Merci de m'avoir invité.
Je suis professeur adjoint à la Sprott School of Business de l'Université Carleton.
Ce soir, je me concentrerai exclusivement sur les questions relatives aux répondants, à l'identité numérique et à la gestion des risques. Je m'en tiendrai à cela, vu que, dans les faits, le présent débat concerne les politiques d'identification, les pratiques en matière de gestion des risques qu'adoptent les grandes institutions publiques et privées au sein d'une société moderne et complexe, de même que la vaste ampleur et l'omniprésence des multiples systèmes d'identification numérique qui se recoupent.
En d'autres termes, on constate que les allégations relatives à la neutralisation de la participation électorale sont entièrement fondées sur l'hypothèse implicite et non vérifiée selon laquelle un nombre considérable de Canadiens ne posséderaient aucune carte d'identité.
À mon avis, M. Mayrand, M. Neufeld et les professeurs de sciences politiques ont, sans faire exprès, surestimé notablement le nombre de Canadiens ne possédant aucune carte d'identité parce que, selon toute vraisemblance, ils n'ont pas une bonne connaissance de l'ensemble des systèmes d'identification en place au pays ni des pratiques et des principes en matière de gestion des risques qui ont été adoptés.
J'estime qu'il est aujourd'hui impossible pour quelqu'un au Canada de n'avoir aucune existence numérique. En d'autres termes, personne ne peut prétendre que son nom n'est consigné dans aucune base de données et qu'il ne peut pas être retracé par quelque gouvernement ou quelque entreprise que ce soit. Bien sûr, si une preuve d'identité est requise au moment de voter, ceux qui ne possèdent absolument aucune identité numérique se verront retirer la possibilité d'exercer leur droit de vote, mais je vais vous présenter des éléments probants qui indiquent que tous les Canadiens possèdent une certaine forme d'identité.
Je vais maintenant mentionner très rapidement ces éléments probants de nature empirique.
À l'heure actuelle, au Canada, des bureaucraties modernes et des ordinateurs centraux interconnectés, possédant une énorme puissance et fonctionnant en temps réel, s'affairent à créer, dans les secteurs public et privé, de gigantesques bases de données interreliées dans lesquelles sont versés des renseignements sur nous, les gens. Dès que nous venons au monde, un dossier électronique est créé à notre nom et est consigné dans la base de données d'un hôpital, notre naissance est enregistrée dans une base de données provinciale, et un certificat de naissance est délivré. Notre numéro d'assurance sociale figure dans une base de données fédérale. Dès nos six premiers mois sur la planète, nous sommes déjà fichés et surveillés. La date du début de notre éducation primaire figure dans les bases de données du ministère de l'Éducation, les vaccins qu'on nous administre sont inscrits dans les bases de données du ministère de la Santé, les fiches de bibliothèque des livres que nous empruntons sont consignées dans les bases de données municipales, la date du début de nos études secondaires est enregistrée dans une base de données gouvernementale, et diverses cartes d'identité nous sont délivrées. Il s'agit là d'une illustration d'un concept élaboré par Michel Foucault, à savoir la gouvernementalité, mais à la puissance dix.
L'élément le plus important à cet égard tient au fait que, contrairement à ce qui se passe aux États-Unis, ici, au Canada, nous disposons depuis 1965 d'un système universel, unique et public de soins de santé, et chaque citoyen possède sa carte d'assurance-santé personnelle avec photo. J'ai étudié les politiques de l'Ontario, du Québec, de l'Alberta, de la Nouvelle-Écosse, du Nunavut, du Yukon et des Territoires du Nord-Ouest en ce qui concerne les cartes d'assurance-santé, et j'ai découvert que, dans ces administrations, il est obligatoire de posséder cette carte afin d'obtenir de quelconques soins de santé. Ceux qui ne possèdent pas cette carte ne peuvent pas accéder au système de soins de santé, et il n'y a pas de système de santé privé au pays. Selon le raisonnement de ceux qui ont formulé les critiques auxquelles j'ai fait allusion plus tôt, cela équivaudrait à une neutralisation de l'accès aux soins de santé.
Ensuite, si vous voulez ouvrir un compte bancaire, les institutions bancaires, qui possèdent d'énormes bases de données, exigeront, en vertu de la Loi sur les banques — adoptée par le Parlement —, que vous leur présentiez deux pièces d'identité officielles, c'est-à-dire délivrées par le gouvernement — les factures de services publics ne sont pas acceptées. Toujours selon la logique des critiques, cela revient à empêcher les gens d'ouvrir un compte bancaire. Je souligne au passage que, selon l'ACFC — organisme créé par le Parlement —, quelque 96 % des Canadiens possèdent un compte bancaire. Ainsi, en tant que députés qui tentent d'empêcher les gens d'exercer leurs droits, vous faites un piètre travail.
Ceux d'entre nous qui se sont procuré un passeport ont dû présenter deux pièces d'identité officielles délivrées par l'État — là encore, les factures de services publics ne sont pas acceptées. De fait, depuis 2008, il faut présenter un passeport afin d'entrer aux États-Unis. Voici un extrait d'un document du département de la Sécurité intérieure des États-Unis:
L'Initiative relative aux voyages dans l'hémisphère occidental a été conçue pour traiter les risques présentés par l'acceptation des déclarations de vive voix et les nombreux documents pouvant être peu sûrs qui étaient présentés aux points d'entrée des États-Unis.
En passant, sachez que les services frontaliers américains n'acceptent pas eux non plus les factures de services publics à titre de preuve d'identité. J'imagine que cela est assimilable à une suppression du droit de voyager à l'étranger.
D'après le plus récent rapport annuel de Passeport Canada, le taux de possession d'un passeport au sein de la population canadienne est passé de 45 % à 70 % en très peu de temps, au cours des quatre années suivant le changement des règles.
Quelques-uns d'entre nous possèdent des cartes de crédit. Selon l'Association des banquiers canadiens, quelque 71 millions de cartes de crédit sont en circulation au pays. Tous ces titulaires ont dû fournir des pièces d'identité afin d'obtenir ces cartes, ce qui fait beaucoup de cartes d'identité.
Un nombre croissant de Canadiens mènent des études postsecondaires. D'après Statistique Canada, environ deux millions d'étudiants étaient inscrits dans un collège ou une université du pays en 2013, et toutes ces personnes se sont fait délivrer une carte d'étudiant avec photo. Toutefois, comme l'a dit le sénateur Duffy en une phrase devenue célèbre: « —Attendez, ce n'est pas tout. — », ce n'est que le début.
Chaque université et chaque collège auprès desquels j'ai effectué une vérification exigent que les étudiants présentent leur carte d'identité avec photo afin d'être autorisés à subir les examens administrés dans le cadre des milliers de cours qui sont donnés partout au Canada. Je suppose que cette politique s'applique aux professeurs de sciences politiques de l'extérieur du Canada qui s'opposent à ce que l'on mette fin au système des répondants. Au fait, j'encourage chacun des 170 professeurs à condamner publiquement leur doyen, leur vice-recteur et leur président du fait qu'ils entravent l'exercice du droit à l'éducation en exigeant des étudiants qu'ils présentent une carte d'identité avec photo afin de participer aux examens.
Mon dernier exemple concerne cette exquise expérience moderne que constituent les voyages par avion. Le voyageur doit tout d'abord présenter son passeport au poste de déclaration à l'aéroport. Quelques instants plus tard, on lui demandera de présenter une carte d'identité avec photo aux fins de l'enregistrement de ses bagages, et on lui précisera, au besoin, qu'une facture de services publics ne constitue pas une pièce d'identité valide. Il subira ensuite un contrôle de sécurité au cours duquel on le tâtera et le tripotera, non sans qu'on lui demande, une troisième fois, de présenter une pièce d'identité avec photo, et enfin, lorsqu'il parviendra à la porte d'embarquement, il devra s'identifier une quatrième fois.
Alors encore, ce n'est pas tout — Mayrand et les autres critiques font valoir que nous ne devrions pas adopter des mesures d'identification plus rigoureuses si nous ne sommes pas en mesure de prouver que des électeurs ont voté de façon frauduleuse.
Excellente observation, à laquelle je répliquerai ceci: dispose-t-on d'une preuve que des actes de terrorisme ont été commis au Canada? Personne n'a détourné ou fait exploser un avion au pays. Selon cette étrange logique, nous devrions cesser de demander aux gens de présenter une pièce d'identité avec photo avant d'embarquer dans un avion puisque nous ne possédons aucune preuve selon laquelle on a fait exploser un avion, et nous devrions cesser d'exiger des étudiants qu'ils présentent une carte d'identité avec photo, vu que nous n'avons aucune preuve qui montre que des étudiants ont subi frauduleusement un examen. Bien entendu, si nous ne disposons pas de ces preuves, c'est parce que nous exigeons la présentation de cartes d'identité avec photo.
En fait, tout le débat était faussé par un raisonnement absurde selon lequel des risques indésirables doivent se concrétiser avant que des mesures préventives puissent être adoptées, ce qui contrevient à l'ensemble des principes de gestion des risques.
Je vous prie d'excuser mes traits d'humour — il s'agit d'une technique que j'utilise afin de faire valoir mon point.
