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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 007 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 20 octobre 2011

[Enregistrement électronique]

(0850)

[Traduction]

    J'aimerais souhaiter à tous la bienvenue à la septième réunion du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international et à la séance d'information sur la situation en Ukraine que nous tenons conformément au paragraphe 108(2) du Règlement.
    Je veux prendre le temps de remercier de nouveau nos fonctionnaires du MAECI de prendre le temps dans leur horaire chargé de venir nous présenter un bref compte rendu. Nous accueillons Jillian Stirk, la sous-ministre adjointe de la Direction générale de l'Europe, de l'Eurasie et de l'Afrique.
    Bienvenue Jillian.
    Nous accueillons aussi Leigh Sarty, directeur de la Direction des institutions, des politiques et des opérations.
    Bienvenue à vous également.
    Je crois que l'un de vous fera une déclaration préliminaire.
    Jillian, nous pourrions vous laisser la parole? Vous connaissez le fonctionnement ici, donc nous allons vous laissez commencer puis nous essayerons d'y aller d'une ou deux séries de questions. Je vous remercie de nouveau d'être ici. À vous la parole.

[Français]

membres du comité.
    Je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître devant le comité ce matin.

[Traduction]

    Notre discussion sur l'Ukraine tombe à point
    Le caractère politique des accusations contre l'ancienne première ministre Ioulia Timochenko, le déroulement des procédures judiciaires et — malheureusement — l'inévitable verdict de culpabilité dans ce procès ont avivé des préoccupations de longue date sur la direction que semble prendre l'Ukraineen particulier au chapitre de la liberté, de la démocratie, des droits de la personne et de la primauté du droit. Comme vous le savez, ces priorités sont des éléments essentiels de la politique étrangère fondée sur des principes que le Canada applique.
    Les inquiétudes du Canada face à l'évolution actuelle de l'Ukraine reposent sur des liens historiques profonds qui unissent nos deux peuples et sur le partenariat spécial dont nous bénéficions depuis 1991, alors que le Canada a été le premier pays occidental à reconnaître la nouvelle indépendance de l'Ukraine. Le Canada a soutenu l'Ukraine dans son processus d'indépendance et dans ses efforts de transition vers une société ouverte et démocratique. La communauté ukrainienne du Canada, qui déborde de vitalité, compte actuellement 1,2 millions de membres. La situation récente en Ukraine risque de briser le rêve qu'entretient le peuple à l'égard de sa terre natale.
    Nous ne devons toutefois pas perdre de vue l'ampleur des sérieux défis systémiques auxquels a été confrontée l'Ukraine indépendante dès ses tout débuts, à l'époque où l'Union Soviétique s'est effondrée au début des années 1990. Le régime soviétique qui existait depuis plus de 70 ans s'est révélé un héritage extrêmement difficile à surmonter. À ce jour, l'Ukraine ne bénéficie pas d'une société civile efficace. Les structures de gouvernance demeurent faibles et la corruption persiste à tous les niveaux de gouvernement et de la société.
    La révolution orange de 2004-2005 était perçue à l'époque comme un point tournant pour le peuple ukrainien. Grâce au pouvoir de la mobilisation populaire, les résultats d'un processus électoral déficient et injuste ont été renversés. Certaines personnes ont engendré I'espoir que l'Ukraine puisse surmonter l'héritage d'un régime autoritaire et devenir un pays européen moderne.
    Le compromis constitutionnel de 2005 visant à restructurer le lien entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif permettait d'entretenir cet espoir. Une évolution positive sous la forme de nouvelles libertés a été observée jusqu'en 2010 . Le progrès des réformes stagnait et la démocratie n'était pas institutionnalisée, même si Ie système politique embryonnaire demeurait plus ou moins fonctionnel

[Français]

    Malheureusement, les politiciens de la Révolution orange n'ont pu venir à bout des obstacles systémiques et de leurs divergences internes afin de répondre aux attentes de leurs partisans.
    Ainsi, en février 2010, les électeurs ukrainiens ont porté au pouvoir l'actuel président Viktor Ianoukovitch à la suite d'une élection généralement considérée comme libre et juste.
    Depuis, le président Ianoukovitch a considérablement changé les politiques nationales et étrangères de l'Ukraine. La stabilité politique qui en a résulté a été perçue comme un changement positif après les luttes intestines et la paralysie des politiques de l'administration précédente. Certaines réformes particulières, bien que limitées, ont été effectuées.
    Toutefois, avec le temps, il est apparu clair que ces changements ont eu un prix. En utilisant des moyens que de nombreux spécialistes du droit ukrainien considèrent comme illégaux et inappropriés, le président Ianoukovitch a incité les députés de l'opposition à se joindre au Parti des régions en outrepassant les limites constitutionnelles pour former une coalition et ainsi obtenir un gouvernement majoritaire. Il a invalidé la constitution établie en 2005 en vertu d'un compromis, laquelle avait supprimé certains mécanismes contaminés par la corruption à l'époque du président Koutchma. Il a imposé des limites à certaines libertés ainsi que des modifications à la législation électorale, ce qui a avantagé le Parti des régions à l'approche des élections locales en octobre 2010.

[Traduction]

    La corruption généralisée a eu des répercussions sur la situation des droits de la personne. Les journalistes ont signalé un harcèlement accru de la part du Service de sécurité de l'Ukraine. Reporters sans frontières a placé l'Ukraine au 131e rang de 178 pays dans sa dernière édition de l'Indice de la liberté de presse et l'ONG Freedom House a déclassé le statut de l'Ukraine, le faisant passer de « libre » à « partiellement libre » dans son rapport de 2011.
    Sous prétexte de lutter contre la corruption, le gouvernement a arrêté ou mis en détention des députés de l'opposition. Par exemple, Iouri Lutsenko, ancien ministre de l'Intérieur, est maintenu en détention provisoire depuis le 26 décembre 2010 sous des accusations de mauvaise utilisation des fonds publics. Après avoir été mis en accusation, l'ancien ministre de l'Économie, Bogdan Danilichine, s'est enfui en République tchèque où il a obtenu l'asile politique. Georgi Filiptchouk, ancien ministre de l'Environnement, a été arrêté en décembre 2010 et est accusé d'abus de pouvoir.
    Par la suite, il y a eu bien entendu l'affaire de Ioulia Timochenko. Comme vous le savez, le 11 octobre, Mme Timochenko a été trouvée coupable et condamnée à sept ans de prison et à une amende de 200 millions de dollars en compensation des soi-disant pertes subies par la société pétrolière et gazière nationale, Naftogaz, en raison des accords sur le prix de l'essence conclus entre Mme Timochenko et la Russie en 2009.
(0855)

[Français]

    Le Canada est vivement préoccupé par le traitement subi par Mme Timoshenko et d'autres députés de l'opposition ukrainienne. Il y voit un signal inquiétant sur l'état actuel du système judiciaire de l'Ukraine. Il semblerait que ce système ne soit pas réellement indépendant, ce qui le rendrait vulnérable à des interférences servant des objectifs politiques.
    Nous croyons savoir que d'autres accusations seront portées, ce qui alimente notre questionnement sur l'indépendance de ce système judiciaire.
    Même si, jusqu'à présent, la politique de notre gouvernement a été de consolider notre partenariat spécial avec l'Ukraine, de maintenir le dialogue avec les gouvernements et de collaborer avec les Ukrainiens qui souhaitent construire une société pacifique, démocratique et prospère, cela ne nous a pas empêché de communiquer des messages fermes et des critiques constructives lorsque cela s'est avéré nécessaire.

[Traduction]

    Le 6 août dernier, le ministre Baird a dénoncé l'arrestation de Mme Timochenko et a indiqué que le Canada était préoccupé par l'apparence de persécution politiquement motivée, affirmant que cette apparence de partialité politique dans les procédures judiciaires compromet la primauté du droit. Le Canada a exhorté l'Ukraine à renforcer son indépendance judiciaire.
    Dans une déclaration à la Chambre des communes le 29 septembre, le ministre Baird a de nouveau exhorté le gouvernement ukrainien à renforcer son indépendance judiciaire et il a souligné la détermination continue du Canada à appuyer l'Ukraine dans ses efforts en vue de construire une société pacifique, démocratique et prospère.
    Le ministre Bairdet le premier ministre ont également écrit au président Ianoukovitch concernant le déroulement du procès de Mme Timochenko afin d'exprimer les vives préoccupations du Canada au sujet du processus et de l'apparence de motivation politique.
    Plus récemment, le 11 octobre, le ministre Baird a fait une déclaration à la suite du verdict de culpabilité dans l'affaire Timochenko et il a fait part de l'intention du gouvernement du Canada de revoir ses engagements bilatéraux avec l'Ukraine. Nous ne sommes pas les seuls à adopter cette approche. Nos partenaires des États-Unis et de l'Union européenne ont indiqué en termes vigoureux que l'issue du procès révèle l'existence de problèmes plus profonds en Ukraine, ce qui les amènera à réfléchir sur l'avenir de leurs liens respectif avec l'Ukraine.
    L'UE est en voie de finaliser un accord d'association avec l'Ukraine, mais les membres du Parlement européen ont indiqué que sa ratification serait compromise par les gestes de l'Ukraine. L'approche de nos partenaires a généralement été de préférer l'engagement à l'isolement et cette approche est semblable à celle du Canada.
    Nous nous appuyons sur notre partenariat spécial avec l'Ukraine pour avoir accès aux échelons politiques les plus élevés et avoir ainsi la certitude que nos préoccupations sont notées et prises au sérieux. Notre engagement auprès de l'Ukraine ne se manifeste pas seulement auprès du gouvernement, mais aussi auprès des organisations de la société civile qui existent dans ce pays. Lors de sa visite en Ukraine en octobre 2010, le premier ministre Harper a rencontré des représentants des universités et des églises afin de témoigner du soutien du Canada aux efforts de la communauté pour apporter un changement positif
    Lors de ma visite dans ce pays en juin 2011, j'ai rencontré des personnalités de la société civile et j'ai pu constaté la dynamique positive qu'apportent les Ukrainiens à leur communauté et à la société. Malgré les frustrations politiques, les Ukrainiens comprennent de plus en plus qu'ils doivent prendre leur avenir en mains et ils le font en participant à la société civile.
    Il faudra voir cependant l'effet à long terme des récents événements. Affaires étrangères et Commerce international Canada continuera de suivre la situation de près, y compris le processus d'appels prévu dans l'affaire Timochenko. Nos fonctionnaires offriront les meilleurs conseils possibles à nos ministres et mèneront nos relations futures avec l'Ukraine conformément aux orientations et aux directives que nous recevrons.
    En définitive, ce sont nos amis Ukrainiens eux-mêmes qui doivent faire un choix pour leur avenir: soit accepter le statu quo et tout ce que cela implique, soit redoubler d'efforts pour construire une Ukraine pacifique, démocratique et prospère. BIen sûr, nous espérons qu'ils choisissent d'emprunter cette seconde voie. Dans ce cas, ils pourront compter sur le soutien vigoureux et continu du Canada.
    Sur ce, je serai heureuse de répondre à vos questions.

[Français]

    Encore une fois, je vous remercie de m'avoir invitée ce matin.

[Traduction]

    Je vous remercie beaucoup.
    Pour le bénéfice des membres du comité, nous n'avons pas de travaux prévus pour mardi ou jeudi prochain. J'espérais que nous pourrions prendre un peu de temps, avant de conclure nos délibérations ici, pour présenter quelques suggestions. Cela vous va?
    Nous avons effectivement le temps de faire deux tours, donc commençons par Mme Laverdière, puis nous verrons. Nous avons le temps pour deux tours.
    Madame.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
     Je remercie également Mme Stirk de sa présentation, qui était très intéressante.
    Je me demande quelles sont les possibilités en matière de pressions diplomatiques. Quelles nouvelles démarches pourrions-nous envisager pour faire pression sur le gouvernement ukrainien tout en maintenant cet engagement et ce dialogue?
    J'aimerais aussi savoir dans quelle mesure nous tentons de coordonner nos efforts avec ceux des ONG sur le terrain et des autres pays, soit de manière bilatérale soit dans le cadre d'organisations internationales.
    Merci.
(0900)

[Traduction]

    Je vous remercie, monsieur le président, et je vous remercie pour cette question intéressante.
    Elle va vraiment au coeur du problème, c'est-à-dire comment mettre en équilibre, disons, les encouragements et la dissuasion et la question de savoir dans quels genres d'avenues nous devons continuer de nous engager.

[Français]

faire pression sur le gouvernement ukrainien tout en maintenant des relations ouvertes avec le peuple ukrainien.
    Comme je l'ai mentionné déjà, le Canada a fait preuve de leadership en livrant des messages clés stricts aux autorités ukrainiennes. Notre ambassadeur est très actif sur le terrain et il participe au processus.

