vraiment un immense plaisir d'être ici. Je suis Miia Suokonautio. Je suis la directrice générale de YWCA Halifax. Je suis accompagnée de Temi Abiagom et Charlene Gagnon. Nous venons à vous en équipe.
Je voudrais commencer par dire que nous représentons l'histoire et l'expérience des survivantes et des victimes, des prospères et des victorieuses. Nous parlions très humblement de la grande responsabilité que cela représente.
Je vais présenter notre exposé de cinq minutes, mais chacune d'entre nous peut répondre aux questions. Mme Abiagom gère notre équipe sur l'exploitation des jeunes, qui fournit des services directs. Mme Gagnon est la responsable de notre approche systémique à l'exploitation, œuvrant avec nos partenaires gouvernementaux et communautaires.
Je commence aussi par souligner [difficultés techniques], mais aussi quelque chose de vraiment remarquable qui se passe en Nouvelle‑Écosse. Il s'agit d'un mouvement, le partenariat Nova Scotia trafficking and exploitation services system — nous l'appelons TESS. Il comprend plus de 70 partenaires dans toute la province, dont la YWCA. Ces partenaires travaillent ensemble depuis plus de cinq ans. Bien que ce groupe réfléchi et engagé ait établi un consensus autour de la pratique et des droits de la personne en ce qui concerne l'exploitation, il n'y a pas de consensus au sein du groupe sur la décriminalisation ou la légalisation de l'industrie.
Nous concentrerons notre témoignage ou nos observations sur le projet de loi lui-même, mais nous ne ferons pas de remarques sur la question plus large de la décriminalisation ou de la légalisation du commerce du sexe, car nous nous ressentons une réelle responsabilité envers nos partenaires.
Cela étant dit, en écoutant les témoignages de la semaine dernière, nous avons compris qu'il y a en fait deux questions dont vous êtes saisis. La première est la suivante: le projet de loi protège‑t‑il les personnes qui sont exploitées? C'est une question très importante. Est‑ce qu'il protège les gens? La deuxième est la suivante: est‑ce qu'il cause des préjudices aux Canadiens vulnérables?
Pour ce qui est de la première question, à savoir si le projet de loi protège les personnes qui sont exploitées, la réponse est, en un mot, non. Le projet de loi C‑36 ne protège pas les personnes qui sont exploitées. Encore une fois, nous savons que vous avez entendu les témoignages experts de nos collègues de partout au pays. D'après notre expérience, les gens continuent d'être exploités. Même s'il n'y a pas de proxénète, elles sont toujours agressées lorsqu'elles pratiquent le sexe transactionnel. Même si nous avons des procureurs de la Couronne spéciaux et des unités de police spéciales et qu'il n'y a pas de clubs de strip-tease autorisés en Nouvelle‑Écosse, le problème de l'exploitation est répandu dans cette province. Il est omniprésent dans le système de protection de l'enfance. C'est une crise chez les femmes et les filles autochtones. Les administrateurs scolaires et les enseignants ne s'entendent pas sur la façon d'endiguer ce phénomène.
Dans l'établissement correctionnel pour jeunes de la Nouvelle‑Écosse, Waterville, ainsi que dans le système pour adultes, presque sans exception, les filles en détention ont été exploitées. Nous constatons également une augmentation des cas chez les garçons et les femmes transgenres. Parmi les distinctions douteuses de notre province de l'Atlantique, nous avons le plus haut taux de traite des personnes par habitant au pays.
Bref, rien ne prouve que le projet de loi ait empêché ou arrêté l'exploitation de Canadiens vulnérables dans notre province.
Sur la deuxième question, à savoir si le projet de loi cause des préjudices, encore une fois, notre expérience est très similaire à ce qui a été décrit dans les témoignages précédents que vous avez entendus, en ce sens que le projet de loi C‑36 a empêché les personnes de se manifester si elles ont été agressées par un client. Le projet de loi a également poussé l'industrie du sexe plus loin dans la clandestinité, dans des conditions de plus en plus dangereuses.
En toute équité, je tiens à préciser que, parallèlement, d'après ce que nous comprenons, le projet de loi a eu certains aspects bénéfiques devant les tribunaux. Dans des cas où l'exploitation par un tiers ne répondait pas à la norme d'une accusation de traite des personnes, telle que définie par le Code criminel, le projet de loi C‑36 a été utilisé à la place pour tenir les auteurs responsables. Le projet de loi peut par la suite être utile à la Couronne et à la police, mais il n'a pas été prouvé qu'il nuit aux victimes ou qu'il les aide. Le fait qu'une faible proportion des cas se rende jusqu'au stade de la poursuite peut en fait rendre cet avantage potentiel moins conséquent. Il faut tenir compte de l'équilibre des préjudices.
Je sais que je vais manquer de temps, mais peut-être que le commentaire du YMCA me donnera une minute de plus. J'ai un ou deux autres aspects à préciser.
Premièrement, nous devons comprendre et reconnaître le fait que cette discussion est profondément affectée par nos valeurs sur le sexe et les transactions commerciales pour le sexe. Que nous voulions ou non l'admettre, nos valeurs sont carrément au centre de cette discussion. Nous vous demandons instamment d'empêcher la moralité d'empiéter sur les droits des Canadiens, y compris ceux des travailleurs et travailleuses du sexe. Bien que vous puissiez personnellement avoir une opinion sur l'inconvenance du travail sexuel, nous ne devons pas permettre que les droits fondamentaux des personnes oeuvrant dans l'industrie du sexe soient niés à cause de cela.
Deuxièmement, nous vous rappelons qu'il existe déjà une foule d'interdictions et de lois sur une variété de sujets connexes, notamment l'exploitation sexuelle des jeunes, les agressions, les agressions sexuelles et la traite des personnes. Revoir le projet de loi ne signifie pas que ces lois ne sont plus en vigueur.
Enfin, l'exploitation est en fait une chose très difficile à cerner. Par exemple, les jeunes sont exploités de nombreuses façons dans notre collectivité pour des choses simples comme le logement, la nourriture ou l'accès à des substances. Bien que cet acte d'échange soit techniquement couvert par le projet de loi , il est très rarement appliqué dans ces cas et ne répond pas aux besoins sous-jacents des jeunes qui ont précipité leur vulnérabilité.
Pour terminer, que recommandons-nous? Selon l'un de nos collègues locaux, il n'y a aucun moyen de cerner une façon de sortir de ce problème. Il n'y a pas de solution miracle contre l'exploitation. Il n'y a pas de panacée. Prétendre que nous pouvons mettre fin à l'industrie du sexe est une chimère.
Au lieu de cela, si nous voulons sérieusement nous attaquer à l'exploitation, nous devons comprendre que l'exploitation sexuelle commerciale s'en prend à la vulnérabilité, et, fondamentalement, la vulnérabilité est mieux traitée dans le contexte des déterminants sociaux de la santé, et non dans le système juridique. Cela signifie un revenu adéquat, un bon logement, la sécurité alimentaire, le soutien aux familles, l'éducation, l'autodétermination et bien plus encore. Ce sont ces éléments, par-dessus tout, qui nous donneront le meilleur espoir de lutter contre l'exploitation.
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Bonjour, monsieur le président et distingués membres de ce comité.
Je tiens à souligner et reconnais que nos bureaux sont situés sur un territoire qui fait l'objet d'un traité, les terres originales des peuples anishinabe, cri, oji-cri, dakota et déné, et sur le territoire de la nation métisse.
Je suis une ancienne députée. J'ai travaillé dur pendant mon mandat de députée pour attirer l'attention du public sur le problème de la traite des personnes au Canada. La Fondation Joy Smith a été fondée en 2011 pour lutter contre la traite des personnes. Depuis, je fais du bénévolat tous les jours au sein de ma fondation afin de poursuivre le travail de sensibilisation à la traite des personnes au Canada et d'aider les survivants et leurs familles à se rétablir.