Les critiques confondent les causes et les effets. On pourrait résumer leur position au moyen du syllogisme suivant: j'ai eu des rapports sexuels non protégés avec ma partenaire; or, elle est tombée enceinte; donc, j'ai la preuve que je dois commencer à utiliser un moyen de contraception. De toute évidence, une telle logique est absurde. M. Mayrand, M. Neufeld et les 170 professeurs de sciences politiques ont tout faux. On doit utiliser un moyen de contraception pendant —et non pas après — un rapport sexuel si l'on veut s'assurer de ne pas disposer de la preuve — un enfant — qu'on aurait dû en utiliser un, comme l'enseignent tous les manuels d'éducation sexuelle disponibles au pays.
Si nous exigeons des voyageurs qu'ils présentent une carte d'identité avec photo afin de traverser la frontière ou d'embarquer dans un avion, si nous exigeons des étudiants qu'ils présentent une carte d'identité avec photo afin de prendre part à un examen, et si nous exigeons de ceux qui veulent ouvrir un compte bancaire qu'ils prouvent leur identité au moyen d'une carte, c'est pour une seule et même raison, à savoir que la gestion prudente et responsable des risques exige que l'on prenne des mesures préventives avant que des incidents déplorables se produisent, et non pas après coup.
C'est exactement la raison pour laquelle la commission électorale du Royaume-Uni — plus ancienne démocratie du monde — a recommandé, il y a de cela 90 jours, qu'une loi exigeant la présentation obligatoire d'une carte d'identité avec photo aux fins de l'exercice du droit de vote soit adoptée d'ici 2019. Une telle loi a été adoptée en Irlande du Nord en 2003, et selon l'étude menée par la commission, cela n'a pas empêché les gens de voter.
Merci.
En matière d'humour, je ne pense pas être de taille pour rivaliser avec M. Lee.
Je possède une vaste expérience dans le domaine qui nous occupe. Entre autres, j'ai participé, il y a de cela 20 ans, à la commission Lortie sur la réforme électorale, et j'ai été directeur de la recherche et des politiques pour Élections Canada, il y a de cela une dizaine d'années. Cela dit, dans le cadre de mon exposé sur le projet de loi, j'aborderai d'abord le sujet qui nous intéresse sous l'angle de l'élaboration des politiques.
Je constate que, au moyen du projet de loi , on propose, sur un certain nombre de questions importantes, des modifications importantes de politiques, mais que ces modifications ne s'appuient pas sur des éléments probants solides. En d'autres termes, j'estime que la nature et la portée du problème que l'on tente de régler n'ont pas été établies. Afin de trouver ces éléments probants, j'ai vérifié les documents d'information publiés sur le site Web de la Réforme démocratique, j'ai examiné des discours prononcés par des ministres et j'ai analysé d'autres documents. Je vais vous donner trois exemples de modifications de politiques pour illustrer l'absence d'éléments probants dont je vous parle.
Tout d'abord, on propose au moyen du projet de loi d'abolir le mandat en matière d'éducation des électeurs du directeur général des élections. Comme vous le savez probablement, ce mandat remonte à 1993, et à ma connaissance, aucun parti politique ne l'a jamais remis en question avant que le parti actuellement au pouvoir ne le fasse. Des recherches ont établi que le recul du taux de participation aux élections observé au Canada et dans les démocraties les plus avancées est particulièrement marqué chez les jeunes. Au début des années 2000, des préoccupations à ce sujet ont commencé à être soulevées non seulement par des chercheurs et des organismes d'administration des élections, mais également par la Chambre, qui, le 17 février 2004 — il y a 10 ans presque jour pour jour —, a adopté à l'unanimité une motion dont je vais vous citer un extrait:
Que la Chambre demande au directeur général des élections et à Élections Canada d'étendre leurs activités pour inclure la promotion de la participation des jeunes Canadiens et Canadiennes au processus électoral et que ces activités comprennent la fourniture de matériel pédagogique aux écoles et à d'autres organismes […]
Cette motion a été adoptée au moment où je travaillais pour Élections Canada. À cette époque, j'ai eu le plaisir de superviser la création du premier partenariat avec l'organisation qui allait se faire connaître sous le nom de Vote étudiant. Nous avons également mené des consultations auprès d'un certain nombre d'organisations autochtones à propos des mesures à prendre pour encourager un plus grand nombre d'Autochtones du pays à exercer leur droit de vote. Depuis 10 ans environ, les activités d'éducation des électeurs menées par Élections Canada ont pris énormément d'ampleur. Par exemple, au cours de la dernière campagne électorale, Vote étudiant a organisé, dans le cadre d'un programme d'éducation des électeurs, des simulations d'élections auxquelles ont participé plus de un demi-million d'écoliers.
Une telle mission éducative n'est pas propre à Élections Canada. Il convient de souligner que, en Australie, la commission électorale fédérale a le mandat d'éduquer et d'informer les membres de la collectivité à propos de leurs responsabilités et de leurs droits électoraux. De même, la commission électorale de la Nouvelle-Zélande est chargée d'exécuter des programmes d'éducation et d'information afin de sensibiliser le public à l'égard de questions de nature électorale.
Selon la fiche d'information publiée par le gouvernement à ce sujet, les modifications apportées au mandat en matière d'éducation des électeurs relèvent d'un « retour à l'essentiel ». Cela sonne bien, mais j'estime, pour ma part, que cela laisse entendre que l'éducation des électeurs n'est pas une chose vraiment très importante. Après tout, si on la supprime, c'est qu'elle relève non pas de l'essentiel, mais de l'accessoire, et on insinue même peut-être qu'il n'est pas légitime de la part d'un organisme électoral public de s'occuper d'une telle chose. Je m'oppose vivement à une telle vision des choses.
J'aimerais maintenant aborder la question du financement politique. Le projet de loi comporte un certain nombre de modifications à cet égard, et l'une d'entre elles est particulièrement déroutante. Je tiens à la mettre en évidence puisqu'elle relève d'une question sur laquelle nous nous sommes penchés dans le cadre de la Commission Lortie. Une définition exhaustive de « dépenses électorales » a été adoptée en 2004. Ce que propose le gouvernement actuel, c'est que les coûts liés aux activités de financement soient exclus du calcul des dépenses électorales. Là encore, rares sont les éléments probants appuyant le bien-fondé d'une telle mesure. Je n'en ai pas trouvé un seul dans la fiche d'information sous-titrée « Mettre fin à l'influence de l'argent en politique ». Pourquoi des activités d'une telle importance ne devraient-elles plus être assujetties à des plafonds de dépenses, lesquels, d'ailleurs, seront relevés par suite du même projet de loi? Je pense qu'il est possible de prévoir les difficultés que posera l'application de ces dispositions. Après tout, une collecte de fonds est également une activité de promotion d'un parti ou d'un candidat, ou alors une campagne d'opposition à un autre parti, ou un mélange des deux. Il est possible d'anticiper les difficultés qui attendent le commissaire. À mes yeux, il s'agit d'un éventuel cheval de Troie. Tout cela ouvre la voie à d'éventuelles difficultés et à une certain confusion.
Enfin, en ce qui a trait au commissaire aux élections fédérales, je dois dire que le bien-fondé du principe théorique selon lequel on doit séparer l'administration d'une élection de l'exécution de la loi électorale a été établie de façon convaincante. À ma connaissance, et selon les témoins qui se sont présentés devant vous, rien n'a jamais empêché le commissaire aux élections fédérales d'exercer ses fonctions de manière indépendante. Le commissaire n'est pas la marionnette du directeur général des élections, bien qu'il soit nommé par lui.
L'adoption du projet de loi se traduira par une modification de la procédure de nomination. Plutôt que d'être nommé par un mandataire du Parlement, il le sera par le directeur des poursuites pénales, poste créé en 2006 par suite de l'adoption de la Loi fédérale sur la responsabilité. Autrement dit, le commissaire relèvera d'une démocratie ministérielle, et son pouvoir sera ramené plus ou moins à celui d'un directeur général, si l'on examine les choses sur le plan hiérarchique. Nous ne disposons pas de renseignements à propos de l'échelle salariale et d'autres choses du genre, vu que le projet de loi ne comporte évidemment pas de renseignements là-dessus, mais ce que l'on sait, c'est que le poste s'inscrira au sein d'une bureaucratique ministérielle, et qu'il relèvera du procureur général, à savoir du ministre responsable de l'administration du système de justice. Sur le plan structurel, il s'agit d'un changement considérable.
Ce qui me semble particulièrement étrange, c'est que le projet de loi ne prévoit même pas l'octroi au commissaire de responsabilités en matière de reddition de comptes au public. Il énonce plutôt que le directeur des poursuites pénales fournira dans son rapport annuel des renseignements concernant les activités générales menées par le commissaire. Ainsi, le commissaire aux élections fédérales ne pourra même pas rendre des comptes concernant son propre travail — cette tâche relèvera du directeur des poursuites pénales.
Au sein d'une bureaucratie où, bien souvent, les rapports sont communiqués, on encourage certaines choses, on apporte certaines nuances, et ainsi de suite. Vous voyez où je veux en venir: j'estime que l'on est en train de porter atteinte à la transparence et à la reddition de comptes.
Somme toute, abstraction faite de la hausse des amendes et de quelques-unes des autres mesures du genre, on peut affirmer que l'on va réduire l'importance du rôle du commissaire au sein de l'architecture de l'administration des élections et de l'exécution de la loi électorale.
