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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 008 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 25 octobre 2011

[Enregistrement électronique]

(0845)

[Traduction]

    Aux termes des dispositions de l'article 108(2) du Règlement, nous procédons à une séance d'information sur la situation en Égypte, et je tiens rapidement à souhaiter une nouvelle fois la bienvenue à nos amis des Affaires étrangères.
    Je vous remercie d'avoir pris le temps de venir témoigner.
    Madame Vidricaire, voilà un bon nombre de fois que vous venez nous voir, et je vous en remercie. Je ne sais pas si vous arrivez encore à travailler, car vous êtes constamment devant notre comité. Je vous prie de m'en excuser.
    Nous accueillons aujourd'hui Barbara Martin, directrice générale, Direction générale du Moyen-Orient et du Maghreb; Marie Gervais-Vidricaire, directrice générale, Groupe de travail pour la stabilisation et la reconstruction; et enfin Jeffrey McLaren, directeur, Direction du Golfe et du Maghreb.
    Je vous souhaite à tous trois la bienvenue.
    Je crois savoir, madame Martin, que vous allez nous présenter un exposé. Nous allons l'entendre immédiatement car nous ne disposons que d'une demi-heure.
    Madame Martin, vous avez la parole.

[Français]

    Monsieur le président, membres du comité, je veux vous remercier de la chance qui m'est offerte de prendre la parole devant vous aujourd'hui.

[Traduction]

    Mon nom est Barbara Martin et je suis la directrice générale à la Direction générale du Moyen-Orient et du Maghreb au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international.
    Aujourd'hui, je vous fournirai une mise à jour des récents développements en Égypte, y compris concernant les chrétiens coptes en Égypte. L'Égypte entreprend une période critique dans sa transition vers une gouvernance démocratique. Comme le reste du monde, le gouvernement du Canada surveille la situation de très près.
    En janvier et février dernier, il fut inspirant de surveiller alors que le peuple égyptien de tous âges, religions et horizons de la vie exigeait courageusement ce que les gens de partout dans le monde réclamaient : liberté, démocratie, droits de la personne, la primauté du droit et une chance pour réussir une vie meilleure. Les Égyptiens ont provoqué des changements politiques transformateurs par le biais de manifestations pacifiques, et non en s'appuyant sur la violence et sur le terrorisme.
    L'Égypte, pays de 82 millions d'habitants et ancienne civilisation avec une culture vive et riche, est depuis longtemps un leader modéré des mondes arabe, africain et musulman. Elle a de forts antécédents de diversité religieuse.
    Elle a également été un important partenaire dans le processus de paix au Moyen-Orient dans le respect du traité de paix signé de longue date et grâce à une coopération avec Israël sur les questions de sécurité. Par conséquent, les événements en Égypte ont des répercussions importantes sur les autres pays de la région, sur l'économie mondiale, et sur la sécurité internationale — y compris celle des Canadiens.
    Dans le contexte du réveil arabe, le dénouement en Égypte est susceptible de nuire aux transitions en cours dans d'autres pays. Les développements en Égypte au cours des prochains mois et des prochaines années sauront influencer la région, et le monde — tel que nous le connaissons. Voilà pourquoi il est important que le Canada demeure engagé avec l'Égypte.
    Le Canada et l'Égypte continuent d'entretenir des liens solides et de longue date à tous les niveaux. Nos solides relations avec l'Égypte sont fondées sur des liens importants que nous entretenons de personne à personne et sur des liens dynamiques aux secteurs du commerce bilatéral et de l'investissement. On estime que quelque 55 000 Canadiens ont des racines en Égypte et qu'environ 100 000 Canadiens y voyagent chaque année. L'Égypte importe quelque 630 millions de dollars en produits et services du Canada.
    Nos solides relations avec l'Égypte nous permettent aussi de nous parler en toute franchise, comme devraient le faire des amis. Nous avons exprimé à l'Égypte notre souhait de voir une transition pacifique et sérieuse vers la démocratie, ainsi que notre inquiétude face aux tensions sectaires croissantes.
    Vous vous souviendrez qu'il y a eu une attaque contre des chrétiens coptes à la sortie d'une messe à Nag Hammadi en janvier 2010, ainsi qu'un bombardement d'une église à Alexandrie pendant la célébration de la messe du Nouvel An au début de cette année, dont les deux incidents ont été condamnés résolument par le Canada.
    Très récemment, de violents affrontements ont eu lieu au Caire le 9 octobre entre les forces de sécurité égyptienne et des manifestants chrétiens coptes. Vingt-sept personnes, la plupart des chrétiens coptes, ont été tuées et plus de trois cents ont été blessées, dans l'un des incidents les plus troublants et violents depuis la chute de l'ancien régime.
    Le ministre Baird a émis une déclaration exprimant sa profonde inquiétude et faisant appel à l'Égypte pour assurer la liberté de religion et pour protéger les minorités religieuses. À la demande du ministre Baird, dimanche, le chargé d'affaires canadien a rencontré l'évêque Youannes, évêque général et secrétaire auprès de sa sainteté le pape Shenouda III à la cathédrale Saint-Marc pour lui faire part des inquiétudes et de l'appui du Canada. Le ministre des affaires étrangères avait demandé également que l'ambassadeur du Canada en Égypte discute avec le pape, un peu plus tôt cette année, d'attaques antérieures.
    Il lui a également fourni une copie de la résolution adoptée par la Chambre des communes qui condamne les attaques, exhorte le gouvernement à traduire en justice les auteurs de la violence, et fait appel au Conseil des droits de la personne de l'ONU afin qu'il mène une enquête sur le sort des chrétiens coptes égyptiens et émette un rapport public sur ses conclusions.
    Le ministre Baird a également évoqué la situation des chrétiens coptes au cours de son allocution à l'Assemblée générale des Nations Unies, ainsi que lors des consultations publiques relatives au nouveau Bureau des libertés religieuses le 3 octobre.
    Les chrétiens coptes, qui représentent environ 10 p. 100 du peuple de 82 millions en Égypte, ont été une partie intégrante de la société égyptienne depuis le Ve siècle après Jésus-Christ. Au fil des siècles, les coptes et les musulmans ont coexisté pacifiquement et, aujourd'hui, l'écrasante majorité d'Égyptiens appuient la tolérance religieuse. Mais les divisions sectaires entre musulmans et coptes, ainsi que les tensions entre le conseil militaire au pouvoir et la communauté copte ont été exacerbées par cet incident ainsi que par ceux plus tôt cette année.
(0850)
    Ces incidents violents proviennent des extrémistes qui n'acceptent pas la pluralité religieuse du pays. Il revient aux Égyptiens de prévenir que l'intolérance et la violence deviennent la voie de l'avenir. Il ne s'agissait pas de la raison de leur révolution. Des Égyptiens de toutes confessions, musulmans et coptes, ont défilé ensemble à Tahrir pendant la révolution, sur le seul fondement du slogan « Nous sommes tous des Égyptiens ».
    De même, après les affrontements du 9 octobre, des centaines de musulmans et de chrétiens ont participé à une marche de solidarité pour inciter les Égyptiens de toutes confessions à travailler ensemble pour mettre fin à la violence sectaire. Nous nous sommes donc réjouis de l'engagement du gouvernement égyptien à traduire en justice les responsables de la violence, et à déposer un projet de loi qui donne plus de poids aux sanctions pour discrimination.

[Français]

    Le processus menant à un gouvernement civil démocratique entre dans une phase critique. L'étape entreprise en mars dernier fut positive alors que 77 p. 100 des Égyptiens ont voté en faveur d'un amendement constitutionnel qui a raccourci le mandat présidentiel, créé une limite de deux mandats et restreint la possibilité de déclarer et de renouveler un état d'urgence.
    C'est également un signe positif que le conseil militaire au pouvoir se soit engagé à respecter un calendrier pour la transition vers un régime civil. Il est prévu que les élections législatives débuteront le 28 novembre, se tiendront en trois étapes et se termineront en mars 2012. Après les élections législatives, une nouvelle constitution sera rédigée et suivront des élections présidentielles prévues vers la fin de 2012 ou le début de 2013. Il sera important de s'assurer que ces élections sont libres et équitables.
    Nous comprenons que les élections seront suivies par le magistrature égyptienne. Toutefois, nous croyons que la présence d'observateurs internationaux indépendants est de mise. Même le Canada a des observateurs internationaux lors de ses élections. Nous sommes déçus que le Conseil suprême des forces armées ait adopté une loi en juillet qui interdit la présence des observateurs électoraux internationaux, bien que nous prenons note de la possibilité que des témoins aient le droit de participer à ces élections.
    Nous reconnaissons que d'importants défis peuvent se présenter alors que les Égyptiens travaillent pour définir les bases politiques et économiques de la nouvelle Égypte. Il faudra maintenir une stabilité tout en assurant les libertés fondamentales, voir aux intérêts des partis laïcs et les équilibrer avec ceux des partis basés sur la religion, favoriser une culture de pluralisme et de respect des droits de la personne et maintenir de bonnes relations avec les voisins régionaux.
(0855)

[Traduction]