[Traduction]

    Il contribue ou participe au procès de Mme Timochenko.

[Français]

    Il lui a livré des messages directement afin de lui faire part de notre appui pendant ce processus.

[Traduction]

    Bien entendu, comme le ministre l'a dit, nous analyserons nos relations bilatérales et nous chercherons d'autres possibilités de faire part de notre inquiétude aux autorités ukrainiennes. Ce sera vraiment du cas par cas.

[Français]

    Si l'objectif est de soutenir la démocratie, les droits de la personne,

[Traduction]

la primauté du droit et tout le reste, la question est de savoir comment trouver des possibilités de le faire, que ce soit par des déclarations ou un réexamen d'une partie de notre coopération bilatérale selon la situation.
    Au sujet de la coordination avec d'autres pays ou de la consultation dans d'autres pays pour que tous soient au diapason, que ce soit bilatéralement ou au sein d'organisations multilatérales, y a-t-il d'autres discussions? Est-ce que nous en discutons avec les États-Unis ou...?
    Par ailleurs, travaillons-nous directement avec des ONG sur le terrain?

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Oui, nous sommes fréquemment en contact avec nos partenaires américains ainsi qu'avec l'Union européenne. Nous les avons consultés et les consultons encore régulièrement, de même que d'autres pays européens. Nous avons coordonné en partie les messages que nos ministres ont envoyés et nous discutons des occasions que nous aurons de démontrer notre insatisfaction face à la situation.

[Traduction]

    En ce qui concerne la société civile, je dirais que nous avons de très bons contacts sur le terrain. Je crois que c'est en partie le fruit de l'appui que le Canada a fourni pour aider certaines de ces organisations à renforcer leurs capacités au fil des ans, au moyen de différents programmes d'aide technique et d'autres mesures.
    Bon nombre de ces ONG se sont tournées vers le Canada pour obtenir des conseils et du soutien au fil des ans. Nous entretenons donc des rapports étroits avec elles. Bien sûr, les gens de notre ambassade leur parlent et sollicitent régulièrement leurs opinions.
    De fait, comme je l'ai mentionné, quand je suis allée en Ukraine plus tôt cette année, au mois de juin, j'ai passé une bonne partie de mon temps à rencontrer des représentants d'ONG pour parler de la situation des droits de la personne, de ce qu'ils en pensent et de façons dont le Canada pourrait continuer de soutenir leurs efforts qui visent, bien entendu, à renforcer les institutions ukrainiennes.
(0905)
    Au sujet de l'accord de libre-échange que nous négocions avec l'Ukraine, quelle sera l'incidence de la situation actuelle sur ces négociations?

[Français]

    C'est une très bonne question.

[Traduction]

    Je crois que les accords de libre-échange sont importants en ce sens qu'ils ouvrent de nouveaux marchés et qu'ils favorisent l'essor du commerce et des investissements internationaux. Je crois qu'ils peuvent aider à favoriser la croissance et la prospérité — et les marchés libres, ce qui est bien sûr un objectif important.

[Français]

    La prospérité économique peut aussi aider un pays à se doter d'institutions démocratiques et à respecter les droits de la personne.
    Comme je l'ai déjà dit,

[Traduction]