Selon les recherches que j'ai menées et l'expérience que j'ai acquise au cours des quelque 35 dernières années, je peux dire que, sur un certain nombre de points importants, le projet de loi représente un recul. Dans l'histoire de la loi électorale canadienne, il s'agit d'un pas en arrière. On peut prévoir que, s'il est adopté sous sa forme actuelle, il rendra plus difficile l'exercice du droit de vote, particulièrement pour les jeunes, vu que la fonction d'éducation et d'information électorales sera supprimée et ne fera plus partie des éléments fondamentaux du système électoral.
Le projet de loi pourrait également avoir pour effet de miner le principe d'équité qui se trouve au coeur de la réglementation du financement politique et des dépenses électorales, laquelle remonte à 1974 et s'est vu renforcer considérablement par le gouvernement Chrétien, de même que par le gouvernement Harper.
Enfin, il portera un coup à la transparence et à la reddition de comptes en réduisant l'ampleur du rôle du commissaire aux élections fédérales. Le projet de loi est vicié à un certain nombre d'égards, et j'estime qu'il ne devrait pas être adopté, à moins qu'on y apporte des modifications, notamment en ce qui concerne les éléments que j'ai mentionnés et quelques autres qui ont été signalés par un certain nombre de témoins.
Avant de terminer, j'aimerais simplement ajouter que nous nous trouvons dans une situation on ne peut plus inhabituelle; en effet, le projet de loi crée entre les parties politiques un clivage plus marqué que jamais, et, en outre, l'actuel directeur général des élections s'y oppose lui-même sur un certain nombre d'éléments très importants. Depuis plus de 30 ans, j'étudie la loi électorale, et je n'avais jamais vu cela. À mes yeux, il s'agit là en soi d'un fait très inquiétant.
Je vous remercie de votre attention.
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L'un de nos témoins me pose un problème. Je ne sais trop quelle question lui poser. J'y reviendrai plus tard.
Monsieur Mycoff, je vous remercie de votre participation à notre débat.
J'ai eu moi aussi l'occasion de lire l'article de six pages que vous avez rédigé sur la question de savoir si les lois en matière d'identification des électeurs avaient des effets empiriques. Je tiens simplement à m'assurer que j'en ai bien compris la teneur.
Vous venez de dire qu'il n'existe aucun lien direct ni aucun élément probant qui permette d'établir que le fait d'exiger la présentation de pièces d'identité a une incidence sur les taux de participation aux élections, paramètre qui constitue votre point de référence. Toutefois, tout au long de votre article, vous effectuez des comparaisons entre d'autres facteurs plus importants et les exigences en matière d'identification.
Vous affirmez que les dispositions législatives relatives à l'identification des électeurs semblent avoir beaucoup moins d'importance que d'autres facteurs. Vous précisez que, selon vos analyses, des exigences strictes en matière d'identification risquent de peser sur une certaine partie de l'électorat, mais que ce nombre d'électeurs touchés serait faible.
En effet, vous mentionnez qu'une proportion de 0,2 % des électeurs affirment que les exigences en matière d'identification les ont empêchés de voter. Il s'agit là non seulement de statistiques, mais également de personnes réelles.
Toujours dans le même article, vous soulignez que la question est de savoir si de telles mesures législatives ont eu pour effet de réduire notablement le taux de participation aux élections.
Vous ajoutez que, même si les lois en matière d'identification des électeurs ont des effets empiriques marqués, une fois que l'intérêt à l'égard de la politique est pris en considération, etc. etc.
J'aimerais simplement que vous nous confirmiez que vous estimez qu'aucun lien direct ni aucun élément probant ne permet d'établir que de telles mesures ont une quelconque incidence.
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Il se peut très bien que vous ayez raison, mais je tiens à souligner clairement qu'il y a une différence entre le fait d'affirmer qu'il n'existe aucun lien direct et celui de dire qu'aucun élément probant n'a été décelé.
Il se peut fort bien qu'un certain nombre de facteurs secondaires aient un effet cumulatif plus important que celui du facteur principal. Ce qui nous intéresse, c'est que chaque personne puisse exercer son droit de vote, et ce qui nous préoccupe, c'est l'incidence particulière que pourraient avoir les mesures dont nous parlons sur certains groupes de personnes. Comme vous l'avez mentionné, d'un point de vue théorique, dans votre article:
[...] les électeurs les plus susceptibles d'être touchés de façon négative par les dispositions législatives en matière d'identification des électeurs sont ceux qui sont intéressés à voter, mais qui ne connaissent pas les exigences en matière d'identification ou ne possèdent pas les pièces d'identité requises. Ce groupe d'électeurs pourrait comprendre les personnes qui participent à une élection pour la première fois [...], ou les personnes dont les pièces d'identité ont récemment expiré [...]
... il s'agit là d'exemples.
Dans le même article, que je trouve très bien équilibré, vous mentionné une autre de vos constatations, que je comprends très bien, à savoir la suivante:
Cela ne signifie pas que le fait d'instaurer des exigences plus strictes en matière d'identification ne constitue pas en soi une mesure discriminatoire; il s'agit bel et bien d'une forme de discrimination, et de telles dispositions législatives doivent être examinées à la loupe. Toutefois, la question que nous nous posons [...]
... c'est-à-dire la question que vous vous posez dans le cadre de votre recherche...
[...] consiste à déterminer si de telles mesures législatives ont réduit de façon notable le taux de participation aux élections.
À l'issue de votre analyse, vous répondez à cette question par la négative.
À notre avis, il y a de multiples raisons d'être préoccupé par les mesures d'identification des électeurs. Entre autres, le fait d'alourdir le fardeau pesant sur des catégories de personnes ou des individus constitue un problème en soi au sein de notre système, surtout si l'on tient compte du fait que nous ne disposons d'aucun élément probant indiquant l'existence d'une fraude électorale — par opposition à d'autres manoeuvres permettant de contourner le système électoral — et justifiant la nécessité de resserrer les exigences en matière d'identification des électeurs.
Je tenais simplement à indiquer très clairement que je ne suis pas en désaccord avec vos conclusions, mais que j'estime simplement qu'elles ne sont pas aussi probantes que mes collègues d'en face veulent bien le croire.
Puis-je vous demander de simplement nous indiquer si vous croyez que cela est important? Vous avez mis l'accent sur votre hypothèse selon laquelle les électeurs qui s'intéressent davantage à la politique sont plus susceptibles de voter — hypothèse qui me semble fort raisonnable — et seront touchés dans une moindre mesure par les dispositions législatives relatives à l'identification des électeurs.
Notre inquiétude concerne les gens qui ne s'intéressent pas de près à la politique et qui ne s'y intéressent peut-être que pendant les campagnes électorales. Au sein de notre système, les gens peuvent se présenter à leur bureau de scrutin et exercer leur droit de vote, alors que, aux États-Unis, si j'ai bien compris, à moins que les choses aient changé, les électeurs doivent s'enregistrer à l'avance.
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Je serai heureux de le faire. Cela dit, j'établirai une distinction entre le soutien — ou l'opposition — du directeur général des élections, et le soutien ou non des autres partis politiques.
Depuis des décennies, la tradition — je dirais même peut-être une règle tacite — prescrit que les modifications de la Loi sur les élections — même les modifications de très grande ampleur — ont fait l'objet d'un consensus chez tous les partis politiques.
En 1974, la Loi sur les dépenses d'élection a été adoptée par un gouvernement minoritaire. Le NPD, dirigé à l'époque par David Lewis, détenait la balance du pouvoir. J'ai examiné tout cela dans le cadre de ma thèse de doctorat. La loi en question a instauré des modifications très importantes, notamment en ce qui concerne le seuil d'admissibilité à un remboursement pour un candidat, qui constituait une condition que David Lewis et le NPD avaient imposée au gouvernement en échange de leur appui.
Plus récemment, l'exigence d'un consensus a commencé à s'effriter. En fait, cela s'est produit sous un gouvernement libéral, vu que, par suite des réformes entrées en vigueur en 2004, les deux partis qui ont fusionné pour former l'Alliance — comme on l'appelait à l'époque — s'opposaient à ce que des fonds publics soient versés chaque année aux partis politiques. Je ne connais pas les résultats du vote tenu à l'époque, mais, à coup sûr, dans le cadre de leurs déclarations publiques, ces gens s'opposaient à cela.
Le gouvernement actuel a aboli ces allocations de fonds, contre la volonté des deux autres partis représentés à la Chambre des communes. Ainsi, au cours de la dernière décennie, on s'est éloigné de la tradition relative au consensus.
En outre, dans le passé, bon nombre des modifications en la matière découlaient de rapports publiés par le directeur général des élections, surtout lorsqu'il s'agissait de modifications de nature plus technique relatives à des lacunes ou à des difficultés qu'il avait signalées. Tout cela était pris en considération au moment où l'on élaborait des dispositions législatives. En règle générale, le directeur général des élections était consulté de façon officieuse.
Je me rends compte qu'une partie du débat actuel concerne la mesure dans laquelle on a consulté le directeur général des élections en ce qui concerne le projet de loi. Il semble que ait eu avec M. Mayrand une rencontre d'environ une demi-heure, et qu'il a jugé ses propos inintéressants puisqu'ils avaient déjà été tenus publiquement.
J'ignore si cela est vrai, mais, à coup sûr, selon le témoignage de M. Mayrand, il existe un fossé entre son point de vue et celui du ministre promoteur sur un certain nombre de questions très importantes liées au projet de loi, qu'il s'agisse, par exemple, de celles de l'application de la loi, du rôle du commissaire ou du recours aux répondants. La liste de leurs divergences est longue.
