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Merci, monsieur le président.
Cet amendement a pour but de rétablir l'article 4.1 proposé. Voici ce qu'il prévoit:
9.2 La présente loi ne s'applique pas:
a) aux émissions téléversées vers une entreprise en ligne fournissant un service de média social, par un utilisateur du service — autre que le fournisseur du service, son affilié ou le mandataire de l'un deux — en vue de leur transmission ou retransmission par Internet et de leur réception par d'autres utilisateurs, sauf si le créateur canadien d'une émission a choisi volontairement d'être assujetti à la loi à des fins de découvrabilité;
b) aux entreprises en ligne dont la seule radiodiffusion est celle de telles émissions, sauf si le créateur canadien d'une émission a choisi volontairement d'être assujetti à la loi à des fins de découvrabilité.
Cette exemption vise à offrir un compromis. Le contenu généré par les utilisateurs serait exempté de l'application du règlement à moins qu'un créateur canadien d'émissions choisisse volontairement d'y être assujetti à des fins de découvrabilité. On répondrait ainsi aux préoccupations soulevées concernant la liberté d'expression tout en permettant aux intervenants canadiens de l'industrie culturelle de se faire mieux connaître grâce à la découvrabilité.
La marche à suivre pour assurer la découvrabilité est plutôt simple en vertu de la réglementation du CRTC. Il y a un système de pointage permettant de déterminer si le producteur, le réalisateur ou les comédiens sont canadiens. Il faut obtenir 6 points sur une possibilité de 10. Différents facteurs entrent en compte pour les films et les émissions de télé, comme l'endroit où l'oeuvre est réalisée et les partenaires dans la production. Le système MAPL permet de savoir facilement à quoi s'en tenir. MAPL est l'acronyme pour musique, artiste interprète, production et paroles lyriques. Il faut satisfaire à au moins deux de ces critères pour que l'oeuvre soit considérée comme du contenu canadien.
J'y vois une solution de compromis. La liberté d'expression est respectée. On ne règle toutefois pas la question des distorsions attribuables aux algorithmes, un autre enjeu important dont il faudra débattre. Nous avons ainsi vu le 5 mai dernier, à l'occasion de la Journée de la robe rouge, des publications concernant les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées ou au sujet de proches portées disparues être retirées par Instagram et Facebook par le truchement d'un algorithme. Ces plateformes de médias sociaux ont leurs propres mécanismes pour déterminer quel contenu doit être retiré.
Des plaintes ont été formulées par des sympathisants de mouvements comme Black Lives Matter ou Indigenous Lives Matter, par des gens se portant à la défense des droits des Palestiniens et des Criméens, notamment, et par des militants pour la protection des forêts anciennes. Ils ont vu leurs publications être retirées. Ils ont été bloqués par ces plateformes de médias sociaux. Nous parlons de liberté d'expression, mais ce n'est pas vraiment un espace démocratique. C'est un espace purement commercial. Nous devons nous assurer de faire le nécessaire.
J'espère que les membres du Comité vont appuyer cet amendement. J'estime qu'il s'agit d'un compromis acceptable. Les producteurs de contenu canadien qui veulent être assujettis à la loi et assurer ainsi la découvrabilité de leurs productions canadiennes devraient avoir cette option.
Merci.
Je comprends bien que M. Manly souhaite proposer une solution de compromis pour régler certaines des questions avec lesquelles nous devons composer, et je le remercie de son initiative.
Je veux revenir à la réponse donnée par le représentant du ministère. Je retiens deux choses que j'ai entendues. La première concerne les répercussions par rapport aux amendements que nous avons déjà adoptés. M. Ripley nous a parlé de certaines difficultés qui pourraient en découler pour le CRTC. Ce dernier régit l'ensemble des plateformes de médias sociaux et des créateurs. Les gens du CRTC considéreraient donc que cette loi s'applique à tous. Si nous adoptons cet amendement‑ci, il pourrait être quelque peu ardu pour le CRTC de savoir quel traitement il doit accorder à ceux qui n'adhèrent pas au régime. C'est donc la première partie de la réponse que le représentant du ministère m'a donnée.
