Bienvenue à la 81e réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes.
Conformément à l'ordre de la Chambre du 21 juin 2023, le Comité se réunit en public pour étudier le projet de loi , Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois en conséquence.
La réunion d'aujourd'hui a lieu sous forme hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 23 juin 2022. Les membres sont présents dans la salle ou participent à distance au moyen de l'application Zoom.
J'aimerais faire quelques observations à l'intention des témoins et des membres du Comité. Veuillez attendre que je vous donne nommément la parole avant de parler. Si vous participez par vidéoconférence, veuillez activer votre microphone en cliquant sur l'icône et le désactiver quand vous ne parlez pas.
Ceux qui ont besoin des services d'interprétation sur Zoom ont le choix, au bas de leur écran, entre parquet, anglais ou français. Ceux qui sont dans la salle peuvent utiliser l'oreillette et sélectionner le canal désiré.
Tous les commentaires doivent être adressés à la présidence.
Veuillez lever la main lorsque vous voulez prendre la parole. Ceux qui participent à distance peuvent utiliser la fonction « main levée » de Zoom. Le greffier et moi-même nous occuperons de l'ordre des interventions du mieux que nous le pourrons et nous vous remercions de votre patience.
Je vous signale également que vous recevrez un avis confirmant notre réunion de jeudi matin, de 11 heures à 12 h 30, avec le et le président du processus de sélection du nouveau juge de la Cour suprême.
Je crois savoir que nos témoins n'ont pas prévu d'exposés préliminaires; nous allons donc passer directement aux questions. Monsieur Brock, vous avez six minutes.
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Je peux répondre à ces questions.
En effet, les critères de recevabilité sont modifiés dans le projet de loi .
Tout d'abord, la terminologie a été modifiée à certains égards. En vertu des dispositions actuelles du Code criminel, les personnes qui ont été condamnées à la suite d'une infraction à une loi fédérale peuvent faire une demande d'examen. Le projet de loi change cette terminologie afin qu'il soit plutôt question des gens qui ont été déclarés coupables. On clarifie ainsi que cela comprend les gens qui ont plaidé coupables ainsi que les gens qui ont fait l'objet d'une absolution conditionnelle ou inconditionnelle.
Comme autre critère de recevabilité, on ajoute une disposition pour permettre de présenter une demande d'examen dans le cas de gens qui ont reçu un verdict de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux. S'il y a eu une erreur de diagnostic, par exemple, cela va pouvoir faire l'objet d'un examen.
En ce qui a trait à l'amélioration du processus d'examen, pendant les consultations, on a beaucoup entendu parler du fait qu'il est assez onéreux pour les demandeurs de rassembler toutes les transcriptions des procès et de fournir les nombreux documents requis. Or, souvent, les demandeurs se trouvent encore en prison, alors il s'agit d'une démarche assez onéreuse pour eux. Ils ont donc de la difficulté à satisfaire aux critères de recevabilité.
Si le projet de loi est adopté, la première étape pour faire une demande sera grandement simplifiée. Le Règlement sur les demandes de révision auprès du ministre (erreurs judiciaires) sera abrogé et la nouvelle commission va plutôt élaborer des politiques pour décrire ce que les gens doivent présenter. Le formulaire à remplir sera assez simple, vraisemblablement. C'est ce qu'on a entendu de la part d'autres pays qui ont grandement simplifié le formulaire que les demandeurs doivent remplir. Par la suite, on espère que l'évaluation préliminaire pour déterminer la recevabilité d'une demande d'examen sera un peu plus rapide et que, une fois qu'une demande aura été déclarée recevable, on pourra passer assez rapidement à une enquête ou à une décision.
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Certainement. Nous pouvons procéder dans l'ordre inverse.
Merci, madame Gazan. Ce sont effectivement des statistiques très troublantes. Je m'en suis fait la remarque moi-même. On m'a donné une version légèrement différente, à savoir que tous étaient des hommes et que, sur 26 cas, 20 étaient des Blancs et 6, seulement, des personnes racisées.
Ce que vous dites souligne l'importance d'un système qui révèle mieux la probabilité statistique de condamnations injustifiées parmi les détenus. Compte tenu de la surreprésentation des Autochtones et des Noirs dans la population carcérale et du nombre de femmes dans cette population, il est statistiquement improbable — et probablement impossible — qu'il n'y ait jamais eu de condamnation injustifiée d'une femme, par exemple, dans ce pays.
