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Bonjour. Je vous remercie de l'occasion de prendre la parole devant le comité ce matin.
En guise d'aperçu, je participe à la vie politique dans la région de Stó:lo depuis maintenant 32 ans. Par conséquent, j'ai vu beaucoup de choses, j'ai vu beaucoup de changements, je dois dire que la période actuelle et l'initiative dont vous êtes saisis sous la forme du traité de la Première Nation de Yale constituent probablement le changement le plus important et le plus terrifiant pour les Stó:lo en ce moment. Je fais cette affirmation en raison de la question dont nous sommes saisis et du fait que le peuple Stó:lo est un peuple de la rivière. Malheureusement, ce traité aura pour résultat de supprimer ou d'enfreindre les droits des Stó:lo. Je ne pense pas que cela n'a aucune importance; ce n'est certainement pas le cas. Affirmer que la pêche est importante pour les Stó:lo, c'est comme affirmer qu'il est bien d'avoir de l'indigène. Pour le peuple Stó:lo, cela a une importance primordiale.
La Première Nation de Yale... Je veux que ce soit très clair; il est important que ce comité sache que Yale est une collectivité Stó:lo, point final. Mon collègue vous en dira probablement plus à ce sujet, mais son peuple fait partie de la famille des Stó:lo. Il a les mêmes droits; ce sont des droits collectifs. L'objectif est de s'assurer que ces droits continuent de s'appliquer à l'ensemble des Stó:lo. Avec ce traité, la collectivité de Yale, qui compte 150 membres — dont environ 60 ont voté en faveur — est sur le point d'obtenir le rôle de gardien de l'accès à une zone de pêche extrêmement importante du territoire Stó:lo. Cela touchera près de 10 000 Stó:lo. Vous pouvez donc voir l'importance de cet enjeu.
Imaginez, si l'on veut, une situation où les États-Unis laisseraient entendre que l'Ontario serait désormais gouverné par la Saskatchewan, c'est tout. Pour tout ce qu'elle voudrait faire, l'Ontario devrait demander l'autorisation de la Saskatchewan. J'essaie de trouver un exemple qui permet aux gens de comprendre ce dont il est question. Ce territoire est un territoire commun des Stó:lo, y compris la Première Nation de Yale, et le rôle de gardien ne devrait pas être confié à un seul membre de la famille des Stó:lo.
Environ 60 p. 100 des captures de poissons sur le territoire Stó:lo se font dans la région de Five Mile Canyon et parmi les 77 sites de pêche qui appartiennent au peuple Stó:lo, un seul appartient à la Première Nation de Yale. La Première Nation de Yale a des sites de pêche au sud de la région de Five Mile Canyon, mais ce traité aura pour conséquence d'empêcher les Stó:lo d'avoir accès à ces 76 sites ou d'en confier la gouvernance à la Première Nation de Yale. C'est important, pour les raisons évidentes que j'ai mentionnées plus tôt.
Je dois souligner que — et je ne veux pas consacrer trop de temps à parler de détails — lorsque je dis que la Première Nation de Yale est un membre des Stó:lo... malheureusement, la Colombie-Britannique n'a pas reconnu l'ampleur du différend dont il est question. On a laissé entendre qu'on améliorait l'accès pour le peuple des Stó:lo en disant que ce sont des réserves de la Première Nation de Yale. Il y avait des villages des Premières Nations dans la circonscription électorale de Yale et on les appelait les Premières Nations de Yale. Or, malheureusement, l'histoire n'est pas connue de tous les membres qui participent au vote et à la mise en oeuvre de ce traité. Ils ont accepté l'idée que ces réserves leur appartiennent, alors que ce n'est pas le cas. Si le Canada vérifiait l'effet, il verrait que cela a été réservé pour les Indiens du district de Yale et pour l'ensemble des Stó:lo. En soi, cela a créé des problèmes parce que cela mènera à l'aliénation de terres, à l'aliénation de l'accès aux sites de pêche.
Nous savons tous que ce traité a un objectif premier, qui est d'assurer la certitude, pas seulement pour les gouvernements, mais aussi pour les Premières Nations. Il s'agit aussi de favoriser la paix et l'harmonie. Ce traité fait exactement l'inverse.
Je veux m'assurer que vous compreniez que je participe personnellement — à l'instar de mon collègue — à la négociation du Traité no 7 au nom des Stó:lo. Nous participons au processus de négociation des traités et nous essayons de conclure un accord définitif avec les gouvernements du Canada et de la Colombie-Britannique. Nous croyons qu'il s'agit d'une occasion que nous devons saisir, même si nous devrons surmonter certains obstacles. Quoi qu'il en soit, c'est notre seule préoccupation et nous allons maintenir nos efforts à cet égard jusqu'à ce que nous puissions obtenir quelque chose qui conviendra à notre peuple, pas seulement au peuple du traité, mais aussi à nos frères et soeurs, les autres membres du peuple Stó:lo.
Notre approche est très différente de la vôtre aujourd'hui. Je crois honnêtement que si on nous laissait le temps de bien faire les choses et que le processus était modifié en conséquence, nous pourrions appuyer l'accord. Nous avons aidé les Yale dans leurs efforts pour conclure un traité, nous avons appuyé les Tsawwassen et nous appuyons les In-SHUCK-ch. Tous ces groupes vivent à proximité de nous, ils partagent des frontières avec notre territoire de base.
Nous ne sommes pas contre les traités. Il y a des gens qui disent que nous sommes anti-traités, mais ce n'est pas du tout le cas. Nous sommes pour les négociations en vue d'un traité.
La conclusion de traités en Colombie-Britannique se fonde notamment sur le principe que les revendications territoriales en suspens doivent être réglées avant que le Canada et la Colombie-Britannique puissent adopter une loi pour les approuver. Malheureusement, elles ne sont pas réglées. C'est l'une des lacunes fondamentales qui créent la situation dans laquelle nous nous trouvons et qui nous amène à comparaître devant le comité permanent.
L'histoire montre qu'il y a toujours eu des revendications territoriales dans le monde et qu'il continuera d'y en avoir. Le règlement de ces différends doit avoir lieu à la table de négociation. Comme je l'ai déjà mentionné, je crains l'expérience terrifiante qui se profile à l'horizon pour nous. Il y a un conflit qui perdure au sujet de la rivière; le sang a coulé dans la rivière. C'est un enjeu très grave. Les Stó:lo protègent leurs droits et leurs titres depuis longtemps, et bien honnêtement, je doute que les membres de notre peuple aient oublié tout ce qui s'est passé. Il y a eu des batailles le long de la rivière et des voies ferrées. Les Stó:lo ne resteront pas sans rien faire.