Il m'indiquait également que le ministère devra arriver à comprendre comment il lui sera possible de fonctionner, par l'entremise du CRTC, compte tenu de ce choix offert entre le retrait et l'adhésion. Si je ne m'abuse, M. Ripley a souligné que la découvrabilité serait envisageable pour ceux qui choisissent d'être assujettis à la loi, mais pas nécessairement pour les autres. Il s'est dit préoccupé par cette éventualité.
Cela m'amène bien sûr à la même conclusion. Si le CRTC s'intéresse davantage à ceux qui optent pour la découvrabilité qu'aux autres créateurs canadiens, on obtient le même genre de résultat. Je crois que les préoccupations exprimées par le ministère traduisent celles que bon nombre d'entre nous ont. Si l'on va de l'avant avec la formule d'option proposée par M. Manly, ceux qui choisissent d'adhérer au régime vont automatiquement obtenir une cote plus élevée en raison de la découvrabilité dont ils vont par le fait même bénéficier.
J'estime que c'est problématique. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous sommes extrêmement préoccupés par cette proposition de rétablissement de l'article 4.1 qui aurait maintenant le même effet, c'est‑à‑dire de faire en sorte que les créateurs et les autres acteurs de l'industrie culturelle au Canada qui choisiraient d'être assujettis au régime pourraient être avantagés du point de vue la découvrabilité en vertu du mécanisme de classement utilisé par le CRTC.
J'estime que cet amendement nous montre bien où la difficulté se situe. Le représentant du ministère nous a essentiellement fait part des préoccupations toujours associées aux programmes qui sont mis en place avec une formule d'adhésion facultative. C'est un peu ce qui s'est passé avec la subvention de 5 000 $ pour la rénovation domiciliaire. Lorsque 30 000 personnes ont présenté une demande dès le départ, le site Web n'a pas pu tenir le coup.
C'est une idée intéressante. Monsieur Manly, je vous suis vraiment reconnaissant de rechercher ainsi une solution. Vous travaillez depuis longtemps dans cette industrie que vous connaissez bien. Je suis ravi que vous exploriez de nouvelles avenues pouvant permettre de régler les préoccupations liées à la liberté d'expression tout en laissant cette option aux intéressés. J'y vois une considération importante quant aux résultats que vous souhaitez obtenir avec cette démarche.
D'après ce que nous pouvons entendre du côté du ministère, j'ai le regret de devoir constater que nous parviendrions ainsi au même résultat que nous estimons avoir obtenu avec le retrait de cet article.
Je vais en rester là pour l'instant.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Premièrement, je voudrais remercier M. Manly de ses explications concernant son amendement, parce qu'en le faisant, il a démontré très clairement qu'il avait des préoccupations à l'égard des questions touchant la liberté d'expression dans le cas de certains créateurs et citoyens qui diffusent du contenu sur le Web. Donc, je pense que son objectif est sain. Il tente, comme nous, de corriger les lacunes du projet de loi .
Cependant, j'ai quelques questions pour les experts. Peut-être que M. Manly pourrait y répondre aussi.
À la fin de l'alinéa 9.2a) proposé dans l'amendement de M. Manly, on précise « sauf si le créateur canadien d’une émission a choisi volontairement d’être assujetti à la loi à des fins de découvrabilité ».
Je me questionne, parce que, dans la note de service que les fonctionnaires ont donnée au ministre, on ne parle pas juste de créateurs canadiens d'émissions comme nous le concevons dans notre imaginaire lorsque nous pensons aux radiodiffuseurs traditionnels. L'objectif est d'assujettir les radiodiffuseurs numériques à la Loi, de façon équivalente à ce qui s'applique aux radiodiffuseurs traditionnels.