    De plus, l'Égypte fait face à des défis économiques, y compris un fort taux de chômage, particulièrement chez les jeunes, les réserves étrangères à la baisse et une perte nette de revenus provenant du tourisme suite à la révolution. Son leadership devra renouveler les efforts nécessaires pour libéraliser l'économie et s'attaquer à la corruption.
    En réponse aux défis économiques de l'Égypte, la programmation de l’ACDI se concentre à stimuler une croissance économique durable en créant un meilleur environnement pour le développement des petites et moyennes entreprises. Lors de sa visite au Caire en mars, le ministre Cannon a annoncé que le Canada allait fournir 11 millions de dollars en nouveau financement pour aider l'Égypte dans sa transition économique.
    Le Canada est également impliqué activement dans le Partenariat de Deauville, avec ses partenaires du G8. Dans le cadre de ce partenariat, les banques multilatérales de développement ont annoncé qu'elles allaient contribuer jusqu'à 20 milliards de dollars sur trois ans pour appuyer l'Égypte et la Tunisie. Le Canada est un principal actionnaire dans ces banques et nous nous tenons prêts à coordonner l'aide aux besoins.
    Il est peu probable que le processus de transition de l'Égypte vers la démocratie se fasse en douceur. On peut s'attendre à cette probabilité, alors que les Égyptiens tentent de trouver de nouveaux terrains d'entente, de définir la nature de leur société et de tracer la voie de l'avenir du gouvernement. Non seulement nous souhaitons que le gouvernement égyptien écoute la voix courageuse du peuple égyptien et réponde à son désir d'un nouvel avenir, mais nous souhaitons également voir l'Égypte maintenir sa position de chef de file parmi les États arabes, africains et musulmans.
    Le Canada demeurera un partenaire important pour l'Égypte et nous nous tenons prêts à aider et encourager son peuple et son gouvernement alors qu'ils doivent relever les défis qui les attendent.
    Je tiens à remercier le comité de m'avoir donné la possibilité de vous parler aujourd'hui, et je suis prêt à répondre à vos questions, en compagnie de Jeff et de Marie, qui sont ici avec moi.
    Merci, madame Martin.
    Je pense qu'étant donné le temps qu'il nous reste — nous n'avons plus que quelque 18 minutes —, je vais accorder des temps d'intervention de six minutes à chacun. Tout le monde aura donc un temps de parole complet. Nous allons procéder ainsi.
    Je vais commencer par Mme Sims, qui disposera de six minutes.
    Je tiens à vous remercier de votre exposé et de nous avoir tenus au courant aujourd'hui de la situation.
    La question que je veux vous poser a trait à la résolution 1325 du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité en vertu de laquelle nous sommes tenus de nous assurer que les femmes participent pleinement à tous les processus de paix. Quelles sont les discussions qui ont eu lieu au sein du MAECI à ce sujet? Quel rôle a joué le Canada dans les discussions constitutionnelles en Égypte? Par ailleurs, que faisons-nous pour nous assurer que les femmes participent pleinement à tous les processus politiques dans l'Égypte d'aujourd'hui?
    Si vous le permettez, je vais tout d'abord vous répondre très rapidement. Ensuite, je demanderai éventuellement à Marie de vous donner une réponse plus approfondie.
    De toute évidence, le rôle des femmes est un enjeu important au Canada dans le cadre de l'évolution enregistrée lors du printemps arabe. C'est un élément clé de notre engagement et de notre politique dans notre pays. Je dois souligner cependant que c'est aux Égyptiens de décider finalement de ce que sera leur constitution et que, même s'il nous est loisible de faire valoir cette cause, il appartient en définitive aux Égyptiens de choisir.
     Marie va vous parler des différents éléments de programmes.
    Nous avons axé toutes nos activités en Égypte sur l'évolution démocratique parce que nous considérons que c'est très important pour garantir la stabilité à long terme de ce pays. Nous avons mis en place un certain nombre de projets.
    Le premier d'entre eux est le projet Droits et démocratie, d'un montant d'environ 130 000 $, qui vise à informer les journalistes, ainsi qu'une bonne centaine de chroniqueurs sur Internet. Nous connaissons l'importance des médias sociaux en Égypte et dans la région. L'opération avait pour but de former ces responsables dans la perspective du référendum constitutionnel qui a eu lieu en mars et afin de préparer les prochaines élections.
    Nous avons aussi un partenariat avec Médias en coopération et en transition. Il s'agit d'une ONG implantée en Allemagne. Ce projet avait là encore pour but de renforcer la capacité des médias indépendants et de familiariser le public avec les normes démocratiques et les processus électoraux. Bien entendu, la cause des femmes était prise en compte étant donné qu'il faut supposer que la moitié de la population est composée de femmes. C'est un élément important. Le but est de former les journalistes et de leur montrer comment on peut recueillir toutes sortes d'informations sur les programmes politiques, les positions des différents partis ainsi que celles des intervenants de la vie politique. Il s'agit avant tout d'une formation.
    En plus de cela, nous avons par ailleurs un projet régional dans le cadre du programme d'intervention rapide en cas de conflits violents et du programme d'encadrement électoral du département des affaires politiques des Nations Unies. Il s'agit là d'un projet pluriannuel. Ce projet a pour but d'aider la communauté internationale à s'engager rapidement et à prendre des mesures préventives avant que les conflits prennent de l'ampleur et deviennent coûteux, et à favoriser le processus électoral dans les pays de la région. Cela englobe l'Égypte. Nous avons versé 600 000 $ dans le cadre de ce projet.
    Enfin, j'aimerais signaler que nous venons d'entériner un projet au sein du Centre parlementaire. Ce projet permettra d'apporter une aide et de transférer des compétences à une institution nationale égyptienne dans certains domaines précis de la démocratie parlementaire, permettant à un nouveau Parlement égyptien de diriger le pays de manière responsable tout en relevant les défis qui s'offrent à ce pays.
    Pour l'instant, voilà les programmes que nous avons mis en place.
(0900)
    Je vous remercie.
    Nous avons donc institué un certain nombre de programmes de portée générale, mais je n'en relève aucun qui s'adresse précisément aux femmes. Lorsque je vois ce qui se passe dans le monde arabe, on sait que l'une des principales difficultés pour les femmes, c'est de pouvoir participer pleinement au processus. Avons-nous quelque chose qui concerne plus précisément les femmes et a-t-on prévu dans le cadre de cette formation tant de places pour les femmes pour que l'on puisse accroître la participation?
     Je vous l'ai dit, je suis certaine que le critère de la participation des femmes a bien été pris en compte dans ce cadre. Avons-nous prévu un programme séparé pour les femmes? Pour l'instant, non.
    Vous avez évoqué la région. Vous n'ignorez pas, par exemple, que le ministre Baird était en Libye il y a deux semaines, qu'il a rencontré des féministes et qu'il a déclaré que le Canada allait appuyer entre autres la participation des femmes au processus électoral qui s'annonce. On ne manque pas de s'intéresser à la cause des femmes et à chercher à renforcer leur participation en Égypte et dans le reste de la région.
    Je vous remercie.
    Nous allons maintenant donner la parole à M. Dechert, qui va partager son temps de parole avec Mme Brown.
    C'est à vous, monsieur Dechert.
    Merci, monsieur le président.
    Mesdames et messieurs, je vous remercie d'être venus nous communiquer ces renseignements importants.
    Je suis moi aussi très troublé par ce qui se passe en Égypte depuis de nombreuses années, mais plus précisément par les événements de cette année. Comme vous et comme bien des Canadiens, j'étais très enthousiasmé un peu plus tôt cette année par les perspectives d'une réforme démocratique en Égypte. Les choses semblaient aller dans la bonne direction. Musulmans et chrétiens ainsi que d'autres groupes minoritaires en Égypte protestaient ensemble contre le régime en place et ont tous contribué à le faire tomber.
    Par la suite, nous avons enregistré d'inquiétantes manifestations de violence sectaire, plus précisément à l'occasion des événements de Maspero, il y a deux semaines, où l'on a pu voir que les forces gouvernementales ont brutalement réprimé une manifestation pacifique, causant de nombreux morts.
    Vous avez indiqué dans votre exposé, madame Martin, que le Canada exportait en Égypte des biens et des services d'une valeur d'environ 630 millions de dollars par an. Qu'est-ce que le Canada importe d'Égypte et quel est le montant de ces échanges?
    Le Canada importe d'Égypte des produits d'un montant de quelque 300 millions de dollars par an. Je possède un document qui précise exactement de quoi il s'agit. Je regrette de n'avoir pas ici la composition détaillée de ces importations. Je ne serais pas du tout surprise que ce soient des toiles de coton et d'autres produits de ce genre.
(0905)
    Cela se monte à 300 millions de dollars. Il y a des gens qui ont évoqué des sanctions économiques. Quels seraient selon vous les effets des sanctions économiques que le Canada pourrait imposer à l'Égypte pour l'obliger à mieux protéger les droits de ses minorités religieuses et les autres droits de l'homme?
    Les sanctions économiques sont des mesures de rétorsion très lourdes infligées à un gouvernement. Souvent, elles pénalisent bien plus la population que le régime concerné, parce qu'elles ont des incidences sur la situation économique.
    Mais surtout, dans ce cas, le gouvernement a entrepris de procéder à une enquête sur la situation ayant mené aux violences du 9 octobre. Il n'approuve absolument pas la violence qui a eu lieu au début de cette année ainsi qu'en 2010. Il semble qu'en grande partie cette violence est liée à l'action de certains extrémistes au sein de la société égyptienne et, par conséquent, il nous paraît plus utile pour l'instant d'inciter le gouvernement à s'acquitter de ses obligations en menant son enquête et en se montrant transparent, plutôt que de le sanctionner.
    Comme vous l'avez indiqué tout à l'heure, le Canada a réclamé une enquête indépendante de l'ONU sur les événements de Maspero. Savez-vous si d'autres pays ont également exigé cette enquête?
    Non. Nous n'avons demandé cette enquête que le lundi 17 octobre. Nous ne sommes pas encore au courant des réactions des milieux internationaux.
    Je vais vous poser rapidement une dernière question et je laisserai ensuite la parole à ma collègue, Mme Brown.
    Vous avez précisé que le Conseil suprême des forces armées a adopté une loi pour interdire les observateurs internationaux lors des élections. Est-ce que le Canada doit en revendiquer la présence et faut-il, à votre avis, que nous fassions dépendre d'une manière ou d'une autre l'aide de l’ACDI de la tenue d'élections libres et de la présence d'observateurs internationaux lors des élections?
    Comme nombre de nos alliés, nous réclamons en effet la présence d'observateurs internationaux lors des élections.
    On nous a fait savoir que l'on était prêt à accepter une certaine forme d'accords tacites. La loi a expressément exclu la présence d'observateurs officiels comme on a pu le voir lors d'autres élections. Le ministère de la justice égyptien va superviser ces élections et en sera le garant. Elles auront lieu à la fin novembre.
    Il faut attendre pour voir ce qui va se passer — pour savoir si l'on pourra compter sur la présence d'observateurs lors de ces élections.
    Je vous remercie.
    Je vais laisser la parole à Mme Brown.
    Le président: Madame Brown, il vous reste une minute.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Martin, lorsque vous avez fait votre exposé, vous avez oublié de lire un paragraphe se rapportant au financement du Canada. Pour qu'il en soit pris acte dans notre procès-verbal, en voici la teneur:
De ce total, le financement de l’ACDI à hauteur de 10 millions de dollars permettra aux jeunes d'acquérir des compétences et un savoir favorisant l'obtention d'emplois et le démarrage d'entreprises dans des secteurs comme le tourisme et l'industrie manufacturière dans le cadre de son Projet pour l'accès des jeunes à un emploi décent.
    Je crois savoir que les statistiques démographiques de l'Égypte à l'heure actuelle font état d'un très fort pourcentage de jeunes dans la population, surtout dans la tranche des 15 à 25 ans. Pouvez-vous nous indiquer quelles vont être les répercussions de ces données démographiques sur les changements en cours en Égypte. Est-ce que vous avez étudié la chose?
    Madame Martin, si vous voulez répondre très rapidement.
    Oui, c'est ce que je vais faire.
    Je vous prie tout d'abord de m'excuser d'avoir sauté ce passage. J'avais l'impression que mon exposé était trop long.
    Oui, effectivement, une grande partie de la population égyptienne est constituée de jeunes. Il y a un fort pourcentage de jeunes de moins de 20 ans en Égypte. Ils sont donc fortement touchés par le chômage et s'inquiètent pour l'avenir. C'est une réalité dont nous n'avons pas manqué de tenir compte dans nos programmes.
    Je vous remercie.
    Nous allons maintenant donner la parole à celui qui va poser la dernière série de questions.
    Monsieur LeBlanc, c'est à vous.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être revenus ce matin.
    Vous avez raison, monsieur le président, il faudrait peut-être leur donner un bureau près de la colline du Parlement.
    Il semble qu'on vous demande souvent de revenir. J'en suis très heureux.
    Monsieur le président, j'ai des questions à poser dans deux domaines précis. J'ai envie de les poser toutes en même temps et Mme Martin ou Mme Gervais-Vidricaire pourront éventuellement y répondre.
    J'ai eu le plaisir de vous entendre dire que notre chargé d'affaires avait rencontré les responsables égyptiens pour leur communiquer la résolution adoptée par le Parlement et leur faire part des préoccupations de notre gouvernement face à la violence et aux persécutions des coptes en Égypte. J'ai aussi apprécié le fait que notre chargé d'affaires ait rencontré sur place le chef de l'église. Je suis curieux de savoir ce que le chef de l'église copte a déclaré aux responsables canadiens lorsqu'ils se sont rencontrés.
    Mais ce qui m'intéresse surtout, au sujet de la persécution de la communauté copte, c'est de savoir ce qu'a fait le Canada aux Nations Unies. Il me semble que l'intervention des Nations Unies est essentielle lorsqu'il s'agit de faire enquête et de prononcer des sanctions — non pas les sanctions habituelles, mais l'éventualité d'un rassemblement de la communauté internationale, nos alliés dans la région — en faisant état de nos préoccupations au nom de la communauté internationale.
     Je me demande si notre ministre, le premier ministre ou tout autre responsable a fait état, par exemple, de nos préoccupations, au secrétaire général des Nations Unies ou à des hauts responsables de cette organisation. Que peuvent faire les Nations Unies en compagnie du Canada pour attirer, il faut l'espérer, l'attention sur cette situation très regrettable? C'est une question qui concerne la communauté copte.
    La deuxième partie de ma question porte de manière plus générale sur nos relations avec l'Égypte. Je me félicite qu'on ait poursuivi les relations gouvernementales ces derniers mois au niveau du ministère des affaires étrangères, et probablement à tous les niveaux, avec les responsables du gouvernement égyptien. Toutefois, avons-nous eu des entretiens à un très haut niveau avec les membres du Conseil militaire suprême? Est-ce que le ministre ou ses hauts représentants au sein du ministère qui se sont déplacés dans cette région ont eu des entretiens avec les très hauts responsables du Conseil militaire en place? Cela, indépendamment des voies de communication normales qui passent par l'intermédiaire du ministère des affaires étrangères.
    Dans l'affirmative, je serais curieux de savoir si par ce moyen — pour aller dans le même sens que la question posée par M. Dechert —, nous avons fait part de nos préoccupations concernant la persécution de la communauté copte et aussi au sujet de cette décision assez étrange de ne pas accepter des observateurs internationaux lors de l'élection. Voilà qui paraît assez décevant; on est censé faciliter la transition vers un régime plus démocratique.
(0910)
    Je vous remercie de cette question.
    Très rapidement, je vais demander à Marie si elle est en mesure de vous répondre au sujet de l'ONU.
    Mme Marie Gervais-Vidricaire: Je n'ai pas connaissance de...
    Mme Barbara Martin: Mais auparavant, je tiens simplement à dire qu'en ce qui a trait à la réponse de l'évêque, c'est à la fois l'évêque général et le secrétaire privé du pape qu'à rencontré notre chargé d'affaires. Le pape n'est pas en très bonne santé.
    C'est un très haut responsable dont le rang est équivalent à celui d'un premier ministre.
    Excusez-moi. Si vous n'avez pas son nom ici, vous pourriez peut-être me communiquer le nom de la personne qu'on a rencontrée.
    Il s'agissait de l'évêque Youannes. Il s'est montré très reconnaissant et très satisfait de l'aide apportée et des préoccupations exprimées par le gouvernement canadien et sa population. Il a beaucoup apprécié ce que nous avons fait.
    Dans le cadre de l'ONU, la question doit être logiquement soulevée dans le cadre des délibérations du Conseil des droits de l'homme de l'ONU, qui se réunit normalement au printemps.
    Jeff, savez-vous si l'on en a parlé lors de la dernière session du Conseil des droits de l'homme?
    Je ne crois pas qu'on l'ait fait lors de la dernière session. La question des droits de l'homme est réexaminée à fond au bout de quelques années pour chacun des pays. Je ne pense pas que le cas de l'Égypte figurait au programme cette année. Nous ne manquerons pas de nous pencher sur la question et d'envisager la chose à l'avenir.
     Toujours en ce qui concerne l'ONU, dans son discours prononcé devant l'assemblée générale de cette année, le ministre Baird a effectivement évoqué la question. Cela a été porté à la connaissance des responsables de l'ONU. Les déclarations de la semaine dernière du premier ministre et du ministre des affaires étrangères, au sujet des derniers événements, ont été communiquées à l'ambassade égyptienne. Ce message a été transmis en conséquence aux hauts responsables égyptiens.
(0915)
    Merci, monsieur McLaren.
    Toutefois, il n’y a eu aucune intervention directe ou à un haut niveau à l'ONU en ce qui a trait à cette résolution précisément adoptée par la Chambre des communes. Je me félicite du discours du ministre... et il était utile qu'il mentionne la chose, mais à la suite de la résolution adoptée par la Chambre des communes, aucun suivi n'a été fait, que ce soit auprès du secrétaire général ou d'un haut responsable de l'institution de l'ONU. Je comprends bien que l'instance chargée des droits de l'homme a un calendrier, mais les événements débordent du calendrier institué par la bureaucratie de l'ONU.
    La résolution a été adoptée lundi dernier. La question n'a pas encore pu être évoquée.
    Je vous remercie.
    C'est tout le temps que nous avons. Nous avons un calendrier très chargé aujourd'hui parce qu'il nous faut entendre trois groupes de témoins. Je vais suspendre la séance.
    Je remercie une fois de plus les témoins être venus aujourd'hui.
    Nous allons faire entrer le prochain groupe de témoins et commencer immédiatement.
(0915)