Le défi consiste à équilibrer les encouragements et les éléments dissuasifs. Le gouvernement suivra la situation de près et nous chercherons la meilleure façon de procéder dans le cadre des négociations en cours.
    Je vous remercie.
    Nous allons passer à M. Goldring.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Mes remerciements à tous les membres du comité et à vous, monsieur le président, de vous pencher sur cette question très importante.
    Merci aux témoins qui comparaissent devant nous aujourd'hui. Le moment est très bien choisi.
    Je dois revenir à l'époque de la révolution orange. Il y avait alors une culture d'intimidation et j'étais sur place pendant les dix jours qu'elle a duré. J'étais sur place lors des élections ratées. J'ai observé le bourrage d'urnes et j'en ai des photos, ce qui est assez incroyable.
    On avait le sentiment, à l'époque, que le processus électoral n'était pas pris au sérieux. C'était, je suppose, un vestige de la gestion soviétique des élections, tout comme la culture d'intimidation. J'étais personnellement vraiment très intimidé. On a tenté de me faire peur, de me faire expulser du pays. On a employé différentes méthodes: du sang répandu dans ma chambre, des choses qui m'ont été livrées... dans différents cas, c'était assez scandaleux, mais je n'en ai pas fait grand cas à l'époque à cause de l'importance de ce qui se passait.
    Ce qui se passait, c'était ce scénario très réel dans lequel des Ukrainiens se levaient en masse et revendiquaient leur liberté démocratique. C'était réel. Quand je prenais la parole devant eux sur la scène, Place de l'indépendance, le rugissement retentissant avec lequel ils réagissaient lorsque je leur disais que le Canada les appuyait dans leur quête pour améliorer et regagner leurs institutions démocratiques, c'était très réel.
    Mais à l'époque, nous avions différentes entreprises médiatiques. La télévision, bien entendu, pouvait diffuser assez librement. La presse écrite semblait capable de fonctionner et de faire ses reportages, mais le téléphone ne fonctionnait pas. Il était sous contrôle. Il faisait « clic-clic », ou il était en panne, ou il fonctionnait de façon aléatoire. On tentait d'exercer un contrôle.
    Pourriez-vous nous dire aujourd'hui, à cause des travaux de ce comité et à cause aussi du débat exploratoire à la Chambre des communes, si cela ressort dans la population de l'Ukraine? Au bout du compte, cela revient au peuple de l'Ukraine: nous pouvons faire part ici de toutes les préoccupations que nous voulons au cours des réunions de notre comité, mais au bout du compte, ce sont les Ukrainiens qui doivent exprimer leur préoccupation. Expriment-ils cette préoccupation aujourd'hui dans les rues de Kiev ou y a-t-il une certaine retenue dans les médias? Est-ce que cela ressort? Sont-ils aussi inquiets que nous le sommes?
    Je vous remercie, monsieur le président.
    L'honorable député soulève une question très importante. De fait, c'est une question complexe. Je dirais qu'évidemment, il y a eu des manifestations liées au procès de Mme Timochenko et à la situation générale en Ukraine — la perte de liberté, les violations courantes des droits de la personne, l'érosion de la liberté de presse et ainsi de suite. Il y est donc évident que des groupes en Ukraine continuent de s'exprimer, de poser des questions, d'essayer de changer la situation dans le pays.
    Je crois qu'il y a chez de nombreux Ukrainiens un vif désir d'établir des liens plus étroits avec l'Occident. Nous le voyons dans leurs rapports avec le Canada. L'objectif d'établir un accord de libre-échange et un accord d'association avec l'UE vise surtout, bien sûr, à rattacher l'Ukraine à la communauté occidentale des nations.
    Je dirais que des forces contraires sont en jeu en Ukraine. D'une part, des pressions s'exercent sur le système judiciaire. On constate l'érosion des libertés et des droits de la personne ainsi que du respect de la primauté du droit. D'autre part, je crois qu'il y a d'importantes forces en Ukraine et de nombreux Ukrainiens qui espèrent un avenir meilleur et qui ont la démocratie, les droits de la personne et la primauté du droit très à coeur. À mon avis, il ne fait aucun doute qu'ils s'attendent que des pays comme le Canada les appuient dans leurs efforts, dans la quête de cet avenir plus rose.
    C'est bien sûr l'une des raisons pour lesquelles le gouvernement a fait autant d'efforts pour communiquer des messages de ce genre, en public et en privé, soit au cours de la visite du premier ministre ou dans le cadre de récentes déclarations de ministres, entre autres. À mon avis, ce sont tous des éléments importants pour appuyer ces forces démocratiques.
(0910)
    Nous connaissons tous l'histoire de Mme Timochenko. Elle a joué un très grand rôle dans la révolution orange, elle a vraiment été l'une des actrices principales de la révolution. La suite, bien sûr, c'est qu'elle s'est retrouvée opposée au président au dernier tour des dernières élections présidentielles. Bien sûr, le président était le président élu dans l'élection ratée qui a déclenché la révolution orange. Donc, de toute évidence, il était là sous une forme ou une autre.
    A-t-on l'impression que cela s'appuie sur des considérations politiques, cette tentative d'intervenir explicitement pour l'empêcher de figurer parmi les principaux favoris dans les prochaines élections? Qu'est-ce qu'on en dit dans les médias ukrainiens? Quelle est l'origine de cette situation? Ou est-ce simplement perçu comme des accusations criminelles visant des gestes qu'elle avait posés alors qu'elle était en poste?
    Madame Stirk, je veux simplement vous aviser que vous avez environ une minute.
    Merci, monsieur le président.
    Je dirais que l'impression très claire qui ressort, c'est que ce procès repose sur des considérations politiques. Je pense que c'est ce qu'on a compris, en Ukraine et à l'étranger. De fait, je pense que toutes les déclarations de notre gouvernement, et d'autres gouvernements aussi, mettent l'accent sur la nature politique de ces accusations et de ces allégations et qu'on y voit vraiment de l'ingérence dans le processus judiciaire.
    Je vous remercie.
    Monsieur LeBlanc, la parole est à vous. Vous avez sept minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Merci, madame Stirk et monsieur Sarty, de votre présence ce matin.
    J'ai bien aimé les questions de mes collègues. Je pense qu'il y a probablement un large consensus autour de la table — du moins, je l'espère — que le Canada a joué un rôle constructif depuis l'indépendance de l'Ukraine voilà plus de 20 ans. C'est bien vrai que le gouvernement a pris une position ferme au sujet du procès Timochenko et, de notre point de vue, c'est une bonne chose.
    Je veux vous poser deux questions précises. Je n'ai pas autant d'expérience de la politique étrangère que d'autres personnes ici présentes. Vous avez parlé d'un examen de notre relation bilatérale. La question n'est pas un piège. J'aimerais vraiment comprendre le genre de choses que cela implique. C'est une sorte de jargon bureaucratique qui signifie probablement beaucoup de choses, ou rien du tout, selon ce que le gouvernement décide de faire, au bout du compte.
    Cependant, lorsqu'un gouvernement dit qu'il examine sa relation bilatérale, je saisis très clairement les conditions souvent contradictoires: maintenez-vous un dialogue et une relation active et constructive tout en condamnant sans ambiguïté certaines difficultés dans la société, ou est-ce que vous vous retirez et laissez la situation se détériorer encore, en perdant l'influence que le Canada a exercée historiquement?
    Je comprends cette dynamique, mais quel genre de choses peuvent...? Si vous ne voulez pas parler des options particulières que le gouvernement étudie, choisissez un autre contexte: lorsqu'un gouvernement dit qu'il examine ses relations bilatérales, en quoi pourrait consister l'éventail des options qu'un gouvernement examinerait dans une telle situation? Je suis curieux de connaître l'allure que cela pourrait prendre à mesure que la situation évolue.
    Par ailleurs, si le temps le permet, je serais curieux d'entendre votre réaction aux commentaires que j'ai lus dans les médias hier. Le chargé d'affaires ukrainien a fait un commentaire plutôt bizarre. Le monde entier dit qu'il s'agissait d'un procès politique et non, de fait, d'un procès criminel fondé, et j'ai lu dans les médias, hier je crois, que le chargé d'affaires disait: non, c'était vraiment un procès criminel et il n'y avait pas de connotation politique. Manifestement, nous ne sommes pas d'accord. Je me demande si le gouvernement a eu l'occasion de le dire clairement à l'ambassade de l'Ukraine au Canada.
(0915)
    Je vous remercie, monsieur le président.
    C'est une très bonne question: comment utilise-t-on la relation bilatérale pour intervenir, à la fois comme mesure d'encouragement et comme mesure dissuasive, dans ce cas-ci et, de fait, dans d'autres cas? Je pourrais commencer par quelques exemples très précis, avant de parler du contexte plus général.
    Dans ce cas particulier, immédiatement après le procès, notre ambassadeur à Kiev est allé rencontrer le sous-ministre des Affaires étrangères pour livrer des messages très clairs sur la position du Canada, et j'ai fait la même chose ici auprès du chargé d'affaires ukrainien. Nous avons eu une conversation très franche sur la position du Canada face à ce que nous considérons comme un procès tout à fait motivé par des considérations politiques et nous avons signalé qu'il y aurait des incidences sur la nature de notre relation qui a été très chaleureuse dans le passé.
    Quant à d'autres interventions concrètes, cela se décide vraiment au cas par cas et ce n'est pas propre à l'Ukraine. Nous prenons en compte des points, par exemple les accords qui peuvent être à l'étude. Nous prenons en compte des points comme les visites, des possibilités de livrer des messages et nous examinons comment nous pourrions les exploiter d'une façon ou d'une autre. De nombreuses possibilités s'offrent à nous pour signaler notre mécontentement, tout en encourageant nos interlocuteurs à adopter une approche différente.
    Avez-vous lu comme moi les commentaires du chargé d'affaires hier? Je ne me souviens pas d'où provenait l'extrait, mais le chargé d'affaires contredisait ce que le monde entier dit quant à la nature politique et non criminelle du procès.
    Non, je n'ai pas vu ces commentaires, mais je ne manquerai pas de faire un suivi et d'y jeter un coup d'oeil.
    Le président m'avise qu'il me reste deux ou trois minutes.
    Nous avons vu que le rôle de la Russie est l'un des sujets dont il a été question dans des reportages sur le procès. Les Russes eux-mêmes ont dit qu'il y avait un ton anti-Russie dans une partie de la couverture ou des discussions concernant le procès lui-même et pourtant, selon ce que j'ai compris et ce que j'ai lu, des observateurs estiment que le président en poste, en particulier, est davantage pro-Russe que d'autres ont peut-être pu l'être.
    Avez-vous un point de vue sur l'état actuel des relations entre l'Ukraine et la Russie et sur le rôle constructif — ou moins que constructif — que la Russie pourrait jouer à mesure que ce dossier évolue?
    C'est aussi une question très intéressante, monsieur le président, et elle va vraiment droit au coeur de la place de l'Ukraine au sein de l'Europe, à mon avis.
    La relation avec la Russie est complexe. En ce qui concerne ce procès, il est plutôt intéressant de constater que le gouvernement russe a critiqué la nature du procès et la façon dont il s'est déroulé, ce qui a peut-être étonné des observateurs.
    Je dirais que l'Ukraine cherche l'équilibre entre la Russie et l'Occident. Bien sûr, ses relations avec la Russie ne datent pas d'hier. Leurs économies sont intégrées de façon relativement étroite dans certains domaines, ce qui engendre à la fois des possibilités et des défis. À mon avis, c'est un aspect très difficile de la politique étrangère de l'Ukraine.
    Il est difficile de déterminer ici avec une quelconque précision le rôle particulier que la Russie joue, mais il est clair que les Russes ont effectivement critiqué le déroulement de ce procès particulier.
    Je vous remercie.
    Nous allons passer au deuxième tour. Nous commencerons par M. Dechert, puis nous passerons à M. Sopuck.
(0920)
    Je vous remercie, monsieur le président. Comme vous l'avez mentionné, je partagerai mon temps avec M. Sopuck.
    Bonjour, madame Stirk. C'est bon de vous revoir. Je vous remercie de votre présence.
    Je crois que tous les Canadiens sont très préoccupés par les récents événements en Ukraine. Comme M. LeBlanc l'a souligné, tous les partis ici ont exprimé cette préoccupation dans le débat exploratoire que nous avons eu au Parlement mardi soir.
    Nous sommes préoccupés par l'arrestation, l'emprisonnement et le procès apparemment motivé par des considérations politiques de Mme Timochenko. Dans les médias et ailleurs un peu partout au pays, plusieurs personnes ont suggéré que le Canada offre à l'asile ou la citoyenneté honoraire à Mme Timochenko comme moyen d'illustrer la profonde préoccupation du Canada. Qu'en dites-vous?
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je dirais que jusqu'ici, la priorité a vraiment été accordée au processus judiciaire et au renforcement des institutions démocratiques en Ukraine. Dans tous les messages que nous avons adressés aux dirigeants, nous avons beaucoup insisté sur l'importance de la primauté du droit.
    Je peux dire que notre ambassadeur a déjà exprimé son intérêt et son soutien à Mme Timochenko. Il a assisté au procès et il lui a transmis des messages, et Mme Timochenko nous a remerciés et elle a exprimé sa reconnaissance pour cet appui.
    Malheureusement, Mme Timochenko n'est pas le seul membre de l'opposition que le système judiciaire ukrainien persécute ou poursuit. Je crois que le problème est vraiment beaucoup plus vaste et qu'il ne se limite pas à une personne.
    Je suggérerais qu'à certains égards, l'objectif pour l'instant devrait être de rester mobilisés, de continuer à livrer des messages fermes sur la détérioration de la situation démocratique et des conditions d'exercice des droits de la personne, d'aider à renforcer la société civile en Ukraine et de manifester notre appui à tous les membres de l'opposition ukrainienne pour le moment.
    Donc, pour être clair, vous ne recommanderiez pas d'offrir l'asile ou la citoyenneté honoraire pour le moment.
    Eh bien, il s'agirait là d'une décision qui revient au gouvernement. Pour le moment, nous nous employons à renforcer les institutions en Ukraine, en nous concentrant sur l'opposition dans son ensemble, qui est bien entendu beaucoup plus qu'une seule personne.
    Je passe la parole à M. Sopuck.
    Monsieur Sopuck, vous avez deux minutes et demie.
    Que pense-t-on du Canada en Ukraine? La deuxième partie de cette question est la suivante: notre opinion importe-t-elle au gouvernement ukrainien?
    Monsieur le président, je crois qu'on a le Canada en très haute estime en Ukraine. En grande partie, cela repose sur la force de la relation entre nos peuples: la contribution énorme que les Canadiens d'origine ukrainienne ont bien sûr apportée en ce pays, mais ce qui est peut-être encore plus important, la contribution que bon nombre d'entre eux ont apportée à la reconstruction de l'Ukraine. Il y a des liens très solides à tous les niveaux de la société civile. Je dirais que, pour bon nombre de ces organisations, le Canada est un exemple à suivre et elles estiment qu'elles pourraient tirer des leçons de l'expérience que nous avons acquise ici en matière de création d'une société civile solide et robuste.
    À mon avis, la société civile est très engagée dans... je suis désolée, mais pouvez-vous me rappeler la deuxième partie de votre question?
    Quant au gouvernement lui-même, notre opinion importe-t-elle au gouvernement ukrainien?
    Je le crois, oui. Une fois encore, à cause de la relation solide et de l'appui que le gouvernement du Canada et, de fait, les Canadiens ont offerts à l'Ukraine, je crois que cela importe aux dirigeants ukrainiens lorsque nous leur communiquons des messages fermes de ce genre. Ils tiennent beaucoup à ce que des parlementaires canadiens visitent leur pays. Nos parlementaires y sont toujours très bien accueillis. Je crois que les dirigeants ukrainiens prennent nos messages au sérieux.
    Nous savons qu'au cours du procès, à l'époque où notre ministre et le premier ministre ont écrit au président Ianoukovitch — et, de fait, d'autres dirigeants politiques des États-Unis et de l'Union européenne on fait de même —, le président a fait un pas en arrière et il a laissé le procès se dérouler sur une plus longue période, pour donner à Mme Timochenko plus de temps pour se préparer. Nous ne sommes pas sûrs que cela était directement attribuable à ces messages, mais je crois que nous avons eu un impact.
(0925)
    Dans vos remarques, vous avez parlé de la persistance de la corruption généralisée. Une fois qu'une culture de corruption prend racine, il est très difficile de s'en débarrasser. Y a-t-il de l'espoir pour la réforme des institutions en Ukraine? Constatez-vous des progrès à cet égard?
    Monsieur le président, je crois absolument qu'il y a de l'espoir pour la réforme institutionnelle et je crois qu'il ne fait aucun doute que le peuple ukrainien a la volonté de voir cette réforme se concrétiser.
    Nous avons constaté des progrès au fil des ans depuis l'indépendance, mais les progrès ont été hésitants et il y a parfois eu des reculs. La mise en place de structures démocratiques, d'un véritable respect des droits de la personne et de la primauté du droit après 70 ans de régime soviétique ne peut se faire facilement ni du jour au lendemain. Il n'est donc peut-être pas étonnant que la trajectoire ne soit pas plus nette, il s'agit plutôt d'un processus qui prendra du temps. Il y aura des reculs, mais je garde certainement espoir.
    Je vous remercie.
    Merci.
    Je vous remercie, monsieur Sopuck.
    Nous allons maintenant conclure.
    Monsieur Morin, vous avez cinq minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Selon moi, il est difficile de regarder la situation actuelle de l'Ukraine sans remettre cela dans le contexte historique de l'effondrement de l'URSS. On a vu dans l'histoire que l'effondrement de l'Empire ottoman a causé la Première Guerre mondiale. Il y a aussi tous les problèmes qu'on vit actuellement au Moyen-Orient. L'effondrement de l'URSS a entraîné une foule d'événements plus ou moins contrôlables.
    L'Ukraine est malheureusement située dans une position géographique extrêmement inconfortable. Le peuple ukrainien a, depuis des centaines d'années, toujours payé le gros prix dans tous les conflits entre toutes les grandes puissances internationales. C'est un peu la même chose aujourd'hui.
    La Russie cherche à regagner son influence politique et militaire dans la région. On a vu ce qui s'est passé, par exemple, en Géorgie, où les pays occidentaux se sont précipités pour appuyer un régime. Ces gens-là qui, après 70 ans de répression, avaient développé une animosité envers la Russie, se sont sentis appuyés au point qu'ils pouvaient déclencher une guerre. Le résultat final, c'est que des dizaines de milliers de personnes ont été tuées. Cela n'a pas fait évoluer grand-chose.
    Je me demande à quel point on réfléchit au bien-être réel des citoyens ukrainiens. Historiquement, ils ont été trahis par toutes les grandes puissances depuis 150 à 200 ans. Jusqu'à quel point doit-on tenir compte de cela dans nos actions? Par exemple, toute l'aide qu'on peut diriger vers l'Ukraine devrait être dirigée vers la société civile. Ainsi, il y aurait un effet qui améliorerait le bien-être des Ukrainiens directement plutôt que d'essayer de faire abstraction des questions philosophiques, historiques et politiques à long terme. Il faudrait essayer d'agir dans une optique presque humanitaire.
    En Ukraine actuellement, ce que les gens vivent, ce ne sont pas des vacances. Les gens ramassent de vieux camions militaires russes et les réparent avec des moyens de fortune. Ils vont livrer le blé dans des installations portuaires désuètes abandonnées par l'URSS. Il y a encore le marteau et la faucille au-dessus de la porte d'entrée de ces installations. Ces gens se débrouillent avec une créativité et une ingéniosité incroyables. Je pense qu'il faut trouver la façon de les aider directement à améliorer leurs conditions de vie.
    Ce serait préférable à l'adoption d'une attitude qui ferait consensus auprès des Européens et des Américains. Nos intérêts sont différents. On veut appuyer le peuple ukrainien, parce que beaucoup de nos citoyens sont d'origine ukrainienne. On se sent solidaires. Par contre, l'Europe n'a pas les mêmes intérêts. L'Europe veut que les pipelines russes traversent l'Ukraine pour qu'ils aient le gaz naturel nécessaire au fonctionnement de leur économie.
(0930)
    On devrait prendre un certain recul et regarder le contexte politique général pour voir ce que l'on peut faire de plus utile pour ces gens.

[Traduction]

    Donnez-nous une réponse brève, s'il-vous-plaît. Nous n'avons presque plus de temps.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Oui, je pense que la contribution canadienne est vraiment axée sur le soutien du peuple ukrainien et on continue dans cette veine.

[Traduction]

    Le Canada est le quatrième plus important donateur d'aide technique bilatérale à l'Ukraine et, bien sûr, nous sommes actifs dans cette région depuis 1991. Par exemple, nous contribuons aussi au fonds pour la sûreté nucléaire de Chernobyl et au nettoyage des résultats de ce terrible accident survenu en 1986.

[Français]

    Nous l'avons fait également avec des groupes de la société civile pour appuyer et améliorer la situation.

[Traduction]

    Comme je l'ai dit, nous essayons d'orienter nos efforts de manière à aider le peuple ukrainien.

[Français]

    Vous avez vraiment raison. C'est absolument très important de considérer la situation du peuple ukrainien.