En octobre dernier, nous avons lancé le Centre national d'éducation sur la traite des personnes, le premier du genre au Canada. Le centre offre une formation gratuite aux parents, aux enseignants, aux forces de l'ordre, aux fournisseurs de services et à d'autres personnes. Nous avons 64 modules dirigés par des instructeurs qui seront en ligne sous peu afin que les Canadiens puissent recevoir des renseignements indispensables sur la façon dont fonctionnent les trafiquants et sur ce qu'ils peuvent faire pour se protéger de ces prédateurs.
Nous avons travaillé sur plus de 6 000 dossiers de victimes et de leurs familles, afin de rétablir leur vie et d'aider les victimes à se réintégrer dans la communauté et dans leur famille. Nos programmes de prévention et d'intervention au NHTEC seront en ligne pour que les Canadiens y aient accès facilement, dès que nous aurons terminé la traduction en français, en anglais et en certaines langues autochtones.
Une présentation de cinq minutes au Comité aujourd'hui ne rend pas justice à la question complexe de la traite des personnes et à l'importance du projet de loi pour ce qui est de la sécurité de nos jeunes. Il a été le catalyseur qui a permis à de nombreuses victimes de la traite des personnes de s'exprimer et de traduire leurs agresseurs en justice. Il m'a aidée, lorsque j'étais députée, à faire entendre la voix des survivants par le public.
Lorsque j'étais au Parlement, j'ai fait adopter deux projets de loi pour lutter contre la traite des personnes: le projet de loi et le projet de loi . Ils sont aujourd'hui intégrés au Code criminel du Canada. J'ai bénéficié de beaucoup de soutien de tous les partis de la Chambre à l'époque où j'ai fait adopter ces projets de loi, et je reconnais le mérite des survivants qui ont raconté leur histoire.
Les députés de tous les partis ont appuyé ces projets de loi, ce qui était essentiel, car cela a permis d'amorcer une conversation à l'échelle nationale sur la traite des personnes et la souffrance de ses victimes. En outre, les Canadiens, y compris les survivants eux-mêmes, ont créé leurs propres organisations pour lutter contre la traite des personnes.
Le projet de loi doit être maintenu, et les parlementaires doivent s'efforcer davantage de protéger leurs électeurs contre ces prédateurs, car les trafiquants sont présents dans toutes les circonscriptions de notre pays. Les victimes de la traite des personnes sont les cibles d'abus horribles et en meurent souvent. La légalisation de la prostitution serait une parodie gigantesque contre nos populations les plus vulnérables, nos LGBTQ, nos immigrants et nos jeunes.
Je le vois encore et encore tous les jours: la souffrance des jeunes victimes de la traite des personnes et ce qu'elles endurent aux mains des trafiquants d'êtres humains, des trafiquants qui cherchent à gagner beaucoup d'argent sur le dos de leurs victimes, jusqu'à 260 000 à 280 000 $ par victime et par an. C'est pour cela qu'ils le font. La plupart des victimes entrent dans le commerce du sexe à un très jeune âge, dès 12 ou 14 ans, et certaines même avant cet âge.
Avant l'entrée en vigueur du projet de loi , rien ne permettait de réduire efficacement la demande d'exploitation des filles et des garçons mineurs par les trafiquants. En criminalisant les clients qui créent la demande de services sexuels, le projet de loi C‑36 a contribué à réduire la traite des personnes.
Les trafiquants d'êtres humains sont les tiers qui encouragent la demande de services sexuels et en tirent profit en facilitant cette pratique. Ils se font d'abord passer pour des aides, des fournisseurs ou des protecteurs bienveillants auprès de ces victimes innocentes, qui sont attirées dans ce commerce d'esclaves des temps modernes. Le projet de loi aborde cette question comme l'un des objectifs qui a grandement contribué à traduire ces auteurs en justice: il reconnaît les victimes de la traite des personnes comme des personnes qui sont piégées et vivent l'horrible expérience de la traite des personnes avec de terribles traumatismes physiques et mentaux sur leurs épaules.
Pour la première fois dans le droit pénal canadien, l'achat de services sexuels est illégal. Cela aide à traduire les trafiquants en justice, car cette infraction fait de la prostitution elle-même une pratique illégale, mais il s'agit d'une loi équilibrée, car les adultes qui choisissent de se vendre pour des services sexuels sont protégés par la loi et peuvent le faire sans ramifications.
Récemment, à Winnipeg, nous avons réussi à faire pression pour que des licences ne soient plus délivrées aux salons de massage et clubs de strip-tease. C'est là que les trafiquants d'êtres humains placent souvent leurs victimes.
Je vous remercie beaucoup de m'avoir accordé du temps aujourd'hui, car je dois dire clairement que le projet de loi est très utile et qu'il permet de faire ce genre de choses.
En conclusion, les parlementaires doivent s'efforcer de conserver le projet de loi et en faire beaucoup plus pour que la traite des personnes ne soit plus un facteur au Canada.
Meegwetch.
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Je peux répondre à cette question, car je travaille beaucoup sur les réponses systémiques à la traite des personnes et à l'exploitation sexuelle en Nouvelle-Écosse.
Nous mettons certainement en oeuvre une approche interdisciplinaire pour faire face à ce problème. En plus de nos merveilleux partenaires au sein des forces de l'ordre, du service des poursuites publiques et des services aux victimes en Nouvelle-Écosse, nous avons mis l'éducation et la santé à contribution. Au cours de la dernière année, nous avons été en mesure d'intégrer un élément d'apprentissage de base sur la traite des personnes et l'exploitation sexuelle dans le programme scolaire de la septième année dans toute la Nouvelle-Écosse. Nous collaborons aussi, bien sûr, avec nos nombreux fournisseurs de services sur le terrain, qui travaillent avec les survivants, les victimes et les personnes qui s'identifient comme des travailleurs ou travailleuses du sexe, et leur offrent un soutien. Il est important de noter que tout le monde n'utilise pas le même langage que nous pour parler de ce problème et le nommer. Nous essayons donc d'inclure toutes les expériences de personnes qui travaillent dans le commerce du sexe, qu'elles considèrent ou non que ces expériences relèvent de l'exploitation ou de la traite.
Oui, nous sommes tout à fait de cet avis et nous créons ici, en Nouvelle-Écosse, une communauté de pratique interdisciplinaire. Il s'agit d'amener un certain nombre d'intervenants, de systèmes et de partenaires différents à la table pour que nous puissions vraiment adopter une approche holistique de cette question et ne pas nous concentrer uniquement sur le problème des proxénètes et des agresseurs. Les causes profondes de la traite et de l'exploitation des personnes sont, selon nous, la clé de la prévention.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être présents et de nous faire part de leur expertise sur la question.
J'essaie de m'éduquer davantage sur cette question, qui n'est pas simple du tout. J'ai entamé la lecture d'un essai québécois à ce sujet. Je ne suis pas encore très avancée, mais l'auteur nous dit que, même dans les rangs féministes, il y a deux clans: celui qui est en faveur de l'abolition de la prostitution et celui qui soutient les travailleurs et les travailleuses du sexe. On essaie de trouver une solution, mais ce n'est pas facile.
Madame Gagnon, vous avez dit que vous ne prendriez pas nécessairement position sur la question, et je comprends cela, mais vous disiez qu'il y avait deux questions que nous, les membres du Comité, devions nous poser: d'abord, la loi protège-t-elle suffisamment les victimes d'exploitation sexuelle; et est-ce qu'elle leur cause un préjudice?
Vous y avez bien répondu. Vous recommandez de travailler sur plusieurs fronts à la fois, par exemple, ceux du logement social et de l'éducation, entre autres, parce qu'il serait peut-être impossible de mettre fin à l'industrie du sexe.