(0915)
    Je me demande simplement si nous pouvons reprendre la séance. Je vous l'ai dit, nous devons entendre trois différents groupes de témoins aujourd'hui.
    Je tiens à souhaiter la bienvenue à M. Hani Tawfilis, membre du conseil d'administration du Canadian Coptic Centre.
    Nous avons aussi un témoin connu simplement sous le nom de témoin numéro un.
    Nous vous remercions aussi d'être venu.
    Nous accueillons par ailleurs Antoine Malek, représentant de l'Association de la communauté copte orthodoxe du grand Montréal.
    Bonjour messieurs. Nous allons commencer par M. Tawfilis. Je crois que vous allez commencer par nous faire un exposé de huit à 10 minutes. Nous aurons ensuite le temps d'organiser un tour — peut-être deux — de questions.
(0920)
    Je ne ferai finalement qu'une introduction car nous avons jugé, avec mes collègues, que le dossier copte était trop lourd pour que nous n'en discutions que pendant 15 ou 20 minutes.
    Nous nous en félicitons, parce que nous aurons ainsi la possibilité de vous poser plus de questions.
    Allons-y donc, pourquoi ne pas vous donner tout de suite la parole?
    Je vais introduire rapidement le sujet, pour que ceux qui ne connaissent pas les coptes comprennent bien qui nous sommes.
    Laissez-moi tout d'abord vous remercier de nous avoir invités pour entendre nos doléances au sujet de la situation en Égypte. Je me sens très fier, en ma qualité de Canadien, de voir que tout le monde ici, dans ma nouvelle patrie, se préoccupe de ce qui se passe dans ma patrie d'origine.
    Les coptes constituent la plus ancienne communauté chrétienne vivant au Moyen-Orient, et même dans le monde. L'église copte a pris naissance en l'an 42, après la résurrection du Christ, par l'entremise de Saint Marc, qui s'est rendu en Égypte pour fonder cette église. À l'époque, la société égyptienne était l'héritière des pharaons et était soumise à l'occupation de l'empire romain.
    En une cinquantaine d'années, presque toute l'Égypte avait reçu le message chrétien et l'Égypte était devenue une société entièrement chrétienne vers l'an 200 après la résurrection du Christ, ce qui s'est fait très rapidement étant donné que les médias Internet et autres moyens de communication que nous possédons aujourd'hui n'existaient pas à l'époque. Ce fut très rapide: le message a été reçu et les descendants des pharaons s'y sont conformés.
     Les termes « Égyptien » et « Égypte » dérivent du grec Aegyptos. Le terme « copte » a été employé à partir de l'invasion de l'Égypte par les musulmans venus d'Arabie saoudite en 641 du fait de l'affaiblissement de l'empire romain. Les Égyptiens n'ont pas résisté à l'invasion car ils voulaient en finir avec l'empire romain. Les musulmans ont qualifié les Égyptiens de « coptes » car ils n'arrivaient pas à prononcer le mot « Aegyptos », cette appellation a perduré et l'on a fini normalement par utiliser la traduction de « copte » en anglais à partir du XVIIe siècle.
    Les coptes sont donc les descendants du peuple des pharaons. Ils ont conservé ce nom en tant que chrétiens d'Égypte pendant tout ce temps. Lorsque l'islam est apparu en Égypte, les chrétiens ont eu à choisir entre trois possibilités: payer un impôt pour rester chrétiens, se convertir à l'islam ou se faire tuer. Ceux qui étaient en mesure de payer l'impôt ont gardé leur foi, payant pour rester chrétiens. Les gens qui n'avaient pas les moyens se sont convertis à l'islam. Il y a eu aussi des martyrs qui ont été tués par les envahisseurs de la religion islamique.
    Depuis ce temps, les chrétiens ont subi plusieurs persécutions. Je peux affirmer avec fierté que s'ils ont réussi à subsister pendant 2000 ans, c'est parce qu'ils ont une croyance chevillée au corps et qu'ils tiennent fortement à rester sur leur sol. Ils constituent une société distincte au sein de la population égyptienne parce que ce sont les Égyptiens d'origine.
    À l'ère moderne, à compter du XIXe siècle, les coptes ont bénéficié d'une courte période de prospérité après l'arrivée de Méhémet Ali en Égypte. Ils ont pu construire leurs propres églises et leur art a continué à fleurir. Mais cette embellie n'a pas duré plus d'un siècle et une autre persécution s'est ensuivie. Ces Égyptiens ont subi de nombreuses persécutions dans l'Égypte moderne. Il est bien établi qu'ils n'ont pas été en mesure d'occuper des postes élevés au sein du gouvernement et qu'il leur est bien difficile d'atteindre les objectifs qu'ils se sont fixés. Pour construire une église ou même pour faire des rénovations, ils ont besoin d'obtenir un décret du président lui-même, même lorsqu'il s'agit de réparer un simple robinet.
    Ces dernières années, les meurtres de chrétiens se sont multipliés sous les yeux du gouvernement, qu'il s'agisse du gouvernement antérieur ou du gouvernement actuel. Je vous ferai remarquer que lors de toutes les fêtes chrétiennes, que ce soit à Pâques, à Noël ou dans d'autres circonstances, on voit de nombreuses forces de police arrêter les chrétiens qui célèbrent ces fêtes. Par contre, on n'a jamais entendu parler d'un chrétien s'attaquant à une mosquée en Égypte. Cela nous montre à quel point ils sont pacifiques.
(0925)
    Voilà un bref résumé de la situation des coptes en Égypte.
    Les coptes ont entrepris d'immigrer au Canada dans les années 1950, soit après 1952, date du coup d'État de l'armée égyptienne sous la direction de Nasser. À l'époque, la moitié de la richesse égyptienne était entre les mains des chrétiens et ces derniers risquaient de se voir spolier de tous leurs biens. Par conséquent, les plus chanceux, ou les riches, se sont mis à émigrer en Europe, en Australie, au Canada et aux États-Unis. Une autre vague d'immigration a suivi après 1973, après la deuxième guerre et l'arrivée de Sadate, lorsque les islamistes se sont soulevés contre les chrétiens.
    Les coptes au Canada ont la réputation d'être très instruits. Ils sont les plus instruits de tous les groupes d'immigrants arrivant au Canada et ils se situent au deuxième rang au niveau de la richesse.
    Voilà ce que l'on peut dire au sujet des coptes. Je sais que c'est très court, mais tout est dit, je l'espère.
    Je vous remercie.
    Merci.
    Est-ce que le témoin numéro un a des observations à faire?
    Merci de m'avoir invité pour discuter de cette question. Je considère qu'il est très important de savoir que nous sommes ici à cause des derniers événements, qui se caractérisent avant tout par le fait que les forces armées, la police, les islamistes, tous ces groupes, ont agi selon un seul critère, qui est celui de la religion. Nous allons maintenant faire la lumière sur les raisons pour lesquelles les forces armées ou le gouvernement provisoire ont agi comme ils l'ont fait.
    Je ne vais pas trop m'attarder sur les événements parce qu'ils ont été consignés dans bien des médias, mais je m'attarderai sur les causes et sur les raisons pour lesquelles cette situation s'est produite en Égypte.
    Après l'invasion de l'Afrique du Nord par les Arabes en 641, les musulmans ont persécuté les Égyptiens à qui mieux mieux, mais les deux communautés ont réussi à coexister jusqu'en 1970, date à laquelle Sadate a institué le deuxième article de la constitution, faisant de la charia la source de la législation. Les conceptions de chacun concernant la marche du pays en ont été automatiquement changées.
    Il est important d'examiner la question dans le cadre de l'islamisme militant en Égypte. Il est facile de comprendre que plus il y a d'islamisme en Égypte, plus les droits des minorités seront violés. Avec la charia, par définition, tout non-musulman est considéré comme un citoyen de deuxième classe. Le fait d'intégrer la charia à la constitution amène automatiquement à définir chacun selon qu'il est musulman ou chrétien. Toutes les lois vont se répercuter sur votre condition de musulman ou de chrétien; elles vont définir l'identité de chacun.
    En Égypte, nous traitons de la discrimination dans le cadre légal. Une fois la charia en place, elle influe automatiquement sur la liberté de religion, le droit international et bien d'autres dispositions. En dépit de la présence de l'article 2 de la constitution, la charia a permis l'adoption dans cette même constitution des articles 40 et 46. Le premier nous dit que nous sommes tous égaux dans ce pays. L'article 46 dispose que chacun a le droit de pratiquer sa religion. Toutefois, après l'assassinat de Sadate, ces articles ont été suspendus et les tribunaux ont la possibilité de juger comme ils l'entendent. La tendance est de s'en tenir à l'article 2 de la constitution, qui correspond à la charia.
    En ce qui a trait au droit international, le président est habilité à signer tout accord international, avec n'importe quel pays, mais l'accord ne s'applique que tant que n'intervient pas la charia. Si l'accord se conforme à la charia, il va être accepté, sinon, il est caduc. C'est pourquoi le gouvernement égyptien est prêt à signer n'importe quel accord mais, lorsqu'il s'agit de l'appliquer, rien ne va plus à partir du moment où il ne se conforme pas à la charia.
    Quant à la discrimination au niveau local, elle s'exerce dans quatre domaines: les conversions, les difficultés quotidiennes, le droit de la famille et la construction d'églises.
    Au sujet des conversions, tout musulman qui change de religion et devient apostat bénéficie d'une certaine période pour se repentir. S'il ne se repent pas, une peine de prison — ou même la mort — est requise. S'il le veut, un chrétien peut se convertir à l'islamisme, mais il ne peut pas revenir sur sa décision. S'il le fait, s'il revient à sa première croyance, sa carte d'identité mentionnera qu'il avait précédemment adopté l'Islam. Il sera automatiquement repéré dans toutes les circonstances de la vie.
(0930)
    De nombreuses personnes ont adopté la religion chrétienne, mais elles ont été arrêtées et torturées — en prison, dans les aéroports, partout. Je ne vais pas vous exposer les différents cas; nous pourrons en discuter plus tard.
    Selon le droit de la famille, un musulman peut épouser un chrétien, mais ce dernier doit se convertir à l'islam, une personne musulmane mariée avec un non-musulman devant divorcer et considérer son conjoint comme apostat. Les enfants doivent être musulmans. S'il le faut, les enfants seront enlevés à leur mère et remis à une autre personne ou à une mère de substitution pour être élevés selon les principes du Coran et de la charia.
    Quant à la construction des églises... c'est une longue histoire. En 1856, on a adopté une loi aux termes de laquelle la construction d'une église devait être autorisée par le président ou par le gouvernement du pays. En 1999, le président Moubarak a assoupli ces dispositions en autorisant la possibilité de faire des réparations. En 2005, il est revenu sur cette décision en déclarant qu'il appartenait aux autorités des différentes régions d'autoriser ou non les constructions. Jusqu'à présent, nous n'avons rien vu de nouveau, parce que cela relève du gouvernement.
    En ce qui a trait aux postes de responsabilité, selon la charia, un non-musulman ne peut prétendre avoir de l'autorité sur un musulman, et par conséquent il est automatiquement exclu qu'un chrétien puisse être ambassadeur, professeur ou occuper une autre charge de rang équivalent. Voilà maintenant de nombreuses années qu'existe cette discrimination inavouée. Les gens vous disent: « Quel dommage. Vous avez d'excellentes qualifications, mais vous êtes chrétien. On ne peut pas vous donner ce travail. » Par conséquent, à l'heure actuelle, tous ceux qui ont des projets, qui possèdent de l'argent en Égypte et qui sont chrétiens s'efforcent d'engager des coptes, et l'inverse est tout aussi vrai. Dans la pratique, on cherche à obliger les entrepreneurs chrétiens à engager tout autant des musulmans que des chrétiens, mais le contraire n'est pas vrai.
    Pour conclure, je ne crois pas vraiment qu'on puisse qualifier ce qui se passe dans le monde arabe de printemps arabe. Je parlerai de printemps islamiste. Il nous faut nous pencher de près sur la question, car à commencer par la Tunisie, l'Algérie et l'Arabie saoudite, dans toute cette région, on adopte la charia. Toutes les institutions internationales, y compris les Nations Unies, doivent s'intéresser à la question, pas nécessairement en termes démocratiques, parce qu'en réalité la situation est grave, préoccupante, étant donné que les grands principes et le vocabulaire que nous employons dans une société démocratique n'ont pas nécessairement le même sens dans ces pays.
    Il faut faire très attention. J'en resterai là pour l'instant.
(0935)
    Je remercie le témoin numéro un.
    Nous allons maintenant donner la parole à M. Malek.
    Vous disposez de 10 minutes au maximum.