[Traduction]

    Je vous remercie beaucoup.
    Peter, avez-vous une question courte à poser avant que nous levions la séance?
    Oui. Je vous remercie beaucoup de nouveau.
    Nous savons qu'à l'époque de la révolution orange que... j'étais à la Rada et au moment où je quittais la Rada, quelqu'un m'a montré des photos. Selon ses dires, il s'agissait de soldats russes en uniforme ukrainien qui entouraient Kiev. Nous savons que l'armée entourait Kiev à l'époque et qu'elle était prête à investir la Place de l'indépendance. Selon les reportages, nous savons aussi que le président nouvellement élu jouissait à l'époque de l'appui de la Russie. La Russie exerçait une influence considérable en Ukraine à l'époque, il était donc intéressant d'entendre vos observations.
    Vos remarques aujourd'hui partent du principe que la Russie ne souscrit pas à cette mesure que le président de l'Ukraine a prise. Autrement dit, la Russie d'aujourd'hui ne voit pas d'un bon oeil ce qui arrive. Pourriez-vous être très claire à ce sujet pour moi, s'il-vous-plaît?
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Ce que je voulais souligner ici, c'est simplement que le gouvernement russe a critiqué le processus judiciaire dans l'affaire Timochenko. Les raisons qui expliquent cette attitude peuvent être très variées. Il est très difficile de faire des conjectures sur les motifs exacts de la Russie dans cette situation. Bien entendu, comme je l'ai dit, la relation entre la Russie et l'Ukraine est très complexe.
    Néanmoins, je crois que cela souligne une chose. Je me dois de le formuler avec circonspection, mais lorsque même la Russie a des doutes quant à la nature du processus judiciaire, je crois que nous pouvons en conclure clairement qu'il y a des considérations politiques.
     [Note de la rédaction: inaudible]... là également.
    Certainement pas par rapport à cette décision en particulier.
    M. Peter Goldring: Je vous remercie beaucoup.
    Je vous remercie beaucoup.
    À tous nos témoins, merci beaucoup d'avoir pris le temps de comparaître devant nous.
    Je ne vais pas suspendre la séance parce que nous voulons régler quelques détails administratifs du comité, je vais donc simplement remercier de nouveau les témoins d'avoir pris le temps de venir ici ce matin.
    Mesdames et messieurs, nous avons environ 10 minutes avant l'entrée de notre prochain groupe. Vous avez devant vous un budget qui ne se rapporte vraiment qu'aux témoins qui comparaissent aujourd'hui, pour la deuxième partie, et je voulais aussi discuter brièvement de la possibilité de déterminer sur quoi nous pourrions nous pencher la semaine prochaine, étant donné que notre horaire est relativement peu chargé. J'aimerais avoir des suggestions sur ce que nous pourrions étudier ou sur la façon dont nous pourrions le faire.
    Avez-vous tous le budget devant vous? Ce devrait être le point facile à régler. Y a-t-il des questions sur le budget?
    D'accord? Je vais donc simplement passer au vote: ceux qui sont pour le budget?
    Quelques voix: D'accord.
    Le président: Bon. Merci beaucoup. C'était la partie facile.
    Au sujet de la semaine prochaine, j'ai une ou deux suggestions et réflexions à ce sujet, mais je ne voulais pas non plus prendre trop de temps pour essayer de déterminer ce que nous pourrions étudier.
    Madame Laverdière.
(0935)
    Pour la semaine prochaine, je croyais comprendre que le jeudi 27 octobre, nous allions entendre les témoignages de Christoph Benn et Svend Robinson, du Fonds mondial. C'est encore à l'ordre du jour, n'est-ce pas?
    Oui, pour la première heure, une heure seulement.
    Bien.
    Autrement, pour mardi, compte tenu des événements survenus aujourd'hui en Libye, il serait peut-être très intéressant de faire le point sur la situation en Libye et ce qui semble la nouvelle phase qui s'amorce avec le décès possible du colonel Kadhafi. C'est notre suggestion. Il pourrait aussi être utile d'amorcer notre étude à plus long terme sur le printemps arabe. Je crois que le Conseil de sécurité de l'ONU discute du Yemen cette semaine et nous constatons que la situation évolue encore en Syrie. Je crois donc qu'il pourrait être utile de consacrer un peu de temps à la Libye mardi prochain.
    Merci.
    Monsieur Dechert.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Cela ne me pose évidemment aucun problème de faire le point sur la Libye. Cela m'apparaît sensé. Un autre point me semblerait peut-être un peu plus opportun et c'est ce sur quoi j'aimerais que nous nous penchions mardi, c'est-à-dire les événements récents en Égypte par rapport au massacre qui a eu lieu au Caire au cours de la fin de semaine dernière.
    Nous avons évoqué plutôt au cours de cette séance la possibilité de demander à nos fonctionnaires de faire le point sur l'Égypte par rapport à l'ensemble de la situation démocratique en Égypte, les élections proposées et où en est la révolution. Depuis, il y a eu cet événement majeur au Caire. Je sais que beaucoup de Canadiens sont très inquiets à ce sujet. Je crois que nous pourrions peut-être y consacrer une heure ou une heure et demie mardi.
    Le deuxième point qu'il pourrait être intéressant d'examiner — et, à mon avis, il serait très important de le faire — c'est que, comme vous le savez tous, la Conférence du Commonwealth se tiendra la semaine prochaine en Australie. Une grande délégation du Canada y assistera. Nous avons la possibilité d'avoir en ligne le sénateur Segal par vidéoconférence de l'Australie — je proposerais peut-être une demi-heure — pour faire un exposé et répondre à quelques questions sur ce qui se dit à la conférence.
    Si je peux me permettre, nous pourrions peut-être le faire mardi et déplacer la Libye et la Syrie à jeudi.
    Bien. Nous avons deux ou trois suggestions. Nous allons essayé de les incorporer au programme, selon la disponibilité des gens. Nous avons une heure sur le sida et la tuberculose jeudi, puis ce que nous pouvons faire, c'est combler une autre heure. L'autre plage était réservée à l'examen du plan de travail pour l'Afrique, sur lequel nous voulons aussi nous pencher.
    Nous avons maintenant deux ou trois idées, je vais donc travailler avec la greffière et les recherchistes pour proposer quelque chose selon la disponibilité de témoins. Il vaudrait peut-être mieux reporter la mise à jour sur la Libye à la semaine suivante, mais nous sommes tous d'accord qu'il peut être possible d'obtenir un bilan.
    Nous avons donc deux ou trois choses ici. Je collaborerai avec la greffière et les recherchistes pour établir l'horaire pour la semaine prochaine d'après les suggestions qui ont été formulées ici. D'accord?
    Nous allons suspendre la séance pendant cinq minutes pour permettre à notre prochain groupe de témoins de prendre place.
    Je vous remercie.

(0945)
    Je vous invite, mesdames et messieurs, à reprendre place. Je veux accueillir nos témoins pour la deuxième heure.
    Nous accueillons Lisa Shymko, directrice principale des Amis canadiens de l'Ukraine et présidente du Centre parlementaire Canada-Ukraine.
    Bienvenue, Lisa.
    Nous accueillons aussi Taras Zalusky, le directeur exécutif du bureau national du Congrès ukrainien canadien.
    Bienvenue, monsieur Zalusky.
    Notre dernier invité qui comparaît à titre personnel est Taras Kuzio, professeur agrégé invité du Center for Transatlantic Relations, Johns Hopkins School of Advanced International Studies, Johns Hopkins University.
    Bienvenue à vous, Taras.
    Je crois que vous avez tous des déclarations préliminaires, je vais donc demander à M. Zalusky de commencer.
    Je vous remercie, monsieur le président, de m'avoir invité à participer à cette importante réunion du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international dans le cadre de son examen de la situation en Ukraine.
    Je suis Taras Zalusky, directeur exécutif du CUC. Le Congrès ukrainien canadien est la voix de la communauté ukrainienne du Canada. Le congrès rassemble sous son égide toutes les organisations ukrainiennes nationale, provinciale, et locale du Canada.
    Parmi les objectifs et les buts du CUC figure celui de contribuer à l'évolution démocratique, civile, sociale, économique et étatique de l'Ukraine. Par extension, la communauté ukrainienne canadienne désire voir ce grand pays et son peuple talentueux réussir à surmonter le passé difficile qui lui a été laissé en héritage et continuer à bâtir une société démocratique, stable, prospère et harmonieuse à l'intérieur de l'Ukraine, fondée sur le respect des minorités nationales et religieuses et de ses voisins et au-delà. La communauté ukrainienne au Canada souhaite favoriser l'établissement de relations positives entre le Canada et l'Ukraine.
(0950)

[Français]

    Malgré les nombreuses affirmations du gouvernement de l'Ukraine qui nie cette réalité, il existe une abondance d'informations et de preuves démontrant que l'Ukraine revient à un modèle autoritaire de gouvernance.
     Ainsi, il existe plusieurs implications négatives relativement à la stabilité de la région. De plus, il existe des risques de confrontations physiques entre la société civile et les autorités ukrainiennes à mesure que le gouvernement procède systématiquement à inverser les gains démocratiques provenant de la Révolution orange.

[Traduction]

    Aujourd'hui, beaucoup d'Ukrainiens trouvent que leur avenir est à risque puisque la primauté du droit et les libertés démocratiques comme la liberté de la presse, de rassemblement et de parole sont étouffées. Les leaders de l'opposition sont arrêtés, emprisonnés et inculpés et ce, souvent dans cet ordre. La justice sélective fondée sur des motivations politiques est infligée sans distinction contre des adversaires du gouvernement de Ianoukovitch.
    Le président Ianoukovitch a supervisé un certain nombre d'actions qui constituent un rejet des principes fondamentaux du gouvernement démocratique. Des restrictions antérieures aux pouvoirs du président ont été abrogées. Cela a accéléré la concentration du pouvoir dans les mains du président. La distinction et la séparation des pouvoirs entre le président, le premier ministre, le gouvernement et le Parlement ont été considérablement réduites, sinon annulées. Le système de frein et de contre poids entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire a aussi été miné.
    Il y a eu une répression contre les politiciens de l'opposition, qui se manifeste à travers la poursuite en cour et la récente condamnation, entre autres, de l'ancienne première ministre Ioulia Timochenko; et la fuite vers l'asile en République tchèque de Bogdan Danilichine, l'ancien ministre de l'Économie. La décision dans l'affaire Timochenko de la condamner à sept ans d'emprisonnement l'empêche d'occuper une charge publique pendant des années.
    Au cours des dernières semaines, de nombreux leaders politiques ont condamné le procès, en soulignant son caractère politique et la tentative d'éliminer Mme Timochenko comme leader de l'opposition. Le 11 octobre 2011, Catherine Ashton, Haute Représentante de l'Union européenne, a déclaré:
     [Traduction]

Le verdict est rendu à l'issue d'un procès qui ne respecte pas les normes internationales en matière de processus judiciaire équitable, transparent et indépendant, que j'ai réclamé à maintes reprises dans mes déclarations antérieures. Cela confirme malheureusement que la justice est appliquée de manière sélective dans des poursuites intentées pour des considérations politiques contre des chefs de l'opposition et des membres de l'ancien gouvernement.
    Le ministre des Affaires étrangères du Canada, l'honorable John Baird, et le premier ministre du Canada ont aussi fait des déclarations similaires — des déclarations fermes —, publiquement et dans des lettres adressées au président Ianoukovitch.
    Il y aussi une utilisation croissante de la contrainte contre les journalistes et des menaces à la liberté de presse en Ukraine.

[Français]

    L'une des grandes réalisations de la Révolution orange en 2004 en Ukraine a été l'établissement de médias véritablement indépendants. Les Ukrainiens font désormais plus confiance aux médias qu'ils ne font confiance aux politiciens du pays, selon des sondages effectués en 2010.

[Traduction]

    Les médias indépendants sont devenus un pilier du paysage de la société civile de l'Ukraine et un frein digne de confiance face au gouvernement. Toutefois, depuis février 2010, un nombre croissant d'incidents inquiétants donnent l'impression que la liberté de presse est de plus en plus compromise.
    En juillet 2010, le chien de garde des droits internationaux des médias, Reporters sans frontières a réuni des preuves d'agressions physiques contre des journalistes, d'obstruction directe de leur travail et de censures de toutes sortes. Selon le Département d'État américain, les élections locales du 31 octobre 2011 ne répondaient pas aux normes de transparence et d'équité qui avaient été établies dans les élections présidentielles plus tôt cette année-là.
(0955)

[Français]

    De plus, il y a des craintes sérieuses par rapport aux prochaines élections législatives en 2012. Comment peuvent-elles être déclarées libres et équitables si les dirigeants des deux partis de l'opposition, y compris le chef de l'opposition officielle, ne sont pas en mesure d'y participer?