C'est la raison pour laquelle notre groupe a passé autant de temps à participer à différentes réunions pour essayer de trouver une solution. Nous y travaillons depuis 10 ans, depuis que le concept d'un traité a fait son chemin dans la Première Nation de Yale, mais en vain. Nous avons saisi toutes les occasions qui se présentaient et nous avons respecté toutes les règles. Nous sommes même ici aujourd'hui dans l'espoir de pouvoir encore nous entendre. Nous allons continuer d'essayer de négocier un règlement dans cette pièce comme dans d'autres, avec le gouvernement et avec les membres de la Première Nation de Yale.
Nous avons ici l'occasion de corriger la situation et de prévenir le genre de confrontation qu'on veut éviter dans le processus de conclusion de traités. Depuis 5 ans, nous proposons des solutions. Nous savons qu'il y a un précédent selon lequel on peut laisser de côté certains articles du traité jusqu'à ce qu'il y ait entente. Le Canada a déjà eu recours à ce procédé, et il doit y recourir de nouveau. J'ai peur que le conflit entre les Stó:lo et la Première Nation de Yale n'atteigne d'autres régions et qu'il ne touche d'autres gouvernements et — j'espère que non — des entreprises. C'est ce que nous cherchons à prévenir. Nous travaillons avec diligence. Il y a une mobilisation sans précédent dans notre peuple pour assurer la protection de nos droits, une mobilisation comme je n'en ai pas vue depuis 32 ans. L'expérience risque d'être douloureuse, puisqu'elle va nous rappeler divers épisodes noirs. C'est la raison pour laquelle j'utilise le mot « terrifiante » pour décrire ce qui s'en vient.
La seule façon dont je peux décrire la situation, c'est qu'on nous a volé nos terres dans le but de les transférer à l'une de nos organisations soeurs. Le pêche est loin d'être le seul enjeu. L'accès aux terres est loin d'être le seul enjeu. Il y a violation de droits autochtones et de titres ici. Je veux dire que c'est un territoire qui a été occupé pendant longtemps par les Stó:lo. Ce n'est qu'avec la ruée vers l'or, la construction de la voie ferrée et la construction des autoroutes que les membres de notre peuple se sont déplacés, mais nous y sommes toujours retournés pour la pêche.
Les négociateurs de la Colombie-Britannique n'ont jamais pris le temps de bien comprendre la question, mais ceux du Canada ont maintenant l'occasion de s'y pencher et de déterminer si c'est la bonne chose à faire, compte tenu que le traité a pour objectif de créer une relation harmonieuse avec les Stó:lo, avec les Autochtones, ou entre les Autochtones. Les efforts ont échoué jusqu'ici, mais je pense que le Canada pourrait faire changer les choses. Sinon, les excuses du premier ministre et ses promesses de politique renouvelée pour le règlement des revendications globales ne voudraient plus dire grand-chose. Toutes ces déclarations seront vaines si le Canada ne tente rien, parce que c'est l'occasion ou jamais de prendre du recul et de dire: « Écoutez, il faut que le processus de règlement des revendications globales suive son cours, parce qu'il y a des éléments importants de la politique qui nous permettraient de régler les problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui. »
Mais l'urgence de conclure un traité a pris le dessus, et cela va créer des conditions sans précédent en Colombie-Britannique, à une période où beaucoup d'autres Premières Nations espèrent conclure un traité. Elles pourraient avoir l'impression que l'histoire ne compte pas dans l'élaboration des traités. D'autres Premières Nations de la province se rallient à notre cause en ce moment, parce que nous les avons informées de notre situation. Elles vont être confrontées aux mêmes défis que nous et vont elles aussi comparaître devant des comités permanents.
J'aimerais rappeler encore une fois que nous avons essayé de respecter toutes les règles de procédure que la Commission des traités de la Colombie-Britannique nous a proposées, et nous avons essayé à maintes reprises d'obtenir des consultations et de la collaboration avec les Premières Nations, mais en vain. Il y a des moments où nous sommes passés bien près d'une entente, lorsque le gouvernement fédéral a eu recours à la médiation. Le médiateur nous a fait une recommandation qui nous semblait aller dans la bonne direction, mais quand il y a une partie qui est déjà campée sur sa position parce qu'elle a l'approbation de la province et du fédéral, comment peut-on avoir des discussions franches et des négociations ouvertes pour trouver une résolution, puisque cette partie joue constamment cette carte ou refuse de se présenter à la table de négociation?
Je vais m'arrêter là. Je ne voudrais pas prendre tout le temps prévu pour mon collègue.
J'étais là en 1992 quand le premier ministre Brian Mulroney, le premier ministre Mike Harcourt, le grand chef Edward John (qui présidait le Sommet des Premières Nations), feu le grand chef Joe Mathias et Miles Richardson ont signé l'accord de création de la Commission des traités de la Colombie-Britannique. J'ai assisté à la cérémonie. J'étais très enthousiaste à l'idée que grâce à des négociations de bonne foi, nous allions résoudre les revendications globales en suspens, que nous créerions de la certitude, que grâce à cette certitude, nous créerions des débouchés économiques et que nous réaliserions la justice sociale. C'était en 1992.
Deux traités ont été signés depuis: deux. Nous envisageons d'en signer un troisième, et je me demande s'il nous apporte de la certitude. Est-ce qu'il nous apporte de la justice sociale? Est-ce qu'il va créer des débouchés économiques? En un mot, non, il ne fera rien de tel.
On me dit qu'il y a des règles linguistiques. Je vais vous lire deux extraits que je n'ai pas eu le temps de faire traduire en français. Ils sont tirés d'un article publié le mercredi 17 août 1938 dans le Chilliwack Progress:
Sur la sépulture de nombreuses générations d’Indiens se dresse désormais une croix blanche bénie et dédicacée, à Yale, en Colombie-Britannique, depuis la magnifique cérémonie qui a eu lieu dans la réserve Eayem dimanche après-midi. L’archevêque W.M. Duke a officié à la dédicace, sous l’oeil de mâles taciturnes coiffés de hautes couronnes et de squaws drapées de châles et d’étoffes de velours aux couleurs gaies. [Traduction]
Cette formulation est assez éloquente, très insultante et très raciste. Je suis ici pour vous dire que le racisme existe toujours aujourd'hui. Il y en a ici même. Il y en a au ministère des Affaires autochtones. Il y en a au ministère des Pêches et des Océans. Il y en a là où je vis, à Chilliwack. Cette attitude est bien présente partout. On peut sourciller devant les termes utilisés dans cet article publié en 1938, mais la philosophie colonialiste n'a pas changé.
L'article se termine sur ces mots:
La croix porte l’inscription: Monument commémoratif Eayem, 1938, AD, érigé par les Indiens Stalo. À la mémoire des centaines de nos aïeux enterrés ici, ce cimetière est l’un de nos six cimetières anciens situés à l’intérieur de notre territoire de pêche de cinq milles, dont nous avons hérité de nos ancêtres. R.I.P. [Traduction]
Vous vous demandez peut-être où se trouve ce monument aujourd'hui. Où est-il? Il y en a une photo. Je peux vous dire où il est. Il se trouve sur les rives de la rivière. Le chef de Yale a pris une tractopelle et a détruit ce monument sacré. Cela vient contredire sa version des faits selon laquelle il n'est pas un Stó:lo. Je vais vous le soumettre dès que j'aurai pris les dispositions nécessaires pour respecter vos règles.