[Français]

    Bonjour. Je vous remercie de nous accueillir ce matin. Au risque d'employer les mêmes mots que mes collègues, je dirai que je suis, moi aussi, fier d'appartenir à un pays civilisé qui respecte les droits de l'homme et qui est reconnu pour cela. Je suis également fier de voir que le gouvernement actuel bouge. Je donnerai des exemples plus tard. Mon intervention portera surtout sur le rôle que le Canada pourrait jouer.
     Avant d'aborder certaines suggestions et certaines réalités concernant le rôle que le Canada a joué à ce jour dans ce dossier, j'aimerais souligner un point. Les attaques contre les coptes constituent la mise en pratique d'un continuel enseignement de la haine envers les non-musulmans dans une Égypte où les autorités ferment les yeux et où les Frères musulmans et les salafistes gangrènent la société et fanatisent les masses depuis des décennies. C'est une réalité fondamentale, et elle touche le coeur du problème. On parle ici de l'éducation et de la psychologie d'un peuple.
    Le renversement de Mubarak et la reprise en main du pouvoir par l'armée n'ont pas du tout rétabli la sécurité pour les coptes. Les violences anti-chrétiennes en Égypte sont le fait d'Égyptiens musulmans extrémistes animés par une christianophobie similaire à la haine antisémite qui fit fuir d'Égypte, dans les années 1950, les juifs égyptiens. Je vous donne un exemple de cet enseignement. Dans les plus hautes sphères de la société, dans l'enceinte de la plus prestigieuse université du monde musulman, soit l'Université al-Azhar, au Caire, le Jihad contre les juifs et les chrétiens est dépeint comme un devoir collectif des musulmans pour la défense et l'expansion de l'Islam. Les islamistes mentionnent une sourate, un chapitre du Coran intitulé «  La table servie ». Celui-ci, qui souligne l'hostilité et la collusion des infidèles — on parle ici des mécréants ou des infidèles, donc des chrétiens —  dit ce qui suit: « Ils sont amis les uns des autres. Celui qui, parmi vous, les prend pour amis, juifs et chrétiens, est des leurs ».
     Là se trouve la véritable origine des pogroms anti-coptes et de la haine anti-chrétienne en Égypte. Cela s'applique également aux pays arabes et musulmans gagnés depuis des années par le virus du totalitarisme islamiste anti-occidental et de la christianophobie obscurantiste. C'est un petit résumé, mais ça représente la vie quotidienne.
    Concernant le rôle du Canada, j'aimerais souligner une première mondiale dans le dossier copte. Cette première mondiale a été guidée par l'actuel premier ministre du Canada, le très hon. Stephen Harper. Il s'agit de la sensibilisation des chefs d'État du G8 au dossier copte. On l'a vu au mois d'avril dernier lors de la réunion des ministres des affaires étrangères du G8, puis au mois de mai, auprès des chefs d'État. Même en avril, dans le communiqué final du Canada dans le cadre du G8, on a fait mention pour la première fois du dossier copte.
    Aussi, j'espère que la création du nouveau bureau spécial sur la liberté de religion fera vraiment la fierté des communautés religieuses minoritaires de par le monde et qu'il ne sombrera pas dans le politiquement correct.
(0940)
    Je crois qu'un tel bureau ne vaut rien si le politiquement correct est là.
     Nous avons plusieurs suggestions sur le rôle du Canada. Nous ne tenons pas nécessairement à toutes ces suggestions, mais cela permet la réflexion.
    La carte géographique sociale et politique du Moyen-Orient est en train de changer dramatiquement. Je ne parle pas seulement de l'Égypte. Hier, la Tunisie a élu un parlement à majorité musulmane. Hier, la Libye a déclaré officiellement la charia comme base de sa législation. L'Égypte à côté s'en vient. En Palestine, il y a moins de 5000 chrétiens. Le Liban n'est plus majoritairement chrétien comme il l'était jusqu'à vers la moitié des années 1960. La Syrie, on ne sait pas, mais si jamais le pouvoir en place est mis de côté, on pense que les islamistes seraient là également. On connaît déjà l'Irak, l'Iran et l'Arabie Saoudite. On peut voir facilement ce que devient le Moyen-Orient.
    La place des chrétiens coptes au Moyen-Orient est vraiment stratégique pour l'Occident, le Canada, les États-Unis et pour les valeurs chrétiennes occidentales. Ils constituent la minorité chrétienne la plus importante, pas simplement dans cette région, mais dans tous les pays musulmans du monde. C'est pourquoi on a suggéré la création d'une unité opérationnelle d'un groupe de travail concernant les chrétiens du Moyen-Orient. Je sais qu'il y a une telle unité au ministère des Affaires étrangères concernant les communautés musulmanes d'ici. Le Moyen-Orient mériterait d'avoir ce genre d'unité opérationnelle.
    Nous suggérons aussi la création d'un groupe de travail sur l'Égypte qui pourrait travailler uniquement sur ce qui se passe en Égypte. On s'attend à ce qu'il y ait énormément de changements dans la politique et la société égyptienne. Je pense qu'un groupe de travail concernant l'Égypte serait une bonne chose.
    Il a été question de réagir avec vigueur lorsque la situation l'exige, parce que le 10 octobre, soit le jour suivant les assassinats, le Canada ou le ministère des Affaires étrangères a émis un communiqué que j'ai trouvé décevant. J'ai envoyé immédiatement une lettre au ministre des Affaires étrangères.
    Je vais vous dire pourquoi. Le 7 janvier 2010, le Canada a été le premier pays à condamner l'assassinat de sept coptes sortant de l'église. Je vous lis ces phrases: « Le Canada condamne l'attentat perpétré contre des chrétiens coptes à Nag Hammadi. » Il est dit également ceci: « Nous encourageons le gouvernement égyptien à poursuivre ses efforts pour traduire en justice les auteurs de ce crime, [...] ». C'est très bien.
     Le 1er janvier 2011, suite à l'attentat contre l'église, les autorités canadiennes ont écrit, et je cite: « Le Canada condamne cette récente attaque sauvage d'extrémistes contre la communauté copte d'Égypte. »
    Le 9 mai 2011, le premier ministre Stephen Harper a dit ce qui suit: « Le gouvernement du Canada condamne fermement les violences exercées contre les chrétiens coptes en Égypte. Nous soutenons la communauté chrétienne copte et son droit de pratiquer sa religion en toute sécurité et à l'abri de la persécution. » C'est très bien.
     Par contre, la déclaration du 10 octobre mentionne ceci: « Le Canada demande avec insistance à toutes les parties concernées [...] ». Je regrette.
(0945)
    On ne peut pas mettre la victime et l'assassin sur le même plan. C'est décevant. Le mot « condamnation » ne figurait pas dans ce communiqué et il en allait de même pour les mots « forces armées ». Pourtant, ce sont les forces armées qui ont tué. Par contre, la semaine suivante, il y a eu la nouvelle motion, et j'ai alors envoyé une lettre de remerciements au ministre des Affaires étrangères à ce sujet.
    En tant que Canadien, copte et Égyptien, je demanderais au Canada, dans le cas d'un dossier comme celui-là, d'agir plutôt que de simplement réagir. Il ne faut pas attendre qu'il y ait un attentat pour agir. Je pense que ce dossier mérite qu'on le suive et qu'on mette en vigueur des mécanismes pour tenter d'éviter ce genre de barbarie.
    Merci.

[Traduction]

    Merci, monsieur Malek.
    Nous allons commencer par le NPD, en la personne de Mme Ayala.
    Vous disposez de sept minutes.

[Français]