[Traduction]

    Le gouvernement du président Ianoukovitch a aussi ciblé des universités et des institutions de recherche indépendantes, entre autres, en matière de harcèlement et d'intimidation, en particulier celles qui s'emploient à restaurer la mémoire historique de l'Ukraine.
    L'an dernier, le premier ministre Harper a visité l'Université catholique d'Ukraine et le Musée commémoratif national de la prison Lonsky, où le recteur de l'université, le père Boris Gudziak et le directeur du musée, Ruslan Zabily, ont été victimes de harcèlement et d'intimidation de la part du gouvernement. En juin dernier, M. Zabily et 16 membres du personnel du musée ont été interrogés par la police secrète, malgré les dénégations du premier ministre Azarov.
    Ce sont là quelques-uns des derniers gestes qui illustrent les efforts que fait le gouvernement de l'Ukraine pour intensifier les mesures de répression contre des chercheurs et des historiens. Ces efforts, entre autres, démontrent le retour à des tactiques d'intimidation de style soviétique. Il faut les surveiller, les rendre publiques et les dénoncer systématiquement.
    Que peut faire le Canada? En ce qui concerne l'ACDI, l'Agence canadienne de développement international, ses priorités actuelles concernent l'agriculture, la sécurité alimentaire et le développement économique de l'Ukraine.
    Monsieur Zalusky, pourriez-vous ralentir un peu pour permettre aux interprètes de vous suivre? Je sais que vous avez beaucoup à dire en peu de temps, mais si vous pouviez ralentir juste un peu...?
    Combien me reste-t-il de temps?
    Vous en êtes à peu près à la mi-temps.
    Je vais donc parler plus lentement.
    Nous croyons qu'il faudrait modifier ces priorités afin d'inclure la bonne gouvernance, le développement démocratique, la réforme judiciaire et le soutien de la société civile. Le Canada peut aider à favoriser le développement du secteur des ONG, notamment les groupes travaillant dans les domaines des droits humains, de l'éducation et de la réforme du droit, puisqu'une société civile dynamique est le meilleur garant de l'évolution démocratique de l'Ukraine à long terme.
    Dans l'intervalle, nous demandons que le Canada utilise tous les outils diplomatiques à sa disposition pour communiquer à la fois publiquement et en privé le mécontentement du Canada à l'égard de certains événements régressifs en Ukraine et pour mettre en garde le gouvernement ukrainien contre les conséquences potentielles de ces actions anti-démocratiques qui sèment la division.
    Une délégation parlementaire canadienne devrait visiter l'Ukraine à l'automne pour rencontrer des parlementaires et des fonctionnaires ukrainiens afin de livrer un message ferme: l'Ukraine ne peut être acceptée dans la communauté internationale que si le pays a une démocratie qui fonctionne et respecte les droits humains.
    Nous demandons aussi au gouvernement d'assister à des événements et à des procès importants, comme celui de Youri Lutchenko, afin de signaler que le Canada, comme d'autres démocraties occidentales, suit de près la manière dont la justice est administrée sous le gouvernement Ianoukovitch.
    En ce qui concerne les négociations relatives à un accord de libre échange entre l'Ukraine et le Canada, que madame a mentionnées plus tôt, nous croyons que ces négociations devraient être subordonnées à l'engagement de la part du gouvernement ukrainien à respecter la démocratie et les droits humains. Compte tenu du contexte politique en Ukraine, nous encourageons vivement le Canada à s'assurer que le projet d'accord de libre-échange entre le Canada et l'Ukraine renferme des dispositions explicites garantissant les droits humains, la primauté du droit et le respect de principes démocratiques fondamentaux, mais à titre de condition à la ratification d'un tel accord.
    Nous demandons pareillement que le Canada use de toute son influence au sein de la communauté euro-atlantique et des organismes euro-atlantiques afin de maintenir la pression sur le gouvernement pour qu'il respecte les principes démocratiques et les droits humains. Les gouvernements européens se rendent maintenant compte que le glissement de l'Ukraine vers l'autoritarisme ne sert pas leurs intérêts à long terme, et ils commencent à réagir en conséquence. Le Canada devrait soutenir les efforts européens pour promouvoir l'intégration de l'Ukraine dans les structures européennes.
    Enfin, par rapport aux élections de 2012, nous demandons au Canada de commencer à se préparer dès maintenant à suivre de près les élections législatives en Ukraine en 2012.
    En plus d'envoyer une délégation importante d'observateurs à court terme aux élections elles-mêmes, l'accent doit être placé sur un processus de surveillance électorale à moyen et à long terme, ainsi que la divulgation publique des machinations anti-démocratiques à mesure qu'elles se produisent. L'accent devrait être placé sur l'observation des élections à long terme, en tenant compte de la sophistification croissante des politiciens ukrainiens à manipuler le processus électoral pour obtenir un résultat souhaité, plutôt que s'engager dans une fraude flagrante et massive le jour même du scrutin.
    Enfin, il y a des craintes sérieuses par rapport aux prochaines élections législatives. Comment peuvent-elles être déclarées libres et équitables si les dirigeants des deux partis d'opposition, y compris le chef officiel de l'opposition, ne sont pas en mesure d'y participer?
    Je vous remercie du temps que vous m'avez accordé.
(1000)
    Je vous remercie, monsieur.
    Nous allons passer à Mme Shymko.
    Vous avez la parole pour les 10 prochaines minutes.

[Français]

    Monsieur le président, au nom de notre organisation, soit les Amis canadiens de l'Ukraine, je vous remercie de nous avoir invités à participer à cette audience devant votre comité parlementaire.

[Traduction]