Je ne connais aucun autre exemple où l'on a été mis en présence d'une telle divergence — même en ce qui a trait à des modifications de moindre importance — entre le directeur général des élections et le ministre promoteur.
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Oui. Ce que je dis, c'est qu'il existe de multiples systèmes d'identification numérique au Canada. Voyons-les comme des diagrammes de Venn qui se recoupent. Il y a plusieurs cercles. Il y a celui du compte bancaire, celui de la carte de crédit, celui de la carte d'assurance-maladie, et tous ces cercles se recoupent. Quand vous mettez tous ces cercles en place et que vous regardez au centre, là où ils se recoupent tous, ce que je crois et ce que je soutiens, c'est qu'il n'existe absolument aucun Canadien qui ne possède pas une identité numérique.
Pour commencer, il est impossible d'obtenir des soins de santé, au Canada, sans carte d'assurance-maladie. Je le sais car il m'est arrivé moi-même de me présenter chez mon médecin sans ma carte; on m'a renvoyé chez moi. Je souffre d'arthrite, et je vais donc assez souvent consulter le médecin, mais on a refusé de me prodiguer des soins. Bon, ce n'était pas trop important. Je suis retourné chez moi, j'ai pris ma carte et j'y suis retourné. Mais je crois que, sans carte d'assurance-maladie, absolument personne ne peut recevoir de soins de santé.
Les cartes d'identité des Autochtones; je n'en avais même pas parlé, d'ailleurs. On est en train de distribuer une nouvelle carte d'identité à 800 000 Autochtones. De plus, 96 % des Canadiens ont un compte bancaire. Je peux continuer longtemps comme cela. Je n'ai fait qu'effleurer la surface des institutions qui émettent des cartes d'identité.
Toutes les universités émettent pour leur corps enseignant des cartes d'identité avec photo. Je suis allé dans de nombreux édifices du gouvernement — j'ai vécu toute ma vie ici — et, dans chaque édifice gouvernemental, y compris les bureaux d'Élections Canada à Hull, en passant, il est impossible d'entrer sans une carte d'identité avec photo émise par le gouvernement. Chaque employé du gouvernement du Canada possède une carte d'identité avec photo. C'est la même chose à l'échelon des provinces, des municipalités, etc. La liste est infinie.
Il existe des dizaines de cartes d'identité numériques, et tous ceux qui le veulent peuvent obtenir une carte d'identité.
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Je vous remercie de m'accorder le privilège de m'adresser au comité.
J'ai déjà présenté un mémoire. Ce soir, j'aborderai brièvement une série de points contenus dans cet exposé et ensuite, je serais heureux de répondre aux questions que vous voudrez bien me poser.
Je commence en faisant remarquer le considérable déclin de la confiance de la population canadienne à l'égard de la politique et de la démocratie. Cette tendance est également observable dans d'autres pays de tradition démocratique. Cette désillusion publique à l'égard du processus démocratique est le résultat d'une foule de causes de longue date et de facteurs récents. Je crains que la manière dont le projet de loi a été formulé et est étudié au Parlement ainsi que le fond de cette mesure législative ne contribuent qu'à miner encore davantage la confiance des citoyens dans l'intégrité du processus électoral, la seule activité démocratique à laquelle participe la majorité des Canadiens.
La mise en place de rigoureux mécanismes de gestion électorale faisant l'objet du plus grand consensus possible est un excellent moyen de rétablir la confiance de la population dans le processus électoral et la légitimité démocratique des résultats.
Concernant le processus de réforme de la loi électorale, je ferais observer que la Loi électorale du Canada n’est pas une loi ordinaire. Elle constitue la base et le cadre d’élections justes et libres. D’autres pays ont démontré que des lois aussi fondamentales ne pouvaient pas être modifiées à la hâte et unilatéralement par le parti au pouvoir.
Au Royaume-Uni, la plupart des lois électorales prévoient la consultation préalable de la commission électorale nationale. En général, cet exercice comprend l’examen des projets de loi par les membres de la commission afin de s’assurer que ceux-ci sont raisonnables.
En Nouvelle-Zélande, la Loi électorale de 1993 prévoit qu’une « super majorité » des membres de la Chambre des représentants approuve l’abrogation ou la modification d’une liste de huit points clés du cadre de la loi. Cette disposition fait en sorte que les modifications reçoivent l’appui d'un certain nombre de membres de tous les partis. Je recommande que le projet de loi soit amendé de manière à prévoir la consultation obligatoire d'Élections Canada au sujet des futures modifications qui seront apportées à la Loi électorale du Canada.
Je recommande également que le projet de loi prévoie qu'avant la date fixe prévue pour les élections de 2019, une évaluation globale du cadre législatif et de l'administration électorale soit effectuée par un comité de la Chambre des communes composé de membres de tous les partis.
En ce qui concerne maintenant le mandat d'Élections Canada, la proposition visant à restreindre les activités de communication d'Élections Canada uniquement au fonctionnement du vote est une erreur. J'ai étudié cinq autres organismes électoraux nationaux, et aucun d'entre eux ne fait l'objet d'une restriction aussi sévère de ses activités de communication. Informer les Canadiens de la date, du lieu et de la façon de voter est un rôle essentiel d'Élections Canada, et l'organisme s'en est toujours acquitté avec sérieux. Il n'a jamais élargi unilatéralement son rôle en matière d'éducation ou de relations avec les électeurs. Le 17 février 2004, la Chambre des communes a adopté à l'unanimité une motion demandant à Élections Canada d'élargir ses activités afin de garantir l'accessibilité aux électeurs handicapés et d'encourager les jeunes Canadiens à participer au processus électoral.
Les élus, les partis politiques et le Parlement ont la responsabilité première de promouvoir la vitalité de la démocratie. D'autres groupes et organisations de la société ont aussi la responsabilité d'informer les jeunes Canadiens et de les encourager à participer. Élections Canada est l'un de ces organismes. C’est pourquoi je recommande, si le Parlement décide de renforcer la fonction principale d'Élections Canada en adoptant le nouvel article 18, d’y ajouter une disposition parallèle reconnaissant le droit de l'organisme d'étudier et de commenter les conditions prévalant dans le domaine de la démocratie électorale et d'en faire rapport.
Au sujet du transfert de la fonction de commissaire aux élections au Bureau du directeur des poursuites pénales, je n'ai entendu aucun argument convaincant ni vu de preuve solide justifiant ce transfert. Si j'ai bien compris, le commissaire est indépendant d'Élections Canada lorsqu'il mène des enquêtes et recommande des poursuites. Sa place actuelle, dans le cadre administratif d'un fonctionnaire du Parlement, lui confère une plus grande indépendance face aux pressions politiques que celle prévue au projet de loi, soit au sein d'un ministère dirigé par un ministre. Au sein d'un ministère, le commissaire ne jouira pas de toute la latitude dont il a besoin pour faire rapport sur ses enquêtes et ses poursuites.
Dans mon mémoire, je soulève d'autres questions liées à ce transfert. Je recommande que la disposition relative au transfert de la fonction de commissaire soit supprimée du projet de loi. S'il existe une perception que le commissaire a besoin d'une plus grande autonomie, il faudrait alors proposer des modifications d'ordre structurel et procédural au sein d'Élections Canada.
Mon sujet suivant concerne les ajouts à la trousse d'outils d'application de la loi. Pour changer les pratiques politiques et adopter de nouvelles technologies de campagne électorale, il faut mettre à la disposition d'Élections Canada et du commissaire aux élections un vaste éventail d'outils d'application de la loi. Qu'il relève d'Élections Canada ou du DPP, le commissaire doit avoir le pouvoir de contraindre une personne à témoigner, sous supervision judiciaire.
Le DGE ou le commissaire aux élections de cinq provinces détient un tel pouvoir. Actuellement, la plupart des infractions à la Loi électorale du Canada doivent être traitées comme des affaires criminelles, devant les tribunaux. Pour rendre le processus d'application de la loi plus souple et plus équitable, la loi doit proposer une diversité d'outils.
L'exemple du Royaume-Uni est instructif. En 2009, le Royaume-Uni a modifié sa loi électorale afin d'y ajouter une gamme de sanctions civiles, par exemple des sanctions pécuniaires, des avis d'arrêt, diverses initiatives d'application de la loi ainsi que des ordonnances de confiscation.
C’est pourquoi je recommande que le projet de loi soit amendé afin de donner au commissaire aux élections le pouvoir de contraindre une personne à témoigner. Je formule une autre recommandation non législative, soit que le Comité de la procédure et des affaires de la Chambre élabore, en consultation avec Élections Canada, des modalités visant à assurer l'application régulière de la loi et à guider l'utilisation du témoignage forcé et qu'il établisse un plan en vue de la mise en place d'un éventail plus grand de mécanismes d'application de la loi en vue des élections de 2019.
En ce qui concerne le contrôle des dépenses électorales, le projet de loi apporte quelques améliorations aux règles relatives à la collecte et la dépense de fonds électoraux. Il impose des restrictions judicieuses quant au recours à l'emprunt pour contourner les plafonds des dons. Il alourdit les amendes pour dépassement de budget.
Par contre, le projet de loi crée également une échappatoire fiscale en exemptant des plafonds de dépenses le coût des communications électroniques avec d'anciens donateurs aux fins de collecte de fonds. Il est difficile d'imaginer que les communications destinées à recueillir des fonds ne serviront pas à faire de la propagande dans le but d'obtenir des votes ou un quelque autre soutien, voire à attaquer des opposants politiques.