Notre façon d'aborder la question est de prendre certaines mesures prévues dans la réglementation, comme des activités de sensibilisation dans les prisons, pour expliquer aux gens que ce processus est disponible. On cherche à donner accès à l'aide juridique. On sait bien que les gens dépendent de la qualité des avocats qu'ils peuvent se permettre d'engager. En offrant une aide juridique concrète, on donne des moyens aux détenus autochtones et noirs. On fournit aussi des services de traduction et d'interprétation. Cela soulève la question de la traduction en langues autochtones. J'espère que ce service est fourni, mais je ne le sais pas.
Enfin, il y a même le soutien à la réinsertion. Il est parfois intimidant de brandir le spectre d'une condamnation injustifiée pour ensuite être libéré sous caution. Comme Mme Besner vient de le dire, ceux à qui on accorde une caution se retrouvent brusquement à l'extérieur d'un système carcéral où ils vivaient depuis, disons, 18 ans. Impossible de se loger, de se nourrir ou de trouver un emploi.
Je suis heureux de vous voir occuper le fauteuil, monsieur Moore.
Bonjour, chers collègues. J'espère que vous allez bien. Je tiens d'abord à vous remercier de votre travail rapide sur le projet de loi et d'avoir veillé à ce que nous respections l'échéance fixée par les tribunaux et que nous maintenions le registre des délinquants sexuels.
[Français]
Je vous remercie de m'avoir invité pour vous parler du projet de loi .
[Traduction]
Le projet de loi propose des changements nécessaires et attendus depuis longtemps à notre système de justice pénale, et cela va changer des vies. Je suis reconnaissant à mon prédécesseur du travail important qu'il a accompli dans l'élaboration du projet de loi . J'ai bien l'intention de tenir la promesse que a faite à David Milgaard et à sa mère, Joyce, d'adopter cette importante mesure législative.
Je pense que nous tous parlementaires avons un devoir envers ceux qui ont été condamnés à tort, comme David Milgaard et d'autres. Ces erreurs leur coûtent leur liberté, leur gagne-pain, leur réputation et leur temps avec leurs proches. Les erreurs sont catastrophiques pour les victimes d'actes criminels et leurs familles.
Ce projet de loi répond à l'appel de longue date de Canadiens condamnés à tort et de leurs défenseurs. Cette question a été longuement étudiée. Au fil des décennies, de nombreuses commissions d'enquête ont systématiquement présenté une recommandation au gouvernement, à savoir la création d'une commission indépendante chargée d'examiner et d'enquêter sur les cas où une erreur judiciaire aurait pu se produire.
D'autres pays l'ont déjà fait, nous n'innovons donc pas à ce chapitre. Des commissions indépendantes d'examen des affaires criminelles ont été établies dans des administrations comme l'Angleterre, le Pays de Galles et l'Irlande du Nord, l'Écosse et la Nouvelle-Zélande.
Le projet de loi s'inspire d'un vaste processus de consultation publique qui a eu lieu au cours de l'été 2021 et auquel ont participé plus de 200 personnes et groupes ayant de l'expérience et de l'expertise dans le domaine de la justice pénale. Ce processus a été suivi par d'autres consultations avec les provinces et les territoires, les organisations judiciaires, les organisations autochtones nationales, les organisations de communautés noires et d'autres communautés en quête d'équité, et diverses associations du barreau.
L'une des principales conclusions des consultations, c'est que les commissions d'autres pays sont en mesure de traiter les demandes beaucoup plus rapidement que le Canada avec son système actuel. Cela veut dire que dans les pays qui ont une commission indépendante, moins de gens passent du temps derrière les barreaux pour des crimes qu'ils n'ont pas commis. En soi, c'est extrêmement important.
Au Canada, en ce qui a trait aux condamnations injustifiées, notre régime a été modifié pour la dernière fois en 2002.
Je signale entre parenthèses que ce pouvoir existait sous une forme ou une autre et était entre les mains de mes prédécesseurs depuis 1892. Nous parlons d'un changement à la prérogative de l'exécutif dans ce domaine, qui remonte à l'époque où la première coupe Stanley a été décernée, il y a plus de 100 ans.
Depuis 2002 — soit au moment de la dernière modification —, un peu plus de 200 demandes d'examen ont été présentées. Vous avez entendu Mme Gazan mentionner qu'il n'y a eu que 26 renvois réussis aux tribunaux dans le cadre du processus d'examen ministériel.