Les députés conservateurs, tout comme plusieurs experts, anciens dirigeants du CRTC et autres Canadiens, ont une préoccupation concernant tous les Canadiens et toutes les Canadiennes qui téléversent du contenu sur les différents réseaux sociaux ou qui utilisent des applications sur le Web, que ce soit pour l'entraînement physique ou pour des jeux vidéo. Dans la note de service, on évoque même la possibilité que, par l'entremise du projet de loi , le CRTC réglemente les livres audio ainsi que les baladodiffusions. On ne parle pas juste des créateurs canadiens d'émissions comme nous le concevons dans notre imaginaire, mais de toute personne qui télécharge ou envoie de l'information au moyen des différentes plateformes et applications Web en ce moment.
Comment le gouvernement ou le CRTC feraient-ils pour que les 38 millions de Canadiens soient préalablement informés de la possibilité de demander volontairement d'être assujettis à la Loi sur la radiodiffusion à des fins de découvrabilité? Voilà la première question que j'aimerais poser aux experts.
Ensuite, est-ce le CRTC ou le gouvernement qui aurait cette obligation? Est-ce que je me trompe en disant qu'on aurait l'obligation d'informer tous les Canadiens de cette possibilité, si on adoptait cette proposition de M. Manly?
M. Manly pourra aussi me donner son opinion, s'il le souhaite, mais j'invite M. Ripley à répondre en premier. En fait, monsieur le président, je vous laisse décider à qui donner la parole.
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Merci, monsieur le président.
J'entends le commentaire de M. Manly, mais personnellement, quand je lis l'alinéa 9.2a) proposé dans cet amendement, je pense aux créateurs canadiens d'une émission. Comme M. Manly est un producteur, il envoie beaucoup de contenu, alors j'imagine qu'il a du personnel pour l'aider et qu'il est habitué à la procédure. D'un autre côté, je pense à tous les Canadiens et à toutes les Canadiennes qui affichent du contenu sur les réseaux sociaux. Cette question fait présentement l'objet de tout un débat, tant au Comité qu'à la Chambre des communes.
Le ministre n'arrête pas de faire de la démagogie en laissant croire qu'on est soit du bord des GAFA de ce monde, soit du bord des artistes québécois et canadiens. Il aime bien dire « québécois », parce qu'il joue le jeu au Québec. Nous, ce que nous défendons, c'est la liberté de tous les Canadiens qui utilisent les réseaux sociaux ou différentes applications et qui créent des livres audio ou des baladodiffusions.
Dans ma circonscription, il y a des artistes qui vivent de leur art sans demander aucune subvention. En réponse à des journalistes, ils ont dit qu'ils se demandaient pourquoi le gouvernement, par l'entremise du CRTC, voulait venir se mêler des réseaux sociaux ou tenter de les réglementer. Ces artistes ont choisi que leurs œuvres soient ainsi vues partout dans le monde, et ils sont inquiets à l'idée que d'autres pays adoptent des mesures semblables qui les empêcheraient de faire découvrir leurs talents artistiques à l'ensemble de la planète. Je précise que ces artistes ont plus de 560 millions d'abonnés juste sur YouTube. Ils sont aussi sur Spotify et sur toutes les plateformes de musique, et ils en vivent. Ce sont des artistes au même titre que ceux qui sont membres de l'Union des artistes ou de quelque autre association que ce soit, mais ils ne sont représentés d'aucune façon.
Pourquoi est-ce que cela m'inquiète? Depuis le début, nous avons fait preuve de bonne foi, mais nous nous questionnons sur ce projet de loi. Dans sa version originale, il avait un certain objectif, et c'est sur cette base que le ministre vendait son projet de loi lors de ses différentes entrevues dans les médias. Par contre, l'objectif du projet de loi a changé depuis qu'on a supprimé l'article 4.1 qu'il proposait d'ajouter à la Loi sur la radiodiffusion. Le projet de loi s'applique maintenant aux réseaux sociaux et à différentes applications. Nous sommes donc dans un tout autre univers, et ces gens n'ont jamais pu s'exprimer là-dessus. Le ministre s'est fait un plaisir de dire que le Comité avait reçu une centaine de témoins et de rapports, mais c'était dans le cadre de la version initiale du projet de loi. Toutes ces personnes maintenant ciblées par le projet de loi depuis la suppression de l'article 4.1 initialement proposé — et depuis le refus du Comité d'adopter l'amendement CPC‑9.1 pour corriger cette erreur — n'auront jamais été entendues et ne nous auront jamais fait part de leurs préoccupations.