J'aimerais vous entendre parler des autres fronts sur lesquels on peut travailler.
En tant que parlementaires, quelles solutions pouvons-nous apporter, si elles peuvent être législatives?
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Ici, en Nouvelle-Écosse, nous essayons vraiment d'adopter une approche de santé publique pour faire face à cette crise qui règne dans la province. Une approche axée sur la santé publique permet d'examiner la question de façon plus globale et de se concentrer sur l'expérience, la victimisation, la violence et les traumatismes qui peuvent survenir dans le contexte du commerce du sexe lorsqu'il s'agit d'exploitation et de traite.
Je reconnais vraiment les efforts que vous faites pour équilibrer les diverses opinions sur le statut juridique du travail du sexe dans ce pays. En tant que partenariat, nous sommes parvenus à un consensus sur la manière d'aborder la question, sur ce que nous devons faire en matière de prévention et sur la manière dont nous devrions soutenir les personnes sur cette question, mais nous n'avons pas pu parvenir à un consensus sur le statut juridique du travail du sexe. Nous pensons que nous n'avons pas vraiment besoin de le faire. Parfois, cela bloque le travail qui doit être fait pour soutenir les personnes qui viennent nous voir pour obtenir des services, des programmes et de l'aide, quels qu'ils soient, donc en mettant en œuvre une approche de santé publique sur la question [difficultés techniques] en amont, de nouveau.
Je suis tout à fait d'accord avec Joy Smith pour dire que la prévention est essentielle si l'on veut avoir le moindre effet pour endiguer la marée de personnes qui s'engagent dans cette voie. Cela nous aide à adopter une approche holistique, parce qu'ici aussi, en Nouvelle-Écosse, nous sommes confrontés à ce qu'on appelle le recrutement par les pairs, c'est‑à‑dire que les victimes occupent également la position de ce que le système de justice pénale définirait comme un délinquant. Lorsque vous avez des jeunes qui influencent et encouragent d'autres jeunes à participer au commerce du sexe et que nous adoptons une approche fondée sur la justice, il peut être vraiment difficile de distinguer qui est victime et qui est délinquant.
En adoptant une approche de santé publique, nous pouvons traiter tous les traumatismes et tous les problèmes qui se présentent à nous et nous concentrer sur le soutien des jeunes et des jeunes adultes qui participent au commerce du sexe.
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Merci pour ces questions très réfléchies. Ce que je dirais est semblable à ce que Mme Gagnon disait.
Je vous dirai que j'étais travailleuse sociale d'urgence à l'hôpital pédiatrique de Halifax, où je voyais des enfants et des adolescents dans toutes sortes de crises. Il y avait un petit groupe, mais très important, de jeunes femmes qui venaient faire des fellations dans des roulottes pour obtenir des billets pour la fête foraine. Ce type d'exploitation se produit dans toutes sortes de contextes, et c'est une partie de ce dont nous avons parlé concernant la loi.
Pour moi, c'est une question compliquée de savoir quelles sont les véritables causes profondes de ce problème et pourquoi, bien que ce ne soit pas une solution miracle, l'approche de santé publique dont nous parlons est... Nous voulons vraiment être en mesure de soutenir les gens là où ils se trouvent, et cela nous ramène à ce que Mme Abiagom disait à propos de la protection de l'enfance et de la question de savoir si les enfants qui grandissent dans les services de protection de l'enfance sont adéquatement soutenus sur ces questions, car ils sont particulièrement vulnérables.
Il y a deux choses à faire. Nous avons besoin de travailleurs sur le terrain dans tout le pays. Nous avons une équipe extraordinaire dont les membres ont eux-mêmes été exploités et font maintenant partie de notre personnel. Ils sont la ressource première de notre communauté. C'est à eux que j'enverrais mes enfants si, à Dieu ne plaise, je me trouvais dans une telle situation. Ils comprennent le mal.
Pour répondre à la question sur nos ressources, nous devons, en tant que communauté, comprendre le bien-être de nos jeunes de manière générale.
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Nous en avons aussi parlé dans notre exposé. Pour être honnête, je dois vous dire que nous avons consulté des procureurs de la Couronne de notre région pour préparer notre exposé.
Tout d'abord, quand on sait que très peu d'affaires se rendent devant les tribunaux, il est important... Il faut trouver un juste équilibre entre les effets bénéfiques et les effets préjudiciables. Dans certains cas, l'application du projet de loi pourrait se justifier, mais il faut mesurer ses bienfaits par rapport aux préjudices subis quand un incident n'est pas signalé.
Il faut aussi tenir compte des autres lois qui s'appliquent en cas d'exploitation. Nous avons parlé de la traite des personnes, une infraction explicitement prévue au Code criminel et sur laquelle le projet de loi n'a aucune incidence. Les lois sur la pornographie juvénile... Ces mesures continueront d'exister indépendamment du projet de loi C‑36, qu'il soit modifié ou non. Elles ne disparaîtront pas.
L'essentiel pour nous est d'avoir des données probantes. Sur quelles données probantes les arguments sont-ils fondés? Le projet de loi a‑t‑il vraiment entraîné une baisse des signalements? Oui, selon ce que nous avons observé. Quant aux données des tribunaux, elles valent seulement pour les affaires qui se sont rendues jusque‑là.
J'en profite pour faire une annonce de deux secondes. La YWCA d'Halifax, de concert avec ses partenaires, mène une étude. Nous venons de terminer le second volet d'une enquête provinciale auprès de personnes qui ont une expérience directe du milieu. C'est un travail de très grande qualité. C'est excellent. Nous devrions fonder nos politiques sur ce genre de données plutôt que sur des opinions.
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Merci de poser cette question, parce que le projet de loi a servi de fondement aux projets de loi que j'ai présentés. Nous avons la preuve tous les jours de la grande efficacité du projet de loi C‑36.
La suppression des permis des salons de massage et des services d'escorte, notamment, a eu un effet très important dans la ville de Winnipeg. La dernière victime que j'ai sauvée d'un salon de massage avait 13 ans. Le projet de loi a permis de braquer les projecteurs sur les agresseurs et sur les clients. C'est à eux maintenant de faire face à la justice. Avant le projet de loi C‑36, c'était la femme qui se faisait arrêter. Ce n'est plus le cas.
Beaucoup de cas sur les 6 000... L'autre jour, mon adjointe m'a remis un document d'information pour m'aider à me préparer en vue de la réunion d'aujourd'hui. Nous avons répertorié quelque chose comme 1 223 victimes — je n'ai pas les chiffres exacts sous la main — qui ont contacté la police parce qu'on leur a dit que c'était la loi.
Le danger vient du fait que beaucoup de gens ne connaissent pas les lois. Les membres d'un groupe ou d'un organisme ont tendance à penser de la même façon. Il faut sortir des sentiers battus.
C'est ce que je m'efforçais de faire quand j'étais députée. J'avais des amis de tous les côtés de la Chambre, y compris chez les libéraux, les bloquistes et les néo-démocrates, qui comme moi voulaient mettre un terme à la torture ignoble subie par de jeunes victimes de la traite des personnes. Personne n'a parlé de la manière dont beaucoup de ces jeunes victimes sont recrutées. Sans le savoir, elles étaient les petites amies ou les petits amis de quelqu'un qui allait devenir leur bourreau. Elles ne le savaient pas avant de devenir victimes de la traite et de voir leur vie bouleversée à jamais. La guérison est un très long processus. La réintégration dans les familles est un très long processus. La jeune fille qui est partie de la maison n'est pas la même que celle qui y revient, si elle y revient.
Je suis convaincue que l'éducation et la collaboration des députés de toutes allégeances pour obtenir les appuis nécessaires au projet de loi nous permettront d'en faire une base...