Il est inconcevable qu'Élections Canada, avec le pouvoir dont il dispose maintenant, ne puisse surveiller la conformité et mettre en application cette disposition. Je recommande la suppression du projet de loi de l'exemption relative au coût des communications servant à recueillir des fonds.
En ce qui concerne la carte d'information de l'électeur et l’attestation par un répondant, la proposition visant à supprimer les cartes et les attestations par un répondant est une erreur. Aucune preuve solide n'a été présentée pour démontrer que des fraudes auraient été commises par des électeurs. L'utilisation de ces dispositifs fait déjà l'objet d'un contrôle, et il serait possible de mettre en place d'autres mesures de protection, si cela était jugé nécessaire. Cependant, leur suppression ne permet pas d'atteindre un juste équilibre entre le maintien du droit constitutionnel des Canadiens à voter et le risque très faible d'usurpation d'identité par un électeur.
Les activités de gestion électorale et de production des états financiers des campagnes se font de plus en plus en ligne. La loi doit anticiper le maintien de cette tendance en prévision du moment où le vote en ligne deviendra une option. C’est pourquoi je recommande que, plutôt que de supprimer les cartes et les attestations par un répondant, le projet de loi confère à Élections Canada l'autorisation de mener des projets pilotes d'inscription et d'authentification en ligne des électeurs et de présenter ses conclusions et ses recommandations au Parlement.
Je vais laisser de côté mon mémoire un instant pour dire rapidement que, si le comité cherche un compromis qui soit fondé sur des principes pour assurer le parfait équilibre entre l'accessibilité et l'intégrité du processus électoral, il devrait regarder ce qui se passe au Manitoba. Dans cette province, pendant les deux dernières élections, toute personne désirant voter qui se présente au bureau de scrutin munie de deux pièces d'identité sur lesquelles son adresse n'est pas inscrite pourra quand même voter si elle signe une déclaration sous serment indiquant qu'elle vit dans la circonscription. Cette procédure fonctionne bien, et il n'y a pas eu de problème. C'est un compromis que le ministre pourrait envisager.
Il y a deux domaines où, à mon avis, le projet de loi C-23 ne fait pas avancer la loi.
Les partis politiques recueillent aujourd'hui un gros volume de renseignements personnels sur les électeurs. Il est plus que temps que les dispositions des lois sur la protection des renseignements personnels englobent les partis politiques afin de garantir la protection du droit des Canadiens à la protection des renseignements personnels qui les concernent. Il est également temps que les partis politiques se dotent, avec l'aide d'Élections Canada, de codes de conduite qui guideront le comportement de leurs candidats, de leur personnel rémunéré et de leurs bénévoles. Il ne s'agit pas seulement d'un geste symbolique; les codes peuvent aider les partis politiques à se conformer non seulement à la lettre, mais aussi à l'esprit des lois électorales.
Les changements de la Loi électorale du Canada ne doivent apporter aucun avantage réel ou perçu à un parti politique. Ils ne doivent pas non plus privilégier les besoins des partis politiques au détriment du droit de tous les Canadiens admissibles de voter. La recherche effectuée ailleurs dans le monde indique que les attaques politiques contre des organisations électorales et l'engagement partisan dans le processus d'administration des élections réduisent la confiance du public et l'intégrité du processus électoral.
Notre pays jouit d'une réputation enviable. Élections Canada est le plus ancien organisme indépendant et impartial de gestion des élections au monde, et nous voulons nous assurer que notre processus électoral demeure juste et libre et qu'il soit perçu comme tel.
Merci beaucoup.
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Merci, monsieur le président, et bonsoir tout le monde.
Je me présente, Yasmin Dawood, professeure de droit à l’Université de Toronto. Mes spécialités sont le droit électoral et le droit constitutionnel.
Il y a deux semaines, mes collègues et moi-même avons rédigé une lettre ouverte au et aux députés pour exprimer nos profondes craintes concernant le projet de loi sur l’intégrité des élections, le projet de loi , qui, s’il devait être adopté, saperait l’institution qui est au coeur de notre démocratie: le vote aux élections fédérales. La lettre ouverte a été signée par plus de 170 professeurs canadiens qui étudient les principes et les institutions de la démocratie constitutionnelle, dont 16 présidents sortants de l’Association canadienne de science politique. Ce niveau d’appui sans précédent manifesté par un nombre impressionnant d’experts de la démocratie de tout le pays est un bon indicateur de l’ampleur des torts que causera cette mesure législative à l’avenir de notre démocratie.
Notre principale crainte est que le projet de loi nuise gravement à l’intégrité et à l’équité du processus électoral. Nos craintes sont multiples, mais je me concentrerai sur quatre d’entre elles.
Premièrement, les répondants. Comme M. Neufeld l’a dit devant le comité, il n’y a tout simplement aucun lien probant entre répondants et fraude électorale. Il y a certes des erreurs administratives liées à ces répondants, mais elles ne justifient pas que l’on rejette des milliers d’électeurs inscrits. Je tiens à souligner que la Cour suprême a clairement expliqué que les inexactitudes dans les registres de répondants ne représentent pas une « irrégularité » qui permettrait de contester des résultats d’une élection. Le droit de vote que protège la Charte est un droit fondamental et ne peut être restreint en raison d’erreurs administratives.
Deuxièmement, le rôle d’Élections Canada. Le projet de loi interdit au directeur général des élections de participer à des campagnes publiques visant à accroître la participation aux élections. Même si les partis politiques jouent indéniablement un rôle important pour ce qui est de motiver les citoyens à voter, nous estimons qu’Élections Canada, organisme non partisan, a la responsabilité particulière de mobiliser des électeurs que les partis politiques sont moins susceptibles de viser. Depuis toujours, les partis politiques ne s’intéressent guère aux jeunes, car ces derniers vont peu voter. Ils ne s’intéressent pas non plus aux citoyens moins portés à les appuyer. Il nous faut donc un organisme non partisan comme Élections Canada pour sensibiliser la totalité des électeurs.
Troisièmement, assurer l’équité des règles du jeu. Nous craignons que certaines dispositions du projet de loi ne créent de la partisanerie, apparente et réelle, dans le processus électoral. En effet, le projet de loi exempte les dépenses liées aux activités de financement du plafond de dépenses des partis politiques. Cette échappatoire augmenterait l’influence de l’argent dans la politique et serait particulièrement utile au parti dont la liste de donateurs est la plus longue, soit actuellement le Parti conservateur au pouvoir. Le projet de loi dispose également que les superviseurs de centres de scrutin sont choisis à partir de listes fournies par le candidat du parti ayant remporté les dernières élections dans la circonscription. Cette disposition viole la norme voulant que l’administration du processus électoral soit absolument neutre.
Quatrièmement, conformité efficace et indépendance du commissaire. Le projet de loi ne donne pas au commissaire le pouvoir de contraindre une personne à témoigner, essentiel pour enquêter véritablement sur les fraudes électorales. Le projet de loi n’exige pas non plus des partis politiques qu’ils fournissent à Élections Canada et au commissaire des reçus et des documents appuyant les dépenses électorales. En outre, l’interdiction faite au commissaire de parler publiquement nous inquiète. Aux termes des nouvelles dispositions sur la confidentialité du projet de loi , ni le public ni les députés n’auraient accès aux renseignements sur les enquêtes du commissaire relatives à des atteintes à la loi électorale, comme l’affaire des appels automatisés, sauf dans le cas où des accusations étaient portées.
Par ailleurs, le mode de rédaction du projet de loi est très éloigné de la pratique politique usuelle au Canada, puisque les réformes électorales étaient entreprises par consultation de tous les partis politiques et en étroite collaboration avec Élections Canada. Nous craignons que le mode de rédaction unilatérale du projet de loi établisse un précédent dans les pratiques politiques du pays. Au lieu de fournir un cadre neutre aux rivalités politiques, les règles de la démocratie deviendront le nouveau terrain où les partisans chercheront à s’imposer. Ce précédent politique causera un tort profond à la démocratie, à mesure que les majorités successives au Parlement remanieront les règles électorales afin d’obtenir un avantage partisan. Nous exhortons le parti au pouvoir à analyser les conséquences à long terme de son approche, faute de quoi tous les partis politiques vont y perdre, et la vigueur, l’équité et la vitalité de notre démocratie seront diminuées.
Merci, monsieur le président.
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Merci. monsieur le président.
Merci à vous tous de m'avoir invité à comparaître devant vous ce soir. Cela représente vraiment un privilège à mes yeux, et c'est pourquoi je vous en remercie.
J'aimerais pour commencer vous féliciter, tant pour l'ouverture dont vous faites preuve lorsque vous entendez les points de vue si diversifiés qu'on vous présente que pour votre volonté, si je peux l'espérer, à réfléchir à la façon d'intégrer des améliorations visant à consolider notre système démocratique en reflétant nos valeurs démocratiques communes. Cette façon de faire donne encore plus de valeur au processus parlementaire aux yeux des Canadiens.
L'opinion que je vais vous exposer ce soir est mon opinion personnelle; elle est fondée sur mon engagement personnel dans les élections fédérales et provinciales à titre de partisan, mais également à titre d'ancien sous-ministre ayant participé à la Commission sur la démocratie législative du Nouveau-Brunswick mise sur pied par le premier ministre Lord et dont le but était de présenter des recommandations visant à renforcer et à moderniser les institutions et les pratiques démocratiques de la province. Pour ce travail, nous nous sommes concentrés surtout sur la façon de favoriser l'engagement civique et la participation des habitants du Nouveau-Brunswick, en particulier les jeunes en âge de voter, aux processus politique et gouvernemental. C'est cet objectif qui m'intéresse, ce soir.