Nous sommes en train de modifier une loi qui date de 30 ans, qui va être là pendant 30 ans encore, dans le cadre de laquelle nous allons accorder des pouvoirs extrêmes au CRTC sans connaître tous les éléments qui pourraient survenir. Nous n'avons aucune idée de toutes les boîtes de Pandore que nous sommes en train d'ouvrir.
Je suis très inquiet présentement. Je ne suis pas inquiet de ce que propose M. Manly, je tiens à le souligner. Je pense que son souhait est justement de tenter de corriger la situation et, très sincèrement, je lui tire mon chapeau pour cela. Par contre, cela démontre encore plus que ce ne sera pas suffisant. Je ne vois pas comment le CRTC ou le gouvernement vont réussir à informer tous les Canadiens en temps réel, chaque fois qu'ils téléversent du contenu, qu'ils peuvent demander à être assujettis à la Loi sur la radiodiffusion à des fins de découvrabilité.
J'ai de très grandes préoccupations, qui me ramènent un peu à celles que nous avions au départ. On sait que le gouvernement veut tenter d'imposer un bâillon sur nos débats pour nous empêcher d'aller au fond des choses dans l'examen de tous ces amendements, tant ceux du gouvernement que ceux des partis de l'opposition, dont le Parti vert, auquel nous avons permis de participer à nos travaux et qui tente de nous aider à améliorer le plus possible ce projet de loi rempli de failles.
Je ne sais pas si la proposition est plausible, monsieur Ripley. À la fin de l'alinéa 9.2a) proposé, on mentionne « sauf si le créateur canadien d'une émission a choisi volontairement d'être assujetti à la loi à des fins de découvrabilité ». D'après vous, doit-on en comprendre qu'il s'agit de tous les Canadiens qui mettent de l'information sur les réseaux sociaux, ou qu'il s'agit simplement des créateurs canadiens d'émissions qui sont enregistrés et reconnus par le CRTC?
J'aimerais entendre votre réponse à cette question.
Je vais vous fournir quelques renseignements supplémentaires par rapport à ce que j'ai dit plus tôt. En règle générale, nous comprenons que les amendements futurs des partis sont généralement confidentiels. Toutefois, dans certains cas, un amendement aura une incidence sur un autre, et voilà le contexte des échanges actuels. Je demande aux membres de le garder à l'esprit. Je ne m'y opposerai pas si vous voulez faire référence à un amendement qui sera déposé à l'avenir et qui provient de votre parti, mais je ne voudrais pas, et M. Champoux a bien exprimé son inquiétude à ce sujet, à juste titre d'ailleurs, que des membres parlent des amendements d'autres partis sans qu'il y ait eu débat ou même avant que les amendements n'aient été déposés.
C'est très important, et je vous demande de faire preuve de discrétion.
Avant que nous ne poursuivions, je voulais également dire que nous aurons un peu plus de temps. Je le dis avec circonspection, parce que je n'aime pas prolonger un débat sans vous en aviser. Nous respectons la consigne des 24 heures. Comme vous le savez, je suis bien pointilleux là‑dessus. Toutefois, puisque nous avons commencé avec presque 20 minutes de retard, nous pouvons prolonger la séance jusqu'à 15 h 30, heure de l'Est, ce qui correspond à 13 h 30 en Alberta. Voilà ce qui serait permis.
Vous n'êtes pas tenus de répondre tout de suite. Vous pouvez en discuter entre vous. Envoyez-vous des SMS et faites-moi savoir votre décision, parce qu'il me faut le consentement de tous pour prolonger la séance. J'ajouterais alors 30 minutes.
Pensez‑y, et lorsqu'il sera 15 heures, heure de l'Est, heure à laquelle nous prenons une pause normalement, je vous poserai la question.
Cela dit, il ne faut pas forcément que tout le monde soit d'accord, mais j'aimerais bien avoir le consentement unanime. C'est ce que j'essaie de vous dire.
Au tour maintenant de M. Waugh.