Quand nous parlons des causes profondes, nous revenons constamment au logement, à l'éducation et à toutes ces choses. C'était vrai avant et c'est vrai maintenant. Grâce à notre programme d'intervention, j'ai découvert que le fait d'offrir l'accès à l'éducation aux personnes qui ont été victimes de la traite, de même qu'à un logement où elles se sentent en sécurité peut vraiment changer les choses au Canada. Ce serait scandaleux de faire autrement alors que nous obtenons des résultats très probants partout au Canada.
Nous sommes un organisme non gouvernemental national, sans but lucratif et enregistré. Dans toutes les provinces, y compris la Nouvelle-Écosse, nous avons été à même de constater que le projet de loi aide énormément les victimes de la traite des personnes. Nous devons y réfléchir à deux fois avant de sabrer une mesure législative qui a donné une voix à ces victimes. J'estime que c'est une mesure nécessaire, et j'ajouterais qu'il faut la renforcer.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je suis très heureuse d'accueillir tous nos témoins aujourd'hui.
Je suis députée d'Halifax-Ouest, et je suis ravie de vous rencontrer, mesdames Suokonautio, Gagnon et Abiagom. J'admire le travail que vous faites dans ma province, la Nouvelle-Écosse. Je sais que vous vous occupez de TESS, le système des services liés à la traite des personnes et de l'exploitation. En fait, comme je siégeais à l'Assemblée législative de la province en 2020, je sais que vous avez offert une séance pour tous les députés provinciaux. J'ai beaucoup appris durant cette séance.
Je sais aussi que vous travaillez en partenariat avec plus de 70 organismes à l'échelle de la province pour lutter contre l'exploitation sexuelle commerciale des enfants et des jeunes. Comme quelques-uns de mes collègues l'ont mentionné, vous avez mis le doigt sur la véritable question, à savoir si le projet de loi protège les personnes contre l'exploitation ou s'il leur nuit.
Vous avez également souligné l'importance de nous fonder sur des données probantes. Pouvez-vous expliquer, dans les quelques minutes qui restent, pourquoi c'est si important? Je sais que vous avez fait des recherches très poussées et que vous avez travaillé avec beaucoup de personnes dans l'industrie du sexe. Pouvez-vous me décrire ces personnes, qui sont les victimes et qui se trouve de l'autre côté? Pouvez-vous nous brosser un portrait général de tout cela? Vous pouvez ajouter d'autres éléments d'information si vous le jugez pertinent.
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Nous avons fait beaucoup de consultations et d'activités à l'échelle de la province pour recueillir des témoignages de personnes de tous les âges et de tous les horizons qui ont une expérience directe du commerce du sexe. Nous ne leur demandons jamais si elles sont des victimes, des survivantes ni même si elles travaillent dans l'industrie du sexe. Nos consultations sont assez inclusives pour ce qui concerne la façon dont nous menons nos consultations et auprès de qui nous les menons. Nous faisons une distinction nette entre le travail du sexe et la traite des personnes, mais force est de constater que l'exploitation, la traite et l'industrie du sexe en général sont étroitement liées.
Notamment, nous avons réalisé l'enquête « Hearing Them » en 2020, qui était une première tentative de dialogue avec des personnes survivantes. Nous en avons rencontré 95 dans la province, dont 70 % environ vivaient dans un milieu urbain et 30 % dans un milieu rural. Leurs réponses ont entraîné quelques modifications dans nos politiques et elles ont orienté nos actions par la suite. Nous leur avons posé plus d'une centaine de questions, dont quelques-unes concernant leurs caractéristiques démographiques de base, ce qui se passait dans leur vie, leur âge au moment de leurs premiers contacts avec le commerce du sexe, si elles y étaient toujours liées. Les questions suivantes étaient directement liées aux services et aux mesures de soutien.
L'une des constatations les plus importantes de l'enquête de 2020, qui je crois, mérite d'être soulignée ici, est qu'il est vrai que les personnes font souvent leurs premiers pas dans l'industrie du sexe à un jeune âge parce qu'elles ont subi de l'influence ou ont été victimes de la traite, selon le sens que le Code criminel donne à ce mot. Toutefois, une fois qu'elles sont prises dans l'engrenage de cette industrie, elles y restent parce qu'elles n'ont pas d'autres ressources ou la possibilité de suivre une formation qui pourrait les mener vers un autre travail. Beaucoup de personnes qui s'identifient comme des adultes qui travaillent dans l'industrie du sexe en Nouvelle-Écosse le font de manière indépendante après avoir été victimes de l'exploitation et de la traite. C'est très étroitement lié. Nous essayons de tenir compte le plus possible de la réalité des personnes survivantes dans nos interventions et dans nos politiques.
Toutes ces personnes ont deux demandes fondamentales. Elles veulent avoir accès à des services dénués de jugement, ce qui signifie que nous devons nous débarrasser de certains préjugés au sujet de l'achat et de la vente de services sexuels pour réduire la stigmatisation de leurs expériences. Elles demandent aussi des services axés sur la réduction des préjudices. Elles ont des besoins de base. Elles ont besoin de se loger, de se nourrir, de gagner un revenu et de se déplacer, surtout si elles vivent dans un milieu rural. Elles ont toutes sortes de besoins. Pour nous, les fournisseurs de services, cela signifie que nous devons mettre de côté nos préjugés personnels concernant la vente et l'achat de services sexuels.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Ma question s'adressera à Mme Smith.
Madame Smith, vous avez été députée, et vous comprenez donc notre position alors que nous tentons de naviguer dans tout cela.
Je vous remercie de votre engagement, d'ailleurs, et je vous remercie d'avoir créé votre fondation. Vous menez une lutte importante contre la traite des personnes. Justement, vous offrez des services de prévention, de soutien et d'intervention.
Croyez-vous que nous devrions aller un peu plus loin dans la réforme? J'utilise le mot « réforme », mais j'ai plutôt l'impression que nous sommes en train de réviser cette loi. Or nous entendons souvent que cette loi n'a pas atteint ses objectifs.
Quels changements aimeriez-vous proposer? Croyez-vous que nous devrions faire une réforme ou changer les façons de faire?
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J'ai consacré toute ma vie professionnelle au domaine des services sociaux. Votre description de la situation est très réaliste.
Comme nous l'avons souligné dans notre exposé, exploitation et vulnérabilité vont de pair. Le racisme, les séquelles du colonialisme, la marginalisation, tous ces facteurs augmentent la vulnérabilité — des jeunes en particulier — et le risque de subir de l'exploitation.
Je le répète, les arrestations n'ont aucun effet contre la vulnérabilité. Ce sont les causes qu'il faut viser, et c'est beaucoup plus complexe.
Une de nos extraordinaires collègues à Halifax, Karen Bernard, la directrice générale du Jane Paul Resource Centre pour les femmes micmaques du Cap-Breton, nous a expliqué à l'occasion d'une réunion que le colonialisme avait servi de terreau fertile à l'exploitation parce qu'il n'y a pas de meilleur moyen de faire croire à quelqu'un qu'il n'a aucune valeur.
J'ai tout de suite fait un parallèle avec le travail que fait la Nova Scotia Native Women's Association, qui reçoit du financement de Femmes et Égalité des genres Canada. Nous siégeons au conseil d'administration de l'Association et nous collaborons avec elle. Elle a mis en œuvre une stratégie provinciale et effectue actuellement une analyse de la situation des femmes autochtones. Je pense qu'il est très important d'ajouter leurs perspectives à celles qui ont été présentées dans votre rapport sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Il y a une très étroite connexion.
Je crois fermement que le témoignage des personnes survivantes est notre outil le plus efficace. Est‑ce que le Comité bénéficie des lumières d'une personne qui a une expérience directe de la question? Sinon, je vous conseille vivement de trouver une telle personne.