    Il est clair que la violence interreligieuse en Égypte n'est pas un phénomène récent. Ça fait partie de l'existence. Déjà en 1992, des dizaines de coptes avaient été tués. Dans ce contexte, en quoi consiste le rôle du Canada?
    L'Égypte s'apprête à mettre en oeuvre des systèmes démocratiques et à élire un gouvernement dans un contexte de violence croissante. Or comment cette menace risque-t-elle d'influencer la capacité des groupes minoritaires ou modérés — il ne s'agit pas seulement de chrétiens, en effet, mais aussi de musulmans modérés qui ne sont pas des islamistes — d'obtenir une représentativité au sein du nouveau parlement?
     Selon vous, qu'est-ce que le Canada peut faire pour soutenir la mise sur pied d'institutions démocratiques qui incluent les minorités? Vous avez parlé de la façon dont vous voyez le rôle du Canada face à ces événements, mais concrètement, le Canada va soutenir économiquement le domaine du travail pour les gens qui sont en chômage. Mais que pouvons-nous faire du côté de l'éducation, par exemple? Comme nous le savons, les textes scolaires pour les enfants égyptiens — et c'est le cas aussi de la télévision publique — banalisent la propagande xénophobe et stigmatisent les juifs ainsi que les chrétiens, complices des sionistes et des étrangers. Comment faire en sorte, avec l'aide du Canada, de changer cela?
    Vous avez aussi parlé de la création d'un comité de travail concernant les chrétiens au Moyen-Orient. On fait face à des problèmes de nos jours et l'éducation est donc à la source des solutions. Ces conflits culturels motivés par les préjugés et l'intolérance sont nourris par des systèmes de désinformation. Nous avons vu comment les Égyptiens avaient réussi, surtout grâce notamment à l'Internet et aux médias sociaux, à décloisonner leur esprit et à voir au-delà de la propagande locale.
     Qu'est-ce que le Canada peut faire pour soutenir le déploiement de médias nouveaux et indépendants de même que la poursuite d'un dialogue entre les Égyptiens et le reste du monde?
    Vous touchez de façon concrète au coeur du problème. Je n'ai pas eu le temps de mentionner l'éducation tout à l'heure. Vous avez touché à cela et, à mon humble avis, c'est là où tout le travail doit être fait.
    Je vous donne un exemple. Dans les écoles élémentaires, on apprend — quand je dis « on », ça peut être à la maison ou de la part d'autres personnes — aux petits enfants à ne pas jouer avec l'autre sans savoir s'il est chrétien ou musulman. Je pense qu'il y a un travail important à faire sur le plan de l'éducation. Comment le faire? C'est une très longue question sur laquelle il faudra se pencher. C'est une des raisons pour lesquelles, dans mes suggestions, je parlais de la création d'un groupe de travail sur l'Égypte. Un point comme celui-là demanderait beaucoup de réflexion.
    Un peu plus tôt, quand elle était ici, la présidente a mentionné des points que j'avais moi-même notés. Il faudrait que le Canada travaille auprès des autorités égyptiennes afin d'essayer de diminuer le nombre de chômeurs. On a parlé de cela ce matin. Je vous donne un exemple. L'Égypte a vraiment besoin d'un système efficace de petites et moyennes entreprises et le Canada possède l'expertise nécessaire à cet égard.
    Le Canada peut aider l'Égypte dans le domaine de l'agriculture. Il peut aider les Égyptiens à mieux profiter de leurs terres, par exemple. C'est très important, parce que l'Égypte continue à être un pays agricole. Le Canada peut aussi apporter une aide dans tout autre domaine qui permettrait la création d'emplois.
    Pour terminer sur ce que vous disiez, madame, au sujet de l'éducation, je dirai que ça ne se fera pas du jour au lendemain. Ça prendra des générations. En réalité, c'est un changement de mentalité.
    Vous avez parlé de tolérance. Saviez-vous que le mot « compromis » n'a pas d'équivalent en langue arabe? Je ne vais pas m'attarder à la raison de cet état de fait. Par contre, je vous parlerai de psychologie. Il y a des musulmans modérés, c'est vrai. Il y en a parmi mes amis. Je les respecte et je les aime beaucoup. Le problème dans le monde musulman, même au Canada, est que la majorité modérée est silencieuse. Il va falloir trouver des façons de communiquer avec ces majorités silencieuses, que ce soit au Canada, en Égypte ou dans les autres pays musulmans. Il faudra faire en sorte que cette majorité silencieuse ait une voix. Je pense que si la majorité silencieuse modérée a une certaine voix, cette voix prendra certainement petit à petit le dessus sur les extrémistes.
(0950)
    J'allais en ce sens, parce que ces personnes ont sûrement peur. Elles ont peur que cela devienne un système islamiste. Quand vous parlez des forces de l'ordre, ça m'inquiète. Les forces de l'ordre n'auraient pas tenté de désarmer et de s'opposer réellement aux foules d'assaillants menés par des dirigeants religieux salafistes, et ce, malgré maintes alertes. Les chrétiens auraient été contraints de se défendre seuls.
    Le conseil militaire intérimaire prendra-t-il les mesures nécessaires pour protéger les membres de cette communauté et luttera-t-il contre les discriminations? Plus tôt, vous disiez que les policiers eux-mêmes partageaient la même religion.
    Qu'est-ce que le Canada peut faire pour contribuer à la sécurité des groupes minoritaires menacés en Égypte? Que pouvons-nous faire pour favoriser le dialogue à l'intérieur de cette société?

[Traduction]

    Vous avez 30 secondes pour répondre.
    J'aimerais faire une observation sur ce qu'on a dit tout à l'heure au sujet des sanctions économiques. Si nous adoptons cette posture très démocratique pour influer sur le comportement du gouvernement provisoire ou du gouvernement futur, nous allons enregistrer une très lente amélioration. Le gouvernement égyptien est très sensible à l'opinion internationale et aux pressions exercées par la communauté internationale. Le recours aux sanctions économiques n'est donc pas la meilleure solution.
    Cela peut se faire de plusieurs manières. La première, en l'absence de véritables sanctions économiques, serait d'isoler ce pays et de ne pas l'inviter à prendre part aux rencontres internationales. Il faut répondre à certains critères pour être admissible et pouvoir participer aux différents programmes concernés. C'est une question très sensible, parce que les responsables se préoccupent beaucoup de ce que pense le reste du monde des organisations gouvernementales en Égypte. Il est important d'envisager cette solution. Je ne suis pas venu ici demander que le gouvernement canadien supprime les crédits, par exemple, mais pour qu'il les conditionne... qu'on apprécie les résultats en fonction... pour évaluer jusqu'à quel point des mesures sont prises.
    Je propose aussi que l'on s'engage auprès d'un certain nombre de musulmans modérés en Égypte... Il est bon de les connaître, de les aider, et de se renseigner auprès d'eux pour savoir comment opérer dans un tel cadre. Bien des gens, bien des intellectuels et des écrivains en Égypte, s'opposent à ce mouvement, et ils n'en ont pas moins besoin d'une reconnaissance internationale pour pouvoir se montrer plus fermes dans leurs convictions.
(0955)
    Je vous remercie.
    Nous allons maintenant donner la parole à M. Dechert pendant sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie, messieurs, d'être venus communiquer ces renseignements importants à notre comité et à l'ensemble des Canadiens. Je considère que les événements qui ont lieu depuis des années en Égypte au sujet de la persécution de la communauté copte et d'autres minorités religieuses doivent être davantage portés à la connaissance de la population canadienne et de la communauté internationale.
    Je vais commencer par M. Tawfilis.
    Vous avez évoqué le massacre de Nag Hammadi. Vous nous avez parlé des attaques d'église à Alexandrie et, bien entendu, des attaques de Maspero lors de la fin de semaine de l'Action de grâces au Canada. Pouvez-vous nous dire ce qui a été fait pour que les auteurs de ces crimes soient traduits devant la justice égyptienne?
    C'est le gros problème à l'heure actuelle. Si le gouvernement prenait des mesures pour saisir la justice et menaçait de sanctionner ceux qui s'attaquent aux biens ou tuent des personnes, il serait peut-être possible de dissuader les autres.
    Mais jusqu'à présent une seule personne a été condamnée à Nag Hammadi, et seulement la semaine dernière après le massacre de Maspero, simplement pour qu'il soit dit que le gouvernement a sanctionné quelqu'un. N'allez pas me dire que personne n'a vu des gens attaquer l'église, que personne n'a vu les fauteurs de troubles. Lorsqu'on ne fait pas justice dans les règles, les gens sont tentés de se faire justice eux-mêmes.
    Les événements de Maspero ont découlé de l'intervention du gouverneur de cette région du Sud de l'Égypte, à Assouan, qui a déclaré: « je demande à la jeunesse honnête de la région que je gouverne de protéger les biens locaux ». Il demandait donc aux jeunes musulmans d'aller démolir l'église. Ce ne sont pas des paroles dignes d'un gouverneur. S'il faut appliquer la loi, appliquons-la dans les règles. Pourquoi confier l'application de la loi à la population et ne punir personne ensuite?
    Les incidents se sont produits aussi immédiatement après la révolution, à Imbaba et à Sole, alors qu'on a démoli complètement l'église sous les yeux du monde entier et que ceux qui faisaient tomber l'église à coups de marteau et avec du matériel lourd n'ont pas été arrêtés. L'armée entourait l'église et protégeait ceux qui étaient en train de la démolir. Tout le monde l'a vu, mais personne n'a été traduit en justice. Ceux qui veulent commettre d'autres déprédations ont alors les mains libres. Il faut appliquer la loi.
    Donc, en dépit du fait que la constitution égyptienne garantit apparemment la liberté de religion, il semble, à votre avis, que le gouvernement ne cherche pas à faire appliquer la loi.
    C'est ce qui se passe lorsqu'il y a une loi et qu'on ne l'applique pas. C'est comme si la loi n'existait pas.
    Bien, je vous remercie.
    Le deuxième témoin a évoqué la question des cartes d'identité. J'en avais déjà entendu parler. L'Égypte exige en fait que chacun ait sur lui une carte d'identité faisant état de sa religion. C'est bien ça?
    C'est bien ça.
    Que mentionne-t-on sur la carte d'identité lorsqu'une personne change de religion?
    Disons que la nouvelle religion est censée figurer sur la carte, mais pour éviter la chose et dissuader les gens on met entre parenthèses « avait auparavant adopté la religion islamique » ou « était auparavant musulman ».
    Pour que ce soit bien clair, chaque fois qu'une personne change de religion, la chose est consignée sur sa carte d'identité pour que tout le monde le sache...?
(1000)
    C'est exact. Bien évidemment, ça nous suit toute notre vie. Chaque fois que l'on exécute une opération, on se fait automatiquement des ennemis. Dès que l'on entre dans un bureau, il faut montrer sa carte d'identité et tout part de là. Donc, évidemment, toutes les opérations que vous voulez faire dans ce bureau ne seront pas...
    Il me semble que sur ce point seulement il y a une violation flagrante des droits de la personne.
    Faites-nous part de vos préoccupations concernant les prochaines élections législatives en Égypte. Quels sont les dangers, selon vous, de ces élections, qui sont prévues pour novembre? À votre avis, que doit faire le Canada concernant ces élections? Doit-on envoyer des observateurs? Dites-nous, selon vous, ce qui risque de se passer.
    Au cours des 30 dernières années, les nouvelles générations ont été mal éduquées. Je suis resté dans le pays pendant 30 ans, j'avais des amis à l'école d'ingénieurs, et je ne savais pas s'ils étaient musulmans ou chrétiens. Tout allait bien. Toutefois, ces 30 dernières années — plus précisément à partir de 1970, lorsque Sadate s'en est mêlé —, l'ensemble du réseau d'enseignement a été corrompu par cette forme d'idéologie — ne pas serrer la main d'un infidèle, etc. Par conséquent, il y a aujourd'hui toute une génération, les jeunes, y compris les professeurs d'université, qui ont ce genre de conceptions ou qui pratiquent cette idéologie sur la question des chrétiens et des musulmans. Il y a là une lacune.
    C'est un terrain très fertile pour les islamistes en prévision de la prochaine élection, parce qu'il y a des gens qui ne comprennent rien politiquement à l'évolution du monde en matière de communications, etc. Il est très facile de faire du populisme et de dicter le comportement de ces gens au moment où ils vont voter. Automatiquement, lorsqu'on se rend dans un village et que l'on dit à la population: « va-t-on se laisser guider par le code Napoléon ou par la loi de l'islam? », l'interlocuteur se sent coupable et répond: « l'islam, évidemment ». Avec ce genre d'attitude et de raisonnement primitif, on peut bien sûr manipuler un grand nombre d'électeurs et les amener à faire en sorte que l'islam soit la loi du pays.
    Pour répondre à votre question, il me paraît très possible qu'ils gagnent beaucoup de sièges et même qu'ils soient majoritaires au gouvernement.
     J'aimerais poser rapidement une question à M. Malek. Vous avez indiqué qu'un peu plus tôt cette année, le premier ministre avait évoqué la question de la persécution des coptes lors du Sommet du G8 de Deauville. Vous nous avez dit que le ministre Baird avait parlé de la persécution des coptes dans le discours qu'il a prononcé en septembre devant l'assemblée générale de l'ONU. Vous avez précisé que le Canada avait été le premier pays au monde à demander que l'on procède à une enquête indépendante sur les terribles événements de Maspero, et vous avez rappelé l'engagement du gouvernement de créer un Bureau des libertés religieuses.
     Je vous fais remarquer que cet engagement a été pris par le premier ministre Harper dans les locaux du centre copte canadien de Mississauga. De toute évidence, il voulait ainsi indiquer que la question de la persécution des coptes et d'autres minorités religieuses en Égypte relèverait des attributions de ce bureau des libertés religieuses.
    Que pensez-vous de la réponse canadienne à ces attaques menées contre les chrétiens et d'autres minorités en Égypte depuis un an ou deux, comparativement à la façon de réagir du Canada dans ce genre d'incident depuis nombre d'années?
    Monsieur Malek, il vous faudra répondre rapidement, parce que nous manquons de temps.