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Merci, monsieur le président.
Je souhaite la bienvenue aux représentants du ministère du Patrimoine canadien.
Je tiens moi aussi à remercier M. Manly de son travail qui a mené aux amendements à la Loi sur la radiodiffusion. Comme vous l'avez tous dit, la loi n'avait pas été revue depuis 10 ans. Je crois qu'au cours des derniers mois, nous avons oublié les radiodiffuseurs conventionnels. Nous avons plongé dans le monde numérique, mais au tout début, c'était le monde des radiodiffuseurs conventionnels, qui sont mal en point au Canada.
De nombreuses stations de radio et de télévision quittent les ondes presque tous les mois. M. Manly le saurait, parce qu'il a travaillé dans la radio communautaire pendant de nombreuses années, c'est un producteur. Il devient de plus en plus difficile de vendre un produit lorsque les canaux de télévision n'existent plus. En Colombie-Britannique, de nombreuses stations de radio se sont tues la dernière année, et M. Manly l'a vu, lui aussi.
J'aimerais remercier M. Manly d'avoir parlé du système de points parce qu'il est très compliqué. Il faut obtenir un 6 sur 10. Lorsque nous parlons de Canadiens... Où a lieu le tournage? Où a lieu la production? Qui sont les comédiens et comédiennes? Il y a ensuite le système MAPL. Nous ne pouvons pas oublier ces enjeux ici en comité, monsieur le président. Je tiens à remercier M. Manly d'avoir soulevé la question, parce qu'il œuvre dans la radio communautaire depuis des décennies, et il nous donne son point de vue à titre de producteur.
Je m'adresse maintenant aux représentants ministériels. C'est une proposition intéressante, car Ian Scott, le président actuel du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, a témoigné devant notre comité le 26 mars. Ce que nous observons, et ce qui a été confirmé aujourd'hui par les représentants ministériels, c'est qu’il y aura des défis opérationnels. M. Scott n'a pas pu parler du CRTC depuis que l'article 4.1 proposé a été supprimé en avril.
Lorsque M. Scott est venu témoigner, je lui ai demandé directement s'il avait la capacité de mettre en application le projet de loi . Il a répondu que oui, en précisant toutefois qu'il devrait s'adresser au Conseil du Trésor. Nous savons que c'est vrai, qu'il devra demander davantage de fonds au nom du CRTC pour le faire. Voilà une inquiétude.
Monsieur Ripley, je vais vous poser une question, puisque comme je viens de le dire, des représentants du CRTC sont venus témoigner le 26 mars, et nous avons vu tous les changements et les défis sur le plan opérationnel. Vos témoignages aujourd'hui sont on ne peut plus pertinents pour le CRTC. Pouvez-vous nous parler des défis opérationnels, non seulement des ressources financières, mais également de la capacité du CRTC?
M. Manly et moi-même parlons de la capacité du CRTC depuis des années. Le CRTC délivre des licences pour une période de sept ans et ensuite s'en lave les mains, et revient six ans et demi plus tard pour jeter un coup d'œil. Lorsqu'on parle de défis opérationnels pour le CRTC, je vois un gros voyant rouge.
Je m'en remets aux représentants ministériels pour nous expliquer les défis opérationnels liés à l'amendement. Quels sont les défis opérationnels que perçoit le ministère pour le CRTC à l'avenir?
N'importe qui du ministère peut répondre.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Waugh, merci d'avoir posé la question et de me donner la possibilité d'apporter des clarifications.
Mes commentaires adressés à M. Rayes portaient spécifiquement sur la proposition de M. Manly, qui prévoit un mécanisme selon lequel les créateurs pourraient participer de façon volontaire à un cadre de découvrabilité du CRTC, ce qui suppose que certains créateurs ne voudront pas. Là où je voulais en venir, c'est que ce type de cadre soulève des défis opérationnels à la fois pour le CRTC, qui aura à déterminer comment mettre en œuvre un cadre qui permettrait à certains créateurs de participer et à d'autres de ne pas le faire, et dans le cas d'un service comme YouTube, il faudrait voir comment cela se déroulerait dans la pratique.