    Je vous remercie de me donner l'occasion de témoigner devant le Comité des affaires étrangères et du développement international.
    Merci également à nos parlementaires d'avoir tenu le débat d'urgence sur l'Ukraine il y a quelques jours. Comme vous le savez, on en a assez largement fait état dans les médias ukrainiens avant et après le débat. Je crois qu'il est essentiel que les lecteurs ukrainiens, à la fois sur Internet et dans les journaux officiels, aient accès à cette information et nous sommes très heureux que le Canada a pris une position aussi immédiate au Parlement pour permettre la tenue de ce débat.
    Je suis Lisa Shymko. Je représente les Amis canadiens de l'Ukraine en ma qualité de présidente du Centre parlementaire Canada-Ukraine qui fonctionne sous l'égide des Amis canadiens de l'Ukraine.
    J'aimerais aussi souligner la présence de plusieurs de mes collègues des Amis canadiens de l'Ukraine, dont notre présidente, Margareta Shpir, et notre directeur, Roman Waschuk. Je les remercie de leur présence ici.
    Les Amis canadiens de l'Ukraine est une organisation non gouvernementale sans but lucratif qui a été créée en 1990 pour renforcer les relations entre le Canada et l'Ukraine en mettant à contribution le savoir-faire canadien pour promouvoir la démocratie et la réforme en Ukraine. Depuis sa création, l'organisation exerce un leadership pour favoriser la coopération interparlementaire et intergouvernementale entre nos deux pays.
    En 2000, de concert avec l'ACDI, les Amis canadiens de l'Ukraine a établi le Centre parlementaire Canada-Ukraine à la Bibliothèque parlementaire nationale de l'Ukraine, à Kiev. L'établissement à la fine pointe de la technologie abrite une collection des lois fédérales et provinciales canadiennes. Le Centre s'emploie à renforcer le processus d'élaboration des lois en Ukraine en améliorant l'accès à l'information pour les parlementaires, leur personnel et le grand public.
    Nous sommes très fiers de ce centre. Nous le considérons comme un haut fait du Canada. Il a accueilli des ambassadeurs du monde entier, des parlementaires et des ministres du Cabinet. Nous avons reçu plusieurs visiteurs, non seulement des états européens occidentaux, mais également le ministre des Affaires étrangères du Canada.
    Les Amis canadiens de l'Ukraine est également à l'origine du dîner des hommes d'État internationaux, qui offre une tribune canadienne aux dirigeants politiques de l'Ukraine. En 2003, nous avons été l'hôte de l'ancienne première ministre de l'Ukraine, Ioulia Timochenko, au Canada et nous avons facilité ces rencontres ici à Ottawa avec le président de la Chambre, qui a donné un déjeuner en son honneur. Elle a aussi participé à des réunions avec le ministre de l'époque, M. Bill Graham, et elle a aussi témoigné devant des représentants de l'ACDI et du ministère des Affaires étrangères.
    Elle s'est ensuite adressée à un très vaste auditoire à l'Hôtel Royal York, dont des sénateurs et des ministres, des parlementaires de tous les partis et des sommités des médias, comme Peter Mansbridge. Mme Timochenko a livré un discours passionné sur la nécessité de lutter contre la corruption de l'État dans une Ukraine post-soviétique. Comme tous ceux qui m'ont précédée ici l'ont mentionné, il est ironique que huit ans plus tard, Mme Timochenko soit maintenant l'objet de ce que l'arrière petite-fille de Khrouchtchev a récemment qualifié de « simulacre de procès stalinien de l'ère moderne »
    Il y a un an, ma collègue, la présidente des Amis canadiens de l'Ukraine Margatera Shpir, et moi avons eu l'honneur d'accompagner le premier ministre lors de son voyage historique en Ukraine au cours duquel il a si éloquemment énoncé les principes démocratiques sur lesquels la politique étrangère du Canada est fondée. Manifestement, nous n'aurions jamais pu imaginer, du moins dans le cadre de notre ONG, que 10 mois plus tard, ma collègue et moi serions assises dans une salle d'audience pour assister au procès de Mme Timochenko. Nous avons eu l'occasion de lui parler brièvement et elle a voulu remercier le Canada de suivre le procès avec autant de diligence.
    Comme vous le savez, et comme nous l'avons entendu avant que je vous adresse la parole, le procès et la persécution d'autres hauts fonctionnaires ont eu des répercussions directes sur la feuille de route des priorités relatives aux relations entre le Canada et l'Ukraine que les ministres des Affaires étrangères du Canada et de l'Ukraine avaient signée en 2009. Bon nombre de mes remarques sont tirées d'un mémoire de 14 pages que nous avons préparé à l'intention des membres du comité. Nous espérons vous le faire parvenir plus tard.
    La situation qui se dessine en Ukraine et chez sa voisine, la Russie, a bien entendu suscité de graves inquiétudes non seulement au sujet de l'avenir de la démocratie et de la souveraineté politique de l'Ukraine, une situation qui aura des implications géopolitiques stratégiques non seulement pour l'Ukraine, mais pour l'ensemble de la région si on ne fait rien.Toutefois, comme l'intervenant précédent y a fait allusion, cette érosion comporte plusieurs aspects troublants.
(1005)
    Je mentionnerai en premier la persécution des chefs de l'opposition et la justice sélective. Je ne répéterai pas ce que vous savez déjà au sujet de Mme Timochenko et d'autres membres de l'ancien gouvernement, mais je veux indiquer qu'en matière d'impartialité, de la part de la magistrature, Amnistie internationale rapporte que seulement 0,2 p. 100 —, c'est-à-dire deux sur 1 000 — des personnes mises en accusation par le ministère public en Ukraine sont déclarées non coupables et libérées. Dans l'Union Européenne, la moyenne dépasse 40 p. 100.
    J'aimerais aussi attirer votre attention sur le fait qu'il y a des violations troublantes des droits de la personne et de la liberté de presse en Ukraine. En avril 2010, le président de l'Ukraine a aboli la commission nationale sur la liberté de parole et la primauté du droit, et c'est le sujet même de l'une des questions de l'un des députés au sujet de la liberté de presse.
    Nous sommes profondément inquiets de constater l'existence d'un problème, à savoir la façon dont la séparation entre l'État et l'indépendance des médias s'est estompée. Par exemple, un magnat de la presse, Valeri Khorochkovski, le propriétaire d'Inter, une station de télévision progouvernement, a été nommé à la tête du Service de sécurité de l'Ukraine, ce qui constitue un conflit d'intérêt majeur. Nous constatons maintenant que le Service de sécurité exerce très souvent des pressions sur les membres du Conseil national de la télédiffusion et de la radiodiffusion et menace de retirer leurs licences si leur stations de télévision diffusent un peu trop souvent des entrevues avec des chefs de l'opposition.
    Il a été aussi été mentionné aujourd'hui que Reporters sans frontières a publié un indice de la liberté de presse et que l'organisation a fait état d'une érosion majeure de la liberté de presse en Ukraine. L'Ukraine a reculé au 131e rang, une nette baisse par rapport à son classement de l'année précédente, au 89e rang. Pour relativiser la chose, la Russie fait pire encore, au 140e rang.
    Il y a beaucoup d'autres problèmes dont je ne vais pas parler aujourd'hui, mais que nous décrivons et expliquons en détail dans notre mémoire par rapport à une criminalité policière endémique. C'est un grave problème en Ukraine. Il y a d'innombrables cas de personnes qui sont décédées alors qu'elles étaient détenues par la police ou qui ont été battues par des policiers sans qu'il y ait d'enquête par la suite. Ces cas sont mentionnés dans notre mémoire.
    Il y a évidemment d'autres violations de la démocratie parlementaire et de la Constitution et une attaque énergique contre l'identité nationale. Il en est aussi question dans notre mémoire.
    J'aimerais aussi parler d'un autre problème qu'un de vos députés a soulevé aujourd'hui, ce que nous appelons « le facteur russe ». La Russie a des objectifs politiques et économiques très précis en Ukraine, et ce n'est pas étonnant. Nous croyons effectivement que la crise politique actuelle en Ukraine, de pair avec l'ambition de la Russie d'exercer une plus grande influence dans cette partie du monde, pourrait marquer le début de changements géopolitiques troublants. J'aimerais attirer votre attention sur quelques éléments.
    Premièrement, comme vous le savez, le premier ministre Vladimir Poutine exerce des pressions énergiques pour que Gazprom, la société publique russe du secteur de l'énergie, prenne le contrôle de la société pétrolière publique de l'Ukraine, Naftogaz, dont le gazoduc transporte 80 p. 100 du gaz naturel consommé dans les pays de l'Union européenne. L'un des commentateurs du National Review, George Weigel, a récemment écrit que si cela se produit, les répercussions sur la sécurité énergétique de l'Europe et la capacité de la Russie d'imposer sa volonté à l'Europe dans le secteur de l'énergie seront profondes.
    Un deuxième facteur en jeu dans la perspective d'une influence russe tient au fait que, comme vous le savez, Moscou rêve à la création d'un marché commun, d'une union douanière et d'une éventuelle monnaie commune sous l'égide de la Russie. En plus de menacer la souveraineté de l'Ukraine, cela pousserait aussi l'Ukraine à abandonner les négociations avec l'Union européenne en vue d'une association dans le cadre d'une entente commerciale assez large.
(1010)
    L'autre enjeu est le dossier troublant du déclin des droits de la personne en Russie. Nous croyons qu'il y a eu un effet de débordement en Ukraine. Selon le comité pour la protection des journalistes, 22 journalistes et membres des médias ont été tués en Russie entre 2000 et 2010 et les agressions contre des défendeurs des droits de la personne, des avocats et d'autres sont nombreuses. Je ne vous les citerai pas tous.
    Je ne sais pas combien de temps il me reste, mais j'ai presque terminé.
    Nous croyons effectivement que la feuille de route est menacée. Nous croyons que la perte de l'Ukraine comme partenaire stratégique du Canada et de l'Union européenne aurait de vastes conséquences mondiales, mais nous croyons aussi que le maintien du statu quo, comme approche, ne convient pas ici. Nous parlons de dialogue constructif. Nous préférerions parler de dialogue conditionnel et nous avons 14 propositions et recommandations pour le Ministère et le Parlement. Je vais me contenter de lire les premières propositions essentielles, puis je vous laisserai en paix.
    Notre première recommandation est de ne lancer aucune invitation à des hauts dirigeants du gouvernement Ukrainien, et en particulier au président de l'Ukraine, à participer à des visites officielles ou à des visites d'État au Canada pour le moment.
    Deuxièmement, nous recommandons de suspendre toutes négociations en vue de signer un accord de libre-échange entre le Canada et l'Ukraine jusqu'aux élections législatives de 2012 en Ukraine, sous réserve de la participation de la chef de l'opposition parlementaire de l'Ukraine, Ioulia Timochenko, à ces élections.
    Troisièmement, nous croyons que les tentatives visant à empêcher la chef de l'opposition de participer à ces élections devraient être considérées comme des motifs justifiant un retrait complet de ce processus.
    Nous croyons aussi que le Canada devrait tirer parti de sa participation au prochain Sommet du G20 à Cannes pour encourager les dirigeants mondiaux, et en particulier ceux des États-Unis et de l'Europe à rendre l'harmonisation économique future entre l'Ukraine et les pays de l'U.E. conditionnelle à la mise en place d'un système judiciaire impartial en Ukraine et à la tenue d'élections législatives transparentes, ce qui exercerait un effet de levier considérable. En même temps, nous croyons que ces dirigeants devraient insister auprès de la Russie pour que cette dernière s'abstienne de s'immiscer dans les affaires internes de l'Ukraine.
    Nous avons beaucoup d'autres recommandations, mais je m'en voudrais de ne pas souligner, étant donné que vous avez parlé des ONG, qu'il est important que vous continuiez à travailler avec les ONG. Nous croyons que le gouvernement du Canada, l'ACDI et d'autres canaux bilatéraux devraient travailler de façon plus étroite avec les ONG canadiennes qui ont une bonne réputation en matière d'exécution de programmes en Ukraine. Nous incluons notre ONG dans ce groupe. Nous sommes très fiers de notre réputation.
    Je vous remercie du temps que vous m'avez accordé.
    Merci.
    Nous donnerons maintenant la parole à M. Kuzio.
    Vous avez 10 minutes, monsieur.
    Je crois que vous avez tous en main mon témoignage. J'ai tenté de présenter une approche légèrement différente car, à mon avis, l'un des principaux problèmes que les décideurs occidentaux éprouvent dans leurs rapports avec l'administration Ianoukovitch, c'est de comprendre comment elle prend ses décisions et établit ses politiques. Comment pouvons-nous réussir à savoir ce qu'ils pensent, pour que nous puissions essayer d'agir de façon plus décisive et efficace face à eux?
    J'ai dressé une liste de 10 points pour essayer de comprendre la culture politique et la mentalité des élites actuels. C'est parti.
    Premièrement, et j'emprunte l'expression aux descriptions des récentes émeutes en Grande-Bretagne, les élites de l'Ukraine sont des « élites sauvages », au dixième degré. Ce sont des élites — je suis sûr que les personnes ici présentes originaires de l'Ukraine en conviendront — qui ont peu de lien avec la société ukrainienne et qui s'en fichent pas mal.
    Quand l'Occident se demande pourquoi les élites ukrainiennes compromettent la signature d'un document aussi important que l'accord d'association avec l'U.E., c'est parce que ce qui leur importe le plus, c'est ce qui est important pour eux à titre personnel et non pour la société en général. Ils croient que le monde est un endroit machiavélique où la fin justifie les moyens. Les élites ukrainiennes n'ont eu peur qu'une fois de la population ukrainienne au cours des 20 dernières années d'indépendance de l'Ukraine et c'était lors de la révolution orange. Ils se sont enfuis à l'étranger — certains se sont suicidés — et d'autres ont même fui à Moscou.
    Pourquoi tout cela est-il important? Eh bien, cela se reflète dans les très faibles niveaux de confiance de la population envers les institutions de l'État en Ukraine. Le Parlement ukrainien a un taux de confiance d'à peu près 5 p. 100, par exemple. C'est la même chose pour les partis politiques. La plupart des Ukrainiens ne croit pas qu'ils vivent dans une démocratie; 85 p. 100 des Ukrainiens croient que le pays ne va pas dans la bonne direction, tandis que seulement 10 p. 100 sont d'avis contraire.
    Deuxièmement, l'intérêt national. Les élites sauvages de l'Ukraine accordent beaucoup plus d'importance aux intérêts personnels et commerciaux qu'aux intérêts nationaux. Il est donc beaucoup plus important de se venger d'Ioulia Timochenko, parce qu'elle avait éliminé l'intermédiaire RosUkrEnergo dans le contrat d'approvisionnement en gaz de 2009, que de signer un accord d'association avec l'Union européenne.
    Cela se joue dans de nombreux domaines différents. Ce n'est donc pas une question... je crois qu'on utilise parfois une formulation très simpliste en disant que Ianoukovitch est pro-russe ou que Iouchtchenko est pro-occident. Ils ne sont ni pro-russe ni pro-occident. Ils sont « pro-moi ». Il est très important de saisir: qu'est-ce que j'en retire? » Ianoukovitch l'a effectivement dit à plusieurs reprises: qu'est-ce que je retire de cet accord?
    Troisièmement, l'Ukraine est une vache à lait, un endroit où vous pouvez voler des matières brutes, des fonds... il a déjà été question ici du degré de corruption de l'Ukraine. Malheureusement, il y a un aspect négatif à cette situation de notre point de vue, en ce sens qu'une grande partie de cet argent passe à l'Occident. Par rapport à la Grande-Bretagne, ce n'est pas une coïncidence si des journalistes parlent de Londresgrad ou de Moscou-sur-la-Tamise. Une grande partie de cet argent va en Grande-Bretagne. Il va en Europe occidentale. Au cours des trois dernières années, deux oligarques ukrainiens ont acheté deux des propriétés les plus chères de l'histoire britannique, pour un total de plus de 400 millions de dollars.
    Chypre, un membre de l'U.E., est le plus grand investisseur étranger en Ukraine. Pourquoi? Parce que c'est une zone extraterritoriale, qui reçoit une grande partie de cet argent corrompu. J'y reviendrai dans mes conclusions finales au sujet de l'élaboration de politiques, mais il faut suivre l'argent et, malheureusement, l'Europe occidentale n'a pas fait très bonne figure en ne se montrant pas sévère face aux problèmes du blanchiment d'argent.
    Quatrièmement, une question banale. Je ne sais pas si les photographies du manoir de Viktor Ianoukovitch ont été insérées dans le mémoire qui a été traduit, mais ce manoir à proximité de Kiev a été privatisé alors qu'il était premier ministre en 2006, illégalement. C'était une résidence de l'ère soviétique qui servait à accueillir des dignitaires étrangers dans l'Ukraine soviétique.
    C'est sa résidence personnelle — une résidence volée — et elle lui tient très à coeur. Il croit que si Mme Timochenko est relâchée et devient présidente en 2015, elle nationalisera sa résidence pour la rendre à l'État, et c'est probablement ce qu'elle fera. Voilà donc déjà une raison personnelle de ne pas vouloir qu'elle se présente aux élections.
(1015)
    La résidence est devenue un scandale en Ukraine par le simple fait des sommes d'argent qui y ont été investies. Par exemple, on parle dans des reportages récents de dépenses de 300 000 euros pour une salle de bain et de 80 000 euros pour des chandeliers. Manifestement, Ianoukovitch ne peut se le permettre avec son salaire présidentiel. Cela enlève tout poids à son affirmation selon laquelle il lutte contre la corruption en condamnant Mme Timochenko.
    Parlons ensuite d'ostentation. Ianoukovitch ne vient pas de la même élite que les anciens présidents ukrainiens. Les présidents Kravtchouk et Koutchma venaient tous deux de l'élite soviétique de la nomenklatura. Ils avaient donc un niveau de scolarité beaucoup plus élevé et un accès beaucoup plus grand à des ressources et à des conseillers.
    Adolescent, Ianoukovitch a été condamné et emprisonné deux fois. Il vient d'un milieu très modeste. Cela se voit à la façon dont il aborde les choses, à bien des égards. En particulier, il a des horizons très étroits, il n'est pas porté sur le compromis et, à mon avis, il réagit de façon très inélégante à la critique occidentale.
    Sixièmement, le « machisme ». Une fois encore, ne sous-estimez pas ce genre de choses. Le Parti des régions du clan de Donetsk fait preuve d'un très grand machisme, dans la façon dont il prend des décisions en matière de politique étrangère et de politique intérieure et dont il réagit à la critique de l'étranger.
    C'est particulièrement important dans l'affaire Timochenko. Mme Timochenko est unique dans cette partie du monde, la seule femme ayant atteint le sommet de la politique ukrainienne. Elle n'a simplement pas d'égale dans l'ancienne URSS, ni même en Europe de l'Est. Les femmes qui deviennent des leaders, par exemple dans les États de la Baltique, venaient de l'immigration, de la diaspora, notamment du Canada. Elle est même exceptionnelle dans les démocraties occidentales. Très peu de femmes ont atteint les sommets du pouvoir politique dans les démocraties occidentales.
    Quand vous avez une culture comme celle de l'Ukraine, où les rapports avec les femmes se situent au niveau où nos rapports avec les femmes se situaient avant les années 1960, à un niveau très chauvin et très critique, vous pouvez alors comprendre que Mme Timochenko apparaît comme une menace personnelle dans cette société très dominée par les hommes. Par exemple, Ianoukovitch était censé participer avec Mme Timochenko à un débat à la télévision publique au second tour des élections de 2010. Il a refusé. Lorsqu'on lui a demandé de s'expliquer, il a répondu que la place d'une femme est à la cuisine et non en politique.
    Le gouvernement actuel, évidemment pro-présidentiel, est le premier de 14 gouvernements ukrainiens qui ne compte aucune femme. Par conséquent, cette culture a vraiment un gros problème avec Mme Timochenko — tout comme avec Iouchtchenko, soit dit en passant, sur cette question d'égalité entre les sexes.
    Septièmement, la question du « pouvoir ». Dans l'esprit de l'actuel Parti des régions du clan de Donetsk, on devrait maximiser le plus possible le pouvoir, tant en politique qu'en économie, et une fois que vous avez obtenu le pouvoir, vous ne le lâchez pas. Les menaces à l'occupation indéfinie du pouvoir sont très nombreuses et vous devez donc les éliminer.
    Souvenons-nous qu'elle n'a perdu que par 3 p. 100 aux élections de 2010, même si elle était la première ministre en fonction tout juste après une crise financière mondiale. Ianoukovitch en a été secoué. Il pensait gagner par plus de 10 p. 100 et pourtant, il a à peine réussi à se faufiler. Il sait pertinemment bien qu'en 2015, s'il devait être confronté à elle, il perdrait probablement des élections transparentes, parce qu'il aurait été au pouvoir depuis cinq ans et qu'elle serait alors chef de l'opposition.
    Les critiques ont été nombreuses... et je m'étendrai sur cette question concernant les élections de l'an prochain. La Commission de Venise du Conseil de l'Europe et la Fondation internationale pour les systèmes électoraux ont toutes deux condamné, en septembre ou octobre 2011, le nouveau projet de loi électorale qui vise à garantir que le Parti des régions obtiendra une large majorité constitutionnelle, ou une majorité de 50 p. 100, aux élections législatives de l'an prochain.
    Par ailleurs, la peine imposée à Mme Timochenko s'inspire du même objectif. Elle a été à dessein condamnée à sept ans d'emprisonnement et on lui interdit pendant trois ans d'occuper une charge publique. Pourquoi cette configuration? Parce qu'ainsi, elle ne pourra pas participer aux quatre prochaines élections, soit aux deux prochaines élections législatives et aux deux prochaines élections présidentielles. Cela signifie que Ianoukovitch n'aura pas à lui faire face pendant les neuf prochaines années, jusqu'en 2020.
(1020)
    Un autre facteur, c'est que c'est mauvais pour la santé de ne plus être au pouvoir. C'est ainsi qu'ils voient les choses. Ils ont ouvert une boite de Pandore en portant des accusations contre Mme Timochenko et d'autres dirigeants. Si, désormais, un ex-président ou un ex-premier ministre peut être cité à procès, ils pourraient donc subir le même sort lorsqu'ils ne seront plus au pouvoir, surtout compte tenu qu'ils ont corrompu la Constitution et enfreint de nombreuses lois depuis qu'ils sont au pouvoir. Ce n'est donc pas une bonne idée de ne plus être au pouvoir, surtout dans l'esprit de ces personnes.
    Le complexe d'infériorité est très néo-soviétique. Il suffit d'analyser le genre de réactions dont nous avons été témoins par suite des critiques visant la peine imposée à Mme Timochenko, par exemple: « comment osez-vous vous immiscer dans nos affaires internes? » et « c'est deux poids, deux mesures ». C'est ce que nous entendions quand l'Union soviétique existait encore.
    L'ambassadeur de l'U.E. en Ukraine a dit cette semaine que ce qu'ils ne semblent pas comprendre, c'est que l'adhésion à l'Union européenne n'est pas comme un menu à la carte dans lequel vous pouvez choisir les choses que vous aimez et laisser de côté le reste. C'est un menu fixe: vous devez prendre ce que l'U.E. offre.
    Enfin, permettez que je me prononce sur la question de savoir s'ils croient peut-être que l'emprisonnement de Mme Timochenko pourrait aboutir à un contrat d'approvisionnement en gaz plus favorable. Je voudrais ajouter trois recommandations stratégiques sur ce point.
    Premièrement, d'après ce que j'ai entendu, je ne crois pas que Mme Timochenko sera libérée. Le principal facteur dont l'Occident devrait tenir compte, ce sont les élections législatives de l'an prochain. L'ambassadeur de l'U.E. en Ukraine a dit que la porte est pratiquement fermée, mais que la fenêtre reste ouverte. Je crois que la fenêtre ne sera ouverte que jusqu'aux élections de l'an prochain.
    Je formulerais donc trois recommandations stratégiques.
    La coordination est un élément essentiel dans ce contexte. L'administration Ianoukovitch a dit à maintes reprises que l'U.E. et l'Occident — les États-Unis, le Canada et l'U.E. — sont divisés dans leurs façons d'aborder les événements en Ukraine. Il est très important que l'U.E., les États-Unis et le Canada adoptent une position concertée — je dirais même, qu'ils fassent une déclaration commune — pour montrer sans équivoque qu'ils sont au diapason.
    C'est également vrai en ce qui concerne l'accord de libre-échange. L'accord vaste et exhaustif entre l'U.E. et l'Ukraine est à toute fin pratique suspendu; il est gelé. On croyait que la présidence polonaise du Conseil de l'Europe ferait en sorte que ses négociations seraient menées à terme d'ici décembre, sans que l'accord soit toutefois ratifié. Il est très peu probable que l'étape finale des négociations arrive même à terme. Si l'U.E. n'est pas susceptible de signer un vaste accord de libre-échange avec l'Ukraine, je crois que le Canada ne devrait pas le faire non plus. Les positions à ce sujet devraient être coordonnées. Il serait assez curieux de voir le Canada aller de l'avant tandis que l'U.E. s'y refuse.
    Enfin, revenons à ma question de l'argent. Si vous voulez vraiment faire mal à l'administration Ianoukovitch, vous pouvez lui faire beaucoup plus mal qu'au Bélarus. Le Bélarus n'a pas d'oligarques, tandis qu'on en trouve en Ukraine. Ces oligarques ukrainiens ont des maisons et des entreprises à Londres, à Monaco et ailleurs. Leurs enfants fréquentent des écoles privées. Ils voyagent en Europe de l'Ouest.
    Vous devez d'abord commencer à penser à imposer une obligation de visas. Cela va vraiment leur faire mal. On nous dit que les oligarques ukrainiens sont pro-européens. Ils ont peur de la Russie et de l'impérialisme économique russe. Pourtant, les oligarques ont été très discrets et passifs jusqu'à présent. Si les oligarques commencent à sentir que leurs propres intérêts personnels sont menacés, ils useront alors de leur influence sur l'administration Ianoukovitch.
    Je vous remercie.
(1025)
    Je vous remercie beaucoup.
    Je veux signaler aux membres qu'il nous reste environ 24 minutes et que la sonnerie d'appel retentira à 10 h 40. Je suggère de poursuivre jusqu'à 10 h 45 étant donné que la sonnerie retentit 30 minutes avant le vote, si vous êtes d'accord, ce qui signifie que nous aurons probablement assez de temps pour une seule série de questions. Nous verrons ensuite.
    Nous allons d'abord donner la parole à Mme Sims.
    Je vous remercie beaucoup.
    Premièrement, je vous remercie de vos témoignages. Je suis de tout coeur avec vous et avec la diaspora ukrainienne qui éprouvez cette peine, ainsi qu'avec ceux d'entre vous qui interviennent de très près en Ukraine et, bien entendu, avec la population ukrainienne également.
    Je veux poser une question vraiment concrète au sujet de l'ACDI.
    Taras, vous avez demandé explicitement que l'ACDI modifie son mandat à l'égard de l'Ukraine de façon à ce que nous nous intéressions davantage à la bonne gouvernance, au développement démocratique et, à la réforme du système judiciaire et au soutien de la société civile. Vous nous avez dit qu'il faudrait soutenir davantage les ONG pour que nous puissions bâtir une société civile plus forte. Pouvez-vous élaborer sur les raisons pour lesquelles c'est important? Également, pouvez-vous donner des exemples de ce que le Canada pourrait faire et sur quoi nous devrions nous concentrer?
    Je veux aussi faire remarquer que la plupart de nos projets de l'ACDI dans les domaines de la gouvernance, de la démocratie et de la magistrature ont pris fin ou prendront fin d'ici deux à trois mois. Cela nous préoccupe grandement quand nous voyons ce qui se produit en Ukraine.
    Pour commencer, le Canada a déjà offert de la formation, par exemple aux membres de la commission électorale centrale. De fait, c'est M. Davidovitch, l'ancien chef de la commission électorale, qui a dénoncé la fraude en 2004. Il avait participé à notre programme sur la nécessité de cette indépendance.
    Nous avons eu des programmes sur le rôle d'une magistrature indépendante et sur la transition d'un système judiciaire de style soviétique. Ces programmes ont obtenu un succès modéré, mais il faudrait probablement les poursuivre.
    Les groupes de la société civile sont tout aussi importants, voire plus encore. Il y a eu des groupes comme le Comité des électeurs de l'Ukraine et d'autres groupes de défenseurs des droits civiques, des groupes favorables à la démocratie et qui ont donné de la formation à des jeunes pour les informer de leurs droits comme citoyens et comme électeurs.
    En outre, je connais au moins un projet en cours dans lequel une formation est donnée au niveau administratif pour essayer de favoriser l'indépendance de la fonction publique, mais manifestement, c'est une entreprise plutôt difficile pour le moment.
(1030)
    J'invoque le Règlement. J'aimerais rétablir les faits pour notre collègue, simplement pour lui dire qu'il y a un assez grand nombre de projets de l'ACDI en cours en Ukraine. Bon nombre d'entre eux viennent à peine d'être signés, ils se poursuivront jusqu'en 2015 et j'ai une liste des projets si elle aimerait en prendre connaissance.
    C'est simplement pour rétablir les faits, pour indiquer qu'il y a des projets en cours et qu'ils ne prennent pas fin dans les mois à venir.
    Pour répondre brièvement à ce rappel au Règlement, j'ai une liste de tous les projets. Ceux qui m'intéressaient particulièrement sont les suivants: le projet sur l'entraide judiciaire, qui se termine en 2011; celui sur la promotion de la démocratie, qui se termine en 2011; le renforcement du processus électoral, qui se termine aussi cette année; et celui qui a pris fin en 2008, l'assistance qui avait été apportée en vue des élections législatives.
    Je sais que nous avons plusieurs autres projets, mais je faisais explicitement référence à la démocratie et à la magistrature.
    Allez-y.
    Je vais laisser la parole à Alexandrine.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je veux moi aussi remercier nos témoins de leurs intéressantes présentations d'aujourd'hui. Je suis heureuse qu'on ait discuté de l'appui à la société civile. Je pense que cela devrait être la pierre angulaire de notre action en Ukraine. J'étais particulièrement d'accord avec l'affirmation de M. Zalusky qui disait qu'une société civile dynamique était garante de l'évolution démocratique d'un pays.
    Je sais qu'il existe actuellement des dispositions qui facilitent l'accès aux visas étudiants pour les Ukrainiens qui veulent venir étudier au Canada. Je vois là une belle opportunité d'encourager et de promouvoir la venue au Canada de jeunes et d'étudiants qui veulent y étudier. Ils pourraient voir de près le fonctionnement de nos institutions démocratiques et rapporter cela ensuite en Ukraine. J'aimerais entendre votre opinion et vos commentaires sur les répercussions qu'un tel programme pourrait avoir sur la société civile ukrainienne.