[Français]

    Tout geste posé pour la justice, que ce soit pour les coptes ou pour n'importe quelle autre communauté dans le monde, est le bienvenu. Le gouvernement du Canada — je l'ai mentionné tout à l'heure et vous venez de faire le résumé de ce que j'ai dit — a posé des gestes et je lui demande de poser encore d'autres gestes.
    Je termine sur une interpellation. Je pense qu'il faut être conscient du rôle que l'Arabie saoudite joue dans le financement du wahhabisme en Égypte et dans les pays du Moyen-Orient. Il y a énormément d'argent qui vient soutenir ces mouvements. Le gouvernement égyptien le sait, mais il ne sait pas comment gérer cela parce que l'Arabie saoudite aide beaucoup l'Égypte, financièrement parlant. Donc, il y a le mouvement wahhabite en Égypte qui est extrêmement violent et qui est financé par de l'argent provenant du pétrole de l'Arabie saoudite.
    Je pense que c'est un problème très sérieux auquel il faudra trouver des solutions, peut-être en partenariat avec l'Arabie saoudite. Je ne suis pas là pour parler de l'Arabie saoudite, mais c'est une réalité.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Nous allons maintenant donner la parole à M. LeBlanc, qui disposera de sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Mon collègue, M. Karygiannis, est présent, et j'avais pensé qu'il pourrait prendre mon temps de parole. Il a des questions à poser aux témoins.
    Je dirai simplement aux témoins qu'ils nous ont présenté d'excellents exposés et je les remercie d'être venus ce matin.
    Bonjour. Je vous remercie d'être venus.
    Ce n'est évidemment pas depuis un an ou deux qu'on s'en prend aux chrétiens à Alexandrie. Cela fait deux siècles que ça dure.
    Je dois vous dire cependant — et vous me corrigerez éventuellement si je me trompe — que les événements violents auxquels on a assisté ont eu lieu en 2008 à Nag Hammadi, en 2010 à Alexandrie et en 2011 à Maspero. C'est bien ça?
    En 2008 à Nag Hammadi, le gouvernement a bien réagi. En 2010 à Alexandrie, le gouvernement a très bien répondu. J'ai cru entendre M. Malek nous dire que la réaction du gouvernement en 2011 n'avait pas été très bonne. Est-ce que je me trompe?
(1005)

[Français]

    J'ai...

[Traduction]

    Vous nous avez dit que la réaction du gouvernement n'avait pas été très bonne en 2011.

[Français]

    Oui, je vais vous répondre.

[Traduction]

    Voici ce que je peux vous dire. Il y avait sur place un ambassadeur du nom de Ferry de Kerckhove. Il y est resté de 2008 à 2010. Il vient d'être muté.
    Si la réaction n'a pas été très bonne, c'est donc parce que notre ambassadeur, qui était très connu dans la région et qui possédait les réponses, n'était plus là. La réponse, venant de l'ambassadeur lui-même, était avant tout reprise à son compte par l'administration canadienne et par le Bureau du premier ministre.
    Cela dit, les événements de 2008, 2010 et 2011 se sont produits sans qu'il n'y ait aucune réaction et que l'on saisisse les Nations Unies ou le Haut Commissariat pour les réfugiés. Comment se fait-il? Le gouvernement canadien n'a pas pris les mesures qui s'imposent.
    Est-ce que je peux répondre?
    Bien sûr. Est-ce que vous avez l'impression qu'on vous abandonne? Avez-vous le sentiment qu'on aurait dû réagir? Il n'y a eu aucune réaction aux événements de 2008, 2010 et 2011. Estimez-vous que la collectivité aurait dû réagir aux Nations Unies?
    Estimez-vous que votre gouvernement — cette institution, la Chambre des communes — doit saisir les Nations Unies, le Haut Commissariat aux réfugiés et toutes les autres instances de l'ONU de votre triste situation?
    Avec la révolution survenue en Égypte en 2011, nous espérions qu'il y aurait des changements pour l'ensemble des Égyptiens. De toute évidence, la situation reste la même et cela va encore s'aggraver. L'Égypte, dont une grande partie de la population manque d'instruction, que ce soit du point de vue scolaire ou politique...
    Je vais répondre à votre question.
    L'hon. Jim Karygiannis: Vous sentez-vous négligés? Avez-vous le sentiment d'être abandonnés...
    M. Hani Tawfilis: Bien évidemment, nous nous attendons à ce que le gouvernement prenne délibérément des mesures pour éviter ce genre de situation. L'une des étapes, que nous réclamons, consiste à saisir l'ONU. Nous avons besoin de faire avancer les choses et nous demandons au gouvernement d'entreprendre cette démarche.
    Monsieur Tawfilis, vous étiez à l'église le 16 octobre?
    Oui.
    Vous y étiez. Vous vous souvenez que j'ai pris la parole?
    Oui.
    Vous vous souvenez que mon collègue est venu me saisir le micro?
    Oui.
    Vous vous souvenez de ses paroles? Il m'a dit: « parlez-en aux Nations Unies, vous savez à quoi ça sert ». Il faisait là allusion au fait que ce n'est pas aux Nations Unies qu'on réglerait cette question. Si vous ne vous en souvenez pas, ces paroles ont été enregistrées. Vous vous en souvenez, n'est-ce pas?
    Oui, effectivement.
    Nous sommes...
    En parlant ainsi, le secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères se moquait des Nations Unies.
    Et le lendemain, lorsque vous êtes intervenu sur ce sujet à la Chambre des communes, on vous a répondu que les Nations Unies seraient saisies. Un suivi sera fait et on doit en reparler.
    L'hon. Jim Karygiannis: Est-ce que ce fut le cas?
    M. Hani Tawfilis: Nous devons...
    En a-t-on parlé, à votre connaissance?
    Excusez-moi?
    Est-ce qu'on l'a fait, à votre connaissance, à ce jour?
    Pas encore.
    Qu'est-ce qu'on attend?
    Ce n'est pas à moi de le dire. Je fais mon possible pour qu'on le fasse.
    Mais pensez-vous que le gouvernement attend quelque chose? Pensez-vous qu'il aurait dû dire quelque chose? Ne pensez-vous pas que le gouvernement aurait dû réagir dès le lendemain, après avoir pris ses dispositions mardi? « Monsieur le premier ministre, prenez le téléphone et appelez Ban-Ki-moon... »
    Les fonctionnaires nous ont dit ce matin qu'ils ne savaient pas si on l'avait fait. Ne pensez-vous pas que le premier ministre aurait dû prendre le téléphone dès le lendemain, après que le ministre...? En fait, c'est lui qui décide au sein du gouvernement. Ne pensez-vous pas que ça aurait dû être fait?
    On aurait dû le faire.
    On aurait dû le faire.
    Oui.
    Je vous remercie.
    Je n'ai pas d'autres questions à poser et je remercie M. Allison.
     Je remercie aussi...
    Quel est le témoin qui va là...?
    Monsieur Malek? Très bien.
    Poursuivez.

[Français]

    Je disais tout à l'heure, en réponse à M. Dechert, que nous remercions tout intervenant qui rend justice à ce dossier, peu importe la couleur de son parti. Nous ne sommes pas là pour appuyer, de manière partisane, tel ou tel parti.
    J'ai moi-même envoyé des lettres de remerciements à des gens du Parti conservateur et à des gens du Parti libéral qui se sont levés au Parlement, la semaine dernière, pour parler de cette motion.
    Je reconnais l'apport de chaque individu. On parle de problèmes profondément humains. On parle de droits de la personne, d'assassinats, de viols, d'enlèvements. Lorsqu'on arrive à ce niveau...
(1010)

[Traduction]

    Monsieur Allison, je tiens à remercier le témoin.
    Il n'en reste pas moins que la même chose se passe à Kandhamal, dans l’Orissa; cela se passe en Indonésie; au Pakistan. Pourtant, notre gouvernement nous dit qu'il va instituer un bureau des libertés et de la justice, ou quelque chose de cet ordre, qui disposera d'un budget de 5 millions de dollars.
    Que faire avec 5 millions de dollars? Va-t-on s'en servir pour défrayer l'administration au Canada? Est-ce que cela va couvrir le coût des déplacements? Est-ce que cela va englober l'Égypte? l'Indonésie? le Pakistan? l'Inde? Je vous l'avoue franchement, même si les intentions sont bonnes, c'est à mon avis une véritable farce.

[Français]

    J'ai fait une première suggestion lorsque j'ai parlé de la création d'une unité opérationnelle, d'un groupe de travail sur les chrétiens du Moyen-Orient. Une telle unité, si elle existe, pourra très bien se pencher sur les problèmes d'ordre logistique et autres.

[Traduction]

    Merci. C'est tout le temps que nous avons.
    Monsieur Goldring, vous avez le temps de poser une ou deux questions.
    Merci, monsieur le président.
    Merci d'être venus comparaître aujourd'hui.
    J'espère que vous pourrez me donner une précision. On parle de la charia. J'aimerais savoir sur quoi cela se fonde. Je comprends qu'elle découle du Coran, mais est-ce qu'il y a un texte écrit, une interprétation, ou est-ce que cela figure mot pour mot dans le Coran? On parle de la charia et des inquiétudes que cela entraîne, entre autres, sur la question des droits de l'homme, mais quel est exactement le rapport entre la charia et le Coran?
    La charia a été formulée par les apôtres du prophète Mohammed après sa mort, par l'ensemble de ses amis à partir des vers du Coran tout en faisant référence à son idéologie et à ses enseignements auprès de ses collègues et de son entourage. C'était conçu comme un guide pour juger de toutes les questions.
    Donc, lorsqu'un pays établit sa constitution... Dans ce cas, bien sûr, on a amendé la constitution égyptienne pour raccourcir, par exemple, la durée du mandat présidentiel...
    M. X: En effet.
    M. Peter Goldring: ... et aujourd'hui on réclame une nouvelle constitution. Il faut bien voir, cependant, que la constitution est la loi fondamentale du pays. N'est-ce pas dans ce texte que l'on va mettre les références par écrit? Le parlement n'aura-t-il pas alors la possibilité de débattre des dispositions qui y figureront?
    Effectivement. Ainsi, par exemple, lorsqu'une question sera soulevée en matière d'éducation ou dans tout autre domaine législatif, il y a des gens qui vont demander: « que dit la charia sur la question? ». Ils se reporteront à leurs ouvrages de référence, aux lois qui y sont écrites, et ils en tireront des définitions et des solutions pour toute loi qui sera adoptée. Cela fait, ils nous diront qu'en fonction des fatwas qui ont été prononcées par les anciens d'après l'interprétation des textes, il faut appliquer de telle ou telle manière les dispositions correspondantes à la loi.
    Donc, dans la situation actuelle, alors qu'on s'en prend aux coptes, est-ce que cela signifie, comme vous l'avez dit tout à l'heure, qu'il y a en quelque sorte un vide constitutionnel lorsqu'il s'agit d'appliquer les lois protectrices de ce pays?
    Oui. En fait, le mauvais tour que l'on nous joue à l'heure actuelle...
    Tout d'abord, lorsque la charia a été intégrée à la constitution, l'église d'Égypte, qui s'efforce aujourd'hui de sortir de l'arène politique parce qu'on l'a accusée de manipuler la population, a cherché à remédier à un problème. Elle a demandé ce qui allait se passer si la charia devenait une des sources de la loi, parce qu'à partir du moment où il y a 15 millions de coptes, soit 15 p. 100 de la population, il faut tenir compte des principes établis au sein de cette communauté et de la façon dont elle se comporte. Donc, a-t-elle déclaré, si la charia représente l'une des sources de la loi, il existe aussi d'autres sources. Cette interprétation a bien sûr été rejetée immédiatement.
    Par conséquent, le grand risque, à l'avenir, c'est que la constitution soit interprétée de cette façon en fonction de la charia.
    M. X: Bien évidemment.
    M. Peter Goldring: Et cette interprétation, comme vous l'avez signalé tout à l'heure, semble devoir être incompatible avec les droits de la personne, les droits établis par les Nations Unies, les droits de l'enfant, et bien d'autres dispositions...?
(1015)
    Bien entendu. Il y aura évidemment des répercussions sur le droit de la famille. Cela se répercutera sur les conversions et sur les droits et obligations. Nombre d'activités quotidiennes seront visées par toute une série de lois découlant d'une idéologie précise.
    Cela me fait dire qu'il faudra se pencher de près sur la façon dont la constitution est rédigée et dans quelle mesure cette constitution...
    Le mauvais tour qu'on veut nous jouer en ce moment, c'est de ne pas changer immédiatement la constitution en attendant éventuellement qu'un gouvernement islamique prenne le pouvoir et se charge ensuite d'adopter une nouvelle constitution. C'est ce dont ne veulent pas les intellectuels et les démocrates, qui souhaitent qu'on modifie dès maintenant la constitution avant les élections et que l'on s'y tienne quel que soit le gouvernement au pouvoir.
    Mais étant donné que le gouvernement militaire provisoire joue à mon avis le même jeu religieux que les islamistes, les frères musulmans, etc., il reporte l'examen de cette question jusqu'à ce que les islamistes arrivent au pouvoir, ce qui leur permettra alors d'établir les nouvelles...
    À un moment donné, ils envisageaient même l'adoption de certaines dispositions de la charia dans le cadre de la loi ontarienne.
    M. X: C'est exact.
    Merci, monsieur Goldring. Vous m'excuserez, mais nous devons faire court aujourd'hui.
    Je remercie une fois de plus nos témoins.
    Nous allons suspendre la séance en attendant d'avoir M. Segal au téléphone, puis nous reprendrons nos délibérations.
    Je remercie les témoins d'avoir pris le temps de venir nous voir.
(1015)