Voilà où je voulais en venir. Prenons un peu de recul et reprenons la proposition qui a déjà été examinée et retenue par le Comité par rapport à l'article 9.1 proposé. Il faudrait dans un premier temps songer à la façon de mettre en œuvre un cadre de découvrabilité. Le CRTC pourra tenir des audiences réglementaires pour savoir ce qui serait praticable.
Encore une fois, les services des médias sociaux pourraient accroître le profil ou la visibilité des créateurs canadiens de différentes façons. Le CRTC aura notamment à trouver l'équilibre entre les intérêts des créateurs et ceux des services des médias sociaux, qui vont déclarer avoir des limites pratiques réelles en ce qui concerne ce qu'ils peuvent faire et le fonctionnement de leur service.
Mon commentaire n'était pas d'ordre général; je reconnais que le Comité a déjà adopté la recommandation, y compris celle qui portait sur la découvrabilité, en proposant que les pouvoirs soient donnés au CRTC, tandis que la proposition de M. Manly apporte son lot de difficultés. Voilà ce que je tentais de souligner, parce que la proposition donne à certaines personnes la possibilité de participer ou non. Ce genre de scénario serait très difficile à mettre en œuvre au jour le jour, vu la nature des médias sociaux.
Voilà ce que j'essayais de dire, monsieur Waugh.
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Merci, monsieur le président.
L'amendement dont nous sommes saisis, que M. Manly a soumis à l'examen du Comité, demande essentiellement à ces différents générateurs de contenu, à ces créateurs, de déterminer eux-mêmes si leur contenu canadien a été approuvé ou non, et de cocher une case pour dire, « Oui, je souhaite que l'algorithme dictatorial du gouvernement s'applique à moi », ou « Non, je ne veux pas que l'algorithme dictatorial du gouvernement s'applique à moi ». Cela déterminera alors, bien sûr, s'ils auront ou non le privilège de se faire découvrir, s'ils répondent aux exigences canadiennes. S'ils ne répondent pas aux exigences canadiennes, alors M. Manly — et je crois que c'est le cas des autres membres du gouvernement présents à la table — prétend que tout va bien. On les laissera tranquilles.
Cela ne fonctionne pas. On ne peut pas avoir un artiste en première place, pour ce qui est de la capacité d'être découvert ou, autrement dit, de la fréquence à laquelle il est vu par le grand public ou les spectateurs qui recherchent des talents. Il est en première place, puis quelqu'un d'autre satisfait aux exigences, fait l'affaire et va être propulsé en première place. On ne peut pas avoir deux personnes en première place. Cela ne fonctionne pas. J'ai fait du sport quand j'étais enfant, et je n'ai jamais su que deux équipes pouvaient avoir la première place. Ce n'était tout simplement pas possible. M. Manly pourrait peut-être expliquer ce point et me montrer comment c'est possible.
À ma connaissance, si quelque chose doit passer à la première place, alors ce qui était à la première place doit passer à la deuxième place, et ainsi de suite. Si vous avez certains artistes, certains créateurs ou certains fournisseurs de contenu qui répondent à l'exigence d'être « Canadiens », telle que déterminée par le gouvernement, et que vous avez d'autres créateurs qui ne répondent pas aux critères d'être « Canadiens », alors vous avez inévitablement certains qui sont surclassés et d'autres qui sont déclassés.
L'amendement dont nous débattons ne fait rien pour protéger les créateurs de contenu ou les premiers artistes numériques. Ma question, par votre intermédiaire, monsieur le président, si vous voulez bien permettre à M. Manly de répondre, est la suivante: comment pouvez-vous avoir deux générateurs de contenu qui occupent tous les deux la première place?
Si je comprends bien, il affirme que cet amendement n'entraînerait pas le déclassement d'un créateur pour en promouvoir un autre. Je ne vois pas comment cela est possible. Je pense que pour faire passer une personne à la première place, il faut que quelqu'un descende à la deuxième place. Cela signifie donc que, très rapidement, cet algorithme que le gouvernement met en place va déterminer qui peut être au sommet et qui doit tomber au bas de l'échelle, ce qui est une forme de favoritisme.