Comparons cela un instant à un pays qui a une commission indépendante. Le Royaume-Uni est un excellent exemple à ce chapitre. On y a renvoyé 822 cas au cours de la même période, et 559 appels ont été annulés avec succès. Compte tenu de notre population, qui ne représente qu'environ la moitié de celle du Royaume-Uni, je pense que ce contraste est très saisissant. De plus, je tiens à souligner que sur les 26 demandes canadiennes acceptées dont Mme Gazan a parlé, toutes, sauf cinq, concernaient des personnes blanches et non racisées. De plus, chacune des 26 demandes acceptées concernait des hommes.
Cela ne ressemble en rien à nos populations carcérales. Les Noirs et les Autochtones, dont nous savons tous qu'ils sont surreprésentés dans notre système de justice pénale, ont besoin d'un accès égal à ce processus, tout comme les femmes.
[Français]
Une commission indépendante consacrée exclusivement à l'examen des erreurs judiciaires permettra à la fois d'accroître la confiance dans le processus d'examen et d'améliorer l'accès à la justice en facilitant et en accélérant l'examen des demandes des personnes susceptibles d'avoir été condamnées à tort.
Une commission composée de cinq à neuf commissaires, à temps plein ou à temps partiel, en plus du personnel, sera en mesure d'examiner plus rapidement les demandes. Les recommandations pour la nomination des commissaires devront refléter la diversité de la société canadienne et également tenir compte de l'égalité des genres et de la surreprésentation de certaines populations dans le système de justice pénale, notamment les peuples autochtones et les personnes noires.
[Traduction]
Le projet de loi exige que la Commission traite les demandes le plus rapidement possible — cela a été mentionné par Mme Besner —, fournisse des mises à jour régulières sur l'état d'avancement de la demande, avise les parties et leur donne un délai raisonnable de réponse. Le projet de loi exige également que la Commission soit accessible et fasse preuve de transparence.
Elle devra adopter et publier sur son site Web les politiques procédurales servant à orienter son travail. Elle aura un coordonnateur des services aux victimes, qui appuiera ces dernières et aidera à élaborer des politiques procédurales, surtout en ce qui a trait aux avis aux victimes et à leur participation.
Ce sont des mesures essentielles pour favoriser un soutien adéquat des victimes, ce qui, je le sais, fait partie de vos grandes préoccupations, monsieur le président, compte tenu du travail que vous et moi avons fait au sein de ce comité.
Je pense qu'il est important de comprendre que, de toute évidence, les victimes peuvent être doublement traumatisées lorsque surviennent des erreurs judiciaires et que l'auteur du crime contre leur famille demeure en liberté.
Pour aider à régler les problèmes systémiques et à prévenir les erreurs judiciaires, le projet de loi prévoit que la Commission mène des activités de sensibilisation, comme celles que j'ai mentionnées à Mme Gazan, fournisse des renseignements au public et aux demandeurs potentiels sur sa mission concernant les erreurs judiciaires, et publie ses décisions. Le personnel de la Commission sera habilité à fournir aux demandeurs des conseils concernant leurs demandes. Elle sera en mesure d'offrir un soutien à la réintégration aux demandeurs dans le besoin. Elle pourra fournir aux demandeurs des services de traduction et d'interprétation et pourra les aider à obtenir de l'assistance juridique et à combler leurs besoins de base, comme ceux en matière de logement et de soins médicaux.
Tous ces éléments sont essentiels. Une commission qui fait de la sensibilisation et qui fournit de l'aide aux demandeurs reconnaît les obstacles systémiques auxquels ces derniers font face dans le système actuel. Il est dans l'intérêt de tous que les erreurs judiciaires soient corrigées. En fait, je dirais que personne parmi nous, parmi les 338 députés de la Chambre des communes, n'aurait l'idée de préconiser une condamnation injustifiée dans n'importe quel contexte. Par conséquent, la nature proactive de la Commission prévue dans le projet de loi fera en sorte qu'aucun demandeur ne sera exclu du processus en raison d'un manque de ressources ou de l'incapacité de présenter une demande.
Les fonctionnaires de mon ministère vous ont parlé des modifications techniques prévues dans cette réforme du droit, mais il y en a quelques-unes que j'aimerais souligner en particulier.
La première concerne les pouvoirs d'enquête. La Commission aura les mêmes pouvoirs d'enquête que moi-même en tant que ministre de la Justice en vertu du régime actuel. Ces pouvoirs se trouvent à la partie I de la Loi sur les enquêtes et peuvent être utilisés pour obliger la production de renseignements ou d'éléments de preuve se rapportant à une demande, et pour interroger des témoins sous serment. Ces pouvoirs permettront à la Commission de recueillir les renseignements dont elle a besoin pour effectuer un examen approfondi des cas.