La bande des Seabird a été reconnue à titre de bande indienne en 1958. Avant 1958, il y avait une réserve commune pour sept bandes indiennes, dont les Yale. Ces bandes avaient accepté de renoncer à la réserve des Seabird pour que soit créée la bande d'Indiens des Seabird. Le second chef élu de l'île Seabird, Alfred Hope, était le grand-père du chef actuel des Yale. Ne me demandez pas de vous expliquer pourquoi ce chef renie ses ancêtres.
En 1992, le gouvernement du jour a lancé la stratégie sur les pêches autochtones. J'ai négocié les modalités de l'entente au nom des Stó:lo. Je suis un peu plus jeune que Joe, mais je travaille pour mon peuple depuis 1980. Je vais avoir 53 ans ce mois-ci. Cela fait donc 32 ans que je suis ici moi aussi. J'ai négocié cette entente. Peu après, nous avons reçu l'accord du ministère des Pêches et des Océans, pour le gouvernement du Canada, afin de permettre la vente d'une partie de nos prises sans crainte de poursuite.
Bob Hope s'est adressé aux tribunaux. Il réclamait le contrôle exclusif de la pêche sur cinq milles. Il a perdu. Je dois vous dire qu'il était très bizarre d'être là, dans la salle, à regarder l'avocat du ministère de la Justice, qu'on voyait souvent en cour contre nous, dans des poursuites pour infraction en matière de pêche. Le même avocat du ministère de la Justice était là à défendre notre droit de pêcher dans le canyon. Quelle ironie!
Nous sommes ici aujourd'hui parce que des Autochtones, avec la même attitude de racisme, n'ont pas jugé bon de faire preuve d'un peu de diligence. Ils n'ont pas jugé bon de faire quelques recherches pour savoir avec qui ils faisaient affaire. Ils n'auraient eu qu'à fouiller un tout petit peu pour découvrir cet article. S'ils avaient épluché un peu leurs propres dossiers sur leurs titres fonciers et la création de la bande de Seabird, ils se seraient rendu compte que l'idée que les Yale ne sont pas des Stó:lo ne passait pas la rampe. Ils auraient su que nous faisons partie d'une grande famille de 10 000 personnes et que même si les règles permettent aux gens de Yale de négocier devant la Commission des traités de la Colombie-Britannique, ils ne sont qu'un petit groupe d'une grande et même famille.
Je suis d'accord avec mon frère Joe. Nous ne sommes pas contre l'idée que les Yale signent un traité. Nous ne voyons pas de problème à ce que les Yale cherchent à conclure un traité. Nous nous inquiétons du respect de nos droits découlant de l'article 35. C'est la loi ultime dans notre pays. Nous avons des droits protégés par la Constitution qui ont été confirmés par les tribunaux. Le ministère de la Justice est d'avis que c'est un droit qui nous appartient et qui appartient à nos citoyens. Il appartient à nos familles. C'est un droit commun. Il n'appartient pas à une seule bande indienne, il appartient au peuple.
J'étais tellement enthousiaste. Je fais partie de ceux qui appuient notre chef national, Shawn Atleo. Je fais partie de ceux qui l'ont appuyé lorsqu'il a rencontré le premier ministre pour parler des questions très importantes qui suscitent la grogne un peu partout et peut-être même pour le menacer de passer à une étape. J'étais très content qu'il reconnaisse le simple fait que la politique de 1986 sur les revendications globales est totalement inadéquate. Le premier ministre a alors promis de travailler avec le chef national, l'Assemblée des Premières Nations et les Premières Nations pour la réécrire, afin de la rendre fonctionnelle et de régler les problèmes qui nous empêchent de mener des négociations de bonne foi sous la gouverne de la Commission des traités de la Colombie-Britannique.
J'ai participé à la fondation de la Commission des traités de la Colombie-Britannique. J'énumère souvent les fonctions que j'ai occupées, mais je me rends compte que je ne devrais pas le faire. C'est la raison pour laquelle je ne l'ai pas fait ce matin, j'ai souvent l'air de ne pas être capable de garder un emploi. Je suis chef de ma communauté depuis quatre mandats, soit huit ans. Je suis haut gestionnaire de mon conseil tribal et de la Nation Stó:lo. Je fais partie des membres fondateurs de la Commission des traités de la Colombie-Britannique. Je fais partie des membres fondateurs du Conseil des leaders des Premières Nations. J'ai également fait partie du conseil exécutif politique du Sommet des Premières Nations. J'ai participé à la fondation du Conseil des pêches des Premières Nations de la Colombie-Britannique, et je suis actuellement président du Conseil de la santé des Premières Nations.
Je connais tout ce qui concerne les négociations. Nous avons négocié un accord de premier plan entre le gouvernement et la Colombie-Britannique. Je sais comment faire le travail. Je sais comment faire preuve de diligence. Je sais ce qu'il faut faire pour conclure un accord fonctionnel au Canada, fonctionnel en Colombie-Britannique et fonctionnel pour les Premières Nations de la Colombie-Britannique. Je sais comment y arriver, parce que je l'ai déjà fait. Les gens que vous envoyez aux tables de négociation n'en savent rien. C'est en train de devenir un programme fédéral de bureaucrates qui n'ont pas de formation en négociation, en résolution de conflits, en création de compromis avantageux pour tous. Ils ne sont pas outillés pour cela. Je crains que cela ne nous mène à un grave conflit.
Il y a des gens qui vont dire que les Stó:lo n'arrivent pas à s'entendre. Le fait que nous soyons ici ensemble montre le contraire. Le fait que Joe et moi soyons ici tous les deux, prêts à participer à un processus de médiation réel et tangible prouve le contraire. Il est vrai que nous nous chicanons entre nous, et je vais vous dire pourquoi. Nous nous chicanons surtout avec d'autres négociateurs indiens, cela a toujours été vrai et ce sera toujours ainsi. Nous nous chicanons presque autant avec les représentants du ministère fédéral des Pêches et des Océans. Les deux groupes sont au coude-à-coude, parfois nous nous chicanons avec les agents des pêches fédéraux plus qu'avec les négociateurs indiens. Quand nous ne nous chicanons pas avec des négociateurs indiens ni avec des agents des pêches fédéraux, nous nous chicanons entre nous, pour rester bien alertes et être prêts à nous battre avec les fonctionnaires fédéraux.
Je ne suis pas contre l'idée que les Yales concluent un traité. Je m'oppose à la conclusion d'un traité qui bafouerait les droits de 10 000 Stó:lo. Je m'oppose à la conclusion d'un traité qui ne créerait pas de certitude. Je m'oppose à la conclusion d'un traité qui ne créerait pas de justice sociale. Je m'oppose à la conclusion d'un traité qui ne créerait pas de débouchés économiques.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Bonjour à tous.