Peu d'enjeux sont aussi critiques pour la démocratie du Canada que l'organisation des élections. L'intérêt passionné manifesté par de nombreux Canadiens à l'égard de la loi sur l'intégrité des élections qu'on propose renforce cette notion. Mais, au-delà de ce qui est écrit en petits caractères dans certaines sections de ce projet de loi, il est également important que les parlementaires tiennent compte des valeurs et des principes démocratiques fondamentaux des Canadiens et qu'ils s'assurent qu'ils sont reflétés dans la loi sur l'intégrité des élections et vérifient dans quelle mesure ils le sont.
Quand il est question de la façon dont les élections sont organisées, ces valeurs comprennent l'équité, la transparence, la responsabilisation, l'accessibilité et l'inclusivité. Bien que les partis politiques et leurs candidats soient les principaux praticiens de la démocratie électorale, dans notre système parlementaire, ils n'en sont pas les propriétaires. Nous, à titre de citoyens et d'électeurs, sommes les propriétaires. Et j'espère que ce ne sont pas des mots creux. Il y a un monde de différence entre la façon dont un parti et l'électorat considèrent les élections et entre la façon dont leurs visions respectives seraient reflétées dans une loi électorale.
Les partis politiques sont des éléments absolument nécessaires, dans notre système. À bien des égards, ils sont les chiens de garde du processus politique. Ils offrent aux électeurs un choix d'opinions et de candidats. Ils s'engagent de manière proactive auprès des électeurs. Ils sont le fondement de la légitimité électorale, essentielle quand on veut former un gouvernement. Les partis forts sont bons pour une démocratie. Les partis politiques sont, et c'est légitime, des organisations intéressées. Ils se livrent concurrence dans le but d'obtenir le plus grand nombre de votes, et ce n'est pas dans un but altruiste, c'est parce qu'ils sont intéressés. Que les électeurs exercent leur droit de vote est essentiel pour un parti, pas pour le pays dans son ensemble.
Selon l'opinion des citoyens à propos des élections, la participation des électeurs, peu importe le parti, est un important objectif démocratique en soi, et la démocratie est plus saine et plus forte lorsque les citoyens sont plus nombreux à exercer de façon régulière leur droit de vote. Dans le processus électoral, un seul intervenant poursuit ce but, et c'est le directeur général des élections, qui est indépendant et impartial.
Consolider, ou du moins maintenir, le rôle d'Élections Canada qui consiste à éduquer les électeurs et à favoriser leur participation aux élections est un élément de base dans une démocratie responsable comme la nôtre. Et cela est prévu dans le paragraphe 18 de la Loi électorale du Canada. La Loi sur l'intégrité des élections modifie cette disposition en visant à supprimer ce rôle d'éducation et d'information du public pour le remplacer par un rôle bien moindre de communication des notions élémentaires des élections. C'est un recul par rapport aux principes d'un régime électoral axé sur les citoyens.
L'accessibilité des bureaux de scrutin est un aspect essentiel de la participation, à chaque élection. Élections Canada doit continuer à assurer cette accessibilité et, bien sûr, doit pouvoir le faire aux termes du présent projet de loi; mais le fait d'être renseigné au sujet des élections et d'être motivé à voter est tout aussi important pour la santé à long terme de notre démocratie. La diminution constante de la participation des jeunes, que l'on observe depuis de nombreuses élections, est un signal alarmant indiquant que notre démocratie ne touche pas autant de gens qu'il le faudrait.
Aux dernières élections, environ 40 % seulement des jeunes âgés de 18 à 24 ans, en âge de voter, ont exercé leur droit de vote. Plusieurs raisons expliquent cela, un intérêt moindre pour la politique conventionnelle, un attachement plus lâche, un manque de connaissance des institutions et processus démocratiques, un effritement général peut-être du respect à l'égard de la politique qu'on observe depuis de nombreuses années, mais le résultat est le même. Une personne qui s'abstient de voter une fois est plus susceptible de s'abstenir souvent de voter. C'est un phénomène que nous devrions tous, citoyens ou membres d'un parti, chercher à prévenir, et c'est un phénomène dont le projet de loi devrait également tenir compte.
Étendre le savoir civique, les connaissances que les jeunes Canadiens devraient posséder au sujet des enjeux politiques dans notre système électoral, voilà un mécanisme central qui favorisera une plus grande inclusivité et, par voie de conséquence, une plus grande participation. Élections Canada a agi en ce sens dans le passé, en soutenant par exemple Vote étudiant Canada, mais il ne pourra plus le faire désormais. En retirant à Élections Canada la possibilité de communiquer avec les Canadiens, en particulier les jeunes Canadiens, au sujet non seulement du mécanisme des élections, mais de l'importance de voter, nous nous privons d'un outil clé de prévention et nous pourrions même mettre en péril la santé future de notre démocratie.
Sincèrement, je ne crois pas qu'un député membre du comité ou de la Chambre des communes veuille cela. Je vous supplie de chercher un moyen d'intégrer de manière positive un tel rôle dans le projet de loi en considérant qu'il s'agit d'un investissement à long terme dans notre système démocratique.
Je vous remercie.
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Merci beaucoup de m'avoir invité à parler de cette question. Je ne lis pas aussi vite que certains des autres invités, alors je vais simplement souligner certains des points que nous voulions transmettre. Je crois savoir que vous avez ma présentation complète.
Le Conseil des Canadiens avec déficiences, le CCD, est une organisation nationale qui s'occupe de toutes sortes de déficiences et qui compte neuf groupes provinciaux, un groupe territorial et sept groupes nationaux qui s'intéressent à la question des déficiences. Par le truchement du CCD, les Canadiens handicapés peuvent communiquer leurs points de vue et prendre la place qui leur revient au sein de la société canadienne en facilitant l'élimination des obstacles à leur participation. Environ 3,8 millions, soit 13,7 % des Canadiens — nous en reparlerons — âgés de 15 ans ou plus affirment avoir un handicap.
Merci d'écouter ce que le CCD a à dire sur les obstacles liés au projet de loi . Nous voulons vous mentionner quatre points qui, selon nous, sont très préoccupants.
En ce qui concerne les campagnes de sensibilisation, malheureusement, le projet de loi élimine le pouvoir du directeur général des élections de mettre en oeuvre des programmes d'information sur le processus électoral. Les obstacles, comme l'absence de renseignements en langage simple, en braille, en gros caractères et en ALS-LSQ à l'intention des malentendants et des sourds, empêchent certaines personnes handicapées de comprendre le processus électoral. L'accessibilité et l'inclusivité des campagnes de sensibilisation du public permettent aux personnes handicapées de surmonter les obstacles en matière d'information et favorisent leur participation. Le CCD recommande que le directeur général des élections puisse continuer à mettre en oeuvre des programmes d'information.
La prochaine recommandation concerne de nouveaux processus de vote. Le bulletin de vote sur papier ne permet tout simplement pas à certains électeurs de voter. Par exemple, les électeurs qui ont une déficience visuelle ne peuvent pas, seuls, vérifier s'ils ont bien coché le bulletin de vote. L'adoption de processus de vote électronique ou par téléphone permettra de surmonter cet obstacle, espérons-le, mais il faudra réaliser des essais. Le projet de loi propose que la Chambre et le Sénat approuvent les essais futurs de processus électroniques. Actuellement, l'approbation du comité est suffisante. Puisque l'ajout d'exigences supplémentaires en matière d'approbation pourrait nuire à l'élimination des obstacles, le CCD recommande que seule l'approbation du comité soit requise relativement aux essais de systèmes de vote électroniques.
Passons ensuite aux règles d'identification des électeurs. Nous en avons beaucoup parlé ce soir. La proposition du projet de loi d'éliminer le recours aux répondants et d'interdire l'utilisation de cartes d'information de l'électeur, les CIE, comme preuve de l'adresse de l'électeur privera du droit de vote les électeurs qui ne peuvent pas prouver pleinement quelle est leur adresse. Les personnes handicapées qui vivent dans des établissements de soins de longue durée et les itinérants handicapés seront parmi ceux qui perdront le droit de vote parce qu'ils sont confrontés à des obstacles lorsqu'ils tentent d'obtenir les pièces d'identité nécessaires, et non pas parce qu'elles ne sont pas accessibles, mais parce qu'ils n'arrivent pas à en obtenir. Le CCD recommande de maintenir le filet de sécurité actuel qu'offre la CIE et le recours aux répondants.
En ce qui concerne les contributions aux campagnes, les personnes handicapées sont de plus en plus nombreuses à vouloir se faire élire, mais elles affichent des niveaux de pauvreté disproportionnés. Le CCD n'approuve pas les exceptions prévues dans le projet de loi qui permettront d'accroître la contribution tirée des fonds personnels d'un candidat, parce que cela désavantagera les Canadiens moins riches.
Pour terminer, en ce qui concerne l'application de la loi, le commissaire aux élections fédérales ne devrait pas travailler pour le gouvernement en place. Pour protéger l'équité du processus électoral, le CCD recommande que le commissaire aux élections fédérales relève directement du Parlement.
Merci de m'avoir accordé votre temps.
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Monsieur le président, je suis bien content que vous ayez commencé par M. Brown. Ainsi, j'ai toujours un esprit brillant à ma droite.