La deuxième modification que je veux souligner est la suivante: le projet de loi modifiera le seuil à partir duquel la Commission peut mener une enquête. Tout comme dans le régime actuel, la Commission pourra mener une enquête s'il y a des motifs raisonnables de croire qu'une erreur judiciaire a été commise. Elle pourra également le faire si elle estime que cela est dans l'intérêt de la justice. C'est exactement l'approche utilisée en Écosse et en Nouvelle-Zélande.
En ce qui concerne la décision finale — pas le point d'entrée de l'enquête, mais la décision finale —, le projet de loi introduit un nouveau critère. La Commission pourra renvoyer l'affaire à la cour d'appel compétente, soit pour un nouvel appel, soit pour ordonner la tenue d'un nouveau procès ou d'une nouvelle audition, lorsqu'il y a des motifs raisonnables de conclure qu'une erreur judiciaire a pu être commise, lorsque les critères sont conjonctifs, et lorsqu'il est dans l'intérêt de la justice de le faire. Il y a en fait deux critères, et non pas un. Ces critères remplacent la norme actuelle concernant la probabilité qu'une erreur judiciaire se soit produite.
Si les nouveaux critères juridiques proposés ne sont pas respectés, la Commission doit rejeter la demande. Les recours prévus dans le projet de loi sont les mêmes que ceux qui existent actuellement dans le cadre du processus actuel, c'est‑à‑dire un renvoi pour un nouvel appel ou une directive pour un nouveau procès ou une nouvelle audition. La Commission n'aura pas le pouvoir d'annuler une condamnation ou de déterminer la culpabilité. Ce sont des décisions qui continueront de demeurer entre les mains des tribunaux.
[Français]
Le projet de loi énumère les facteurs dont la commission devra tenir compte dans la prise de ses décisions. Les facteurs actuellement prévus dans le Code criminel et qui portent sur des considérations liées à l'administration de la justice sont reproduits dans le projet de loi , et deux nouveaux facteurs liés aux circonstances particulières des demandeurs sont ajoutés.
[Traduction]
Il s'agit en fait, plus précisément, d'examiner la situation personnelle du demandeur et les difficultés spécifiques auxquelles il peut avoir fait face, en portant une attention particulière à la situation des accusés noirs et autochtones.
Je crois fermement en notre système de justice, le meilleur au monde. Cependant, nous savons aussi qu'il y a des erreurs judiciaires. Souvent, celles‑ci ne sont découvertes que longtemps après la fin de la procédure pénale. Ces expériences minent la confiance du public dans un système de justice qui est censé les protéger. Ce projet de loi est un grand pas en avant pour rétablir la confiance dans le système. Il porte le nom de David Milgaard, qui a passé 23 ans de sa vie à purger une peine pour un crime qu'il n'avait pas commis, et celui de sa mère, Joyce, qui n'a jamais renoncé à se battre pour sa liberté.
Le projet de loi honore l'héritage de David et de Joyce Milgaard en créant un système qui entraînera davantage d'exonérations d'innocents.
Merci.
:
C'est une très bonne question, monsieur Van Popta. Merci.
J'aimerais dire deux ou trois choses.
Les nouvelles preuves sont-elles le seuil ou la porte d'entrée qui vous permet d'adhérer à ce régime? Non.
Cela arrive‑t‑il souvent, particulièrement dans le cas de la preuve par ADN? Oui, bien sûr.
Cependant, il ne s'agit pas simplement de nouvelles preuves. Il peut s'agir d'autres erreurs qui auraient pu être commises, et j'en ai énuméré quelques-unes dans ma réponse à M. Fortin.
Ce que je peux vous dire, c'est que j'ai confiance dans le système tel qu'il est formulé dans ce projet de loi, dans la mesure où je regarde la réalité statistique du grand nombre de cas — des centaines — que nous traitons dans le système et qui sont annulés comme des condamnations injustifiées dans des pays comme la Nouvelle‑Zélande, l'Écosse, l'Angleterre et le pays de Galles, nous ne pouvons qu'améliorer nos chiffres. Ce qui distingue le Canada de ces trois autres pays, c'est l'absence d'une commission indépendante distincte.
Ces commissions travaillent parfois sur une durée de quelques mois, pour revenir à ce que disait Mme Gazan, alors que dans notre cas, en raison de la complexité du dossier, ces processus prennent parfois des années.
Si nous pouvions travailler plus rapidement et rendre le processus plus accessible, je pense que cela permettrait au moins à un futur David Milgaard d'avoir accès à des options de sorte que, dans une prison d'une région donnée du pays, il sait qu'il a à sa disposition un mécanisme qui peut l'aider tout au long du processus, y compris l'aide juridique.