Je m'appelle Elene Lam. Je suis la directrice générale de l'organisme Butterfly (Asian and Migrant Sex Workers Support Network). J'ai une maîtrise en droit et en travail social, et j'ai travaillé dans le domaine des droits de la personne et de la violence sexiste pendant 20 ans, à l'échelle nationale et internationale.
Butterfly est un organisme communautaire qui coordonne et offre des services de soutien à plus de 5 000 femmes asiatiques qui travaillent dans les salons de massage et dans l'industrie du sexe au Canada. Nos bénéficiaires sont des résidentes permanentes, des réfugiées et des femmes qui n'ont pas de statut au Canada.
Notre organisme défend les droits des travailleuses du sexe, y compris leurs droits fondamentaux et leur droit à la sécurité. Nous allons aujourd'hui nous faire les porte-parole des travailleuses du sexe migrantes d'origine asiatique, et surtout essayer de vous convaincre que le projet de loi n'empêche pas l'exploitation et ne protège pas les femmes. À l'opposé, il a des effets nocifs sur les travailleuses du sexe. Il est faux de prétendre que cette mesure législative ne nuit pas à leur travail. Je vais vous donner quelques preuves, tirées de nos nombreuses recherches et des nombreux témoignages que nous avons recueillis auprès des travailleuses du sexe à ce sujet.
Les femmes racisées et migrantes font face tous les jours à la violence, à de mauvaises conditions de travail et à l'exploitation dans tous les secteurs, y compris celles qui travaillent comme aides familiales et dans les usines. Pour autant, nous ne réclamons pas la criminalisation de ces secteurs, mais plutôt la protection des migrantes et des travailleuses. Le travail du sexe est un moyen pour beaucoup de femmes asiatiques et migrantes de résister à l'oppression, de gagner un revenu, d'accéder à des ressources sociales et de fuir une relation de violence.
La plupart des personnes migrantes aspirent à la liberté et à la sécurité quand elles déménagent au Canada, mais c'est malheureusement loin de la réalité. La criminalisation du travail du sexe et le lobbying pour éliminer l'industrie du sexe incitent à la violence, au profilage racial, à la discrimination et à la haine contre les personnes qui y travaillent. On demande au personnel des hôtels, aux propriétaires d'immeubles et même aux organismes non gouvernementaux de les surveiller. Des villes ferment les salons de massage asiatiques.
Lors de la fusillade d'Atlanta, six femmes asiatiques ont été tuées. Ce n'est pas un phénomène propre aux États-Unis, car des événements du même genre se sont produits au Canada, où sept travailleuses asiatiques ont été assassinées. Ces tueries sont le fruit de la haine du travail du sexe, de sa criminalisation. L'assimilation du travail du sexe à la violence empêche de reconnaître la violence réelle subie par les personnes qui exercent ce travail.
La criminalisation fait en sorte que ces personnes sont souvent arrêtées et déportées si elles signalent un acte de violence. Une travailleuse du sexe qui a subi des blessures graves durant un vol a déclaré qu'elle préférait de loin endurer la violence plutôt que d'être arrêtée. Quand le service de secours d'urgence de Butterfly reçoit un appel à minuit, mon cœur fait un tour parce que je ne sais pas s'il s'agit d'une femme qui a été volée, arrêtée ou tuée.
On traite les personnes qui forment des réseaux essentiels pour les travailleuses du sexe migrantes, y compris les amis, les tiers et les clients, comme des trafiquants. Ces personnes sont arrêtées alors qu'elles essaient de s'entraider. Près de 200 femmes ont été accusées de proxénétisme ou de publicité ces dernières années. Une travailleuse du sexe a été arrêtée parce qu'elle aidait d'autres femmes à faire de la publicité, à communiquer avec les clients et à faire des vérifications.
Loin de protéger ces femmes, les policiers comptent parmi les principaux agresseurs. Parmi les travailleuses du sexe, 30 % ont déclaré avoir été harcelées ou agressées sexuellement ou d'une autre façon par un policier.
À cause de l'amalgame entre le travail du sexe et la traite des personnes, les services policiers s'acharnent contre les travailleuses du sexe. Des policiers munis d'un mandat sont entrés de force chez une travailleuse pendant son sommeil. Elle a été menottée et on l'a empêchée de s'habiller avant de l'interroger. Ses cartes d'identité, son argent et son téléphone ont été confisqués, et les policiers lui ont ensuite demandé si elle était en sécurité. Elle a répondu qu'elle était en sécurité avant leur arrivée. Elle était terrifiée parce qu'elle ne savait pas si elle serait déportée, accusée ou dénoncée.
Les stéréotypes véhiculés au sujet des travailleuses du sexe asiatiques et immigrantes les font passer pour des victimes passives et ignorantes de la traite des personnes, alors qu'elles ont clairement réclamé la décriminalisation du travail du sexe et l'abolition des lois et des règlements en matière criminelle et d'immigration qui légitiment l'ingérence de la police dans leur vie. Les lois exacerbent notre vulnérabilité, disent-elles. Nous ne sommes pas des victimes. Nous sommes des travailleuses. Nous sommes les mieux placées pour savoir ce qui se passe dans notre vie et pour comprendre comment les lois nous nuisent.
Voilà ce que vous demandent les travailleuses du sexe migrantes. Ne criminalisez pas notre travail et ne nous empêchez pas de travailler. N'essayez pas de contrôler notre corps. Si vous avez vraiment à cœur nos droits et notre sécurité, laissez-nous décider de notre propre vie et écoutez-nous. Ne faites rien qui risque de nous causer encore plus de dommages et de nous mettre encore plus en danger.
Butterfly n'est pas le seul organisme à avoir constaté les dommages causés. Beaucoup d'autres organismes qui militent pour que cesse la violence faite aux femmes et les droits de la personne, comme l'Ontario Coalition of Rape Crisis Centres et la Global Business Coalition Against Human Trafficking, sont témoins des ravages des lois qui criminalisent les personnes qui travaillent dans l'industrie du sexe et s'y sont opposés.
Nous exhortons le gouvernement à entendre les demandes de la communauté et à abroger le projet de loi , qui est préjudiciable aux personnes qui travaillent dans l'industrie du sexe et qui peut même entraîner leur mort.
Merci.
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Bonjour à tous et merci de me donner l'occasion de m'adresser à vous.
Je suis Lynne Kent, présidente du Vancouver Collective Against Sexual Exploitation. Nous sommes un collectif d'organismes et de personnes comptant de nombreuses années d'intervention et d'expérience dans ce domaine.
D'après ce que j'ai compris, le projet de loi s'intitule désormais la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d'exploitation. C'est un instrument transformateur sur les plans social, juridique et relationnel par son approche pour lutter contre l'objectivation et de la marchandisation des femmes et des filles. C'est un instrument à la fine pointe, reconnu mondialement, qui vise à protéger le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité des personnes que le commerce du sexe enfreint chaque jour.
Notre gouvernement s'est fait le champion mondial de tous les droits en matière de santé et d'égalité des sexes, et la LPCPVE vous offre toutes les possibilités de prétendre à ce titre. Elle s'attaque au facteur le plus important de la déresponsabilisation des femmes, soit la commercialisation de leur corps qui découle du soutien de la demande des hommes et de leur sentiment d'avoir droit à des rapports sexuels quand, où et avec qui ils veulent. La LPCPVE dit non et, dans un récent sondage, cinq fois plus de Canadiens sont d'accord.
Nous revendiquons tous la sécurité des femmes. Il s'est révélé impossible d'empêcher l'exploitation dans le commerce du sexe. Les préjudices causés aux femmes et aux filles exploitées sont bien documentés et l'abrogation de la loi n'y changera rien. En fait, elle augmentera à la fois les préjudices et le danger pour les personnes qui se prostituent, pour l'ensemble des femmes, des enfants et des collectivités.