(1015)
    Nous sommes de retour.
    Bonjour, sénateur. Est-ce que vous nous entendez?
    Oui, je vous entends parfaitement.
(1020)
    Très bien. Pendant que les membres du comité regagnent leur siège, je tiens à souhaiter la bienvenue au sénateur Hugh Segal, qui est au téléphone. Il va nous dire quelques mots du groupe de personnalités éminentes du Commonwealth.
    Sénateur Segal, une simple curiosité. Quelle heure est-il en ce moment précis en Australie?
    Il est un peu plus de 10 h 15 du soir, le mardi, de sorte que nous avons quelque 12 heures d'avance sur vous.
    Très bien. Vous avez donc toute votre tête. C'est parfait. C'est mieux que si vous deviez témoigner en pleine nuit.
    Merci, sénateur, d'avoir pris le temps de venir nous parler. Pourquoi ne pas commencer tout de suite et nous dire ce que vous faites et ce qui se passe au sein du Commonwealth?
    Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, de l'intérêt que vous portez à la question.
    Lorsque les chefs de gouvernement du Commonwealth se sont réunis à port d'Espagne, à Trinité-et-Tobago, en octobre 2009, on craignait que le Commonwealth perde une partie de sa crédibilité en n'insistant pas clairement sur ses valeurs fondamentales et en ne faisant pas tout son possible pour rappeler les enjeux qui touchent les 54 membres du Commonwealth et les 2,4 milliards de personnes qui en sont les citoyens.
    À ce titre, ils ont mis sur pied le groupe appelé des personnalités éminentes, chargé de conseiller les membres de la conférence, qui va débuter à la fin de la semaine, et de proposer des mesures susceptibles de renforcer l'influence du Commonwealth et de mieux protéger ses valeurs fondamentales, telles que l'état de droit, la démocratie et les droits de la personne, et de faire en sorte que le Commonwealth soit globalement plus efficace, tant au niveau de son secrétariat à Londres qu'à celui de l'affectation des ressources.
    Nous signalons à l'attention des membres du Commonwealth que le secrétariat du Commonwealth a un budget de quelque 40 millions de livres britanniques par an. C'est un peu moins de 80 millions de dollars canadiens. Son personnel compte environ 275 à 300 personnes, travaillant dans les bureaux de Marlborough House à Londres, en Angleterre. Nous avons un organisme du Commonwealth au Canada, siégeant à Vancouver, qui fait du téléenseignement dans tout le Commonwealth, dans de nombreuses langues, pour appuyer la politique générale de développement et d'expansion économique.
    Notre groupe s'est réuni sous la présidence de Tun Abdullah Badawi, l'ancien premier ministre de la Malaisie. Notre groupe comptait des représentants de toutes les régions du Commonwealth. Sa composition était très diversifiée.
    Les membres siégeant au sein de ce groupe étaient les suivants: Emmanuel Akwetey, chef du Centre d'études démocratiques du Ghana; Patricia Francis, de la Jamaïque, directrice du Centre du commerce international, qui siège à Genève; Asma Jahangir, militante des droits de la personne et des droits civils au Pakistan, qui a été emprisonnée à plusieurs reprises en défendant l'indépendance de la justice et qui a reçu l'année dernière le prix Diefenbaker, attribué au meilleur défenseur des droits de la personne au niveau international; Sam Kavuma, président ougandais du Commonwealth Youth Caucus; le juge Michael Kirby, ancien juge en chef de la Haute Cour de Victoria, en Australie; sir Malcolm Rifkind, aujourd'hui député au Parlement du Royaume-Uni, président du comité parlementaire sur la sécurité nationale et ancien ministre de la défense de l'administration Thatcher; sir Ronald Sanders, ancien haut commissaire de la Guyane à Londres; et enfin Ieremia Tabai, ancien premier ministre des Kiribati, dans l'océan Pacifique, l'un des plus petits pays du Commonwealth.
    J'ai eu l'insigne privilège de collaborer avec tous ces gens. Nous avons tenu cinq réunions, la plupart du temps à Londres, et une fois à Kuala Lumpur, et nous avons publié un rapport de plus de deux cents pages contenant 106 recommandations. Ce rapport devrait être officiellement rendu public un peu plus tard dans la semaine, mais dès le mois de mai de cette année nous avons consigné nos principales recommandations sur le site Internet du secrétariat du Commonwealth.
    Auparavant, nous avions reçu plus de 350 mémoires que nous ont fait parvenir des groupes de tout le Commonwealth. Lorsque nous avons fait état de nos principales recommandations et de nos premières réflexions sur le site Internet, nous avons reçu en conséquence 150 autres mémoires provenant des gouvernements du Commonwealth, de différents groupes et de particuliers. Nous avons donc fait de notre mieux pour que la procédure soit transparente et ouverte à tous.
    Les principales recommandations — il y en a 106 et je ne vous les ai pas passées toutes en revue parce que je sais que votre temps est précieux — portent en fait sur les grands objectifs de l'organisation. Nous considérons qu'il nous faut rassembler toutes les déclarations faites au cours des années par le Commonwealth en ce qui concerne les droits de la personne et la démocratie, l'état de droit et la protection des droits des femmes, et les intégrer à une charte du Commonwealth pour que tout le monde comprenne bien quelles sont nos valeurs fondamentales.
(1025)
    Nous demandons la création d'un commissariat du Commonwealth à la démocratie, à l'état de droit et aux droits de la personne, qui se chargera de donner directement des conseils lorsque, par exemple, des pays veulent rejoindre le Commonwealth, afin de savoir s'ils respectent les valeurs fondamentales de la démocratie, l'état de droit et les droits de la personne, tout en donnant par ailleurs des indications précises lorsque des pays qui sont toujours membres du Commonwealth s'écartent de ces valeurs fondamentales.
    Les membres du comité n'ont pas oublié la position ferme adoptée par le Commonwealth sur la question de l'apartheid, lorsqu'il s'est opposé à la politique suivie à l'époque par Mme Thatcher et qu'il a appuyé les efforts de démocratisation de l'Afrique du Sud. Récemment, le Commonwealth a suspendu les îles Fidji en raison d'un coup d'État militaire. Le Pakistan a été temporairement suspendu lorsqu'on ne savait pas avec certitude s'il y aurait une dictature militaire ou une véritable démocratie. Une fois que ce pays est revenu à la démocratie, il a été réinvité à faire partie de l'organisation. Les députés se souviendront aussi de la Rhodésie.
    Nous jugeons avoir besoin d'un commissaire opérant à plein temps sur ces questions pour que lorsque, par exemple, des pays adoptent des lois qui s'en prennent aux homosexuels, ce qui s'est déjà vu, ou qui enfreignent d'une manière ou d'une autre les principes fondamentaux des droits de la personne, le commissaire puisse intervenir et faire en sorte que la question soit abordée ou que l'on envisage de revenir éventuellement sur l'appartenance à terme de ce pays au Commonwealth étant donné la politique adoptée sur la question des droits de la personne. C'est ce qui pourrait permettre, par exemple, si ce poste était créé, d'aborder la situation du Sri Lanka dans les circonstances actuelles.
    Nous avons aussi considéré qu'il fallait des critères précis d'examen par ce Groupe d'intervention ministériel du Commonwealth pour qu'il y ait des seuils d'intervention précis, ainsi par exemple lorsqu'une élection est annulée sans consultation avec l'opposition. C'est ce qui s'est passé dans un pays en particulier, alors que le Commonwealth se chargeait d'envoyer des observateurs pour le jour de l'élection et que tous les représentants de l'opposition ont été arrêtés trois semaines avant. Il faut des seuils d'intervention automatique pour que le groupe d'intervention ministériel du Commonwealth puisse envisager des mesures disciplinaires ou d'autres solutions éventuelles.
    Nous avons très fortement recommandé que l'on agisse en faveur des petits pays du Commonwealth auprès des grandes institutions financières internationales — et certains des pays les plus petits et les plus pauvres du monde appartiennent au Commonwealth — pour garantir un traitement équitable de ces pays.
    Nous estimons aussi qu'il convient que le secrétaire général ait un mandat précis des chefs de gouvernement, qui lui sera conféré, il faut l'espérer, lorsque ces derniers se réuniront cette semaine à Perth, pour qu'il puisse intervenir avec force et précision si l'on déroge aux valeurs fondamentales de l'organisation, sans devoir attendre qu'il y ait d'abord un consensus.
    Enfin, nous avons fait une série de recommandations touchant les jeunes et les femmes. Nous souhaitons la création d'une organisation de la jeunesse au sein du Commonwealth, afin de permettre aux jeunes de trouver du travail, de se réaliser et de s'instruire — en faisant du sport aussi — dans tous les pays du Commonwealth pour qu'ils puissent bénéficier de notre patrimoine commun et des possibilités offertes à tous.
    Nous cherchons en particulier à faire en sorte que les gouvernements abrogent les lois frappant d'illégalité l'homosexualité, que l'on retrouve dans nombre de pays du Commonwealth et qui permettent difficilement d'adopter de bons programmes de traitement pour lutter contre le VIH/sida. Il est bien triste de constater que les statistiques des pays du Commonwealth en matière de VIH/sida sont très mauvaises et que les chiffres y sont pires qu'ailleurs. Cela nous paraît une priorité essentielle.
    Nous avons aussi fait des recommandations touchant les jeunes entrepreneurs et les stages de formation à l'intérieur du Commonwealth, en mettant plus particulièrement l'accent sur la participation des femmes et la remise en question, dans certains pays du Commonwealth, des lois qui portent préjudice aux femmes d'une façon totalement inique.
    Ce sont là les grandes orientations de notre rapport, monsieur le président. Je suis tout disposé à répondre aux questions que vous voudrez bien me poser.
(1030)
    Merci, monsieur le sénateur.
    Il ne nous reste qu'une quinzaine de minutes, et je propose donc que chaque parti dispose à son tour de cinq minutes pour poser ses questions. Nous allons commencer.
    Je vais d'abord donner la parole à Mme Laverdière, du NPD.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie, sénateur, de cet excellent exposé qui aborde de nombreuses questions. Je dois vous dire personnellement, éventuellement en tant qu'ancienne titulaire d'une bourse du Commonwealth, que je suis bien persuadée des bienfaits de cette organisation. Je la cite toujours lorsqu'on parle de l'apartheid. C'est une organisation essentielle.
    J'ai deux questions à vous poser au sujet de votre exposé.
    Si je me souviens bien, il y a au sein du secrétariat du Commonwealth une division ou une section chargée de faire la promotion de la démocratie. Si nous créons un commissariat à la démocratie, quelles seront les relations entre le commissaire et cette section du secrétariat?
    C'est une question très importante. Notre recommandation est bien simple; c'est la suivante. Nous voulons que le titulaire de ce poste bénéficie éventuellement d'un budget se montant à quelque 500 000 livres britanniques et qu'il ait un personnel de soutien. Nous souhaitons par ailleurs que la section chargée de faire la promotion de la démocratie au sein du secrétariat relève de ce responsable.
    Nous estimons que ce responsable doit dépendre en même temps, pour des raisons administratives, du secrétaire général et, sur les questions de fond, du Groupe d'intervention ministériel du Commonwealth. Traditionnellement, que ce responsable siège à Londres ou ailleurs — et nous considérons que Londres est peut-être un peu trop privilégiée au sein du Commonwealth et qu'il serait préférable de délocaliser davantage le Commonwealth dans les 54 pays qui le composent — idéalement, il faudrait que ce responsable soit en mesure de coordonner et de promouvoir le programme.
    Dans un article de notre rapport, nous évoquons la nécessité d'un secrétariat « équipé en fonction des objectifs » selon une expression très anglaise qui vous rappellera l'époque où vous occupiez des fonctions diplomatiques et qui signifie en l'espèce qu'il convient d'affecter les crédits à bon escient. Je ne pense pas qu'à l'heure actuelle l'ensemble des dépenses du secrétariat tiennent bien compte des priorités liées aux droits de la personne, à l'état de droit et à la démocratie, qui devraient primer. Nous souhaiterions que l'on réaffecte certains crédits dans ce cadre.
    Donc, dans l'idéal, on devrait pouvoir compter sur un commissaire autonome ayant davantage de pouvoirs et se consacrant à plein temps aux questions liées aux droits de la personne, à la démocratie et à l'état de droit en compagnie d'un groupe dynamique de collaborateurs solidement implantés au sein du Commonwealth.
    Je vous remercie.