Comme le grand chef Kelly et le grand chef Hall vous ont décrit leurs titres de compétences, je devrais peut-être le faire aussi.
J'ai peut-être l'air de l'avocate blanche typique, mais je suis une Riel. Je viens de Red River, au Manitoba. Je suis négociatrice de traités depuis un peu plus d'une vingtaine d'années. Je suis arrivée dans le milieu à la fin des négociations des accords du Yukon, j'ai travaillé à la négociation de l'Accord des Tlichos, et je suis maintenant négociatrice en chef pour le traité Xwexwilmexw des Stó:lo. J'ai donc une longue expérience de la négociation de traités avec toutes sortes de gouvernements, conservateurs et libéraux. Je travaille avec eux depuis très, très longtemps.
J'ai l'impression que l'affiliation politique ne change pas grand-chose. Tout le monde essaie de favoriser la signature de traités. J'aimerais commencer sur ce ton, je pense que tout le monde ici veut qu'il y ait des traités et qu'il y ait des accords. Le problème, c'est comment y arriver et si ce traité en particulier devrait voir le jour.
Vous avez entendu les grands chefs vous décrire le problème avec beaucoup d'éloquence. C'est habituellement considéré comme un problème de chevauchement, de territoire partagé. C'est le noeud du problème. Je pense que dans cette situation, le chevauchement concerne habituellement deux peuples différents. Il y a véritablement un territoire partagé. Il y a le territoire Stó:lo et un petit groupe, à qui le traité propose de donner ce qui appartient au plus grand groupe.
Le grand chef Joe Hall cherchait une analogie. Selon moi, c'est comme si vous et votre mari ou votre femme possédiez une maison à titre conjoint. Vous divorcez. Mais plutôt que de vous partager la maison ou d'en demeurer copropriétaires, vous la donnez à une personne en particulier. La proposition qu'on trouve dans ce traité, pour résoudre le problème, consiste à donner des droits d'accès à l'autre partie. Bref, on dit: « Monsieur Rathgeber, vous ne serez plus propriétaire de votre maison. Je ne vous paierai pas pour cela, soit dit en passant. Ce n'est pas de l'expropriation; je vais seulement vous la prendre. Je vais régler le problème en mettant un article dans l'accord pour vous y donner accès. Vous pourrez venir me rendre visite quand je vous le permettrai, si j'ai envie de vous laisser venir la visiter de temps en temps. Mais au bout d'un certain temps, je pourrais décider que vous ne pouvez plus jamais y venir. » C'est ce qu'on propose ici. On enlève ces terres à un groupe pour les donner à l'autre, qui les possédera en fief simple. C'est lui qui pourra ensuite décider si le reste des Stó:lo peuvent y venir de temps en temps. C'est la proposition à l'étude dans ce projet de loi.
Je tiens à vous rappeler que le Canada a joué un rôle très important dans le passé pour résoudre des problèmes de chevauchement de ce genre. Je vais vous donner quelques exemples. Le territoire tlicho se trouve dans les Territoires du Nord-Ouest, juste au nord du Grand lac des Esclaves. Il touche à la frontière avec le Nunavut et le territoire sahtu, ainsi qu'au territoire d'un peuple du nom d'Akaitcho, au bas. Les Tlichos ont des ententes conjointes avec tous les autres, et ce n'était pas un problème. Mais les Akaitchos ont toujours été leurs ennemis, n'est-ce pas? Toujours, dans l'histoire. Je suis déjà entrée dans des salles, où l'un des chefs tlichos disait tout de suite « Akaitcho, ce peuple meurtrier! » Je me rappelle avoir demandé à quelqu'un: « Est-ce quelque chose qui est arrivé dernièrement? » Il s'avère que c'est une histoire qui remonte à il y a 150 ans. Cela vous donne une idée de l'ampleur du conflit.
Ce n'était pas une mince affaire, mais le Canada a joué un rôle important dans la résolution de ce conflit. Je pense que vous avez fait ce qu'il fallait. Nous avons négocié l'ensemble du traité, toutes les questions ont été réglées, sauf celle du chevauchement du territoire. Le Canada a adopté une position de principe et nous a dit: « Très bien, nous ne signerons pas ce traité tant que vous n'aurez pas réglé le problème de chevauchement. » Cela nous a vraiment mis de la pression. Je représentais les Tlichos, et nous devions vraiment résoudre le problème. Nous ne pourrions pas signer de traité tant que ce ne serait pas résolu, et nous avons réglé la question parce que les gens voulaient un traité.
Tout le monde doit y mettre du sien si on veut négocier une entente. C'est une façon de résoudre les conflits, il faut payer de sa personne. Je pense que c'est une très bonne façon d'y arriver.
Dans ce cas-ci, vous avez eu l'occasion de le faire à maintes reprises, mais vous ne l'avez pas fait. Vous êtes restés assis là à attendre. Le Canada aurait pu sortir ses muscles pour résoudre ce problème, mais il ne l'a pas fait. L'accord a donc été signé, c'est trop tard, mais vous pouvez toujours montrer vos muscles.
Vous l'avez fait pour d'autres accords, en utilisant d'autres moyens. Par exemple, en 1975, des îles de la baie James visées par la convention de la Baie James et du Nord québécois étaient chaudement disputées. Vous les en avez exclues. Vous avez dit que vous étiez d'accord pour le reste de la convention — que vous conseilliez de signer —, que vous en retiriez la région disputée, pour le moment, puis que vous reviendriez après la résolution de la dispute territoriale et que vous trouveriez bien une façon d'étendre à ce territoire la portée de la convention.
Vous l'avez fait. C'était une autre manière de résoudre le problème, qui a fonctionné. Vous l'avez effectivement résolu.
La convention du Nunavik signée en 2006 donnait lieu à des disputes territoriales. Pour la Convention de la Baie James, le Canada les a résolues dès 1975. En 1993, la convention du Nunavut donnait lieu à des problèmes semblables, que vous avez résolus. Dans la convention du Nunavik de 2006 et dans l'Accord tlicho de 2005, vous les avez résolus.
Je viens de citer cinq exemples de résolution de disputes territoriales. Pourquoi pas dans ce cas-ci?
Si nous sommes ici aujourd'hui, c'est parce que, pour autant que je sache, le Canada s'est effacé. Mais il n'a pas à s'abstenir d'intervenir; il peut encore résoudre le problème. Nous vous proposons d'apporter des modifications très mineures à l'accord. Je propose de les insérer dans le paragraphe 7(1) du projet de loi. Je vais le lire. Vous avez probablement le texte du projet de loi sous les yeux.
Actuellement, il n'y a pas de paragraphe 7(1). Je propose que vous l'ajoutiez.
L'article 7 se lit comme suit:
À la date d'entrée en vigueur de l'Accord, la Première Nation de Yale est propriétaire du domaine en fief simple, comme le chapitre 12 de l'Accord le prévoit, sur les terres de la Première Nation de Yale.