C'est un mensonge cruel de laisser entendre que la modification de cette loi offrira plus de sécurité à quiconque se livre au commerce du sexe. Les preuves sont partout. Le lobby en faveur de l'abrogation de cette loi vise davantage la sécurité des exploiteurs. Ne soyez pas dupes: les proxénètes, les clients et les trafiquants sont les seuls à en bénéficier.
Oui, écoutez ceux qui sont dans le commerce du sexe, mais lesquels? Écoutez-vous les quelques privilégiées qui prétendent être là par choix, ou la grande majorité qui est là par manque de choix, qui a été attirée, séduite et contrainte, qui veut en sortir, qui ne peut pas en sortir, qui est piégée et qui n'a pas de voix? Vous ne les entendrez pas. Elles ne seront pas à cette table, car elles ne sont pas libres de s'exprimer.
C'est en écoutant les survivantes que vous pourrez vous rapprocher le plus de la vérité, celles qui réussissent à s'en sortir et qui se soucient suffisamment des autres pour se mettre en danger —ne vous y méprenez pas — et raconter toute l'histoire. Celles qui se soucient vraiment de la sécurité et du bien-être de tous les acteurs du commerce du sexe savent que la réduction concrète des préjudices est un leurre. Les lois ne peuvent pas être faites pour servir une minorité. Cette loi doit se concentrer sur la protection et la sécurité de la majorité.
Les prostituées néo-zélandaises ont manifesté, fait campagne et exercé des pressions en faveur d'une décriminalisation totale, pour s'apercevoir que leur propre capacité d'action était réduite et que l'ensemble des avantages, du contrôle et du pouvoir revenait aux propriétaires de maisons closes, aux proxénètes, aux clients et aux exploiteurs. Si vous abrogez la loi, vous aggraverez les préjudices et le danger pour toutes les femmes et tous les enfants, en particulier les Autochtones, les immigrantes, les pauvres et les racisées, ainsi que pour toutes les enfants âgées de 10 à 18 ans.
Voulez-vous que ce soit là votre legs? Voulez-vous avoir cela sur votre conscience? Nous serons là pour vous demander des comptes, pour pointer du doigt et imputer la faute à qui elle appartient. Il vous incombe de protéger les collectivités et les personnes exploitées et non de faciliter le commerce du sexe et ces graves préjudices inhérents dont on vous a parlé à maintes reprises.
Nous avons soumis un mémoire dans lequel nous soulignons les éléments valables dans la LPCPVE. Cependant, cette loi étalon ne remplira ses promesses que si elle est mise en œuvre. Nous avons besoin d'une application cohérente à la grandeur du pays. Nous avons besoin de formation des policiers, d'une campagne d'éducation publique et d'un soutien solide pour les personnes qui quittent le métier.
De quel côté vous rangerez-vous, du côté de la population et des collectivités canadiennes ou du côté du crime organisé? Ce n'est pas la loi qui fait du tort. Ce sont les hommes qui achètent du sexe. Tant que nous ne nous attaquerons pas à la demande, rien ne changera.
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Eh bien, c'est très intéressant, car quelques années seulement après l'entrée en vigueur de leur nouvelle loi, ces effets ont été révélés pour la première fois dans le rapport sur la traite de personnes. Chaque rapport publié depuis signale qu'ils ont un problème de traite de personnes.
Voici ce qui est vraiment intéressant. Ils prétendent qu'ils n'ont pas de problème de traite. En fait, j'ai appris de l'organisation des travailleurs et travailleuses du sexe qu'ils se sentent insultés lorsqu'on leur dit qu'ils ont un problème de traite. Ils redéfinissent la traite comme une fête du travail du sexe, une merveilleuse occasion pour des personnes de venir travailler dans un endroit magnifique.
En réalité, nous avons des témoignages de travailleurs et de travailleuses du sexe en Nouvelle-Zélande qui se sentent carrément trahis. Après tous les efforts qu'ils ont déployés, ils se sont retrouvés, comme je l'ai dit, sans aucune capacité d'agir. En réalité, l'exploitation se poursuivait, mais ils n'avaient aucun recours et aucune issue, puisqu'il s'agissait d'une entreprise légitime. Qui même s'occupait d'eux? Ils n'avaient certainement pas l'impression qu'ils pouvaient aller porter plainte à la police.
Encore une fois, cela nous ramène à la raison pour laquelle nous ne pouvons même pas dire que notre loi crée des préjudices, puisqu'elle n'a pas été mise en œuvre de façon systématique au pays. Il y a un manque de formation des policiers, un manque d'éducation publique. On n'a pas du tout saisi ce qui est nécessaire. Vous ne pouvez pas affirmer que la loi a causé des préjudices.
Je tiens à dire que tous ces préjudices existent, mais nous les imputons à cette loi alors qu'il serait plus pertinent de les imputer à bon nombre de nos systèmes de services sociaux, y compris celui de la protection de l'enfance. Ce système jette les enfants à la rue à 19 ans et, devinez quoi, ils aboutissent dans le commerce du sexe. Nous savons que beaucoup d'enfants placés en famille d'accueil travaillent dans le commerce du sexe.
En ce qui concerne notre système de santé, les Autochtones, les personnes LGBTQ et les femmes en général se plaignent de ne pas être bien traitées. Elles sont victimes de discrimination en ce qui concerne les traitements médicaux et dans le réseau de la santé. Il en va de même pour les services financiers. Nous ne pouvons pas dire que cette loi cause des préjudices, celui‑ci et d'autres, aux travailleurs et aux travailleuses du sexe.
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Merci beaucoup, et je pense que vous avez posé une question très importante. C'est ce que nous constatons tous les jours dans la communauté, comment la loi cause un préjudice aux travailleuses du sexe. Pourquoi sont-elles la cible de l'agresseur? C'est parce qu'elles savent que la loi ne les protège pas. Elles savent que la loi les vise.
C'est avec tristesse que je dois dire que [difficultés techniques] assiste à une séance du Parlement. Une autre chose que j'organise le plus souvent, ce sont des funérailles. Chaque fois que je vois la dépouille d'une travailleuse du sexe, je me demande pourquoi. Pourquoi avons-nous encore cette loi? Nous savons que cette loi continue de tuer des gens. Nous savons que la loi fait en sorte que les travailleuses du sexe ne peuvent pas travailler en toute sécurité. Quand les travailleuses du sexe se protègent les unes les autres... Par exemple, certaines travailleuses du sexe ne parlent pas anglais. L'autre travailleuse du sexe l'aide à communiquer avec les clients. Cette travailleuse du sexe est alors jetée en prison et la première travailleuse du sexe doit travailler dans une situation où elle est très vulnérable.
Pourquoi le faisons-nous encore? Je ne comprends vraiment pas pourquoi tant de gens disent... Surtout, je vois beaucoup de gens dire que le problème ne touche pas les travailleuses du sexe, qu'il ne touche pas les personnes racisées ni les migrants. Ils continuent à dire qu'ils en savent plus que la communauté. Si vous vous souciez vraiment de l'exploitation et de la sécurité des travailleuses, la réponse est très simple. Abrogez cette loi.
J'ai travaillé avec de nombreuses travailleuses du sexe en Nouvelle-Zélande. J'ai travaillé avec beaucoup d'organismes d'aide [difficultés techniques] dans un pays où les travailleuses du sexe sont moins criminalisées. Elles sont moins vulnérables. Elles peuvent demander de l'aide. Tout l'amalgame entre le travail du sexe et la traite de personne a accru la surveillance policière et la vulnérabilité des travailleuses.