C'est choisir les gagnants et les perdants. C'est déterminer quels artistes peuvent réussir et quels artistes doivent malheureusement échouer, quels artistes peuvent être découverts par les Canadiens et quels artistes doivent être relégués au second plan. Aux dernières nouvelles, les artistes ne demandaient pas cela. Le gouvernement aime dire à la Chambre des communes que les artistes veulent ce projet de loi, qu'ils ont besoin du soutien du gouvernement, qu'ils ont besoin qu'on leur dicte leur conduite et qu'ils ont besoin de ces algorithmes qui vont les surclasser ou les déclasser pour ce qui est de leur capacité à se faire découvrir.
J'ai parlé à beaucoup de créateurs. Aucun d'entre eux n'a dit cela. En fait, ils ont tous dit le contraire. Ils ont dit: « Nous voulons que le gouvernement nous laisse le champ libre. Nous sommes tout à fait capables de prospérer par nous-mêmes. Nous avons réussi à mettre notre talent à la disposition du monde entier et à attirer un public. Bien sûr, comme les Canadiens les regardent sur..... Je dois préciser qu'il n'y a pas que des Canadiens, mais que 90 % de l'auditoire de la plupart des créateurs au Canada vivent en dehors de nos frontières. C'est incroyable. Ils connaissent un succès phénoménal. Félicitations à eux.
Ils ne me disent pas qu'ils ont besoin que le gouvernement intervienne. Ils ne me disent pas qu'ils veulent que le gouvernement choisisse les gagnants et les perdants, qu'il choisisse les favoris ou qu'il détermine si leur contenu est suffisamment canadien pour figurer à la première image de l'écran d'un ordinateur ou s'il doit descendre à la 27e image. Ce n'est pas ce qu'ils me disent.
Je pense qu'il est important de le dire car le à la Chambre des communes m'a conseillé de parler avec les créateurs, et il a fait référence à un certain nombre de groupes de pression spécialisés avec lesquels il s'est entretenu. Je pense donc qu'il est important de signaler au Comité que je suis allé parler à un grand nombre de ces créateurs qui font des merveilles phénoménales pour eux-mêmes et génèrent un contenu que les Canadiens apprécient vraiment et avec lequel ils peuvent s'engager.
Ces personnes ont beaucoup de succès sur YouTube, non seulement parce qu'elles sont capables de fournir un contenu que les Canadiens aiment — et il ne s'agit pas seulement d'un public canadien mais d'un public mondial —, mais aussi parce qu'elles sont capables de générer un revenu pour elles-mêmes.
Parce qu'ils se constituent un auditoire de manière organique et parce qu'ils ont ce public, il y a bien sûr des entreprises qui souhaitent faire de la publicité sur leurs chaînes. Ces entreprises paient pour le faire, ce qui permet à ces artistes ou à ces créateurs de générer un peu de revenus. C'est phénoménal. C'est absolument incroyable.
Nous parlons de plus de 25 000 Canadiens qui sont en mesure de générer un revenu à temps plein de plus de 100 000 $ par an grâce à leur incroyable succès sur YouTube. Ils ont tout fait eux-mêmes. Imaginez cela. Ils ont réussi tout seuls, sans l'aide du gouvernement, sans que le gouvernement s'en mêle.
Ce sont des personnes qui sont non seulement remarquablement talentueuses dans leur domaine d'activité, qu'ils mettent en ligne sur YouTube pour que d'autres puissent en profiter, mais qui sont également très douées en matière d'entrepreneuriat et de marketing.
Tout cela pour dire que je voulais m'assurer que le Comité sache que j'ai eu des conversations avec bon nombre de ces personnes, comme on m'a conseillé de le faire, et il est certain qu'elles me disent qu'elles ne veulent pas vraiment de cette mesure législative. Elles ne veulent pas que le gouvernement mette en place des algorithmes qui se mêleraient de leurs affaires et de ce qu'elles font en ligne, et de la façon dont elles fonctionnent dans leur créativité.