Je propose de le modifier comme suit:
Sous réserve du paragraphe 7(1), à la date d'entrée en vigueur... la Première Nation de Yale est propriétaire du domaine en fief simple...
Je propose l'ajout d'un paragraphe, le 7(1), qui, essentiellement, détacherait une pêcherie de cinq milles de longueur. Je propose le libellé suivant:
7(1) La totalité ou une partie des terres décrites à l'annexe B2 - Partie 2, Cartes 1, 2 et 3 ou à l'annexe C, Carte 2 de l'Accord fait partie du domaine en fief simple des terres de la Première Nation Yale ou est assujettie aux lois de la Première Nation Yale seulement après modification de l'Accord pour donner effet à un accord territorial commun avec Stó:lo.
La Première Nation de Yale peut donc avoir son traité. Vous avez entendu les deux grands chefs dire qu'ils ne s'opposent pas à ce traité. Ma proposition sera profitable à toutes les parties. La Première Nation de Yale peut avoir son traité et vous pouvez exercer votre pouvoir pour insister sur une résolution de la dispute sur une pêcherie de cinq milles de longueur, simplement en l'excluant du traité. C'est un coin reculé dans le canyon, une partie minuscule du territoire que cette nation obtient. Elle obtient quand même la plus grande partie de son territoire, environ 97 p. 100. Toutes ses compétences sur tout le reste lui seront transférées. Elle obtient son traité et quand la dispute sera résolue, peu importe comment... Elle peut être résolue par un accord qui modifie le traité et lui est ajouté, comme on a fait dans la convention du Nunavut ou celle de la Baie James et du Nord québécois ou celle du Nunavik — peu importe. C'est une façon très simple de procéder.
Ce que j'ai dit plus tôt, au sujet d'y mettre du sien... J'ai été longtemps négociatrice et je pense que beaucoup de personnes ici présentes l'ont été aussi. Chacun doit être prêt à y mettre du sien, sinon c'est impossible de s'entendre. Aucun règlement n'est possible avec quelqu'un qui n'a rien à gagner et tout à perdre. C'est la situation dans laquelle nous nous trouvons, dans ces processus de consultation et de médiation. La Première Nation de Yale s'est présentée avec l'accord signé sans que personne lui ait dit qu'elle devait négocier. Le chef Hope nous a dit — et nous étions tous présents — que c'est à son corps défendant qu'on changerait un iota au traité et que la Nation Stó:lo y serait mentionnée.
Vous allez dire, j'en suis sûre: « Nous avons suivi tous les processus. Nous avons tout tenté ». Si c'est la position qu'il a adoptée — et ce l'est effectivement — pour les consultations sur le traité et les médiations, il n'y a rien à faire, il n'y a jamais rien eu à faire... Il n'a jamais eu rien à gagner à se présenter à cette table, parce que personne n'a fait pression sur lui pour résoudre le différend. Donc, pour nous, il n'y a jamais eu de processus sérieux pour régler le problème.
Notre proposition est une solution. Je demande qu'on en prenne sérieusement compte, parce qu'elle offre, à la nation de Yale et à vous, la possibilité d'obtenir ce qu'elle et vous voulez, un traité, tout en nous permettant encore de résoudre le problème de ce petit secteur.
Je tiens à ce que vous sachiez que nous avons eu beaucoup de sujets de disputes et de différends sur beaucoup d'autres sujets dans le traité. Nous n'avons pas insisté et nous avons dit que, sur ces points, nous cédions. Mais il s'agit ici du secteur le plus important pour les Stó:lo. Vous ne pouviez pas choisir de secteur qui vous causera plus de problèmes à l'avenir que celui-là.
Nous vous demandons de prendre sérieusement en considération cette modification.
J'ai aussi proposé qu'il nous fallait insérer « Sous réserve du paragraphe 7(1) » dans les paragraphes 4(1) et 5(1), pour que cela se retrouve dans le projet de loi sur la Première Nation de Yale que vous proposez — mais en excluant le secteur qui en a été retiré.
Je tiens à vous remercier de m'avoir accordé l'occasion de livrer cet exposé.
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Merci, monsieur le président.
Merci grands chefs Kelly et Hall et madame Teillet d'être ici.
Simplement pour que vous le sachiez, le document d'information fourni par les Affaires autochtones dit:
Même si les gouvernements prennent des mesures pour s’acquitter de leur obligation de consultation, il n’en est pas moins souhaitable que les Premières Nations règlent à l’amiable les problèmes de chevauchement. Le Canada et la Colombie-Britannique ont donc constamment appuyé les efforts déployés par la Première Nation de Yale pour discuter des questions de partage de territoire, et les régler, avec les Premières Nations avoisinantes.
Ce que le ministère publie diffère beaucoup, peut-être, de ce que les gens croient. Nous l'avons vu à l'occasion d'autres accords.
Tsawwassen était vraiment un bon exemple de disputes territoriales. L'alliance des Premières Nations de Stz'uminus, des Cowichan et des Penelakut a signalé des disputes territoriales non résolues avant la signature du traité. Nous avions fait part de nos inquiétudes, et, essentiellement, le gouvernement de l'époque avait dit qu'il incombait aux Premières Nations de s'entendre, que, pour sa part, il avait fait son devoir.
Madame Teillet, vous avez mentionné Tlicho. C'est vraiment un bon exemple. Nous avons réussi à faire franchir au projet de loi toutes les étapes à la Chambre, parce que les problèmes avaient été résolus avant que la Chambre n'en soit saisie.
C'est un processus frustrant parce que — Tsawwassen en est un bon exemple — une fois l'accord signé, le gouvernement s'en lave les mains. Ce n'est pas une remarque partisane. Que les traités soient négociés par un gouvernement conservateur ou libéral, ça n'a aucune importance. C'est l'attitude. C'est l'habitude de laisser se débrouiller les Premières Nations même si, souvent, les disputes territoriales résultent de politiques imposées par les gouvernements du passé, qui divisaient nations, familles et territoires.
J'ai deux questions.
La modification de l'article 7, d'après vous, retirerait le territoire contesté du traité. Quel processus auriez-vous besoin qu'on mette en place pour, ensuite, obtenir un accord à ce sujet?
Chef Kelly.
Comme vous voyez, il est difficile pour des parlementaires de comprendre ce que l'on attend d'eux lorsqu'ils se font présenter des ententes qui, à toutes fins utiles, ont été négociées de bonne foi, approuvées par la Commission des traités de la Colombie-Britannique puis soumises à l'examen du Parlement. Je crois que nous souhaitons nous assurer que ce qui se passe dans les hautes sphères, c'est-à-dire entre le premier ministre et les leaders des Premières Nations, permettra de régler certains de ces problèmes.