[Traduction]

    La meilleure façon de répondre consiste à comparer la Géorgie et l'Ukraine. L'âge moyen d'un membre du gouvernement en Georgie est 30 ans, tandis qu'il est de 60 ans en Ukraine. Cela signifie que la génération de Brejnev est au pouvoir en Ukraine. La génération au pouvoir en Géorgie est une génération dont les membres ont tous été formés et éduqués en Occident. Ils parlent tous l'anglais, à partir du président.
    Les conséquences sont très nettes. La Géorgie aujourd'hui a l'un des plus faibles taux de corruption au monde, comparable à celui du Canada, des États-Unis et de nombreux pays d'Europe de l'Ouest, si vous consultez Transparency International par exemple, et dans d'autres domaines également, comme la primauté du droit. La génération, la langue et l'éducation sont donc essentielles. Il est absolument important d'amener de jeunes Ukrainiens au Canada, aux États-Unis et en Europe de l'Ouest, parce qu'il est à espérer qu'un jour, ils seront au pouvoir.

[Français]

    Tout à l'heure, vous nous avez fait part d'une liste des raisons pour lesquelles, selon vous, il était très peu probable que Mme Tymoshenko soit libérée. Y a-t-il des opportunités ou y a-t-il quelque chose qui pourrait être fait concrètement pour mener à une meilleure démocratisation du processus? Qu'est-ce qui pourrait mener à moins de procès politiques comme celui-ci et qui pourrait peut-être éventuellement l'aider concrètement?