J'espère vraiment qu'après cette séance, nous aurons un rapport qui reflète vraiment la réalité des préjudices que cette loi cause aux travailleuses du sexe et le fait qu'elle ne peut pas les protéger de l'exploitation, car de nombreux organismes — et non seulement les organisations de travailleurs et travailleuses du sexe, mais des organismes de défense des droits de la personne et de lutte contre la violence faite aux femmes — ne cessent de vous le répéter. Nous espérons vraiment que la loi pourra être modifiée, qu'aucune travailleuse du sexe ne mourra à cause de la haine du travail du sexe, car ce point de vue est source de haine envers les travailleuses du sexe. Nous nous souvenons des six femmes asiatiques assassinées à Atlanta parce que le meurtrier a dit qu'il voulait éradiquer les travailleuses du sexe.
Lorsque j'entends ici tant de gens dire qu'ils veulent éliminer les travailleuses du sexe, pour moi, ce n'est pas différent. Elles meurent à cause de votre haine des travailleuses du sexe, mais ce sont les corps de travailleuses du sexe. Que cela vous plaise ou non est votre choix, mais vous n'avez pas le droit d'exercer votre pouvoir sur d'autres femmes. Lorsque vous dites que les hommes ne devraient pas utiliser le corps des femmes, je dois vous dire: cessez d'utiliser le corps des travailleuses du sexe au profit de votre carrière et pour obtenir plus de financement.
Les travailleuses du sexe ne cessent de vous répéter que cette loi les tue. Les travailleuses du sexe disent que cette loi ne les protège pas. C'est un message très important. Je veux que vous l'entendiez, et je tiens aussi à ce que toutes les personnes qui font la promotion du modèle de criminalisation du travail du sexe axé sur la fin de la demande l'entendent. Vous devez vraiment réfléchir à ce que vous faites. Nous ne voulons vraiment pas que d'autres travailleuses du sexe soient tuées.
Je vous remercie.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur présence.
Comme je le disais aux précédents témoins, j'essaie de naviguer dans tout cela. C'est un débat extrêmement important et extrêmement particulier. Normalement, quand on reçoit des gens au Comité, tout le monde s'entend un peu sur les mêmes solutions, et il y a une espèce de consensus. Or, dans ce cas-ci, les opinions sont tranchées: c'est noir ou blanc, avec de bons arguments des deux côtés. D'une part, on entend que ce qui protégerait les victimes d'exploitation sexuelle serait d'abroger la loi. D'autre part, on entend que, ce qui protégerait les victimes d'exploitation sexuelle, c'est de renforcer la loi.
Je vais d'abord m'adresser à vous, madame Kent.
Vous dites que le fait d'abroger la loi n'apporterait pas la sécurité aux victimes d'exploitation sexuelle. À votre avis, il faut se pencher sur la demande.
De quelle façon pourrait-on faire cela?
Je sais que vous avez abordé la question, mais je souhaiterais que vous développiez votre idée.
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Eh bien, c'est ce que fait la loi. La loi est axée sur la demande.
J'entends parfaitement le témoignage de Mme Lam. Je tiens à dire que j'ai aussi entendu la même chose de la part de survivantes. J'ai entendu les mêmes propos. Elles disent qu'elles en ont assez d'enterrer leurs amies, mais elles reconnaissent que ce n'est pas la loi qui a enterré leurs amies. Ce sont les acheteurs et les exploiteurs qui ont causé les préjudices qui ont enterré leurs amies. Parfois, c'est le suicide, à cause du travail.
En tant qu'organisation, nous ne recevons aucun financement. Nous sommes tous des bénévoles. Cela comprend des travailleurs et des travailleuses du sexe, d'anciens propriétaires de maisons closes, des survivants et des survivantes et de nombreuses personnes qui travaillent avec des travailleurs du sexe. C'est ce que nous entendons de leur part.
La loi ne vise pas à criminaliser le travail du sexe. Quand je dis qu'elle n'est pas appliquée, c'est là que le bât blesse. Elle est très complète. Elle nous donne tous les outils pour faire exactement ce que Mme Lam demande. Cette loi contient des outils pour protéger les travailleurs et travailleuses du sexe. Nous en revenons aux questions suivantes: pourquoi fait‑on du mal à ces personnes? Pourquoi ces personnes ont-elles peur de la police? Nous n'éduquons et ne formons pas les policiers pour qu'ils appliquent cette loi comme elle devrait être appliquée.
Nous savons aussi que les exploiteurs enseignent aux travailleuses du sexe — les personnes concernées — à avoir peur de la loi, à avoir peur des policiers et à ne pas s'adresser à eux parce que cela les met en danger. Ils ne veulent pas que l'on sache qu'ils leur ont causé des préjudices d'une manière ou d'une autre ou qu'elles ont été agressées.
Nous imputons à la loi de nombreuses fautes qui n'ont rien à voir avec la loi. Par conséquent, tant que nous le faisons, nous fermons les yeux sur les problèmes sous-jacents qui sont à l'origine des préjudices subis dans le cadre du travail du sexe et de la violence faite aux femmes, un point c'est tout.
Je tiens simplement à vous dire, madame Michaud, que j'ai écouté les témoignages et vos questions. Je suis vraiment heureuse de voir la mesure dans laquelle vous cherchez de l'information et vous examinez toutes les facettes de cet enjeu en essayant d'aborder un problème très complexe avec bienveillance et solidarité. Je comprends certainement à quel point il est difficile pour des législateurs de défricher le terrain dans ce dossier pour se pencher sur ce que la loi est vraiment censée aborder.
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Je vous remercie beaucoup.
Vous dites qu'on devrait éduquer davantage les policiers ou ajouter certains aspects à leur formation. Je suis d'accord là-dessus. Quand on siège au Comité permanent de la sécurité publique et nationale, on voit toujours de nouvelles choses pour lesquelles on devrait éduquer les policiers. C'est un travail constant. On constate que leur formation pourrait être plus longue.
Par ailleurs, je comprends les victimes dont les expériences avec les policiers n'ont pas été positives et qui ont peur. La loi les met dans une situation particulière, parce qu'elles ont peur de faire des dénonciations. Elles baignent dans l'illégalité, mais elles essaient de travailler, de faire leur métier malgré tout cela. C'est ce qui est arrivé à une jeune fille de Québec l'an dernier, Marylène Levesque, qui a été tuée par un récidiviste parce qu'elle avait probablement peur d'aller voir la police.
Même si on éduque davantage les policiers, comment fait-on pour jongler avec cela?
Je vous ai laissé bien peu de temps pour répondre. J'en suis désolée.
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Je dirais que c'est une erreur ou une illusion de dire que cette loi permet aux travailleuses du sexe de continuer à travailler. Surtout pour les travailleuses du sexe asiatiques et migrantes, même certaines d'entre elles qui ont la résidence permanente, en raison de la barrière de la langue et aussi parce qu'elles n'ont pas assez de revenus, une tierce personne ou le client est souvent leur système de soutien très important. Par exemple, elles peuvent avoir besoin de quelqu'un pour les aider à s'annoncer ou à communiquer avec les clients, mais tout est devenu illégal.
Je crois qu'il y a une couche supplémentaire parce que l'enquête sur la traite de personnes fait toujours intervenir l'ASFC. Nous voyons de nombreuses enquêtes contre le travail du sexe se transformer en enquêtes contre les migrantes. En vertu de la politique d'immigration en vigueur, même les détentrices d'un permis de travail temporaire ne sont pas autorisées à travailler dans l'industrie du sexe.
C'est pourquoi nous estimons qu'il est très important que la loi assure la sécurité des travailleurs et des travailleuses du sexe, mais en même temps, nous continuons à dire qu'il s'agit aussi de leur travail et de leur gagne-pain. Il s'agit aussi de la capacité d'agir de chacun. Ces personnes devraient avoir le droit de prendre des décisions concernant leur vie et leur travail. Lorsque nous entendons d'autres intervenants dire à quel point ils sont heureux de fermer un salon de massage, nous voyons tellement de travailleurs et de travailleuses qui pleurent et tellement de travailleurs et de travailleuses qui se sentent si impuissants et frustrés lorsqu'ils perdent leur source de revenus.