Des voix: Oh, oh!
M. David Shannon: Merci beaucoup de m'avoir invité ce soir.
Je m'appelle David Shannon. Je vis à Thunder Bay, en Ontario. J'ai eu un traumatisme médullaire il y a 32 ans. Cela signifie que j'ai participé à pas mal d'élections en fauteuil roulant. Je suis aussi directeur général d'une organisation non gouvernementale au service des personnes handicapées de Thunder Bay, en Ontario. Je suis ici au nom de l'Alliance canadienne concernant les politiques reliées au handicap, un regroupement national de chercheurs sur l'invalidité, d'organismes communautaires et de décideurs fédéraux et provinciaux qui vise à créer et mobiliser des connaissances en vue de rehausser les politiques liées au handicap au Canada.
Bien sûr, je suis ici aujourd'hui pour parler de politiques liées au handicap et formuler certaines recommandations à cet égard. Je tiens à souligner que nous avons tous l'occasion de favoriser l'inclusion des personnes handicapées.
Lorsque je parle des personnes handicapées au Canada, ce n'est pas une abstraction. Je ne parle pas d'un idéal ou d'une idée. Je parle d'environ quatre millions de Canadiens en âge de voter. En fait, 4,4 millions de Canadiens ont un handicap et, selon les dernières données statistiques, du nombre, quatre millions ont l'âge de voter. C'est un groupe extrêmement important que toute personne ayant des vues politiques se doit de joindre, et qu'il faut joindre pour améliorer le processus démocratique, ce qui est, selon moi, l'objectif du projet de loi.
Cependant, nous avons découvert que les obstacles au processus électoral auxquels sont confrontées les personnes handicapées ne se limitent pas aux bureaux de vote inaccessibles. La Loi électorale a tenté de s'occuper de ce problème. La décision Hughes du Tribunal canadien des droits de la personne l'a aussi abordé. Mais les obstacles vont plus loin que les bureaux de vote. Il y a aussi les sites de réunion, les bureaux de campagne et les bureaux de circonscription. Ces endroits sont tous essentiels au fonctionnement efficace de la démocratie canadienne. Je veux vous parler de cela. Au niveau fondamental de notre démocratie, chaque parti, chaque politicien doit donner accès aux réunions et aux bureaux de campagne pour garantir qu'ils sont accessibles.
Nos recherches montrent que les personnes handicapées sont 20 % moins susceptibles de voter que les autres. Cette situation est ironique, parce que, si vous le leur demandez, comme notre recherche le montre aussi, les personnes handicapées affichent une volonté et un désir de voter plus marqués que le reste de la population canadienne. Il y a donc, parmi ces 4,4 millions de Canadiens, ce qu'on appelle des « citoyens absents ». C'est pourquoi les lieux de rencontre, les bureaux de campagne et le matériel d'information sont essentiels pour joindre les citoyens absents.
Dans le cadre d'une récente étude menée sous les auspices de l'Alliance canadienne concernant les politiques reliées au handicap, on a interrogé des candidats de la campagne électorale ontarienne de 2011 pour savoir dans quelle mesure les bureaux de campagne, les lieux de rencontre, les plates-formes des partis et les sites Web officiels étaient accessibles et non discriminatoires à l'égard de leurs concitoyens qui vivent avec un handicap. On a interrogé divers chefs de parti, pour connaître leur position sur les questions relatives aux personnes handicapées ainsi que sur l'accessibilité à leur campagne et à leur plate-forme.
Les constatations du sondage révèlent qu'il y a un manque général de compréhension de l'importance de respecter des normes en matière d'accessibilité, non seulement dans les bureaux de vote et les isoloirs, mais dans l'ensemble des campagnes politiques, si la démocratie représentative canadienne veut inclure les personnes handicapées.
Bien sûr, il s'agissait d'une élection provinciale. Je ne peux imaginer qu'on rencontrerait les mêmes problèmes dans le cadre d'une campagne fédérale.
Il ressort du sondage que les pratiques d'accessibilité tendent à être adoptées après coup au lieu de l'être en aval en plus d'être de nature exceptionnelle au lieu d'universelle. Les pratiques électorales ne semblent pas évoluer au même rythme que les politiques et les attitudes en ce qui concerne les personnes handicapées. Nous avons vu un tournant dans le cadre de la dernière génération, de 1981 à 2014, en ce qui concerne la façon dont le public envisage l'inclusivité et inclut les personnes handicapées, mais les campagnes politiques et les politiciens n'ont pas suivi la tendance.
Monsieur le président, nous vous demandons donc d'envisager d'ajouter un article dans les dispositions générales du projet de loi connu sous le nom de Loi sur l'intégrité des élections.
Nous recommandons les choses suivantes: dans un premier temps, que le Comité permanent rende obligatoire l'accessibilité aux bureaux de campagne par la prise de mesures législatives; ensuite, que la Loi sur l'intégrité des élections adopte et mette en vigueur une norme d'accessibilité pour les sites Web, les bureaux de campagne et les lieux de rencontre à l'occasion des élections fédérales; puis, qu'Élections Canada communique avec les candidats pour les informer des attentes en matière d'accessibilité. Nous avons, soit dit en passant, une trousse d'outils, qui consiste en une étude qui indique comment rendre un bureau de campagne accessible. Enfin, monsieur le président, nous recommandons que le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre améliore et finance davantage le Fonds pour l'accessibilité pour faciliter l'accessibilité et la sécurité des installations pour les personnes handicapées durant une élection fédérale. En d'autres termes, cette section peut être mise en oeuvre.
Nous croyons que cela pourrait nous aider à accroître notre nombre d'électeurs et à donner voix au chapitre à tous les Canadiens.
Merci, monsieur le président.
Bonsoir, et merci de nous inviter à nous joindre à la discussion, ce soir. Je m'appelle Corey Willard, et je suis un membre du conseil d'administration bénévole de la fondation dont fait partie le forum.
Je vais parler de deux choses. Je vais vous donner un bref aperçu du programme. Je sais que bon nombre d'entre vous connaissez le Forum pour jeunes Canadiens; je vois certains visages familiers dans la salle. Je vais également aborder deux aspects de la mesure législative proposée qui pourraient avoir une incidence sur notre programme et sur les jeunes qui y participent.
Le Forum pour jeunes Canadiens est un programme non partisan qui offre aux jeunes Canadiens la possibilité de s'initier au système politique du Canada, en côtoyant les dirigeants d'aujourd'hui pour se préparer à devenir ceux de demain. Pendant toute la semaine qu'ils passent à Ottawa, ces jeunes participent à une élection simulée, voient quels sont les piliers du système démocratique du Canada et, chose extrêmement importante, font entendre leur voix.
Ils représentent les enjeux qu'ils ont dans leur collectivité et leur province et apprennent les uns des autres de quoi est fait le tissu de la société canadienne.
[Français]
Leurs expériences commencent des mois avant leur arrivée et continuent des mois après leur retour chez eux. On les aide à poursuivre les engagements qu'ils ont pris à titre de citoyens actifs. En tant que jeunes leaders, ils ont notamment comme rôle de retourner dans leurs écoles et leurs collectivités pour donner à leurs pairs le goût de devenir des citoyens actifs et engagés.
[Traduction]
Le programme du forum est financé en partie par le ministère du Patrimoine canadien, division Échanges Canada; il compte aussi sur l'aide d'une foule de commanditaires, dont Élections Canada, l'Association canadienne des ex-parlementaires, la Société Churchill, le Cercle canadien d'Ottawa et une foule d'autres sociétés et organisations.
Depuis 38 ans, le forum est le programme phare de la Fondation pour l'étude des processus de gouvernement au Canada, organisme sans but lucratif dont le conseil d'administration bénévole est formé d'éminents Canadiens de tous les coins du pays.
Nous sommes fiers de voir un grand nombre des étudiants qui participent au forum revenir à Ottawa pour poursuivre leurs études postsecondaires. Ils savent déjà ce qu'ils veulent faire. Certains d'entre eux finissent par travailler sur la Colline du Parlement ou près d'elle. Bon nombre des autres étudiants qui participent au programme finissent par choisir de poursuivre leurs études postsecondaires dans une autre ville ou une autre province, notamment en raison de l'impact que le forum a eu sur leur désir d'explorer d'autres régions de notre pays.
L'élimination de la preuve d'identité par un répondant aurait un impact négatif sur ces jeunes, qui atteignent 18 ans et qui ont hâte de voter. La plupart d'entre eux poursuivent des études postsecondaires dans des établissements loin de leur ville natale, et, malheureusement, le fait est que beaucoup d'entre eux, au bout du compte, ne changent pas d'adresse durant leurs études. J'en ai été victime.
[Français]
Élections Canada soutient notre programme. À chaque session, des représentants d'Élections Canada présentent le module du programme qui concerne le vote.
En plus de cette présentation, Élections Canada nous fournit tous les documents requis pour simuler une élection. Au cours d'une année, Élections Canada joue un rôle important et renforce notre capacité d'aider nos participants à inciter leurs pairs à aller voter.
En tant qu'organisation non partisane, nous faisons partie d'un réseau d'autres organismes qui se donnent pour rôle de préparer la prochaine génération de leaders du Canada et de citoyens actifs en les équipant avec les outils d'information dont ils ont besoin pour demeurer liés au processus démocratique.