En ce qui concerne les revendications globales, je crois que, jusqu'ici, le ministère de la Justice se contente d'examiner le bien-fondé de la revendication individuelle et qu'il ne dispose pas des moyens nécessaires pour traiter des territoires partagés qui se chevauchent, ou — ce qui est, je crois, ce que vous décrivez — qu'il n'y a pas eu recours, même s'il aurait peut-être pu ou dû y recourir. Je pense que nous tentons de trouver une façon d'assurer qu'il y ait réconciliation ou ce genre de choses dont vous parlez... Les témoignages que nous avons entendus ce matin doivent être pris très au sérieux, car ils ont trait à la radicalisation des positions et à la montée de tensions pour le moins inquiétantes.
Je suis heureuse que vous ayez proposé ces amendements, car je crois que vous nous décrivez les dangers d'un accès exclusif et que vous soulignez le fait que nombre de négociations antérieures ont traité de la question des territoires à droits partagés. En fait, je crois que la carte de l'Eeyou portait la mention « partagé ». Même au parlement de la Colombie-Britannique, on a dit que le présent système était un précédent: les premiers qui arriveront auront ce qu'ils ont demandé. Maintenant, nous devons réaliser que ce processus doit changer.
J'aimerais que mes collègues comprennent et acceptent que ces règles changeront tout au long du processus de négociation, étant donné que les personnes en place — le premier ministre, les instances dirigeantes —, le processus de négociation et le processus mis de l'avant par la Commission des traités de la Colombie-Britannique changeront eux aussi. Par conséquent, sans vos amendements, ce projet de loi ne fait à peu de choses près que couler un problème dans le ciment.
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Ce commentaire et cette question me plaisent énormément.
Je crois que le travail entrepris par le premier ministre et le chef national pour repenser, reformuler et renouveler la politique globale sur les revendications est une très bonne chose. Les problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui découlent de l'échec de la politique actuelle.
J'espérais que l'engagement du premier ministre nous évite de nous retrouver ici, que nous laisserions le processus entamé par le premier ministre et le chef national arriver à maturité, que toutes les anomalies du Traité Yale allaient pouvoir être évaluées en fonction de la nouvelle politique globale améliorée sur les revendications, et que ces problèmes allaient ensuite être réglés par les parties concernées.
Mais nous n'en sommes pas là. Dans son empressement à rédiger le traité numéro trois, votre négociateur en chef n'a pas procédé correctement. Au lieu d'aiguiller le processus, la Commission des traités de la Colombie-Britannique s'est donné le rôle de meneuse de claque. C'est ce que je leur ai dit, sans détour. Des représentants de la commission participaient à des réunions au sommet et c'est ce que je leur ai dit, très directement. La commission doit cesser de faire la meneuse de claque et exercer le leadership que l'on attend d'elle pour régler les problèmes.
Le processus qui a été approuvé et signé en 1992 tenait compte de tous ces problèmes. Le Canada, la Colombie-Britannique et les Premières Nations avaient alors formulé et approuvé 19 recommandations. Ceci était annoncé depuis des années, mais personne n'a fait le travail.
La commission des traités était censée être la gardienne du processus, mais elle n'en a rien fait. Alors, en plus de renouveler la politique globale des revendications de 1986, le sommet réunissant le Canada, la Colombie-Britannique et les Premières Nations doit veiller à ce que la commission des traités laisse tomber ses pompons et ses épaulettes, et se fasse la gardienne indépendante et impartiale du processus, ce qu'elle n'est pas à l'heure actuelle.
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Bonjour. Merci beaucoup de m'avoir invitée pour vous parler de cette très importante question.
J'aimerais d'abord souligner la présence de mes collègues, M. Dave Haggard, commissaire nommé par notre gouvernement à la Commission des traités de la Colombie-Britannique, et M. Mark Smith, notre directeur des processus, qui fournit conseils et direction aux diverses tables de négociation.
Je veux aussi saluer nos collègues et amis qui nous ont précédé, et, en particulier, le grand chef Doug Kelly et le chef Joe Hall. J'ai travaillé avec ces deux messieurs pendant de très nombreuses années.
Malgré le portrait de la commission et de la commissaire en chef qu'a pu vous brosser le grand chef Kelly, je ne viens pas ici avec des pompons et des épaulettes. Je prends très au sérieux le rôle qui incombe à la Commission des traités de la Colombie-Britannique, soit celui de gardien du processus.
Mon exposé se divise en trois. Je veux d'abord vous donner un aperçu de la commission. Je ne sais pas où vous en êtes là-dessus, mais j'essaierai d'amener tout le monde au même niveau.
Je veux aussi parler des principes sur lesquels repose la création du processus des traités propre à la Colombie-Britannique. Je souhaite ensuite vous expliquer les politiques concrètes dont dispose la commission, politiques qui président à toutes nos négociations.
En dernier lieu, je parlerai du cas particulier des Yale, l'objet de votre rencontre d'aujourd'hui. J'estime qu'il est important de bien cerner les assises sur lesquelles se fonde notre position au sujet du traité de Yale.
Avant tout, n'importe quelle Première Nation a le droit de signer un traité avec le gouvernement du Canada. Notre constitution reconnaît ce droit, et stipule que les droits autochtones peuvent être acquis par les revendications territoriales modernes prévues aux termes du paragraphe 35(3). C'est là l'objectif du processus des traités propre à la Colombie-Britannique, dont le Canada est l'un des trois grands participants.
J'étais là aussi, avec mes anciens collègues le grand chef Doug Kelly et le chef Joe Hall, en 1992, lorsque cela a été créé. Je suis l'une des signataires de ces documents. En d'autres mots, je boucle la boucle.
L'intention est la négociation de traités justes et honorables avec les Premières Nations de la Colombie-Britannique. C'est aussi l'objet du travail de la Commission des traités, c'est la raison pour laquelle la commission a été créée, soit de surveiller le processus des traités propre à la Colombie-Britannique, de se faire la gardienne du processus.
Le processus des traités de la Colombie-Britannique est un ensemble extrêmement complexe de négociations constitutionnelles, juridiques et politiques qui regroupe 60 tables distinctes. Les négociations touchent 120 bandes indiennes, car nombre de tables rassemblent plus d'une bande.
Chaque série de négociations réunit trois parties distinctes. On y traite d'importants transferts de terres et d'argent, de dispositions complexes en matière d'autonomie gouvernementale, de questions financières ainsi que des droits et de la gestion relatifs à certaines ressources telles que le poisson, les forêts et la faune. S'ajoute à tous ces enjeux complexes la question des revendications entre les Premières Nations elles-mêmes en ce qui concerne les terres qui se chevauchent ou qui sont partagées.
Bien que la question des terres qui se chevauchent ou qui sont partagées ait suscité de plus en plus d'attention au cours des dernières années, le problème ne date pas d'hier. Ces revendications faisaient déjà partie du processus lorsque ce dernier a été instauré, en 1992, lorsque le Canada l'a signé, lorsque nous l'avons tous signé. Les principes établis alors pour régler ces problèmes sont encore bien en selle aujourd'hui.