Tout cela pour dire, pour revenir sur le sujet, ma compréhension de l'amendement de M. Manly, basée sur ce qu'il a dit, est qu'il exigerait que ces créateurs, ceux qui mettent du contenu en ligne, cochent une case, et cette case serait soit, oui, ils veulent être considérés dans le schéma algorithmique, ou, non, ils ne veulent pas être considérés dans le schéma algorithmique. S'ils décident oui, il y a de fortes chances qu'ils aient déjà été soumis au processus d'approbation du contenu canadien, dont je ne parlerai pas aujourd'hui par manque de temps. Je vais laisser ce sujet de côté pour l'instant.
Peut-être qu'ils ont alors l'approbation du contenu canadien, et qu'ils cocheraient la case et diraient, oui, je veux être considéré parce que je suis Canadien, et alors cela leur donnerait, je suppose, la permission d'être surclassés ou déclassés pour leur permettre d'être découverts, mais cette même case pourrait aussi être laissée vide et je suppose que ces créateurs de contenu ne seraient pas considérés par l'algorithme. C'est ce que je crois comprendre de la proposition de M. Manly.
Il semble proposer que si vous laissez la case vide, si vous ne choisissez pas de la cocher, alors vous n'êtes pas affecté. Vous existez simplement sans être surclassé ou déclassé, mais pour en revenir au point principal, je ne vois pas comment cela est possible. Si vous donnez préséance à ceux qui cochent la case, alors inévitablement, ceux qui n'ont pas coché la case ou qui ne font pas l'affaire vont être déclassés. Vous ne pouvez pas avoir deux personnes en première place. Cela ne fonctionne pas.
Je veux dire, imaginez regarder les séries éliminatoires de hockey si deux, trois ou quatre équipes arrivaient toutes en première place. Cela ne marche pas. Quelqu'un doit être deuxième. Quelqu'un doit être troisième. Quelqu'un doit être quatrième. C'est la nature même du jeu. Si le fait de cocher la case vous fait peut-être passer à la première place, alors si vous êtes quelqu'un qui n'a pas coché la case, vous avez peut-être été rétrogradé à la page 27 de la plateforme. Nous sommes donc toujours confrontés à un problème important en termes de censure, d'accessibilité et de possibilité de découverte.
Ces artistes méritent mieux. Leurs voix méritent d'être entendues. Nous avons entendu des experts dire que le paragraphe 2(b) de la Charte garantit la liberté d'expression, la liberté de croyance et la liberté d'opinion. Il s'agit de la liberté de parole. Cette liberté de parole et d'expression couvre deux choses. La première est la liberté de pouvoir exprimer ses idées ou de les faire connaître. La seconde est la liberté de pouvoir accéder aux idées de quelqu'un.
Il y a deux choses qui se passent ici alors. Un artiste a le droit et devrait avoir la liberté de diffuser ses idées. En tant que spectateur, je devrais avoir le droit de voir, d'accéder, de lire ou d'écouter ce contenu.
En empêchant cela — ou en le censurant, devrais‑je dire —, le gouvernement porterait en fait atteinte aux droits que nous confère la Charte en tant que Canadiens, car c'est le gouvernement qui détermine dans quelle mesure quelque chose peut ou ne peut pas être dit, dans quelle mesure quelque chose peut être découvert ou non. Il s'agit d'une entrave, non seulement à l'expression, mais aussi à la découverte de l'expression et à son appréciation... C'est mal. C'est tout simplement mal d'aller dans cette direction.
Ma question demeure. Je me demande si M. Manly peut m'aider à comprendre. Si les créateurs et les générateurs de contenu doivent choisir quelle case cocher ou s'ils veulent que leur contenu tombe sous le couvert de l'algorithme ou non, comment cela fonctionne‑t‑il pour que deux créateurs arrivent tous deux en première position? Comment se fait‑il que vous puissiez, d'une manière ou d'une autre, ne pas être touché par cet amendement ou par la législation dans son ensemble si vous laissez la case vide, en termes de prise en compte par l'algorithme?
Je veux obtenir des précisions ici, par votre entremise, monsieur le président.