    Très rapidement, quels sont les entretiens à l'heure actuelle sur le dossier des droits de la personne au Sri Lanka? Est-ce que le Commonwealth continu à réclamer une enquête internationale indépendante?
    Je vous remercie, madame.
     Vous savez, pour commencer, que le premier ministre du Canada a été très clair sur cette question. Il a précisé il y a quelques semaines qu'il n'était pas disposé à assister à la prochaine réunion des chefs de gouvernement du Commonwealth, qui doit se tenir au Sri Lanka dans deux ans, si l'on n'a pas progressé dans le dossier que vous venez précisément de citer.
    Je crois savoir que les Australiens font tout leur possible pour que l'on progresse dans ce dossier. Même si je ne pense pas que l'on en fera un des principaux sujets de ces entretiens — je n'assisterai pas aux réunions, qui n'impliquent que les chefs de gouvernement —, je serais très surpris que l'on passe tout ce temps sans évoquer cette question de manière très franche et très directe.
    Je pense que tout le monde comprend bien la nécessité d'une évaluation indépendante. On a avancé qu'une guerre était en cours, que des gens y mouraient et que la meilleure façon de réagir était de recourir à la Convention de Genève, qui porte effectivement sur la façon de traiter les gens qui se rendent et les non-combattants dans une guerre. Les membres de votre comité n'ignorent pas que l'ONU s'est d'ores et déjà fortement inquiétée de la situation des présumés disparus à la fin de la guerre, des opérations de nettoyage, et je ne peux pas croire que l'on se déplacera normalement à Colombo si la chose n'est pas éclaircie.
(1035)
    Je vous remercie.
    Le temps nous est compté. Nous allons rapidement procéder aux différents tours de question.
    Vous disposez de cinq minutes, madame Brown.
    Je vous remercie.
    Merci, sénateur. Merci d'être resté debout si tard. Ma fille a fait sa maîtrise en Australie et je sais combien il est difficile de communiquer avec le décalage horaire.
    J'apprécie beaucoup le Commonwealth et le fait que nous avons tellement de choses en commun au niveau des principes et de nos convictions. Je considère que nous pouvons faire de grandes choses en intensifiant davantage nos relations.
    J'aimerais que vous nous en disiez davantage sur la question des jeunes. Est-ce que l'on envisage de ce fait d'éliminer les obstacles aux visas ou dans d'autres domaines, qui empêchent les jeunes de se déplacer d'un pays à l'autre et de saisir leurs chances?
    Vous avez évoqué les jeunes entrepreneurs. Est-ce que l'on va faire en sorte, par exemple, que des jeunes Canadiens puissent aller dans d'autres pays du Commonwealth en ayant la possibilité d'y établir une entreprise et de participer en conséquence aux opérations de commerce extérieur? Pouvez-vous nous en dire un peu plus?
    Mais certainement.
    Le premier objectif est de s'appuyer sur le réseau des bourses du Commonwealth... qui existe depuis de nombreuses années, et qui a permis aux jeunes de tout le Commonwealth de faire des études de maîtrise dans les différents pays et de revenir ensuite chez eux en ayant cette expérience. Il s'agit de reprendre ce principe et de se dire qu'il serait très bon que les jeunes du Commonwealth, entre l'école secondaire et l'université, par exemple, puissent disposer d'un programme établi sur le modèle d'organisations comme Jeunesse Canada Monde ou d'autres organisations du Commonwealth qui y seraient associées.
    Les jeunes pourraient ainsi passer du Canada au Ghana, ou encore de l'Inde à un pays des Antilles, pour y faire un séjour de six mois, soit en tant qu'entrepreneurs, soit pour y compléter leur formation, ou encore pour faire un stage quelconque dans une entreprise ou une organisation à but non lucratif. Ils tireraient un grand profit de cette expérience au sein du Commonwealth et pourraient se servir utilement, une fois rentrés chez eux, des compétences acquises.
    Vous n'ignorez pas, d'ailleurs, que le Canada est l'un des pays qui a pris des dispositions, dans le cadre de sa politique d'immigration, pour faire en sorte que les jeunes étrangers qui viennent étudier dans ce pays puissent demander à y rester pour y travailler. De toute évidence, lorsqu'on rattache cette exigence de mobilité des jeunes aux politiques actuelles d'immigration plus ou moins strictes selon les pays, on voit à mon avis tout ce qu'implique votre question.
    Il est clair que tout le monde autour de la table, les dix participants, y croient. Nous souhaitons que tous les citoyens du Commonwealth puissent bénéficier de la richesse de l'expérience de ses différents pays, de la diversité des cultures et des langues, de la grande diversité des religions et des manifestations culturelles. Le monde en sera meilleur et le Canada en sera plus fort.
    Il est bien évident qu'en offrant la possibilité à des jeunes d'aller dans un pays étranger et d'y trouver des débouchés, il est bien possible qu'on assiste à la naissance de nouvelles entreprises renforçant les relations commerciales entre le Canada et d'autres pays du Commonwealth, ne croyez-vous pas?
    C'est indéniable; ce sont ces liens essentiels entre les différents réseaux qui font toute la différence.
    Sa Majesté la Reine a déclaré il y a quelques années que le grand réseau Internet était celui du Commonwealth. C'est celui qui relie dans le monde entier des gens dont la culture, la formation, l'âge, les moyens financiers, la situation géographique et la religion sont différents.
    Notre rôle, en tant que groupe chargé de conseiller les chefs de gouvernement, était de chercher à optimiser ce projet, de faire en sorte que l'on dispose d'un mécanisme vraiment moderne et dynamique pour aider à la formation des jeunes dans les 54 pays.
(1040)
    Dieu protège la reine.
    Merci, madame Brown.
    Nous allons maintenant passer à M. LeBlanc.
    Nous regrettons que votre ami, très motivé, ne soit plus là.
    Oui, je sais que mes collègues seront déçus que M. Karygiannis n'ait pu rester pour participer à cette importante discussion.
    Sénateur Segal, merci d'être avec nous. Il y a des gens qui disent que vous veillez tard; je crois bien que vous ne faites que vous préparer à sortir, sénateur. Il ne nous paraît pas très logique que vous vous disposiez à aller vous coucher à 10 heures du soir.
    Je m'en tiendrai à vos conseils sur ce point.
    Oui — et pas devant tout le comité.
    Des voix: Oh, oh!
    L'hon. Dominic LeBland: Je vous remercie, sénateur, du travail que vous avez fait lors de la préparation de ce rapport. Je considère que ce que l'on a vu des recommandations, et vous avez évoqué une publication plus officielle, renforce ce que nous savons de l'engagement du Canada au sein du Commonwealth et du rôle de chef de file que nous avons toujours joué au sein de cette organisation importante. Le travail que vous avez accompli à cet égard s'inscrit à mon avis dans cette grande tradition.
     Je tenais à vous poser deux questions précises — sans préjuger, bien entendu, de ce qui va se dire lors de la rencontre des chefs de gouvernement dans quelques jours. Avez-vous une idée, d'après les propos tenus par vos collègues au sein du groupe de discussions, ou en fonction des entretiens auxquels vous avez assisté en Australie, d'où risquent de provenir les résistances en ce qui concerne les recommandations? Je considère que ces recommandations sont exhaustives et plutôt justifiées.
    Autrement dit, qui va s'y opposer? Je pense que nous savons plus ou moins quels seront les pays, mais avez-vous une idée de l'ampleur de l'opposition à certaines de ces recommandations et de l'origine de celle-ci?
    Ensuite, toujours dans le même ordre d'idées, quelle sera l'influence du Commonwealth, et des chefs de gouvernement en particulier, qui pourra s'exercer sur ces membres récalcitrants ou sur certains pays qui, de toute évidence, vont poser plus de problèmes que d'autres? Le Commonwealth pourra-t-il encore influencer nombre de ces pays sur les questions que vous avez évoquées précédemment? Pouvons-nous continuer à exercer une influence et des pressions pour paver la voie aux changements que nous souhaitons?
    Je vous remercie de cette question.
    Je traiterai tout d'abord de la deuxième partie. Lord Howell, le ministre britannique chargé des affaires du Commonwealth, a déclaré il y a trois semaines lors d'une réunion des ministres des affaires étrangères du Commonwealth à l'ONU, que si des pays voulaient faire partie du Commonwealth, c'était entre autres parce que cette affiliation impliquait une certaine stabilité gouvernementale, un certain respect de l'état de droit à un et un certain respect des droits de la personne.
    Il faut bien voir que lorsque des entreprises cherchent un pays pour investir, s'efforcent de trouver une stabilité pour veiller aux intérêts de leurs actionnaires en se dotant d'une infrastructure de bâtiments ou en apportant toute autre forme de contribution, l'appartenance au Commonwealth compte. Par conséquent, le principal moyen de pression dont dispose le Commonwealth en tant qu'organisation sur l'un quelconque de ses membres susceptible de ne pas respecter les valeurs fondamentales reconnues, c'est finalement la possibilité d'une exclusion.
    C'est ce qui s'est passé lors de la lutte contre l'apartheid. C'est ce qui s'est passé au sujet de la Rhodésie. C'est ce qui s'est passé concernant les îles Fidji. Lorsque cette exclusion a lieu, elle a des effets significatifs. Ce moyen de pression fait que les pays qui sont tout à fait en faveur de ce rapport — et je pense qu'il y a une forte majorité — oeuvrent auprès de leurs collègues qui se sentent moins bien disposés.
    Le point d'achoppement, pour les pays qui sont réticents, c'est surtout le poste de commissaire aux droits de la personne, à l'état de droit et à la démocratie. Je pense qu'ils craignent que ce commissaire ne juge publiquement de la qualité de leur démocratie et leur cause davantage de soucis, de difficultés au plan international. Pour certains, je le sais, le terme de « commissaire » fait penser au commissaire de police.
    En réalité, il importe moins de savoir si l'on va qualifier ce commissaire de haut représentant, d'envoyé spécial ou d'ambassadeur ad hoc que de lui confier un mandat clair lui permettant de traiter de ces questions et d'opérer, non seulement... Comme on a pu le voir pour certaines élections africaines qui ont eu lieu récemment, une équipe d'observateurs a suivi le déroulement des opérations en Ouganda, par exemple. Cette équipe d'observateurs était dirigée par l'ex-vice-premier ministre de la Barbade, Mme Billie, qui a déclaré que tout s'était bien passé. Lorsqu'on a examiné le scrutin et compté les bulletins de vote, tout semblait s'être déroulé normalement, ou conformément aux règles établies par Hoyle.
    Il reste cependant des problèmes de fond concernant l'égalité entre les adversaires, le financement des partis et le fonctionnement du système. On a donc établi un calendrier de travail au sein du Commonwealth en collaboration avec nos collègues ougandais pour améliorer la qualité de leur loi électorale et renforcer le système.
    Il nous apparaît donc que le commissaire du Commonwealth que nous réclamons pourrait opérer utilement de cette manière. Pourrait-il, en dernière analyse, amener à exclure un pays? Oui, c'est possible, mais à notre avis ce n'est pas nécessaire si les deux camps sont disposés à faire de véritables progrès ensemble.
    Sur le plan financier, certains pays vont s'inquiéter du coût de nos recommandations. Nous avons considéré autour de la table — tous les ressortissants des différents pays qui ont pris part au projet — que lorsqu'on dispose d'un budget de quelque 80 millions de dollars canadiens par an, il n'est pas vraiment coûteux d'en redistribuer environ 5 p. 100 pour respecter les nouvelles priorités du Commonwealth. C'est faisable.
    Évidemment, il faut un secrétariat en mesure de répondre à ses obligations et disposé à faire des changements. Partout dans le monde, les gouvernements qui financent le Commonwealth font des changements en raison de la situation financière et économique actuelle. Nous ne pensons pas que l'on puisse en dispenser le secrétariat.
    Voilà, monsieur LeBlanc, quels sont les deux grands secteurs d'opposition. Publiquement, le seul pays qui s'élève contre les recommandations est le Sri Lanka; je crois qu'on l'a consigné aujourd'hui dans certains journaux du Sri Lanka. Sinon, un certain nombre de tractations restent en cours, même au moment où je vous parle. Je ne peux pas vous dire ce qui en sortira, mais je crois savoir que les discussions sont très serrées.
(1045)
    Sénateur, je vous remercie de nous avoir consacré votre temps. Nous sommes impatients de vous revoir lorsque vous rentrerez au Canada. Nous vous souhaitons bonne chance.
    Merci, monsieur le président, et je remercie tous mes collègues au sein du comité.
    La séance est levée.
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