Les principes du processus de négociation des traités propre à la Colombie-Britannique découlent d'une entente conclue entre un sommet des Premières Nations représentant l'ensemble de celles qui souhaitaient trouver des solutions par le biais d'un processus d'établissement des traités, le gouvernement du Canada et la Colombie-Britannique. Le gouvernement du Canada a souscrit en septembre 1992 à ce processus unique particulier à la Colombie-Britannique.
J'insiste là-dessus: le processus est propre à la Colombie-Britannique. En tant que tel, l'établissement des traités en Colombie-Britannique est différent des processus qu'utilisent les autres provinces et territoires pour régler les questions de droits autochtones.
Bien que la recommandation sur ce qui se passe à l'échelle nationale au sujet de la politique globale de revendications aura un certain effet, cela n'enlève rien à l'intention sur laquelle se fonde le processus des traités propre à la Colombie-Britannique.
Le rapport du groupe de travail sur les revendications de la Colombie-Britannique a mené à la création de ce processus. Le rapport fait état d'un certain nombre de principes de base et interreliés ayant trait au règlement des chevauchements. La recommandation numéro un stipule que le processus doit s'appuyer sur des négociations politiques.
Le processus est offert à toutes les Premières Nations de la Colombie-Britannique, et elles ont convenu que chacune d’entre elles déciderait de la façon d’organiser les négociations. Ce sont les recommandations 6 et 7.
Les Premières Nations sont les principales responsables du règlement des questions relatives au recoupement ou au partage des territoires. C’est la recommandation 8.
Les parties et les tribunaux reconnaissent que la résolution des conflits en matière de recoupement par les Premières Nations est plus efficace. Elles doivent conserver cette responsabilité; le gouvernement du Canada et la commission des traités peuvent et doivent appuyer les efforts de résolution de conflits des Premières Nations. Toutefois, les problèmes de recoupement non réglés ne donnent pas lieu à l’intervention du gouvernement, n’empêchent pas de conclure des accords définitifs et ne confèrent pas le droit de veto aux Premières Nations voisines. De plus, le concept du droit de veto n’est pas appuyé par le plus haut tribunal du Canada.
Dans l’arrêt Nation haïda c. Colombie-Britannique (ministre des Forêts) rendu en 2004, la Cour suprême a traité du concept du droit de veto dans le contexte des décisions de la Couronne pouvant avoir une incidence sur les Premières Nations dont les revendications ne sont pas prouvées, comme c’est le cas avec le recoupement des revendications dans le cadre du processus de négociation des traités de la Colombie-Britannique. Le paragraphe 48 énonce que:
Ce processus [de consultation et d’accommodement] ne donne pas aux groupes autochtones un droit de veto sur les mesures susceptibles d’être prises à l’égard des terres en cause en attendant que la revendication soit établie de façon définitive. Le « consentement » dont il est question dans Delgamuukw n’est nécessaire que lorsque les droits invoqués ont été établis, et même là pas dans tous les cas. Ce qu’il faut au contraire, c’est plutôt un processus de mise en balance des intérêts, de concessions mutuelles.
Le fait d’exiger que les questions de recoupement soient réglées avant de conclure des accords ou de demander le consentement des Premières Nations voisines sur le traité définitif d’une autre Première Nation leur donnerait un droit de veto sur le traité, ce qui donne lieu à une situation jugée intenable par les tribunaux. Le droit de veto est un concept radical qui va à l’encontre des principes juridiques, des principes fondamentaux du processus des traités et du droit des Premières Nations de conclure des traités modernes.
Certaines Premières Nations ont fait référence aux dispositions de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones portant sur le « consentement préalable — donné librement et en connaissance de cause — des peuples autochtones concernés » pour appuyer le concept du droit de veto sur les terres assujetties à un recoupement des revendications. La déclaration contient de nombreux articles qui appuient le principe de l’autodétermination, un principe de base du processus des traités de la Colombie-Britannique, et d’autres qui font la promotion de mécanismes étatiques comme le processus des traités pour protéger et renforcer les droits des Premières Nations.
L’article 45 de la déclaration énonce que:
Aucune disposition de la présente Déclaration ne peut être interprétée comme entraînant la diminution ou l’extinction de droits que les peuples autochtones ont déjà ou sont susceptibles d’acquérir à l’avenir.
Le fait d’accorder un droit de veto aux Premières Nations sur le recoupement des revendications irait à l’encontre de cet article et enlèverait le droit aux Premières Nations de conclure un traité moderne avec le gouvernement du Canada.
Il est très difficile de tenir cette discussion étant donné qu’elle va au-delà de la politique et de la philosophie; on parle ici de personnes qui pourront continuer de partager un territoire au fil du temps. Toutefois, il faut continuer de trouver des façons de collaborer pour y arriver, et non pas attendre que d’autres les trouvent pour nous. Il faut les trouver nous-mêmes, en tant que Premières Nations.
J’aimerais maintenant parler des mesures prises par la commission des traités puisque, comme d'autres l'ont fait valoir, l’idée de régler ces revendications est sur la table depuis le début.
Comme l’énoncent le rapport du groupe de travail et l’entente de 1992, la commission est responsable de recevoir les déclarations d’intention des Premières Nations, notamment les cartes désignant leurs territoires traditionnels. Les déclarations d’intention constituent le fondement de la négociation des traités avec les Premières Nations. Le rôle de la Commission des traités de la Colombie-Britannique n’est pas d'établir les frontières des territoires traditionnels. En vertu de l'accord de la Colombie-Britannique, les Premières Nations sont uniquement tenues d’identifier la zone géographique générale de leurs territoires traditionnels dans les déclarations d’intention. Le processus de négociation des traités de la Colombie-Britannique a été mis sur pied à titre de processus politique délibéré n'exigeant pas de preuve de revendication ou de territoire pour faciliter l’accès à toutes les Premières Nations. Les Premières Nations ont pris part à cette décision et à la création du processus, et nous devons en tenir compte.
Comme l'énonce la recommandation 8 du rapport du groupe de travail, les Premières Nations sont les principales responsables du règlement des questions relatives au recoupement ou au partage des territoires. En vertu du processus de négociation des traités de la Colombie-Britannique, les questions de recoupement doivent être réglées par une entente de principe. Les politiques et procédures de la commission des traités énoncent les étapes que doivent suivre les Premières Nations pour régler tout problème en matière de recoupement avec les Premières Nations voisines. Notre politique se centre sur l'établissement de processus de règlement des problèmes de recoupement entre les Premières Nations: elles doivent faire état des progrès relatifs aux processus à la commission, qui en avisera les parties, et prendre toutes les mesures nécessaires pour résoudre les différends. Au fil des négociations, les Premières Nations doivent mettre en oeuvre les processus convenus pour régler les problèmes de recoupement.
La commission des traités offre des conseils et des ressources, et aide les parties à obtenir des services de règlement des différends au besoin. Au cours des dernières années, la commission a été très active et a facilité le règlement des différends en matière de recoupement et de partage des territoires. À l'heure actuelle, elle aide plusieurs Premières Nations à régler ces questions, avant qu'elles ne signent leurs accords.