[Traduction]

    J'ai organisé à Washington un forum politique mensuel sur l'Ukraine. En juin dernier, il y a quelques mois de cela maintenant, l'ancien ambassadeur en Ukraine, Steven Pifer, a laissé entendre dans une réunion informelle qu'il est temps que l'Occident laisse couler l'idée d'imposer l'obligation de visas. Il n'est pas nécessaire de dresser des listes concrètes pour le moment, mais vous pouvez imaginer que cette éventualité aurait un impact énorme en Ukraine.
     L'Occident dispose d'une influence potentielle beaucoup plus grande en Ukraine qu'au Bélarus, parce qu'au Bélarus il n'y a pas d'oligarques. Il n'y a pas de propriétaire d'énormes résidences à Londres, mais en Ukraine, il y en a. Ces oligarques constituent la principale base financière et politique de Viktor Ianoukovitch. S'ils commencent à se rebeller contre lui, c'en est fini de lui.
    Je crois qu'il faut une réponse concertée, en ce sens que le Canada, les États-Unis et l'UE y participeront. Il n'est pas encore nécessaire qu'elle soit réelle, mais si on laissait simplement couler que nous discutons de cette possibilité, cela aurait un impact considérable.
(1035)
    Je vous remercie.
    Monsieur Goldring.
    Merci.
    Merci de votre présence aujourd'hui. J'espère que cela ne pose pas problème si j'admets avoir moi-même dépassé l'âge de 60 ans .
    Des voix:Oh, oh!
    M. Peter Goldring: Cette question devrait probablement être soumise à un autre forum, soit à l'OSCE, évidemment, qui s'est beaucoup occupée d'élections au fil des ans. Je suis moi-même allé en Ukraine avec eux, six fois déjà si je ne me trompe pas. C'est une organisation regroupant 56 pays: le Canada et les États-Unis, bien sûr, et 54 pays européens. L'Ukraine en fait partie, comme la Russie.
    J'étais au Kazakhstan, à Astana, à l'un de leurs forums lorsque la délégation de l'Ukraine a présenté une résolution sur l'Holodomor. En guise d'illustration de ce qui se produit à ces forums, une fois encore, la Russie était un peu dans l'eau chaude. Par l'intermédiaire de plusieurs pays, la Russie voulait diluer cette résolution et, dans les faits, la neutraliser. Plutôt qu'une résolution qui disait que l'Holodomor était le fait d'un seul homme, Staline, la résolution dirait que c'était une catastrophe naturelle, ce qui est faux.
    J'ai eu l'occasion de collaborer avec la délégation de l'Ukraine, de monter sur ma chaise et de m'opposer aux gestes que la Russie posait de façon hostile par l'entremise de plusieurs autres pays. Nous avons réussi à faire adopter la résolution telle quelle. À la fin de la séance plénière, pas un seul mot n'avait été échangé, et ils sont rentrés en Ukraine avec une résolution tout à fait intacte, mais cela illustre bien l'influence de la Russie, que celle-ci influence l'Ukraine de l'intérieur ou de l'extérieur.
    Vous avez donc vraiment beaucoup de matière dans ce scénario. Je me demande si vous ne devriez pas soumettre cette question à l'OSCE pour qu'on en discute à l'une de ses prochaines réunions, parce que ce sera un scénario durable. Je crois qu'il vaudrait la peine d'en débattre dans le forum de 56 pays, où une résolution pourrait peut-être être présentée et adoptée. C'est un message.
    Cela étant, vous pourriez peut-être nous parler, de votre point de vue, des influences que la Russie pourrait exercer, y compris sur d'autres pays, dans les prochaines élections prévues pour 2012. À quoi pouvons-nous nous attendre et que devrions-nous surveiller? Je suis sûr que de nombreux Canadiens y retourneront pour surveiller cette élection. À quoi pouvons-nous nous attendre?
    Je ne crois pas que c'est forcément une question de mauvaise influence russe qui pourrait engendrer de la fraude dans une élection. La plupart des gens croient déjà que les élections de l'an prochain seront frauduleuses en Ukraine. Ils ont déjà trafiqué le projet de loi électorale pour servir leurs fins, et ils vont passer d'un système de proportionnel intégral à un système électoral mixte, avec 50 p. 100 d'élus à la proportionnelle et 50 p. 100 d'élus dans des districts dotés d'un seul siège. Ils espèrent ainsi obtenir de 50 à 60 p. 100 de sièges. Leur taux de popularité se situe actuellement à 15 p. 100, il s'agit donc d'un saut important, ce qui marginalisera évidemment l'opposition.
    Ils sont déjà passés maîtres de ce genre de fraude. On ne doit pas oublier — un élément que les décideurs occidentaux ont souvent négligé — que Viktor Ianoukovitch n'a jamais reconnu qu'il y avait eu une fraude électorale en 2004. Il croit que la révolution orange était une opération de la CIA destinée à l'empêcher d'accéder au pouvoir. Vous riez, mais c'est ce qu'il croit. Cette tendance à voir de la conspiration partout est très profondément soviétique et elle fait partie de cette mentalité. C'est aussi la tendance de Vladimir Poutine.
    Comme gouverneur, comme premier ministre et comme président, Viktor Ianoukovitch a supervisé quatre élections depuis 1999. Dans tous les cas, il y a eu de la fraude électorale. Les élections transparentes ne font simplement pas partie de sa culture. Il faut une présence massive de l'OSCE sur le terrain, comme en 2004, et il faut leur exposer clairement les conséquences concrètes qu'une fraude électorale pourrait avoir, non pas en des termes très diplomatiques que l'U.E. a employés jusqu'à maintenant, mais en des termes concrets, y compris ce que nous avons évoqué: des listes noires potentielles par rapport à l'obligation de visas.
    Comme l'ambassadeur de l'UE en Ukraine le dit, si les élections sont frauduleuses, alors la fenêtre se ferme. L'Ukraine sera alors perçue comme un deuxième Bélarus et Viktor Ianoukovitch, comme un deuxième Lukachenko. Voilà quel sera l'impact d'élections frauduleuses l'an prochain.
    Si les élections sont entachées de fraudes, nous pouvons aussi prévoir que cela déclenchera peut-être des manifestations et de la violence dans la rue. Nous avons un scénario très différent par rapport à 2004. Lorsqu'il y a un président sortant, comme en 2004, il n'est pas susceptible de vouloir utiliser la violence pour prévenir la révolution orange parce qu'il ne veut pas partir avec du sang sur les mains, mais ces types ne prévoient pas quitter leur poste. Ils veulent rester en poste et pour eux, la chose la plus importante est de s'assurer d'obtenir une énorme majorité aux élections législatives l'an prochain pour qu'ils puissent être réélus en 2015.
(1040)
    Vous parlez de la manipulation de la loi électorale en leur faveur. Naturellement, l'Ukraine est un pays souverain. Qui aurait l'autorité, ou les moyens, de critiquer les lois à l'intérieur et à l'extérieur du pays? Est-ce qu'un quelconque groupe de gens, à l'intérieur ou à l'extérieur du pays, a analysé cette question, un groupe qui peut donner une quelconque opinion au sujet d'une méthodologie et le risque que celle-ci ait un effet négatif sur les prochaines élections? Y a-t-il eu des rapports à ce sujet?
    Ce que je vais faire, Taras, c'est vous laissez finir de répondre. La sonnerie d'appel retentit, mais je vais aussi laisser M. LeBlanc poser une ou deux questions pour conclure. Allez-y, Taras.
    Oui, j'ai inséré dans mon témoignage un article que j'ai publié cette semaine sur la question. La Commission de Venise du Conseil de l'Europe a condamné le projet de loi. Les Ukrainiens ont demandé eux-mêmes à la Commission de Venise de se prononcer sur leur projet de loi.
    L'une des principales critiques a été non seulement qu'ils vont augmenter le seuil à 5 p. 100, mais aussi que le projet de loi a été rédigé par le président. L'ambassadeur de l'UE en Ukraine a dit qu'il n'y a aucun pays européen où le président rédige les lois électorales. Cela ne se voit simplement pas dans un pays démocratique. Les assemblées législatives rédigent les lois électorales.
    De plus, le projet de loi électorale n'a pas été rédigé aux termes de discussions avec les partis de l'opposition. On a ignoré les partis de l'opposition et la société civile — et, de fait, l'Occident — lors de la rédaction de cette loi électorale. L'objet de la loi est de leur procurer une importante majorité.
    Monsieur LeBlanc
    Monsieur le président, je serai bref.
    Merci aux trois témoins. Vos exposés ont vraiment été très intéressants et instructifs et j'ai aimé entendre vos trois points de vue.
    J'ai deux questions précises pour M. Zalusky. Dans vos remarques, vous revenez souvent sur les plus récentes élections en Ukraine. Je vous ai entendu exprimer des préoccupations au sujet de la transparence ou de la légitimité des plus récentes élections. Je me demande si vous pouvez élaborer. Nous avons beaucoup entendu parler des craintes en vue des prochaines élections. Je crois qu'elles sont toutes fondées, mais je me demandais si vous voulez vous étendre sur les récentes élections.
    Ma deuxième question porte sur votre mémoire, que j'ai lu. Vous parlez des différents points qu'à votre avis, le gouvernement du Canada devrait examiner dans toutes négociations en vue d'un accord de libre-échange. Je me demandais si vous pouviez développer ce point également et nous donner une idée, de façon encore plus large, des choses précises que le gouvernement du Canada peut faire dans le contexte de l'accord de libre-échange ou par rapport à d'autres initiatives. Dans une partie de votre mémoire, vous faites référence au travail de l'ACDI. Je me demande si vous voulez vous étendre là-dessus dans la minute ou deux qui nous reste.
    Je vous remercie.
    Par rapport aux élections locales de 2010, qui se sont déroulées environ une semaine après la visite du premier ministre Harper, nous avons des preuves de plusieurs dizaines d'incidents. Les élections locales en Ukraine représentent une entreprise gigantesque. Chaque maire, préfet, conseiller et préposé à la fourrière — je crois qu'il y avait des centaines de milliers de personnes — sont soumis au scrutin.
    Toutefois, pour les postes administratifs des oblasts importants, il y a eu de l'intimidation. Les candidats recevaient la visite de leurs gentils représentants locaux du Parti des régions et on leur disait que s'ils se présentaient pour un parti politique différent — et nous avons des cas documentés, au moins 30 ou 40 —, le bureau du procureur général lancerait des poursuites criminelles contre eux et leur compliquerait la vie et celle de leur famille et de leurs êtres chers.
    Il est donc compréhensible que le Parti des régions a remporté ces élections dans environ 80 p. 100 des cas. C'est un résultat dont Robert Mugabe serait fier.
    Quant aux points concernant un accord de libre-échange, premièrement, je crois que le Canada a une position fondée sur des principes, comme dans les négociations de l'accord de libre-échange signé avec la Colombie qui contient une clause sur la protection des droits de la personne. Je crois que dans ce cas-ci, ce qui est plus primordial, c'est que si nous signons des accords de libre-échange, nous le faisions avec des démocraties, et même dans notre accord avec la Colombie, il était fondamentalement entendu que le pays était démocratique.
    Je reprends à mon compte les arguments que mes deux collègues ont présentés ici, qu'à moins qu'il y ait une démonstration d'un engagement envers la démocratie, la primauté du droit et des normes minimales pour la tenue d'élections démocratiques et justes, nous devrions attendre, et nous devrions insérer ce genre de garanties dans toutes les négociations.
    En ce qui concerne une présence accrue, l'un des services que CBC International et Radio-Canada offraient auparavant était similaire à celui qu'offrent Radio Free Europe et Radio Liberty, des émissions en langue ukrainienne. Il s'agissait probablement d'un petit poste budgétaire, mais il serait très utile de diffuser le point de vue du Canada en Ukraine, en ukrainien. C'est vraiment triste que la BBC a récemment mis fin à ce service — et oui, nous diffusons encore des émissions en russe.
    Je crois que nous devrions nous pencher sur la surveillance d'élections à long terme. Les types de fraudes qui peuvent être commises comportent certains éléments insidieux. Par ailleurs, si les médias de masse sont contrôlés, comme Mme Shymko l'a laissé entendre — par exemple par le chef de la police secrète, la SBU — c'est vraiment affolant de penser qu'il possède des stations de télévision et que dans le cadre de la plus récente distribution de licences de câblodiffusion, il a obtenu sept ou huit licences de plus. D'autres ministres du Cabinet ont aussi obtenu des licences pour leurs sociétés privées. Je crois que nous devons être très conscients que les médias en général et les médias contrôlés par l'État ne diffusent pas ce qui se passe dans la communauté internationale. Heureusement, la réponse à la condamnation de Mme Timochenko...
(1045)

[Français]

    Mme Latendresse a posé une question l'autre soir à la Chambre des Communes — j'y étais pendant quatre heures. Elle a demandé si tout ce dont nous parlions ici, au Canada, valait quelque chose en Ukraine. Les résultats sont clairs, nets et précis. Des centaines d'articles ont été publiés dans les journaux ukrainiens, dans Internet, dans Ukrayinska Pravda. Beaucoup ont rapporté publiquement le fait qu'il y avait un débat d'urgence et que des ministres et des représentants de tous les partis avaient condamné unanimement ce qui s'est passé en Ukraine à propos de Mme Tymoshenko .

[Traduction]

    Je suis désolé, mais nous devons conclure. Nous devons aller voter, donc je vais devoir lever la séance. Il nous reste moins de 20 minutes pour nous y rendre.
    Je vous remercie beaucoup. Je suis désolé de devoir couper court.
    La séance est levée.
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