[Traduction]
J'ai la certitude que l'intention de l'article 18 n'était pas que des organisations comme la nôtre ne puissent plus avoir accès à l'aide d'Élections Canada pour éduquer et inspirer les jeunes du Canada dans une perspective non partisane, mais telle serait quand même, effectivement, une des conséquences accidentelles.
Vendredi, lorsque nous avons reçu votre invitation, nous étions en train de dire au revoir à 146 jeunes de tous les coins du Canada qui s'étaient rassemblés ici à Ottawa la semaine dernière pour le forum. Nous avons entendu et réentendu maintes fois des commentaires d'étudiants confirmant combien le forum leur avait permis de constater l'importance du fait de devenir des citoyens actifs et engagés. Je vais vous faire part de quelques commentaires qui nous ont été fournis la semaine dernière avant le départ de ces étudiants.
Danielle, du Manitoba, a dit: « Avant de venir à Ottawa, je croyais que je ne voterais jamais; aujourd'hui, je retourne chez moi et je compte les jours qui me restent avant mes 18 ans, avant que je puisse voter, et j'inciterai tous mes amis à voter. »
[Français]
Roya, de l'Ontario, a dit ceci: « Voter, c'est très important, parce qu'on a la capacité de choisir la personne qui paraît la plus compétente pour diriger le pays. Les citoyens doivent voter pour leurs dirigeants politiques afin de refléter les intérêts de la population ».
[Traduction]
Michael, de l'Ontario, a dit: « Un des aspects les plus précieux et les plus intéressants du forum est la possibilité de débattre d'enjeux politiques dans un contexte non partisan. La simulation d'élections et la présentation d'Élections Canada ont, dans l'un et l'autre cas, eu l'effet de montrer aux étudiants comment ces débats sont tranchés dans le “ vrai monde ”. L'enthousiasme généré par les élections au forum est incomparable et soulève certainement la passion des jeunes qui y participent pour l'exercice de leur droit démocratique. »
[Français]
Katy, du Québec, a dit ce qui suit: « il m'a paru que l'information que j'ai reçue pendant la séance sur les élections m'a donné ce que je dois savoir non seulement sur la façon d'aller voter, mais encore sur la raison pour laquelle il est important que j'y aille. Il faut prendre la bonne décision quant au Canada de mon choix et que je puisse le faire ».
[Traduction]
Megan, de la Nouvelle-Écosse, a déclaré: « Ce ne sera pas la dernière fois que je mets mon “ X ” pour dire qui, selon moi, devrait diriger le pays ».
[Français]
Au nom de la Fondation pour l'étude des processus de gouvernement au Canada, nous vous remercions de nous avoir donné l'occasion de livrer cette présentation ce soir.
[Traduction]
Je vais terminer en citant les paroles d'une autre participante de notre programme. « Visiter la Colline du Parlement, c'est beaucoup plus que d'être témoin de l'histoire. C'est regarder l'avenir et savoir que c'est peut-être là que certains d'entre nous pourrions faire l'histoire. Cela va au-delà des magnifiques sculptures et des grands murs, et cela me rend très reconnaissante de faire partie d'un aussi beau pays. » C'était Dunja, de la Colombie-Britannique.
[Français]
Nous souhaitons à votre comité le meilleur des succès quant à la tâche qu'il a entreprise. Nous sommes prêts à vous fournir toute information dont vous pourriez avoir besoin.
[Traduction]
Merci.
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... sur cette question, mais nous sommes ici pour discuter du projet de loi .
Monsieur Willard, si je peux m'adresser à vous, je pense, comme tous les parlementaires ici, que nous avons eu des dîners et des réunions avec de jeunes Canadiens par l'intermédiaire du Forum pour jeunes Canadiens. Ces activités se sont révélées parmi les plus extraordinaires que j'ai vécues.
Malheureusement, à l'occasion des deux ou trois derniers voyages à Ottawa, je n'ai pas vu de membres de ma circonscription, mais ceux que j'ai rencontrés au fil des années, et je suis ici depuis 10 ans, m'ont apparu comme étant parmi les jeunes les plus engagés, informés, enthousiastes et diligents que je puisse rencontrer. Cela a été un réel bonheur pour moi.
Je dis cela parce que je ne pense pas qu'il soit difficile ou problématique de motiver ce groupe de gens, ou des jeunes comme eux, à voter. Je pense qu'ils comprennent fondamentalement si...
Vous avez donné l'exemple d'une personne qui, lorsqu'elle est venue ici pour la première fois, pensait ne jamais voter, mais qui, après avoir quitté Ottawa, a dit qu'elle attendait maintenant d'avoir ses 18 ans. Je pense que cela serait presque l'exception, plutôt que la règle. J'ai constaté que la plupart des jeunes qui viennent au Forum pour jeunes Canadiens sont extrêmement motivés au moment où ils arrivent ici.
Cela dit, vous avez parlé du fait qu'il était nécessaire, selon vous, à tout le moins, de maintenir les dispositions contenues dans l'article 18 afin de favoriser le vote des jeunes. Comme vous le savez, dans le projet de loi , il est indiqué que le directeur général des élections, à Élections Canada, devrait avoir pour rôle principal de faire de la sensibilisation et de l'éducation relativement à la façon de voter, aux endroits où voter et aux pièces d'identité nécessaires pour voter. Des études ont révélé que la plupart des jeunes ne votent pas principalement parce qu'ils ne savent pas où ni comment le faire et qu'ils ne savent pas quelles pièces d'identité... Nous essayons de nous concentrer sur la marche à suivre plutôt que sur le facteur de la motivation. En fait, je suppose que l'on pourrait dire que toute éducation, c'est, en réalité, faire valoir la nécessité de voter.
Selon votre expérience, ou à votre avis, à tout le moins, si Élections Canada devait simplement se concentrer sur l'éducation et une éducation significative, c'est-à-dire sur le fait d'informer des Canadiens, à l'arrivée d'une élection, de ce qui est requis pour voter — la bonne pièce d'identité à apporter, comment voter, et où voter — pensez-vous que cela aurait un effet sur l'augmentation de la participation au vote chez les jeunes, ou pensez-vous qu'une éducation générale, essayer de convaincre les gens qu'ils devraient voter, serait préférable?
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Je veux rappeler à tout le monde que le directeur général des élections a dit que la carte d'information de l'électeur était plus exacte que toute autre pièce d'identité fédérale. Il a aussi affirmé que le fait que certaines personnes ne figurent pas dans le registre ne rend pas les cartes moins exactes pour ceux qui les reçoivent.
J'ajouterais également qu'à mon avis — et corrigez-moi si je me trompe —, les universités, les écoles de droit et les autres établissements du genre ne peuvent pas émettre de lettres d'attestation.
Une voix: [Note de la rédaction: inaudible]
M. Craig Scott: Non, cela doit concerner les étudiants qui vivent en résidence, mais de nombreux étudiants utilisent encore l'adresse de leurs parents à des fins de correspondance, alors ce mécanisme ne fonctionne pas. C'est dans les résidences qu'il est particulièrement utile.
Pour les étudiants qui vivent sur le campus, la situation est bien différente. Il y a une foule de raisons à cela: par exemple, il est possible que le nom de l'étudiant ne soit pas inscrit sur le bail ou que son permis de conduire ait été délivré par une autre province. On m'a fait part de telles difficultés survenues lors de récentes élections: des gens ont dit qu'ils se sont rendus au bureau de scrutin, mais qu'ils n'ont pas pu présenter les pièces d'identité requises. Il s'agissait d'ailleurs d'étudiants de l'Université de Toronto.
Monsieur Brown, j'ai été ravi par le nouveau point de vue très important que vous avez fait valoir en ce qui a trait à la question globale du vote électronique, car l'article 18.1 du projet de loi — qui concerne les nouvelles manières de voter — établit des critères bien plus stricts à remplir pour qu'une manière de voter en particulier — le vote électronique — puisse être mise à l'essai par le directeur général des élections. Pour ce faire, il doit obtenir l'approbation préalable du Sénat et de la Chambre des communes.
Les rédacteurs ont même osé mentionner le Sénat avant la Chambre des communes. Je ne sais pas trop comment c'est arrivé.
Le fait est que l'obstacle à surmonter pour faire approuver cette manière de voter est bien plus grand que pour toute autre manière.
Vous avez fait valoir le point de vue des personnes handicapées pour qui les bulletins papier représentent un obstacle particulier, et je vous remercie de l'avoir fait, car je croyais que ce genre de manière de voter, pour des raisons d'accessibilité, attirerait surtout les jeunes.
Je pense que nous devons nous préparer pour le jour où le vote électronique sera sécuritaire et que les gens se sentiront à l'aise de procéder de cette manière. Le retard d'Élections Canada par rapport à cette tendance ne peut pas être si grand qu'il faudrait attendre encore une dizaine d'années avant de voir le vote électronique se concrétiser.
Le point le plus important, c'est que vous avez dit qu'un processus de vote exclusif et accessible inclurait le vote par téléphone ou par voie électronique, qui permettrait la tenue de vérifications indépendantes par les personnes pour qui les bulletins de vote en format papier représentent un obstacle.
Il faut se rappeler ceci: quand le Bureau du DGE a songé à mettre à l'essai le vote électronique, il n'a pas dit qu'il serait destiné à tout le système. En fait, cela pourrait être un ajout au système, surtout afin d'en améliorer l'accessibilité pour certains groupes.
Je me demande si vous trouvez que mes propos sont justes et que nous devrions effectivement insister sur ce point dans un amendement du projet de loi.