Notre commission et les négociateurs du gouvernement fédéral encouragent les Premières Nations à aborder ces questions le plus tôt possible. La commission des traités a recommandé au gouvernement du Canada de présenter des offres financières et foncières plus tôt dans le processus pour aider les Premières Nations à régler les questions de recoupement.
La politique de la commission est axée sur les efforts raisonnables, et elle soutient ces efforts par l'entremise de la facilitation active et de l'offre de ressources. Si ces efforts n'ont pas permis de régler les problèmes de recoupement avant l'achèvement du traité, celui-ci doit être signé. Les problèmes seront réglés par le libellé non dérogatoire du traité, et par d'autres processus, comme le recours aux tribunaux, au besoin. Ce n'est pas ce que l'on souhaite, mais c'est parfois nécessaire.
Dans le cas de la Première Nation de Yale, la commission des traités est d'avis que l'accord définitif doit suivre rapidement le processus parlementaire. Nous sommes heureux de voir que le gouvernement du Canada va de l'avant malgré la complexité des questions relatives au recoupement et au partage des territoires avec ses voisins les Stó:lo.
Ces questions sont importantes, c'est pourquoi la commission et le médiateur Vince Ready ont pris des mesures de facilitation pour tenter de les régler. Toutefois, comme certains l'ont décrit ce matin, ces efforts n'ont pas permis de régler les différends. Le traité de Yale doit être conclu. La Première Nation de Yale et la Nation des Stó:lo ont fait de leur mieux pour régler les questions, mais elles sont dans une impasse. Toutefois, le recoupement des revendications ne peut donner lieu au droit de veto d'une Première Nation sur une autre quant à la possibilité de conclure un traité moderne, de se libérer des contraintes imposées par la Loi sur les Indiens et d'améliorer le niveau de vie de ses membres.
L'accord définitif de la Première Nation de Yale doit être présenté au Parlement au cours de la présente session. Les deux autres parties attendent la conclusion du processus parlementaire fédéral depuis qu'il a été adopté par la Première Nation de Yale en mars 2011 et par l'Assemblée législative de la Colombie-Britannique le 2 juin 2011. Ce délai est trop long, étant donné le temps et les ressources investis par toutes les parties pour conclure les négociations et leur volonté de les mener de bonne foi.
Merci beaucoup.
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Bien sûr. Nous pouvons également lui remettre une copie de notre dernier rapport trimestriel, qui vient tout juste d'être publié.
La toute première recommandation porte sur un point dont nous avons parlé lorsque nous sommes venus à Ottawa au cours des deux dernières années.
En passant, quand j'ai été nommée commissaire en chef en 2009, les visites dans la capitale sont immédiatement devenues une priorité. En fait, notre toute première rencontre était avec les membres du Comité permanent des finances avant le dépôt du budget pour discuter de l'investissement dans le processus fait par chacun de nous en tant que Canadiens et de la nécessité de commencer à le rentabiliser en concluant des traités et en mobilisant la capacité des Premières Nations pour en faire d'importants moteurs économiques au pays.
Nous avons répété qu'il est nécessaire d'avoir une directive qui porte spécifiquement sur l'article 35 de la Constitution canadienne, la loi suprême du pays. Il ne fait aucun doute que nous avons besoin d'un leadership provenant directement du cabinet du premier ministre pour appuyer le passage concerné.
Nous avons constaté qu'on oubliait dans les divers ministères que le processus est directement issu de la Constitution parce que tout le monde le percevait comme un programme. À vrai dire, les politiques de Parcs Canada ne remplacent pas la Constitution. Ses représentants doivent participer aux négociations, ce qu'ils ne faisaient pas parce qu'ils croyaient que leur loi l'emportait sur celle des Affaires indiennes, ce qui est probablement vrai, mais elle ne l'emporte pas sur l'article 35 de la Constitution.
C'était notre première recommandation: nous avons besoin d'une directive du premier ministre sur l'article 35. Quand nous avons rencontré les représentants de Parcs Canada, de la Défense et d'autres ministères, nous leur avons demandé comment ils s'assurent que le gouvernement fédéral assume ses responsabilités en vertu de l'article 35. On ne leur avait pas posé la question depuis très longtemps.
Deuxièmement, certaines Premières Nations vont « renouveler » leur traité. Nous savons que pas plus tard que l'an dernier, le gouvernement fédéral a participé à un processus d'évaluation, et les Premières Nations commencent à avoir du mal à contenir leur frustration. Nous avons besoin d'une stratégie de sortie. À l'heure actuelle, soit qu'on négocie, soit qu'on a accumulé une dette de 10 millions de dollars, et tout le monde se retrouve dans ce qui peut sembler être une impasse. Les membres de la Première Nation sont frustrés parce qu'on ne discute pas des mandats qu'ils veulent obtenir de la part des gouvernements fédéral et provinciaux et qu'ils ne peuvent donc pas aller de l'avant. Nous avons besoin d'une stratégie pour nous sortir de cette situation. Nous devons sérieusement y penser.
Nous avons maintenant l'occasion de parler de certains des problèmes relatifs aux mandats qui nuisent au processus, comme ceux qui sont liés aux revenus autonomes. La dernière fois que nous étions ici, je crois que nous avons expliqué pourquoi les revenus autonomes sont si importants et pourquoi nous devons en parler. Cela dit, le gouvernement fédéral ne veut pas aborder le sujet pour le moment. Ce n'est pas vraiment ainsi que l'on mène des négociations.
Il y a des raisons pour lesquelles nous devons discuter de nouveau des revenus autonomes, comme ceux issus des pêches... Nous n'avons pas eu de mandat à cet égard depuis ma nomination, voire quelques années avant. Nous en avons besoin d'un. Il faut également discuter d'autres sources de revenus, comme les revenus fiscaux. Il s'agit de questions sur lesquelles nous devons nous pencher de nouveau à tête reposée, si je puis m'exprimer ainsi. Nous avons d'ailleurs une équipe qui travaille actuellement sur ce dossier.
Le gouvernement fédéral a également dit que des mots comme « certitude », « extinction » et autres termes semblables... quand nous avons commencé, on a mentionné qu'il n'allait pas en être question. Nous en parlons pourtant et nous avons été capables de trouver des solutions. Nous proposons de donner à notre groupe de travail technique l'occasion d'examiner d'autres questions comme celles liées à la fiscalité, aux revenus autonomes, aux pêches et ainsi de suite.
La dernière recommandation concernait des mesures provisoires. Les Premières Nations qui poursuivent des négociations depuis 18 ou 20 ans doivent obtenir plus d'avantages. Le gouvernement fédéral doit participer aux démarches en ce sens, ce qui n'est pas le cas en ce moment.
C'était les quatre recommandations.
Excusez-moi d'avoir pris autant de temps pour en parler. Je me laisse un peu emporter quand j'aborde le sujet.