Toute cette criminalisation a mis les travailleuses du sexe dans une position où elles ne peuvent pas demander d'aide. Il est très important de ne pas oublier que l'aide ne vient pas seulement de la police. De nombreux systèmes de soutien mutuel sont criminalisés, et il leur est interdit de protéger ces travailleurs.
Nous devons aussi nous demander si les gens veulent vraiment mettre fin à la violence faite aux travailleurs du sexe ou s'ils veulent mettre fin au travail du sexe. Mettre fin au travail du sexe n'assurera pas la sécurité des travailleurs du sexe. L'abrogation de la loi pénale peut aider les travailleurs du sexe à travailler de façon plus sûre. C'est la loi qui fait en sorte que les gens ont peur de dénoncer, parce que nous avons vu tellement de travailleurs être arrêtés et faire l'objet d'une enquête lorsqu'ils s'adressent à la police.
L'une des travailleuses a été agressée quatre fois, et elle ne veut même pas crier, car elle a tellement peur que la police vienne. La police vient d'arrêter son amie, et celle‑ci a été expulsée.
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Cela va même plus loin que ça. Bien sûr, nous avons vu des cas où l'exploiteur a fait participer ce jeune à d'autres actes criminels, comme la contrebande d'armes à feu ou de drogue, et dans un cas, même à un meurtre où le jeune a été considéré comme complice du meurtre. C'est une épée de Damoclès qu'on tient ensuite au‑dessus de leur tête. On le fait même pour un simple vol: « Tu ne veux pas t'adresser à la police. Tu iras en prison à cause de ce que tu as fait. »
C'est intentionnel. C'est très intentionnel. Ils ne veulent pas que ces travailleurs du sexe s'adressent à la police. Ils ne veulent pas que les préjudices qu'ils causent soient exposés au grand jour.
Vous savez, je suis absolument d'accord avec Mme Lam sur de nombreux points. J'ai vu et entendu de première main des témoignages de personnes sur ce qui leur arrive, mais je veux simplement revenir en arrière et dire que ce n'est pas la loi qui fait craindre la police. C'est le fait de se faire dire que l'on ne peut pas faire confiance à la police et que l'on ne peut pas s'adresser à la police.
Je ne défends pas les policiers sans réserve. Nous savons aussi que des policiers ont été complices. Quand nous examinons le profil des clients, nous voyons des avocats, des médecins, des enseignants, des professionnels, des policiers — autrement dit, des personnes qui ont de l'influence et du pouvoir. Ils ont une grande part de responsabilité dans la demande et l'exploitation. Il est donc compréhensible que les gens aient peur d'eux.
J'en reviens au point suivant: nous devons tous examiner l'objectif de la loi et nous assurer qu'elle réalise son objectif. Son objectif est très bon. Il est important de répondre à la demande. Lorsqu'on décriminalise, lorsqu'on accorde l'impunité aux acheteurs et aux exploiteurs, ils deviennent plus violents. Nous le constatons. Nous en avons la preuve dans le monde entier. Je peux dire que nous en avons la preuve ici à Vancouver. C'est vraiment la volonté politique qui a freiné nos policiers. Ils sont conscients du problème, ils en prennent la mesure, et je pense qu'ils ont des lignes directrices pleines de bienveillance. Ils comprennent comment aborder les problèmes d'exploitation de la façon la plus prudente et la plus constructive, mais il n'y a pas de volonté politique pour les appuyer, les financer et leur fournir les ressources nécessaires pour garantir que nos policiers, tous nos services d'application de la loi, respectent l'esprit de la loi.
Il y a les dispositions, puis il y a l'opérationnalisation. Nous devons combiner les deux.
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Je vous remercie, monsieur le président.
D'entrée de jeu, je vais apporter une clarification.
Je reçois déjà des commentaires sur Twitter me disant que, éduquer ou former davantage les policiers, ce n'est jamais la solution. Je ne dis pas que c'est la meilleure ou la seule solution, mais je pense que cela peut en faire partie.
Ma dernière question s'adressera à Mme Lam.
Madame Lam, je ne sais pas si vous savez qu'en Nouvelle‑Zélande, on a décriminalisé la prostitution. On essaie de voir si cela a généré des progrès considérables. Certaines études démontrent que cela n'a pas éliminé pour autant les mauvais traitements, la prostitution juvénile, la consommation de drogues ni la violence.
Croyez-vous que nous devrions nous baser sur un modèle comme celui de la Nouvelle‑Zélande, malgré le fait qu'il n'a peut-être pas tous les effets positifs escomptés?
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Nous reconnaissons toutes et tous, et beaucoup l'ont dit ici, qu'il y a beaucoup d'exploitation. En fait, les multiples études nous disent que dans cette activité, de 2 à 10 % des personnes sont autonomes. Les autres ne le sont pas. La réponse à cela est-elle de supprimer la loi et de ne pas avoir de loi du tout? Qu'arriverait‑il si nous faisions cela?
Pas la peine de regarder bien loin pour voir ce qui arriverait. Du jour au lendemain, le Canada deviendrait le bordel de l'Amérique du Nord — cela ne fait aucun doute — et nous serions la meilleure destination de tourisme sexuel du monde. Nous savons qu'aujourd'hui, Kelowna, dans notre province, est souvent considérée comme une très bonne destination de tourisme sexuel.
Certes, il y a des arguments pour et contre au sujet de la Suède, mais si nous comparons la Suède, qui a imposé le modèle nordique au moment où l'Allemagne décriminalisait la prostitution, eh bien, il n'y a pas de comparaison dans l'exploitation des femmes. L'Allemagne compte maintenant plus de 400 000 femmes prostituées, et les dommages sont cachés. Les histoires sont inimaginables en ce qui concerne la façon dont ces femmes sont traitées.
La Suède n'a pas éliminé la prostitution, et ce n'est vraiment pas le but. L'objectif est de la rendre sûre. Quand on décriminalise les exploiteurs, comment est‑ce que cela rend la profession sûre ou plus sûre?
C'est...
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À mon avis, premièrement, la décriminalisation est très utile pour que les gens ne considèrent pas que les travailleurs et travailleuses du sexe font quelque chose de mal et que ce sont de mauvaises personnes. C'est très utile pour éliminer la haine envers les travailleurs et travailleuses du sexe et pour promouvoir le respect à leur égard.
Deuxièmement, comme nous ne cessons de le répéter, la loi pénale vulnérabilise les travailleurs et travailleuses du sexe et fait qu'ils deviennent la cible de violences. Nous voyons en particulier comment la haine envers les Asiatiques peut se recouper avec la haine envers la prostitution et faire de tellement de travailleurs et de travailleuses du sexe les cibles d'agression ou de meurtre.
En décriminalisant la prostitution, en supprimant cette loi pénale, le travailleur ou la travailleuse du sexe pourra utiliser tout cela — et même à présent, le système juridique n'est pas parfait — et accéder à ces systèmes juridiques ou à des aides comme les autres citoyens. Comme le recommandent beaucoup d'organisations de travailleurs et travailleuses du sexe ainsi que certains organismes juridiques et des organisations de défense des droits de la personne, il est très important de fournir des services sociaux pour réduire la vulnérabilité et lutter contre l'exploitation et la violence à l'égard des travailleurs et travailleuses du sexe.
Si cette loi pénale est supprimée, les travailleurs et travailleuses du sexe n'auront plus peur quand ils auront besoin d'accéder à ces systèmes. Cela contribuera aussi beaucoup à éliminer la stigmatisation, et c'est une étape très importante.